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    GRANDIR ENTRE PAIRS L'COLESgrgation ethnique et reproduction sociale dans le systme ducatif franaisGeorges Felouzis et Jolle PerrotonLe Seuil | Actes de la recherche en sciences sociales

    2009/5 - n180

    pages 92 100

    ISSN 0335-5322

    Article disponible en ligne l'adresse:

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2009-5-page-92.htm

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    Pour citer cet article :

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Felouzis Georges et Perroton Jolle, Grandir entre pairs l'cole Sgrgation ethnique et reproduction sociale

    dans le systme ducatif franais,

    Actes de la recherche en sciences sociales, 2009/5 n180, p. 92-100. DOI : 10.3917/arss.180.0092

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    Distribution lectronique Cairn.info pour Le Seuil.

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    93ACTES DE LA RECHERCHE EN SCIENCES SOCIALESnumro 180 p. 92-101

    1.MEN-DEPP, Lire, crire, compter : lesperformances des lves de CM2 vingt

    ans dintervalle 1987-1997 , Note dinfor-mation, 08-38, dcembre 2008.2.Jean-Paul Payet, Collges de banlieue.Ethnographie dun monde scolaire, Paris,Mridiens-Klincksieck, 1995.

    3.Christian Baudelot et Roger Establet,Avoir 30 ans en 1968 et 1998, Paris, Seuil,

    2001.4.Dans Pisa 2006, la France est le paysdans lequel les ingalits sont les plusfortes. OCDE, Comptences pour lave-nir ; Christian Baudelot et Roger Establet,

    Llitisme rpublicain, Paris, Seuil, 2009.5.Ralph Turner, Sponsored and contest

    mobility and the school system,AmericanSociological Review, 25(6), 1960,p. 855-867.6.Antoine Prost, Histoire de lenseigne-ment en France, 1880-1968, Paris, Armand

    Colin, 1969.7.James Coleman et al., Equality of Edu-

    cation Opportunity, Washington (DC), USGovernement Printing Office, 1966.8.Christopher Jencks, LIngalit. Influencede la famille et de lcole en Amrique, Paris,PUF, 1979 [1972].

    Cet article analyse la complexificationdes modes de reproduction socialepar lcole en montrant le poids desgroupes de pairs dans les proces-sus de socialisation des adolescents.Lenjeu est le contrle par les famillesde ce processus, lun des moyens demettre en uvre ce contrle, toujoursrelatif, tant le choix de ltablisse-ment de scolarisation. De ce fait, laquestion de la reproduction socialepar lcole se pose en des termesrenouvels. Au regard des volutionsdu systme ducatif franais et desdbats actuels sur les apprentissages lcole primaire1, ltat de dlaissementde certains tablissements fortementsgrgus2ou encore le dclassementdes jeunes diplms du suprieur3,il apparat que les modes de repro-duction sociale ont chang de formeet quil faut en dcrire les mcanis-mes de faon en rendre compte.Le propos nest pas ici de sous-estimerle poids de lespace familial dans cettereproduction, mais de raisonner surles mdiations et les nouvelles voiesquelle peut prendre dans et par lcoleau travers de la rpartition des lvesdans les tablissements. Parmi les dsillusions de la dmocratisation ,

    on doit en effet faire figurer tout aumoins en France les phnomnes desgrgation scolaire et leurs cons-quences sur les ingalits. Il est pour lemoins paradoxal de constater que dansles grandes enqutes internationales,le systme ducatif franais apparatcomme lun des plus ingalitaires : lesfacteurs conomiques et culturels y ontun poids bien plus marqu quailleursdans la dfinition des comptences deslves4. En dautres termes, la repro-duction sociale par lcole est bienplus marque en France que dans lesautres pays comparables. On ne peut,bien entendu, se satisfaire de ce simpleconstat tant du point de vue empiriquequinterprtatif. Toutefois, il donneun point dancrage pour comprendreles nouvelles voies de la reproduc-tion sociale dans un systme scolaireunifi du point de vue des filires, maisqui a volu vers une diffrenciationdes tablissements, du point de vueethnique, scolaire et social.

    On pourrait rsumer la naturede ces volutions en reprenant, toutau moins en partie, les catgories deRalph Turner5lorsquil compare, la findes annes 1950, les modes de rgula-tion de la mobilit sociale par lcole

    aux tats-Unis et en Grande-Bretagne.Le systme doutre-Atlantique relvedu contestds lors que chacun jouesa carte dans un systme unifi dupoint de vue des filires et largementdmocratis, tout au moins danslenseignement secondaire. Alors quele systme britannique est encore rgipar la cooptation sociale : lentre dansune Grammar schoolest troitementdpendante des proprits sociales deslves et de leur famille. Lunificationprogressive de lenseignement secon-daire en France, dont Antoine Prost6a retrac la lente mise en uvre, avaitpour objectif de transformer unecole fortement structure autourde la cooptation sociale (une coledes lites) en un systme plus ouvertproche du contestque dcrit Turnerdans le cas des tats-Unis. Toutefois la mme poque, les travaux de JamesColeman7 et de Christopher Jencks8montraient le poids de la sgrgationraciale dans la dfinition des destinsscolaires aux tats-Unis : les ingalitsraciales se structurent lcole autourde loffre ducative dont la qualitdpend la fois des dotations des coleset du school mixdes tablissements.En France, les rformes successives

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    9.Christian Monseur et Marcel Crahay, Composition acadmique et sociale destablissements, efficacit et ingalitsscolaires : une comparaison internatio-nale , Revue franaise de p dagogie,162, 2008, p. 55-65.10.En 2007, plus de 90 % des jeunesde 17 ans en France sont encore scola-riss, MEN-DEPP, Repres et rfrencesstatistiques, 2008, p. 25.

    11.Olivier Galland, Une nouvelle adoles-cence , Revue franaise de sociologie,49(4), 2008, p. 819-826.12.Les travaux sur la transmission cultu-relle entre parents et adolescents donnent

    voir limportance croissante du groupede pairs dans la formation des pratiquesculturelles des adolescents. Sylvie Octobreet Yves Jauneau, Tels parents, telsenfants ? Une approche de la transmissionculturelle , Revue franaise de sociologie,49(4), 2008, p. 695-722.13.Jean-Daniel Reynaud et Alain Touraine, Deux notes propos dune enqutesur les tudiants en mdecine , Cahiers

    internationaux de sociologie, 20-21, 1956,p. 124-148.14.OCDE, Apprendre aujourdhui, russirdemain. Premiers rsultats Pisa 2003,Paris, OCDE, 2004, p. 413.

