22
ENTRE COP 21 ET RÉGIONALES C'est au retour des Journées d'été des écologistes à Lille que nous rédigeons cet édito. Impossible donc de ne pas en évoquer quelques temps forts (1). La plénière sur les lanceurs d'alerte, avec Eva Joly, Edwy Plenel (de Médiapart), Yann Galut, député PS porteur d'une propo- sition de loi sur le sujet (2) et des lanceurs d'alerte, Stéphanie Gibaud, Nicole-Marie Meyer, Julian Assange. La dignité, le courage, la compétence, la détermination de ces femmes et de ces hommes, les propos de Yann Galut, sa lucidité, sa volonté de tra- vailler avec les ONG : une belle leçon de politique. La plénière sur la COP 21. Face à Laurent Fabius, Ronan Dantec et Emmanuelle Cosse, une femme tchadienne, Hindou Oumarou Ibrahim, a apporté un regard extrêmement pertinent sur les effets du dérèglement climatique et son impact sur les peuples et les États du Sud. Là aussi, sa compétence (elle a déjà participé à des négociations internationales) et sa détermination nous ont montré que le changement est possible. Elle nous a cité un pro- verbe de son pays : « Si le ventre a faim, la tête ne réfléchit pas. » Une façon de nous dire que ce n'est qu'avec une approche globale que des solutions seront trouvées (3). Sans oublier les questions qui traversent l'actualité, les mi- grants, la guerre en Syrie, la crise économique qui ne dit pas son nom... Ces Journées d'été étaient placées dans la perspective de la COP 21 et des élections régionales de décembre. Pour les écolo- gistes, ces deux échéances sont une occasion unique de rappeler qu'ils ont une vision à long terme et cohérente et pour marteler que « c'est le système qui doit changer, pas le climat » ! Au cours des prochains mois, pour répondre aux doutes qui traversent notre société tout comme notre mouvement, mobili- sons-nous autour de Cécile Prudhomme, notre tête de liste pour les Régionales (4), et avec tous les écologistes, pour des avancées significatives en faveur du climat. Plus de 1 200 personnes présentes à Lille. Nous ne pouvons qu'encourager l'ensemble des adhérents à venir aux Journées d'été pour la richesse et l'ouverture des débats. Avec Éric Alauzet. (3) Gérard Mamet en parle plus longuement dans cette Feuille Verte. (4) Voir les éléments d'agenda en pages intérieures, et noter dès maintenant notre Journée d'automne, le 3 octobre. (Des précisions vous seront envoyées prochainement.) SEPTEMBRE 2015 / n°210 / 1,70 € Corinne Tissier et Bernard Lachambre Cosecrétaires EÉLV Franche-Comté 33, Avenue Carnot

La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

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La Feuille Verte n°210 - septembre 2015.

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Page 1: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

ENTRE COP 21 ET RÉGIONALES

C'est au retour des Journées d'été des écologistes à Lille que

nous rédigeons cet édito. Impossible donc de ne pas en évoquer

quelques temps forts (1).

La plénière sur les lanceurs d'alerte, avec Eva Joly, Edwy

Plenel (de Médiapart), Yann Galut, député PS porteur d'une propo-

sition de loi sur le sujet (2) et des lanceurs d'alerte, Stéphanie

Gibaud, Nicole-Marie Meyer, Julian Assange. La dignité, le courage,

la compétence, la détermination de ces femmes et de ces

hommes, les propos de Yann Galut, sa lucidité, sa volonté de tra-

vailler avec les ONG : une belle leçon de politique.

La plénière sur la COP 21. Face à Laurent Fabius, Ronan

Dantec et Emmanuelle Cosse, une femme tchadienne, Hindou

Oumarou Ibrahim, a apporté un regard extrêmement pertinent sur

les effets du dérèglement climatique et son impact sur les peuples

et les États du Sud. Là aussi, sa compétence (elle a déjà participé à

des négociations internationales) et sa détermination nous ont

montré que le changement est possible. Elle nous a cité un pro-

verbe de son pays : « Si le ventre a faim, la tête ne réfléchit pas. »

Une façon de nous dire que ce n'est qu'avec une approche globale

que des solutions seront trouvées (3).

Sans oublier les questions qui traversent l'actualité, les mi-

grants, la guerre en Syrie, la crise économique qui ne dit pas son

nom... Ces Journées d'été étaient placées dans la perspective de la

COP 21 et des élections régionales de décembre. Pour les écolo-

gistes, ces deux échéances sont une occasion unique de rappeler

qu'ils ont une vision à long terme et cohérente et pour marteler

que « c'est le système qui doit changer, pas le climat » !

Au cours des prochains mois, pour répondre aux doutes qui

traversent notre société tout comme notre mouvement, mobili-

sons-nous autour de Cécile Prudhomme, notre tête de liste pour

les Régionales (4), et avec tous les écologistes, pour des avancées

significatives en faveur du climat.

Plus de 1 200 personnes présentes à Lille. Nous ne pouvons

qu'encourager l'ensemble des adhérents à venir aux Journées d'été

pour la richesse et l'ouverture des débats.

Avec Éric Alauzet.

(3) Gérard Mamet en parle plus longuement dans cette Feuille

Verte.

(4) Voir les éléments d'agenda en pages intérieures, et noter dès

maintenant notre Journée d'automne, le 3 octobre. (Des précisions

vous seront envoyées prochainement.)

SEPTEMBRE 2015 / n°210 / 1,70 €

Corinne Tissier

et Bernard Lachambre

Cosecrétaires EÉLV Franche-Comté

33, Avenue Carnot

Page 2: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

LA COP 21 VUE DU TCHAD

Sommaire

2

P 1 : Edito

P 2-3 : La COP 21 vue du Tchad

P 4 : Démissions

P 5-6-7 : Les « éternels étrangers de l’intérieur », le Grand

Besançon et la loi

P 8-9 : Les raisons de la crise laitière

P 10 : Centrales : ça bout, là-dedans !

P 11 : Où trouver EELV près de chez soi ?

P 12-13 : Science et écologie

P 13 : Invitation à conférences

P 14-15 : « Dizeux » contre « Faizeux »

P 16 : Ils prennent racine

P 17-18-19 : Petite chronique wallisienne (2)

P 19 : Comment recevoir La Feuille Verte ?

P 20-21 : Adieu République, bonjour Carnot !

P 21 : Photos des candidats au chevet de la Savoureuse

P 22 : Photos JDE Lille

Il y a parfois des moments émouvants, extraordi-

naires ou magiques aux Journées d'été des écologistes. Ce

fut le cas lors du débat sur la COP 21, le vendredi soir, à

Lille, avec quatre intervenants : Laurent Fabius, ministre des

Affaires étrangères, Pierre Radanne, spécialiste des ques-

tions énergétiques, notre Secrétaire nationale Emma Cosse

et la représentante d'une ONG tchadienne, Hindou

Oumarou Ibrahim. Si toutes les contributions ont été perti-

nentes et utiles pour comprendre les enjeux planétaires de

ce sommet, ce n'est peut-être pas le ministre qui a été la

vraie « vedette » de ce débat…

Un enjeu global

On sait que le mois de juillet 2015 a été le mois le

plus chaud jamais enregistré sur la Terre. L'affaire est

grave : le réchauffement devient de plus en plus préoccu-

pant et l'objectif de la COP 21 est de limiter le réchauffe-

tique moyen à 2°C. Mais pour l'instant, reconnaît Laurent

Fabius, les contributions des États ne permettent qu'une

limitation à 3° – 3°5. « On n'est pas rendu », reconnaît

donc le ministre, qui salue au passage le rôle joué par les

écologistes dans la prise de conscience de ce problème

du dérèglement climatique.

Pierre Radanne, ancien

directeur de l'ADEME, reprend

l'expression du Pape, gérer la

maison commune – la Terre :

« Par dessus les inégalités

issues de l'histoire, les guerres,

le colonialisme, il faut gérer la

planète toute entière. » Il faut

faire un accord pour l'humani-

té, un accord où chacun doit

jouer son rôle : les «États, les entreprises, les ONG, les

collectivités et l'ensemble des citoyens. Une réflexion

d'ensemble doit permettre de définir un nouveau mode

de développement, d'avancer vers une transition écolo-

gique. « Travailler sur une nouvelle vague d'investisse-

ments, c'est travailler à une relance mondiale », ajoute

Radanne.

Après avoir exprimé son refus d'une approche politi-

cienne de la COP 21, Emma Cosse a fait remarquer au

ministre que, concernant la taxe sur les transactions fi-

nancières, qui pourrait servir au développement des pays

pauvres et à la lutte contre le dérèglement climatique,

Lille, JDE 2015

Page 3: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

« la France n'était pas au

rendez-vous ». Puis elle a

demandé que notre pays

soit exemplaire : « La

France doit sortir des

énergies carbonées, des

énergies fossiles et l'État

doit participer à la cam-

pagne de désinvestisse-

ment dans l'ensemble des

énergies fossiles et pol-

luantes. » Faisant allu-

sion, au passage, au CICE

(1), elle a ajouté que « les fonds publics doivent cesser

d'arroser de manière aveugle les entreprises » et servir à la

transition énergétique. Elle a demandé aussi des compen-

sations pour les pays pauvres, sans lesquelles ils ne pour-

ront pas sortir des choix actuels : 10 milliards seulement

d'engagement à ce jour alors qu'il en faudrait 10 fois plus.

