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COURAGE ET ESPOIRS POUR 2016 Des vœux de début d’année ? À part le temps clément qui règne encore au moment où sont rédigées ces lignes (mais qui, du point de vue du changement climatique, n'est peut-être pas une si bonne chose !), l’actualité - politique, sociale, internationale ou environnementale - a de quoi laisser dubitatif quant à cette tradition. Et puisqu'il est diffi- cile, en ce début de 2016, de faire preuve d'un optimisme délirant, souhaitons à tous les militants écologistes, mais aussi à tous les habitants de notre pauvre planète, assez de courage pour, justement... ne pas se décourager et pour poursuivre, vaille que vaille, les actions en faveur de la tran- sition écologique. Oui, du courage il en faudra ! La terrible année qui vient de se terminer aura néanmoins suscité des espoirs par la tenue de la COP 21 et les engagements pris à cette occasion - même si ces engagements ne sont pas à la hau- teur de nos attentes. Il faut dire que c’est en abordant les mesures concrètes qu’on voit l’écart entre les promesses et les actes. Quasi au même moment, l’autorisation de rejet des boues rouges dans les Calanques est prolongée de six ans et ailleurs, des hélicoptères sont mis à contribution pour transporter sur les pistes de ski la neige que le ciel ne veut ou ne peut plus donner ! Si ces faits peuvent paraître dérisoires face aux défis qui nous attendent, ils pourraient donner raison à ceux qui n’ont vu dans la conférence de Paris que de belles paroles. Les récents résultats des Régionales ne sont pas là non plus pour nous remonter le moral. Même si cet éditorial n’a pas vocation à en faire l’analyse, il faudra profiter de cette année sans échéance électorale pour engager une recons- truction de l’écologie politique, une écologie politique cré- dible, qui donne envie à nos concitoyens de mettre en œuvre notre projet de société écologique et solidaire. Notre slogan « Penser global, agir local » doit nous servir de boussole. Aujourd’hui nos idées, nos analyses sont reprises par l’ensemble de la société. À nous d'offrir à nos concitoyens ce qu'ils sont en droit d'attendre des écolo- gistes : une multiplication de propositions, d’actions con- crètes qui redonnent l’espoir, qui montrent que le change- ment, c’est possible... Bonne année 2016 et bon courage ! JANVIER 2016 / n°214 / 1,70 € Corinne Tissier et Bernard Lachambre Cosecrétaires EÉLV Franche-Comté 33, Avenue Carnot

Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

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Europe Ecologie - Les Verts Franche-Comté

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Page 1: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

COURAGE ET ESPOIRS POUR 2016

Des vœux de début d’année ? À part le temps clément

qui règne encore au moment où sont rédigées ces lignes

(mais qui, du point de vue du changement climatique, n'est

peut-être pas une si bonne chose !), l’actualité - politique,

sociale, internationale ou environnementale - a de quoi

laisser dubitatif quant à cette tradition. Et puisqu'il est diffi-

cile, en ce début de 2016, de faire preuve d'un optimisme

délirant, souhaitons à tous les militants écologistes, mais

aussi à tous les habitants de notre pauvre planète, assez de

courage pour, justement... ne pas se décourager et pour

poursuivre, vaille que vaille, les actions en faveur de la tran-

sition écologique.

Oui, du courage il en faudra ! La terrible année qui

vient de se terminer aura néanmoins suscité des espoirs

par la tenue de la COP 21 et les engagements pris à cette

occasion - même si ces engagements ne sont pas à la hau-

teur de nos attentes. Il faut dire que c’est en abordant les

mesures concrètes qu’on voit l’écart entre les promesses et

les actes. Quasi au même moment, l’autorisation de rejet

des boues rouges dans les Calanques est prolongée de six

ans et ailleurs, des hélicoptères sont mis à contribution

pour transporter sur les pistes de ski la neige que le ciel ne

veut ou ne peut plus donner ! Si ces faits peuvent paraître

dérisoires face aux défis qui nous attendent, ils pourraient

donner raison à ceux qui n’ont vu dans la conférence de

Paris que de belles paroles.

Les récents résultats des Régionales ne sont pas là non

plus pour nous remonter le moral. Même si cet éditorial n’a

pas vocation à en faire l’analyse, il faudra profiter de cette

année sans échéance électorale pour engager une recons-

truction de l’écologie politique, une écologie politique cré-

dible, qui donne envie à nos concitoyens de mettre en

œuvre notre projet de société écologique et solidaire.

Notre slogan « Penser global, agir local » doit nous

servir de boussole. Aujourd’hui nos idées, nos analyses sont

reprises par l’ensemble de la société. À nous d'offrir à nos

concitoyens ce qu'ils sont en droit d'attendre des écolo-

gistes : une multiplication de propositions, d’actions con-

crètes qui redonnent l’espoir, qui montrent que le change-

ment, c’est possible...

Bonne année 2016 et bon courage !

JANVIER 2016 / n°214 / 1,70 €

Corinne Tissier

et Bernard Lachambre

Cosecrétaires EÉLV Franche-Comté

33, Avenue Carnot

Page 2: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

COP 21 : UN ACCORD EN DEMI-TEINTE

Sommaire

2

P 1 : Édito

P 2-3 : COP 21 : un accord en demi-teinte

P 4-5 : À Besançon, Pierre Rabhi a défendu l’agroécologie

P 6-7 : Jean-Marie Pelt n’est plus

P 7 : Où trouver EELV au plus près de chez soi ?

P 8-9 : Après le reflux

P 9 : Bye bye Gilles !

P 10-11 : Science et écologie

P 12-13 : La déchéance de la nationalité est une idée insup-

portable

P 14 : Appel à dons … et remerciements

P 15 : Help !

P 15 : Help ! (Ré)abonnez-vous !

P 16 : Un mois, émois et moi

P 17 : Bulletin d’adhésion

P 18 : Quelques souvenirs de 2015

La COP 21 s'est tenue à Paris début décembre dans

un contexte tendu après les attentats de Paris. Laurent

Fabius, le président du Sommet, s'est félicité de la signature

par 195 pays d'un accord historique « différencié, équilibré,

juste, durable, dynamique et juridiquement contraignant » .

Les ONG sont moins enthousiastes, elles soulignent le

manque d'ambition des engagements des États et le

manque de contraintes.

