Flaubert ches les goncourts

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  • 8/18/2019 Flaubert ches les goncourts

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    3 JANVIER :

    Épris (1) aujourd’hui de ce mot que lui a dit Flaubert ce matin, la formule suprême de l’École quiveut graver sur les murs, à ce qu’il dit  De la forme naît l’idée.

    20 JANVIER :

    !omme on causait au" bureau" de l’Artiste, de Flaubert tra#n$ à notre instar (%) sur les bancs de la

     police correctionnelle et que j’e"pliquais qu’on voulait en haut la mort du romantisme, et que leromantisme $tait devenu un crime d’État, &autier s’est mis à dire, ' raiment, je rougis du m$tierque je fais *our des sommes tr+s modiques, qu’il faut que je gagne parce que sans cela je mourraisde faim, je ne dis que la moiti$ ou le quart de ce que je pense et encore, je risque à chaque phrased’être tra#n$ derri+re les tribunau" -.

    11 AVRI :

    / cinq heures, $t$ à l’Artiste. &autier, Fe0deau, Flaubert. Fe0deau, toujours l’enfant dont le premier article vient d’être imprim$ une infatuation, une admiration de soi, une satisfaction et unrenflement de si bonne foi et si na2vement insolente qu’elle d$sarme. &rande discussion sur lesm$taphores. ' 3es opinions n’avaient pas à rougir de sa conduite - de 4assillon, acquitt$ par

    Flaubert et &autier. ' 5l pratiquait l’$quitation, ce piedestal des princes - de 6amartine, condamn$sans appel.

    / la suite de quoi une terrible discussion sur les assonances, une assonance au dire de Flaubertdevant être $vit$e quand on devrait mettre huit jours à l’$viter *uis entre Flaubert et Fe0deau,mille recettes de st0le et de formes agit$es de petits proc$d$s à la m$canique, emphatiquement ets$rieusement e"pos$s une discussion pu$rile et grave, ridicule et solennelle, de fa7ons d’$crire etde r+gles de bonne prose. 8ant d’importance donn$e au vêtement de l’id$e, à sa couleur et à satrame, que l’id$e n’$tait plus que comme une pat+re à accrocher des sonorit$s et des ra0ons. 5l nousa sembl$ tomber dans une discussion de grammairiens du 9as :mpire.

    ! "AI :

    6ouis est venu nous voir ce matin, nous apprendre le grand article 3ainte;9euve sur "adame #o$ar% (

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    cherchant, heureu" de voir un vidangeur manger de la merde, et s’$criant, toujours à propos de3ade ' !’est la bêtise la plus amusante que j’aie rencontr$e -. Bans le moment, dressant sesgrosses et pantagru$liques ironies contre les attaqueurs de Bieu. En individu est men$ à la pêche

     par son ami ath$e on retire une pierre sur laquelle est $crit ' e n’e"iste pas -iné : Bieu -.

     G ' 8u vois bien - dit l’ami.

    5l a choisi, pour son roman, !arthage comme le lieu et la civilisation la plus pourrie. :n si" mois, iln’a fait encore que deu" chapitres, qui sont un bordel de petits gar7ons et un repas de mercenaires(H).

    ANNÉE 1859

    11 "AI :

    In sonne, c’est Flaubert à qui 3aint;ictor a dit que nous avions vu quelque part une masse àassommer, à peu pr+s carthaginoise, et qui vient nous demander l’adresse. :mbarras pour son romancarthaginois il n’0 a rien pour retrouver il faut inventer le vraisemblable.

    3e met à regarder, à s’amuser, à voir comme un enfant, nos cartons, nos livres, tous nos mus$es. 5l

    ressemble e"traordinairement au" portraits de Fr$d$ricJ 6ema#tre, jeune, tr+s grand, tr+s fort, degros 0eu" saillants, les paupi+res souffl$es, des joues pleines, des moustaches rudes et tombantes,un teint martel$ et plaqu$ de rouge. *asse quatre ou cinq mois à *aris par an, n’allant nulle part,vo0ant seulement quelques amis la vie d’ours que nous menons tous, 3aint;ictor comme lui, etnous comme lui. !ette ourserie forc$e et que rien ne vient rompre, de l’homme de lettres du A5Aesi+cle est $trange quand on la compare à la vie toute mondaine, en pleine soci$t$ et cribl$ed’avances, d’invitations, de relations d’homme de lettres du A555e si+cle, d’un Biderot et d’unoltaire, à qui le monde de son temps allait rendre visite à Ferne0, ou des gens moindres, desauteurs en vogue, d’un !r$billon fils, d’un 4armontel. 6a curiosit$ de l’homme, les avances àl’auteur n’e"istent plus depuis la fondation de la bourgeoisie, depuis que l’$galit$ est proclam$e.6’homme de lettres ne fait plus partie de la 3oci$t$, il n’0 r+gne plus, il n’0 entre même plus. Bans

    tous les hommes de lettres que je connais, je n’en connais pas un seul allant dans ce qu’on appelle lemonde.

    1/ NVE"#RE. Ro'en, tel de Normandie :

    *our la premi+re fois de notre vie, une femme nous s$pare cette femme est 4lle de !hKteaurou"qui fit faire à l’un de nous le vo0age de Couen, tout seul, pour aller copier un paquet de ses lettresintimes à Cichelieu, dans la collection 6eber. e suis à l’hLtel, dans une de ces chambres oM l’onmeurt par m$garde en vo0age, une chambre au carreau glacial et qui tire un jour gris d’une courcomme un puits. :t dans mon mur, une voi" de &audissart de trente ans chante alternativement le

     "iserere du 8rouv+re et le Roi de #éotie de l’r+ée d’Iffenbach.

    14 NVE"#RE :

    e rencontre, à la gare du chemin de fer, Flaubert qui conduit sa m+re et sa ni+ce qui vont passerleur hiver à *aris. 3on roman carthaginois en est à la moiti$. 5l me parle de l’embarras qu’il a, letravail qu’il lui a fallu d’abord pour se convaincre que cela $tait comme il le dit. *uis l’absence dedictionnaire qui l’oblige au" p$riphrases pour toutes les appellations. / mesure qu’il avance, ladifficult$ augmente. 5l est oblig$ d’alloner sa couleur locale comme une sauce.

     Dous parlons d’Nbout, qu’il trouve avec moi manquer à tous ses devoirs en manquant absolumentd’esprit. ' *uis il faut parler de ces choses;là s$rieusement -. oltaire lui;même, quand il parle deses choses;là, est crisp$, convuls$, il a la fi+vre, il $cume, il dit  5*rasons l’inf6me (O) 9oulevarddu 8emple, nP >% (Q).

    ANNÉE 1860 Je'di 12 JANVIER :

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     Dous sommes dans notre salle à manger et cette jolie bo#te de reps, tout enferm$e et plafonn$e detapisseries, livres de dessins au" marques bleues oM nous venons d’accrocher le triomphant 4oreaude la Re$'e d' Roi, reluit et s’$gaie des $clairs et des feu" dou" du lustre de cristal de 9ohême.

    5l 0 a à notre table, Flaubert, 3aint;ictor, 3choll, !harles;:dmond, et en femmes, ulie et 4meBoche, une r$sille rouge sur ses cheveu" qui ont un Ril de poudre. In cause du roman de 'i de4me !olet, oM Flaubert est peint sous le nom de 6$once (S), et de temps en temps, 3choll, pourtirer l’attention à lui, blague quelque chose ou $reinte un absent. 5l finit par s’engager d’honneur àcasser les reins à 6urine.

    Nu dessert, Boche se sauve à la r$p$tition g$n$rale de 7énéloe Normande qu’on dit jouer lelendemain. 3aint;ictor, qui n’a rien pour son feuilleton, s’en va aussi à la r$p$tition avec 3choll.

