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8/9/2019 filles dans la littrature de jeunesse
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Les relations garons/filles dans la littrature de jeunesse
Par Anne Cordier, Matrise SID (juin 2002)
IntroductionUn souffle de revendications galitaires entre les sexes mane dans les annes 60 de jeunes femmes dont les
mres ont conquis peine 20 ans plus tt le droit de vote : elles dnoncent le sort rserv aux femmes et veulent
construire une socit qui offre lhomme comme la femme un statut gal.La littrature de jeunesse suit quelques annes plus tard ce mouvement, et cest alors quapparaissent les
premires hrones qui soulvent la question de linjustice que les femmes subissent en tant qutre fminin. Le
mouvement des femmes a pos le problme de la place de la femme dans le monde conomique, social,
politique et culturel, on cherche par consquent de plus en plus analyser la position de la petite fille. Figure
emblmatique de ce questionnement, Julie, en 1976, bouleverse le monde schmatique des crits pour enfants,en voquant les difficults identitaires dune petite fille qui cherche se librer du rle sclrosant dans lequel la
socit lenferme.
Mais quen est-il aujourdhui ? Aujourdhui, la socit a volu, et les femmes ont vu un grand nombre de leurs
revendications satisfaites. Toutefois se pose de faon prgnante, en cette re de parit et de cong paternit, laquestion de lgalit entre les sexes et la ncessit de rompre les strotypes fminins comme masculins.
Une fois de plus la littrature de jeunesse participe au mouvement. Martine, petite maman accomplie, nest paspour autant mise au placard : en effet - et cest bien l que rside toute la complexit - il est bien difficile de
remettre en question les reprsentations mentales intriorises.Le dfi est pourtant lanc et un grand nombre dauteurs de littrature de jeunesse aident aujourdhui garons et
filles sortir de leurs rles prdfinis.
Dans un premier temps, les auteurs cherchent susciter une prise de conscience chez les jeunes lecteurs : les
normes sociales existent et filles et garons ne reoivent pas la mme ducation.Ils mettent alors en scne des personnages qui sortent du rle traditionnellement assign leur sexe, sattaquant
ainsi au mur des prjugs sexistes.
Malheureusement, il nous faut reconnatre la fragilit de cette remise en cause, au sein dune production
ditoriale qui na pas toujours le courage doser.
I. Les normes sociales existent : ils les ont rencontresA. Prendre conscience du poids de la socit
Lorsquen 1998 Thierry Lenain interroge Mademoiselle Zazie a-t-elle un zizi ?, il montre que si filles et
garons se diffrencient sur le plan physique, cela ninduit ni supriorit ni infriorit de lun ou lautre. Il
ouvre alors la porte une prise de conscience chez le lecteur du poids de la socit dans les reprsentations des
sexes.
En 1949, dansLe deuxime sexe, Simone de Beauvoir affirmait : On ne nat pas femme, on le devient ; dela mme faon, nous pourrions ajouter On ne nat pas homme, on le devient . Car tre fille ou garon, cest
souvent apprendre se comporter de certaines faons, cest se conformer certaines normes socialement
dtermines.
Un certain nombre dauteurs jugent aujourdhui ncessaire damener lenfant cette rflexion, notamment
travers des ouvrages didactiques, la manire de Batrice Vincent : Lducation que nous recevons de la
famille et de la socit fabrique aussi nos personnalits de fille et de garon, malgr nous. La socit cre des
modles de fminit et de virilit. Ces normes sociales ne sont pas forcment faciles assumer ( Filles =garons ? lgalit des sexes). Il sagit de faire comprendre lenfant combien la socit le conditionne et lui
dicte les rgles de bonnes conduites convenant son sexe.
Dans Menu fille ou Menu garon ?, Thierry Lenain pointe lactive participation de la socit cetteschmatisation des rles : les poupes pour les filles, les fuses pour les garons, un point cest tout. Filles et
garons sont pris dappartenir deux mondes spars et intriorisent ce schma de pense : ainsi Bill ralise-t-
il combien les espaces o filles et garons voluent dans la cour de rcration sont dlimits, les garons
occupant toute la cour avec leur ballon, et les filles se rassemblant en petits groupes dans les coins (La nouvelle
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robe de Bill).
Pour exprimer le conditionnement des sexes par lducation, les auteurs de fictions pour la jeunesse ont choisi
de stigmatiser deux objets tout fait reprsentatifs des normes vhicules : la robe pour les filles, la verge
pour les garons. A travers cette vision mtonymique des genres fminin et masculin, les auteurs contribuent
mettre en lumire les normes qui psent sur lducation des filles et des garons.