La question de la justice climatique

La recherche d'un accord mondial visant à limiter les

émissions de gaz à effet de serre s'est avérée complexe,

notamment parce que les situations des États sont extrê-

mement disparates. Il y a en effet de très gros écarts entre

des pays comme le Qatar ou les États-Unis, avec respective-

ment 40 t et 17 t d'émission de CO2 par habitant et par an,

et des pays comme Madagascar et le Mali, qui n'en émet-

tent que 100 kg et 50 kg. De plus, certains pays riches, qui

ont derrière eux deux siècles de développement industriel à

base de charbon et de pétrole, ont une très lourde respon-

sabilité dans la situation climatique d'aujourd'hui.

Entre le Mali et le Qatar, les émissions de CO2 par

habitant sont dans un rapport de 1 à 800, et demander

les mêmes efforts à des pays aussi différents n'a donc

aucun sens. Mais en outre, ce sont les pays les plus

pauvres qui sont aux premières loges du réchauffement

alors qu'ils n'en sont absolument pas responsables et

qu'ils n'ont pas les moyens d'y faire face. D'où l'idée d'une

aide des pays développés vers les pays pauvres pour per-

mettre à ces derniers de s'adapter.

Certes les objectifs sont ambitieux…

L'accord de Paris sur le climat, qui devrait entrer en

vigueur en 2020, compte 17 pages et est précédé d'un

préambule de 22 pages. Pour la première fois, c'est un

accord universel, impliquant 195 pays qui devront tous

agir pour lutter contre le changement climatique. L'ambi-

tion est forte : limiter le réchauffement en dessous des

2°C en poursuivant les efforts pour essayer de ne pas dé-

passer + 1,5°C par rapport à la période pré-industrielle

(1). D'après le GIEC (2), pour arriver à un tel objectif, il

Dérèglement climatique

Page 3: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

faudrait que les émissions de gaz à effet de serre diminuent

de 70 à 90 % d'ici à 2050, mais ce n'est pas dit explicitement

dans l'accord.

Les premières contributions des États, contenant des

engagements détaillés et vérifiables, devront être confir-

mées ou mises à jour en 2020 et, à partir de 2025, renouve-

lées toujours à la hausse tous les 5 ans. Les pays développés

devront faire acte de solidarité en finançant le développe-

ment soutenable et l'adaptation aux conséquences du

changement climatique des pays en développement à hau-

teur d'au moins 100 milliards de dollars par an. Les pertes

et dommages comme les catastrophes naturelles, accen-

tuées par le réchauffement et déjà subies par les pays les

plus vulnérables, sont reconnus dans l'accord. Enfin les

195 pays reconnaissent l'intérêt de donner un prix au car-

bone pour accélérer la diminution des émissions de GES (3).

… mais les contraintes faibles

Le premier point négatif, c'est que les différents en-

gagements des États ne sont pas cohérents avec les ambi-

tions affichées de l'accord. Même en étant respectées, les

contributions nationales volontaires soumises par les États

au sommet de Paris entraîneraient un réchauffement de

près de 3,5°C. On est loin du compte. Et l'accord ne prévoit

pas de nouveaux engagements obligatoires avant 2025.

Beaucoup de décisions de l'accord sont formulées

avec le conditionnel (par exemple « devrait » au lieu de

« doit »), ce qui en affaiblit la portée. Les 100 milliards pro-

mis aux pays en développement depuis Copenhague ne

sont pas détaillés et pourraient reprendre en partie des

aides au développement existantes. La contrainte est donc

plus politique que juridique, puisque l'ONU ne prévoit pas

de sanctions en cas de non-respect par un pays. Pire, les

pays ont la possibilité de quitter l'accord 3 ans après son

entrée en vigueur sans être inquiétés. La seule vraie obli-

gation de l'accord de Paris est que chaque pays devra pu-

blier ses données et ses objectifs, et on espère que l'ému-

lation jouera…

En conclusion, si le texte définit clairement des ob-

jectifs ambitieux à long terme, les moyens pour y parvenir

sont loin d'être correctement définis. En l'absence de con-

traintes juridiques et de sanctions, rien n'obligera les pays

développés à assumer leurs responsabilités de « pollueurs

historiques ». Mais peut-être que l'Accord de Paris va per-

mettre d'accélérer le mouvement de désinvestissement

dans les énergies carbonées : le lundi 14 décembre, deux

jours après la clôture de la COP 21, l'action de Peabody

Energy, le plus gros producteur de charbon américain,

chutait de 13 % à la Bourse de New York, tandis que les

parts de SunPower, constructeur de panneaux photovol-

taïques, gagnaient 8,7 %…(4)

Gérard Mamet

(1) Rappelons qu'en 2015, nous sommes déjà à + 0,85°C.

(2) GIEC : Groupe International d'Experts sur le Climat,

mandaté par les Nations Unies.

(3) GES : Gaz à effet de serre. Le principal GES est le

dioxyde de carbone ou CO2. Il y a aussi d'autres gaz

comme le méthane et le protoxyde d'azote, moins abon-

dants dans l'atmosphère mais qui ont un pouvoir de ré-

chauffement bien supérieur, respectivement 25 et 300 fois

plus élevé que le CO2

(4) Alternatives Economiques n° 353, janvier 2016, p. 60.

3

Page 4: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

À l'invitation du groupe local de l'association Le Coli-

bri, Pierre Rabhi a donné une conférence le 6 novembre

dernier à Besançon, dans un Grand Kursaal bien rempli.

C'est en 1963 que Pierre Rabhi s'est installé comme paysan

dans les Cévennes ardéchoises, après une expérience d'OS

dans l'industrie automobile. Au cours de ces cinquante ans

de travail de la terre, il a acquis une solide expérience en

agronomie, qui a fait de lui un expert reconnu de l'agroéco-

logie. Son approche philosophique nous invite aussi à re-

penser plus globalement les rapports entre l'homme et la

nature.

Le temps presse, l'heure est grave

« Je suis venu parler de choses

extrêmement graves. » Le ton est

donné dès le début de la conférence.

« La problématique du monde est

devenue très périlleuse : nous

sommes en train d'épuiser les res-

sources. On a donné aux énergies

fossiles et à l'argent les pleins pou-

voirs. » Pierre Rabhi dénonce les iné-

galités entre des hypernantis et des

gens dans la misère totale, entre une

caste qui consomme les quatre cinquièmes des ressources

produites et le « bas de gamme » de l'humanité reléguée. Il

n'est pas étonnant, fait-il remarquer, que ce système en-

gendre de la violence.