    :t voilà qu’entre nous nous nous mettons à causer du th$Ktre et voilà Flaubert à cheval sur cette jolie rosse. ' 6e th$Ktre n’est pas un art, c’est un secret. e l’ai surpris des propri$taires du secret.oici le secret. B’abord, il faut prendre des verres d’absinthe au caf$ du !irque, puis dire de toute

     pi+ce !’est pas mal, mais des coupures C$p$ter Iui mais il n’0 a pas de pi+ce, et surtout,toujours faire des plans et ne jamais faire de pi+ce. Tuand on fait une pi+ce, quand on fait même unarticle dans le 8iaro on est foutu ’ai $tudi$ le secret d’un imb$cile, mais qui le poss+de, de la

     Ro'nat. !’est la Ro'nat qui a trouv$ le mot sublime 9eaumarchais est un pr$jug$ ' 9eaumarchais, s’$crie Flaubert, du foutre et du phosphore 3eulement le t0pe de !h$rubin, qu’ille fasse -.

     D’a jamais voulu laisser mettre "adame #o$ar% au th$Ktre, trouvant qu’une id$e est faite pour unseul moule, qu’elle n’est pas à deu" fins, et ne voulant point le livrer à un Benner0 ' 3ave=;vousce qu’il faut pour le succ+s au" boulevards U !’est que le public devine tout ce qui va arriver, je mesuis trouv$ une fois à cLt$ de deu" femmes qui, de sc+ne en sc+ne, racontaient la sc+ne suivante elles faisaient la pi+ce à mesure -.

    *uis la causerie va sur les uns, sur les autres de notre monde, la difficult$ de trouver des gens aveclesquels on puisse vivre, qui ne soient point tar$s, ni insupportables, ni bourgeois, ni mal $lev$s.!harles;:dmond promet de nous en nommer di" et ne nous en nomme que trois ou quatre. :t l’onse met à regretter tout ce qui manque à 3aint;ictor on en ferait un si joli ami !e gar7on au fondduquel on ne peut jamais voir clair, à l’e"pansion du cRur duquel on n’arrive jamais, quand mêmeon arrive à sa plus confiante e"pansion d’esprit ce gar7on qui, apr+s trois ans de relations etd’amiti$, a des glaces subites et des froideurs de poign$es de main comme pour un inconnuFlaubert nous dit que c’est son $ducation qui l’a marqu$ et que ces trois $ducations, ces troisinstitutions de l’homme, l’$ducation religieuse, l’arm$e, l’École Dormale, marquent d’un cachetind$l$bile l’homme et le caract+re.

    *uis on passe en revue les femmes de th$Ktre, les bi=arreries de ces singuli+res cr$atures. Flaubertdonne sa recette pour les amis 5l faut être sentimental, les prendre au s$rieu". *uis on agite la

    question de savoir si vraiment elles couchent autant que les hommes le disent, si les soins de sant$,la fatigue, les travau" de th$Ktre ne les poussent pas seulement à des escarmouches. In cause deleur influence inou2e sur la critique de leurs amants, et comme des femmes de th$Ktre, laconversation monte à la femme, ' ’ai trouv$ un mo0en bien simple de m’en passer, dit Flaubert, jeme couche sur le cRur, et dans la nuit c’est infaillible -.

    *uis nous sommes seuls, lui et nous, dans le salon tout plein de fum$e de cigares lui arpentant letapis, cognant de sa tête la boule du lustre, d$bordant, se livrant comme avec des fr+res de sonesprit.

    5l nous dit sa vie retir$e, sauvage, même à *aris, enferm$e et ferm$e, d$testant le th$Ktre, pointd’autre distraction que le dimanche au d#ner de 4me 3abatier, la 7résidente comme l’appelle dans

    le monde &autier, a0ant horreur de la campagne, travaillant di" heures par jour, mais grand perdeurde temps, s’oubliant en lectures et tout prêt à faire un tas d’$coles buissonni+res autour de sonRuvre. De s’$chauffant que vers les cinq heures du soir quand il s’0 met à midi, ne pouvant $crire

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    sur du papier blanc, a0ant besoin de le couvrir d’id$es pos$es comme par un peintre qui place ses premiers tons.

    *uis nous causons du petit nombre de gens qui s’int$ressent au 9ienfait d’une chose, au r0thmed’une phrase, à une chose belle en soi.

    !omprene=;vous l’imb$cillit$ de travailler à toutes les assonances d’une phrase ou les r$p$titions

    d’une page U *our qui U :t puis jamais, même quand l’Ruvre r$ussit, ce n’est le succ+s que vousave= voulu qui vous vient. !e sont les cLt$s de vaudeville de "adame #o$ar% qui lui ont valu sonsucc+s. 6e succ+s est toujours à cLt$ Iui, la forme, qu’est;ce qui, dans le public, est r$joui etsatisfait de la forme U :t note= que la forme est ce qui vous rend suspect à la justice, au" tribunau"qui sont classiques 4ais personne n’a lu les classiques 5l n’0 a pas huit hommes de lettres quiaient lu oltaire, j’entends l'. *as cinq qui sachent les titres des pi+ces de 8homas !orneille maisl’image, les classiques en sont pleins 6a trag$die n’est qu’image. amais *etrus 9orel n’aurait os$cette image insens$e

    ' 9r?l$ de plus de feu" que j’en allumai - (V).

    ' 6’art pour l’art U amais il n’a eu sa cons$cration comme discours à l’acad$mie d’un classique, de

    9uffon ' 6a mani+re dont une v$rit$ est $nonc$e est plus utile à l’humanit$ que cette v$rit$même -. ’esp+re que c’est l’art pour l’art, cela :t la 9ru0+re qui dit ' 6’art d’$crire est l’art ded$finir et de peindre - (1W).

    *uis il nous dit ses trois br$viaires de st0le, la 9ru0+re, quelques pages de 4ontesquieu, quelqueschapitres de !hateaubriand, et le voilà, les 0eu" hors de la tête, le teint allum$, les bras soulev$scomme pour les embrassements de drame, dans une envergure d’Nnt$e, tirant de sa poitrine et de sagorge des fragments du dialogue de 30lla et d’:ucrate, dont il nous jette le bruit d’airain qui sembleun rauquement de lion (11).

    Flaubert nous cite cette critique sublime de 6ima0rac sur "adame #o$ar%, dont le dernier mot ' !omment se permettre un st0le aussi ignoble, quand il 0 a sur le trLne le premier $crivain de la

    langue fran7aise, l’:mpereur U -. Dous parlons de son roman carthaginois au milieu duquel il est, il nous dit ses recherches, sestravau", ses lectures, un monde de notes à faire le pi$destal d’un 9eul$, la difficult$ des mots qui leforce à mettre tous ses termes en p$riphrases. ' 3ave=;vous toute mon ambition U e demande à unhonnête homme intelligent de s’enfermer quatre heures avec mon livre et je veu" lui donner une

     bosse de haschich historique. oilà tout ce que je veu" Npr+s tout, le travail c’est encore lemeilleur mo0en d’escamoter la vie -.

     Diman*+e 2 J;IE< :

    5l pleut des petits livres, des Cigolbochades, tol$r$es, autoris$es, encourag$es par le gouvernementqui se garde bien de les poursuivre. 5l r$serve la police correctionnelle pour les gens commeFlaubert et comme nous. ’en viens d’en lire un, intitul$ =es Dames, oM le mot mi*+é est imprim$en toutes lettres, ce qui peut donner l’id$e du reste 6a litt$rature pornographique va bien à un 9as;:mpire, elle le sert.

     Diman*+e 1 A>< :

    B#ner à 9ellevue (1%) pour la c$l$bration de la croi" de 3aint;ictor . 6e h$ros de la fête est radieu".5l a cette belle joie int$rieure, inconsciente et à effusion, qui le fait se jeter dans les bras de tous lesgens et lui fait chanter des *onts;neufs.

    Flaubert arrive de Couen au milieu du d#ner. !r$mieu" se l+ve au dessert et fait un long discours en*rud’homme qui se termine par ' 4essieurs, esp$rons que cette croi" est le premier rognon de la

     brochette -.2! A>< :

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    B#ner che= =+arles?Edmond. Nubr0et a invit$ tous les d#neurs à d#ner aujourd’hui che= lui. Doussommes donc Flaubert, 3aint;ictor, !harles;:dmond, Xal$v0, !laudin, et de plus, &autier.

    En appartement, rue 8aitbout, au cinqui+me. Ene chambre toute tendue de perse et un salon oM il 0a, capitonn$ dans une soie gorge de pigeon, un plafond de Faustin 9esson.