B. Cest une poupe qui fait ouiLa robe symbolise par excellence lducation coercitive des filles.
Pour que Frdrique ait lair dune jolie petite fille et fasse plaisir sa mre, elle doit porter une robe, demme que Yasmina pour satisfaire son pre : on voit ainsi que quel que soit le sexe du parent les normesimposes sont bien vivaces.
Le message prend toutefois une dimension supplmentaire avec Anne Fine qui fait subir son personnage Bill
une horrible mtamorphose : un matin, Bill se rveille en fille ! Il doit alors apprendre porter une robe sans
poches, linnocente couleur rose, garnie de dlicats boutons de nacre bref, ce genre de vtements qui
privent totalement de libert ceux ou plutt celles qui les portent !
Dans la robe dune fille, Bill dcouvre quelle condition est faite au genre fminin : lhumiliation ressentie
lorsque des garons le sifflent dans la rue, la peur lobligeant chercher protection auprs dune vieille dame, la
fameuse faiblesse physique prtendue des filles.
Anne Fine cre mme un retournement de situation qui lui seul vaut toutes les explications thoriques sur
lducation des filles. En effet, au dpart, Bill se rvolte contre lhistoire conte dailleurs par la matresse de la jolie Rapuntzel , enferme dans une tour attendre tranquillement assisependant 15 ans, sans fairedhistoires , cest--dire sans montrer le moindre signe de rbellion. Pourtant son exprience en robe donc en
fille va apprendre Bill la rsignation : il renonce se battre et comme la pauvre Rapuntzel prisonnire de
sa haute tour de pierre, il resta simplement tranquillement assis, attendant de voir ce qui allait arriver, esprant
du secours .
Une fille bien se doit effectivement dtre tranquille avant tout, discrte, pas une fille quon montre du
doigt , suivant la dfinition de Rachid, le frre de Yasmina (Pourquoi pas moi ?).
Cest ainsi que les filles subissent pour rpondre de telles normes sociales une ducation franchement
coercitive, comme Jolle Stolz la peint dansLes ombres de Ghadams. Ainsi, concernant la faon de marcherdes hommes et des femmes, Malika explique-t-elle Abdelkarim : Regarde : vous posez le talon dabord,
avec assurance et virilit, tandis que nous, nous devons commencer sur la pointe du pied, timidement, comme il
convient une crature infrieure .
C. Tu seras un hommeA lducation fminine comprenant la douceur, la discrtion et la sagesse , soppose celle du garon. Un
ingrdient impratif jaillit alors spontanment : la virilit. Le garon doit devenir un homme accompli avec tout
ce que cela suppose en termes de puissance physique, de pouvoir, de conqutes (sociales, professionnelles,
amoureuses). Et cest pour les auteurs de littrature de jeunesse le sexe masculin qui joue le contrepoint de la
robe chez les filles.Quand la robe est un lment de coercition pour la fille, la verge est pour le garon laffirmation de sa
puissance. Pour Max, dailleurs, la chose est claire : il y a les Avec-zizi et les Sans-zizi et les Avec-zizi taient plus forts que les Sans-zizi. Evidemment, puisquils avaient un zizi ! (Mademoiselle Zazie a-t-elle
un zizi ?). Mais pour Martin, ce sexe est une vritable catastrophe : il craint, avec son petit zizi de nepouvoir combler Anas, pensant que toute son identit se rsume cet lment (Petit zizi).
Car si la fille souffre de son sort, on oublie souvent de se pencher sur le cas du garon, soumis des impratifs
parfois bien lourds porter : tre le plus grand, le plus fort, le plus courageux cest un travail plein temps !
Lintriorisation de ces strotypes peut rendre malheureux le garon qui ne se sent pas toujours capable derelever ces exigences.
Ainsi Gillou aime-t-il Lili qui a une carrure dathlte ; et pourtant il affirme quon a envie de la
protger et quelle est une pauvre petite chose fragile (Lili bouche denfer). Cest ici la traditionnelle
reprsentation de la femme qui occupe lesprit de Gillou et qui, du coup, le rend malheureux, lui, parce quil ne
se sent pas capable de jouer ce rle de grand protecteur qui lui est dvolu socialement.Protecteur, le garon se doit aussi dtre conqurant, comme le montre Anne Fine. En effet Bill, malgr son
apparence de fille, reste en lui un petit garon, et lorsque les filles complotent afin de laisser le maladif Paul
gagner la course, lui narrive pas se rsoudre perdre : car si la rsignation est le lot des filles, elle nestgure celui des garons, conus pour gagner.