L'Homme a rompu avec la nature et nous ne savons

pas où nous allons. Les problèmes d'environnement les

plus aigus sont connus : eau polluée, terre empoisonnée,

forêts détruites. Même notre nourriture n'est plus de

bonne qualité, alors que nous pourrions répondre mieux à

nos besoins en respectant la vie. Il faut arrêter de faire de

l'acharnement thérapeutique sur un modèle moribond. On

doit passer de la compétition à la coopération. Heureuse-

ment, des initiatives citoyennes ont surgi un peu partout

et nous montrent qu'on peut se nourrir, se soigner, édu-

quer autrement

Une utopie imaginative

Pierre Rabhi, le philosophe de la « sobriété heu-

reuse », de la « puissance de la modération », se réclame

aussi de l'utopie, qui est pour lui une sorte de transgres-

sion, « un espace de délire et d'imagination ». Appliquée

à l'agroécologie, l'utopie est une tentative de réconcilia-

tion entre l'agriculture et les lois de la vie. L'industrialisa-

tion de l'agriculture est une véritable catastrophe car

elle maltraite la nature et plonge

les individus dans l'insécurité et la

dépendance d'un système. Il est

temps de revenir à la notion de

« terre nourricière ».

L'agriculture a une place centrale

dans nos organisations humaines,

dans la construction de la civilisa-

tion. Elle conditionne notre capa-

cité de nous nourrir et donc de

survivre. Or l'agriculture indus-

trielle est responsable de près de

70 % des destructions écologiques sur la planète et de

la disparition de millions de paysans. Cette agriculture

n'est pas pérenne : elle épuise et empoisonne les sols,

elle détruit les écosystèmes, elle gaspille les espaces et

les ressources. L'agroécologie n'est donc pas une

simple méthode agronomique, c'est aussi un état d'es-

prit. L'approche agroécologique rompt avec une vision

réductionniste et fragmentaire du vivant, qu'elle

cherche à appréhender dans sa cohérence et son uni-

té.

4

Agriculture

À BESANÇON, PIERRE RABHI A DÉFENDU L'AGROÉCOLOGIE

Page 5: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

5

Plaidoyer pour l'agroécologie

Dans un livre récent, L'agroécologie, une éthique de

vie (1), Pierre Rabhi explique : l'agroécologie part de l'idée

que la terre (2) n'est pas un simple « support », elle est

vivante, avec des couches ou « horizons » de composition

physiques et biologiques différentes, mais complémen-

taires, qu'il faut éviter de chambouler. Quand c'est pos-

sible, il est intéressant de cultiver plusieurs espèces végé-

tales dans le même champ. On optimise ainsi la couverture

du sol et la captation de l'énergie solaire.

On ne fertilise pas le sol avec des engrais chimiques,

mais on l'enrichit avec de la matière organique provenant

du compostage de déchets végétaux et de déjections ani-

males. L'humus est au cœur de la vie des sols : il retient

l'eau, donne de la cohésion aux terres sablonneuses et

ameublit celles que l'argile rend trop lourdes.

La diversité des semences permet de faire coïncider

chaque biotope avec une variété particulière de graine.

Cette biodiversité des plantes cultivées est le résultat du

travail des paysans ou des groupes de paysans depuis

l'invention de l'agriculture. La richesse en humus et l'utili-

sation de semences adaptées donnent des plantes plus

robustes, qui résistent mieux aux maladies. Cependant,

l'agroécologie peut être parfois confrontée à des attaques

de parasites. On peut alors y faire face en utilisant des pro-

duits naturels faiblement toxiques ou en ayant recours à la

lutte biologique.

L'agroécologie est totalement incompatible

avec la condition imposée aux animaux des élevages

industriels. Ils y sont ravalés au rang de machine à

produire des protéines et y sont confinés dans un

minimum d'espace pour un maximum de profit.

« L'élevage agroécologique doit considérer le confort

de l'animal, lui assurer un espace de liberté de mou-

vement dans une relation sensible. » Son alimenta-

tion ne doit pas se faire à base de concentrés, qui

détournent des millions d'hectares de l'alimentation

humaine, mais conformément à sa physiologie natu-

relle.

Dans sa conclusion, Pierre Rabhi précise :

« L'agroécologie est peu compatible avec la centrali-

sation et l'uniformisation. […] Chaque combinaison de

terres, de végétations, d'histoires écologiques et agri-

coles, de génies humains, produira une solution parti-

culière. » Et plus loin : « L'agroécologie est une adap-

tation permanente qui s'enracine dans l'inventivité

des habitants d'un territoire. »

Gérard Mamet

(1) L'agroécologie,

une éthique de vie. Entre-

tien avec Jacques Caplat.

Pierre Rabhi. Actes Sud/

Colibris, octobre 2015.

(2) Pierre Rabhi ex-

plique qu'il préfère le mot

terre au mot sol, qu'il juge

trop technique.

Europe Ecologie Les Verts de Franche-Comté

(33, Avenue Carnot 25000 Besançon)

Directeur de publication : Gérard Roy

Comité de lecture : Michel Boutanquoi, Gérard Mamet,

Gérard Roy, Suzy Antoine, Françoise Touzot

CPPAP: 0518 P 11003

Maquette : Corinne Salvi Mise en page : Suzy Antoine

Imprimé sur papier recyclé

Par les soins d’Europe Ecologie Les Verts de Franche-Comté

ISSN 1169-1190

Page 6: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

6

23 décembre 2015, en fin d’après-midi, sur France

Inter : Jean-Marie Pelt, le célèbre biologiste, vient de

mourir. Tout de suite, affluent dans ma tête les titres de

ses livres : La cannelle et le panda (Fayard), La solidarité

chez les plantes, les animaux, les humains (Livre de

poche), ou encore Au fond de mon jardin (Fayard)...

Il était né le 24 octobre 1933 à Rodemack, en

Moselle. Le résumé de son parcours professionnel est

impressionnant : pharmacien à l’origine, puis biologiste,

botaniste et écologue, professeur agrégé puis professeur

honoraire des universités en biologie végétale et pharma-

cognosie. Il fut maire-adjoint de Metz, ville où il présida

l’Institut européen d’écologie (1).

Un pédagogue hors pair

Passionnant à écouter, notam-

ment dans l'émission CO2 mon

amour, sur France Inter, il avait réussi

à vulgariser la vie des plantes et à la

rendre accessible au commun des

mortels. Il avait une manière particu-

lière de présenter les choses, d’inté-

grer les plantes dans tout le cycle du

vivant et de montrer qu’elles parta-

geaient les mêmes problématiques

(associativité, combativité, sociabilité)

que les animaux.

Un aventurier

Il ne s’arrêtait pas aux enseignements universitaires.

Il a sillonné l’Afrique, à la recherche des sorciers et des

plantes qu’ils utilisaient, à la façon des naturalistes du 18e

siècle. C’était un des pionniers de l’ethnobotanisme, qui a

parcouru le monde à la recherche de plantes médicinales.

