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95 Correspondances en Onco-hématologie - Vol. III - n° 2 - avril-mai-juin 2008 Fiche à détacher et à archiver fiche technique fiche technique Figure. Surface d’une puce à ADN après lecture de la fluorescence par le scanner (détail). Chaque carré correspond à une séquence d’ADN complémentaire d’un gène humain et est plus ou moins fluorescent selon l’expression de ce gène (noir : pas d’expression ; blanc : expression majeure ; couleurs : expression intermédiaire). L es progrès constants réalisés dans le diagnostic des cancers hématolo- giques ont été à la base des avan- cées thérapeutiques intervenues dans ce domaine. Aujourd’hui, ce diagnostic repose sur la combinaison de la cytologie, de la cytométrie en flux, du caryotype, de la FISH et de la PCR. Mais ces examens n’explorent qu’une infime partie des modifications accu- mulées par les cellules tumorales. En effet, notre génome comporte plus de 3 milliards de paires de bases, et quelque 25 000 gènes différents. La transformation maligne est la conséquence d’altérations de notre génome (mutations, délétions, gains, translocations, etc.) et de son expression (altérations de la chromatine, de l’expression des gènes, des protéines, etc.). Les puces à ADN (micro- arrays) constituent un bond technologi- que considérable, car elles permettent de mesurer en un seul examen certaines de ces modifications à l’échelle de notre génome. Il est ainsi possible aujourd’hui de mesurer l’expression de l’ensemble de nos gènes dans un échantillon de moelle leucémique, ou encore de recenser la totalité des délé- tions ou des gains d’ADN dans un ganglion de lymphome, et ce avec une précision extraordinaire. Ces nouvelles techniques apportent donc une résolution beaucoup plus fine en termes de diagnostic. Nous pas- sons ici en revue les différentes possibilités technologiques offertes par les puces à ADN, en détaillant l’impact clinique existant ou potentiel de chacune d’elles (encadré). AnAlyse du trAnscriPtome (figure) Un tissu donné n’exprime qu’une partie de nos 25 000 gènes (en moyenne moins de 50 %), sous la forme de transcrits Puces à ADN JohnDeVos* * Institut de recherche en biothérapie, hôpital Saint-Éloi, Montpellier. Comment ça marche? La puce à ADN est composée de zones, carrées ou rondes, de quelques microns de largeur, sur lesquelles sont déposés ou synthétisés in situ des morceaux d’ADN de 25 à plusieurs centaines de paires de bases. Ces séquences d’ADN sont complémentaires de notre génome et varient en fonction de la finalité de la puce : gènes pour les puces transcrip- tomes, ADN génique et intergénique pour les puces mesurant le nombre de copies ou les SNP. Les échantillons (ADN ou ARN) sont amplifiés, marqués par fluorescence, puis hybridés sur la puce. Celle-ci est ensuite lavée puis scannée pour révéler la fluorescence (figure). Le traitement informatique de l’information générée est indispensable compte tenu du volume très important de données fournies. Encadré.

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  • 95Correspondances en Onco-hématologie - Vol. III - n° 2 - avril-mai-juin 2008

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    fiche techniquefiche technique

    Figure. Surface d’une puce à ADN après lecture de la fluorescence par le scanner (détail). Chaque carré correspond à une séquence d’ADN complémentaire d’un gène humain et est plus ou moins fluorescent selon l’expression de ce gène (noir : pas d’expression ; blanc : expression majeure ; couleurs : expression intermédiaire).

    L es progrès constants réalisés dans le diagnostic des cancers hématolo-giques ont été à la base des avan-cées thérapeutiques intervenues dans ce domaine. Aujourd’hui, ce diagnostic repose sur la combinaison de la cytologie, de la cytométrie en flux, du caryotype, de la FISH et de la PCR. Mais ces examens n’explorent qu’une infime partie des modifications accu-mulées par les cellules tumorales. En effet, notre génome comporte plus de 3 milliards de paires de bases, et quelque 25 000 gènes différents. La transformation maligne est la conséquence d’altérations de notre génome (mutations, délétions, gains, translocations, etc.) et de son expression (altérations de la chromatine, de l’expression des gènes, des protéines, etc.). Les puces à ADN (micro-arrays) constituent un bond technologi-que considérable, car elles permettent de

    mesurer en un seul examen certaines de ces modifications à l’échelle de notre génome. Il est ainsi possible aujourd’hui de mesurer l’expression de l’ensemble de nos gènes dans un échantillon de moelle leucémique, ou encore de recenser la totalité des délé-tions ou des gains d’ADN dans un ganglion de lymphome, et ce avec une précision extraordinaire. Ces nouvelles techniques apportent donc une résolution beaucoup plus fine en termes de diagnostic. Nous pas-

    sons ici en revue les différentes possibilités technologiques offertes par les puces à ADN, en détaillant l’impact clinique existant ou potentiel de chacune d’elles (encadré).

    AnAlyse du trAnscriPtome (figure)

    Un tissu donné n’exprime qu’une partie de nos 25 000 gènes (en moyenne moins de 50 %), sous la forme de transcrits

    Puces à ADN � �John �De �Vos*

    * Institut de recherche en biothérapie, hôpital Saint-Éloi, Montpellier.

    Comment ça marche? La puce à ADN est composée de zones, carrées ou rondes, de quelques microns de largeur, sur lesquelles sont déposés ou synthétisés in situ des morceaux d’ADN de 25 à plusieurs centaines de paires de bases. Ces séquences d’ADN sont complémentaires de notre génome et varient en fonction de la finalité de la puce : gènes pour les puces transcrip-tomes, ADN génique et intergénique pour les puces mesurant le nombre de copies ou les SNP. Les échantillons (ADN ou ARN) sont amplifiés, marqués par fluorescence, puis hybridés sur la puce. Celle-ci est ensuite lavée puis scannée pour révéler la fluorescence (figure). Le traitement informatique de l’information générée est indispensable compte tenu du volume très important de données fournies.