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Mais attention ! Au royaume du mle, on ne gagne pas nimporte comment : il faut se battre, battre lautre,
dmontrer sa force physique. Sinon, le verdict tombe : de poule mouille femmelette , les qualificatifs
ne manquent pas pour souligner lopprobre que jette sur le genre masculin tout entier celui qui ne se plie pas
aux traditionnels impratifs de virilit. Cest parce que la danse reprsente des valeurs dites fminines telles que
la grce, la lgret et lexpression des sentiments surtout que le pre de Billy et son frre Tony refusent sa
passion : un garon fait de la boxe, sport de combat, valeur on ne peut plus masculine (Billy Elliot).
De faon gnrale, cest la prohibition des sentiments qui caractrise lducation des garons.
Quand Sidonie (Garon manqu), Yasmina et Malika (Pas de piti pour les poupes b.) peuvent pleurer des
larmes de dpit, Frdric regrette amrement : a ne se fait pas quand on est un garon. Ou alors seulement lesoir, dans son oreiller, mais pas au milieu de la cour de rcration ( Frdric ou cent faons dtre un
garon). On remarquera le ton trs dogmatique de lnonciation, notamment travers lemploi du pronompersonnel on et de la formule a ne se fait pas .Ainsi lducation des filles et des garons rpond-elle des normes sociales prdfinies qui sont souventlourdes porter : une fille qui aime les pantalons et le football devient aussitt un garon manqu ,cependant quun garon calme et sensible est immdiatement considr comme une femmelette .On ne peut alors que reprendre en chur linterrogation rvolte de Frdrique : Mais quest-ce quecest que cette histoire de vraie petite fille et de garon pas russi ?
II. Sattaquer au mur des prjugs sexistesSattaquer au mur des prjugs sexistes, cest prouver la manire de Virginie Dumont quil y a cent faons
dtre une fille ou un garon. Les auteurs de littrature de jeunesse mettent donc en scne des personnages qui
ne correspondent pas aux reprsentations que lon a de leur sexe, et qui pour imposer leur faon dtre une fille
ou un garon doivent se battre.
A. Des filles conqurantesDes filles rebelles, qui osent, qui revendiquent cest ce que nous proposent bon nombre dauteurs.
Ainsi Yasmina sous la plume de Jeanne Benameur et Sidonie personnage de Hortense Cortex sont-elles
dotes de qualits socialement reconnues comme masculines : elles ne connaissent pas le sentiment de peur,nhsitent pas en venir aux mains, rejettent le statut de fille tel que la socit la conu. Etre fille constitue
pour elles un vritable frein la libert. Cest en effet uniquement parce quelle est une fille et bien que
pourvue de nombreuses qualits requises telles que le courage que Yasmina ne peut intgrer la bande des
Buttes-Rouges. Son cri de dsespoir est alors celui de toutes celles qui veulent saffranchir de ce schma
traditionnel qui les sclrose : Mais cest une maldiction, quand mme, dtre une fille ! Pourquoi a enlve le
droit dentrer dans une bande ? Pourquoi a enlve des droits que les autres ont, juste parce quils sont des
garons ? (Pourquoi pas moi ?).
Elle risquera sa vie pour gravir le mur sur lequel elle veut marquer son empreinte : ce mur mtaphorise
videmment la tour des prjugs sexistes auxquels elle se heurte.
Autre rvolte hautement symbolique : celle de Djamila qui dans Pas de piti pour les poupes b.mutile les
fameuses Barbie, reprsentantes absolues de cette norme physique quon veut imposer aux filles.Mais si sattaquer au mur des prjugs sexistes ne va pas sans souffrance, il en est de mme lorsquil sagit
daccepter sa propre dmarcation par rapport aux normes.
Ainsi Brigitte Smadja nous prsente-t-elle Alex, une fille qui aurait ralis le rve de ses parents en tant un
garon (Rollermania). Certes, Alex rompt avec les strotypes, nest pas comme les autres filles physiquement,
na pas leurs proccupations, mais ds le dpart elle exprime sa souffrance de ne pas assumer son identit
sexuelle : elle recherche tre comme sa sur une vraie fille . Cette image dune conqurante en souffrance
montre combien les normes psent et font souffrir malgr tout celle ou celui qui sen carte.