    In s’assied à la table et la causerie prend feu. !ela commence par *onsard.

    *uis on se met à parler de la possibilit$ de faire une belle f$$rie litt$raire. ' :h bien dit Flaubert, il0 en a un que je d$teste encore plus que *onsard, c’est Feuillet, le gars Feuillet. !e jeune homme estescouill$ -, crie;t;il comme un tonnerre.

    ' !’est que celui;ci est un mKle dit &autier, de Flaubert.

     G Ictave Feuillet, ou le th$Ktre de 6ouis :snault

     G ' ’ai lu trois fois son Je'ne +omme a'$re@ on n’a pas id$e de cela il a une place de di" millefrancs :t save=;vous à quoi en reconna#t que son jeune homme est distingu$ U !’est qu’il saitmonter à cheval -.

     G Iui, et puis tu sais, il 0 a, dans toutes ses pi+ces, des jeunes gens qui ont des albums et qui

     prennent des sites  G 3ave=;vous, il 0 a vingt ans, avec quoi un jeune homme $tait riche, vous autres U 6ise= *aul deYoch ' !harles $tait riche, il avait si" mille livres de rentes, mangeait tous les soirs un perdreautruff$, entretenait un rat de l’Ip$ra -. :t c’$tait vrai

    6à;dessus part une imitation, par !laudin, de &il *ere= dans "imi #am9o*+e. Nu fond, ce comique;là, c’est la r$cr$ation du bagne, c’est *oulmann en goguette.

    ' ’ai lu une ordure -. !’est la voi" de Flaubert qui s’$l+ve. ' Nve=;vous lu 7a U -.

     G Tuoi U

     G 6a vie de l’5mp$ratrice, par !astille. G En homme qui a fait l’$loge de Cobespierre *arbleu, c’est bien pour 7a.

    Nu sortir de table ' 3ave=;vous, dit 3aint;ictor, que c’est aujourd’hui l’anniversaire de la 3aint9arth$l$m0 U -. 6à;dessus, nous disons ' oltaire aurait eu la fi+vre -. ' !ertainement - crieFlaubert. :t voilà Flaubert et 3aint;ictor le d$clarant un apLtre sinc+re, et nous à nous regimber detoute la force de nos convictions. !e sont des cris, des $clats ' *our moi, c’est un saint - crieFlaubert.

    6a discussion s’$teint, remonte vers Xorace oM quelques;uns veulent retrouver du 9$ranger, dont3aint;ictor admire la puret$ de langue, bien inf$rieure, selon &autier, à l’admirable langue de!atulle. Flaubert mugit du 4ontesquieu. ' ous aime= cela comme la rococoterie -. *uis c’est

    Bante et 3haJespeare dont on parle, puis de la 9ru0+re.!laudin, crie 3aint;ictor, =at+oli*isme et "aroBsi, voilà ta devise.

     G 4arJoZsJi, qu’est;ce que c’est que 7a U dit Flaubert.

     G 4on cher, dit 3aint;ictor, 4arJoZsJi $tait un bottier. 5l s’est mis à apprendre le violon tout seulet puis à danser aussi tout seul, et puis il s’est mis à donner des bals avec des filles dont il donnel’adresse. 6e bon Bieu a b$ni ses efforts, Nd+le !ourtois lui a fait donner des racl$es et il est

     propri$taire de la maison oM il habite.

    30 A>< :

    Flaubert, à qui nous avons demand$ de nous aboucher pour notre roman de -C'r 7+ilomne avecles hLpitau", nous m+ne che= le docteur Follin, un grand chirurgien de ses amis. En homme gras,replet, l’Ril intelligent, qui comprend de suite ce que nous voulons et qu’il nous faut entrer inmedias res, en suivant la clinique et en d#nant avec les internes, dans la salle de garde.

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    :n causant, il nous trace la silhouette de ce m$decin de la rue 3ainte;4arguerite;3aint;Nntoine,donnant ses consultations che= le marchand de vin, qui marque chaque deu" sous re7us parconsultation avec une marque à la craie sur le mur, qui est le cr$dit ouvert d’un petit verre, effac$apr+s la consultation. :t Flaubert jette le nom du fr+re de !loquet, d’Xippol0te !loquet, un puits descience qui $tait un puits de vin, vainement rabiboch$, rhabill$, morig$n$ par son p+re et à la fin,m$decin d’une cha#ne de for7ats, se saoulant avec eu"

    1er NVE"#RE :

    Bans le chemin qui conduit au chemin de fer, 4onnier me dit que Flaubert est $pileptique. 6’est;il. De l’est;il pas U 6a chute qu’il a faite cet hiver semblerait donner raison à 4onnier. *eut;être 0;a;t;il aussi là l’e"plication de son grand chagrin d’amour, une femme peut;être l’a0ant quitt$ ou nel’a0ant pas voulu sur cette d$couverte (1). 8oujours danssa =art+ae, enfonc$ là;bas dans une vie de cloporte et dans un travail de bRuf. D’est all$ autre partque, deu" jours, à Étretat. 5l en est maintenant, de son roman, à la baisade, une baisadecarthaginoise et, dit;il, ' 5l faut que je monte joliment le bourrichon à mon public il faut que jefasse baiser un homme qui croira enfiler la lune, avec une femme qui croira être bais$e par lesoleil - (1H).

    *uis il nous conte ce mot d’un vo0ou demandant un sou à une lorette chic qui montait en coup$ ' e n’ai pas de monnaie - dit la lorette, et elle dit à son cocher ' Nu bois -. ' Nu bois U Nu boisde lit, punaise - lui cria le vo0ou.

    *uis il nous parle de l’immense impression faite sur lui au coll+ge par 8a'st, par la premi+re page, par le bruit des cloches qui est l’ouverture du livre tellement emport$ par l’impression, qu’au lieude revenir che= lui, se trouva à une lieue de Couen, aupr+s, d’un tir au pistolet, sous une pluie

     battante.

    10 D5=E"#RE :

    :n sortant de l’n*le "illion, je vois Flaubert et 9ouilhet entour$s de gens en casquette, à qui ilsdonnent des poign$es de main, et 9ouilhet nous quitte en nous disant qu’il va au caf$ à cLt$. / cequ’il para#t, les pi+ces à l’Id$on, pour qu’elles aillent, il faut les entretenir de petits verres et de

     poign$es de main

    Flaubert nous contait que pendant qu’il faisait l’empoisonnement de 4adame 9ovar0, il avaitsouffert comme s’il avait une plaque de cuivre dans l’estomac, souffrance qui l’avait fait vomir

    deu" fois, et citant comme une de ses impressions les plus agr$ables celle oM, travaillant à la fin deson roman, il avait $t$ oblig$ de se lever et d’aller chercher un mouchoir qu’il avait tremp$ ettout cela pour amuser des bourgeois

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    Nu fond et dans le vrai, "adame #o$ar%, un chef;d’Ruvre dans son genre, le dernier mot du vraidans le roman, repr$sente un cLt$ tr+s mat$riel de l’art de la pens$e. 6es accessoires 0 vivent autantet presque au même plan que les gens.

    6e milieu des choses 0 a tant de relief autour du sentiment et des passions, qu’il les $touffe presque.!’est une Ruvre qui peint au" 0eu", bien plus qu’elle ne parle à l’Kme. 6a partie la plus noble et la

     plus forte de l’Ruvre tient beaucoup plus de la peinture que de la litt$rature. !’est le st$r$oscope pouss$ à la derni+re illusion.

    6e vrai, c’est le fond de tout art, c’est sa base et sa conscience. 4ais pourquoi l’Kme de l’esprit n’enest;elle pas compl+tement satisfaite U Faudrait;il un alliage de fau" pour qu’une Ruvre circulecomme chef;d’Ruvre dans la post$rit$ U Tui fait que 7a'l et Virinie G ce roman romanesque oM jene sens point le vrai, mais à tout moment l’imagin$ des personnages, le rêve des caract+res Grestera immortellement un chef;d’Ruvre, tandis que "adame #o$ar%, un livre plus fort de toute laforce de la maturit$ à la jeunesse, de l’observation à l’imagination, de l’$tude sur le vif et sur natureà la composition po$tique, "adame #o$ar%, je le sens, restera un prodigieu" effort et ne sera jamaisun livre pareil, une sorte de 9ible de l’imagination humaine U *arce qu’il lui manque ce grain defau", qui est peut;être l’id$al d’une Ruvre.

