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NetWORK Appel à projets Le Noyau d’excellence thématique sur le travail NetWORK est un réseau financé par la COMUE (ex-PRES) héSam-Université. NetWORK a pour vocation de fédérer dans des actions communes les équipes des établissements d'héSam-Université conduisant des recherches dans le champ du travail. Il s'agit d'un réseau ouvert. Tous les enseignants-chercheurs ou chercheurs d’un établissement de la COMUE qui souhaitent y contribuer le peuvent. NetWORK a vocation à soutenir des activités de recherche transverses aux équipes de la COMUE, dans le champ du travail. Dans ce cadre, NetWORK lance un appel à projets de recherche. Ces projets doivent s'inscrire dans des axes thématiques et développer certaines questions transversales. Axes et questions sont présentés plus loin. 1. CONDITIONS GÉNÉRALES • Eligibilité Un projet de recherche est éligible au financement par NetWORK s’il répond aux cinq règles suivantes. Il doit : NetWORK – Appel à projets - 1 -

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NetWORKAppel à projets

Le Noyau d’excellence thématique sur le travail NetWORK est un réseau financé par la COMUE (ex-PRES) héSam-Université. NetWORK a pour vocation de fédérer dans des actions communes les équipes des établissements d'héSam-Université conduisant des recherches dans le champ du travail. Il s'agit d'un réseau ouvert. Tous les enseignants-chercheurs ou chercheurs d’un établissement de la COMUE qui souhaitent y contribuer le peuvent.NetWORK a vocation à soutenir des activités de recherche transverses aux équipes de la COMUE, dans le champ du travail.Dans ce cadre, NetWORK lance un appel à projets de recherche. Ces projets doivent s'inscrire dans des axes thématiques et développer certaines questions transversales. Axes et questions sont présentés plus loin.

1. CONDITIONS GÉNÉRALES• EligibilitéUn projet de recherche est éligible au financement par NetWORK s’il répond aux cinq règles suivantes. Il doit :

1. s’inscrire dans l’un (au moins) de ses axes thématiques (Qualité du travail et de l’emploi/Mobilisation du travail/ Numérique et travail)

2. traiter en partie une question transversale de NetWORK (Représentations du travail et réflexivité/Régulation, interaction et subjectivité/Genre, diversité et discrimination)

3. être porté par un membre d'une équipe de NetWORK4. représenter au moins deux établissements d'héSam-Université5. comporter des contributions d’au moins trois disciplines différentes

Les projets peuvent faire l’objet de financements complémentaires. Les porteurs de projets financés s’engagent à participer au séminaire du réseau et à y présenter leurs travaux.

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• Format et dépôtLe projet devra comporter 5 pages maximum, incluant une proposition scientifique et un budget prévisionnel, plus 2 à 3 pages maximum de bibliographie. Les dépenses éligibles sont décrites dans le document joint.Le dossier doit être envoyé au plus tard le 15 juin 2014, sous forme électronique au format .pdf (un seul fichier portant le nom du candidat) au coordonnateur de NetWORK, Pierre Falzon ([email protected]).• Durée des projetsLes projets devront être réalisés entre juillet 2014 et décembre 2015. Aucune dépense ne sera possible en 2016.• Modalités de sélection des projets de recherche financés Les propositions de projets de recherche seront évaluées en double aveugle par des évaluateurs extérieurs qui remettront un rapport écrit. Le comité de pilotage choisira parmi les projets soumis, sur la foi des rapports d’évaluation. Si un membre du comité de pilotage est également membre d’un projet de recherche soumis, il ne participera pas au vote. Les projets seront évalués pour le 15 juillet, et pourront démarrer aussitôt ou en septembre 2014.

