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Rapport de congrès Pneumologie en Pays Cathare Carcassonne, novembre 2003 Faut-il explorer le sommeil d’un enfant ronfleur ? U. Calvet Laboratoire de Neuro-Physiologie Clinique, Clinique Saint-Jean du Languedoc, Toulouse, France. Tirés à part : U. Calvet, Laboratoire de Neuro-Physiologie Clinique, Clinique Saint-Jean du Languedoc, 31400 Toulouse, France. Le ronflement est souvent perçu comme quelque chose d’anodin, d’ennuyeux, de gênant, voire d’inoffensif : il ronfle, on pourrait ajouter, son père ronfle, toute la famille ronfle... Or, on sait que chez l’adulte, ronflement et apnées sont le continuum d’un même processus pathologique dont les consé- quences à long terme sont graves. Chez l’enfant, il est actuellement établi qu’il existe des syndromes d’apnées du sommeil (SAS) qui doivent être détec- tés en raison des effets délétères, cardio-vasculaires, sur la crois- sance et le développement psychique [1]. Ce syndrome touche 1 à 3 % des enfants pour 3 à 4 % des adultes. On ne sait pas s’il s’agit de la même population : les syndromes d’apnée de l’enfant donnent-ils des syndromes d’apnée de l’adulte, ou bien s’agit-il d’une maladie différente ? La symptomatologie clinique est un peu différente de celle de l’adulte. Il est difficile de porter un diagnostic uniquement par l’histoire clinique et l’examen clinique. Les signes qui vont orienter vers un syn- drome d’apnées du sommeil sont : un ronflement lourd avec une tonalité particulière, une irrégularité de la respiration au cours du sommeil, une respiration qui diminue et qui reprend (crescendo), un sommeil en position anormale qui inquiète souvent les parents avec la tête en dehors du lit, en hyper- extension [2] ; ou l’impossibilité de dormir en dehors d’une position assise ; une transpiration anormale pendant le som- meil est également un bon signe, de même qu’une énurésie secondaire. Des difficultés au réveil, un sommeil agité, des maux de tête au réveil ou dans la journée, sont également observés. La somnolence diurne est rarement retrouvée, contrairement à l’adulte. Il faut rechercher dans la journée des troubles au niveau de l’adaptation scolaire, problème d’atten- tion, de concentration, d’irritabilité ou d’agressivité [3]. Le diagnostic est confirmé par la polysomnographie. On peut, comme chez l’adulte, faire appel à des polysomnogra- phies ambulatoires type EMBLETTA. Mais la polysomnogra- phie en laboratoire de neuro-physiologie pédiatrique, avec vidéo E.E.G, est la plus utilisée. Les critères de diagnostic utilisés chez l’adulte ne sont pas tous opérants chez l’enfant. Les indices d’apnées sont souvent plus bas que ceux de l’adulte, Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 191-228 © 2004 SPLF, tous droits réservés 215

Faut-il explorer le sommeil d’un enfant ronfleur ?

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Rapport de congrèsPneumologie en Pays CathareCarcassonne, novembre 2003

Faut-il explorer le sommeil d’un enfant ronfleur ?

U. Calvet

Laboratoire de Neuro-Physiologie Clinique, Clinique Saint-Jean duLanguedoc, Toulouse, France.

Tirés à part : U. Calvet, Laboratoire de Neuro-Physiologie Clinique,Clinique Saint-Jean du Languedoc, 31400 Toulouse, France.

Le ronflement est souvent perçu comme quelque chosed’anodin, d’ennuyeux, de gênant, voire d’inoffensif : il ronfle,on pourrait ajouter, son père ronfle, toute la famille ronfle...Or, on sait que chez l’adulte, ronflement et apnées sont lecontinuum d’un même processus pathologique dont les consé-quences à long terme sont graves.