Il a ainsi montré qu’isoler le principe actif d’une plante ne

suffisait pas à faire un médicament, il faut aussi que

d’autres molécules (apparemment inactives) soient pré-

sentes pour que le tout fonctionne en interaction.

Un grand scientifique et un botaniste

- Ardent défenseur de l'agriculture biologique, il fut à

ce titre très sollicité par les médias sur les problèmes de

sécurité alimentaire. Il affirmait que ce type d’agriculture

pouvait nourrir le monde, à condition que nous acceptions

de changer notre façon de manger : acheter local, choisir

des produits de saison, diminuer drastiquement la con-

sommation de viande bovine. Il dénonçait une « agri-

culture complètement soumise aux grandes multina-

tionales ».

- Il étudiait l’impact des pesticides sur l'envi-

ronnement et la santé et s’inquiétait de l’augmenta-

tion du nombre de cancers dans la population. Il est

le premier à s’être intéressé à l’écotoxicologie, c’est à

dire au devenir des produits chimiques dans l’envi-

ronnement. Une de ses contributions les plus impor-

tantes a été de faire prendre conscience de l’impor-

tance de l’environnement dans l’équilibre du monde

en montrant que tout est lié.

- La lutte contre les OGM fut l'un des grands

combats de sa vie. En 1997, lorsque la France auto-

rise la mise en culture de maïs transgénique,

Jean-Marie Pelt dénonce les bio-

logistes qui ont joué « aux ap-

prentis sorciers ». Il cofonde en

1999, avec Corinne Lepage et

Gilles-Éric Séralini, le Comité de

recherche et d'information indé-

pendantes sur le génie génétique

(CRIIGEN). De plus en plus inquiet

de l'état de la planète, il cosigne

en 2008, toujours avec Gilles-Eric

Seralini, l'essai Après-nous, le

déluge? (2), dans lequel les deux

hommes soulignent « l'urgence » de réagir à l'épuise-

ment des ressources naturelles et à la

«transformation radicale des milieux et des êtres ».

- Il fut parmi les premiers à pointer les dangers

de l’amiante.

- Il était également opposé au nucléaire.

« C’est une énergie qui est tout sauf durable, car elle

repose sur l’exploitation d’un minerai, l’uranium, qui

est une ressource limitée et située hors de nos fron-

tières, ce qui met à mal l’argument de l’indépendance

énergétique. »

Un Initiateur de l’écologie urbaine

Il a été premier adjoint de Jean-Marie Rausch,

maire de la ville de Metz. Il a transformé la cité en

appliquant un modèle de développement durable,

« une ville-jardin plus juste et plus harmonieuse »,

selon Dominique Gros, l’actuel maire. Il en a fait un

Disparition

JEAN-MARIE PELT N’EST PLUS

Page 7: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

7

laboratoire à l’échelle réelle des villes du futur et prouvé

qu’avec des moyens et une volonté politique, on pouvait

améliorer le quotidien et préserver la planète.

Il y a créé l’Institut Européen d’Écologie, installé dans le

cloître des Récollets, une association de recherche et de

promotion de l'écologie, notamment en milieu urbain.

Un chrétien

Il était chrétien et ne s’en cachait pas. Jean-Marie

Pelt conciliait la rigueur de la démarche scientifique, un

militantisme écologique fort et un émerveillement perma-

nent devant la complexité de la nature.

Jean-Marie Pelt a su alerter l’opinion grâce à

une œuvre considérable et à sa présence média-

tique. N’avait-il pas appelé, à quelques semaines de

l'élection présidentielle de 2012, le prochain prési-

dent de la République à faire de l'écologie sa

«priorité absolue» ?

Merci à vous, monsieur Pelt, de nous avoir

ouvert les yeux sur un monde souvent ignoré des

hommes et - ô combien ! - précieux à l’humanité.

Suzy Antoine

(1) Wikipédia

(2) Éditions Flammarion - Collection Champs

sciences

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« Je suis Charlie », « Je suis Paris » : deux

vagues de solidarité, de refus de la haine et de la vio-

lence sur les plages de la République ; les lumières de la

France brillant sur les places du monde comme un hom-

mage à un certain art de vivre, comme une manière de

créer un lien fort et invisible entre les nations. On pouvait

tenter d'y croire, à cette France belle à pleurer, belle

comme une promesse que chacun se fait et fait à tous.

Mais en deux dimanches, une marée brune est

venue tout saloper, souiller cette plage tant rêvée. Elle est

venue nous envelopper des effluves nauséeux d'un ra-

cisme ordinaire que les digues de la République ne con-

tiennent plus, nous empuantir des relents immondes de

l'exécration de l'étranger, flattée par des égoutiers qui

frayent sans vergogne avec les franges les plus viles de

leur famille.

On ne me fera pas croire que ces braves gens

ne votent pas en conscience, qu'ils ne seraient que les

victimes d'un système que prétend dénoncer une clique

de nantis qui se font passer pour des enfants du peuple.

On ne vote pas FN aveuglément, sans que le discours,

même policé par les ralliés de la dernière heure, ne ren-

contre un écho dans le tréfonds insondable des pensées

de chacun. On n’« essaye » pas l’extrême droite comme

une essaye le dernier smartphone à la mode.

L'abstention apparaît de fait, et paradoxalement,

beaucoup plus démocratique dans sa logique du refus, de

la désertion, et plus dérangeante pour notre action poli-

tique que cette manière de se vautrer dans les vomis-

sures de la xénophobie et de la protestation haineuse.

Et comme un désastre n'arrive jamais seul,

EÉLV connaît un nouveau reflux ; en Bourgogne-Franche-

Comté, les électeurs nous ont administré une monumen-

tale correction.

Il est de bon ton de maudire le PS pour ces dé-

sastres, de l'agonir de reproches. Pourtant lui résiste au

premier tour, même si sa victoire au second, dans notre

région, est d'abord le résultat d'une triangulaire. Les ava-

nies, les trahisons depuis l’élection de François Hollande

rempliront les livres d'histoire, mais notre échec ne peut

seulement s'expliquer de l'extérieur. Pourquoi perdons-

nous des électeurs ? Pourquoi peinons-nous à convaincre

les abstentionnistes ? Peut-être parce qu'à force de faire

de la politique « autrement », on finit par la faire comme

les autres, en se plaçant sur orbite ministérielle ou prési-

dentielle, jusqu'à se rendre inaudible ou à rendre seule-

ment audibles les réquisitoires de procureurs - qui ne

manquent pas dans nos (maigres) rangs !