2. AXES THÉMATIQUESTrois axes thématiques sont proposés.

1.1. Qualité de l'emploi / qualité du travail

La qualité du travail est devenue un enjeu essentiel dans nos sociétés. Elle se définit en référence à la fois aux conditions de travail et aux conditions d’emploi, dans leurs dimensions aussi bien objectives que subjectives (ces dernières renvoyant aux perceptions par les travailleurs de leurs situations), conditions qu’il convient de saisir dans la dynamique historique de leur mobilisation par les acteurs sociaux. Les conditions de travail renvoient à l’activité de travail : sa matérialité, sa temporalité (durée ; horaires décalés, variables ou fixes ; travail de nuit, etc.), son intensité, son intérêt (pour le travailleur), sa pénibilité voire sa dangerosité. Les conditions d’emploi renvoient à la relation d'emploi, à ses modalités contractuelles et aux garanties statutaires qui y sont associées : la rémunération, les garanties en termes de durée et de sécurité, ainsi que tous les droits associés à l’emploi (congés de différentes natures, couverture sociale, etc.). On doit y ajouter aussi les opportunités de formation et de progression de carrière, et, au-delà de la rémunération stricto sensu, les différentes formes de reconnaissance (monétaire ou symbolique). Cette perspective renvoie aux débats et recommandations relatifs aux options adoptées par les grands organismes internationaux. Qualité du travail et/ou qualité de l’emploi sont ainsi, depuis quelques années déjà, au cœur de l’agenda public, du moins au niveau des discours. Le Bureau International du Travail appelle au développement d'un travail décent, en mettant l’accent sur quelques exigences élémentaires (respect des principes et droits fondamentaux au travail ; possibilités d’emploi et de rémunération ; protection et sécurité sociales ; dialogue social et tripartisme). Quelques travaux de comparaison internationale ont permis de tester l’intérêt mais aussi les limites de cette approche, notamment à partir du cas du temps de travail, des relations de travail ou de la protection sociale. La commission européenne, pour sa part, a inscrit la « qualité de l’emploi » (« employment quality ») dans les objectifs de ses lignes directrices. Elle aborde cette notion à partir d’une perspective beaucoup plus « macro »

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(la notion d’« employment » dépassant celle de « job ») - et repose sur des indicateurs qui permettent de comparer les pays entre eux – mais non exempts de présupposés politiques.

L’entrée par la thématique de la « qualité du travail » amène concrètement à remettre en cause une première (fausse) opposition : la qualité ne s’oppose pas à la performance. L’affirmer suppose, certes, de spécifier ce que recouvrent ces deux notions, les enjeux et la portée de leurs usages dans la durée. Au-delà des préoccupations de « qualité de vie au travail », l’approche par la « qualité du travail » relie santé et bien-être du travailleur d’une part, et efficience du travail, d’autre part, dans une démarche qui interroge la notion même de performance. Il convient en effet d’interroger les transformations du travail, non pas simplement en termes de performances individuelles, organisationnelles ou économique, mais en intégrant aussi les questions de coûts liés, que ceux-ci soient subjectifs ou sociaux, pour déboucher sur une conception élargie de la notion de performance. Sur un même registre, la qualité de l’emploi a ainsi des impacts sur la performance du travail, la stabilité étant davantage garante de l’efficacité. En d’autres termes « qualité du travail » et « travail de qualité » (i.e. « efficace », « performant ») loin d’être antinomiques, semblent au contraire aller de pair.La question du travail de qualité renvoie directement à celle de la reconnaissance de ce travail, en terme de rémunération, mais aussi bien au-delà, impliquant la mobilisation de plusieurs registres de temporalités. Elle pose en effet la question du statut du travail comme valeur et comme enjeu public, qu’il s’agisse du rôle de l’expérience de travail dans les processus de socialisation et de construction des identités, de son articulation complexe aux lieux et moments du non-travail ou celle des liens entre démocratie et relations de travail, au niveau des entreprises comme au niveau de la société salariale à l’ère de l’Etat social. Au niveau « micro » comme au niveau « macro », la « démocratie sociale » - i.e. la détermination démocratique d’un ensemble de règles encadrant à la fois les conditions d’exercice du travail et ses modalités de « reconnaissance » (sa valeur) – sont des facteurs essentiels à la fois de la « qualité du travail » et du « travail de qualité ».