Chez l’enfant, il est actuellement établi qu’il existe dessyndromes d’apnées du sommeil (SAS) qui doivent être détec-tés en raison des effets délétères, cardio-vasculaires, sur la crois-sance et le développement psychique [1]. Ce syndrome touche1 à 3 % des enfants pour 3 à 4 % des adultes. On ne sait pas s’ils’agit de la même population : les syndromes d’apnée del’enfant donnent-ils des syndromes d’apnée de l’adulte, oubien s’agit-il d’une maladie différente ? La symptomatologieclinique est un peu différente de celle de l’adulte. Il est difficilede porter un diagnostic uniquement par l’histoire clinique etl’examen clinique. Les signes qui vont orienter vers un syn-drome d’apnées du sommeil sont : un ronflement lourd avecune tonalité particulière, une irrégularité de la respiration aucours du sommeil, une respiration qui diminue et qui reprend(crescendo), un sommeil en position anormale qui inquiètesouvent les parents avec la tête en dehors du lit, en hyper-extension [2] ; ou l’impossibilité de dormir en dehors d’uneposition assise ; une transpiration anormale pendant le som-meil est également un bon signe, de même qu’une énurésiesecondaire. Des difficultés au réveil, un sommeil agité, desmaux de tête au réveil ou dans la journée, sont égalementobservés. La somnolence diurne est rarement retrouvée,contrairement à l’adulte. Il faut rechercher dans la journée destroubles au niveau de l’adaptation scolaire, problème d’atten-tion, de concentration, d’irritabilité ou d’agressivité [3].

Le diagnostic est confirmé par la polysomnographie. Onpeut, comme chez l’adulte, faire appel à des polysomnogra-phies ambulatoires type EMBLETTA. Mais la polysomnogra-phie en laboratoire de neuro-physiologie pédiatrique, avecvidéo E.E.G, est la plus utilisée. Les critères de diagnosticutilisés chez l’adulte ne sont pas tous opérants chez l’enfant.Les indices d’apnées sont souvent plus bas que ceux de l’adulte,

Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 191-228 © 2004 SPLF, tous droits réservés 215

les apnées sont souvent plus courtes, moins de 10 secondes,elles s’accompagnent pourtant de modifications de la Sa02. Onpeut voir des indices d’apnée bas avec hypoxie sévère et aug-mentation des résistances des voies aériennes supérieures. Onpeut aussi avoir des apnées répétitives sans désaturations. Desphénomènes d’obstruction partielle avec hypoventilationsalvéolaires associées sont parfois détectés, sans hypoxie maisavec augmentation de la capnie. Enfin, l’éveil cortical, qui estun des critères de fragmentation du sommeil chez l’adulte, estrarement retrouvé à la fin de l’apnée, alors que les modifica-tions du système nerveux autonome existent. L’absence defragmentation du sommeil explique peut-être le caractèremodéré de la somnolence diurne.

Le pronostic des syndromes d’apnées du sommeil nontraités est identique à celui de l’adulte, mais les principalesconséquences sont neuro-physiologiques, cognitives et com-portementales. Le trouble le plus marqué est le trouble del’attention avec hyperactivité (TDAH). Ce trouble estretrouvé dans 2 à 5 % de la population générale, il est de 20 à40 % chez les enfants ronfleurs qui présentent un syndromed’apnées du sommeil. Ceux-ci ont aussi une diminution de lamémoire de travail, de l’intelligence (d’où des difficultés sco-laires) et davantage de troubles comportementaux (instabilité,opposition, agressivité). Les conséquences somatiques sont lesproblèmes de croissance, avec arrêt de développement du

poids et cassure de la courbe de croissance, qui peuvent être missur le compte de la diminution du sommeil profond ou desmodifications des gaz du sang. Les complications cardio-pulmonaires sont rares et plus graves. L’hypertension, qui estune complication classique chez l’adulte, est peu retrouvéechez l’enfant ; Les troubles du rythme cardiaque à typed’arythmie sont peu fréquents mais ont également été décrits.Un retentissement cardiaque droit peut se voir.

Le traitement [4] fait appel dans 80 % de cas à la chirur-gie des amygdales et des végétations. Il est parfois complété parune chirurgie maxillo-faciale dans le cas des syndromes mal-formatifs crânio-faciaux. Enfin, la pression positive continueest parfois utilisée.

Références

1 Marcus CL : Obstructive sleep apnea syndrome. Differencies betweenchildren and adults. Sleep 2000 ; 23 : S140-1.

2 Fernandes DO Prado LB, Li X, Thompson R, Marcus CL : Bodyposition and obstructive apnea in children. Sleep 2001 ; 25 : 66-71.

3 Blunden S, Lushington K, Kennedy D : Cognitive and behaviouralperformance in children with sleep related obstructive breathing disor-ders. Sleep Medecine Reviews 2001 ; 6 : 447-61.

4 Lipton AJ, Gozal D : Treatment of obstructive sleep apnea in children:do we really know how? Sleep Medecine Reviews 2003 ; 17 : 61-80.

U. Calvet

Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 191-228216