La parole authentique d'une jeune Tchadienne

Hindou Oumarou

Ibrahim est une jeune

femme de 31 ans, coor-

dinatrice de l'Associa-

tion des femmes peules

autochtomes du Tchad.

Elle a su trouver les

mots pour expliquer

simplement aux partici-

pants aux JDE les

drames qui se vivent

dans toute la région du

Sahel du fait du dérègle-

ment climatique. Autour

du lac Tchad, les populations nomades subissent de plein

fouet le réchauffement. Les changements de saison sont

plus marqués : à la saison des pluies, les précipitations sont

plus violentes mais moins fréquentes et les mares formées

– réserves d'eau pour le bétail - disparaissent beaucoup

plus vite ; à la saison sèche, les vagues de chaleur dépassent

les 50°C et rendent la vie insupportable.

Dans tout le Sahel, l'eau est très importante. Sa raré-

faction entraîne des conflits entre les éleveurs nomades, les

agriculteurs et les pêcheurs. Les sociétés sont fragilisées, y

compris dans les relations hommes-femmes. Ayant perdu

leurs moyens d'existence, les hommes partent à la ville

pour essayer, souvent en vain, de trouver du travail. Les

conséquences du réchauffement sont particulièrement

lourdes : les menaces pèsent sur l'autosuffisance alimen-

taire, sur l'eau, sur la paix et la sécurité, sur le droit à avoir

une vie digne. Dans une interview qu'elle a donnée par ail-

leurs à Madame Figaro (2), Hindou explique comment le

réchauffement climatique fait le lit du terrorisme :

« Partout au Sahel, des hommes très fâchés rejoignent

Boko Haram pour l'argent ou pour avoir le sentiment

d'exister, d'être un homme. »

Hindou insiste : « L'accord doit être juste, équitable,

durable et il faut penser à l'aspect humain au delà des as-

pects économiques. » Elle interpelle directement Laurent

Fabius sur le financement de la nécessaire adaptation des

pays pauvres. Elle est parfaitement consciente du rôle et

de l'influence que peut jouer le président de la COP 21

dans la négociation. Mieux que quiconque, elle a pu nous

faire toucher du doigt cette injustice qui est au cœur de la

question du réchauffement climatique : ce sont essentiel-

lement les pays riches qui sont responsables des émissions

de gaz à effet de serre et ce sont les pays pauvres qui en

subissent en premier les graves conséquences, tout en

n'ayant pas les moyens de s'adapter.

Avec son sourire et son propos simple et authen-

tique, Hindou a été convaincante et lumineuse. Si on juge

aux applaudissements, c'est sa parole de vérité qui a été

finalement la vraie vedette de ce débat…

Gérard Mamet

(1) CICE : Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et

l'Emploi, dispositif d'aides aux entreprises annoncé par

François Hollande lors de ses vœux pour l'année 2014 et

mis en œuvre depuis... sans beaucoup de résultats.

(2) Madame Figaro des 21 et 22 août 2015, « Un

climat de solidarité », pages 46-49. Je ne suis ni un fan, ni

un lecteur habituel de ce journal, mais je trouve cet article,

où Hindou est interviewée en même temps que Nicolas

Hulot, très intéressant et très instructif pour comprendre

les conséquences du réchauffement climatique dans les

pays du sud.

3

Page 4: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

De Rugy et Placé s'en vont. Et alors ?

Ils assument un choix pro-socialiste et surtout pro-

Hollande dont ils espèrent sans doute tirer bénéfice un jour

ou l'autre. C'est leur droit.

Mais il reste des aspects profondément insuppor-

tables dans leur attitude, dans cette manière de se draper

dans la toge d'une écologie authentique, contre la dérive

prétendument gauchiste du mouvement, alors que na-

guère, d'autres qui sont également partis (Mamère entre

autres) en dénonçaient la dérive droitière.

Le premier de ces insupportables aspects est de

relayer médiatiquement une image détestable des mili-

tants, caricaturés en crétins attardés, sectaires, dépas-

sés :« On assiste à un très fort délitement avec un mélange

de pulsion sectaire et de pulsion suicidaire », déclare

De Rugy doctement au chevet des malades que nous

sommes (1). On n’arrive plus à avoir les débats », affirme-t-

il (2). Et à Lille, il s'est passé quoi ? Seulement ce qu'en ont

rapporté les médias avides des petites phrases assassines ?

«C’est un astre mort, une structure morte, qui donne au-

jourd’hui une vision caricaturale et politicienne de l’écolo-

gie», assène Placé en parlant d'EÉLV (3). Parce que, bien

évidement, jamais Placé n'a eu quoi que ce soit à voir avec

une gestion politicienne du débat, jamais il n'a cherché à

calculer son orbite en fonction de la force d'attraction mi-

nistérielle ! « On est arrivé au summum de l'irresponsabilité

et de l'irrationnel », affirme-t-il encore (4). Il ne manque

plus que l'accusation d'hystérie pour se rapprocher de cette

vieille tradition des régimes totalitaires : psychiatriser le

discours de l'autre pour mieux le déconsidérer.

Le deuxième insupportable aspect de l'attitude pla-

cé-derugyenne est de s’exonérer à bon compte de toute

responsabilité face à une forme de décrédibilisation de

l'écologie politique, dans ces façons de finalement la ré-

duire en partie à un supplément d'âme offert au Parti socia-

liste et à Hollande en pleine déconfiture idéologique,

dans ces manières de guetter l'opportunité d'une car-

rière.

Et le troisième est de singulièrement oublier ce

qu'ils doivent aux militants pour avoir pu poser leurs

fesses dans les fauteuils confortables de la République et

des médias.

Il ne s'agit pas tant ici d'un désaccord politique, qui

anime la vie d'un parti et parfois effectivement le con-

damne à l’illisibilité, que d'une lutte de pouvoir qui mine

EÉLV, qui mine les Verts, lesquels affirmaient faire de la

politique autrement. La démission des deux élus est au

fond un aveu d'échec sur cette question.

On ne peut toutefois la réduire à cela. Lorsque Pla-

cé affirme qu'il entend « animer l’écologie réformatrice

qui assume la mondialisation, qui est pour l’Europe fédé-

rale, qui aime la République, qui aime la laïcité, qui bien

sûr s’inscrit dans l’économie de marché et veut bien sûr

faire changer les choses» (5), il rompt radicalement avec

toute une conception politique de l'écologie. Une con-

ception où la radicalité n'est pas celle d'une extrême

gauche qui vénère et rejette tout aussitôt des symboles

qu'elle croit pouvoir s'approprier (voir le discours tenu

aujourd'hui sur Alexis Tsipras), mais s'exprime dans une

volonté réelle de transformation et non de simples chan-

gements plus ou moins cosmétiques. Ce qui n'exclut

nullement le passage par des compromis.

De Rugy et Placé ont renoncé à cette ambition

pour n'en rester qu'à un compromis vide de contenu.

Michel Boutanquoi

(1) Canard enchaîné, 26 août.

(2) Dépêche AFP.

(3) Dépêche AFP.

(4) Canard enchaîné, 26 août.

(5) Dépêche AFP.

4

Démissions

INSUPPORTABLES !

Page 5: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

5

Marronnier estival national

Le 5 août, le maire de Thise, opposé à l'installa-

tion de gens du voyage sur un terrain de sa commune et

bousculé alors qu'il cherchait à bloquer l'entrée des cara-

vanes, a organisé dans le village une marche de protesta-

tion contre ces itinérants indésirables, agrémentée d'une

banderole étalant ce slogan : « Invasion des gens du

voyage : ça suffit ! » Banderole derrière laquelle ont défi-

lé, entre autres, l'adjointe au maire de Besançon chargée

des Solidarités, de la coordination des élus, de la lutte

contre les discriminations, et celui chargé de la Culture.

Ils avaient été mandatés par le maire de Besançon en

soutien à celui de Thise, chargé (jusqu'ici, puisqu'il vient

de démissionner en

signe de protestation)

de l'accueil des « gens

du voyage » au Grand

Besançon, organisa-

tion territoriale com-

pétente depuis 2002

en matière de créa-

tion, d’aménagement

et de gestion des aires

d'accueil et de grands

passages (2) pour ceux

qu'on ferait mieux

d'appeler désormais

les Français Itinérants.

Le syndrome Virenque

Dans son appel de soutien, le Président de la CAGB

(Communauté d'Agglomération du Grand Besançon) et

maire de Besançon, annonçant la participation de deux

de ses élus, conclut : « Force doit rester à la loi et à son

respect ». Forts de ce message, lesdits élus ont participé

à la marche sans avoir éprouvé le besoin de lire la bande-

role qu'ils tenaient ! L'explication officielle voudrait qu'ils

aient été « piégés » par FR3, qui leur aurait demandé

d'être sur la photo : ils auraient ainsi participé à cette

mise en scène, en quelque sorte, « à l'insu de leur plein

gré ». En fait, ils n'ont visiblement rien lu de répréhen-

sible sur ce calicot, à moins que leur allégeance ne les ait

aveuglés ; mais les voilà maintenant gênés par les com-

mentaires réprobateurs. Ils devraient cependant savoir

que l’interdiction de séjour n’est pas du ressort des

maires. Pourquoi n'ont ils pas refusé de participer à

cette marche de dupes ?