    15. INED, Population et lenseigne-ment, Paris, PUF, 1966.16.Georges Felouzis, Franoise Liotet Jolle Perroton, LApartheid scolaire,Paris, Seuil, coll. Points, 2007.17.Ren Duchac, La Sociologie desmigrations aux tats-Unis, Paris-La Haye,Mouton, 1974.18.Lindice de Gini permet de comparerles ingalits de rpartition dun bien,

    quel que soit le pays ou le domaine :conomique (ingalits de revenus ou depatrimoine) ou social. Rgulirement, le Rapport mondial sur le dveloppementhumain publie ltat des ingalits en

    termes de revenus et de consommationpour chaque pays. Pour les modalitsprcises de calcul, voir Stephan Lollivieret Daniel Verger, Le patrimoineaujourdhui. Beaucoup entre les mainsde quelques-uns , INSEE, Donnessociales 1990.19.Une abondante littratu re existe surles mrites compars des diffrents indi-ces de sgrgation. On peut voir, dans le

    domaine de la sociologie de lcole, parexemple Karl E. Tauber et David R. James,Racial segregation among public andprivate schools, Sociology of Education,55(2-3), avril-juillet 1982, p. 133-143.

    du systme ducatif, et la massificationscolaire qui en a rsult, ont entranle passage dune cole des lites, dola majorit est exclue et o existe unfort droit dentre culturel et social, une cole dmocratise dans laquelle

    les parcours jusqu la fin du collgese diversifient non plus principale-ment en fonction de la filire dtude,mais en fonction de ltablissementde scolarisation.

    Ce processus se concrtise par unespcialisation sociale et ethnique destablissements qui jouent aujourdhuile rle de filtre tenu prcdemmentpar les filires. Or ce mode de rgula-tion par les marchs scolaires prend desformes moins institutionnalises quecelui de la cooptation sociale garan-

    tie par des filires identifiables et doncmoins incertaines pour les individus.La thse dfendue ici est que la sgr-gation scolaire transforme les modalitsde la reproduction sociale par lcole.Par son ampleur, elle produit unesegmentation de loffre ducative censetre unifie jusqu la fin du collge, avecdes effets sur les apprentissages et surla socialisation. La sgrgation scolaireparticipe tout dabord de la reproduc-tion sociale travers les conditions detransmission du capital scolaire, qui

    dpendent en partie de ltablissement9

    .Celui-ci tend jouer le rle que jouaientprcdemment les filires : sparationdes lves en fonction de leur originesociale et ethnique, spcialisation des tablissements, classes dlite ,options rares, etc. La reproductionsociale passe ensuite par les habitussociaux dont lcole est devenue un desmodes privilgis de conservation etde reproduction. Dans un monde ola scolarisation est quasi gnrale etlongue10, et dans lequel lautonomie des

    adolescents saffirme comme une valeurlargement partage11, la transmissionculturelle passe certes par le milieu

    familial mais aussi par le groupe depairs12dont linfluence ne fait que crotredans la formation des gots culturels etdes pratiques des jeunes. Dans un telcontexte, la reproduction des habituschappe en partie la famille au bnfice

    de lcole, ou plutt des tablissementsscolaires, qui jouent un rle central dansla constitution des groupes de pairs, desrencontres et des relations dadolescentseux-mmes au principe de la forma-tion et de la reproduction des habitussociaux aujourdhui fortement dpen-dants des effets de dominance13.

    Lenjeu devient alors aussi pourles familles, si elles veulent maintenirleur hritage, le contrle indirect dugroupe de pairs par le choix de lta-blissement. Ce que les filires permet-

    taient dans un tat antrieur du systmescolaire par lintermdiaire du capitalculturel, se ralise aujourdhui par lechoix de ltablissement qui dpendplus fortement du capital conomique,ds lors que ces choix sarticulent auxpositions dans lespace urbain. On peutnoter que la comparaison des effetsrespectifs du capital culturel familialet du statut social des parents sur lescomptences des lves dans les enqu-tes Pisa14montre une influence plus fortedu statut social que du capital cultu-

    rel, contrairement ce quobservaientGirard et Bastide sur le panel 1960 enFrance15. Cette volution rsume lestransformations des systmes ducatifset des modes de reproduction socialedcrits dans cet article.

    Il sagit donc de montrer que, si lecapital culturel familial reste un atoutfondamental pour la russite scolaire,il constitue plus une condition ncessaireque suffisante dans un systme scolairetransform. De nouvelles mdiationsse mettent en place dans la reproduc-

    tion sociale entre capital social, capitalculturel et capital scolaire, qui, loinde dlgitimer lespace familial, supposent

    au contraire, de la part des familles,le dveloppement de nouvelles strat-gies de prservation et de reproduction.Lobjet de cet article est prcismentdclairer ces mdiations et ces stratgies,en insistant sur limportance et le rle

    fort que joue aussi la matrise des choixscolaires et travers eux la matrisedu groupe des pairs.

    Sgrgation ethnique etsgrgation sociale au collge

    Comment dfinir et dcrire la sgr-gation scolaire dans les collges ?Du point de vue des critres sgrga-tifs, on a montr, en tudiant la rpar-tition des lves de lensemble duneacadmie, que le critre quantitatif

    de sgrgation le plus fort tait lori-gine ethnique des lves bien plusque leur origine sociale16. Ce premierconstat demande tre explicit, tantil est vrai que la dimension ethniqueest difficilement apprhendable dansles enqutes quantitatives en France.Devant limpossibilit de connatre lesorigines migratoires des lves partirde la statistique scolaire, on a procden utilisant deux informations compl-mentaires : dabord la nationalit deslves, ensuite leur prnom, construit

    comme indicateur de leur origine ethni-que. Le croisement de ces deux infor-mations a permis de raisonner sur lescritres quantitatifs les plus pertinentspour rendre compte de la rpartitiondes lves dans les 333 tablissementsde lacadmie. Lun des rsultats estque lorigine ethnique des lves est lecritre de sgrgation le plus fort, quelon mesure ce critre par des indicesde dissimilarit, dans la traditionde la sociologie urbaine amricaine desannes 196017, ou par lindice de Gini

    plus souvent utilis pour rendre comptedes ingalits de revenus18, mais ausside la sgrgation urbaine et scolaire19.

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    20.Ibid., p. 141.

    21.Sean F. Reardon et John T. Yun, Sub -urban racial change and suburban schoolsegregation, 1987-1995, Sociology ofEducation, 74(2), 2001, p. 89.22.David Sikkink et Michael O. Emerson,

    School choice and racial segregation in

    US schools: the role of parents educa-tion, Ethnic and Racial Studies, 31(2),2008, p. 267-293.23.Georges Felouzis et Jolle Perroton, Les marchs scolaires : une analyse

    en termes dconomie de la qualit ,

    Revue franaise de sociologie, 48(4),2007, p. 693-722.24.Jean-Christophe Franois et FranckPoupeau, Les dterminants socio-spa-tiaux du placement scolaire. Essai de

    modlisation statistique applique aux

    collges parisiens , Revue franaise desociologie , 49(1), 2008, p. 93-126.25.Marco Oberti, Lcole dans la ville,Paris, Presses de Sciences Po, 2007.

