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EHESS Figures d'Israël. L'identité juive entre marranisme et sionisme (1648-1998) by Daniel Lindenberg Review by: Régine Azria Archives de sciences sociales des religions, 43e Année, No. 104 (Oct. - Dec., 1998), pp. 105-106 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30114807 . Accessed: 12/06/2014 11:17 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 62.122.76.45 on Thu, 12 Jun 2014 11:17:13 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Figures d'Israël. L'identité juive entre marranisme et sionisme (1648-1998)by Daniel Lindenberg

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Figures d'Israël. L'identité juive entre marranisme et sionisme (1648-1998) by DanielLindenbergReview by: Régine AzriaArchives de sciences sociales des religions, 43e Année, No. 104 (Oct. - Dec., 1998), pp. 105-106Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30114807 .

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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

de la certitude et de la prdvision, au contraire de la religion et de la mdtaphysique restdes au stade de l'inddcision et de la superstition. Se- lon cet auteur, c'est la IIIe Rdpublique qui dri- gea la science en valeur absolue. Cette idde a fagonn6 l'enseignement frangais, qui, dans le sillage d'A. Comte, entdrina la suprdmatie des mathdmatiques dans l'dducation scolaire. Si- tuation qui perdure encore. La science struc- ture le discours politique et lui sert de rdfdrent. Toutefois, cette absolutisation ne pouvait aller sans une rdaction, provenant en particulier du milieu chrdtien frangais. L'attitude face au scientisme divisa une certaine partie du monde intellectuel et aussi de la politique. Avec Maurras, comme porte-flambeau de la philo- sophie traditionaliste.

Dans une ddmarche historique, M. P. explore le processus d'intdgration des ouvriers et des femmes dans la nation frangaise. Elle ddmontre ainsi la nature conflictuelle du rapport entre la nation et les ouvriers ddsireux d'achever une rdvolution frangaise dont ils rejetaient la con- figuration immddiate. Apropos des femmes, l'historienne montre le fondement de l'exclu- sion citoyenne des femmes dans une loi datant de l'dpoque de Clovis: la loi salique. De mime, identifie-t-elle le mdcanisme social de cette exclusion fabriqud a la fois par l'Etat et l'Eglise qui ont mime r~ussi a la faire accepter par les femmes.

A la suite de M. P., P. R. introduit une rd- flexion philosophique sur la ddfaite de l'into- idrance comme facteur participatif au dialogue entre les cultures aujourd'hui. Ddfinissant l'intolrance comme la ddsapprobation et le pouvoir d'empicher, il ddcompose intellectuel- lement le processus qui mbne de l'intoldrance a la toldrance. Et on ddcouvre avec lui, les stades menant de la comprdhension de la con- viction de l'autre h l'acceptation et a la re- connaissance. On entrevoit 1i l'apport des Lumiares. Par ailleurs, I'auteur identifie et alerte sur les perversions susceptibles de naitre de la ddfaite de l'intoldrance. Par exemple l'in- diffdrence, aussi nuisible que l'intoldrance.

Prdcddd d'un texte de R. Lesgards, ces r6- flexions sont suivies d'une intdressante post- face de G. Gauthier oiP sont discutds des termes que nous aurions tendance a prendre pour ac- quis telles: culture, nation, exception, politi- que, etc.

Abdoulaye Gueye

104.38 LINDENBERG (Daniel).

Figures d'Israil. L'identiti juive entre mar- ranisme et sionisme (1648-1998). Paris, Ha- chette, 1997, 251 p.