L'actuel ministre de l'Intérieur avait pourtant

affirmé en 2013, lors de « dérapages » du maire de

Nice :

« Nous ne pouvons tolérer des occupations illicites

de terrains publics ou privés, mais il faut que les col-

lectivités appliquent la loi en réalisant des aires d’ac-

cueil et des terrains de passage pour les groupes. »

Relire la loi Besson - pas Éric, mais Louis - du 5 juillet

2000.

« Force est de

respecter la loi »

Or la communau-

té du Grand Be-

sançon se trouve

dans la situation

évoquée par le

Ministre. En effet,

alors que la presse

a fait essentielle-

ment ses titres

autour d'un maire

agressé, il reste sur

le fond un sujet

problématique

que la Cagb recon-

naît elle-même, mais que l'on oublie d'aborder. Si on

reprend le Schéma départemental pour l’accueil et

l’habitat des gens du voyage du Doubs, qui repré-

sente la feuille de route de la loi Besson au niveau

local—le dernier ayant été approuvé en mars 2013

par le Préfet et le Président du Conseil Général pour

la période 2013-2018—, on peut lire :

« La CAGB a répondu à ses obligations en aména-

geant une aire de grands passages sur la commune

de Thise. Toutefois, celle-ci, d’une taille inférieure à 2

hectares, ne permet pas l’accueil de groupes de plus

de 100 caravanes. Or, le secteur de Besançon con-

naît fréquemment des stationnements hors aires de

groupes de cette taille.

LES « ÉTERNELS ÉTRANGERS DE L'INTÉRIEUR » (1), LE GRAND BESANÇON

ET LA LOI

Page 6: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

6

L’aire de grands passages de Thise ne permet pas de cou-

vrir l’ensemble des besoins, principalement pour les

groupes de taille supérieure à 100 caravanes qui circulent

sur ou le long de l’A36. »

Or ces aires doivent être conçues pour accueillir de

150 à 200 caravanes, sur une surface d'au moins 4 hec-

tares (circulaire d'application de la loi). Des recommanda-

tions précisent en conséquence, sur ce document : « Mise

à disposition d’un terrain ponctuel pour le passage de

groupes de plus de 100 caravanes sur la CAGB (entre 3 et

4 hectares). »

Des obligations sont identifiées concernant les aires

d'accueil : « Mettre à disposition 60 places d’aires d’ac-

cueil (aires de Pirey, Saône et Besançon). Mettre à disposi-

tion un terrain de délestage pour les ménages itinérants

(pouvant accueillir 30 à 40 caravanes). »

D'autres obligations sont mentionnées concernant

les terrains familiaux, en relation avec la sédentarisation

de certaines familles vivant en permanence sur des aires

d'accueil : « Réalisation de terrains familiaux pour libérer

l’aire de Besançon : au minimum 12 terrains sur la CAGB

(dont au moins deux sur Besançon). »

Force est de constater que ces obligations ou recom-

mandations n'ont pas été suivies de réalisations adaptées

en conformité avec la loi.

En stigmatisant une population qui n'est pas seule

responsable de la situation, cette libération de la parole

officielle en direction d' « agresseurs » discriminés d'après

leur mode de vie risque de renforcer certains préjugés,

autorisant tout un chacun à se lâcher dans un climat

d'intolérance aggravée en temps de crise. Quel signe poli-

tique une telle bévue envoie-t-elle avec un rejet aussi

violent alors que le non-respect de la loi de la part de la

CAGB, du Département et de la Préfecture sera toujours

automatiquement générateur d'installations illicites ?

Combien de temps durera ce marronnier estival national

qui alimente nos journaux tous les ans, avec des relents

nauséabonds sur fond de laxisme d’État ?

Français Itinérants

Depuis 2010, le Conseil de l’Europe a opté pour

l’emploi du terme « Rom » comme terme générique pour

désigner tous les groupes tsiganes et voyageurs. Le

terme «Tsigane», employé antérieurement à 2010

par le Conseil de l’Europe, a été éliminé à la demande

d’intellectuels Roms des pays de l’Est en raison d’une

connotation raciste et haineuse de ce terme dans le

langage courant de ces pays. Les autres termes em-

ployés par le Conseil de l’Europe, qui faisaient réfé-

rence au mode de vie mobile (Nomades, Voyageurs,

Gens du Voyage), ont également été écartés des

textes officiels de l’Union européenne au profit du

terme « Rom ».

Ce choix de l’institution européenne est peut-être à

l’origine d’une certaine confusion pour les décideurs

politiques, mais aussi pour le public des pays

d’Europe de l’Ouest. «Rom» est le nom que se donne

un groupe culturel spécifique, majoritairement sé-

dentaire ou sédentarisé, et majoritairement ressortis-

sant des pays nouvellement entrés dans l’Union euro-

péenne. La majorité des Tsiganes et Voyageurs (Gens

du Voyage) dans les pays d’Europe de l’Ouest ne sont

pas Roms et ne se retrouvent pas dans cette appella-

tion. Beaucoup ont le sentiment que leur identité et

une part importante de leur culture, le mode de vie

mobile, sont ainsi confisquées et niées.

L’association France Liberté Voyage (FLV) mi-

lite pour que l’expression « Français itinérants » rem-

place « Gens du voyage » et son cortège d’amalgames

et de confusions. « Avec la formule “Français itiné-

rants“, nous revendiquons à la fois la pleine citoyen-

neté française, qui nous a été retirée voici un siècle, et

la reconnaissance de notre mode de vie », explique

Milo Delage, président de FLV et vice-président de

l’UFAT (Union française des Associations tsiganes)

qui, le 27 juin dernier, a présenté la situation des

voyageurs français aux instances européennes à

Strasbourg, et est parfaitement au courant de ce qui

s'est passé à Thise.

Page 7: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

7

« L’expression “Français itinérants“ affirme notre

pleine citoyenneté. Depuis un siècle, nous avons plus de

devoirs et moins de droits que les autres Français ; nous

voulons la suppression du statut spécial »(3), explique

encore Milo Delage. « Nous voulons être considérés au

même titre que les Français de l’étranger, c’est-à-dire

comme des citoyens à part entière mais ayant pour des

raisons matérielles un mode de vie particulier. Cette for-

mule évite aussi les considérations ethniques qui servent

de prétextes pour nous exclure. Les questions d’origine de

la famille et d’identité culturelle n’ont pas à être mélan-

gées avec le mode de vie itinérant ou non. De plus en plus

de gens qui ne sont pas tsiganes vivent comme nous. Il ne

faut surtout pas maintenir des ségrégations et imposer

des ghettos selon les origines. »

Un point sémantique également important : si la

notion de «gens du voyage» remplace celle de

«nomades» depuis la loi du 5 juillet 2000 relative à l'ac-

cueil et à l'habitat des gens du voyage, l'expression « les

gens du voyage » ne peut pas se mettre au singulier, ce

qui est lourd de signification et de conséquences cultu-

relles implicites. Par exemple, quand une famille pose un

problème, c'est la totalité des gens du voyage qui paient.

C'est ainsi que, sur le Grand Besançon, deux aires restent

fermées depuis 2010 et 2011, ce que reconnaît parfaite-

ment l'Agglo : « Un groupe familial présentant des

troubles de comportements a fortement dégradé les aires

de Saône et de Mamirolle. Cette famille est « originaire »

du secteur et y demeure en stationnement illicite. » Or ces

aires sont fermées et vides. Si la loi vaut pour tout le

monde, cela veut dire qu'elle doit valoir pour les per-

sonnes incriminées, qui sont visiblement connues, et non

pour la collectivité globale à laquelle elles appartiennent.

La loi et les solutions durables

L’insuffisance du nombre de places légales pour

les caravanes force ces Français itinérants à l’errance et à

l’illégalité en les poussant de territoires interdits en terri-

toires interdits. Or, le corollaire du voyage, c’est la possibi-

lité de stationner. Le fait que la carte de circulation

ait enfin été supprimée et que ces Français rentrent

peu à peu dans le droit commun ne veut pas dire

que la sédentarisation doit être leur lot ; leur mode

de vie mobile doit être respecté, même à l'occasion

d'une sédentarisation. Toute une série de discrimi-

nations doit par ailleurs prendre fin, comme le fait

que ces Français se voient refuser ou majorer tout

contrat d'assurance pour leurs véhicules et cara-

vanes, les difficultés pour obtenir une carte de vote

ou scolariser des enfants ou pour obtenir les terrains

familiaux promis. Le respect de la loi doit concerner

toutes les parties si l'on tient à mettre en place des

solutions durables.

Si l'Assemblée nationale a par ailleurs voté en

juin la suppression du livret de circulation imposé

aux gens du voyage, elle a aussi adopté le renforce-

ment des pouvoirs de contrainte des préfets consta-

tant l'irrégularité de certaines communautés de

communes quant à la loi Besson. La Préfecture pour-

ra bloquer, directement sur les budgets des collecti-

vités, les sommes nécessaires à la réalisation des

aires d’accueil. Pour ce qui est de l'application de la

loi... rendez-vous l'année prochaine...En attendant,

nous nous devons de participer à la construction

d'un dialogue authentique, veillant à faire évoluer

les mentalités, et d'une participation des Français

itinérants à la mise en place de politiques les con-

cernant.

