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25 DossieR OCTOBRE 2012 N°712 © BSIP RADIOGRAPHIE DE L’AVC 1 VICTIME TOUTES LES 4 MINUTES 29 octobre 2012 : 10 e journée mondiale de l’AVC. L’accident vasculaire cérébral touche 150 000 personnes par an, en France. Parmi elles, 40 000 décéderont et 30 000 resteront lourdement handicapées. Faire Face fait le point sur ce qui constitue la troisième cause de handicap acquis chez l’adulte. En l’abordant sous différents aspects : ses causes et conséquences ( pages 26 à 28) ; la nécessité d’une prise en charge précoce ( pages 29 à 31) ; les apports de la rééducation ( pages 32 à 34) ; l’AVC chez l’enfant ( page 35) et le bilan, à mi-parcours, du “plan d’actions national AVC 2010-2014” ( pages 36 à 37). Enfin, ce dossier propose une liste d’organismes pour pouvoir se faire aider ( page 38).

Faire Face octobre 2012 N°712. Dossier - 1 victime toutes ... · AVC ou d’un infarctus du myocarde (crise car-diaque), 30 à 40 % des victimes d’AVC risquent un nouvel accident

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DossieR

OCTOBRE 2012 N°712

© BS

IP

RADIOGRAPHIE DE L’AVC

1 VICTIME TOUTES LES 4 MINUTES

29 octobre 2012 : 10e journée mondiale

de l’AVC. L’accident vasculaire

cérébral touche 150 000 personnes

par an, en France. Parmi elles, 40 000

décéderont et 30 000 resteront

lourdement handicapées. Faire Face

fait le point sur ce qui constitue la

troisième cause de handicap acquis

chez l’adulte. En l’abordant sous

différents aspects : ses causes et

conséquences (pages 26 à 28) ;

la nécessité d’une prise en charge

précoce (pages 29 à 31) ; les apports

de la rééducation (pages 32 à 34) ;

l’AVC chez l’enfant (page 35) et

le bilan, à mi-parcours, du “plan

d’actions national AVC 2010-2014”

(pages 36 à 37). Enfin, ce dossier

propose une liste d’organismes pour

pouvoir se faire aider (page 38).

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était le 7 janvier 1999, vers 21 h 30, raconte Arlette, 68 ans. J’ai saisi le flacon d’un produit ménager de la main gauche

pour le mettre dans la droite mais il s’est écrasé au sol. Mon bras droit était retombé et pendait le long de mon corps. J’ai fait quelques mètres et je me suis effondrée sur une table. Mon mari me parlait mais je ne pouvais pas lui répondre ou bouger. Je ne souffrais pas. » Chaque année en France, 150 000 personnes font un accident vasculaire cérébral (AVC) (2). Les symptômes apparaissent brutalement, parfois pendant le sommeil. Ils sont liés à une perturba-tion soudaine de la circulation sanguine, donc des apports en oxygène, au niveau du cerveau et varient en fonction de la zone concernée.

ISCHÉMIE OU HÉMORRAGIE : IL FAUT AGIR VITEDans 80 % des cas, l’AVC est d’origine ischémique, c’est l’infarctus cérébral, lié à l’obstruction d’un vais-seau, le plus souvent par un caillot qui s’est formé au niveau du cœur ou d’une grosse artère montant vers le cerveau. Dans les autres cas, l’AVC est lié à la rupture d’un vaisseau qui provoque une hémor-ragie. Lorsque l’hémorragie a lieu dans le cerveau (hémorragie cérébrale, 15 % des AVC), les symp-tômes sont similaires à ceux de l’AVC ischémique. Lorsqu’elle a lieu entre le cerveau et le crâne (hémor-ragie méningée, 5 % des AVC), elle provoque un violent mal de tête, une raideur et nécessite une prise en charge immédiate en neurochirurgie.En France, l’AVC constitue la première cause de handicap acquis chez l’adulte, la deuxième cause de démence, la troisième cause de mortalité. Neu-rologue, chef de service à l’Hôpital Saint-Joseph, le

Pr Mathieu Zuber (3) remarque : « L’AVC hémorra-gique est moins fréquent mais de pronostic plus sévère puisque 30 % des victimes décèdent en phase aiguë contre 15 % après un AVC ischémique. » Dans tous les cas, les neurones souffrent et plus le flux sanguin est rapidement rétabli, plus ils seront nombreux à récupérer (lire aussi pages 32-34).Certaines victimes se sentent mourir, d’autres restent semi-conscientes. Puis suit une période sans souvenir, parfois de coma, avant le retour souvent difficile à la réalité. « Je me suis réveillée comme un légume, un traversin criblé de tuyaux. D’un côté, je ne sentais rien et de l’autre, j’avais mal partout, pour-suit Arlette. J’ai pensé : Qu’est-ce que je fais là ? Je ne pouvais même plus poser la question. » Mère de famille et chef de cabine dans une grande compa-gnie aérienne, Isabelle avait 36 ans lorsqu’elle s’est retrouvée clouée sur un lit d’hôpital : « J’ étais para-lysée du côté gauche, incapable de me lever, mais je ne le réalisais pas. J’avais tout mon planning en tête et ma principale préoccupation était mon absence sur les vols. »

DES ATTEINTES MOTRICES ET COGNITIVESL’hémiplégie est caractéristique de l’AVC. Elle régresse plus ou moins complètement après la phase aiguë et grâce à la rééducation (lire aussi pages 32-34). À plus long terme, les conséquences les plus fréquentes sont des troubles de l’équilibre, présents chez la moitié des personnes avec séquelles, des pro-blèmes de mémoire, des paralysies et des troubles du langage et de l’articulation ou “aphasie”. Plus rarement, des problèmes visuels ou auditifs, des douleurs, des pertes de sensibilité, une gêne à la déglutition, une incontinence, une épilepsie (1)...

Une partie du cerveau soudain privée d’oxygène et c’est tout un monde qui

s’écroule. En France, plus de 500 000 personnes présentent des séquelles

d’accident vasculaire cérébral (1). Un chiffre qui pourrait diminuer en

informant davantage sur les signes d’alerte et les facteurs de risque.