A travers trois grandes figures, Menassd Ben Israel, Sabbata' Tsvi, Spinoza, I'auteur restitue trois voies de sortie du ghetto, trois types de filiations intellectuelles et spirituelles de la modernitd juive. Il nous invite d'abord a voir dans les ruptures, les moments significatifs de l'histoire juive, ceux qui ambnent les transfor- mations, la premiere d'entre elles se situant a la fin de la pdriode du Deuxibme Temple avec la 'fabrication du judailsme' (cf. Francis Schmidt, La Pensde du Temple, Arch., 90, no 65). Mais c'est a la seconde grande rupture, I'expulsion d'Espagne, qu'il s'intdresse plus particulibrement, lorsque avec l'dmergence du marranisme s'invente pour les juifs un nouveau type de rapport au monde, puisque les trois fi- gures qu'il a retenues repr6sentent prdcisdment trois types d'ouverture sur le monde opdrde sur le mode marrane. Avec le marranisme en effet, l'dvidence de l'identitd n'est plus. L'individu est ballottd entre une identitd d'emprunt, dont on connait le contenu, et une identitd originelle et authentique mais dont la nature exacte lui file entre les doigts. II lui faut done s'inventer une identita, la reconstruire selon des modbles qui ne doivent rien a une tradition dont le fil s'est cassd. L'identitd marrane serait ainsi l'an- ticipation mame de bien des identitds moder- nes.

En quoi ces trois figures sont-elles pionni&- res de la modernitd ? En dpuisant ses forces a obtenir de Cromwell la r6admission des juifs en Angleterre, Menass6 Ben Israel serait, selon I'A., celui qui pose les bases d'une politique juive mondiale sans territoire ni autoritd cen- trale (on me permettra de remarquer que son obstination et sa foi en sa mission eschatolo- gique ne sont pas sans rappeler un autre di- plomate tout aussi obstind (mais la'que), Thdodor Herzl, dont l'dnergie s'dpuisera a faire admettre le retour des juifs en Palestine). Prdcurseur des ONG (de l'Alliance Isradlite Universelle crdde en 1860 ou du Congras juif mondial crdd en 1936), Menassd Ben Israal, tout en nourrissant un projet eschatologique auquel les milldnaristes protestants ne seront pas insensibles, s'inscrirait dans la lignde ac- tive et rationaliste de la pensde juive, celle de Philon d'Alexandrie, de Flavius Josaphe, de Ma'monide.

Sabbatal Tsvi, lui, incarnerait le ddsir de rupture violente avec des sidcles de passivitd et d'hdtdronomie. Personnalitd psychologique- ment fragile mais doude d'un charisme person-

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ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

nel dont Nathan de Gaza son prophbte saura jouer, Sabbatai donne une dimension in6dite au messianisme juif par le passage i l'acte et la mise en pratique de la th6orie kabbalistique d'Isaac Louria, son ain6 de prbs d'un sidcle. Non seulement son abrogation de l'Ancienne Loi, son remplacement par de nouveaux rites et son auto-proclamation en tant que messie ne rencontrent qu'une r6sistance impuissante de la part des autorit6s religieuses juives de l'6poque mais elles provoquent une r6action en chaine dans un monde juif prit a le suivre. < Dans tou- tes les communautds de la Diaspora, nous dit 1'A., I'esp6rance messianique devint fr6n6tique (...), les vieilles espdrances eschatologiques se mdlaient a la soif de revanche li6e aux plaies a vif (Espagne, Pologne) des boucheries r6cen- tes >. Or, le gnosticisme et l'antinomisme que professe le sabbatdisme s'intdgrent parfaite- ment a la probldmatique marrane. Ils apportent des rdponses qui en rdsolvent les paradoxes en les ddpassant. De mdme que la kabbale de Lou- ria 16gitimait la catastrophe de 1492 en lui don- nant un statut ontologique, de mdme la r6it6ration vivante de la doctrine lourianique par Sabbatai, dfiment expliqude et systdmatisde par Nathan, justifie toutes les erreurs et erran- ces des crypto-juifs (transgressions et conver- sions comprises). La force et la pertinence du message sabbatden devaient assurer la perpd- tuation du mouvement et des filiations multi- ples, plus ou moins directes: frankisme, hassidisme, certaines formes de populisme et de nationalisme juifs, communisme, sionisme, etc. Redonnons la parole a l'A. qui l'explique fort bien: <... par sa dynamique propre, sinon par ses intentions explicites, le sabbat6isme 6tait un mouvement de rupture avec le ju- dai'sme normatif, et la permanence de cette r6- volution messianique sapait, jour aprds jour, le vieux rabbinisme >. Pourtant, le comble du pa- radoxe sera atteint lorsque le marranisme se ddveloppera non plus seulement a l'int6rieur du monde musulman (dunmeh) ou chrdtien (frankisme), mais au sein du monde juif lui- mdme avec le ddveloppement du crypto-sabba- t6isme. Il est impossible de reprendre toutes les voies qu'ouvre l'A. Signalons ndanmoins les pages passionnantes sur le paralldle Herzl/Sabbatai ou sur les affinitds entre Lukacs d'un cat6, le rav Kook de l'autre, avec le mdme Sabbatai'.