Thierry Lebeaupin

1) Expression empruntée à Fernand Milo Delage,

Président de France, Liberté, Voyage et porte parole

des Gens du voyage en France.

2) Aire d'accueil : Équipement de service public spé-

cialement aménagé pour le stationnement des fa-

milles pratiquant l’itinérance.

Aire de grands passages : Équipement réservé à

l’accueil des grands groupes de voyageurs qui con-

vergent vers les lieux de grands rassemblements lors

de la période estivale.

Terrain familial : Terrain prévu pour la sédentarisa-

tion des gens du voyage.

3) In Dépêches tziganes, Français itinérants à la

place de gens du voyage ?

Page 8: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

8

La crise laitière s'explique d'abord par une con-

joncture défavorable : une demande asiatique moins im-

portante que prévu à cause du ralentissement écono-

mique, l'embargo russe qui bloque les exportations vers

la Russie et le pic saisonnier de production de lait qui va,

chaque année, d'avril à septembre. Mais elle a aussi des

raisons plus générales : une agriculture intensive orientée

vers l'exportation, la dérèglementation des marchés avec

la fin des quotas laitiers et la course à l'industrialisation.

Les raisons structurelles

Avant

cette crise, la

production euro-

péenne était déjà

excédentaire :

107 % par rap-

port à la de-

mande intérieure.

La fin des quotas

laitiers a permis

l'augmentation

de la production européenne - qui dépasse largement la

demande intérieure -, principalement en Allemagne, en

Irlande et aux Pays-Bas, mais aussi … en Bretagne et en

Pays-de-Loire.

Les excédents se retrouvent livrés au marché

mondial avec la volatilité des prix qui découle de la déré-

gulation : après des périodes relativement favorables en

2013 et 2014, on entre dans une période difficile ; dans

ce secteur la dérégulation profite plutôt à l'Europe du

nord et à la Nouvelle-Zélande, qui sont plus avancées

dans l'industrialisation de l'agriculture (gros élevages,

robots de traite…). La volatilité des prix se transmet alors

au marché intérieur, avec un effondrement vers 300 € la

tonne de lait.

Avec la dérégulation, on ne va pas forcément

vers une crise permanente, mais vers des crises à répéti-

tion, avec un mouvement de yoyo des prix. Mais surtout

la dérégulation, dont la fin des quotas laitiers n'est qu'un

des aspects, va entraîner, outre la volatilité croissante des

prix, une pression sur les coûts de production et la ten-

dance renforcée à l'industrialisation de l'agriculture et de

nouvelles disparitions des exploitations orientées vers

l'élevage.

Les propositions d'un agrobusinessman

Pour les écologistes, c'est précisément ce mo-

dèle d'une agriculture toujours plus industrielle qui est à

bout de souffle. La course à la productivité se fait au dé-

triment de la qualité des produits. Mais elle a aussi de

graves conséquences sociales - la disparition d'un

nombre toujours croissant d'agriculteurs - et des consé-

quences dramatiques pour l'environnement. Elle a enfin

une autre conséquence moins souvent mentionnée : ce

type d'élevage mobilise des terres des pays pauvres pour

produire des aliments (comme le soja) destinés à la

nourriture des animaux des pays riches, et développe

une politique exportatrice agressive, qui accentue un peu

plus le déséquilibre Nord-Sud et compromet l'autosuffi-

sance alimentaire des pays pauvres.

Or, les propositions que vient de faire le prési-

dent de la FNSEA Xavier Beulin vont dans le sens d'une

industrialisation encore accrue de l'agriculture. Dans le

JDD du 23 août, en effet, il propose un investissement de

3 milliards d'euros pour « moderniser les bâtiments d'éle-

vage » et « organiser le regroupement des exploitations

afin qu'elles soient plus productives ». Autant de mesures

qui auraient pour conséquence la disparition accélérée

d'un grand nombre d'exploitations familiales. Il faut dire

que Xavier Beulin n'est pas vraiment un agriculteur. C'est

surtout le PDG de la société Sofiprotéol, groupe agro-

industriel au chiffre d'affaires de 7 milliards d'euros, spé-

cialisé dans les oléagineux et les protéagineux, qui pro-

duit par exemple des agrocarburants.

Plus grave encore, au moment où la France va

accueillir la COP 21, Xavier Beulin propose aussi « un

moratoire d’un an sur les normes environnemen-

tales » (1), ce qui aurait pour conséquences de nouvelles

dégradations de l'environnement. Au moment où il faut

prendre des mesures pour limiter le réchauffement cli-

matique, il serait plus judicieux, au contraire, de revenir à

Agriculture

LES RAISONS DE LA CRISE LAITIÈRE

Page 9: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

9

une agriculture de proximité, respectueuse de l'environ-

nement, d'abord destinée à nourrir les habitants de ce

pays avec des produits de qualité.

Le modèle de l'AOP comté résiste

Dans cette crise du lait, les zones à AOP s'en tirent

bien grâce à une maîtrise de la production. C'est le cas de

la zone à AOP comté qui maintient ses prix autour de 450

€ la tonne (550 € pour le comté bio). Mais il faudra aussi

être très attentif au maintien d'un cahier des charges exi-

geant et ne pas aller vers une augmentation de la produc-

tion du comté que préconisent certaines organisations

agricoles.

Globalement, on ne peut que déplorer la fin des

quotas laitiers, qui ont d'ailleurs été maintenus au Canada

et rétablis aux États-Unis, mais délibérément abandonnés

en Europe, dans le cadre d'une dérégulation plus générale

selon le mythe de la « concurrence libre et non faussée ».

C'est ce modèle exportateur d'inspiration libérale que

soutiennent le gouvernement et la FNSEA et qui porte en

lui aussi bien la volatilité des prix que la course à l'indus-

trialisation et la disparition de l'agriculture paysanne. Et

malheureusement, il a aussi pour conséquences de nou-

veaux dégâts sur l'environnement : entre autres, diminu-

tion de la biodiversité des prairies et pollution des rivières

par l'excès d'effluents d'élevage.

Pour sortir de la crise laitière

Il y a dans le modèle de l'AOP comté des éléments

qui pourraient être généralisés : la maîtrise des quantités

produites, un cahier des charges qui permette de dé-

fendre la qualité des produits et le respect des milieux

naturels, les circuits courts quand c'est possible ; beau-

coup de fruitières à comté commercialisent directement

autour d'un tiers de leur production.

L'industrialisation de l'élevage se fait essentielle-

ment par une augmentation de la part de céréales, de

maïs et de soja dans l'alimentation des vaches, et donc au

détriment de l'herbe. En la matière, la « Ferme des mille

vaches » est un exemple caricatural. Or les systèmes her-

bagés ont l'avantage de ne pas entrer en concurrence

avec l'alimentation humaine : on cite souvent le

contre-exemple classique de la production de soja

par le Brésil pour nourrir les vaches européennes.

Contrairement au maïs et au soja, les systèmes

herbagés fragmentés par les haies contribuent à la

biodiversité et participent au stockage du carbone

des sols : remarque pas inutile à quelques mois de

la COP 21 sur le climat…

Enfin, il faut donner la priorité à une alimen-

tation de qualité pour tous, produite localement.

La Confédération paysanne propose de limiter les

exportations aux « denrées qui ne peuvent pas

être produites dans les pays importateurs » (2), ce

qui éviterait de surcroît, comme on l'a déjà dit, la

destruction de l'agriculture des pays pauvres par

des exportations « agressives ». Pour privilégier

l'agriculture locale, différentes possibilités peuvent

être mises en œuvre : AMAP (3), vente directe,

contractualisation de l'approvisionnement local

des cantines scolaires, si possible en bio, etc. Les

aides de l'Europe devraient être totalement réo-

rientées vers une conversion écologique de l'agri-

culture dans cette direction. Seul ce type d'agricul-

ture et d'élevage peut s'opposer aux intérêts de

l'agrobusiness, dont la grande distribution fait par-

tie, et est susceptible de maintenir un bon niveau

d'emplois dans les campagnes. C'est un des enjeux

des prochaines élections régionales, en particulier

en Bourgogne-Franche-Comté, puisqu'on peut, à

ce niveau, contribuer à la réorientation des poli-

tiques agricoles.

Gérard Mamet

(1) JDD du 23 août 2015.

(2) Scénario Conf’ : Prospective Lait de vache.

L’avenir au service de l’emploi et de la vitalité des

territoires ruraux. Document récent mais non daté.

(3) AMAP : Association pour le Maintien d'une Agri-

culture Paysanne. C'est un peu un système d'abon-

nement entre consommateurs et producteurs lo-

caux. Il prend souvent la forme d'un « panier » heb-

domadaire comportant des fruits et légumes, par-

fois des produits laitiers et de la viande. Ce système

sécurise le revenu des agriculteurs.