    Lun des avantages de lindice de Gini estde ne pas tre sensible aux variationsdes proportions moyennes des groupesconsidrs. Il permet ainsi de compa-rer le degr de sgrgation dunepopulation donne dans des priodes

    historiques, ou des pays diffrents.Lindice de Gini pour les lves alloch-tones de lenqute est de 0,44. Mais lesdonnes ont permis daller plus loin enconsidrant uniquement la rpartitiondes lves les plus susceptibles dtrelobjet dune sgrgation scolaire enFrance : ceux du Maghreb, dAfriquenoire et de Turquie. Pour ces lves,lindice de Gini passe 0,56. Pourcomparaison, le mme indice de sgr-gation pour les lves noirs Bostondans les High Schoolsen 1976 tait

    de 0,6020. De mme, dans les colespubliques des suburbs de lensem-ble des tats-Un is, lindice de Gin imesurant la sgrgation des lvesnoirs est de 0,68 en 1995. Il est de0,63 pour les lves hispaniques etde 0,57 pour les asiatiques21. Cettecomparaison permet daffirmer quele phnomne sgrgatif en France,bien quapparemment plus fa ib le ,est dune ampleur comparable celle observe dans les coles auxtats-Unis. La sgrgation ethnique

    apparat donc comme un phnomnemajeur, et ceci dautant plus que lesautres principes potentiels de sgr-gation lcole (lorigine sociale et leretard scolaire) apparaissent commebeaucoup plus faibles du point de vuede leur capacit dfinir la rparti-tion des lves dans les tablissements.Le fait que les lves dont la mise lcart est la plus marque soientles allochtones du Maghreb, dAfri-que noire et de Turquie, bien plusque les allochtones toutes origines

    confondues, montre que le stigmateracial nest pas tranger au phno-mne. Tout porte donc croire quela sgrgation scolaire comporte unedimension ethn ique prpondrante,mme si les tablissements ghettos cumulent les caractristiques les plusloignes des standards duca-tifs en termes de positions scolaires,sociales et ethniques de leur public.

    On ne peut certes dduire de cettesaillance quantitative une primautontologique de la sgrgation ethni-que sur la sgrgation sociale, dautantplus que limbrication est forte entreces deux ordres de faits, et quil est

    complexe de dmler ce qui relvedun processus social et dun proces-sus ethnique de mise lcart. On peuttoutefois apporter quelques lmentsqui tendent montrer que la composi-tion ethnique du public dun collge estdterminante dans sa qualification ousa disqualification par les familles.La qualit dun collge, entendu lafois comme sa capacit pdagogique faire progresser les lves, et lenvi-ronnement de vie quil leur propose, estperue par les familles partir dindi-

    cateurs simples comme la compositionethnique et sociale du public dl-ves. Cest au demeurant la premireinformation que lon peroit duntablissement scolaire, tant il est vraique la perception de la nature deson public est immdiate. De mmelenqute rcente de David Sikkinget Michael Emerson22aux tats-Unissur le choix de lcole montre que lacomposition raciale dun tablissementest le critre principal de perception dela part des parents, qui y sont dautant

    plus sensibles quils sont blancs et dipl-ms du suprieur. La qualit scolairedun tablissement est donc perue pardes critres extrieurs et directementapprhendables, sans pour autant queleur pertinence soit tablie. Et cest lune caractristique structurante desprocessus de choix de ltablissement :il se fonde sur lincertitude quant laqualit ducative alors que celle-ci estprimordiale et dcisive dans une coledmocratise o aucune filire ne vientbaliser les parcours et certifier trs tt

    un avenir scolaire. Le choix de ltablis-sement fonctionne comme un marchdes singularits23 dans lequel lejugement est loprateur principal .Et ce jugement se fonde sur des sourcestelles que la rumeur, les rseaux oules rputations , qui donnent auxcaractristiques visibles et saillantesdu public dun tablissement tout sonpoids. Car au fond lapparence sociale,

    conomique, ethnique du public duntablissement, donne des indicesaux parents tout autant sur le niveauscolaire que sur la frquentation despairs quils peuvent escompter de cettablissement, et joue donc un rle de

    rassurance quant au contrle indirectquils peuvent alors exercer dans lesmodalits de la reproduction sociale.

    Il reste toutefois explorer laquestion des sources urbaines et propre-ment scolaires de cette sgrgation.Dans le cas des tats-Unis parexemple, le choix de lcole prend leplus souvent une dimension quelle napas en France, mme si les nouvel-les politiques ducatives tendent limiter lusage de la carte scolairelors de linscription au collge. Le

    poids de la sgrgation urbaine esten effet dterminant pour compren-dre les modalits de construction dela sgrgation scolaire. Le choix duntablissement ne peut se comprendreque dans le champ plus vaste de loffrescolaire locale, notamment Paris ole placement scolaire des lves varieen fonction de la nature de loffredans lenvironnement urbain proche24.Par lintermdiaire de la sectorisation,on observe un lien fort entre sgrga-tion urbaine et sgrgation scolaire

    tant dans lenqute de terrain sur laca-dmie de Bordeaux que dans dautresespaces urbains25. Toutefois, la sgr-gation scolaire est toujours plus forteque la sgrgation urbaine, commele montre la comparaison entre lessecteurs scolaires dune part et lestablissements de lautre. On peut doncse questionner sur le degr de sgrga-tion respectif des secteurs scolaires etdes tablissements eux-mmes. Dunpoint de vue global, en loccurrencesur les donnes empiriques obtenues

    lchelle de lagglomration borde-laise, le diffrentiel entre la sgrga-tion des secteurs scolaires et celle destablissements est relativement faible.Lindice de Gini passe de 0,44 pourles secteurs scolaires 0,49 pour lestablissements, ce qui correspond une augmentation de 11 % entre lesdeux indices. La sgrgation ethni-que dans les tablissements est

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    26.Alain Lger et Maryse Tripier, Fuirou construire lcole populaire ?, Paris,

    Mridiens-Klincksieck, 1986 ; Robert Bal-lion, Les Consommateurs dcole, Paris,Stock, 1982 ; Agns van Zanten, Lcolede la priphrie. Scolarit et sgrgationen banlieue, Paris, PUF, 2001.

    27.J.-C. Franois et F. Poupeau, op. cit.28. Peter B. Doeringer et Michael J.

    Piore, Internal Labour Markets and Man-power Analysis, Lexington (Mass), Heath,1971.29.Marie Duru-Bellat et Alain Mingat, Ledroulement de la scolarit au collge : le

    contexte fait des diffrences , Revuefranaise de sociologie, 39, 1988.