Avec Spinoza enfin, ce contemporain de Sabbatai qui est de 28 ans le cadet de Menass6, apparai~trait une nouvelle figure, celle de l'in- tellectuel ddconfessionnalis6, en mdme temps que l'artisan d'une nouvelle philosophie fon- dde sur la rigueur math6matique. Fils de mar- ranes espagnols dtablis a Amsterdam, Spinoza

est, nous dit l'A. ~< un maillon essentiel de la chaine qui unit le marrane a la modernit6. II appartient a l'album de famille du juif mo- derne >. Formellement mis a l'dcart de sa

communaut6 d'origine et intellectuellement auto-6mancip6 de la Loi juive, il ne se con- vertit pas pour autant et poursuit sa route en l61ectron libre. Il met, par contre, a profit sa connaissance directe des textes de la tradition et des philosophes juifs pour penser le fonde- ment du lien politique a partir de l'exp6rience h6brafque; ce qui l'ambne a d6velopper sa 'thdorie de la thdocratie h6braique', la lecture libre qu'il fait de ses sources canoniques le fai- sant aboutir a la conclusion que la Synagogue n'est que l"1tat des H6breux' d6funt. Le but qu'il se fixe, est de montrer que le pouvoir po- litique devant garantir a chacun son 'droit na- turel' a la libert6 individuelle, doit done laisser chacun libre de penser ce qu'il veut et d'ex- primer sa pens6e. Or, les diff6rentes religions considbrent que l'Ecriture est la Parole de Dieu et obligent done les hommes a accepter une v6rit6 r6v616le. II lui faut done montrer que l'Ecriture est autre chose >. Le reste est connu.

Stigmatis6 et vilipend6 par les uns, r6cup6r6 par d'autres, les lectures de Spinoza sont mul- tiples. Mais ce qui int6resse ici I'A. est la fa- gon dont le philosophe amstellodamois a ouvert la voie a divers courants juifs moder- nes: haskalah, nationalisme,... dans lesquels d'autres aprbs lui se sont reconnus et ont pour- suivi l'oeuvre. Point capital, enfin, Spinoza se- rait, selon l'A., <<le premier penseur dans l'histoire a avoir s6par6 la 'religion juive'. La est sa r6volution conceptuelle, a partir de la- quelle vont se d6ployer tous les champs des possibles >. Avec lui ale Juif moderne nait, dans toute la diversit6 (et la difficult6) de ses choix identitaires (...) (la) mise en cause per- p6tuelle de toute institution (religieuse, politi- que, esth6tique, etc.) pass(ant) souvent comme la marque mdme de 'l"esprit juif' >.

Si on ne suit pas l'A. dans tous les m6andres de cette remont6e g6n6alogique des voies de la modernit6 juive (ainsi, si l'antinomisme du rav Kook peut effectivement s'inscrire dans le courant lourianique, aucune trace de marra- nisme, par contre, ne saurait dtre d6cel6e dans sa pens6e), il ne fait aucun doute cependant que la d6marche a laquelle il nous associe est intellectuellement passionnante et le d6velop- pement, 6crit dans un style alerte et parfois provocant, mend de main de maitre.

R6gine Azria.

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