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1 Revue Construction Métallique RECONSTRUCTION DE LA PASSERELLE DU MOULIN À CHELLES GOURNAY – CHAMPS SUR MARNE – FRANCE par A. Garcia Garcia-Diego, F. Petruscu, M. Perrier 1 CENTRE TECHNIQUE INDUSTRIEL DE LA CONSTRUCTION MÉTALLIQUE Domaine de Saint-Paul, 78471 Saint-Rémy-lès-Chevreuse Cedex Tél.: 01-30-85-25-00 - Télécopieur 01-30-52-75-38 Construction Métallique, n° 4-2002 A. GARCIA GARCIA-DIEGO – Ingénieur, ARCORA F. PETRUSCU – Ingénieur, ARCORA M. PERRIER – Directeur de département, Ets J. RICHARD-DUCROS Photo 2 – Vue depuis la berge de Gournay Photo 3 – L’ancienne passerelle

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1

Revue

Construction

Métallique

RECONSTRUCTION DE LA PASSERELLE DU MOULIN À CHELLES

GOURNAY – CHAMPS SUR MARNE – FRANCE

par A. Garcia Garcia-Diego, F. Petruscu, M. Perrier

1

CENTRE TECHNIQUE INDUSTRIELDE LA CONSTRUCTION MÉTALLIQUE

Domaine de Saint-Paul, 78471 Saint-Rémy-lès-Chevreuse CedexTél.: 01-30-85-25-00 - Télécopieur 01-30-52-75-38

Construction Métallique, n° 4-2002

A. GARCIA GARCIA-DIEGO – Ingénieur, ARCORAF. PETRUSCU – Ingénieur, ARCORAM. PERRIER – Directeur de département, Ets J. RICHARD-DUCROS

Photo 2 – Vue depuis la berge de Gournay

Photo 3 – L’ancienne passerelle

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1. – INTRODUCTION

Lieu privilégié de promenade pour les habitants des communes riveraines, les bords deMarne sont l’objet d’aménagements paysagés dans le cadre de la mise en valeur desespaces naturels.

Fig. 1 – Plan de situation

Au droit des vestiges des arches d’un ancien moulin, une passerelle piéton avait été ins-tallée en 1937. À la suite des crues de novembre 1998, cette passerelle a été percutéepar une péniche ayant rompu ses amarres et a dû être condamnée.

Suite d’un appel d’offre, le projet proposé par le groupement Atelier Jacques Coulon –paysagiste, Coup d’éclat – concepteur lumière, et Arcora – bureau d’étude, a été retenu.

1,1. – Silhouette

La principale difficulté à surmonter venait de l’obligation de réemploi des deux piles enrivière et d’un aménagement minimal des culées permettant également de réaliser unemise en valeur des arches du vieux moulin.

La mise en œuvre d’une structure à hauteur variable permet d’obtenir le maximum detransparence transversale, d’autant plus qu’un chemin de promenade est aménagé sousl’ouvrage au droit de chaque culée.

Transversalement, l’inclinaison des garde-corps vers l’extérieur de l’ouvrage permetd’augmenter virtuellement le gabarit de passage.

1,2. – Équipements

Les garde-corps originaux sont constitués d’une large tablette en doussié (bois origi-naire d’Afrique de teinte brun doré) et d’un remplissage par caillebotis thermolaqué.

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Rubrique DESCRIPTION D’OUVRAGE 15

3

Le tablier, devant supporter un cheminement piéton et une piste cyclable, est constituéde deux platelages en lames d’Ipé séparés par une dalle en béton coulée sur bacs aciergalvanisé formant coffrage perdu et revêtue d’une résine de couleur verte.

La mise en lumière est réalisée par un éclairage linéaire indirect se reflétant en sous-face des garde-corps pour éclairer le plancher (tubes de 140 mm de diamètre suspendussous la tablette, en éléments de longueur pouvant atteindre 19 m).

Une signalisation complémentaire, constituée de plots autonomes extra-plats à deuxdiodes, est encastrée dans la dalle en béton centrale.

Six fourreaux en acier galvanisé, permettant le passage de divers réseaux, sont suspen-dus sous l’ouvrage.

1,3. – Couleurs

Le choix des couleurs s’est porté sur un vert pale pour la structure et un brun olive pourles éléments de remplissage, permettant ainsi une intégration parfaite dans le site.