    30.Georges Felouzis, La sgrgationethnique au collge et ses consquen-ces , Revue franaise de sociologie,44(3), 2005, p. 3-36.31.J. Coleman et al., op. cit.

    32.Martin Thrupp, The school mix effect:the history of an enduring problem in edu-

    cational research, policy and practice,British Journal of Sociology of Education,16(2), 1995, p. 183-203.

    donc suprieure de 11 % celle dessecteurs scolaires. Ce phnomnena rien dtonnant si lon a en ttelensemble des choix possibles lispar exemple lenseignement privou encore au choix dun autre tablis-

    sement que celui du secteur scolaire.Toutefois, l nest pas linformationessentielle. Par nature, la sgrga-tion scolaire est localise. Elle ne sedploie totalement que dans certai-nes zones urbaines et scolaires pourproduire, en bout de course, devritables ghet tos scolai res . Or,pour une part infime des collges delacadmie (un dixime seulement),on a observ un taux de sgrga-tion ethnique multipli par 1,5 2,5entre le secteur scolaire et ltablisse-

    ment lui-mme. Ce qui est considrableet montre le poids des micro-situationsurbaines dans lesquelles se dploient lesstratgies de choix des tablissements.

    Ce sont bien entendu les familles,notamment de milieux moyens oufavoriss, qui sont pointes du doigtdans ce renforcement de la sgrga-tion scolaire. La littrature sociologi-que sest, dans ce cadre, intresse auxstratgies de contournement de la cartescolaire par les familles et aux modali-ts de choix de ltablissement26plus

    quau lien rel entre urbain et scolaire.Ces travaux ont pour la plupart soulignle meilleur positionnement des famillesfavorises dans ces stratgies et ont donccontribu montrer que cet vitementscolaire tait source dhomognisationdes publics des tablissements et sansdoute de sgrgation. Nanmoins, lesfamilles populaires ne sont pas dpour-vues de stratgies, mme si la dpen-dance envers les contraintes spatialesvar ie fortement selon les catgoriessociales et leur position dans la ville27.Elles ne sont en effet pas totalementdmunies et nacceptent plus commeune vidence de scolariser leur enfantdans le collge du secteur. Elles peuventavoir recours des tablissementsprivs plus populaires ou dautrescollges publics en contournant lacarte scolaire. Reste en bout de chanedes tablissements repoussoirs quisont fuis par toutes les catgories de

    population et qui concentrent les lvesles plus dfavoriss et le plus souventissus de limmigration. Ils correspondentaux 10 % dtablissements identifiscomme les plus sgrgus et pourlesquels une partie significative de la

    sgrgation est imputable, au-del desralits urbaines, aux stratgies scolai-res des familles. On peut ainsi montrerque se cre un march dual delenseignement comme on a pu dcrire partir des annes 1970, un march dualet segment de lemploi28, et que cettesegmentation accrue de loffre scolairelaisse merger in finedes tablissementsghetthoss tant sur le plan social, quauplan scolaire et ethnique.

    cole sgrgativeet capital scolaire

    Il faut interroger, ce stade de lanalyse,les consquences scolaires de cettesegmentation de loffre ducative. Pourque la sgrgation scolaire constitueun nouveau vecteur de reproductionsociale, encore faut-il montrer queles parcours scolaires en dpendent.Et sur ce point, les travaux sur leseffets dtablissement et leur poids surles processus dorientation ont montr,ds les annes 1980 en France, quele contexte fait des diffrences , etnotamment certaines caractristiquesde ce contexte telles que la compo-sition sociale des tablissementsou le turnover des enseignants29.Les tablissements les plus populai-res tendaient orienter leurs lves, niveau de comptence gal, vers desfilires professionnelles, au dtrimentdes parcours gnraux menant au bac.Aujourdhui , ces processus dorien-tation nexistent plus ce niveau deformation, mais lon peut les retrouverdans leur influence sur les ingalitsscolaires dapprentissage.

    Si lon analyse, partir de notreenqute, les rsultats obtenus auxpreuves sur table du brevet par leslves de troisime, on observe quilexiste bien un dsavantage tre scola-ris dans des tablissements sgrgus.Ainsi les lves de ces collges obtiennent

    des rsultats moins bons que les autres,toutes choses gales par ailleurs30.Ds les annes 1960, le rapportColeman31avait mis en vidence auxtats-Unis que la russite scolaire desjeunes de tous les groupes ethniques

    augmentait au fur et mesure quaug-mentait le pourcentage dlves blancsdans ltablissement frquent. Il ne fautpas en conclure pour autant un pureffet de typeethnic mixcar Colemanlui-mme insistait sur le fait que ladsgrgation raciale ntait opranteen matire dacquis scolaires que si ellesaccompagnait dune dsgrgationsocio-conomique. Ainsi la concen-tration des lves noirs dans les colesamricaines a des effets ngatifs, parceque cette sgrgation correspond une

    probabilit plus forte pour ces lvesdtre scolariss dans un environne-ment socio-conomique dfavorable.Cest galement le cas en France o lescritres dingalit se cumulent. Il sagitalors plutt deffet de typesocial mix, ceque traduit lide mise par Colemanque tous les lves, et en particulierles plus faibles, gagnent en termes deprogression tre scolariss dans untablissement au public plutt favoris.

    Ainsi, mme si, comme la montrMartin Thrupp32, le dbat reste encore

    largement ouvert sur lampleur des effetsde la tonalit sociale sur les apprentis-sages ou les progressions scolaires deslves, la plupart des tudes conver-gent pour en dmontrer lexistence,et en particulier pour les lves lesplus faibles ou les plus dfavoriss.Ce point est dimportance, car si lonpeut soutenir la thse dun impactimportant de la sgrgation surlacquisition dun capital scolaire, i lfaut ajouter que les effets de seuil sontdterminants. Ils se produisent lorsquela concurrence scolaire conduit concentrer massivement les lves lesplus faibles et dfavoriss, et symtri-quement les plus forts et favoriss, dansun nombre restreint dtablissements.Car la sgrgation na pas seulementun impact en termes de compositionsociale et ethnique, mais aussi entermes acadmiques. En effet, certainstablissements dexcellence attirent

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    33.Ainsi ces conclusions ne sont nullementincompatibles avec le constat dun rle tou-jours fort de lorigine sociale via le capital

    culturel familial puisquelles tmoignentplutt dune cumulativit des ingalits.34.Georges Felouzis, Performance etvaleur ajoute des lyces : le march sco-laire fait des diffrences , Revue franaise

    de sociologie, 46(1), 2005, p. 3-36.35.Il faut signaler que la DEPP a rformen 2009 les modalits de calcul de ces

    indicateurs en intgrant le niveau des l-ves en classe de seconde partir de leursnotes au brevet des collges, ainsi que lescaractristiques agrges des lves partablissement.