B. Des garons sensiblesDiffrence de taille : si la fille se rebelle avec bruit contre les strotypes, cest en silence que le garon
accomplit sa petite rvolution des mentalits. En effet, Benjamin (Ce soir la patinoire) et Billy font tout pourdissimuler aux autres leur passion hors-norme, savoir le patinage sur glace pour lun et la danse classique
pour lautre. Cest quils connaissent tous deux la sanction dun tel choix : lexclusion pure et simple du monde
ferm et exigeant des hommes.
Il est dailleurs frappant de remarquer que le mme terme vient lesprit du pre de Billy et du copain de
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Benjamin pour voquer leur activit : ils les comparent des clowns . On voit ici le poids norme des
strotypes : un garon qui exprime des motions ne peut tre pris au srieux !
Et si le pre de Billy se sacrifie au dbut pour que son fils fasse de la boxe mais entre dans une rage folle
lorsquil apprend quil finance des cours de danse, Benjamin nose imaginer son pre payant des patins la
place de chaussures de rugby.
Pourtant Billy comme Benjamin ne capitulent pas, et en sadonnant cette passion dite fminine quest la danse
classique ou sur glace ils dfient les strotypes, prouvant quun garon qui exprime par son corps une
sensibilit ainsi dvoile, nest pas pour autant un homosexuel (grande hantise des hommes) et reste tout fait
quilibr sentimentalement.De la mme faon, Emilien, le hros de Marie-Aude Murail, adore faire du baby-sitting ; mais lorsquil veut des
renseignements la bibliothque pour soccuper des bbs, conscient de lincongruit de son occupation par
rapport aux normes tablies, il raconte une histoire compltement invraisemblable la bibliothcaire
souponneuse : quel est ce garon qui veut des livres sur les bbs ? Srement sa mre qui lenvoie ! Mais
par son attitude et les liens daffection profonds quEmilien tisse avec les enfants quil garde, il prouve quonpeut aimer soccuper des enfants, les entourer daffection, et tre un garon (Baby-sitter blues).
C. Franchir le mur ensembleCependant il serait erron de croire que les hros se battent contre les strotypes de faon isole. Les auteurs
de rcits pour la jeunesse svertuent au contraire tisser des rseaux et mettre en branle plusieurs ples de la
socit pour remettre en cause les prjugs sexistes.On remarque ainsi que dans la littrature de jeunesse les adultes sont porteurs dun rle essentiel pour la marche
vers lgalit entre les sexes et la mise mort des strotypes : ce sont la professeur darts de Yasmina, la
matresse de Frdric ou encore les parents (de Frdric, Frdrique ou encore La), qui jouent pleinement leur
rle dducateurs. La peut en effet tre fire davoir un pre qui refuse de voir sa fille enferme dans les
strotypes et revendique une petite fille qui prfre les fuses aux poupes (Menu fille ou Menu garon ?).Mais cest principalement en confrontant les filles et les garons que les auteurs de littrature de jeunesse
sattaquent de faon la plus prgnante au mur des prjugs sexistes.
Certains ont recours lhumour. Cest le cas de Pascal Garnier dans Lili Bouche dEnfer. Lili joue la fille
soumise face Gillou, se conformant ainsi au traditionnel strotype : elle sait pertinemment que, contrairement
ce quil lui dit, Gillou nest pas en train de lui montrer des brocolis mais de simples pissenlits, et cependant
elle fait mine de smerveiller devant les prtendus brocolis afin de satisfaire lorgueil du garon. Cest donc
avec humour que Pascal Garnier pointe le doigt sur les conventions entre sexes.
Mais sil y a ici clin dil au lecteur, il ny a pas prise de conscience rciproque des deux personnages.
Dautres auteurs choisissent au contraire de mettre en scne cette prise de conscience. Cest ainsi quensemble,
par leurs discussions et leur amiti, Frdrique et Frdric font rciproquement comprendre lautre ce quil ou
elle est. Claire Ubac quant elle montre quune meilleure connaissance rciproque des sexes est la clef qui
ouvrira la porte de sortie aux prjugs sexistes : alors quil dclare au dpart quil naime pas les filles , cest
en effet en apprenant connatre Soleil quHugo rvise sa position et reconnat qu il y a [des filles] qui sont
trs bien finalement (Hugo naime pas les filles).