Ce que d'aucuns nomment de la flagellation relève

pourtant d'un examen critique et lucide qui s'imposerait,

mais dont nous ne sommes peut-être plus capables.

Désastres et désolation

APRÈS LE REFLUX

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Nous sommes face à un champ de ruines.

Après plus de trente ans de militantisme écologiste, avec

ses hauts et ses bas, son intensité variable, cette triste vi-

sion résonne comme un échec cinglant. L'absence de pers-

pectives, la dérive qui s'ouvre devant nous, alimentée par la

véritable forfaiture du président-général Hollande - avec sa

réforme constitutionnelle qui marque sa volonté de se faire

réélire non sur un projet (encore moins sur un bilan !), mais

sur la prétention d'être un rempart face au FN - ne fait que

renforcer un sentiment de faillite.

Nos verbes sont morts. Nous n'avons pas été

capables de les transformer en espérance. Ils ne

sont plus que cendres. La lassitude gagne. N'est-il

pas temps que le vent se lève, qu'il balaye ces fi-

gures embaumées qui parlent d'avenir depuis leur

passé ? Comme le dit Antonin Artaud :

Fais vaciller notre cerveau

Au sein de sa propre science

Et ravis-nous l'intelligence

Aux griffes d'un typhon nouveau.

Michel Boutanquoi

Au local régional

BYE BYE, GILLES !

Au téléphone, vous n’entendrez plus la voix de mon

collègue Gilles Gardot. Vous ne lirez plus sur vos ordina-

teurs ses annonces ou ses réponses à vos mails. Gilles a été

licencié.

À la suite de la défaite électorale des écologistes aux

Régionales, EÉLV Bourgogne Franche-Comté doit rembour-

ser environ 100 000 € au Crédit Coopératif. Certes, les dons

envoyés par les militants nous aident, mais il est également

nécessaire de faire des économies. Cela

commence souvent par un licenciement,

une résiliation de bail pour un local (ce qui

fait une assurance de moins à payer) ou le

remerciement de la femme de ménage.

Gilles a donc fait partie de ce lot de

mesures. Embauché au mois de décembre

2011, il assurait le lien entre les groupes

locaux, tenait à jour le site régional, en-

voyait les communiqués de presse, gérait

les listes de messagerie. Une partie de son

travail a été répartie entre les membres du

BER. Mais il est certain qu’il ne sera pas

possible d’être aussi réactif.

Merci à Gilles pour tout le travail accompli,

pour sa bonne humeur et sa convivialité. Il y aura un

vide au local.

Le siège régional reste ouvert tous les lundis et

mardis ainsi qu’un mercredi sur deux. Je continuerai

d’assurer mes tâches : accueil téléphonique et phy-

sique au local, tenue du fichier des adhérents, tréso-

rerie de l’Association de financement, rédaction des

comptes rendus, lien avec les groupes

locaux et... mise en page, impression

et envoi de La Feuille Verte - dont le

cas sera étudié dans un second train

de mesures d’économie... En fonction

de mes disponibilités, j’essaierai de

renseigner et d’aider toute personne

faisant appel à EÉLV.

Suzy Antoine

Page 10: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

10

1. L'isoloir, plus démocratique que le vote

électronique

Après une période électorale, la question se pose

de nouveau : devons-nous remplacer le vote traditionnel,

avec bulletin papier et urne, par le vote électronique, plus

rapide et moins coûteux ? Il a été démontré dès 2006 qu'il

était impossible, dans le vote électronique, de concilier la

vérifiabilité du décompte des voix et le secret du vote. Or

ces deux propriétés sont essentielles à la démocratie. La

transmission du bulletin papier de l'urne sur la table de

comptage le fait immédiatement disparaître de l'urne. En

informatique, le bulletin virtuel est d'abord recopié avant

d'être transmis et éventuellement détruit. Mais sa destruc-

tion n'est nullement automatique. L'absence de fuite

d'information est plus difficile à garantir dans un vote élec-

tronique puisqu'il peut y avoir aussi du piratage ou des

malversations. (Pour la Science n° 458, décembre 2015,

p. 20)

Commentaire : Puisqu'un protocole électronique

ne peut concilier la vérifiabilité du décompte des voix et le

secret du vote, il est préférable de s'en tenir au vote tradi-

tionnel pour les scrutins qui constituent la base de notre

démocratie. Par contre, compte tenu de son faible coût, le

vote électronique pourrait être utilisé dans les processus

de concertation ou les enquêtes d'utilité publique. Bien

qu'il n'offre pas toutes les garanties, le vote électronique

est néanmoins plus fiable qu'un sondage.

2. Faut-il interdire les robots tueurs auto-

nomes ?

Les problèmes éthiques commencent à se poser

très concrètement pour les systèmes d'intelligence artifi-

cielle. Par exemple, dans le domaine des véhicules auto-

nomes, le débat est urgent : en cas de risque inéluctable

de collision, la voiture doit-elle être programmée pour

se jeter contre un arbre ou pour télescoper la voiture

qui vient en face ? L'utilisation de plus en plus fréquente

des drones dans les interventions militaires demande

l'accélération des discussions sur les SALA (1). Pour l'ins-

tant, ils sont pilotés à distance et maintiennent un hu-

main dans le circuit de décision. Mais il semble que des

robots tueurs autonomes sont déjà prêts à fonctionner

dans certains laboratoires militaires (États-Unis, Israël…).

Dans ce cas, l'arme recherche les ennemis, les identifie

et les tue sans qu'aucun humain ne valide leur choix. Les

questions posées sont donc : souhaitons-nous continuer

dans cette direction ? Faut-il limiter ou interdire de

telles armes ? (Pour la Science n° 458, décembre 2015,

pp. 78-83)

Commentaire : Le célèbre écrivain de science

fiction Isaac Asimov avait déjà, dès 1942, énoncé une

sorte de code éthique de la robotique. La première loi

d'Asimov disait : « Un robot ne peut porter atteinte à un

être humain ni, restant passif, laisser un être humain

exposé au danger. » Aujourd'hui, il s'agit d'une question

qui fait l'objet de discussions internationales. Près de 3

000 chercheurs en intelligence artificielle et robotique

ont signé en juillet dernier une lettre demandant l'inter-

Science et écologie

VOTE ELECTRONIQUE, ROBOTS TUEURS ET ANTIOXYDANTS

La science pour éclairer les choix de l'écologie politique.

La réflexion politique pour développer la critique de la science.