Une seconde opposition - travail/environnement du travail - a fait aujourd’hui long feu. Nombre de recherches sur la qualité du travail y ont contribué. On pense en particulier aux analyses sur le « travail soutenable », qui aident à réfléchir sur les conditions qui permettent non seulement de préserver les capacités de travail de tous dans les meilleures conditions possibles, mais aussi de réussir et d’apprendre, ces deux derniers objectifs contribuant eux aussi à la qualité du travail. Une telle perspective invite plus encore à adopter une approche longitudinale s’intéressant aux parcours professionnels tout au long de la vie. Du niveau le plus micro (celui du poste de travail) au niveau macro des systèmes de régulation du marché du travail et de protection sociale, la question de la qualité du travail renvoie alors à celle des « environnements capacitants » (enabling environments). Dans la lignée de l’approche d’A. Sen en termes de « capabilités » (capabilities) et d'émancipation (empowerment), ces derniers peuvent être définis comme l’ensemble des conditions permettant à l’individu d’entretenir tout au long de sa vie notamment ses capacités productives mais aussi d’autonomie et de bien-être. Ceci renvoie plus largement à l’analyse des déterminants des trajectoires individuelles et à la question de la sécurisation des parcours tout au long de la vie (en incluant les deux phases de transition particulière que sont l’entrée et la sortie de la vie active). Depuis la seconde moitié des années 1990, de nombreux travaux ont porté sur les possibilités de conciliation de la flexibilité des systèmes d’emploi et de la sécurité des individus tout au long de leur vie professionnelle. Ceci ne passe pas seulement par des réponses juridiques – pour redéfinir notamment le lien entre statuts d’emploi et protection sociale - mais aussi, par des politiques,

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au niveau des entreprises comme des pouvoirs publics, de professionnalisation et de formation (« tout au long de la vie »).

1.2. La mobilisation du travail

La question de la mobilisation du travail renvoie à une dimension "macro" - les formes de structuration et les modalités de fonctionnement des "marchés du travail" - et une dimension plus "micro" - au niveau des collectifs de travail, les façons d'organiser, de motiver et de rémunérer (pas seulement sous forme monétaire) les travailleurs. La question renvoie aussi à l'articulation de temporalités multiples, à court, moyen et long terme.L'articulation de ces niveaux d'analyse est au cœur de ce deuxième axe de recherche. Elle est en effet centrale pour la fructification du croisement des regards disciplinaires.Comme pour les autres axes thématiques, la comparaison internationale, sans être une exigence systématique, joue un rôle important. D'un point de vue analytique, elle aide à mieux comprendre, par contraste ou proximité, les mécanismes à l'œuvre dans le contexte français. D'un point de vue empirique, elle permet d'éclairer dans la durée la question des spécificités françaises, et de contribuer ainsi à éclairer l'action publique.Déconstruisant la notion de "marché du travail", à la fois impropre et incontournable, les recherches développées dans le cadre de cet axe pourront revisiter des questions classiques pour apporter de nouveaux éclairages y compris rétrospectifs (historiques). Plusieurs thématiques s'articulent ici de façon étroite, que l'on ne peut que mentionner brièvement : l'analyse des modalités (y compris dans leurs variantes les plus contraignantes) de mobilisation de la main d'œuvre (dont le salariat n'est qu'une forme, elle-même très diverse), de leurs origines et leurs évolutions, notamment dans des espaces géographiques peu étudiés jusqu'ici ; l'étude des nouvelles formes de segmentation du marché du travail saisies aussi bien du côté des pratiques d'entreprises que des mobilités et/ou situations des travailleurs ; l'exploration des nouvelles inscriptions institutionnelles du travail, qui non seulement contribuent à éroder la distinction fondamentale entre contrat de travail et contrat commercial, mais qui interrogent aussi la frontière même entre travail et non- travail ; l’analyse des formes d’emploi proposés, et les modalités pratiques d’articulation travail / hors-travail qu’elles génèrent, avec des effets genrés souvent négligés.. Mobiliser le travail c'est, à la base, l'organiser. La vision longtemps dominante d'une succession linéaire de formes de division du travail (le tayloriano-fordisme, le toyotisme etc.) suivant le cycle de leur performance productive et de leur épuisement est aujourd'hui largement mise à mal. Non seulement différentes formes peuvent cohabiter mais elles peuvent s'hybrider assez largement. En complémentarité étroite avec les deux autres axes thématiques, les recherches pourront ici s'attacher à mieux saisir l'ancrage des nouvelles formes d'organisation du travail, qui s'articulent de façon étroite avec ses nouvelles inscriptions institutionnelles (en premier lieu juridique, mais pas seulement), et qui interrogent par là en même temps la délimitation des périmètres des collectifs de travail. Mais on ne saurait en rester à la dimension prescriptive de l'organisation. Travailler en organisation consiste en effet d’abord et essentiellement à coopérer avec des tiers. La confusion est très grande sur les différentes acceptions théoriques et pratiques de la coopération. La nécessité de recréer des espaces de dialogue et d’échanges semble aujourd'hui plus forte que jamais. Toute une série de dispositifs sont à l’honneur pour tenter de recréer du partage (réseaux sociaux d’entreprises et applications 2.0, pratique de sessions de créativité - co-design…-, réaménagement de l’architecture intérieure, etc.) dont on doit analyser les origines, les modalités et les effets.Beaucoup explorée par diverses disciplines, mais de façon éclatée et parcellaire, et donc finalement encore peu et mal saisie, la question de la reconnaissance au travail est cruciale. La rémunération monétaire, qui connaît elle-même des transformations importantes, en est une