Quant aux problmes didentit sexuelle que les normes sociales posent nos hrones garons manqus et
nos garons pas russis , cest lAmour que les auteurs rigent en sauveur.Certes Sido partage des valeurs socialement reconnues comme masculines, mais face Matthieu elle ralise
quelle est comme les autres filles, par les sentiments quelle prouve (Garon manqu). Alex, grce lamour
qui la lie Abdel, trouve lidentit fminine quelle cherchait en elle, et ce sans abandonner sa passion pour le
roller. Car l est bien la grande avance pratique par les auteurs de littrature de jeunesse : ces filles
conqurantes, tout en voyant leur statut rhabilit par lamour dun garon, ne perdent pas pour autant leur
personnalit, la manire de Sidonie qui lance : Je ne serai jamais une femme fatale ! .
Anas quant elle se moque bien du petit zizi de Martin : elle laime, et ce sentiment est dune extrme
simplicit. Mieux que tout lamour combat ainsi les strotypes : ainsi Diego modle-t-il une figurine
corporellement semblable Djamila, parce que Lamour se fout des Barbie .
Toutefois la remise en cause des strotypes bien que tout fait relle et courageuse savre fragile, etnous ne pouvons fermer les yeux devant certaines drives.
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Nathalie Roques dote son livre dun titre trs ferm : on ne mlange pas les genres ! Il sagit de se faire
belle , et la couverture reflte le style de louvrage : deux filles (eh oui : les filles papotent toujours en
groupe) avec boucles doreilles et mines timides surtout pas rebelles, sans aucune personnalit
apparente
La premire couverture de louvrage de Henriette Bichonnier galvaude quant elle limage strotype du
garon aux sourire clinquant, lunettes noires, et qui montre firement ses biscottos : ds lors est impos au
garon le rle du chasseur sducteur-n.
Mais la palme du conservatisme revient sans aucun doute louvrage double Comment faire face aux filles /
Comment faire face aux garonsde Kara May et Peter Corey.Tout en surfant lenvi sur la vague humoristique, ce livre, truff de strotypes, est tout bonnement affligeant.
Bien sr, il y a une part dautodrision, bien sr il sagit dappter le jeune lecteur Il nen reste pas moins que
cet ouvrage cantonne les deux sexes dans des camps retranchs. La femme crit en direction des filles, lhomme
sadresse aux garons ; le petit clan constitu se protge : chacun va cultiver les ides reues propages dans
son propre camp sur ceux d en face . Lide daffrontement apparat dailleurs trs nettement dans lestitres : il faut faire face et on adopte donc une pause de combat pour affronter le sexe oppos. Il sagit de
contrer lesprit fminin (dixit Peter Corey) et Kara May est contente de se dbarrasser des garons
Tous les pires strotypes et prjugs sexistes combattus par les Lenain, Smadja et autres Benameur, sont
rcuprs ici : on reprend le terme mauviette pour dsigner le garon sensible, et le terme garonmanqu pour qualifier la fille intrpide au sujet de laquelle Peter Corey annonce quelle a videmment un
label de laideur !!
ConclusionCe petit tour dhorizon non exhaustif permet donc de voir combien, depuis Martine, la littrature de
jeunesse a volu et pous aujourdhui les revendications dgalit entre les sexes, cherchant aider les jeunes
lecteurs trouver leur place et leur identit au sein de la socit. Mais si certains ouvrages osent, dautres
rpondent au contraire aux impratifs ditoriaux (il faut vendre) et nhsitent pas user des prjugs sexistes.Certes beaucoup de lecteurs grandissent et voluent laune dautres rflexions heureusement , donc se
dtachent ensuite de ce type de lectures. Il nen reste pas moins que ces lectures risquent sans aucun doute de
sduire des lecteurs peu actifs qui ne souhaitent pas tre bousculs dans leurs reprsentations mentales, ainsi
que des faibles lecteurs pour lesquels le ct publicitaire de la pagination et le nivellement de la languequoprent les auteurs de ces ouvrages sont des attraits essentiels.
Les efforts des Thierry Lenain, Anne Fine et autres Virginie Dumont apparaissent sous ce jour dautant plus
louables. Ce sont ces auteurs qui accompagnent lvolution des mentalits et mme la provoquent auxquels
dans quelques annes les jeunes femmes et hommes pourront tirer un coup de chapeau reconnaissant pour les
avoir aids dvelopper cette pense de luniversalit que Sylviane Agacinski dcrit en ces termes
prometteurs :
Conscients que nous ne pouvons transcender les diffrences ni les diffrends, nous avons aujourdhui
laborer une pense de luniversalit qui ne verse pas dun ct ou de lautre, mais qui laisse lhumanit sa
mixit et donc son altrit interne .