Page 11: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

11

diction des armes autonomes offensives échappant à tout

contrôle humain. Il s'agirait de signer le même type d'inter-

diction que pour les armes nucléaires, chimiques ou bacté-

riologiques et d'éviter ainsi une nouvelle course à l'arme-

ment. Les chercheurs craignent, en effet, que « les armes

autonomes deviennent les Kalachnikov de demain ».

3. Les antioxydants, alliés des tumeurs

Les antioxydants étaient considérés jusqu'à main-

tenant comme bons pour la santé parce qu'ils neutralisent

les radicaux libres. Rappelons que les radicaux libres sont

des molécules instables, produites en petites quantités par

les cellules, qui peuvent endommager l'ADN et ainsi induire

des cancers. On considérait donc que les antioxydants

étaient des anticancéreux. Mais une étude suédoise vient

de montrer que les antioxydants pourraient aussi faciliter la

croissance de certaines tumeurs, comme les mélanomes

qui sont des cancers de la peau, ou les cancers du pou-

mons. En ajoutant du NAC (2) à l'eau donnée à des souris

sensibles au mélanome, les métastases des ganglions lym-

phatiques ont été multipliées par deux. (La Recherche

n° 506, décembre 2015, p. 31).

Commentaire : L'hypothèse des chercheurs est

que les antioxydants protégeraient à la fois les cellules

saines et les cellules cancéreuses contre les radicaux

libres. Les antioxydants pourraient ainsi donner un coup

de pouce aux cellules précancéreuses ou aux petites

tumeurs non encore détectées. Il convient donc d'être

prudent avec l'utilisation des antioxydants dans les com-

pléments alimentaires.

Gérard Mamet

(1) SALA : Systèmes Autonomes Létaux d'Armement. En

anglais, LAWS, pour Lethal Autonomous Weapons Sys-

tems.

(2) Le NAC (N-acétylcystéine) est un antioxydant qui

entre dans la composition de certains compléments ali-

mentaires.

La saga Star Wars vue par Charlie Hebdo

Tous les

dessins sont

publiés avec

l’aimable

autorisation

de Charlie

Hebdo

Page 12: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

12

Une chose est sûre et tout le monde en est à peu

près d'accord, même Jean-Pierre Chevènement, récem-

ment converti à la déchéance de nationalité : cette me-

sure n'a aucun effet pratique, aucun aspect dissuasif

pour quelqu'un qui est prêt à mourir en se faisant sau-

ter avec une ceinture d'explosifs. Alors les partisans de

la mesure parlent de son aspect symbolique ; mais de

quel symbole s'agit-il ?

La déchéance de la nationalité est une vieille

idée de l'extrême droite, mise en œuvre par le gouver-

nement de Vichy contre les résistants. Pas terrible

comme pedigree… Permettre la déchéance de la natio-

nalité de binationaux, même nés en France, c'est intro-

duire une différence de droit entre les citoyens. Le mes-

sage symbolique est donc du genre « Certains sont

moins Français que d'autres », avec des effets poten-

tiels désastreux pour la cohésion nationale. Cette me-

sure est en contradiction avec la Déclaration des Droits

de l'Homme et du Citoyen, qui dit que tous les hommes

naissent et demeurent libres et égaux en droit.

Certains commentateurs trouvent maligne cette

proposition de Hollande parce qu'elle couperait l'herbe

sous le pied de la droite. Mais c'est très dangereux de

jouer ainsi avec notre histoire, avec nos valeurs, en mon-

trant, en plus, un manque de constance calamiteux dans

les convictions. Il s'agit aussi d'une rupture profonde avec

ce qui est un fondement de notre République. L'arrière-

pensée du président « normal » est donc de la pure tac-

tique électorale pour essayer de diviser la droite et ainsi

faciliter sa réélection en 2017. Mais une telle mesure

présente l'énorme risque de renforcer idéologiquement

et électoralement le FN. D'ailleurs, Marine Le Pen et

Florian Philippot se sont empressés de s'en réjouir, ce

dernier ayant même écrit ironiquement sur son compte

Tweeter : « Le gouvernement préfère Marine à

Christiane. »

Une large partie de la gauche s'indigne

La proposition du président de la République a

provoqué un séisme à gauche. Du côté des écologistes,

on retrouve le clivage qui s'est traduit par le départ

d'EÉLV d'une partie des parlementaires. En soutiens in-

conditionnels et zélés de tous les renoncements de Hol-

lande, Jean-Vincent Placé et François de Rugy ont assez

vite annoncé qu'ils approuvaient l'extension de la dé-

chéance de nationalité et qu'ils la voteraient.

De son côté, Cécile Duflot, sur France-Inter, a an-

noncé qu'elle « s'opposerait calmement mais fermement

à cette réforme ». Elle a rappelé que cette mesure était

portée historiquement par l'extrême droite, qu'elle était

totalement inefficace contre le terrorisme et que c'était

un symbole désastreux pour les binationaux. Elle a ajouté

que « la dignité du politique, c'est d'avoir des convictions

et d'être constant sur ses valeurs ». Sa position est large-

Dérive idéologique

LA DECHÉANCE DE LA NATIONALITÉ EST UNE IDÉE INSUPPORTABLE (1)

En août 2010, dans son discours de Grenoble, Nicolas Sarkozy avait voulu

étendre la déchéance de nationalité, ce qui avait semé le trouble dans son

propre camp : trois de ses ministres d'alors, Bernard Kouchner, Hervé Morin

et Fadela Amara, avaient exprimé des réserves sur ce virage sécuritaire. Dans

Le Figaro du 31 août 2010, l'ex-secrétaire du PS François Hollande estimait

que cette extension de la déchéance de nationalité était « attentatoire à la

tradition républicaine et nullement protecteur pour les citoyens ». Aujour-

d'hui, c'est lui qui veut aller encore plus loin que Sarkozy en inscrivant la dé-

chéance de nationalité dans la Constitution. Comment les citoyens peuvent-

ils s'y retrouver dans une telle confusion ?