1,4. – Caractéristiques principales

La nouvelle passerelle du moulin est un ouvrage de 108 m de longueur, portant surdeux piles en rivière. Elle comprend 3 travées de 34 m, 40 m puis 34 m de longueur.

D’une largeur utile de 3,5 m, la passerelle présente un platelage en bois pour la circula-tion des piétons et une zone centrale en béton revêtu de résine pour la circulation descycles et handicapés. Sa masse est de l’ordre de 200 tonnes.

Le dimensionnement de la structure a été effectué sous les conditions de charges sta-tiques permanentes et d’exploitation pour le type d’utilisation de la passerelle (piétons –cycles). Par ailleurs, en tenant compte des préconisations de l’Eurocode 1, une vérifica-tion du confort des usagers a été menée sur la base d’une réflexion décrite ci-dessousdans l’étude dynamique.

2. – CARACTÉRISTIQUES STRUCTURELLES

Le tablier

Le tablier est composé de quatre profilés reconstitués soudés à inertie variable et dedeux profilés de rive à inertie constante.

Les hauteurs des profilés varient de 1200 mm sur pile pour les éléments centraux,800 mm pour les éléments intermédiaires, à 500 mm aux extrémités sur culées. Les pro-fils de rive sont des laminés de 270 mm de hauteur constante.

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16 Rubrique DESCRIPTION D’OUVRAGE

4 Fig. 2 – Dispositions principales – Caractéristiques structurelles

Transversalement, ces poutres sont reliées par des traverses réalisées en poutrelleslaminées de 200 mm de hauteur, l’ensemble étant contreventé à l’aide de cornières.

Des appareils d’appuis en élastomère fretté constituent les appuis sur piles.

Fig. 3 – Coupe transversale sur piles

Le revêtement

Revêtement central

Il est réalisé par des bacs métalliques de 1,20 m par 5 m et de 12 cm de hauteur, utilisésen coffrage perdu, dans lesquels est coulée une dalle en béton, armé d’un treillis soudé,et revêtue d’une résine polyuréthane saupoudrée de corindon.

Fig. 4 – Coupe longitudinale sur partie roulante

STRUCTURE PLANPASSERELLE

ELEVATIONPASSERELLE

PLATELAGE PLAN

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Rubrique DESCRIPTION D’OUVRAGE 17

5

Revêtements latéraux

Ils sont réalisés à l’aide d’un platelage en lames de bois mis en place sur des lam-bourdes, elles-mêmes fixées par vis sur les semelles des poutres métalliques.

Les lames sont de 200 mm de largeur et de hauteur variable (35 ou 38 mm) de façon àréaliser un effet de crantage assurant un effet anti-glissement sur la passerelle.

Fig. 5 – Coupe longitudinale sur platelage bois

3. – ÉTUDE DYNAMIQUE

Le cahier des charges

À l’époque de l’élaboration du cahier des charges, les données normatives étaient quasi-ment inexistantes. De ce fait, le seul normatif auquel on peut se référer pour déterminerles critères de confort des utilisateurs est la norme ISO 2631-1 : «Vibrations et chocsmécaniques. Évaluation de l’exposition des individus à des vibrations globales du corps».Cette norme n’est pas spécifique aux passerelles. Elle s’applique surtout aux moyens detransport et aux bâtiments soumis à des vibrations issues des outillages mécaniques. Entenant compte de cette norme, il a été décidé de limiter la réponse en accélération de lapasserelle à 0,5 m/s2, ce qui conduirait à une sensation de léger inconfort.

Cette valeur de 0,5 m/s2 est définie comme une valeur efficace de l’accélération pondé-rée, c’est à dire une accélération moyenne sur un certain intervalle de temps et non uneaccélération de pointe.

La valeur efficace pondérée de l’accélération est donnée par l’expression suivante :

aw = � a2w (t)∆t� (1)

où aw est l’accélération pondérée en fréquence instantanée et T est la durée mesurée ensecondes [8].

Il ne s’agit donc pas de limiter la réponse de la passerelle à 0,5 m/s2 mais de pondérer laréponse de la passerelle selon la norme ISO 2631-1.