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composante, mais pas la seule, surtout dans la longue durée et au niveau mondial. Un chantier pour les années à venir est de mieux saisir empiriquement les composantes et les enjeux de la reconnaissance dans et par le travail. Cette dimension de la reconnaissance doit évidemment prendre en compte les différents profils de main d’œuvre, afin d’articuler les relations de pouvoir au sein des entreprises et en dehors, afin de mieux éclairer les inégales distributions de cette reconnaissance à travail égal selon les sexes, les statuts juridiques (nationaux, immigrés, étrangers), mais également les mobilisations collectives de groupes minorisés pour cette reconnaissance (lutte des femmes pour leurs droits et récemment l’accès aux postes de pouvoir, lutte des travailleurs immigré-e-s pour un travail décent et/ou l’obtention de papiers régularisant leur situation).S'interroger sur la mobilisation du travail, c'est enfin analyser les acteurs de cette mobilisation. Le management est aujourd'hui en crise, évoqué de manière omniprésente mais souvent délégitimé. Il est pris en tenaille entre les injonctions contradictoires du contrôle et de la communication. Il voit son pouvoir s'éroder, au niveau intermédiaire du fait des processus de rationalisation ("lean", recours à l'informatique), au niveau supérieur du fait des restructurations et de la montée des groupes laissant souvent peu d'autonomie à l'entreprise. Il convient donc de s’intéresser au management comme constituant lui-même un « travail »», et de genrer l’approche de ces ingénieurs et cadres, les effets de la féminisation de l’encadrement sur la relation hiérarchique restant encore à explorer. Certains avancent que les femmes managers seraient plus à l’écoute et moins autoritaires que leurs confrères, un « management au féminin » étant plus adapté aux évolutions des entreprises actuelles ; d’autres qu’il n’y pas de manière « féminine » de restructurer les entreprises ou de licencier quelqu’un ; qu’en est-il en pratiques ?. Côté travailleurs, il importe de considérer au plus près les effets déstabilisateurs des évolutions en cours sur les acteurs collectifs afin d’en cerner les spécificités inédites dans le temps long des mobilisations. La question concerne au premier chef les syndicats, car l'émergence d'autres acteurs sur leurs terrains privilégiés concourt à une redéfinition, pas forcément sans précédents, de leurs objectifs, modes et périmètres d’intervention dans le monde du travail comme sur ses marges.

1.3. Le travail en prise avec l’automatisation et le numérique

Il n’est pas un poste de travail qui ne soit pas aujourd’hui profondément impacté par le développement des applications informatiques que celle-ci relèvent de l’automatisation des processus ou de l’utilisation de systèmes de communication interpersonnels et de diffusion d’informations destinées à l’interne comme à l’externe. Mais quelle est la contribution réelle de ces applications à la performance interne et externe pour autant que celle-ci soit abordée de manière plurielle en tenant compte de l’appréciation de multiples parties prenantes ? Dans certains secteurs comme les centres d’appel, l’automatisation a plutôt eu pour conséquence de « détruire la valeur » en détruisant les dimensions relationnelles et immatérielles du service. Cette standardisation des interactions a généré une frustration généralisée des consommateurs vis-à-vis de ces nouvelles formes de relation client et un appauvrissement de la qualité du travail des opérateurs. Le déploiement des progiciels de gestion intégrés (PGI ; ERP en anglais) qui ont fait l’objet d’investissements considérables s’est souvent traduit par des dysfonctionnements organisationnels majeurs dans le secteur privé comme dans le secteur public. Quelle est la place du travail humain face à ces systèmes d’information ? Ne paye-t-on pas la difficulté à articuler les travaux théoriques souvent riches sur l’information et la numérisation en lien avec l’activité avec la double doxa de l’optimisation des processus (sous influence des dogmes financiers court-termistes) et de l’automatisation à tout prix (sous influence d’une certaine vision technocentrée) ?