Page 13: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

13

ment partagée par les militants d'EÉLV. Par exemple, Eric

Piolle, maire EÉLV de Grenoble, a dit que « le gouverne-

ment défigure la République et exauce le discours de

Grenoble de Nicolas Sarkozy. Crépuscule lamentable pour

François Hollande. »

Au PS, les réactions hostiles ont été abondantes. De

nombreux responsables ont dit avec plus ou moins de

force leur désapprobation : Anne Hidalgo, maire de Paris,

Bruno Julliard son premier adjoint, Alain Joxe, ancien mi-

nistre, les frondeurs Pascal Cherki, Christian Paul,

Pouria Amirshahi, Barbara Romagnan, les Jeunes Socia-

listes, et beaucoup d'autres. Olivier Faure, porte-parole

du PS, a jugé également qu'en élargissant la déchéance

de nationalité aux binationaux, «on crée un lien explicite

entre terrorisme et immigration, ce qui n'est pas néces-

saire. […] Daech s'est attaqué à ce que nous sommes, la

meilleure réponse est effectivement de rester ce que nous

sommes». Mais c'est peut-être Thomas Piketty qui a le

jugement le plus sévère : « À l'incompétence économique,

voici que le gouvernement ajoute l'infamie. »

La société civile réagit aussi

Dans Libération, le 30 décembre, 24 universitaires,

dont Dominique Méda, Patrick Viveret, Daniel Cohen et

Annette Wieviorka, demandent à François Hollande, sous

forme de lettre ouverte, de revenir sur la déchéance de

nationalité : « Plus que jamais, la France a besoin de ceux

dont la binationalité dit la richesse des origines et donc

des cultures, qui depuis toujours font la grandeur de la

France. En menaçant ceux de ses membres pourtant nés

Français d’en être exclus, vous les rejetez aux marges de

notre communauté nationale et vous en fragilisez par là

même la structure. »

Plus de 70 ONG, dont la LDH, ATTAC, la CGT, le SNJ,

la Cimade, le Gisti, Osez le féminisme, etc., ont signé un

appel : « Le projet de changer la constitution pour per-

mettre l’instauration d’un état d’urgence permanent et la

déchéance de nationalité pour les binationaux nés fran-

çais ont soulevé bien des inquiétudes sur la dérive du

gouvernement. Malgré les avis négatifs des experts, al-

lant du défenseur des droits Jacques Toubon aux juges

antiterroristes tels que Marc Trevidic, en passant par des

constitutionnalistes tels que Dominique Rousseau, tous

s’accordent sur la dangerosité de telles mesures, mais

aussi sur leur inefficacité à combattre le terrorisme. » La

finalité de l'appel est clairement affirmée : « Non au pro-

jet de déchéance de la nationalité, non à une démocratie

sous état d’urgence, non à une réforme constitutionnelle

imposée sans débat, en exploitant l’effroi légitime suscité

par les attentats. Nous n’acceptons pas la gouvernance

de la peur, celle qui n’offre aucune sécurité mais qui as-

surément permet de violer nos principes les plus essen-

tiels. »

Au moment où on écrit ces lignes, beaucoup de

parlementaires n'ont pas encore rendu publique leur

position. Pour que la réforme constitutionnelle soit

adoptée par les sénateurs et les députés réunis en con-

grès, il faut une majorité qualifiée des 3/5e des voix, soit

555 sur 925. Il semble qu'à gauche, une majorité se des-

sine pour voter contre. À droite c'est l'inverse, mais des

parlementaires UDI ou LR ont déjà annoncé leur opposi-

tion au projet, comme Benoist Apparu, Bernard Debré

ou Patrick Devedjian. Des proches du chef de l'État lui

proposent une porte de sortie : remplacer la déchéance

de nationalité par une peine d'indignité nationale. Espé-

rons qu'une majorité de parlementaires refusera de

voter une mesure qui s'apparente à un prêt-à-porter

législatif pour le FN.

Gérard Mamet

(1) Propos tenu dans Mediapart le 24 décembre par

Me Henri Leclerc, ancien dirigeant du PSU, figure emblé-

matique de la gauche judiciaire et président d'honneur

de la Ligue des Droits de l'Homme.

Page 14: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

À l’heure où je rédige cet article, EÉLV Bourgogne

Franche-Comté a déjà perçu environ 27 000 € de dons,

provenant de militants de la région ainsi que de toute la

France. La solidarité est en train de jouer et cela fait

chaud au cœur de recevoir, en plus des chèques, des

petits mots d’encouragement.

Merci à toutes ces personnes, pour beaucoup

anonymes, qui continuent à nous soutenir malgré notre

défaite. Il nous faut tirer les leçons de cet épisode électo-

ral afin de pouvoir renaître dans le paysage politique.

Tout n’est pas lié au contexte ; EÉLV doit se remettre en

question.

Vous pouvez, bien sûr, continuer à nous envoyer vos

dons. Je relaie l’appel lancé le 17 décembre par les co-

secrétaires régionaux et la tête de liste régionale, Cécile

Prudhomme :

Suzy Antoine

14

Appel à dons…

… ET REMERCIEMENTS

Pour que vive l’écologie en Bourgogne Franche-Comté

Le 6 décembre, 37 694 électeurs ont choisi le projet écologiste pour la Bourgogne Franche-Comté.

Tout au long de la campagne, nous avons porté ce projet : un projet pour la région, un projet pour le climat, pour

l’emploi, pour la solidarité. Nous avons fait campagne en tant que citoyens représentant la diversité des habitants de notre

région : ruraux et urbains, encartés ou représentants de la société civile, agriculteurs, enseignants, employés, cadres, méde-

cins, ouvriers, chômeurs, retraités…

Dans un contexte particulièrement difficile, cette campagne n’a malheureusement pas trouvé l’écho que nous espé-

rions. Avec moins de 5 % des voix exprimées, nos dépenses de campagne (100 000 €) ne nous seront pas remboursées par

l’État. Nous avons dès les prochains jours des échéances financières importantes.

Pourtant les urgences climatique et sociale n’ont pas disparu. La pollution dans nos rivières, dans nos assiettes,

n’a pas disparu. Les enjeux écologiques sont cruciaux, de plus en plus importants. La Bourgogne Franche-Comté ne pourra pas

faire l’impasse sur ces questions.

Nous avons déjà reçu plusieurs dizaines de promesses de

dons, mais nous avons encore impérativement besoin de

votre solidarité pour passer cette échéance, et pour continuer à

faire vivre nos idées en Bourgogne Franche-Comté.

Si vous payez des impôts, votre don ouvre droit à une réduction

d’impôt de 66 % : quand vous faites un don de 100 €, celui-ci ne

vous coûtera que 34 € après déduction d’impôt.

Vous pouvez donner par chèque à l’ordre de :

– ASSOCIATION DE FINANCEMENT EELV Franche-Comté : à envoyer à EELV Franche-Comté, 33 avenue Carnot,

25000 Besançon.

– ou encore AFE Régionales 2015 EELV BOFC : à envoyer à EELV Franche-Comté, 33 avenue Carnot, 25000 Besançon

Vous pouvez donner par carte bancaire en allant sur notre site de campagne :

http://lesecologistesbourgognefranchecomte.fr/appel-a-solidarite-pour-les-ecologistes-de-bourgogne-franche-comte/

Page 15: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

Vous ne pouvez l'ignorer : les Régionales n'ont pas

été, pour Europe Écologie Les Verts de Franche-Comté

(et d'ailleurs...), une franche réussite. Notre débâcle élec-

torale se traduit, entre autres, par de grosses difficultés

financières aux conséquences forcément désagréables.