Les problèmes de vibrations des passerelles piétonnières sont considérés comme unétat limite de service (ELS) par les règlements normatifs [9]. Cette considération est prin-cipalement à l’origine du choix des cas de charges à considérer. Il est nécessaire d’éta-blir d’emblée l’usage de la passerelle pour exclure certains cas de charges, sans jamaisperdre de vue le confort des usagers.

Les actions susceptibles de déclencher des vibrations sont des sollicitations temporellespériodiques. Dans le domaine d’utilisation des passerelles, on trouve notamment lessollicitations provoquées par les piétons dans leur déplacement. Ces sollicitations ontd’autant plus d’importance que leurs caractéristiques oscillatoires sont proches des fré-quences propres des passerelles, ce qui peut provoquer des phénomènes d’oscillationsdans la structure.

12

n

Σ0

1

T

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18 Rubrique DESCRIPTION D’OUVRAGE

6

Les effets de la marche sont très variables selon les individus, leur poids, leur vitesse dedéplacement. Des études scientifiques (Bachmann, Rainer, etc.) ont été menées pourmodéliser la charge d’un piéton qui se déplace ([1] [2] [3] [6]).

Selon le type de déplacement, les différents cas de charges dynamiques envisagés sontles suivants :

Passage d’un seul piéton et de N piétons (un piéton par m2) ;

Course normale de un coureur et de plusieurs coureurs ;

Course rapide de un champion et de trois champions (un par m de largeur de passe-relle).

Dans l’étude qui suit, il a semblé plus judicieux d’examiner les cas suivants qui sontplus appropriés aux caractéristiques dynamiques de cette passerelle :

Cas 1 : Un piéton qui marche;

Cas 2 : Un péton qui court ;

Cas 3 : Un petit groupe de personnes qui marche en cadence;

Cas 4 : Passage d’une foule.

La méthode généralement utilisée pour modéliser ces charges tient compte du fait quetoute fonction périodique peut se représenter comme une série de Fourier 1. Les étudesscientifiques ont permis d’établir les valeurs des coefficients de Fourier calculés à partirde mesures faites par des essais.

Toutes les sollicitations se présentent sous la forme de :

– une composante constante de charge statique qui correspond au poids statique dupiéton,

– une partie variable dans le temps qui caractérise le type de déplacement, en ampli-tude et en fréquence.

Analyse dynamique

L’analyse dynamique débute avec une analyse modale. Il faut calculer les modespropres et les fréquences propres de la structure à travers l’équation :

(K – ω2M) . φ = 0 (2)

où K est la matrice de rigidité de la structure et M est la matrice de masse de la struc-ture.

Pour ce calcul, le logiciel Robot Millenium v 15.0 a été utilisé. Pour cette passerelle,seuls les dix premiers modes propres, donnés sur le tableau 1 ci-contre, ont été retenus;les modes suivants ont une fréquence propre supérieure aux fréquences de la marcheet de la course (� 4 Hz).

1 Une fonction x (t) périodique de période T peut s’exprimer comme une série de Fourier :

x (t) = + (an cos nωt + bn sin nωt )

avec ω = ; a0 = x (t)dt ; an = x (t) cos (nωt) dt ; bn = x (t) sin (nωt)dt.

Les fonctions an cos (nωt) et bn sin (nωt) s’appellent harmoniques de degré n de la fonction périodique x (t) étant leurspériodes T/n. Les coefficients an et bn s’appellent coefficients de Fourier [5].

�0

T2

T�0

T2

T�0

T2

T

T

Σn = 1

a0

2

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Rubrique DESCRIPTION D’OUVRAGE 19

7

2 Les masses participantes sont des masses dynamiques participant dans le mouvement de la structure pour chaquedéformée modale et pour chaque degré de liberté. Elles sont exprimées comme masses courantes pour le modepropre actuel. Les valeurs sont affichées en pourcentage des masses dynamiques totales (celles-ci sont aussi calcu-lées par le logiciel).3 Les facteurs de participation sont définis de la façon suivante : γ i = V i

TMD où : D - vecteur unitaire défini de la façon suivante :

D (j) = 1,0 si « j » correspond au i-ème degré de liberté D (j) = 0,0 si j ≠ i,

Vi - vecteur du mode propre « i » normalisé de sorte que V iTMVi = 1,0.