Page 10: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

10

Dernièrement, j’ai encore entendu dans mon en-

tourage que « le nucléaire, ça ne pollue pas » et que « c’est

encore la meilleure solution face à toutes ces éoliennes

gigantesques qui détruisent le paysage ». Le réseau Sortir

du nucléaire vient de publier dans sa lettre mensuelle de

juillet un article qui rappelle le grave impact des centrales

nucléaires sur les cours d’eau, notamment en période de

sécheresse et de canicule. Il n’est donc pas vain de propo-

ser une petite révision à nos lecteurs.

Des centrales nucléaires gourmandes en eau

Une centrale nucléaire a besoin d’eau en perma-

nence pour évacuer la chaleur produite par la réaction nu-

cléaire, et cela même à l’arrêt.

En bord de mer ou sur les cours d’eau à fort débit,

les centrales fonctionnent en circuit « ouvert » : chaque

réacteur prélève près de 50 m3/seconde pour ses besoins

en refroidissement. L’eau est ensuite rejetée à une tempé-

rature plus élevée.

Sur les cours d’eau où le débit est plus faible, elles

fonctionnent en circuit dit « fermé » : chaque réacteur

pompe près de 2 à 3 m3/seconde dont une partie est en-

suite évaporée dans les tours de refroidissement, formant

un panache blanc caractéristique ; le reste est ensuite reje-

té. Les deux tiers de l’énergie produite par une centrale

sont perdus sous forme de chaleur. Celle-ci sera elle-même

évacuée sous forme de vapeur d’eau (qui constitue elle-

même un gaz à effet de serre) et/ou viendra réchauffer les

cours d’eau.

Surtout, ces rejets d’eau chaude ne font pas le

bonheur des milieux aquatiques. En 100 ans, la tempéra-

ture du Rhin a augmenté de 3°, notamment à cause de la

centrale de Fessenheim. Ces rejets thermiques agissent

comme une barrière qui réduit considérablement les

chances de survie des poissons grands migrateurs,

comme les saumons et truites des mers. Leur impact est

d’autant plus important en période de fortes chaleurs,

avec des fleuves au débit réduit et à la température en

hausse.

Une pollution chimique et radioactive ac-

crue en cas de sécheresse

En temps normal, les sites nucléaires sont auto-

risés à rejeter dans l’eau d’importantes quantités de

substances radioactives (tritium, carbone 14, etc., qui

s’accumulent dans la végétation aquatique) et surtout

chimiques : bore, hydrazine, phosphate, détergents,

chlore, ammonium, nitrates, sulfates, sodium, métaux

(zinc, cuivre, etc.). La chaleur favorisant la prolifération

des amibes, EDF a tendance à utiliser encore plus de

produits chimiques en été, notamment pour éviter que

les tours de refroidissement se transforment en foyers

de légionellose.

Or lorsque le débit des cours d’eau se réduit, la

concentration des substances polluantes augmente. Un

grand nombre de communes prélèvent leur eau potable

dans les cours d’eau, comme Agen (Lot-et-Garonne), à

seulement 20 km en aval de la centrale nucléaire de

Golfech. Et bien des agriculteurs utilisent cette eau pol-

luée pour arroser leurs cultures.

Des nuisances croissantes avec le réchauf-

fement du climat

Le changement climatique promet la multiplica-

tion des épisodes extrêmes (notamment sécheresses et

canicules) et risque d’aggraver la pression sur les cours

d’eau. EDF ferait mieux de se rendre à l’évidence : à

terme, bon nombre de centrales ne pourront plus pro-

Sortir du nucléaire

CENTRALES : ÇA BOUT, LÀ-DEDANS !

Page 11: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

11

débit d’étiage des fleuves de 20 à 40 % d’ici à 2050, mais il

ne sera sans doute pas nécessaire d’attendre cette date.

Les centrales côtières, quant à elles, seront con-

frontées à un autre problème : certaines risquent d’être

menacées par la montée des eaux, comme Gravelines

(construite sur un polder) ou le Blayais (déjà inondée lors

de la tempête de 1999).

Loin de constituer un atout dans la lutte contre le

changement climatique dans un monde qui se réchauffe, le

nucléaire constitue un risque supplémentaire dont il est

urgent de se débarrasser !

Suzy Antoine

Page 12: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

12

1. Renseignement : le traitement massif de

données est aussi dangereux qu'inefficace

La loi sur le renseignement, récemment adoptée

par la France, a pour objectif de détecter des « signaux

faibles », c'est-à-dire des profils de comportements

suspects. Pour rassurer la population, les promoteurs

de la loi disent que ne seraient collectées que des

« données de connexion » et pas leurs contenus. Or les

données de connexion sont parfois plus intrusives que

les contenus. Par exemple, le fait de savoir que quel-

qu'un a téléphoné à un cardiologue ou au bureau des

Alcooliques anonymes en dit plus long que le contenu

de la conversation elle-même (utilisation par les assu-

reurs, par exemple). De plus, on parle de données

« anonymisées », ce qui est un contresens puisque l'ob-

jectif est de collecter des informations liées à des per-

sonnes. (Pour la Science n° 453, juillet 2015, pp. 16-17)

Commentaire : Il y a dans cette loi sur le rensei-

gnement des dispositions dangereuses pour les libertés

individuelles et le respect de la vie privée, qui ont été

soulignées par pratiquement tous les juristes des ONG

de défense des droits humains. On frémit à l'idée que

l'extrême droite au pouvoir s'empare un jour de ces

moyens. Mais ce traitement massif de données pour-

rait se révéler par ailleurs inefficace quant à ses objec-

tifs affichés. La probabilité qu'une personne identifiée

par le système soit un terroriste n'est que de 0,5 %. Il y

aurait donc énormément de « faux-positifs ». Il serait

plus judicieux de se concentrer sur des données ciblées,

avec des moyens techniques et humains appropriés. Ce

n'est pas un hasard si les Américains ont fini par abroger

le « Patriot Act » mis en place après le 11 septembre et

que le gouvernement français a voulu copier.

2. Le problème du gluten est un symptôme

de nos mauvaises pratiques alimentaires

Le gluten est un mélange de protéines contenues

dans les céréales et combiné avec l'amidon. C'est le glu-

ten qui donne de l'élasticité à la pâte et qui lui permet de

lever. On voit se multiplier dans les magasins les aliments

estampillés « sans gluten ». L'intolérance au gluten pour-

rait être liée à une perméabilité trop grande de la paroi

intestinale. Dans ces conditions, des molécules étran-

gères traverseraient la paroi intestinale et provoque-

raient une réaction inflammatoire. Une nourriture trop

raffinée, trop riche en graisses et trop pauvre en fibres

fragiliserait la paroi intestinale et la rendrait plus per-

méable. (Pour la Science n° 453, juillet 2015, pp. 18-19)

Commentaire : Les pratiques boulangères ont

changé au cours de ces dernières décennies. Les nou-

velles variétés de blé contiennent du gluten plus difficile

à digérer et la moins bonne fermentation de la pâte ne

permet plus la prédigestion du gluten, comme c'était le

cas avec le levain traditionnel. Il y a bien sûr des cas d'hy-

persensibilité au gluten et des personnes qui déclenchent

une réaction immunitaire à certaines protéines du

Science et écologie

LOI RENSEIGNEMENT, INTOLÉRANCE AU GLUTEN,

ET MENACES SUR L'ÉLEVAGE

La science pour éclairer les choix de l'écologie politique.

La réflexion politique pour développer la critique de la science

Page 13: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

13

gluten (1). Mais l'essentiel du problème est ailleurs, dans

la « malbouffe » liée à la nourriture industrielle. Il est

urgent d'effectuer une transition vers une alimentation

durable : davantage de produits végétaux naturels, moins

de sucres, de graisses et de produits d'origine animale. Ce

qui, de surcroît, aurait des effets positifs sur le climat et

l'environnement…

3. Le réchauffement fait de l'ombre à l'éle-

vage

Les climatologues prévoient, selon les scénarios,

une hausse de température de 2 à 4°C d'ici à 2050 avec

une augmentation des phénomènes climatiques ex-

trêmes. Ces changements dégraderont le bien-être des

animaux d'élevage et leur productivité. Le stress ther-

mique augmente de 7 à 25 % la dépense d'énergie pour

lutter contre l'excès de chaleur. Cela diminue donc l'éner-

gie disponible pour produire du lait ou du muscle. Les

vaches laitières à haute performance, celles qui produi-

sent plus de 30 litres de lait par jour, sont, par ailleurs,

très fragiles et des organes comme le foie sont très sen-

sibles à une exposition à la chaleur. D'autres animaux

comme les porcs et les poulets ont aussi des problèmes

de tolérance à la chaleur. (La Recherche n° 501-502, juil-

let 2015, pp. 86-89)

Commentaire : Deux pistes principales sont à

l'étude : la modification des infrastructures et une réo-

rientation de la sélection. D'un côté, on peut réduire le

stress thermique de différentes manières : plantations

d'arbres pour faire de l'ombre aux bêtes, utilisation de

ventilateurs et brumisateurs dans les bâtiments, etc.

Certaines expériences de réorientation de la sélection

sont déjà en cours pour obtenir des animaux plus rus-

tiques, mieux adaptés à la ressource en herbe (1). Des

croisements entre différentes races sont tentés pour

réunir sur les mêmes animaux les qualités de rusticité,

de résistance au stress thermique et d'adaptation à des

ressources fourragères différentes.