De lourdes séquelles

Accident vasculaire cérébral (AVC)

C’

(1) “Prévalence des accidents vasculaires cérébraux et de leurs séquelles et impact sur les activités de la vie quotidienne” InVS - BEH du 10 janvier 2012.

(2) Estimation France AVC pour 2012.

(3) Professeur de neurologie, chef de service au Groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph (Paris).

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Isabelle a souffert d’“héminégligence” : sans le réa-liser, elle n’avait plus conscience de l’existence de la partie gauche de son corps et de l’espace, ignorant toute perception et stimulation provenant de ce côté. Douze ans après son AVC, dont deux passés en rééducation, elle marche aidée d’une orthèse et sa main gauche reste paralysée et insensible. Arlette a également perdu en sensibilité mais du côté droit. Elle n’a plus de mémoire, ne sait plus compter et a mis des années avant de pouvoir « parler norma-lement ». Médecin généraliste devenu président de la Fédération nationale des aphasiques de France, Jean-Dominique Journet est lui-même resté deux ans muet après son AVC, en 1992 : « Puis il y a eu une période où je butais sur les mots, où je disais une chose en pensant son contraire. Comme j’avais aussi du mal à marcher, les gens croyaient que j’avais bu. Dans la rue, au téléphone, personne ne voulait plus me parler. Mais chaque aphasie est différente. »

Repérer les signes d’alerte

- Une paralysie, une faiblesse, des fourmillements d’un côté du corps, au niveau d’un bras, d’une jambe ou du visage, un manque de sensibilité ;- Des troubles du langage, notamment une incapacité à trouver ses mots ou à se faire comprendre ;- Des troubles visuels comme un œil qui ne voit plus, la disparition d’un côté du champ visuel, une vision double ;- Des maux de tête...Ces symptômes surviennent brutalement et sont parfois détectés par les proches (sourire asymétrique, parole incompréhensible...). Leur disparition ne doit pas rassurer car ils témoignent souvent d’un accident ischémique transitoire (AIT) qui précède le véritable AVC.Dans tous les cas, il est conseillé de coucher la personne, de ne pas la faire boire ou manger, de composer immédiatement le 15 (112 depuis un portable).

Les différentes formes de l’accidentvasculaire cérébral (AVC)

AVC ischémique ou infarctuscérébral (80 % des cas)Origine : il est lié à l’obstruction d’un vaisseau, le plus

souvent par un caillot qui s’est formé au niveau

du cœur ou d’une grosse artère montant au cerveau.

AVC hémorragique

1) Hémorragie cérébrale (15 % des cas)Origine : rupture d’un vaisseau sanguin dans le cerveau.

2) Hémorragie méningée (5 % des cas)Origine : rupture d’un vaisseau sanguin entre le cerveau

et le crâne.

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...

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UN BOULEVERSEMENT PERSONNEL ET FAMILIALSouvent, les victimes d’AVC sont aussi plus fati-gables. Plus de 30 % font une dépression, 20 % une dépression majeure, qui débute dans les jours qui suivent l’AVC ou plus tard, notamment lors du retour à domicile. « Le plus difficile est de passer du jour au lendemain, d’une vie trépidante à une vie très sédentaire, sans savoir si l’on va récupérer, témoigne Isabelle. Mon mari n’a pas supporté, il disait qu’ il n’avait pas épousé une handicapée. J’ai demandé le divorce. La rééducation comprend aussi des étapes difficiles. Puis, il faut demander sa mise en invalidité, reconnaître qu’on ne pourra plus exercer le métier qu’on aimait… »Des moments difficiles aussi pour la famille qui se sent parfois démunie. Resté aux côtés de son épouse, Bernard se souvient : « Notre plus jeune fils vivait encore avec nous. J’ai mis mes projets de côté, appris à m’occuper de la maison, à faire à manger… Nous avions une vie dense, beaucoup d’amis qui se sont éloignés. »

LIMITER LES FACTEURS DE RISQUESi, du fait de sa brutalité, l’AVC est présenté comme un événement imprévisible, il s’avère pourtant souvent lié à la complication d’une maladie pré-existante. Le Pr Zuber détaille : « 30 à 35 % des AVC ischémiques sont provoqués par l’athérosclérose et 20 à 25 % par une pathologie cardiaque (valvulo-pathie, fibrillation auriculaire…) or, ces maladies et

certains de leurs facteurs de risque peuvent être contrô-lés. » À commencer par l’hypertension artérielle qui favorise également la survenue d’AVC hémorra-giques. La pression artérielle, à vérifier une fois par an, doit rester inférieure à 14/9. Le Pr Zuber cite ensuite le tabagisme, particulièrement délétère pour les artères mais aussi l’excès de “mauvais” cholesté-rol (LDL), le diabète déséquilibré et l’obésité qui peuvent s’améliorer en jouant sur l’alimentation, l’activité physique et, si nécessaire, les médicaments.Des recommandations tout aussi utiles pour limiter les récidives. En effet, qu’il s’agisse d’un second AVC ou d’un infarctus du myocarde (crise car-diaque), 30 à 40 % des victimes d’AVC risquent un nouvel accident vasculaire dans les cinq ans qui suivent. « Contrôler les facteurs de risque diminue ce taux de façon significative et d’autant plus importante que les mesures préconisées sont rigoureusement appli-quées », assure le spécialiste. ●

...