    36.Marie Duru-Bellat et Alain Mingat, La constitution des classes de niveaupar les collges : les effets pervers dune

    pratique vise galisatrice , Revuefranaise de sociologie, 38(4), 1997,p. 759-790.37.Bernard Charlot, Elizabeth Bautier etJean-Pierre Rochex, cole et savoirs dans

    les banlieues et ailleurs, Paris, ArmandColin, 1992.38.A. van Zanten, op. cit.39.

    M. Thrupp, op. cit., p. 198.40.Pierre Bourdieu, La Misre du monde,Paris, Seuil, 1993.41.Pascal Duret, Anthropologie de la fra-ternit dans les cits, Paris, PUF, 1996.

    non seulement les lves de milieufavoris, mais peut-tre plus encoreles meilleurs lves. De la mme faon,les tablissements repoussoirs sont fuispar les meilleurs lves, de quelquescatgories sociales, voire de quelques

    origines ethniques, quils soient.La slectivit de certains tablisse-ments est donc tout autant scolaireque sociale33. Cest dailleurs ce quavaitmontr lexemple des lyces et deleur valuation par les indicateurs deperformance34: ceux qui gagnent sur le march scolaire en recevant debien meilleurs lves que ne le laissentsupposer leurs caractristiques socio-dmographiques nont aucun mal produire une valeur ajoute positive en termes de russite au bac.

    Inversement, ceux qui partent avec unhandicap en scolarisant des lves bienplus faibles que ne le laissent croireleurs caractristiques individuelles,ny parviennent quasiment jamais35.

    Ce fait est dimportance, car ilappuie lide que dans une coledmocratise et unifie, o la comp-tition scolaire est accrue, cest lamatrise des choix scolaires quidevient dterminante : la segmenta-tion sociale, ethnique et scolaire quisy produit renforce alors les ingalits

    daccs aux diplmes et la certifica-tion. Rassembler les meilleurs lvesdans des parcours dexcellence , desoptions valorises, implique invita-blement une spcialisation qui se faitau dtriment des tablissements lesmoins attractifs et a des effets directssur les comptences scolaires acqui-ses. Lanalyse des consquences desclasses de niveaux sur les appren-tissages scolaires le montre bien36 :les lves forts lorsquils sont regroupsprogressent plus que dans un contexte

    htrogne sur le plan acadmique etles lves faibles, lorsquils sont scola-riss entre eux, progressent galementmoins que dans un environnement plusmixte scolairement. Mais surtout, pointessentiel de la dmonstration, ce queperdent les plus forts dans un contextedhtrognit est moins importantque ce que gagnent les plus faibles.

    Ainsi, lorsque lhomognit des publicsest trop forte, les probabilits de russiteet la qualit des acquisitions scolairessemblent corrles la nature du publicdes tablissements, en particulier pourles plus faibles.

    On peut dailleurs supposer queces consquences ngatives sur le planscolaire de la sgrgation ne font quese sdimenter dans le temps. Si lon adu mal mettre en vidence de faonempirique ces effets de school mix,cest non seulement du fait de lexis-tence de seuils de concentration ende desquels les phnomnes ne sontgure visibles, mais aussi parce quelimpact de la sgrgation est cumulatifdans le temps et peut-tre non linairede ce point de vue aussi. Ainsi, Marie

    Duru-Bellat et Alain Mingat nuancent-ils le faible impact duschool mixdansleur recherche par le fait quelle nemesure les progressions des lves quesur une anne, alors que cest pluttdans la dure et en termes de trajectoirescolaire quil est pertinent de raisonner.Ceci renforce largumentation selonlaquelle cest bien cette sparationprcoce, sociale, ethnique et scolairequi joue le rle des filires dans lcoleactuelle en ayant un impact direct surla qualit des apprentissages.

    Il reste cependant prciser lesmcanismes scolaires qui viennentappuyer ces effets de school mix.Comment et par quels mcanismes lecontexte scolaire peut-il affecter lesacquisitions des lves ? Commentexpliquer que la concentration deslves les plus dfavoriss ait un impactngatif sur leur scolarit ? Les rponsessont multiples et passent bien souventpar des approches plus qualitatives desdiffrentes facettes du contexte scolaire.Ainsi, par le simple fait quils soient

    majoritaires, les lves les plus faibleset de milieu dfavoris induisent desattentes ducatives plus faibles de lapart des enseignants, voire une remiseen cause des normes et des standardsscolaires eux-mmes37par un effet dedominance. Les enseignants savrent,dans ce type de contexte, plus pessi-mistes quant lavenir scolaire de leurs

    lves et leur capacit dacquisition,ce qui peut les conduire baisser leursexigences pdagogiques, simplifier la fois les programmes et les contenus,voire une forme de fatalisme. Agnsvan Zanten38 a par ailleurs montr

    que les normes pdagogiques desenseignants subissaient un proces-sus dadaptation contextuelle dans lestablissements de la priphrie et quele renoncement didactique taitparfois aussi le fruit dune ngociationdu maintien de lordre. La questiondes incivilits, du parasitage de la viescolaire et du message pdagogiquequelles induisent, est effectivementcentrale pour expliquer ces mcanis-mes. La sgrgation, en rassemblant leslves dont les frames of references

    pour reprendre lexpression de Thrupp39,sont les plus loigns des normes etdes standards scolaires, affecte lesrelations en classe en crant un climatpeu propice aux apprentissages.

    Plus encore, les attitudes vis--visde la scolarit des lves de ces tablisse-ments sont modeles par le caractre derelgation quils peroivent clairementde leur cole et par la stigmatisation quien dcoule. Et ils vivent cette situationsur le mode dune exprience doulou-reuse que dcrit Pierre Bourdieu dans

    La Misre du monde40

    : leur imagedeux-mmes en est altre, leurs atten-tes dues et leurs ambitions restrein-tes. Eux aussi dveloppent une forme defatalisme41peu propice lapprentissagescolaire. Les tablissements relgusproduisent ainsi de lchec scolaire,non pas obligatoirement parce quilssont inefficaces ou parce quils sontmal grs ou peu mobiliss, mais bienplus parce quils rassemblent des lvestrop faibles et trop homognes scolai-rement. Symtriquement, les tablis-

    sements attractifs runissent, eux, leslves adquats pour pouvoir russirscolairement.

    La dimension collective que lonconsidre ici au travers des effetsde composition scolaire prend doncune importance majeure pour rendrecompte des parcours individuels deslves. Ce phnomne est dautant

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    42.G. Felouzis et J. Perroton, Les mar-chs scolaires , op. cit.43.On peut citer, pour les publicationsrcentes, Sylvie Octobre et Yves Jau-neau, Tels parents, tels enfants ? Une

    approche de la transmission culturelle ,Revue franaise de sociologie, 49(4), 2008,p. 695-702 et Olivier Galland, Une nou-velle adolescence , Revue franaise desociologie, 49(4), 2008, p. 824.