Mode Fréquenc e(H z)

Mas. cour. 2 UX (%)

Mas. cour.UY (%)

Mas. cour.UZ (%)

Coef par t 3 UX

Coef par t UY

Coef par t UZ

1 1.23 0.01 0 3.41 -4.35 0.15 107. 482 1.43 0 0.12 0 2.19 -20.06 -0.023 1.47 0 0 0 -2.1 -0.07 0.014 1.61 0.05 0 0 -12.75 -0.45 0.125 1.73 0 1.92 0 0.06 -80.74 -0.326 2.21 0.03 0 65.1 9.58 - 2.04 -469.87 2.58 0.21 6.01 0 -26.44 142. 76 -1.68 3 9.27 10.1 9 0 -177.3 1 -185.8 7 -3.419 3.13 1.55 53.1 6 0 72.5 9 424. 63 0.17

10 4.11 0.36 0.02 0 34.7 5 -8.44 0.56

TABLEAU 1Modes propres de la passerelle du moulin

Fig. 6 – Positionnement de la charge du piéton

Fig. 7 – Nœuds de déplacement maximal

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20 Rubrique DESCRIPTION D’OUVRAGE

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L’étape suivante de l’étude dynamique consiste en une analyse temporelle du compor-tement de la passerelle sous les charges modélisées auparavant (piétons). Cette étudepermet de connaître la réponse de la passerelle en termes de déplacements et d’accélé-rations sous ces charges.

Lors de cette analyse, il a été intéressant d’étudier la différence entre la réponse de lapasserelle soumise à des forces de la même amplitude, mais de fréquences distinctescorrespondant à des modes propres différents. On met ainsi en évidence l’influenced’une excitation appliquée à la fréquence fondamentale (mode 1) et d’une excitationappliquée à la fréquence d’un mode d’ordre supérieur (mode 6), sur la réponse dyna-mique de la passerelle.

Nous avons appliqué deux forces de 37 daN (= 80 × 0,46)4 d’amplitude et de 1,23 Hz defréquence (mode 1) et de 2.21 Hz (mode 6). Les forces s’appliquent au nœud de déplace-ment maximal sous charges permanentes.

4 80 daN correspond au poids statique d’un piéton et 0,46 est le premier coefficient de Fourier pour une marche defréquence 2,21 Hz.

AX(mm/s2) AY(mm/s2) AZ(mm/s2) UY (mm) UZ (mm)

MAX 0.576 1.8588 39.3846 0.0259 0.5675

Nœud 51 1507 1507 1508 1507

Intervalle 22 20 20 18 22

MIN -0.6102 -1.687 -36.3352 -0.0264 -0.5826

Nœud 1013 1507 1507 1508 1507

Intervalle 30 18 22 20 20

TABLEAU 2Valeurs extrêmes de l’accélération et du déplacement pour une sollicitation à 1.23 Hz

AX(mm/s2) AY(mm/s2) AZ(mm/s2) UY (mm) UZ (mm)

MAX 0.8652 1.4576 31.8364 0.0074 0.1851

Nœud 20 507 507 508 507

Intervalle 26 26 80 8 30

MIN 0.9428 -1.398 -32.0042 -0.008 -0.1905

Nœud 19 507 507 508 507

Intervalle 24 8 30 26 80

TABLEAU 3Valeurs extrêmes de l’accélération et du déplacement pour une sollicitation à 2,21 Hz

Les résultats obtenus montrent que l’amplitude du déplacement vertical (UZ) est plusgrande pour le mode fondamental (mode 1) que pour le mode 6, ce qui justifie la théoriequi considère le mode fondamental comme prépondérant dans la réponse.

De plus, les nœuds qui ont un déplacement vertical maximal se trouvent sur le mêmeaxe transversal que la charge appliquée mais aux extrémités opposées, ce qui signifieque la réponse contient des modes supérieurs de torsion.

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Rubrique DESCRIPTION D’OUVRAGE 21

9

Les graphiques qui suivent présentent les modes propres de vibration :

Fig. 8 – Mode 1 à 1,23 Hz Fig. 9 – Mode 2 à1,43 Hz

Fig. 10 – Mode 3 à 1,47 Hz Fig. 11 – Mode 4 à 1,61 Hz

Fig. 12 – Mode 5 à 1,73 Hz Fig. 13 – Mode 6 à 2,21 Hz

Fig. 14 – Mode 7 à 2,58 Hz

En considérant la déformée des modes propres à l’endroit où se situe la charge du pié-ton, on observe que les modes 1, 2, 3, 4 et 6 sont impliqués dans le mouvement, modesparmi lesquels se trouvent effectivement plusieurs modes de torsion.