Texte Audrey PlessisInfographie Olivier Croc

POUR EN SAVOIR PLUS

• http://www.ameli-sante.fr/accident-vasculaire-cerebral-avc.html• L’Institut de Veille Sanitaire (InVS) pour son dossier thématique sur les maladies

cardio-vasculaires : http://www.invs.sante.fr• Allodocteurs.fr qui propose des vidéos très pédagogiques : http://www.allodocteurs.fr/

actualite-sante-avc-quand-le-cerveau-fait-une-attaque-46.asp

Faire Face : Quelles sont les particularités de la dépression post-AVC ?Dr Thierry Gallarda : Elle peut être difficile à diagnostiquer car l’AVC provoque souvent des symptômes similaires (fatigue, troubles de l’appé-tit et du sommeil, ralentissement, pleurs…). L’idéal est de rapidement repérer ces troubles pour suivre leur évolution. S’ils sont liés à l’AVC, ils régressent avec le handicap. S’ils persistent et s’accompagnent d’autres symptômes plus spécifiques (anxiété, irri-tabilité, idées de suicide…), il s’agit probablement d’une dépression.Faire Face : Est-elle liée aux lésions cérébrales ?Dr Thierry Gallarda : Sans doute en partie car le risque augmente quand l’AVC touche certaines

zones du cerveau. Cependant, la dépression reste toujours multifac-torielle. Elle est plus fréquente en cas d’aphasie, de handicap phy-sique majeur, de douleurs et dépend de l’histoire personnelle.Faire Face : Quels sont les risques à ne pas la soigner ?Dr Thierry Gallarda : Un patient déprimé ne va pas s’investir dans la prévention des récidives et rester passif lors de la rééducation, quand il ne la refuse pas. La dépression limite énormément la prise en charge et les progrès. Elle peut aussi contribuer à déstabiliser encore plus des familles confrontées au handicap d’un des leurs.

Ne pas ignorer la dépressionTrois questions au Dr Thierry Gallarda, psychiatre, responsable du Centre d’évaluation

Troubles psychiques et vieillissement, Centre hospitalier Sainte-Anne (Paris).

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rge C

anna

sse

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alle Babinski. Service de neurologie de l’Hôpital Lariboisière. Comme tous les matins, à 8 h 30, médecins et soignants

se retrouvent pour une réunion de transmis-sion d’informations entre les équipes de jour et de nuit. Un après l’autre, l’état de santé de chaque patient est détaillé par l’un des membres du service. Deux jours auparavant, cette dame de 90 ans retrouvée au milieu de son salon par son fils, après sa journée de travail. La veille, ce maçon de 30 ans qui s’est écroulé sur un chantier. La triste réalité de l’accident vasculaire cérébral (AVC) s’incarne là, dans cette succession d’his-

toires personnelles bouleversées en une fraction de seconde.Parmi les sujets abordés, le transfert de Nadia (2) à Lille. Hospitalisée dans le service, cette patiente de 28 ans a été victime d’un AVC alors qu’elle passait le week-end à Paris chez des cousins. Dia-bétique et souffrant d’hypertension artérielle mal soignée, elle cumule les facteurs de risques. « J’ai appelé le CHU de Lille pour expliquer sa situation, en insistant sur le fait qu’elle était maman de deux enfants en bas âge, résume le Dr Peggy Reiner, chef de clinique. Comme elle récupère bien, ils devraient pouvoir lui trouver un lit rapidement. » ...

S

Un scanner ou une IRM permettent d’identifier la nature de l’AVC, ischémique ou hémorragique, et d’administrer le traitement approprié dans les meilleurs délais.

Les unités neuro-

vasculaires (UNV)

ont pour vocation

d’accueillir les

patients suspects

d’AVC, 24h/24 et 7j/7.

Avec une diminution de

20 % de la mortalité et

du risque de séquelles,

ces structures

spécialisées ont

démontré leur

efficacité dans la prise

en charge de cette

pathologie. Faire Face

a partagé le quotidien

d’une UNV à l’Hôpital

Lariboisière (1), à Paris.

AVC Agir vite dès les premiers signes

(1) Classé N° 1 dans le palmarès “Hôpitaux et cliniques 2011” du magazine Le Point pour la prise en charge des AVC.

(2) Tous les prénoms ont été changés.

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Dans son malheur, Nadia a eu de la “chance”. Cette jeune maman a été prise en charge dans l’Unité neuro-vasculaire (UNV) de l’Hôpital Lariboisière (3), une des structures spécialisées pionnières en la matière et, par ailleurs, Centre de référence pour les maladies vasculaires rares (4). Depuis 1979, elle traite en urgence des patients souffrant d’accidents vasculaires cérébraux. Chaque année, cette UNV accueille près de 2 000 patients soit environ 10 % des AVC hospitalisés en Île-de-France (21 000 séjours enregistrés en 2010 (5)). La particularité d’une UNV est de disposer 24h/24 et 7j/7 d’un avis neurologique spécialisé en urgence et d’un accès à un plateau technique complet (radiologique et cardio-vasculaire) pour les investigations complémentaires. Les patients y sont soignés dès la phase aiguë de l’AVC par une équipe pluridisciplinaire composée de médecins, infirmières, aides-soignantes, kinésithérapeutes, diététicienne, orthophoniste, assistante sociale…

IRM OU SCANNER À EFFECTUER EN PRIORITÉ10h. Direction les urgences. Avec 100 000 passages par an, celles de Lariboisière comptent parmi les plus fréquentées d’Île-de-France. Une patiente sus-pecte d’AVC vient d’y être admise. Thérèse, 70 ans, faisait sa toilette lorsqu’elle a été stoppée net dans

ses activités. Ne la voyant pas réapparaître, Bernard, son mari, est allé la chercher. « Elle était debout au milieu de la salle de bains, le bras droit ballant, comme hébétée. Aucun son ne parvenait à sortir de sa bouche », raconte-t-il au médecin des urgences qui s’occupe de la malade. Constatant que son épouse était paralysée du côté droit, Bernard a immédia-tement composé le 15. Bon réflexe.Dès l’arrivée du Samu au domicile d’une victime d’AVC, c’est une course contre la montre qui s’engage. Description des symptômes, liste des médi-caments pris : tout est consigné par les soignants et, surtout, information indispensable : l’heure de l’accident. « On ne dispose que de 4 heures 30 pour effectuer une thrombolyse (lire encadré ci contre) à partir des premiers signes de l’accident, explique le Pr Christian Stapf, neurologue dans l’équipe de Lariboisière depuis 2003. Lorsque le cerveau n’est plus irrigué, le patient perd 2 millions de neurones par minute. Des séquelles irréversibles. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de temps à perdre. Time is brain, comme disent les Anglo-Saxons ! » Heureusement, le couple n’habite qu’à une dizaine de minutes de l’hôpital. Le véhicule du Samu n’a pas eu à affron-ter les embouteillages de la capitale.Rapidement, la septuagénaire est conduite dans le service de radiologie. Qu’il s’agisse d’un AVC

Dans une unité neuro-vasculaire, la prise en charge des victimes d’AVC inclut, en plus du traitement, un début de rééducation dès que l’état de santé du patient le permet.