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Ce ne serait cependant pas faire justice aux sciences pour l’ingénieur que d’ignorer le développement en leur sein d’une réflexion sur la place du travail humain au sein des systèmes de production, parallèlement à l’analyse critique du travail face aux nouveaux modes de production issue des SHS. Alors que, dans les années 1980, les sciences pour l’ingénieur imaginaient des systèmes de production automatisés et désincarnés, des travaux récents (comme ceux par exemple de l’Atelier de Réflexion Prospective FUTURPROD) montrent la nécessité de replacer le travail humain au centre du système de production, à travers les enjeux de la santé et sécurité au travail, du développement des compétences professionnelles, des dispositifs de collaboration homme-machine… Cette prise de conscience appelle une évolution des démarches de conception des systèmes de production, jusqu’alors avant tout focalisées sur la question de la performance et qui ne prenaient en compte les enjeux humains que dans une perspective curative a posteriori. On voit ainsi émerger de nouvelles logiques qui s’attachent à intégrer le travail humain dès l’expression des exigences, en vue par exemple d’améliorer la sécurité des opérateurs, de réduire les risques professionnels comme les risques technologiques, et ce pour dépasser les limites de la simple recherche non raisonnée de productivité : par exemple, il s’avère de plus en plus que les démarches actuelles de conception en termes de fonctionnalités ne conduisent pas systématiquement aux performances attendues. Pour autant, la conscientisation d’un manque n’implique pas que les sciences pour l’ingénieur soient suffisamment outillées pour le combler, tout comme on a pu reprocher aux SHS une analyse des systèmes de production parfois déconnectée des enjeux industriels. Analyser le travail en prise avec l’automatisation ne peut donc passer que par des fertilisations croisées entre champs disciplinaires.La question de l’automatisation n’épuise toutefois pas le débat sur les nouvelles relations entre travail et informatisation, en ce que cette dernière relève aussi aujourd’hui d’une autre dimension, désignée par le terme de « numérique ». La généralisation de la culture numérique correspond au fait que toutes les activités culturelles sont aujourd’hui médiatisées par des supports numériques qui introduisent de nouvelles modalités d’accès, de nouvelles pratiques de nouveaux modèles d’affaire. Le numérique n’est plus seulement un instrument il est devenu un milieu, un environnement qui conditionne les activités personnelles et professionnelles. Selon cet angle d’approche, le numérique n’est pas seulement une technologie au service de la technostructure, mais une ressource culturelle qui peut-être revendiquées par les salariés eux-mêmes comme permettant de développement de nouvelles pratiques plus proche de leur « activité réelle » et du sens de leur professionnalité. Ce troisième axe thématique privilégiera des approches pluridisciplinaires entres les SHS qui intègrent la dimension constitutivement instrumentale de l’activité (sciences de l’information, ergonomie, etc.) et les autres (sociologie, sciences de gestion, économie), ainsi qu’entre sciences de l’ingénieur et SHS.

3. QUESTIONS TRANSVERSALESTrois questions traversent ces thématiques, relatives 1/ aux représentations du travail et à la réflexivité, 2/ à la régulation, l’interaction et la subjectivité, 3/ au genre et à la diversité.

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1.4. Représentations du travail et réflexivité