Les valeurs des accélérations ne sont pas très différentes du fait que l’accélération estdéduite du déplacement en multipliant celui-là par le carré de la pulsation. De sortequ’un mode propre à fréquence élevée peut engendrer des accélérations importantes,tandis qu’un mode propre de fréquence plus faible peut générer des déplacements plusimportants et des accélérations moindres. On attire l’attention sur le fait que les dépla-cements sont ressentis différemment selon les piétons et ils peuvent être gênantslorsqu’il s’agit d’un déplacement horizontal même s’il est faible.

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22 Rubrique DESCRIPTION D’OUVRAGE

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Cas du piéton qui marche – Cas 1

Il n’est pas possible de modéliser simplement le mouvement de la marche d’un piétonsur une passerelle. En conséquence, on détermine un point d’action de la sollicitationdue au piéton sur la passerelle et en ce point, on applique une charge oscillatoire pen-dant la durée supposée du passage du piéton sur la passerelle.

Le cas le plus défavorable est celui où l’action du piéton est localisée au point de dépla-cement maximal sous charges permanentes (barre 2042).

Un piéton de 80 Kg est positionné sur la barre 2042 (cas de charge 14).

Fig. 15 – Déformée sous poids propre et emplacement du piéton

Il faut ensuite choisir la fréquence de la charge à appliquer. La passerelle a une fré-quence propre de 2,21 Hz pour le mode 6 qui est un mode de flexion vertical. La fré-quence de la marche normale est en général de 2 Hz. La probabilité d’une marche de2,21 Hz est considérable. Il s’agirait donc d’une marche rapide ou d’une course lente,mais pour cette dernière, il faudrait envisager une modélisation tenant compte d’uncontact discontinu avec le sol, ce qui n’est pas fait dans cette étude.

La passerelle est donc soumise à la sollicitation d’un piéton de 80 Kg marchant à unefréquence de 2,21 Hz sur l’emplacement précédemment précisé (barre 2042).

La vitesse est de 1,8 m/s et la longueur du pas est de 0,85 m. Le piéton prendra alors60 secondes pour traverser 108 m. La période de l’excitation est de 0,45 secondes.

L’analyse temporelle sur Robot a une particularité qui peut avoir une grande incidencesur les résultats. En effet, il n’est pas possible de spécifier une fréquence sauf à utiliserune fonction sinusoïdale sur laquelle Robot fait des mesures selon un pas d’enregistre-ment donné. Il est important de prendre un pas d’enregistrement adéquat pour que lamodélisation de la sollicitation corresponde à une sinusoïde.

Selon le théorème de l’échantillonnage [7], la fréquence d’échantillonnage (fréquencede Nyquist) doit être au moins double de celle du signal, autrement dit la période doitêtre au moins de moitié.

Si la période est de 0,45 secondes pour une fréquence de 2,21 Hz, le pas d’enregistre-ment choisi sera de 0,113 secondes pendant une minute, ce qui représente un quart dela période.

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Rubrique DESCRIPTION D’OUVRAGE 23

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Le premier coefficient de Fourier est alors de 0.46. L’amortissement considéré est de0,32 % de l’amortissement critique.

Comme indiqué précédemment, l’effet des vibrations sur l’usager est évaluée au traversdes valeurs de l’accélération et notamment à l’endroit où elle est maximale c’est-à-direau nœud 507.

La différence entre les composantes horizontales et verticales de l’accélération (Ax, Ay etAz) est de plus du 25 %. Selon la norme ISO 2631-1, il est alors possible de négligerl’influence de l’accélération horizontale.

En conséquence, pour le calcul de la valeur efficace de l’accélération pondérée, nousprenons uniquement le coefficient Wk

5 pour la direction verticale [8]. Ce coefficient per-met de transformer l’accélération réponse de la passerelle en accélération ressentie parle piéton (accélération pondérée), c’est-à-dire celle qui nous intéresse pour analyser leconfort de l’usager.