...

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ischémique ou hémorragique (lire pages 26 à 28), la prise en charge en urgence suppose, avant tout, d’accéder le plus tôt possible à l’examen d’imagerie. Scanner ou IRM permettent d’identifier la nature de l’AVC et d’administrer le traitement approprié dans les meilleurs délais. « L’IRM est beaucoup plus précise que le scanner pour détecter des infarctus mul-tiples ou de petite taille ou pour évaluer l’ étendue de la zone cérébrale nécrosée, précise le Pr Christian Stapf. Ces données importantes sont à prendre en compte à la fois pour le pronostic du patient et pour la décision thérapeutique. » À Lariboisière, les patients suspects d’AVC sont prioritaires pour l’IRM.Le diagnostic est confirmé : Thérèse a été victime d’un AVC hémorragique. Vérification d’absence de contre-indications faite, elle est apte à recevoir la thrombolyse. Après avoir écouté toutes les informa-tions sur cette option thérapeutique et les risques d’hémorragie qu’elle comporte, son mari donne son accord. Une heure trente après son admission, soit moins de trois heures après son accident, la perfusion est posée. Mission accomplie ! Si tout se passe bien, la retraitée restera en soins inten-sifs 24 à 48 heures, puis sera transférée dans un lit de l’UNV pendant une durée moyenne de séjour de sept jours. Ensuite, selon son état, elle pourra rentrer chez elle ou sera orientée vers une unité de soins de suite et de réadaptation.

DE LA RÉÉDUCATION DÈS LES PREMIERS JOURSDès son arrivée aux urgences, Nadia a, elle aussi, été transférée dans l’unité neuro-vasculaire où méde-cins, soignants, kinésithérapeutes se succèdent à son chevet pour l’aider à reprendre possession de son corps. Dans une UNV, la prise en charge de l’AVC ne se limite pas à l’urgence médicale et au traite-ment, elle inclut aussi, dès les premiers jours, un début de rééducation. Aussitôt que l’état de santé du patient le permet. Grâce aux manipulations quotidiennes de Lucie Cader, kinésithérapeute, la jeune femme retrouve quelques sensations dans son bras et sa jambe gauche paralysés.Pendant leur séjour en UNV, les patients et leur entourage bénéficient de l’information et d’une éducation thérapeutique visant à prévenir au mieux les complications secondaires et les risques de récidive d’AVC. Après la phase aiguë et en l’ab-sence d’une possibilité de retour direct à domicile, ils sont orientés soit vers une structure d’aval de

soins de suite et de réadaptation (spécialisée en pathologies neurologiques ou non spécialisée), soit vers une unité de médecine (unité de neurologie traditionnelle) afin d’y poursuivre le traitement et le programme de rééducation et d’éducation, dans l’attente d’une structure d’accueil post-hos-pitalière. Dans quelques jours, Nadia regagnera Lille pour poursuivre sa rééducation à proximité de sa famille. La partie est loin d’être gagnée : la récupération peut être longue. Au-delà d’un an dans certains cas. Mais, pour ses deux enfants, Nadia va continuer de se battre pour récupérer, jour après jour, ce que l’AVC lui a volé en l’espace de quelques secondes. ●

Thrombolyse et thrombectomie : deux révolutions thérapeutiques

La thrombolyse est réalisée en cas d’AVC ischémique (infarctus cérébral). Elle consiste à injecter un médicament puissant (altéplase) afin de dissoudre le caillot obstruant l’artère et ainsi restaurer la circulation sanguine. Ce traitement doit être administré dans les 4 heures 30 après le début des premiers symptômes. La taille de l’infarctus grossit vite au cours des premières heures. C’est pourquoi la thrombolyse est d’autant plus efficace qu’elle est réalisée le plus tôt possible après l’installation des signes cliniques. Toutefois, la décision ne peut être prise par le neurologue qu’après avoir éliminé l’hypothèse d’un AVC hémorragique grâce à l’imagerie. Tous les patients ne peuvent pas recevoir ce type de traitement en raison de nombreuses contre-indications (AVC hémorragique, intervention chirurgicale récente, AVC ischémique de moins de deux ans, troubles de la coagulation, hypertension artérielle sévère…).La thrombectomie consiste à retirer le caillot de sang à l’aide d’un cathéter (sonde) par voie fémorale pour atteindre l’artère obstruée puis à placer un micro cathéter, plus fin, à travers le caillot que l’on va enlever. Elle peut être réalisée seule, lorsque la thrombolyse est contre-indiquée, ou, plus fréquemment, en association avec la thrombolyse. Ces deux traitements permettent de diminuer les séquelles et les récidives chez 15 à 20 % des patients.

Texte Claudine ColozziPhotos Jérôme Deya

(3) À Paris, l’AP-HP dispose de six centres de neurologie prenant en charge les accidents vasculaires dans des UNV (unités neuro-vasculaires). Ces services sont au sein des Hôpitaux Lariboisière, Pitié-Salpêtrière, Bichat, Avicenne Bicêtre, Tenon et Henri Mondor.

(4) Source : ARS Île-de-France - octobre 2011.

(5) Ces centres labellisés par le ministère de la Santé regroupent des ensembles de compétences hospitalières multidisciplinaires et hautement spécialisées qui ont pour rôle d’améliorer l’accès aux soins et la qualité de la prise en charge des maladies rares, en lien avec les associations de patients.