    44.David Riesman, La Foule solitaire, Paris,Arthaud, 1964 [1950], notamment p. 88.45.Dominique Pasquier, Cultures lycen-nes, la tyrannie de la majorit, Paris, Autre-ment, 2005.

    46.Benjamin Moignard,De lcole la rue.La fabrication scolaire de la dlinquance enFrance et au Brsil, Paris, PUF-Le Monde,2008.

    plus marqu quil porte en lui-mmeles conditions de sa reproduction.Par un phnomne que Robert Mertonqualifiait de prophtie auto-rali-satrice , la segmentation de loffrescolaire influe directement sur la

    qualit des tablissements au traversde ces mcanismes deschool mix, entransformant la nature du public scola-ris. Cest l un des aspects centrauxet paradoxaux du fonctionnementactuel des marchs scolaires que nousavons par ailleurs dnomm effet

    feed-back42. Les comportements dedfection reposent en grande partie surla vision que les parents ont (ou quevhiculent les rumeurs et les rseaux)de la nature du public scolaris dansun tablissement donn, car cest l

    un indicateur facile daccs et opra-toire de la qualit de loffre ducativequils peuvent escompter de tel ou telcontexte scolaire. Mais ce faisant, ilscontribuent transformer directementet dans le sens attendu la compositionsociale, scolaire et ethnique du publicde ltablissement, et en bout de courseles conditions de son efficacit scolaireet sa qualit ducative. Tout se passedonc du point de vue individuel desparents comme une prophtie auto-ralisatrice qui les conforte dans la

    justesse de leur choix et de leurs antici-pations. Et du point de vue collectif, onassiste alors, par ces mcanismes deconcurrence dans une cole unifie, une diversification et une hirar-chisation des tablissements qui finitpar faire concider disqualificationsociale et disqualification scolaire, dslors que dans les contextes les plusextrmes la production de la qualitducative rsulte des caractristiquesagrges des lves. Ainsi, rassemblerdes lves scolairement faibles dans les

    mmes units ducatives est un facteurde reproduction des ingalits scolaireset sociales et apparat bien commepnalisant du point de vue scolaire.

    Grandir entre pairs lcole

    Les effets de la sgrgation lcole neconcernent pas uniquement la russitescolaire et les ingalits qui en dcou-lent. Lun des ressorts de la reproduction

    sociale par lcole se situe aussi au niveaudes modes de socialisation par les pairs.Ils concernent les relations entrelves et la constitution des groupesde rfrence et dappartenance dontlinfluence sur les modes de vie des

    jeunes, les prat iques sociales et lesmanires dtre est dterminante.La crise de la transmission entregnrations que dcrivent empirique-ment les sociologues de la culture43relve en grande partie de cette dimen-sion horizontale de la socialisation queDavid Riesman analysait au dbut desannes 1950. Dans le contexte de lasocit moderne et industrielle, lesmodes de socialisation produisent desindividus extro-dtermins (other-

    directed) qui agissent plus en fonction

    du regard des autres et du groupe depairs quen fonction de buts sociaux quileur auraient t inculqus au cours dela socialisation primaire. Et Riesmande recourir une mtaphore : celle du radar psychologique , dispositifdestin non [] guider intrieure-ment lindividu, mais plutt capterles actes dautrui, notamment les actessymboliques44. On voit tout le profitthorique que lon peut tirer de cescatgories de la sociologie de Riesmanpour rendre compte des consquences

    de la sgrgation scolaire sur la forma-tion des individualits. Notammentpour souligner que la transmission deshabitus sociaux dpend aujourdhuiplus quhier de la nature des rseauxdans lesquels sinscrivent les adoles-cents, rseaux le plus souvent construitsdans le cadre scolaire. Ds lors quele pe er-gr oup devient ltalon detoutes choses, son rle normalisateursobserve tant dans les manires dtreque dans les modes vestimentaires etles gots culturels propres aux plus

    jeunes. Laffaiblissement du contrleparental se traduit en effet paradoxale-ment par un durcissement des normesau sein du groupe des pairs qui peutaller jusqu imposer une tyrannie dela majorit45 et qui, tout le moins,cre une culture jeune autonomechappant en grande partie luniversfamilial ou scolaire. Ce contrle socialexerc par les pairs sobserve aussidans le rapport lcole et la culture

    scolaire et dans la propension accepter ou non comme dsirables les butsinstitutionnels de lcole.

    Ain si , la sgrgat ion dans le stablissements, en sparant les lvesen fonction de leur origine ethnique et

    sociale, conduit les enfants grandirentre pairs , en constituant de vrita-bles filires de renforcement, voirede production, des habitus sociauxdont les collges de banlieue repr-sentent lun des paradigmes les plusconnus. Lapproche ethnographiquede Benjamin Moignard46montre bienpar exemple comment des bandesdlinquantes se forment lcole,par les redoublements rpts et lesclasses de relgation. Cest au collgeque ces jeunes adolescents font leurs

    premires armes comme dlinquants.Soit en termes dapprentissages (lesviolences en groupe, vol s, racket ,consommation de drogues, etc.), soit entermes de constitution des bandes elles-mmes qui sont le fruit de la sgrga-tion des lves les plus faibles et les plusperturbateurs dans certaines classesau collge. Ce processus constitutifest une des sources de bandes qui seconstruisent sur des critres ethniques.Le recueil, par lauteur, des prnomsde chacun des membres montre bien la

    surdtermination des critres de regrou-pement qua opr lcole elle-mme ausein de ses classes de niveau : desgarons aux comportements perturba-teurs, en chec scolaire lourd, immigrsou issus de limmigration. La dimensionethnique et sociale de cette relgationest au principe de lethnicisation dela dlinquance urbaine. Cest l uneconsquence non-programme maisbien relle des pratiques des classesde niveau souvent prtexte de la mise lcart des lves qui se trouvent tre

    pour la plupart issus de limmigration.Mais la formation des identits

    sociales dans les contextes scolai-res sgrgus ne prend pas toujoursla forme de bandes dlinquantes.Il ne sagit l que dune option possi-ble parmi dautres. Les tablissementsles plus marqus par la sgrgationethnique produisent une socialisationscolaire centre sur la dimension ethni-que. Dans de tels contextes, la formation

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    47.G. Felouzis, F. Liot et J. Perroton,op. cit.48.Claude Grignon et Jean-Claude Pas-seron, Le Savant et le populaire. Misra-bilisme et populisme en sociologie et enlittrature, Paris, Seuil, 1989.49.Paul Willis, Lcole des ouvriers ,Actes de la recherche en sciences socia-

    les, 24, novembre 1978, p. 50-61.50.Jolle Perroton, Les dimensions eth-niques de lexprience scolaire , LAnnesociologique, 50(2), 2000, p. 437-468.51.David Lepoutre, Curs de banlieue,

    codes, rites et langages, Paris, OdileJacob, 1997.52.Louis-Andr Vallet et Jean-Paul Caille, Les lves trangers ou issus de limmi-gration dans lcole et le collge franais.Une tude densemble , Les dossiersdducation et formations, MEN, 67, 1996 ;Michle Tribalat,Faire France. Une enqute

    sur les immigrs et leurs enfants, Paris,La Dcouverte, 1995.53.John Ogbu, Les frontires culturelleset les enfants de minorits , Revue fran-aise de pdagogie, 101, 1992, p. 9 -26.