Le coefficient correspondant à la fréquence de 2,21 Hz (fréquence d’excitation étudiée)est Wk = 0,573 calculé par interpolation linéaire à partir de :

En appliquant la formule (1), on trouve une accélération pondérée en fréquence de0,011 m/s2 pour la direction verticale, ce qui est largement inférieur à la valeur de 0,5 m/s2 préconisée comme limite de confort.

Cas du piéton qui court – Cas 2

La course doit être modélisée différemment de la marche du fait qu’elle entraîne uncontact discontinu du coureur avec le sol.

En général, la course correspond à une sollicitation d’environ 3 Hz. Mais pour le cas dela passerelle du moulin, il a été choisi une fréquence de 3,13 Hz, en tenant compte de laprésence d’un mode propre horizontal de cette fréquence.

La course de fréquence 3,13 Hz implique une vitesse de 5,2 m/s. Le temps d’applicationde la sollicitation sera alors de 21 secondes, en tenant compte de la longueur de la pas-serelle de 108 m.

Le pas d’enregistrement choisi est 0,08 secondes, c’est-à-dire un quart de la période.

Les composantes horizontales de l’accélération sont toujours négligeables par rapport àla composante verticale, même si la fréquence que nous avons choisie pour la sollicita-tion correspond à un mode propre horizontal.

Le coefficient préconisé par l’ISO 2631-1 pour la fréquence de 3,13 Hz est Wk = 0,8.

L’accélération de confort pour la charge modélisée par la première harmonique est de0,02399 m/s2 et l’accélération pour la modélisation par les deux premiers harmoniquesest de 0,0245 m/s2, largement inférieure à 0,5 m/s2. L’erreur est de 2 %.

F ( Hz ) 2 2.5 Wk 0.531 0.631

5 Pondération fréquentielle pour l’ième bande d’un tiers d’octave (valeurs issues de l’ISO 263) pour les vibrations ver-ticales.

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24 Rubrique DESCRIPTION D’OUVRAGE

12

En conclusion, la réponse de la passerelle à la course d’un piéton ne pose pas de pro-blèmes de confort.

Passage d’un petit groupe de personnes – Cas 3

Nous avons considéré un groupe de quatre personnes qui marchent en cadence, parceque ce cas semble très probable compte tenu de la largeur de la passerelle (3,5 m). Lespersonnes sont situées sur une ligne perpendiculaire à l’axe longitudinal de la passe-relle au point de flèche maximale sous charges permanentes. La charge correspond àune marche de fréquence 2,21 Hz, de sorte que nous avons gardé la même modélisationde la charge que pour le cas de la marche d’un piéton.

En suivant une procédure analogue aux cas précédents, nous avons trouvé une valeurde l’accélération pour le confort des usagers de 0,044 m/s2, ce qui est toujours large-ment au-dessous de la valeur limite préconisée de 0,5 m/s2.

Cas du passage d’une foule – Cas 4

La modélisation de la charge de la foule n’est pas possible car chaque individu dans lafoule, même s’il peut considérer une forme de synchronisation, agit individuellement etdifféremment de son voisin. Les différents degrés de synchronisation de la foule sonttrès difficiles à appréhender.

En référence notamment aux travaux de Fujino [4], on considère qu’environ 20% desindividus dans une foule sont synchronisés spontanément. Le calcul proposé est déve-loppé ci-après.

Sur la base d’une densité de 1,5 personnes/m2 et en considérant que le cas le plus défa-vorable celui de la travée de rive complètement chargée par la foule :

n = nombre de personnes

Accélération provoquée par un seul piéton : 0,011 m/s2

amax,n = 0,2 n amax = 0,2 × 179 × 0,011 = 0,34 m/s2

Ce qui est toujours au-dessous de la limite de confort.

Conclusion

On peut considérer que les calculs ont été réalisés pour le ou les cas les plus défavo-rables :

– excitation directe d’un mode propre de la passerelle,

– excitation au point de flèche maximale sous charges permanentes,

– durée de l’excitation correspondant à la traversée totale de la passerelle par le piéton,

– mesure de la réponse de la passerelle au point d’accélération maximale.

Malgré cela, les accélérations efficaces pondérées obtenues sont largement inférieuresà l’accélération maximale de confort issue de la norme ISO 2631-1, à savoir 0,5 m/s2.