     "ARDI 1 D5=E"#RE 140 :

     Dous nous d$cidons à aller porter ce matin la lettre que nous a donn$e, sur la recommandation deFlaubert, 4. le docteur Follin pour 4. :dmond 3imon, interne au service de 4. elpeau à l’XLpitalde la !harit$. !ar il nous faut faire pour notre roman de -C'r 7+ilomne, des $tudes à l’hLpital surle vrai, sur le vif

    5l est asse= singulier que ce soit les trois hommes de ce temps, les plus purs de tout m$tier, les trois plumes les plus vou$es à l’art, qui aient $t$ traduits sous ce r$gime sur les bancs de la policecorrectionnelle Flaubert, 9audelaire et nous.

    3 JANVIER 141 :

    !hennevi+res nous apporte sa r$impression des =ontes Normands. :n la refeuilletant, nous vousdisons combien il est triste que cet homme, au lieu de faire de l’art et des inconnus, d’être le*lutarque de Finsonius, n’ait pas fait, avec son talent, revivre des archa2smes du di"i+me si+cle, un

     beau roman normand, longuement $tudi$, d$velopp$.

    :t en coupant ces feuilles, nous apercevons ce qui manque à Flaubert, le d$faut que nous cherchionsdepuis longtemps son roman manque de cRur, de même que ses descriptions manquent d’Kme. 6ecRur dans le talent, un don bien rare, qui ne compte gu+re en ce temps que Xugo en haut, 4urgeren bas, et quand je parle du cRur dans le talent, je ne parle pas du cRur dans la vie, qui est parfois àl’oppos$.

    14 "AR- 141 :

    3choll nous entra#ne ce soir au caf$ de la Cochefoucauld, qui a h$rit$ des habitu$s du petit boui; boui de la rue 6epelletier.

    :t de là, il nous emm+ne finir la soir$e au !af$ Ciche. In voit une tête à la fenêtre. !’est Flaubertqui fait sa rentr$e à *aris et n’a plus que quatre chapitres de son =art+ae à faire. / peine les

     poign$es de main finies. ' Tu’est;ce qui a lu

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    un roman, de rendre une couleur, un ton. *ar e"emple dans mon roman de =art+ae, je veu" fairequelque chose de pourpre. 4aintenant, le reste, les personnages, l’intrigue, c’est un d$tail. Bans

     "adame #o$ar%, je n’ai eu que l’id$e de rendre un ton gris, cette couleur de moisissure d’e"istencede cloportes. 6’histoire à mettre là;dedans me faisait si peur que quelques jours avant de m’0mettre, j’avais con7u "adame #o$ar% tout autrement 7a devait être, dans le même milieu et lamême tonalit$, une vieille fille d$vote et ne baisant pas. :t puis, j’ai compris que ce serait un

     personnage impossible -.:t il nous lit, avec sa voi" retentissante qui a le rauquement d’une voi" de f$roce, mêl$e au ronrondramatique d’une voi" d’acteur, le premier chapitre de -alamm9. En transport $tonnant del’imagination dans une patrie de fantaisie, une invention par vraisemblance, une d$duction de toutesles couleurs locales des civilisations antiques et orientales, tr+s ing$nieuse et qui arrive, par sa

     profusion de tons et de parfums, à être quelque chose d’entêtant. 4ais plus de d$tails que d’effetsd’ensemble, et deu" choses manquant la couleur des tableau" de 4artin et, dans le st0le, la phrasede bron=e d’Xugo.

     DI"AN=E 31 "AR- :

    B$jeuner che= Flaubert avec l’$trange m$nage 3ari et 6agier. 3ari, un brun, cr$pu, de la race desBumas p+re intelligent, verbeu", l’Ril vif, la parole facile et color$e et tr+s fort à la riposte de la

     blague.

     DI"AN=E & AVRI :

     Dous allons passer l’apr+s;midi du dimanche che= Flaubert. 5l 0 a dans son cabinet de travail Ggaiement $clair$ par le grand jour du boulevard du 8emple et qui a pour pendule un 9rahma en boisdor$, sa table grande et ronde avec son manuscrit contre la fenêtre, un grand plat de m$tal àarabesques persanes et au;dessus du grand divan de cuir du fond, le moulage de la 7s%*+é de

     Daples. 5l 0 a, 7à et là, un vieillard à fe= rouge, à air de patriarche, 6ambert, le bras droit du *+re:nfantin, ancien directeur de l’École *ol0technique d’Ég0pte le sculpteur *r$ault avec sa voi"aigrelette et sa mine frit$e, ses gros 0eu" de grenouille un ou deu" anon0mes et un personnagecurieu", le baron de Yrafft, n$ d’un p+re chambellan de l’:mpereur Dicolas et d’une m+re

     prussienne n$ dans la religion grecque, $lev$ par le g$n$ral des $suites et pr$sentementmahom$tan, +adHi G car il a $t$ à la 4ecque G portant, cach$e sous une calotte et sous la coiffureeurop$enne, la m+che des cro0ants pass$e dans un peigne membre de la 3oci$t$ des Xissaoua oM ila le grade de *+amea', c’est;à;dire qu’il mange dans sa convulsion des figues de 9arbarie pleinesd’$pines venant de prendre son si+ge à la !hambre des 3eigneurs de *russe, dont il est membre denaissance et retournant à 8ripoli oM il vit et oM il a une maison mont$e à l’europ$enne.

    [\

    8out le monde parti, nous restons un peu à causer avec Flaubert. Dous parle de sa mani+re de jouer

    et de d$clamer avec fureur son roman qu’il $crit, s’$gosillant tant qu’il $puise de pleines cruchesd’eau, s’enivrant de son bruit jusqu’à faire vibrer un plat de m$tal pareil à celui qu’il a ici, si bienqu’un jour, à !roisset, il se sentit quelque chose de chaud lui monter de l’estomac et qu’il eut peurd’être pris de crachements de sang.

    6e soir, nous allons d#ner avec 3aint;ictor, au passage de l’Ip$ra. Npr+s d#ner, sur le boulevard,faisant mille et mille tours, nous avons, lui et nous, une de ces communions de causerie, qui sont les

     plus douces heures des hommes de pens$e.

    e ne sais comment la conversation est venue sur le progr+s. !’$tait, je crois, à propos de &aiffe etdu s0st+me cellulaire. 6e progr+s, le voilà 5l a remplac$ la torture ph0sique par la torture morale,le brisement du corps par le brisement du cerveau.

    ' 6e progr+s c’est vraiment hideu" Ene chose qui a tout fait monter IM est le temps desromans oM on disait du h$ros ' Nlbert $tait riche, il entretenait des danseuses il avait si" millelivres de rentes - :t *aris, qu’est;ce qu’ils en ont fait U Bes boulevards, des grandes art+res. e me

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    figure qu’il 0 a encore di" ans, il 0 avait des coins, dans des rues ignor$es, oM on pouvait vivrecach$ et heureu".

    ' Tuel si+cle En si+cle à $changer contre le premier venu :t en toutes choses, les falsifications,les sophistications, le mensonge. 3ave=;vous que maintenant, les fines gueules du ocJe0, les vraisgourmets ont che= eu" un pilon pour piler leur poivre eu";mêmes U 6es $piciers le vendent avec dela cendre -.

    *uis, parlant du cercle $troit oM roulent toutes ces cervelles du ocJe0, ' les vins, les danseusesd’Ip$ra et les chevau" -. *arlant du monde oM il n’0 a pas de race, oM les plus grands noms defemmes ont des t0pes de cuisini+res, de revendeuses à la toilette, il nous remet en m$moire ces motsd’un 5sa2e ' ’ai vu les ma#tres à pied et les esclaves à cheval -.

    :t nous pensons avec lui à ce passage de 6a 9ru0+re oM il est dit

    ' !e que j’envie au" riches, ce n’est pas leur opulence, leurs jouissances c’est d’avoir dans leurservice des gens qui leur sont si sup$rieurs -.