    54.ric Maurin, Le Ghetto franais, Paris,Seuil, 2004. On peut tayer cette ide partir de plusieurs enqutes qualitativesqui montrent que plus un tablissement,une classe, une filire est sgrgue,plus ces dimensions ethniques apparais-sent et peuvent se lier des problmesdincivilits. Jolle Perroton, Dun lyce

    professionnel lautre , inFranoise Lor-cerie, Lcole et le dfi ethnique, Paris,ESF, 2003 ; J.-P. Payet, op. cit.; ricDebarbieux et Laurence Tichit, Ethni-cit, effet classe et effet punition : une

    tude de cas , Migrants-formation, 109,1997, p. 377-401.55.Philippe Gombert et Agns van Zanten, Le modle ducatif du ple priv desclasses moyennes : ancrage et traductionsdans la banlieue parisienne , ducationet socits, 2, 2004, p. 63-84.56.Michel Pinon et Monique Pinon-

    Charlot, Dans les beaux quartiers, Paris,Seuil, 1989.57.S. Octobre et Y. Jauneau, op. cit.

    de soi est centre sur lethnicit et lesrelations interethniques47, qui accentuentet cristallisent des habitus sociauxfortement marqus par la culture debanlieue . Par un mcanisme deffet dedominance, on assiste donc un savant

    mlange entre des cultures domines,pour reprendre lexpression de ClaudeGrignon et Jean-Claude Passeron48, quirelvent autant des cultures populaireset ethniques, et servent de ressourcesdisponibles pour les lves qui forgentainsi lcole leur identit sociale.Lorsque Paul Willis49dcrivait dans lesannes 1950 les modes de reproductionpar lcole de la classe ouvrire anglaise,il montrait la forte opposition entre laculture ouvrire et la culture scolaire.Les enfants de la classe ouvrire

    taient exclus en mme temps quilssexcluaient eux-mmes de lenseigne-ment scolaire par la simple expressionde leur habitus social. Aujourdhui, trspeu dlves sont exclus de lcole etles processus de construction de soise ralisent en grande partie au seinmme des tablissements scolaires danslesquels les lves passent le plus clairde leur temps. Or, les contextes sgr-gatifs renforcent, voire structurent, leshabitus autour des dimensions ethni-ques. Lenqute de Jolle Perroton sur

    la formation de soi dans les collgesfortement sgrgus50montre le poidsde cette dimension dans la dfini-tion de soi des lves : les catgoriesethniques sont alors disponibles etpertinentes pour se penser et penserle monde au sein de lcole. Cetteconstruction scolaire des identits socia-les vient renforcer le poids des structu-res familiales et des structures urbainespour forger des individualits marquespar un sentiment de relgation sociale.

    En effet, si lethnicisation desrelations sociales sobserve plus large-ment dans lunivers des banlieues51,il faut insister ici sur le rle spcifiquede lcole dans la cristallisation desidentits. Alors que beaucoup denfants

    issus de limmigration et de leursparents dveloppent un assez hautniveau daspiration et de mobilisation52,ils se heurtent finalement une barrirescolaire dans les tablissements sgr-gus dont ils sentent bien quelle signe

    une scolarit difficile et renforce leursentiment de mise lcart et denferme-ment. Dans les tablissements ghetto-ss, la domination scolaire est lue parles lves issus de limmigration commeune domination ethnique. Ils peroiventainsi un double mpris, celui de leurchec scolaire et celui de leur apparte-nance ethnique. Les lves al lochtonesinvestissent alors, dans un tel contexte,leur identit ethnique, et opposent la domination scolaire une rsistancescolaire ethnicise. Les valeurs peuvent

    mme sinverser, comme le montraitdj John Ogbu53 propos des jeunesnoirs aux tats-Unis, et la russitescolaire paratre une forme de trahisondu groupe des pairs. De ce point devue, les consquences de la sgrga-tion ne sont pas anodines : lidentitethnique se construit ici dans lcole,par le simple fait de rassembler, dansles mmes classes et les mmes tablis-sements, les lves en fonction de leurorigine ethnique relle ou suppose54.

    Dans un monde o chacun est

    scolaris jusqu un ge avanc, lcoledevient un lieu pertinent de constructiondes habitus, et ceci pour tous les groupessociaux. Et son contrle devient unenjeu fort pour la reproduction sociale.Do limportance du choix de lta-blissement qui revient le plus souvent contrler les frquentations desenfants pour quils ne subissent pas de mauvaises influences . Dans leuranalyse des modles ducatifs du ple priv des classes moyennes, PhilippeGonbert et Agns van Zanten55 insis-tent sur les stratgies de contrle delenvironnement local et scolaire parles familles pour duquer leurs enfants.Ces stratgies ncessitent souventun capital conomique important,

    soit par le fait quelles impliquentde se situer dans les meilleurs quartiers,soit quelles passent par une inscriptiondans lenseignement priv. Mais leurbut renvoie nettement la reproductionsociale des habitus dans un monde o

    lcole est devenue tout la fois un lieudterminant et incertain de la forma-tion des individualits. Il faut alorscontrler le groupe de pairs par le choixdu bon tablissement en instaurantune clture sociale qui englobenon seulement les loisirs des enfants,mais aussi lcole elle-mme. Ainsi, la socialisation fonde sur lentre-soi laquelle aboutissent ces dmarchesest la fois un mcanisme essentiel decration de capital social et de marquagede frontires par rapport aux autres

    groupes sociaux et un mode dintgra-tion sociale fond sur lidentification des valeurs dimension universelle,mais dont les individus occupant despositions de responsabilit en hautde lchelle sociale doivent se faire plusparticulirement les missaires .