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DossieR32

ans la zone du cerveau où a eu lieu

l’accident vasculaire cérébral, cer-tains neurones sont morts et tout ce qu’ ils

faisaient s’arrête, explique le Pr Alain Yelnik (1). Cependant, le cerveau a la capacité de réorganiser ses circuits pour continuer d’assurer une partie de leur activité. C’est la plasticité cérébrale. » La plupart du temps, en effet, les séquelles présentées dans les jours qui suivent l’accident vasculaire cérébral (AVC) ne sont pas définitives. La rééducation permet, grâce à un entraînement spécifique, de développer la plasti-cité cérébrale pour maximiser la récupération.

STIMULER LA PLASTICITÉ CÉRÉBRALEJuste après l’AVC, il s’agit davantage de kinésithéra-pie respiratoire et de mobilisations, l’objectif étant avant tout d’éviter les complications liées à la posi-tion couchée et aux paralysies éventuelles. Lorsque c’est possible, la personne doit aussi marcher, par petites séquences.Après une à deux semaines, si tout se passe bien, la rééducation proprement dite doit débuter sans tarder, avec suffisamment d’intensité pour stimuler la plasticité cérébrale. Le Pr Yelnik recommande une à trois heures quotidiennes de travail, parfois plus : « Il faut aider la personne à dépasser ses capacités appa-rentes. Les exercices doivent être variés pour éviter la lassitude et répondre à toutes les situations, mais aussi répétés pour fixer les nouveaux circuits neuronaux. »Idéalement, les séances ont lieu dans un centre ou service spécialisé possédant un plateau technique

de rééducation-réadaptation, en hospitalisation complète ou hôpital de jour, cette dernière option étant privilégiée dès que l’état médical et l’envi-ronnement le permettent. « La personne retrouve ses proches et de bonnes conditions pour se reposer, tout en étant directement confrontée à ses difficultés. Cela peut sembler difficile mais c’est le plus sûr moyen de récupérer et se réadapter. »De nombreuses disciplines aux approches com-plémentaires interviennent. La kinésithérapie est principalement basée sur le mouvement, l’ergothé-rapie sur les activités manuelles, l’orthophonie sur l’expression orale… Contrairement à la rééducation des troubles moteurs, le travail sur les troubles de la parole et du langage peut être différé de quelques jours à condition que la personne ne s’enferme pas dans un stéréotype (répétition d’un même mot, par exemple).

S’IMPLIQUER ET RESTER MOTIVÉPlusieurs techniques de rééducation peuvent être utilisées en fonction des troubles et des possibilités des patients. Parmi les plus en vogue, citons la thé-rapie par contrainte induite qui limite l’utilisation du bras “fort” pour encourager celle du bras défi-cient. Elle nécessite toutefois que ce dernier ait

“D

Dès que le pronostic vital n’est plus engagé,

commence la rééducation. Ses modalités varient

mais, dans les mois qui suivent l’accident

vasculaire cérébral (AVC), elle doit être

suffisamment intensive pour aider à récupérer.

Par la suite, elle sera en partie remplacée par

d’autres activités sans jamais être oubliée.

AVC La rééducation, un facteur-clé pour récupérer

(1) Chef du service de médecine physique et de réadaptation, Groupe hospitalier Lariboisière Fernand Widal (AP-HP), Paris.

Un livret pour faciliter l’autorééducation

Conçu pour les personnes atteintes de séquelles d’AVC, notamment d’hémiplégie, leur famille et les professionnels de rééducation, le livret Informations et programme d’exercices dans la suite d’un AVC facilite la pratique d’exercices réguliers. Valérie Guay, kinésithérapeute à l’Institut de formation des masseurs-kinésithérapeutes du CEERRF*, a participé à sa réalisation. Elle explique : « Ce livret permet d’élaborer un programme d’exercices que la personne peut poursuivre seule, en autorééducation. Elle peut également s’auto-évaluer ce qui lui permet de constater les résultats de son entraînement sur différentes activités de la vie quotidienne. C’est particulièrement motivant et cela facilite la communication avec les professionnels de santé. »Le livret est téléchargeable gratuitement sur http://www.ceerrf.fr/actualites.html* CEERRF - 36, rue Pinel - 93260 Saint-Denis cedex

...

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Une à deux semaines après l’AVC, commence la rééducation. Kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes… : la prise en charge est pluridisciplinaire,

les exercices variés et intenses pour aider les patients à retrouver un maximum d’autonomie.

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conservé un minimum de fonctionnalité. Pour lutter contre son héminégligence, Isabelle, 36 ans, se rappelle avoir dû décrire et reproduire des dessins ou reconnaître au toucher des objets cachés dans un sac de jute : « J’en étais totalement incapable de la main gauche… Et ça me semblait si évident de la droite ! » Durant l’atelier cuisine, elle s’est entraînée à faire plusieurs choses en même temps, a révisé ses recettes et appris à casser les œufs d’une seule main.Les robots, l’informatique et la réalité virtuelle sont aussi très utilisés. Dans le service du Pr Yelnik, les patients peuvent jouer à l’ordinateur avec leur bras paralysé grâce à une orthèse qui s’adapte à leur force, marcher sur un tapis roulant malgré leur hémiplégie, saisir des cibles projetées sur un mur pour travail-ler leur équilibre, profiter des jeux interactifs d’une célèbre console… « Les robots et jeux informatiques ne remplacent pas les personnes mais ils permettent d’aug-menter les durées d’exercice », précise le médecin. Le côté ludique des jeux peut aussi motiver. Dominique, 56 ans, avait oublié l’utilisation d’un ordinateur. Il a persévéré puis apprécié d’avancer à son rythme avec Internet lorsqu’il était incapable de comprendre ce que la télévision diffusait.Les médecins, l’équipe soignante et l’entourage jouent un rôle primordial pour encourager les efforts. Malgré ses troubles de mémoire, Arlette n’a pas oublié la kinésithérapeute qui lui a fait faire ses premiers pas. Plusieurs événements familiaux l’ont aussi motivée. Sophrologue clinicien, spécia-liste des accidents traumatiques invalidants, Fabrice Alberny (2) remarque : « Au début de la rééducation, la personne a besoin d’une prise en charge individuelle pour se sentir exister. Mais après quelques semaines, il est important qu’elle participe à des activités en groupe, même s’ il y a peu d’ interactions, pour ren-forcer sa motivation. »