     "ARDI AVRI :

    isite de Flaubert. 5l 0 a vraiment che= Flaubert une obsession de 3ade. 5l se creuse la cervelle pourtrouver un sens à ce fou. 5l en fait l’incarnation de lAnti+%sis et va jusqu’à dire, dans ses plus beau" parado"es, qu’il est le dernier mot du catholicisme, la haine du corps. 5l faut que chaquehomme ait sa toquade / e"aminer si de 3ade n’est pas, comme 4arat, un produit de V< U :st;il

     bien vrai que ses livres aient $t$ $crits avant le sang de la 8erreur U

    5l nous raconte cette horrible tentation dont une femme est sortie victorieuse. Ene femme honnête,mari$e, m+re de famille qui, pendant vingt ans, atteinte d’h0st$rie à son fo0er, aupr+s de son mari etde ses enfants, vo0ait des phallus partout, dans les flambeau", dans les pieds des meubles, dans toutce qui l’entourait, et enivr$e, suffoquant, accabl$e de ces images, se disait en regardant la pendule ' Bans un quart d’heure, dans di" minutes, je vais descendre dans la rue pour me prostituer -.

    21 AVRI :!he= Flaubert, vu Fe0deau, accabl$ la pi+ce sur la 9ourse est refus$e, comme inopportune,

     partout. 8hierr0 lui a dit à ce qu’il raconte ' 3ave=;vous pourquoi ils vous ont refus$ U ous ave=trop de talent. e mettrai cela dans ma pr$face - dit Fe0deau. ’ai rarement vu à ce point unhomme parler de lui comme d’un grand homme. 5l 0 a des orgueils de lion, Fe0deau a une vanit$ decheval.

    Fe0deau parti, Flaubert nous consulte sur un chapitre de la =art+ae. !’est la description d’unchamp de bataille de l’horreur $num$r$e. In voit ses deu" lectures, de 3ade et !hateaubriand. Eneffort pareil à celui des "art%rs. ]uvre rare d’ing$niosit$, sublime de patience. 4ais livre fau".

    *uis nous causons de la difficult$ d’$crire une phrase et de donner du r0thme à sa phrase. 6e r0thmeest un de nos go?ts et de nos soins mais che= Flaubert, c’est une idolKtrie. En livre, pour lui, est

     jug$ par la lecture à haute voi". ' 5l n’a pas le r0thme - 3’il n’est pas coup$ selon le jeu des poumons humains, il ne vaut rien. :t de sa voi" vibrante, à l’emphase sonore qui balance des $chosde bron=e, il d$clame en le chantant un morceau des "art%rs. ' :st;ce r0thm$ cela U !’est commeun duo de fl?te et de violon :t so0e= s?r que tous les te"tes historiques restent parce qu’ils sontr0thm$s. 4ême dans la farce, vo0e= 4oli+re dans "onsie'r de 7o'r*ea'na* et dans le "alade

     Imainaire, 4. *urgon -. :t il r$cite, de sa voi" de taureau, toute la sc+ne.

     DI"AN=E 2 AVRI :

    !he= Flaubert.

    6orsqu’il alla, avant d’aller che= 6$v0, proposer "adame #o$ar% à $diter à acottet et à la 6ibrairie Douvelle, acottet lui dit ' !’est tr+s bien, votre livre *’est *iselé. 4ais vous ne pouve= pasaspirer au succ+s d’Nm$d$e Nchard. e ne puis m’engager à vous faire para#tre cette ann$e.

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    ' !’est cisel$ rugit Flaubert. e trouve 7a d’une insolence de la part d’un $diteur En $diteur vouse"ploite, mais il n’a pas le droit de vous appr$cier. ’ai toujours su gr$ à 6$v0 de ne m’avoir jamaisdit un mot de mon livre -.

     ;NDI 4 "AI :

    / > heures, nous sommes che= Flaubert, qui nous a invit$s à une grande lecture de -alamm9, avec

    un peintre que nous trouvons là, &le0re, un monsieur en bois, l’air d’un mauvais ouvrier,l’intelligence d’un peintre gris, l’esprit terne et ennu0eu".

    Be > heures à O heures, Flaubert lit avec sa voi" mugissante et sonore qui nous berce dans un bruit pareil à un ronronnement de bron=e. / Q heures, on d#ne et Flaubert, qui a $t$ fort li$ avec *radier,nous conte sur lui ce joli trait. N0ant envo0$ à sa fille, une enfant, un bKton de sucre de pommecomme une colonne G pour lequel il avait $t$ oblig$ de faire faire un moule sp$cial che= unconfiseur de Couen, un sucre de pomme de cent francs G il apprit par les enfants d$sol$s que lesucre de pomme $tant arriv$ avec une fracture dans la caisse, *radier, l’a0ant recoll$ artistement,alla le porter à 4. de 3alvand0.

    *uis, apr+s le d#ner, une pipe fum$e, la lecture recommence et nous allons de lectures en r$sum$s de

    ce qu’il ne lit pas, jusqu’à la fin du dernier chapitre fini, la baisade de 3alammbL et de 4athL. 5l est% heures du matin quand nous en sommes là.

    e vais $crire ici ce que je pense, au fond de moi, de l’Ruvre d’un homme que j’aime G et ils sontrares, ceu";là G d’un homme dont j’ai admir$ la premi+re Ruvre.

    -alamm9 est au;dessous de ce que j’attendais de Flaubert. 3a personnalit$, si bien dissimul$e,absente dans l’Ruvre si impersonnelle de "adame #o$ar%, fait jour ici, renfl$e, m$lodramatique,d$clamatoire, roulant dans l’emphase, la grosse couleur, presque l’enluminure. Flaubert voitl’Irient et l’Irient antique, sous l’aspect des $tag+res alg$riennes. 5l 0 a des effets enfantins,d’autres ridicules. 6a lutte avec !hateaubriand est le grand d$faut qui Lte l’originalit$ du livre. 6es

     "art%rs 0 percent à tout moment.

    *uis il 0 a une grande fatigue dans ces $ternelles descriptions, dans ces signalements, bouton à bouton, des personnages, dans ce dessin miniatur$ de chaque costume. 6a grandeur des groupesdispara#t par là.

    6es effets deviennent menus et concentr$s sur un point les robes marchent sur les visages, les pa0sages sur les sentiments.

    6’effort sans doute est immense, la patience infinie, le talent rare pour avoir essa0$ de reconstruiredans son d$tail une civilisation disparue. 4ais pour cette Ruvre, impossible selon moi, Flaubert n’a

     point trouv$ d’illuminations, de ces r$v$lations par analogie, qui font retrouver un morceau del’Kme d’une nation qui n’est plus.

    5l croit avoir fait une restitution morale c’est la ' couleur morale - qu’il est tr+s fier d’avoirrendue. 4ais cette couleur morale est la partie la plus faible de son livre. 6es sentiments de ses personnages ne sont pas des sens de la conscience, perdus avec une civilisation ils sont lessentiments banau" et g$n$rau" de l’humanit$ et non de l’humanit$ carthaginoise et son 4athLn’est, au fond, qu’un t$nor d’op$ra dans un po+me barbare. In ne peut nier que par la volont$ la

     pr$cision de la couleur locale, emprunt$e à toutes les couleurs locales de l’Irient, il n’arrive parmoments à un transport des 0eu" et de la pens$e dans le monde de son roman mais il donne bien

     plus l’$tourdissement que la vision. 6es tableau", dont tous les plans sont au même plan, se mêlentet s’embrouillent. 8out $clate, aussi bien à l’hori=on que tout pr+s de vous. :t de la monotonie des

     proc$d$s, aussi bien que de l’$clat permanent des teintes, vient une lassitude oM l’attention roule etse perd.