    Ce contrle du peer-grouppassedonc par le contrle de ltablisse-ment, avec toutes les incertitudes liesau fait que ce contrle est toujourspartiel, sauf peut-tre dans les cas lesplus extrmes de sgrgation sociale

    par le haut que dcrivent trs bienles sociologues des classes aristocra-tiques les plus aises56. On voit donctout le poids que peut avoir lcole danssa capacit de mettre ensemble des lves dont linfluence rciproquepeut orienter la socialisation contre lcoleelle-mme, et contre les valeurs socialesde leur milieu familial. Il devient alorspertinent, voire dterminant, de contrler la nature mme des pairssociomtriques de son enfant au seinmme de lcole et principalementpar le choix de lcole. Les travauxrcents de Sylvie Octobre et YvesJauneau57sur la crise de la transmissionculturelle ne montrent pas autrechose. Ils dcrivent empiriquement les

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    58.Olivier Galland, Une nouvelle adoles-cence , Revue franaise de sociologie,49(4), 2008, p. 824.59.D. Pasquier, op. cit.60.Ibid., p. 44.

    61.Les enqutes Pisa par exemple mon-trent que les pays tels que la Finlande oule Canada ont la fois un systme unifi etpeu de sgrgation sociale au sein mmedes tablissements. Il ny a donc pas de

    lien mcanique entre louverture scolaireet la diffrenciation sociale et ethnique destablissements. OCDE, Pisa 2006. Les com-ptences en sciences, un atout pour russir,OCDE, 2007.

    62.Alexis de Tocqueville, De la Dmocratieen Amrique, Paris, Robert Laf font, 1986.63.Dominique Paty, 12 collges en France,Paris, La Documentation franaise, 1980.

    limites de cette transmission puisquelon note une tendance la dsaffectiondes loisirs culturels chez les adolescentsissus de catgories suprieures .Et cette tendance la dsaffection est lefruit, selon les auteurs, de linfluence

    croise des exemples familiaux etjuvniles . De faon plus gnrale, lesrecherches sur les adolescents font lemme constat, montrant la distanceculturelle croissante entre adultes etadolescents dans le domaine cultu-rel, au point que, selon lexpressiondOlivier Galland, lunivers normatifdes adolescents sest dplac des presaux pairs58. Cest aussi le constat quefait Dominique Pasquier59en analysantles pratiques culturelles des lycens. Leurunivers culturel se distingue de celui de

    leurs ans et de la culture consacrequi perd de sa lgitimit et que lcolepeine transmettre. Cest particulire-ment probant dans les milieux favori-ss o lhritage culturel que dcrivaitBourdieu ne parvient se maintenirque sous certaines conditions : notam-ment lorsque lentre-soi est presqueparfait, et en particulier dans les tablis-sements de centre-ville qui offrent proximit des ressources culturellesimportantes pour un maintien de cespratiques lgitimes. Au contraire, dans

    des univers plus mixtes ou populaires,les lycens dorigine favorise ont despratiques plus loignes de la culturelgitime et scolaire. En grandebanlieue, la culture consacre, trans-mise dune gnration lautre, a biendu mal se maintenir sous la poussedes phnomnes de socialisation intra-gnrationnels qui lui sont contraires60.Ainsi, limportance du groupe de pairsdans les processus de socialisation et sadfinition par lcole elle-mme sont desphnomnes qui changent la donne de la

    reproduction sociale. Les choix scolairesapparaissent encore plus ncessai-res et primordiaux dans la perspec-tive de contrler les groupesde pairs par une slection socialeet ethnique des frquentations .

    La sgrgation scolaireet les incertitudesde la reproduction sociale

    Sans complaisance excessive pourle paradoxe, on peut dire que la sgr-

    gation scolaire dans les tablissementsest consubstantielle la dmocratisa-tion du systme ducatif franais. Il nesagit certes pas l dune fatalit ,comme le montrent les nombreux casdans le monde o les systmes duca-tifs sont la fois unifis et intgrs enfonction des tablissements61. Pourtantdans le cas franais, on est assezproche pour des raisons sociales ethistoriques quil faudrait probablementanalyser de ce que dcrivait Alexis deTocqueville sur le lien troit quentre-

    tient la dmocratie avec la sgrgationdes Noirs en Amrique62. Laccs detous au collge induit des pratiquesde sgrgation ethnique et socialequi doivent beaucoup aux phnom-nes urbains, sans toutefois que cesderniers nexpliquent lensemble desphnomnes observs. Ce qui signifieque la sgrgation scolaire relve deprocessus proprement scolaires lis la mise en uvre des politiques, auxstratgies des tablissements pourattirer les meilleurs lves ou encore celles des familles pour tenter diden-tifier la qualit scolaire dun collgeet de rduire ainsi lincertitude lie lhtrognit de loffre ducativeau sein mme du collge unique .

    Cette situation a des consquencesscolaires lies aux effets deschool mix.Ds les premiers travaux de ChristopherJencks, il est apparu que le niveaugnral dune classe ou dun tablis-sement avait des consquences sur laprogression scolaire de chaque lve.Cette relation, mme dampleur faible,a pourtant la particularit de cumulerdanne en anne ses effets pour aboutir des consquences non ngligeablesen fin de parcours scolaire. Mais leseffets deschool mixne se limitent pas audomaine des acquisitions. Ils se dploient et cest l une dimension bien plus

    novatrice aussi dans le domainede la socialisation scolaire et de laformation des individualits. Ds lorsque lenseignement secondaire segnralise, les tablissements devien-nent les lieux communs tous les

    jeunes, lieux dapprentissage et deformation de soi. De ce fait, lcole estaujourdhui lun des vecteurs essen-tiels et nouveau par son ampleur de la formation des individualits.Ds le dbut des annes 1980,Dominique Paty montrait le poids dela structure et de lorganisation destablissements sur la socialisationdes lves63. Mais son analyse privi-lgiait le poids de lorganisation sur lasocialisation scolaire. Ce qui apparataujourdhui est quune part non ngli-

    geable de cette socialisation se raliseau sein mme du groupe des pairs.En se gnralisant, la scolarisationdevient un vecteur de formation desindividualits qui scarte de la familleet se structure moins autour des valeursscolaires que du poids dupeer-group,dont les effets sont particulirementsensibles la sgrgation scolaire.Et lune des faons de matriser,pour les familles, cette dimen-sion aujourdhui dterminante de laformation des individualits, est den

    contrler les conditions de produc-tion par le choix du bon tablis-sement, du point de vue de la naturedu public scolaris. Processus qui son tour produit et renforce la sgr-gation ethnique et sociale des tablis-sements. La reproduction socialedevient ainsi la fois plus ouverte etplus dpendante de la capacit de choixde ltablissement, soit en passant parle secteur priv, soit en choisissantson cole en choisissant son quartier,soit enfin en rusant avec les rglesdu placement scolaire. Ce qui donneau milieu familial la fois plus depoids dans les modalits concrtesde transmission sociale, tout en trans-formant ses modes daction par la priseen compte des formes contemporainesde la socialisation adolescente.

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