ENTRETENIR SES ACQUIS… À VIELes premiers mois de rééducation permettent les plus gros progrès, en particulier sur la marche qui revient parfois après quelques semaines. Le Pr Yelnik précise toutefois qu’il s’agit davantage de la possibilité de se déplacer chez soi sans fauteuil. Avec le temps, la kinésithérapie permet un mouvement plus fluide.Après un an, les bénéfices semblent plus modestes mais non négligeables et restent d’ailleurs toujours possibles, sous réserve d’un entraînement adapté. Dans ce but, mais aussi parce qu’elle est indispen-sable pour prévenir les complications et conserver les acquis, la rééducation doit être poursuivie à

vie. Les spécialistes conseillent l’autorééducation (lire encadré page 32) associée à quelques semaines annuelles de reprise plus intensive en cure ou avec un kinésithérapeute libéral. « Les gestes réappris ne sont plus des automatismes et si l’on ne pratique pas, on oublie, insiste le Pr Yelnik. C’est spectaculaire, surtout pour le bras s’ il n’est plus sollicité quotidien-nement. » De son côté, l’orthophonie est souvent poursuivie des années pour rééduquer l’aphasie.Les loisirs permettent également d’accomplir une partie du travail en y prenant plaisir. Huit ans après son AVC, Bernard, 62 ans, s’entraîne à domicile grâce à un tapis de marche, un vélo d’apparte-ment et ses escaliers qu’il met un point d’honneur à emprunter plusieurs fois par jour. « J’occupe mes membres mais aussi mon cerveau en trouvant toujours un moyen d’arriver à mes fins. » Depuis deux ans, Isabelle s’est mise au yoga. Elle a par ailleurs tou-jours veillé à partager un maximum d’activités avec ses filles. Arlette travaille indirectement son aphasie en composant des poèmes tandis qu’aller vers les autres lui permet de communiquer. Un compor-tement naturel pour elle qui aimait les lettres et travaillait dans le social.La rééducation vise à redonner un maximum d’in-dépendance pour permettre la meilleure qualité de vie possible. Cependant, l’appréciation de cette dernière demeure subjective. « Certaines personnes ne bougent plus de chez elles et sont très malheureuses avec des séquelles qui semblent modestes alors que d’autres s’en sortent bien malgré un lourd handicap. Il faut comprendre que ce dernier constitue une dif-ficulté avec laquelle il va falloir composer, mais pas une maladie », souligne le Pr Yelnik. Avoir eu un AVC ne doit pas empêcher de vivre et d’être actif, même différemment. ●

...

TexteAudrey PlessisPhotosJérôme Deya

(2) Psychopraticien relationnel, sophrologue clinicien spécialiste des accidents traumatiques invalidants, président de l’association Handi Free. Renseignements : [email protected] 06 09 76 68 60

Les proches aussi ont besoin d’être aidés

Dans un premier temps, les proches, soulagés de retrouver en vie la victime d’AVC, sont plutôt optimistes quant à la récupération. Mais après le retour à domicile, alors que le temps passe et que les progrès se raréfient, la situation peut devenir difficile, voire conflictuelle. Pour aider les victimes d’accidents traumatiques invalidants (AVC, traumatismes crâniens…) mais aussi l’entourage, Fabrice Alberny* propose des groupes de parole, d’accompagnement et d’évolution : « Nous travaillons sur les questions relationnelles (dépendance, équilibre familial…) et l’élaboration d’un nouveau projet de vie. C’est essentiel pour aider la famille à se reconstruire, non seulement pour elle-même mais également parce qu’elle est une ressource et un élément moteur essentiel pour permettre au patient de rebondir. »* Voir note de bas page (2).

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Texte Audrey Plessis

e venais d’avoir 10 ans. Je me suis retrou-vée hémiplégique avec d’ immenses problèmes de mémoire. J’avais l’ impression d’être punie

sans savoir pourquoi », se souvient Kathlyne, 24 ans. Avec moins de 1 000 cas annuels, l’accident vascu-laire cérébral (AVC) de l’enfant demeure beaucoup plus rare que celui de l’adulte. Les spécialistes dis-tinguent l’AVC périnatal, qui a lieu autour de la naissance, et l’AVC de l’enfant, qui présente deux pics de survenue, vers 18 mois et 10 ans.Neuropédiatre, le Pr Marc Tardieu (1) observe : « Le nourrisson peut avoir des convulsions ou une paraly-sie, l’enfant plus âgé des troubles moteurs d’apparition brutale, plus rarement des troubles de la parole et parfois un coma. Les causes sont différentes de celles de l’adulte et beaucoup plus variées. »L’AVC est cependant souvent découvert tardive-ment, surtout chez les plus jeunes, ce qui retarde sa prise en charge et complique le pronostic. Véro-nique Friess, cofondatrice de l’association AVC de l’enfant, témoigne : « Jean-Noé n’utilisait pas sa main droite mais les médecins se montraient rassurants. On nous a dit qu’ il serait gaucher… Heureusement, un neuropédiatre a fini par prescrire l’IRM qui a révélé les séquelles d’un AVC périnatal. »