    !e qui m’a le plus $tonn$, c’est de ne point, trouver, dans cette nouvelle Ruvre de Flaubert, dust0le, un livre bien $crit, des phrases p$tries avec l’id$e. !haque phrase, presque, porte unecomparaison au bout d’un *omme, comme un flambeau porte une bougie. 6a m$taphore ne

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    s’incarne pas dans le corps de ce qu’il $crit. 3a langue e"prime la pens$e, mais elle n’en est pas poss$d$e et pleine. 9eaucoup de comparaisons fines, d$licates, charmantes, mais qui ne sont pasfondues dans la trame du r$cit, qui ne font pas corps avec lui, qui 0 sont accroch$es. *oint de bellesonorit$ de pens$e, e"prim$e et sonnante dans la sonorit$ des mots, quoi qu’il la recherche tant.*oint de cadence accommod$e à la douceur de ce qu’il veut dire point de ces raret$s du ton quicharment, tournures $l$gantes de la phrase, d$licieuses comme la tournure $l$gante d’une femme.

    :nfin, pour moi, dans les modernes, il n’0 a eu jusqu’ici qu’un homme qui ait fait la trouvailled’une langue pour parler les temps antiques c’est 4aurice de &u$rin dans le =enta're.

     DI"AN=E 12 "AI :

    Flaubert nous dit de =art+ae : ' ’aurai fini au mois de janvier. ’ai encore QW pages à faire, à 1W pages par mois -.

    1 "AI :

    &rand d#ner che= nous Benner0, &isette, ulie, !harles;:dmond, Flaubert, 9ouilhet, &avarni.B#ner gai et terne. Npr+s d#ner, les deu" femmes demandent des livres obsc+nes, pour regarder lesimages dans le salon.

     ;NDI 2 =

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    4me !olet. 6’histoire de l’album, dans son fameu" roman 'i, est absolument fausse. Flaubert a lere7u des huit cents francs (

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    attendent pêle;mêle, personnages, agents de change, courtiers avec les gar7ons de bureau, une$galit$ devant Cothschild, absolue comme l’$galit$ devant la mort Cothschild 0 entre le chapeausur la tête. amais un salut, tous s’inclinent.

    11 "AR- :

     Dous allons visiter les catacombes avec Flaubert. Bes os si bien rang$s que ceu";là rappellent les

    caves de 9erc0. 5l 0 a un ordre administratif qui Lte tout effet à cette biblioth+que de crKnes. *uisl’ennui de tous ces *arisiens loustics, un v$ritable train de plaisir dans un ossuaire, qui s’amusent à jeter des la==i dans la bouche du D$ant cela crispe.

     DI"AN=E 23 "AR- :

     Dous sommes à attendre Flaubert dans l’entr$e du !af$ de la *orte 3aint;4artin, rende=;vous desgens de th$Ktre, au;dessous du billard appel$, je ne sais pourquoi, le -al'to. Flaubert arrive,superbe, en gilet blanc et avec l’air de sortir d’un grand $tonnement ' e viens de che= la 8ourbe0et devine= avec qui je l’ai trouv$e en tête à tête U Nvec ules 6ecomte -

    *uis, de là, nous ouvre un aper7u tr+s vraisemblable sur l’espionnage du *rince par cette femme,aid$e dans ce m$tier par 6ecomte, et nous conte que l’autre dimanche, che= 4me !ornu G la

    femme du peintre, l’amie de l’:mpereur, la femme savante par e"cellence, collant les plus forts enarch$ologie, t0pe de 4me Bacier, modeste. 4me !ornu lui a demand$ des renseignements sureanne et a fini par lui dire ' :lle fait un vilain m$tier. e sais qu’elle a re7u 1WW.W1W francs de la

     police -. :t elle a dit ce ' je sais - comme une personne parfaitement bien inform$e.

    6es plis cachet$s, apport$s l’autre jour dans la loge de 8ourbe0 $taient positivement les $preuves dudiscours du *rince G / peine si j’avais os$ le deviner.

    !omme 6agier joue la

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    action qui serait l’an$antissement des uns par les autres, d’une soci$t$ qui, bas$e sur l’Nssociationdes 8rei=e, verrait l’avant;dernier de ses survivants, un homme politique, envo0$ à la guillotine parle dernier, qui serait un magistrat, et cela pour une bonne action (O).

    5l voudrait aussi faire deu" ou trois petits romans, non incident$s, tout simples, qui seraient le mari,la femme, l’amant (Q).

    6e soir, apr+s d#ner, nous poussons jusque che= &autier, à Deuill0, que nous trouvons encore à table,à neuf heures, fêtant le prince Cad=iZill, qui d#ne, et un petit vin de *ouill0 qu’il proclame tr+sagr$able. 5l est tr+s gai, tr+s enfant. !’est une des grandes grKces de l’intelligence.

    6’on se l+ve de table, l’on passe dans le salon. 6’on demande à Flaubert de danser l’Idiot des-alons. 5l demande l’habit de &autier, il rel+ve son fau";col, je ne sais pas ce qu’il fait de sescheveu", de sa figure, de sa ph0sionomie, mais le voilà tout à coup transform$ en une formidablecaricature de l’h$b$tement. &autier, plein d’$mulation, Lte sa redingote et tout suant et tout perlant,son gros derri+re $crasant ses jarrets, nous danse le 7as d' =réan*ier. :t la soir$e se termine par deschants boh+mes, des m$lodies terribles dont le prince Cad=iZill jette admirablement les notesstridentes et rugissantes.

     DI"AN=E 4 AVRI :/ d$jeuner che= Flaubert, 6agier raconte ses amours avec YRnigsZarter, banquier et d$put$ au!orps l$gislatif, commenc$es dans le trajet de *aris à ille d’Nvra0, en chemin de fer. :lle allait àersailles coucher avec un tas d’officiers. 3on plaisir $tait de grignoter et de manger à peu pr+s les

     paniers de fruits que le mari apportait à sa femme, en sorte qu’il $tait oblig$ de les jeter avantd’arriver.

    !omme elle part jouer ces jours;ci à 6ille, a demand$ tout de suite si c’$tait une ville de garnison.:lle adore les officiers. B’abord, comme femme, à cause de l’uniforme, puis comme fille, parce queles officiers la prennent au s$rieu". :ncore, pour elle, un charme d’officier un officier a toujoursdans une armoire des biscuits, du chocolat 4enier, une robe de chambre à pattes dans le dos et des

     pantoufles en tapisserie. *uis des attentions l’un, lui, avait toujours le cosm$tique de 6ubin dontelle avait l’habitude. *uis des r$cr$ations ' Bescendons voir cocotte -. !’est le cheval ' Nllons,ma belle 8iens, donne;lui franchement un morceau de sucre Fran7ois, il faudra arranger cette

     bête;là, Lter de la paille -.

    ' :t puis, ils se donnent de vrais coups d’$p$e pour vous e suis pour *hRbus -

    / Flaubert ' 8oi, tu es le panier à ordures de mon cRur je te confie tout 4ange;t;on U ’ai unapp$tit à d$sillusionner un jeune homme de di";huit ans *assons le torchon de l’oubli 8u sais,un amour, quand on est jeune Tu’on met des fleurs s$ch$es dans un livre, des signets avec desfeuilles cueillies dans les vall$es -

     DI"AN=E ! "AI :

    !es dimanches pass$s, au boulevard du 8emple, che= Flaubert, sauvent de l’ennui du dimanche. !esont des causeries qui sautent de sommet en sommet, remontent au" origines du paganisme, au"sources des dieu", fouillent des religions, vont des id$es au" hommes, des l$gendes orientales aul0risme d’Xugo, de 9ouddha à &Rthe. In feuillette du souvenir les chefs;d’Ruvre, on se perd dansles hori=ons du pass$, on parle, on pense tout haut, on rêve au" choses ensevelies, on retrouve et ontire de sa m$moire des citations, des fragments, des morceau" de po+tes pareils à des membres dedieu"

    *uis, de là, on s’enfonce dans tous les m0st+res des sens, dans l’inconnu et l’ab#me des go?ts bi=arres, des temp$raments monstrueu". 6es fantaisies, les caprices, les folies de l’amour charnel

    sont creus$s, anal0s$s, $tudi$s, sp$cifi$s. In philosophe sur de 3ade, on th$orise sur 8ardieu.6’amour est d$shabill$, retourn$ on dirait des passions pass$es au sp$culum. In jette enfin, dansces entretiens G v$ritables cours d’amour du A5Ae si+cle G les mat$riau" d’un livre qu’on n’$crira

     jamais et qui serait pourtant un beau livre l’istoire Nat'relle de l’Amo'r.