    Encadré.

    COH 2(III) AVRIL MAI JUIN 2008.i95 95 27/06/08 15:56:03

  • Correspondances en Onco-hématologie - Vol. III - n° 2 - avril-mai-juin 200896

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    fiche technique

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    fiche technique(ARN-messagers). L’ensemble des trans-crits d’une cellule est son transcriptome. Au cours de la tumorigenèse, un certain nombre de ces gènes “s’allument” (parmi lesquels des oncogènes), tandis que d’autres “s’éteignent” (parmi lesquels des anti-oncogènes). L’inventaire de ces modifications, essentiel pour le diagnos-tic et pour le pronostic des tumeurs, peut désormais être réalisé avec une grande pré-cision grâce aux puces à ADN. L’analyse du transcriptome des cellules tumorales montre des variations en fonction du type et des sous-types de tumeurs, visibles sous la forme de signatures de gènes qui reflè-tent par exemple les principales anomalies caryotypiques des leucémies aiguës, telles que la t(8;21) dans la leucémie aiguë myé-loblastique (LAM) [1]. Le nombre de trans-crits mesurés simultanément va croissant avec la miniaturisation des puces à ADN. Le format le plus courant couvre l’expres-sion de l’ensemble des gènes du génome humain (puces “pangénomiques”), et les plus pointues celle de l’ensemble des 1 000 000 exons humains connus ou pré-dits par informatique (puces whole exon) [tableau]. Les puces à ADN ont permis de définir des ensembles de gènes, appelés “prédicteurs”, dont le niveau d’expression rend possible le classement des patients en groupes de sujets de survie différente. Dans le myélome multiple (MM), par exemple, l’équipe de J. Shaughnessy a défini un pré-dicteur de 70 gènes identifiant un groupe

    de patients à faible risque de rechute et un autre à haut risque (2). Les puces à ADN permettent également de cribler à haut débit les cellules tumorales à la recherche de nouvelles cibles thérapeutiques, par exemple la voie de signalisation BAFF/APRIL ou encore CD200 dans le MM (3). Ces résul-tats sont consultables sur l’atlas Internet de données de transcriptomes que nous avons créé, et qui est librement accessi-ble (http://amazonia.montp.inserm.fr). Au CHU de Montpellier, un transcriptome des plasmocytes tumoraux purifiés est effec-tué lors du diagnostic pour chaque patient atteint de MM ; il fournit des informations sur les translocations les plus courantes, sur l’expression de cibles thérapeutiques, et sur le groupe pronostique identifié grâce au prédicteur de 70 gènes.

    AnAlyse du nombre de coPies

    Les puces à ADN ne se limitent pas à l’ana-lyse du transcriptome : elles permettent éga-lement de quantifier le nombre de copies de l’ADN cellulaire. Cette approche, qui se fonde sur la technique du comparative genomic hybridization (CGH) ou de l’ana-lyse des single nucleotide polymorphisms (SNP), met en évidence les pertes ou les gains de matériel génétique des cellules tumorales, avec une résolution croissante, aujourd’hui de l’ordre de quelques dizaines de kilobases (kb).

    AnAlyse du PolymorPhisme génétique

    Le séquençage du génome humain a mis en évidence plusieurs millions de polymor-phismes, allant du niveau d’une seule base (SNP) à des délétions ou à des duplications de larges portions du génome. Les puces à ADN permettent d’inventorier ces polymor-phismes à très grande échelle. Il est d’ores et déjà possible d’associer certains de ces polymorphismes, par exemple au sein des gènes p450, à la vitesse de métabolisation de certains médicaments, variable d’un patient à l’autre. Cette information pour-rait permettre d’adapter la posologie des anticancéreux en fonction de la capacité à les éliminer plus ou moins vite (pharmaco-génomique).

    conclusion

    La technologie actuelles des puces à ADN permet une appréhension nouvelle de la biologie des cellules tumorales. La vision pangénomique offre en effet une résolution jamais atteinte jusqu’ici pour la classification des tumeurs et l’établis-sement du pronostic, et ouvre la voie aux traitements à la carte des patients en onco-hématologie. ■

    r é f é r e n c e s

    1. Valk �PJ, �Verhaak �RG, �Beijen �MA �et �al. �Prognostically �useful �gene-expression �profiles �in �acute �myeloid �leu-kemia. �N �Engl �J �Med �2004;35�0:1617-28.

    2. Shaughnessy �JD, �Zhan �F, �Burington �BE �et �al. �A �validated �gene �expression �model �of �high-risk �mul-tiple �myeloma �is �defined �by �deregulated �expres-sion �of �genes �mapping �to �chromosome �1. �Blood �2007;109:2276-84.

    3. Moreaux �J, �Legouffe �E, �Jourdan �E �et �al. �BAFF �and �APRIL �protect �myeloma �cells �from �apoptosis �induced �by �interleukin-6 �deprivation �and �dexamethasone. �2004;103:3148-5�7.

    Tableau. Évolution de la résolution des puces à ADN pour l’analyse du transcriptome humain.

    Année Nombre de cibles

    Puce à ADN (cDNA) [Stanford] 1996 1 046 gènes

    Puce à ADN pangénomique U133A+B (Affymetrix) 2002 33 000 gènes

    Puce whole exon (Affymetrix) 2005 1 000 000 exons

    COH 2(III) AVRIL MAI JUIN 2008.i96 96 27/06/08 15:56:04