Parmi les victimes des économies nécessaires, on

risque fort de trouver... La Feuille Verte ! Comme vous le

savez, cette dernière est envoyée gratuitement aux adhé-

rents d'EÉLV-FC ; les non-adhérents, eux, peuvent s'y

abonner pour un prix (16,00 euros pour 11 numéros an-

nuels) vraiment modique eu égard à l'investissement que

réclame sa parution - depuis plus de 20 ans, rappelons-

le !...

Malheureusement, le nombre d'abonnements

payants demeure désespérément bas et bien insuffisant,

dans les conditions actuelles, pour assurer la pérennité

de notre canard. Si vous êtes aussi attachés que nous à

la continuité de La Feuille Verte, il n'y a pas 36 solutions :

abonnez-vous, réabonnez-vous, faites (ré)abonner les

gens autour de vous, « placez » des numéros partout où

vous pouvez ! N'ayons pas peur des banalités quand

elles disent vrai : pour une publication (sans la moindre

publicité, bien sûr), l'abonnement, c'est le nerf de la

guerre.

Chèques bienvenus, à l'ordre d'EÉLV-FC. Soyez-en

mille fois remerciés. (Cf bulletin d’abonnement sur cette

page.)

Et bonne année 2016 à tout le monde.

Le Comité de lecture de La Feuille Verte

15

(Ré)abonnez-vous !

HELP !

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Vous n’êtes pas adhérent d’Europe Ecologie Les Verts de Franche-Comté ?

Et du même coup, vous ne recevez pas systématiquement

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Ainsi, vous serez sûr de ne rater aucun numéro, et cela pour la modique somme

de 16,00 euros seulement (11 numéros par an).

Nom : ………………………………………. Prénom : …………………………………………………...

rue : …………………………………………………………………………………………………………………….

CP : …………………… Ville : ………………………………………………………………………………….

Chèque à l’ordre d’EELV-FC, à adresser à :

EELV-FC — 33, Avenue Carnot — 25000 Besançon

Page 16: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

Boussole.

Pour Manuel Valls,

une partie de la

gauche « s'égare au

nom de grandes

valeurs ». Et une

autre partie a trouvé

son chemin au nom

de belles saloperies.

Traditions.

Vingt-six riches Qa-

taris (dont deux

membres de la

famille royale), adeptes de la chasse au faucon, enlevés

dans le désert irakien, où l'on affectionne fort ce délicieux

hobby. Un truc à te faire aimer les ravisseurs, quels qu'ils

soient.

Cultivés. « C'est qui, ce

barbu ? » s'inquiètent, de-

vant une gravure représen-

tant Léonard de Vinci, des

policiers chargés de perqui-

sitionner chez un

« suspect » dénoncé à tort.

En cette période d'état

d'urgence et d'imbécillité

flicaillère, je préfère balan-

cer tous mes portraits

d'Hugo, Platon, Marx,

Moïse, Charlemagne et le

capitaine Haddock.

Détestations. À l'occasion des mesures prises pour

limiter les déplacements des supporteurs de foot, je dé-

couvre qu'il existe une Association nationale des suppor-

teurs, créée à l'été 2014 ! Et que celle-ci refuse qu'on con-

sidère « une fois de plus les supporteurs comme un pro-

blème, comme une source de nuisances ». Ce qu'ils ne sont

effectivement pas plus que - exemples pris au hasard - les

chasseurs, les amateurs de quad ou de 4x4, les électeurs

du FN ou Ségolène Royal.

Saga. Le ministère de l'Éducation nationale utilise

Star Wars pour sa campagne annuelle de recrutement. La

richesse des slogans (sept au total) laisse pantois ; mon

préféré : « La passion de transmettre, avoir tu dois. » Ça

se veut du Maître Yoda, c'est à peine du Chewbacca.

Fayot. Réjoui par l'extension de la déchéance de

nationalité, le coprésident du groupe écolo au Sénat

« trouve positif que le président de la République ap-

plique son discours de Versailles ». Ta gueule, JiVéPé, ta

gueule !

Silence. Michel Onfray annonce son retrait du

paysage médiatique. On regrettera juste le caractère

non contagieux d'une aussi excellente initiative.

Talamoni. Pour fêter leur victoire, les nationa-

listes corses entonnent dans l'hôtel de région d'Ajaccio

le Dio vi salvi Regina (Que Dieu vous garde, Reine).

Identitaires et curaillons, ils ont vraiment tout pour

plaire.

Putsch. Au Venezuela, le pouvoir chaviste, qui a

largement perdu les législatives, accuse l'opposition

victorieuse de « coup d'État électoral » et crée un Parle-

ment parallèle en guise de « subversion pacifique contre

un Parlement bourgeois ». Attendons les explications de

Mélenchon avant de nous indigner bêtement.

Salauds ! (1) On a déjà souligné l'oxymore con-

tenu dans l'appellation « Office national de la chasse et

de la faune sauvage » (ONCFS). Dans une récente lettre

d'info, ledit organisme (un établissement public censé

contribuer à la protection du patrimoine naturel) publie

un article intitulé « Devenir piégeur, c'est simple, utile et

amusant ». On ne fera pas de commentaire pour ne pas

être accusé de grossièreté.

Salauds ! (2) Déjà 36 loups (animaux protégés)

abattus cette saison en France, et un nouveau randon-

neur tué début décembre par un chasseur. Dans le pre-

mier cas, le pouvoir est complice, dans le second, il s'en

fout. Et on ne peut même plus se dire que ce serait pire

avec la droite.

Insultés. Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Elsa

Cayat « décorés » de la Légion d'honneur (Wolinski et

Maris l'étaient déjà !) à titre posthume. Celui ou celle

qui a eu cette idée, j'espère qu'on va au moins le rouler

dans le goudron et les plumes.

Gérard Roy

16

UN MOIS, ÉMOIS ET MOI

Page 17: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

17

L’adhésion, c’est maintenant !

Prenez un stylo, sortez votre carnet

de chèques et faites-le tant que

vous y pensez !

Page 18: Feuille Verte n°214 - Janvier 2016

33, Avenue Carnot / 25000 Besançon / 03 81 81 06 66 / http://franchecomte.eelv.fr/

Quelques souvenirs de 2015