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    ! "AI :

    In pourrait appeler les dimanches de Flaubert les !ours d’amour du co2t.

    "AI :

     Dous allons voir anin avec Flaubert et 3aint;ictor. 8out est fau" che= ce fau" bonhomme, jusqu’au rire qui est un rire th$Ktral.

    20 "AI :

    6e soir, che= Flaubert, fin de la lecture de -alamm9. Bans cette Ruvre, ce qui domine toutes lescritiques de d$tail, c’est la mat$rialisation du path$tique, le retour en arri+re, le retour à tout ce quifait l’Ruvre d’Xom+re inf$rieur au" Ruvres de notre temps, la souffrance ph0sique prenant toute la

     place de la souffrance morale, le roman du corps et non le roman de l’Kme.

    21 "AI :

    Flaubert, au fond, une grosse nature qu’attirent les choses plutLt grosses que d$licates, qui n’esttouch$ que par des qualit$s de grandeur, de grosseur, d’e"ag$ration, dont la perception de l’art estcelle d’un sauvage. 5l aime, en un mot, le peinturlurage, la verroterie, c’est une esp+ce d’Xom+re

    d’Ita2ti. Dote= che= lui un d$ploiement furieu" de gestes, de fi+vres de voi", de t$moignagesviolents de toutes sortes G et là;dessous, cependant, toujours l’arrêt prudent et bourgeois. :t le

     pousse=;vous, vous le trouvere= toujours rest$ au seuil de l’e"c+s.

    Nutre m$lange sous la pr$dication de l’indiff$rence et du m$pris du succ+s, vous rencontrere= desmen$es, du secret, des souterrains, une habile conduite de la vie pour arriver au succ+s, toutefoissans qu’il 0 ait rien que de parfaitement lo0al.

    !’est un homme qui, par l’emportement qu’il donne à ses opinions, semble les avoir faites etcependant, elles viennent de ses lectures plus que de lui;même. / tout moment, on 0 touche sousl’ind$pendance de quelques;unes, la peur de l’opinion publique, un peu de provincial pour toutes lesautres. :n un mot, c’est un homme tr+s inf$rieur à ses livres et qui serait la meilleure preuve à

    l’appui du mot de 9uffon ' 6e g$nie, c’est la patience -.

    ’$crivais cela quand 9ouilhet entre, et il me parle de la susceptibilit$ infinie de Flaubert. 5l meraconte que, dans le temps, 4a"ime du !amp s’$tant permis quelques critiques contre son -aint?

     Antoine qu’il lui lisait, Flaubert en avait $t$ trois mois malade, en avait eu la jaunisse, ce qui avaitfort refroidi la m+re de Flaubert à l’$gard de son ami.

    S =

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    VENDREDI 21 NVE"#RE :

    Flaubert, que je rencontre che= 3aint;ictor, me semble gên$ avec moi. 5l 0 a une glace, je le sens,subitement tomb$e entre lui et moi, sans doute à cause de l’article que 3ainte;9euve m’a annonc$dimanche, en me demandant les $preuves de la 8emme a' VIII e si*le. 5l 0 a du Dormand, et du

     plus matois et du plus renforc$, je commence à le croire, au fond de ce gar7on si ouvertd’apparence, e"ub$rant de surface, la poign$e de main si large, faisant avec tant d’$clat un si grandfi du succ+s, des articles, des r$clames G et que je vois depuis l’histoire et le coup de grosse caissede son fau" trait$ avec 6$v0, souterrainement accepter le bruit, les relations, travailler son succ+scomme pas un et se lancer, avec des allures modestes, à une concurrence face à face avec Xugo.

     DI"AN=E 23 NVE"#RE :

    !he= Flaubert, la 6agier qui devient monstrueuse. :lle a l’air de passer en fraude, sous sa robe, trois potirons à la barri+re ses deu" t$tons et son ventre. Dous e"pose ses th$ories transcendentales surla jouissance. Ene femme, selon elle, ne peut jouir qu’avec les gens au;dessous d’elle, parcequ’avec un homme propre, il 0 a toujours un reste de pudeur, une pr$occupation de sa pose, unsouci de la jouissance du artner.

    [\6’immense orgueil voil$ de Flaubert se per7oit dans -alamm9. !’est le format, ce sont les affichesd’Xugo, ce sont les caract+res mêmes du titre des =ontemlations.

    En peu de froid continue avec nous Dous sommes coupables à ses 0eu" d’un d$tournement de3ainte;9euve Be tous cLt$s, je per7ois des souterrains en lui. 3ourdement, il se pousse à tout, noueses relations, fait un r$seau de bonnes connaissances tout en faisant le d$go?t$, le paresseu", lesolitaire. 6’autre jour, il m’avait montr$ une lettre de la de 8ourbe0, l’invitant à d#ner, en lui disant ' In d$sire vous voir -. 5l m’avait dit qu’il n’irait pas, qu’il ne se souciait pas de voir ce on qui estle *rince (1W). 5l 0 est all$, je l’ai su par 3ainte;9euve, hier.

    1er D5=E"#RE :

     Dous allons remercier 3ainte;9euve, de l’article qu’il a fait ce matin dans le =onstit'tionnel, surnotre 8emme a' 1e si*le. 5l demeure rue 4ontparnasse.

    5l est e"asp$r$ contre -alamm9, soulev$, $cumant à petites phrases. ' B’abord, c’est illisible :t puis, c’est de la trag$die. !’est du dernier classique. 6a bataille, la peste, la famine, ce sont desmorceau" à mettre dans les cours de litt$rature !’est du 4armontel, du Florian ’aime mieu"

     Duma *ompilius -. *endant pr+s d’une heure, quoi que nous disions en faveur du livre, G il fautd$fendre les camarades contre les critiques G il s’e"hale, il vomit sa lecture (11).

    3 D5=E"#RE :

    e lis dans le 8iaro une attaque contre Flaubert, finissant ainsi ' !’est le genre $pileptique -!’est un bruit r$pandu que Flaubert est $pileptique de là, le poison, une infamie 6es lettres, oh c’est là qu’on est habile dans l’art des supplices 6’envie, là;dessus, d$passe la !hine. 6’article,sign$ Barg+s, est, a dit 6$v0, de 6escure. En tel mot juge un homme.

    4 D5=E"#RE :

    Flaubert est venu me voir dans la journ$e, hier. e lui avais dit à peu pr+s ce que m’avait dit 3ainte;9euve. 5l n’avait pu se tenir. 5l avait laiss$ $chapper une col+re d’humiliation. 6e mot traédie etl’$pith+te *lassiF'e l’avaient bless$ au sang et s’ouvrant à fond sous le coup, il m’avait dit à deu"minutes de là ' Nh 7a c’est une canaille, notre ami 3ainte;9euve !’est un plat valet aupr+s du*rince Dapol$on :t puis il est ignoble c’est un cochon -

    Nu reste, l’orgueil se montrait à jour. 5l nageait dans sa vanit$. 5l 0 avait -alamm9, et c’$tait tout.Nutour, tout avait disparu. 6e Dormand, par moments, $clatait. 5l parlait d’envo0er des huissiers àun journal qui avait tronqu$ une citation de lui. :t il parlait à cRur ouvert et librement d’Xugo,

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    comme d’un concurrent qu’il n’avait plus à m$nager. 5l secouait toute politesse envers ce dieu pass$, fini, $teint, mort sous lui.

    !’est ce soir le d#ner de notre 3oci$t$, baptis$e la 3oci$t$ &avarni, che= 4agn0. !omme j’entre, jevois Flaubert qui accapare 3ainte;9euve et qui, avec de grands gestes, essaie de le convaincre del’e"cellence de son Ruvre

    [\6e premier mot de Flaubert, en sortant, est ' 5l est tr+s radouci, le p+re 3ainte;9euve. 5l me feratrois articles. 5l me fera des e"cuses dans le dernier -. :t presque imm$diatement, il ajoute ' !’estun homme charmant -.