Gérard Mamet

(1) C'est le cas des gens atteints de la maladie cœliaque.

(2) À partir des années 80-90, la sélection de la race

montbéliarde, orientée uniquement en direction de l'aug-

mentation de la production laitière, s'est faite au détri-

ment de la rusticité et de la capacité d'utiliser l'aliment

« herbe ».

Conférences

Page 14: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

Il y a quelque temps, j’ai profité d’un petit séjour

touristique à Strasbourg pour assister, à la librairie

Kléber, à une conférence d’Alexandre Jardin, au sujet de

son livre Laissez-nous faire ! On a déjà commencé (1).

BBZ

A l e x a n d r e

Jardin est le fondateur

du mouvement Bleu

Blanc Zèbre (BBZ), as-

sociation citoyenne

regroupant une cen-

taine d’opérateurs de

la société

civile, tels que des associations, fondations, acteurs des

services publics, mairies, mutuelles ou entreprises, réali-

sant une action efficiente permettant de résoudre un

problème de la société en impliquant les citoyens dans

sa résolution. Ces opérateurs sont intégrés à BBZ après

un examen de leur candidature via un comité de sélec-

tion, puis labellisés comme « Zèbres » ou « Zébrillons ».

Les Zèbres sont des « Faizeux », en opposition

aux « Dizeux ». Chaque Zèbre est donc porteur d’une ou

plusieurs actions qui sont autant de solutions aux maux

de la société française.

Ces Zèbres sont regroupés par BBZ dans des Bou-

quets de solutions thématiques (éducation, accès à l’em-

ploi, entrepreneuriat, etc.), en vue de les implanter dans

les territoires avec les maires signataires de la charte

d’engagement de BBZ. (Les Zèbres peuvent bien sûr s’im-

planter en dehors de Bouquets).

Faire face au FN

Après les élections européennes, lorsque le FN

est passé devant tous les autres partis, il ne s’est rien

passé en politique. Quelle remise en question fondamen-

tale la droite et la gauche ont-elles opérée ? Aucune.

Quand on nie la souffrance et que l’on brouille les re-

pères, on rend les gens fous et ils sont alors prêts à voter

pour n’importe quoi, sans même regarder de quoi il

s’agit. Marine Le Pen canalise toutes les révoltes dans un

seul tuyau, le sien. Il est urgent que des révoltes posi-

tives, solidaires, aient lieu autour des gens d’action.

Lutter contre les énarques ou les « mini

Colbert »

Ils seraient à l’origine du malaise français. Un

« mini-Colbert » est quelqu’un qui cherche à vivre la vie à

la place des autres, qui vient de la haute administration,

qui a une conception de la vie verticale, juridique et sans

risques, alors que tout le monde court des risques. Il se

donne l’illusion d’agir en interdisant à peu près tout.

Ces « mini Colbert » ont la passion de la norme,

ce qui est en train de mettre la France en révolte. « Les

élus locaux sont accablés de normes totalement folles.

Quand un maire ouvre un centre de pompiers, il doit

créer des douches et des toilettes pour handicapés,

comme si tous les pompiers de France étaient paraplé-

giques. Ce sont des surcoûts insupportables pour les pe-

14

Drôles de Zèbres

« DIZEUX » CONTRE « FAIZEUX »

AVANT-PROPOS DU COMITÉ DE LECTURE :

Les membres du Comité de lecture (CL) sont chargés de déterminer si, sur le fond et la forme, un texte est publiable dans

La Feuille Verte. Le plus souvent, après discussion, on arrive à un consensus. Ce ne fut pas le cas pour l'article qui suit. D'un

côté, son auteure, qui a assisté à une conférence d'Alexandre Jardin, a apprécié une forme de « parler-vrai » et y a vu des pro-

positions innovantes, proches de l'écologie. D'autres membres du CL, au contraire, tout en saluant l'hostilité de l'écrivain au

FN, voient dans ce type de discours des accents démagogiques (l'opposition entre les « dizeux » et les « faizeux »), des relents

ultralibéraux contre les normes et l'État et des risques de dérive populiste.

Comme pour les autres articles, ce texte n'engage pas Europe Écologie dans son ensemble, mais seulement son auteur. Et

chaque lecteur de La Feuille Verte pourra se faire son idée et réagir s'il le souhaite.

Page 15: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

tites communes. Le monde associatif crève des normes

françaises. » L’étatisme de droite et celui de gauche sont

responsables d’avoir dissous le pacte républicain.

Plus personne ne fait confiance à la classe

politique

Le marché de la promesse est carbonisé. BBZ a

donc décidé de ne réunir que des « Faizeux », des gens

dont l’action est visible par la population et qui ont accu-

mulé ce que n’ont plus nos partis : du crédit moral. Les

grandes réformes de 1958 ont été possibles parce que

toute une génération de Français libres a emboîté le pas

à De Gaulle qui, lui-même, avait investi tout son crédit

moral gagné pendant la guerre.

Libérer la France par les « Faizeux » plutôt

que par les « Dizeux »

Parmi les hommes et les femmes d’action, voici ce

que l’on peut trouver :

- L’un d’entre eux donne à manger chaque jour à

150 000 personnes par le réseau de l’Andes, constituée

de 300 épiceries solidaires.

- Un autre distribue 2 millions de livres jeunesse à

80 centimes d’euro au fond des campagnes et dans

des cités, hors marché du livre. Il fait lui-même le

boulot du ministre de la Culture.

- Une autre crée des mutuelles de proximité dans

les villages où les gens n’ont plus les moyens de

payer le tarif normal, en faisant de la négociation

groupée.

- Un autre a commencé à “rebancariser” depuis un

an 100 000 personnes parmi les 2,5 millions de

Français exclus de leur banque et qui n’ont plus de

RIB. Ils ne peuvent donc ni s’inscrire dans les

agences d’intérim, ni même payer la cantine de

leurs enfants.

- Au sein de Pôle emploi, à la Sécurité sociale, dans

l’armée, dans l’Éducation nationale, un repérage

de fonctionnaires d’une créativité exceptionnelle a

été effectué. Ces fonctionnaires sont actuellement

étouffés par le système, qui ne sait pas tirer profit

du génie de ses « Faizeux ».

À travers cette économie sociale et solidaire fu-

rieusement dynamique, la France est en train d’inventer

localement toutes les solutions dont elle a besoin.

Comment les Zèbres peuvent-ils peser sur

les partis politiques ?

Les partis devront se transformer sous la con-

trainte. En 2017, le mouvement BBZ présentera aux par-

tis républicains une démarche inverse à celle de Nicolas

Hulot en 2007. Au lieu de leur demander de signer un

pacte en leur disant « Signez et faites-le ! », il leur sera

proposé une alliance avec la société civile agissante qui

dira ceci : « Signez et laissez-nous faire ! » Le génie vient

d’en bas.

BBZ est un mouvement politique qui ne veut pas

de postes ministériels mais qui sollicite des contrats de

mission.

La société civile a pris de vitesse les appa-

reils politiques.

Toute la société française est en train de basculer

en mode collaboratif, sauf le sommet de l’État. Une des

raisons de l’inertie de nos appareils est qu’ils sont peu-

plés de gens qui n’ont pas fait grand chose de leurs dix

doigts. Une question semble taboue dans les interviews

des hommes et des femmes politiques : « Qu’avez-vous

fait personnellement pour les autres ? Pas dans l’exercice

de vos fonctions. Avez-vous créé des emplois ? Distribué

des salaires ? Sorti de la précarité un chômeur, “tutoré“

un élève en difficulté ? » Cette question devrait revenir

au centre du débat public français.

Pour terminer, j’ai fait remarquer à Alexandre

Jardin que le programme de BBZ s’était bien inspiré de

celui des écologistes, Vivre mieux. Il m’a répondu qu’en

effet, les similitudes étaient importantes, mais que notre

problème était que nos dirigeants semblaient avoir per-

du de vue nos fondamentaux et la pratique de l’écologie

quotidienne.

Suzy Antoine

(1) Laissez-nous faire ! On a déjà commencé, par

Alexandre Jardin, éditions Robert Laffont.

15

Page 16: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

16

Dans le Pays de Montbéliard, un collectif local,

« Les Incroyables Comestibles »,

a pris racine depuis deux ans à Valentigney et depuis, tel

un pied de potiron qui court, il s'est développé.

Et c'est ainsi, en partenariat avec maintenant 7 communes

de la Communauté d'agglomération, que surgissent çà et

là des petits carrés de jardins de toutes formes, où le pas-

sant, l'habitant du coin peut se servir, sans aucune contre-

partie, mais peut également planter, arroser, biner, etc.

La première graine a germé en 2008 à Todmorden,

petit village d'irréductibles, non pas gaulois, mais anglais,

où, à l'initiative de Pam Warhust (utopiste loufoque, di-

ront certains...), l'idée est venue d'utiliser les parterres

publics (commissariat, écoles, postes...) pour y faire pous-

ser de bons légumes afin que la population puisse se

nourrir à peu de frais , avec pour objectif - pourquoi pas ?

- de devenir autosuffisants.

Depuis, cette vision de partage, de solidarité s'est

propagée un peu partout dans le monde.