UN COMBAT AU LONG COURSPassée la phase aiguë, les adolescents peuvent suivre un parcours similaire à celui des adultes, tandis que les nourrissons et jeunes enfants regagnent généra-lement leur domicile. La rééducation peut débuter

dès l’âge de 2 mois. Elle nécessite cependant un matériel et des compétences particulières ce qui peut poser des problèmes logistiques et financiers. L’un des parents est souvent contraint d’arrêter de travailler pour conduire l’enfant chez des spécia-listes éloignés du domicile. Parallèlement, certains frais ne sont pas remboursés et compensés de façon très inégale en fonction du lieu de résidence. « La prise en charge s’ étudie au cas par cas et doit être régu-lièrement réévaluée en fonction des progrès et de la lassitude de l’enfant », précise le Pr Tardieu.« En tant que parents, nous avons beaucoup de ques-tions, souligne Véronique Friess. On ne sait jamais si on en fait trop ou pas assez, ni comment ces enfants ressentent le membre déficient. Nous passons par la tendresse ou le jeu. » Comment distinguer aussi ce qui relève d’un caractère capricieux des consé-quences de l’AVC ? Des troubles cognitifs peuvent apparaître des années après, en cours de scolarité, ce qui inquiète beaucoup les parents. À long terme, deux tiers des enfants conservent des séquelles. Kathlyne a dû se battre, son handicap en partie invisible n’ayant pas été toujours reconnu.Depuis une dizaine d’années, le Pr Tardieu note toutefois des progrès dans les connaissances et la prise en compte des enfants victimes d’AVC. Leur mention dans le plan AVC 2010-2014, qui prévoit, entre autres, de désigner des structures référentes (2), devrait accélérer les choses. ●

(1) Chef du service de neuropédiatrie à l’Hôpital Bicêtre (AP-HP), Paris.

(2) Un centre national devrait être désigné ce mois, puis, dans la foulée, des structures régionales.

Rare et spécifique, l’accident vasculaire cérébral

de l’enfant est encore mal appréhendé par le corps

médical. Conséquences : un diagnostic souvent

tardif et une prise en charge qui varie en fonction

des régions et des spécialistes consultés.

AVC de l’enfant Mal connu, mal soigné

“J

Association AVC de l’enfant 98, rue de la Côte des Chênes 93110 Rosny/Boishttp://avcenfant.fr

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DossieR36Jean-Marie Perez,

« La prise en charge ne s’arrête

J.-M. P. : Le plan repose sur quatre priorités : améliorer la prévention et l’information de la popu-lation avant, pendant et après l’AVC ; mettre en œuvre des filières de prise en charge et des systèmes d’information adaptés ; assurer l’information, la formation et la réflexion des professionnels et pro-mouvoir la recherche.

FF : Quel premier bilan tirez-vous des actions réalisées ?J.-M. P. : Les actions mises en place concernent principalement le développement des unités neuro-vasculaires (UNV) dont le nombre est passé de 79 en 2009 à 118 actuellement. D’ici 2014, 140 UNV devraient être réparties sur tout le ter-ritoire. Le passage dans une UNV réduit de 20 %,

Lancé par l’ancienne ministre de la Santé

Roselyne Bachelot-Narquin, dans le but

de réduire de manière significative les

décès et dépendances liés à un accident

vasculaire cérébral, le “plan d’actions

national AVC 2010-2014” est à mi-parcours.

Président de la Fédération nationale France

AVC depuis 2009, association de patients

largement associée à l’élaboration de

ce plan, Jean-Marie Perez en dresse un

premier bilan en demi-teinte et insiste sur

les efforts qu’il reste à fournir, notamment

dans la prise en charge post-hospitalière.

Faire Face : La prise en charge de l’AVC doit-elle constituer une priorité en matière de santé publique ?Jean-Marie Perez : Chaque année, 150 000 per-sonnes sont frappées par un accident vasculaire cérébral (AVC), soit 1 toutes les 4 minutes. Parmi elles, 40 000 décéderont et 30 000 resteront lour-dement handicapées. Sur ces 150 000 cas, 45 000 personnes ont moins de 45 ans : l’AVC les frappe en pleine vie active et seulement 10 % d’entre elles seront susceptibles de reprendre le travail. Alors, oui, la fréquence et la gravité de l’AVC en font une véritable priorité de santé publique longtemps sous-estimée et négligée par les pouvoirs publics ! L’AVC touche toutes les couches de la population et même si des facteurs de risques, clairement identi-fiés (lire également pages 26-28), existent, personne n’est à l’abri. C’est pourquoi il est capital d’en parler, d’aider à reconnaître ses signes cliniques, pour un diagnostic et une prise en charge immédiats.

FF : Le message du plan national 2010-2014 est : “L’AVC ne doit plus être une fatalité.” Quelles en sont les principales orientations ?

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en moyenne, le risque global de décès et de dépen-dance ultérieure.La phase aiguë de l’AVC est donc mieux appré-hendée par les médecins mais il reste beaucoup à faire pour améliorer la prévention, la prise en charge post-hospitalière et l’accompagnement des patients et des familles.

FF : L’une de vos revendications est l’élargissement du parc des IRM (1). Or, la dernière enquête de l’as-sociation Imagerie Santé Avenir (Isa) (2) révèle un retard chronique. Quelles sont ses conséquences pour les malades ?J.-M.P. : C’est un sujet très préoccupant. Dans le cadre du plan AVC, nous avons en effet demandé l’installation d’une IRM pour chaque unité neuro-vasculaire créée. C’est un outil vital pour le patient victime d’AVC dès la survenue de l’accident mais également pour le suivi de l’évolution de sa maladie. Des délais d’attente trop longs exposent à des séquelles plus importantes. Vouloir faire des économies est nécessaire mais pas au détriment de la qualité des soins.

FF : La recherche sur l’AVC manque aussi cruel-lement de crédits…J.-M.P. : Les financements de projets de recherche sur cette pathologie sont dérisoires par rapport à ceux concernant la maladie d’Alzheimer, par exemple. C’est pourtant un moteur important d’amélioration des soins. France AVC essaie d’aider, à la mesure de ses moyens, les méde-cins et les chercheurs dans leurs travaux. Avec la Société française neuro-vasculaire (SFNV), nous remettons une bourse à un projet de recherche améliorant la qualité de vie après l’accident vas-culaire cérébral.