Sous le vocable commun « travail », les individus autant que les chercheurs, placent de nombreuses significations : tâche, exécution, activité, profession, métier, vocation, fonction (poste), statut, contrat (CDI, CDD, intérim, temps partiel…), relations sociales, etc., avec leurs contreparties : chômage, formation, apprentissage, souffrance, accidents, maladies (professionnelles), précarité, etc. Cette liste non exhaustive pose effectivement la question des catégories de représentations que suscite le travail. Cette diversité des sens émerge probablement d’une dynamique complexe des représentations du travail : quelles dynamiques président à leur formation et manifestations ? Que disent ces représentations sur l’homme au travail ? Renvoient-elles à des références et des invariants communs ? Procèdent-elles de temporalités identiques ? Quels en sont les principaux marqueurs ? Quels ont été leurs facteurs d’évolution ? Quel rôle jouent les acteurs sociaux - hommes politiques, dirigeants et managers, syndicats, salariés, chômeurs, médias, mais encore intellectuels, artistes et chercheurs dans cette construction et sa diffusion ? Sous quelle(s) forme(s) (chiffrée, discursive, narrative, esthétiques, etc.) ? Par quels canaux (internet, réseaux sociaux, médias traditionnels, voie publique, enseignement, etc.) ? Qu’en est-il plus précisément de l’intervention des « scientifiques » et des différentes disciplines du travail ? A l’heure d’un monde largement ouvert, ces catégories de représentations sont-elles désormais empreintes ou hybridées d’une « culture européenne », voire « mondiale », donc uniformisée ? Dans cette dynamique, comment les représentations associées au travail circulent-elles entre différentes sphères (académique, entreprises, syndicats, administrations, politique, international) ? Quels sont leurs processus de légitimation et d’institutionnalisation (loi, hiérarchie, modèle, etc.) ? Et comment se joue alors la conflictualité inhérente à la coexistence des représentations ? La question se pose enfin de savoir comment les catégories de représentation du travail sont mobilisées dans le registre de l’action ou de la pratique. Une attention particulière peut être donnée aux catégories mobilisées par les décideurs (politiques, dirigeants, managers et actionnaires) : en quoi et dans quelle mesure constituent-elles des leviers d’action ? Pour quel(s) type(s) d’acteur(s) ? Dans quel(s) but(s) ? Quelles circonstances ? Dans quelle mesure ces catégories relèvent-elles, à l’heure d’un monde ouvert et interactif, d’une « culture européenne » ou « mondiale » en voie d’uniformisation ? Constate-t-on des divergences « nationales », « culturelles » ?S’ouvre alors aussi la question de la médiatisation de ces représentations par les instruments normatifs du monde du travail et plus précisément, les instruments comptables et financiers d’une part et juridiques d’autre part : comment se décident les représentations du travail sur lesquels ces derniers sont construits ? Quel est le rôle effectif de ces instruments ? Et comment proposer, sur la base de ces analyses, des pistes de transformation de ces derniers pour mieux ou différemment représenter et structurer le travail ? Quelle place tiennent, par ailleurs, les expériences vécues et transmises des acteurs, les imaginaires sociaux, leurs représentations symboliques qu’elles soient d’ordre artistique ou issues des mobilisations collectives ?Les sciences du travail produisent un savoir qu’elles destinent de façons différentes aux acteurs du monde du travail : dans certains cas, les chercheurs restent en retrait derrière les connaissances produites tandis que dans d’autres, l’implication normative est explicite (il s’agit de connaître pour proposer des changements opérationnels). Ce registre plus méthodologique ouvre à la question de la réflexivité des pratiques au sein de la communauté

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académique. Une collaboration interdisciplinaire ne peut qu’être intéressante pour dialoguer sur ce registre.