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Rubrique DESCRIPTION D’OUVRAGE 25

13

4. – RÉALISATION

La méthodologie de réalisation de la passerelle a été établie en fonction des contraintessuivantes :

● Impossibilité d’acheminement par la rivière, qui n’est pas accessible aux pénichesdans la zone d’implantation de la passerelle ;

● Minimiser la gêne aux riverains du bord de Marne en laissant le libre accès aux com-merces;

● Assurer le maximum de travaux en atelier afin de diminuer la durée d’intervention sursite ;

● Acheminer les plus gros tronçons possibles sur le chantier, compatibles avec la capa-cité maximale de la grue pouvant accéder dans l’emprise du chantier.

La prise en compte de ces contraintes a conduit l’entreprise J. Richard-Ducros à effec-tuer un tronçonnement de l’ouvrage en 2 × 5 éléments selon le schéma de la figure 16.

Fig. 16 – Joint de montage

La fabrication

Les dix tronçons de la passerelle ont été réalisés dans l’unité de fabrication vosgiennede l’entreprise J. Richard-Ducros (fig. 17 et photo 6). Chaque tronçon a été fabriqué enprenant en compte une contre-flèche calculée en considérant les différentes phases demontage sur site.

Une présentation à blanc, deux tronçons par deux tronçons, a permis de garantir unbon ré-assemblage sur site.

Chaque élément a été équipé de ses garde-corps et de ses fourreaux prévus pour le pas-sage des réseaux sous l’ouvrage.

La protection anticorrosion, réalisée en atelier, est constituée de deux systèmes diffé-rents :

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26 Rubrique DESCRIPTION D’OUVRAGE

14

CHELLESCulée

PIL

E

PIL

E

PIL

E

PIL

E

GOURNAYCulée

PIL

EP

ILE

PIL

EP

ILE

1

2

3

4

PHASAGE DE MISE EN PLACE DES TRONCONS,

Fig. 17 – Scénario de mise en œuvre

Photo 4 – Tronçon de passerelle en attente d’être mis en œuvre.

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Rubrique DESCRIPTION D’OUVRAGE 27

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– Sur les éléments structuraux, mise en œuvre du système certifié ACQPAN° C3ZNV588 comprenant une métallisation au zinc de 120 microns suivie d’un sys-tème à deux couches, l’ensemble représentant une épaisseur de 240 microns.

– Sur les éléments secondaires, (garde-corps, fourreaux, etc. …) mise en œuvre d’unegalvanisation suivie de l’application du système certifié ACQPA N° C4GNV805 com-prenant deux couches pour une épaisseur de 100 microns.

Le montage sur site

La plus grosse grue pouvant accéder sur le chantier, des deux cotés de la Marne, étaitune grue de 450 tonnes de capacité. Cet engin a permis, d’une part de déposer l’anciennepasserelle rustique rendue inutilisable suite à un choc lors d’une crue, et d’autre partd’assurer la mise en place des différents tronçons du nouvel ouvrage (photo 9).

Le phasage du montage a été le suivant :

Photo 5 – Fabrication du tablier dans l’atelier

Photo 6 – Fabrication du tablier dans l’atelier

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Photo 7 – Levage d’un demi-tablier

Photo 8 – Pose du tablier

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– Mise en place d’une palée provisoire entre la culée rive droite et la première pile ;

– Pose des quatre premiers tronçons avec la grue implantée en rive droite ;

– Transfert de la grue en rive gauche;

– Pose de quatre tronçons, préalablement ré-assemblés par soudure deux par deux,depuis la rive gauche;

– Pose des deux tronçons constituant la clé de voûte de l’ouvrage;

– Réalisation des soudures entre les différents tronçons.

Vint ensuite la pose des bacs remplis de béton constituant la piste cyclable dans l’axe de

Photo 9 – Mise en œuvre de la travée centrale

Photo 10 – L’ancienne passerelle au fond en cours de démontage et la nouvelle passerelle devant encours de montage

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l’ouvrage, puis du platelage bois de part et d’autre de cette bande centrale.