À Béthoncourt, nous avons demandé à la ville

d’occuper le domaine public ; l'équipe municipale est par-

tie prenante, et salades, ciboulette, courgettes, tomates

et même melons poussent maintenant devant la biblio-

thèque, deux écoles maternelles et le centre culturel.

Seul petit hic : les gens n'osent pas se servir ! Du

gratuit, sans rien en retour ?...

Qu'à cela ne tienne : à la rentrée, un petit tour

dans les écoles, de la sensibilisation à droite, à gauche,

et cela germera petit à petit.

Nos prochains projets :

- un grand jardin au milieu de la friche d'une pis-

cine démolie, en partenariat avec le Centre Social, les

écoles et les habitants ;

- un jardin au centre CFA avec les apprentis cuisi-

niers.

« Si chacun fait un geste, on change la ville, si on

s'y met tous, on change le monde. »

Faites passer... (1)

Odile Joannès

(1) Pour en savoir plus :

http://tinyurl.com/qgj2vkv

http://tinyurl.com/pmln688

ILS PRENNENT RACINE.

Incroyables comestibles

Europe Ecologie Les Verts de Franche-Comté

(33, Avenue Carnot 25000 Besançon)

Directeur de publication : Gérard Roy

Comité de lecture : Michel Boutanquoi, Gérard Mamet,

Gérard Roy, Suzy Antoine, Françoise Touzot

CPPAP: 0518 P 11003

Maquette : Corinne Salvi Mise en page : Suzy Antoine

Page 17: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

De la Franche-Comté à Wallis et Futuna

Petite chronique wallisienne (2)

17

Les origines :

Les archéologues font remonter la 1ère vague de

migration à 1400 ans avant JC. Les Austronésiens, an-

cêtres des wallisiens du XXIeme siècle, vivaient d' agri-

culture extensive mais aussi de pêche, chasse et cueil-

lette. Ils élevaient des cochons -déjà!-, et des poules.

Les hommes de cette époque reculée habitaient déjà

dans des fale (prononcez falé), la maison traditionnelle

composée d'une seule pièce encadrée de poteaux sup-

portant une charpente recouverte de feuilles de panda-

nus. Ils fabriquaient des poteries de type lapita, que l'on

retrouve dans tout l'ouest océanien.

C'était une culture de tradition orale et soumise à

une autorité coutumière. Selon les archéologues, l'orga-

nisation sociale correspondait probablement à une jux-

taposition de petits villages où certaines familles accé-

daient au statut de 'Aliki (que l'on traduit par « noble »,

bien que ce statut n'ai pas grand-chose à voir avec celui

de la noblesse de l'Ancien Régime), grâce à la valeur

guerrière de ses membres. Cette reconnaissance était

obtenue par la confiance qu'accordaient les villages à

ses membres les plus courageux, meilleurs orateurs ou

diplomates,. La qualité d'Aliki pouvait d'ailleurs se

perdre par une mauvaise conduite.

Aujourd'hui encore ce sont parmi les familles

Aliki que sont désignés les rois, puisque, comme indiqué

dans ma 1ère chronique, Wallis et Futuna vivent sous la

double autorité de la coutume (rois, chefferie) et de

l’État français. Sans oublier l’Église Catholique, on en

parlera plus loin...

L'influence des voisins Tongiens :

Vers 1200 Après JC, des Tongiens, venu de l'Ar-

chipel de Tonga voisin, commencent à investir l'île et

installent peu à peu une domination qui durera plus de

200 ans. De cette période on retient notamment l'ins-

tauration d'un système royal fort et pyramidal, l'intro-

duction de la cérémonie du kava (2) et la mise en place

d'un travail d'intérêt communautaire au sein des vil-

lages ; toutes ces traditions restent encore très vivantes

aujourd'hui : pas de fête coutumière sans cérémonie du

kava, et pas de villages qui n'organisent de travail com-

mun, supervisé par la chefferie : entretien des chemins

et des routes, construction et réparation des églises,

fabrication de nattes ou cuisine pour les femmes etc...

Les Uvéens de cette époque croient en la puis-

sance des dieux fondateurs : dieu de l'océan, du monde

des morts, dieux des tremblements de terre, ancêtres

divinisés... Tout événement malheureux est interprété

comme un manque de respect dû aux dieux ou aux an-

cêtres. Des offrandes, y compris humaines -sacrifices et

anthropophagie ont cours, comme dans toute l'Océanie

à cette époque- permet de s'attirer la bienveillance des

Dans le dernier numéro de la Feuille Verte, je proposais aux lecteurs de partager avec eux quelques unes de mes décou-

vertes, interrogations, ma perplexité parfois, en faisant mes 1ers pas sur ce petit territoire français, inconnu de la plupart de

nos concitoyens et perdu dans l'immense Océan Pacifique, l'archipel de Wallis et Futuna.

Après quelques éléments de géographie, intéressons-nous à l'histoire, singulière, de ce territoire, une histoire vieille de

3500 ans et qui reste très présente aujourd'hui.(1)

Pour simplifier, je ne vous raconterai ici que l'histoire de l'île de 'Uvea, nommée Wallis après sa découverte par un navi-

gateur britannique, Samuel Wallis en 1767. En effet le passé des deux îles principales de l'archipel est assez différent, ainsi

que leur géographie .

Page 18: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

divinités et des ancêtres.

Les Tongiens accordent l'indépendance à ’Uvea au

XVème siècle, suite à un acte d'allégeance des Wallisiens

au roi tongien de l'époque. Aujourd'hui encore, la culture

wallisienne reste profondément imprégnée des rituels et

du système social de cette époque.

L'installation des missionnaires :

Pour faire face à l’expansion de l’église anglicane

en Océanie, le pape Grégoire VII confie à la Société de

Marie la mission d’évangéliser la partie occidentale du

Pacifique au nom de l’Eglise Catholique. C'est ainsi que

 débarquent  à ‘Uvea, en 1837, deux prêtres maristes qui

seront suivis de nombreux autres. Ceux-ci étudient la

langue, rédigent dictionnaires et grammaires tout en prê-

chant.

Rapidement, les missionnaires obtiennent la con-

version de nombreux chefs de village, puis de la popula-

tion, un succès qui s’explique en grande partie par la

grande habileté des représentants de l’Église à se couler

dans le moule de la tradition wallisienne et futunienne,

dans le respect des chefferies, jetant ainsi les bases d’une

société fondée sur la religion et la tradition.

Les missionnaires créent écoles et petits sémi-

naires, ainsi qu'une imprimerie qui facilite la propagation

de la nouvelle religion.

Le « martyr » du Père St Pierre Chanel, tué en

1841 à Futuna et vénéré aujourd'hui encore dans tout le

Pacifique, contribue, si besoin était, à renforcer l'institu-

tion catholique.

L'île de Wallis devient en 1886 un Protectorat

français; idem en 1887 par Futuna. S'il s'est agit d'une

demande conjointe de la reine wallisienne Amelia (oui

oui, il y eu quelques reines dans cette société pourtant

très patriarcale) et de la Mission Catholique, ce projet

était en réalité porté par la Mission, soucieuse de préser-

ver ses intérêts sur ce territoire. La reine fut quelque peu

"utilisée" dans cette affaire...L'Etat français lui-même

tenait à préserver son prestige d'Etat colonial dans la

région, et à éviter la progression de l'Angleterre, très pré-

sente dans le Pacifique. Un résident, représentant de

l'Etat français, s'installe, doté de très peu de moyens.

La vie à Wal-

lis/'Uvea ne

change pas

beaucoup

pendant plu-

sieurs décen-

nies et reste

rythmée par la coutume, la religion et quelques conflits

entre résidents, chefferie et mission.

L'entrée dans le monde moderne :

Wallis découvre brusquement la modernité et

l'opulence en mai 1942 avec l'arrivée sur son sol de 6000

marines américains. En effet, le Japon vient de lancer une

offensive pour dominer tout le Pacifique et a écrasé l'ar-

mée américaine à Pearl Harbour (Hawaï). Les américains

ripostent, c'est la Guerre du Pacifique. Ils installent alors

des points d'observation dans tous les territoires alliés,

dont Wallis. Les habitants découvrent tout à la fois le Coca

Cola, les Jeep, l'aviation, et... le dollar qui coule à flot pour

monnayer des travaux demandés aux Wallisiens : défri-

chage, construction de routes, blanchisserie, etc...Les cul-

tures vivrières sont abandonnées. De cette période nai-

tront des petits métis Américano-wallisiens, qui revendi-

quent aujourd'hui souvent fièrement leur mixité.

Wallis connaît une crise au départ des Américains

en 1944. L'ouverture de l'île vers d'autres réalités crée des

frustrations et le retour à l'autorité coutumière est mal

vécu par de nombreux habitants dont certains décident de

quitter leur île, souvent pour la Nouvelle Calédonie, où

l'exploitation du nickel requiert de la main d’œuvre.

Au cours des années 50, constatant que le situa-

tion de Protectorat n'est plus adaptée, la Mission Catho-

lique milite pour une amélioration statutaire. Le  Lavelua ,

roi de Wallis, convaincu par les responsables religieux, for-

mule auprès de l'Etat la demande d'un statut spécifique

pour les deux îles, en insistant sur la nécessaire conserva-

tion des coutumes locales.