FF : Le 13 février 2004, à 60 ans, vous avez vous-même été victime d’un AVC. Vous savez donc combien sa prise en charge s’avère importante aussi bien lors de la phase aiguë que lors de la rééduca-tion. Pour autant, le suivi “post-AVC” des patients laisse encore à désirer. Comment pallier ce déficit ?

J.-M.P. : La prise en charge des accidents vas-culaires cérébraux ne s’arrête pas à la sortie de l’hôpital. De nombreux efforts restent à produire pour encadrer les patients, leur entourage mais aussi tous les professionnels libéraux, souvent démunis devant la prise en charge d’un AVC. La souffrance morale des patients et de leur famille, les difficultés de réinsertion familiale et sociale qu’ils rencontrent demeurent mal prises en compte. Le besoin d’écoute, de dialogue et de soutien de ces patients est immense. Il mérite qu’on lui accorde plus d’attention. ●

(1) Imagerie par résonance magnétique.

(2) Selon la 9e enquête annuelle réalisée pour Imagerie Santé Avenir (Isa), association regroupant des constructeurs d’appareils d’imagerie médicale, publiée en juin 2012, la France est à la traîne avec un parc de 618 IRM installées au 1er janvier 2012. Avec en moyenne 9,8 IRM/million d’habitants, elle reste loin derrière ses voisins européens, comme l’Allemagne, par exemple (27 IRM/million d’habitants). Par ailleurs, le délai moyen d’attente est de 29 jours.

président de France AVC

pas à la sortie de l’hôpital. »

Propos recueillis par Claudine ColozziPhoto Georges Bartoli

Créée en 1998, la Fédération nationale d’aide aux patients et aux familles de patients victimes d’AVC, France AVC, regroupe malades, familles et professionnels de santé. Interlocuteur privilégié et incontournable en ce qui concerne cette pathologie et surtout les séquelles qui en résultent, France AVC compte aujourd’hui 35 antennes, couvrant 55 départements dont l’outre-mer. Ses bénévoles sont à l’écoute des patients et de leurs aidants grâce à des permanences téléphoniques, un forum sur le site internet de l’association, des groupes de parole et une présence active dans les hôpitaux.Partenaire de la Journée européenne de l’AVC (2e mardi de mai) et de la Journée mondiale (le 29 octobre), France AVC participe également aux Journées de prévention des accidents vasculaires cérébraux dus à la fibrillation auriculaire initiées en 2011. Peu connue du grand public, cette affection constitue le trouble du rythme cardiaque le plus fréquent chez les adultes. C’est aussi le plus méconnu des facteurs de risque de l’AVC (26 000 cas par an).Fédération France AVC - 7, avenue Pierre Semard - 01000 Bourg-en-Bresse Tél. : 04 74 21 94 58 - www.franceavc.com

Fédération France AVC : une mobilisation de chaque instant

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Il existe de nombreux organismes

et ressources documentaires pour

améliorer le quotidien des patients

victimes d’AVC, les aider lors de

leur retour à domicile et répondre

à leurs préoccupations et à celles

de leur entourage.

Où trouver de

l’information pour

se faire aider ?

France AVC (lire aussi l’ inter-view pages 36-37)Source très importante d’in-formation sur les accidents vasculaires cérébraux, elle apporte aide et soutien aux patients et à leur famille. France AVC est composée d’une Fédé-ration nationale et d’antennes régionales. Pour trouver l’an-tenne dont vous dépendez, rendez-vous sur le site.www.franceavc.com

Fédération nationale des aphasiques de France (Fnaf)Elle rassemble des groupes d’aphasiques et des aphasiques isolés. Ses buts ? Mieux faire connaître les différentes formes d’aphasie, soutenir les personnes aphasiques dans leurs réadap-tations familiales, sociales et professionnelles et dans leur réé-ducation du langage.www.aphasie.fr

(lire aussi page 35)Créée fin 2011, cette nouvelle

association informe les familles notamment sur les techniques de rééducation ou d’apprentissage existantes pour les enfants souf-frant de lésions cérébrales. Elle bouillonne de projets dont celui de concevoir, éditer et diffuser un guide de l’AVC pédiatrique.www.avcenfant.fr

Comité français de lutte contre l’hypertension arté-rielle (CFLHTA)L’hypertension artérielle (HTA) est la première cause des acci-dents vasculaires cérébraux. Dans le cadre du plan d’action national AVC, il a été décidé de faire du contrôle de la tension artérielle un axe prioritaire pour améliorer l’état sanitaire de la population. Objectif : atteindre 70 % des hypertendus contrôlés et traités en 2015.www.comitehta.org

Société française neuro- vasculaire (SFNV)Partenaire de la Journée mon-diale de l’accident vasculaire cérébral (World Stroke Day) qui célébrera sa dixième édition le 29 octobre 2012, elle sensibilise le grand public aux symptômes, à la surveillance et au traitement de cette pathologie. L’une de ses missions est de communiquer sur l’importance d’une prise en charge immédiate pour réduire le risque de séquelles.www.sfnv.fr

À LIRERédigé par un groupe pluridis-ciplinaire de soignants, ce guide est consacré aux difficultés du retour à domicile des malades. Il permet d’appréhender tous les aspects médicaux, pratiques, administratifs et psycholo-giques concernant le patient et son entourage. Complet, d’un abord simple et pédagogique, cet ouvrage a reçu le prix 2011 de la revue Prescrire.Le Retour à domicile après un acci-dent vasculaire cérébral (Guide pour le patient et sa famille). Coordonné par Catherine Morin. John Libbey Eurotext, 2009, 183 pages, 22 €. Dispo-nible sur www.appeldulivre.fr ou sur www.amazon.fr

À TÉLÉCHARGERL’unité neuro-vasculaire du CHU de Nantes a élaboré un guide intitulé Confort de vie après un AVC à destination de ses patients. Il contient toutes les informations nécessaires à une bonne gestion et organisa-tion du quotidien dès la sortie de l’hôpital. Ce document est disponible en format PDF sur le site du CHU de Nantes : www.chu-nantes.fr ●

Texte Claudine Colozzi

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