Le platelage bois est constitué de lames d’Ipé de 200 mm de largeur, écartées de 15 mmet d’épaisseur alternée, 35 et 38 mm, de manière à assurer un effet anti-dérapant

Ces lames sont vissées sur des lambourdes également en Ipé, elles-mêmes fixées direc-tement sur les poutres métalliques porteuses.

Photo 11 – Demi-tablier mis en place

Photo 12 – Réglage des appuis

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La partie supérieure des garde-corps est équipée d’une tablette en bois, constituée dequatre lames de Doussié de 145 mm de largeur, 34 mm d’épaisseur et 3 m de longueur,posées en joints croisés, et sur laquelle est fixée une main courante métallique.

Planning des travaux

L’ensemble de l’opération a été réalisée en 10 mois.

La reconstitution sur chantier a nécessité 4 mois de travail.

Photo 13 – Mise en œuvre du platelage en Ipé

Photo 14 – Garde-corps en cours de montage

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5. – CONCLUSION

L’analyse dynamique menée pour la passerelle du moulin permet d’affirmer qu’elle neprésentera aucun problème d’inconfort des usagers. Cependant, on peut rappeler àcette occasion que toute passerelle piétons / cycles en structure acier ou bois, du fait deses caractéristiques de portée de franchissement d’une part, et du fait que les chargespermanentes et d’exploitation sont relativement faibles d’autre part, va présenter desfréquences propres plus ou moins proches des fréquences de la marche (de 1 à 4 Hz).Les études dynamiques peuvent prémunir contre un état d’inconfort mais ne peuventpas éliminer complètement toutes les micro-vibrations résiduelles, ces dernières ne pré-sentant aucune gène particulière pour les usagers.

6. – DONNÉES CHIFFRÉES

Quantités

Acier S355 : 140 tonnes

Équipements : 20 tonnes

Béton : 40 tonnes

Bois : 12 tonnes

Coût des travaux

Démolition : 107 000 euros

Passerelle : 930 000 euros

Électricité : 100 000 euros

7. – LES INTERVENANTS

Maître d’ouvrage : Syndicat intercommunal de la passerelle du moulin

Maître d’œuvre : Atelier Jacques Coulon, paysagiste mandataire

Coup d’Éclat, Yves Adrien concepteur lumière

Arcora, bureau d’étude structure

Entreprises : Démolition Prigent

Passerelle J. Richard-Ducros

Électricité Lingard

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8. – BIBLIOGRAPHIE

[1] BACHMANN H., AMMANN W. – Vibrations in structures, induced by Man andMachines, IABSE Structural Engineering Documents 3e, Zürich. 1987.

[2] BACHMANN H. – «Vibration Upgrading of Gymnasia, Dance Halls andFootbridges» in Structural Engineering International, IABSE, 2/92(2): 118-124, may,Zürich, Switzerland. 1992.

[3] BAUMANN K., BACHMANN H. – «Dynamic loading induced by persons and itseffect on beam structures » (in German), Institute of Structural Engineering, SwissFed. Inst. of Techn. (ETH) Zürich, report 7501-3. 1987.

[4] FUJINO Y., PACHECO B.-M., NAKAMURA S., WARNITCHAI P. – «Syncronisation ofhuman walking observed during lateral vibration of a congested pedestrianbridge» in Earthquake Engineering and Structural Dynamics, 22(9): 741-758. 1993.

[5] GOMEZ LERA M.-S., ALARCON ALVAREZ E. – Analisis dinamico, Departamento demecanica estructural y construcciones industriales, Escuela Técnica Superior deIngenieros Industriales, Universidad Politécnica de Madrid, avril. 1995.

[6] RAINER J.-H., PERNICA G., ALLEN D E. – «Dynamic loading and response of foot-bridges» in Canadian Journal of Civil Engineering, 15(1): 66-71, February. 1988.

[7] OPPENHEIM A.-V., WILLSKY A.-S. – Señales y sistemas, Prentice Hall Hispanoame-ricana, Mexico. 1994.

[8] Vibrations et chocs mécaniques – Évaluation de l’exposition des individus à desvibrations globales du corps, partie 1 : spécifications générales in Norme Interna-tionale ISO 2631-1. 1997.

[9] XP-ENV-1991-1 Eurocode 1 – Bases de calcul et actions sur les structures. Partie 1 :Bases de calcul, avril, indice de classement P06-101. 1996.

Photo 15 – La passerelle la nuit