1.5. Régulation, interaction et subjectivité

La place du réglé et du géré dans l’efficacité productive est une question récurrente dans l’évaluation et la prescription des activités de travail. Avec la montée en puissance des industries de process, le vieux modèle taylorien de l’injonction à la soumission de normes préformatées avait déjà été battu en brèche au profit d’un modèle à même d’accueillir l’incertitude immanente à certaines activités productives, notamment les industries à risque. De ces façons de voir est restée aujourd’hui une partition qui oppose deux positions parfois très tranchées : d’un côté, ceux qui posent la norme comme une exigence absolue de la performance, de l’autre, ceux qui défendent l’autonomie comme une nécessité conditionnant la performance raisonnée. Le débat a d’abord gagné en complexité avec l’introduction de modèles fondés sur l’idée de mission à accomplir (en remplacement de pratiques guidées par un fil procédural). Cette nouvelle prescription pose au moins autant de questions qu’elle ne paraît en résoudre en s’appuyant sur un impératif de performance flexible. Première question : qu’en est-il de l’adéquation des ressources (matérielles, temporelles, cognitives…) dont disposent les salariés concernés pour adapter leurs pratiques aux finalités qui leur sont proposées ? Comme différentes études récentes le suggèrent, les réponses à cette question ont des implications directes sur le fonctionnement des collectifs de travail ainsi que sur les conditions de travail elles-mêmes. Le chantier, de ce point de vue, est à peine ouvert. Ce nouveau modèle normatif percute également les identités et les hiérarchies anciennes. En commandant l’implication subjective et créative dans des univers aux frontières statutaires de plus en plus mouvantes, celui-ci transforme-t-il les rapports de pouvoir ? De quelles manières et avec quelles implications ? . Ne sont-ce pas les identités et les cultures au travail qui sont directement perturbées ? Nous en sommes, sur ce plan également, aux premiers balbutiements de recherches collectives dont l’une des énigmes principales sera de comprendre ce que, au prisme de nos disciplines respectives, la demande massive de reconnaissance au travail peut signifier aujourd’hui.Le débat a gagné en complexité pour une seconde raison également. Travailler aujourd’hui signifie dans la majorité des cas travailler avec et sur autrui. On imagine aisément les implications normatives d’une telle évolution, qui se traduit de façons multiples : exigence de compétences relationnelles, invention de nouvelles formes de régulations autonomes et de contrôles, implication de l’affect dans l’acte de travail… On dispose, il est vrai, de travaux assez nourris dans certains secteurs de la relation de service (typiquement les activités d’accueil, d’aide, de care) mais il demeure par ailleurs de véritables terra incognita qui méritent d’être explorées en profondeur. On pense par exemple à toutes les activités liées au développement numérique (depuis la conception jusqu’aux transferts des connaissances). Quelles nouvelles régulations voit-on s’ébaucher là ? Quelles en sont les formes et les véritables originalités ?Deux dimensions supplémentaires méritent attention sur le terrain de la prescription. Le droit, bien évidemment, demeure une dimension cruciale dans les processus de mise en forme du travail (et de l’emploi). La connaissance de l'évolution historique des différentes sources de droit et des différents systèmes de soft law (chartes, règlements, intérieurs, codes de conduite, accords collectifs…) est un enjeu scientifique de premier ordre. A l’heure d’une certaine « glocalisation » des normes de travail, il est crucial de revenir sur les usages qu’en font les acteurs - DRH, managers, salariés, actionnaires, syndicalistes – du double point de vue de la

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production collective de normes et de la maîtrise de leurs ressources. Qu’en est-il ainsi de l’effectivité des règles collectives ? De l’articulation entre droits nationaux et « chartes » et « accords » internationaux » ? Du contournement des règles et leurs effets ?La dernière dimension est de nature plus réflexive. Les sciences du travail procèdent plus que d’autres de logiques d’intervention à travers la production d’un savoir qu’elles destinent de façons différentes aux divers acteurs du monde du travail : dans certains cas, les chercheurs restent en retrait derrière les connaissances produites tandis que dans d’autres, l’implication normative est explicite (il s’agit de connaître pour proposer des changements opérationnels). Ne faudrait-il pas travailler plus activement à une collaboration interdisciplinaire pour dialoguer sur ce registre, plus méthodologique, de la normativité ?

1.6. Genre, diversité et discrimination

Les questions du travail ou de la reconnaissance, indissociables des relations de subordination, de hiérarchisation et de domination qui régissent la condition salariale au sein de l’entreprise comme dans la société, se posent de manière distincte suivant l’âge, le sexe, l’origine, l’absence ou non de « handicaps » des travailleurs. Or, les sciences sociales du travail ont souvent tendance à réfléchir « comme si » les propriétés sociales du travailleur étaient neutres, ou n'étaient à introduire qu’au titre de « variantes » du modèle. Les organisations du travail peuvent être pensées, au contraire, sous l’angle des "régimes d'inégalités" (pour reprendre J. Acker), propres à éclairer comment la domination sociale par la qualification (le diplôme prestigieux) ou l'exclusion des seniors sont, par exemple, intériorisées et euphémisées en France, tandis que le racisme et le sexisme peinent à être pensés au sein même des espaces de travail. Pourtant, les entreprises et les administrations françaises s'emparent de ces questions, souvent à travers le registre de la « diversité » qui serait bonne pour la performance (en édictant des politiques d'égalité ou de diversité), de manière tardive par rapport aux pays anglo-saxons. Il nous paraît donc essentiel de croiser les questions de discriminations et de hiérarchisation des travailleurs dans nos questionnements, que ce soit au travers des axes thématiques (qualité de l’emploi/du travail, mobilisation du travail) ou des questions transversales (représentations du travail, régulation, interaction et subjectivité), ceci sans ignorer l’épaisseur historique des processus en cause dans les représentations du travail, la reconnaissance, la normativité ou la qualité du travail.

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