À rebours des revendications d’indépendance au

Maghreb ou en Afrique subsaharienne, l'archipel demande

une intégration plus complète dans la République -accès à

la nationalité française (référendum de 1959), représenta-

tion politique au Parlement- mais aussi la garantie du res-

pect des coutumes et institutions existantes : maintien des

trois royaumes, de la chefferie chargée de la gestion des

villages, place de l’Église Catholique. Une Assemblée Terri-

toriale, composée de 20 membres élus, est créée, un séna-

teur et un député représentent le territoire à l'Assemblée

Nationale.

18

Page 19: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

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L’État, représenté par De Gaulle, alors Président de

la République, s'engage à assurer le développement éco-

nomique de l'archipel : un budget territorial est créé.

Wallis-et-Futuna deviennent officiellement

Territoire d'Outre-Mer en juillet 1961, sans change-

ments institutionnels depuis, et prennent le nom de

Collectivité d'Outre-Mer en 2003.

L'évolution du mode de vie à Wallis et Futuna aura

été beaucoup plus rapide en 50 ans que pendant les

3 450 années qui ont précédé :

- instauration d'une vie politique et démocratique

qui crée des conflits entre les différents pouvoirs.

- mise en œuvre d'un enseignement laïc dans les

établissements du secondaire (la Direction de l'Enseigne-

ment Catholique garde cependant la main sur l'enseigne-

ment primaire).

- ouverture à l'extérieur et aux biens de consom-

mation avec le soutien économique de l’État. La télé fait

son apparition en ...1984 ! Et internet en 2007. Le télé-

phone portable, quant à lui, est annoncé pour fin 2015.

Le décalage culturel est considérable entre les généra-

tions.

Dans les années à venir, d'autres évolutions se-

ront sans doute nécessaires. La suite… au prochain

numéro.

Françoise TOUZOT

(1) Sources : « Wallis et Futuna, 3500 ans d'histoire »

F.Angleviel et B. Papilio-Halagahu

« Vivre la coutume à 'Uvea, tradition et modernité »

D.Pechberty et E.Toa

ainsi que les conseils et infos de Mikaela Tui, historien

et éthnologue wallisien

(2) Le kava est une boisson obtenue à partir de la ra-

cine d'une sorte de poivrier sauvage; cette boisson est

consommée rituellement dans le Pacifique occidental

et a des propriétés myorelaxantes, anesthésiantes et

euphorisantes. De quoi faciliter les négociations lors

des rencontres coutumières entre chefs de village...

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Chèque à l’ordre d’EELV-FC, à adresser à :

EELV-FC — 33, Avenue Carnot — 25000 Besançon

Page 20: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

20

Il est temps de sortir votre carnet d’adresses pour

noter les changements survenus cet été. En effet, EÉLV-FC

a déménagé : ses locaux sont désormais situés au 33,

avenue Carnot, toujours à Besançon. Le numéro de

téléphone reste inchangé (03 81 81 06 66).

Dans la Boucle (1)

Les écologistes étaient dans la Boucle depuis de

nombreuses années. Le local qu’ils occupaient au 14, rue

de la République était certes dans le centre ville, ce qui

permettait d’avoir accès facilement à tous les services

administratifs. Cependant il était situé au 1er étage, des-

servi par un escalier raide et étroit, qui rendait son acces-

sibilité difficile, aussi bien pour les personnes handica-

pées que pour les transporteurs amenés à livrer du maté-

riel souvent lourd. Les pièces en enfilade n’étaient pas

très pratiques, en particulier le coin cuisine qui voisinait

avec les toilettes. Seule la grande pièce qui servait pour

les réunions était digne d’intérêt. Depuis quelque temps,

nous rencontrions également des difficultés avec le pro-

priétaire, notamment à propos du calcul des charges. Il

devenait urgent de changer d’air.

On cherche...

La recherche d'un nouveau lieu a duré environ

deux ans. Le cahier des charges précisait les conditions

suivantes : un rez-de-chaussée pour permettre l’accessi-

bilité aux handicapés et faciliter le transport de matériel,

une grande pièce pour les réunions, une localisation cen-

trale permettant d'utiliser les transports en commun et

un loyer raisonnable. Après un certain nombre de visites

de locaux qui auraient pu convenir, notre choix s’est arrê-

té sur celui de l’avenue Carnot.

Des travaux

Il y avait bien quelques travaux de remise en état,

dont l’organisation a été laissée aux soins du BER (2). Il

était notamment nécessaire d’enlever une cloison et des

placards pour créer une grande salle de réunion. C’est

la Régie des Quartiers (3) qui s’en est occupée. Puis

Claude Mercier a pris en charge l’organisation des tra-

vaux de nettoyage et de peinture, en faisant appel aux

bonnes volontés : Claude, Corinne, Christian, Gérard,

Enya Marie, Anthony, Patrick, Benoit, Alain, Bernard,

Rémy, Suzy. Tout n’est pas encore terminé et il est pos-

sible d’organiser une suite des travaux dans les temps

à venir.

Un déménagement

Enfin, le déménagement a eu lieu le samedi 25

juillet, avec l’aide d’Eric Morgen qui nous a prêté main

forte avec le camion de sa compagne. Comme il fallait

s’y attendre, le passage des objets encombrants dans

l’escalier a donné du fil à retordre aux déménageurs

improvisés. Ensuite il fallu monter rapidement les éta-

gères pour y installer le contenu des cartons et faire

fonctionner le téléphone et Internet après quelques

péripéties (le technicien Orange a rencontré bien des

difficultés alors qu’on nous avait assuré qu’il suffisait

de se rebrancher sur la prise téléphonique !).

Le nouvel espace

Il reste encore à fixer quelques rayonnages pour

terminer le rangement et à coller des étiquettes pour

mieux s’y retrouver. Mais dans l’ensemble, l’opération

s’est bien terminée. Nous sommes mieux installés

qu’avant ; c’est plus spacieux, mieux agencé et il y a

plus de rangements. Nous disposons d’une vraie cui-

sine et d’un espace toilettes à part. Nous sommes

proches de la gare Viotte (5 à 10 minutes à pied), ac-

cessibles par le tram à l’arrêt Flore ainsi que par les

bus (lignes 4, 11, 12, 20).

Une cour à l’arrière peut permettre à une voiture

de stationner. Mais attention, d’autres locataires vivent

Déménagement

ADIEU RÉPUBLIQUE, BONJOUR CARNOT !

Page 21: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

21

dans l’immeuble et ils surveillent jalousement leur

place. De plus, lorsqu’il pleut, d’énormes flaques d’eau

se forment et il faut alors viser précisément l’endroit où

l’on pose les pieds...

Un déménagement, c’est toujours utile pour

évacuer ce qui ne sert pas et pour retrouver ce que l’on

croyait perdu. Cela a été le cas pour les 50 premiers

numéros de La Feuille Verte, qui ont été retrouvés dans

deux boîtes d'archives dont j’ignorais complètement

l’existence. Ils ont rejoint triomphalement les suivants

sur un rayon d’étagère, à la vue de tous.

Maintenant que nous sommes rentrés de va-

cances, les militant-e-s sont convié-e-s à nous rendre

visite et à s’approprier leur nouvel espace. À bientôt !

Suzy Antoine

(1) Pour les non-Bisontins, la Boucle est le nom

donné au centre historique de la ville de Besançon, dû au

fait de s'être développé dans un méandre du Doubs dont

la forme même est celle d'une boucle. Cœur économique

de la ville, La Boucle réunit la grande majorité des com-

merces et des services de la ville, ainsi que la quasi-

totalité des administrations.

(2) Bureau Exécutif Régional, composé actuelle-

ment de 9 membres, dont les 2 cosecrétaires régionaux.

(3) Association qui, dans le cadre de l’économie

sociale et solidaire, concourt à l’amélioration du cadre de

vie dans les quartiers de Besançon, en associant les habi-

tants à la définition et à la réalisation d’interventions.

Nos candidats au chevet de la Savoureuse

La Savoureuse, jolie rivière

du Territoire-de-Belfort,

hélas très polluée

Jean Siron et

Marie-Claire Thomas

Vincent Jeudy et

Jean Siron Interview de Cécile

Prudhomme, tête de

liste régionale

Page 22: La Feuille Verte n°210 - septembre 2015

33, Avenue Carnot / 25000 Besançon / 03 81 81 06 66 / http://franchecomte.eelv.fr/

Quelques temps forts des JDE de Lille

Marisol Touraine, ministre de la

Santé, lors de la plénière sur le

thème « Santé-environnement :

le défi du XXIe siècle ».

Julian Assange, depuis

l’ambassade d’Equateur à

Londres, lors de la plé-

nière sur le thème

« Lanceurs d’alerte : ils

protègent la démocratie »

Cécile Prudhomme,

tête de liste régio-

nale Bourgogne

Franche-Comté, lors

de la plénière sur les

régions

Militants épuisés qui se ressourcent

sous le chapiteau prévu à cet effet !!!

Pascal Canfin, ancien ministre

délégué au Développement lors

de la plénière « Donner un prix

à la nature : vraie ou fausse

solution ? »

Eva Joly, eurodéputée, lors de la

plénière sur les lanceurs d’alerte