    6’orgueil, de plus en plus, est gonfl$ che= lui jusqu’à en crever. ' 5l a beaucoup corrig$, nous dit;il,la 8ann%, de Fe0deau - et depuis, Fe0deau, a0ant eu de moins en moins recours à lui, il n’est pas$tonnant qu’il ait tant baiss$.

    *lein de parado"es, ses parado"es sentent, comme sa vanit$, la province. 5ls sont grossiers, lourds, p$nibles, forc$s, sans grKce. 5l a le c0nisme sale. 3ur l’amour, dont il cause souvent, il a toutessortes de th+ses alambiqu$es, raffin$es, des th+ses de parade et de pose. Nu fond de l’homme, il 0 a

     beaucoup du rh$teur et du sophiste. 5l est à la fois grossier et pr$cieu" dans l’obsc$nit$. 3url’e"citation que lui donnent les femmes, il $tablira mille subdivisions, disant de celle;ci qu’elle luidonne seulement envie de lui embrasser les sourcils de celle;là, lui baiser la main d’une autre, luilisser les bandeau", mettant du compliqu$ et du recherch$, de la mise en sc+ne et de l’arrangementd’homme fort dans ces choses si simples G par e"emple en nous contant sa baisade avec !olet,$bauch$e dans une reconduite en fiacre, se peignant comme jouant avec elle un rLle de d$go?t$ dela vie, de t$n$breu", de nostalgique, de suicide, qui l’amusait tant à jouer et le d$ridait tant au fondqu’il mettait le ne= à la porti+re pour rire à son aise.

    5l nous proteste, en passant, que le moderne l’ennuie, l’assomme, lui fait horreur qu’il ne sent point de contact avec ces gens qui passent, point d’envie d’entrer dans leur peau pour faire un

    roman qu’une *eau;Couge est cent fois plus pr+s de lui, le touche de plus pr+s que tous ces gens;làque nous vo0ons sur le boulevard.

    Q D5=E"#RE :

    Bu haut d’un quatri+me, c’est $tonnant comme des hommes, une masse d’hommes, ne semblent plus des individus, des êtres humains, des semblables, du prochain mais une esp+ce de troupeau,une fourmili+re, une bête $norme qui grouille et remue. Bans la rue, vous vous sente= convo0erl’Kme par un passant. Be là;haut, votre pens$e lui marche sur la tête comme sur quelque chosed’anon0me, d’inconnu, d’$tranger, qui est en bas, là;dessous. !ela, c’est l’optique du trLne l’:mpereur, la !our, les soldats, les laquais, les voitures passaient, pendant que je pensais à cela à lafenêtre de Flaubert, au boulevard du 8emple.

     "ER=REDI 10 D5=E"#RE :

    -alamm9, tout ce que donne le travail, rien de plus 6e chef;d’Ruvre de l’application, voilàabsolument tout.

     DI"AN=E 1! D5=E"#RE :

    Flaubert regrette une grosse barbarie, un Kge de force, de d$placement de nudit$, une +re primitiveet sadique, l’Kge sanguin du monde des batailles, des grands coups des temps h$ro2ques,sauvages, tatou$s de couleurs crues, charg$s de verroteries.

     JE;DI 1 D5=E"#RE :

    :st;ce qu’en nous;mêmes, d’une ann$e à une autre, se ferait le travail qui se fait d’un temps à la post$rit$, le travail de s$v$rit$, de r$vision, de justice d$finitive, de classement absolu U e relisvingt lignes de "adame #o$ar% et je ne sais si je suis amen$ à cela par la lecture de -alamm9,

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    mais le proc$d$ mat$riel de la description infinit$simale de toutes choses, d’un reflet comme d’un petit pain dans une serviette, me saute au" 0eu" avec son ridicule, son effort, ses fau" effets, samis+re. e cro0ais bien que 8ann% ne descendait pas de là de si pr+s.

    -A"EDI 2& D5=E"#RE :

    6’originalit$ n’est pas d’aller chercher de l’originalit$ à !arthage, mais à cLt$ de soi. 5l 0 a là;

    dedans du provincial, comme aller en Irient pour $tonner les Couennais. Flaubert, je le d$finiraisd’un mot un homme de g$nie de province.

    2 D5=E"#RE :

    Flaubert n’a aucun sentiment artistique. 5l n’a jamais achet$ un objet d’art de vingt;cinq sous. 5l n’a pas, che= lui, une statuette, un tableau, un bibelot quelconque. 5l parle pourtant d’art avec fureur mais ce n’est que parce que, litt$rairement, l’art est une note distingu$e, 9on enre, qui couronne unhomme qui a un st0le artiste, et puis, c’est anti;bourgeois. 5l a pris l’antiquit$ à l’aveuglette et deconfiance, parce que là est le beau reconnu. 4ais trouver le beau non d$sign$, non officiel, d’unetoile, d’un dessin, d’une statue saisir son angle aigu, p$n$trant, s0mpathique, il en est absolumentincapable. 5l aime l’art comme les sauvages aiment un tableau en le prenant à l’envers.

    11 Han$ier :

    Flaubert nous conte que, quand il $tait enfant, il s’enfon7ait tellement dans ses lectures, en setortillant une m+che de cheveu" avec les doigts et en se mouillant la langue, qu’à un moment, iltombait à terre, net. En jour, il se coupa le ne= en tombant contre une vitre de biblioth+que.

    !he= lui, un jeune $tudiant en m$decine, *ouchet, s’occupant fort de tatouage, nous en conte detoutes les couleurs. :ntre autres, un for7at, qui avait sur le front comme imprim$ ' 7as de*+an*e -, et un autre, un calvaire à chaque cuisse, et une fille  i9erté, 5alité, 8raternité sur leventre.

    21 Han$ier :

     Dous avions re7u cette semaine une carte d’invitation pour passer ce soir la soir$e che= la *rincesse4athilde. Dous pensions surtout, à cause de l’anniversaire (1) trouver une soir$e intime, la queue del’un de ses d#ners de mercredi. Dous sommes fort surpris de trouver l’hLtel illumin$, les lumi+resd’une grande fête, filtrant entre les volets des fenêtres, et un hallebardier dans l’antichambre.

    [\

    Flaubert est là, à cLt$ de nous. 8ous trois, nous faisons un groupe d’originau". Dous sommes à peu pr+s les trois seuls non d$cor$s. :t puis, je r$fl$chis encore, en nous vo0ant tous les trois, que tousles trois, le gouvernement de cet homme qui est là, la justice de ce même empereur, assis là et quenous touchons presque du coude, nous a traduits en police correctionnelle pour outrage au" mRurs 5ronie que tout cela

    23 Han$ier :

    Flaubert tient du m$decin du vieu" Bemidoff le r$cit suivant de sa mani+re de baiser. Bemidoffdans un fauteuil, deu" laquais derri+re lui, l’un avec une pince à sucre de vermeil pour lui remettrela langue dans sa bouche (Buverger dit de lui ' 3a langue sort toujours, sa queue jamais -). 6eslaquais, graves et en livr$e, une serviette à la main. En m$decin lui tKte le pouls. Bevant lui, laBuverger nue. :ntre un gros chien de 8erre;Deuve qui essaie de le mettre à la Buverger. ' ite ite - crie le m$decin au moment oM Bemidoff commence à $riger. :t la Buverger se pr$cipite etle suce.

    24 Han$ier :

    Flaubert me contait, un de ces soirs, que son grand;p+re paternel, vieu" bon m$decin, a0ant pleur$dans une auberge en lisant dans un journal l’e"$cution de 6ouis A5, arrêt$ et tout pr+s d’êtreenvo0$ au 8ribunal r$volutionnaire de *aris, fut sauv$ par son p+re, alors Kg$ de Q ans, auquel sa

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    grand’m+re apprit un discours path$tique, qu’il r$cita avec le plus grand succ+s à la 3oci$t$ populaire de Dogent;sur;3eine (%).

    2 Han$ier :

     Dous d#nons ce soir che= la *rincesse 4athilde. 5l 0 a DieuZerJerJe, un savant du nom de *asteur,3ainte;9euve et !hesneau, le critique d’art de l’inion Nationale,

    [\e lui demande si le costume de 3alammbL tient, pour l’5mp$ratrice. :lle me r$pond d’un ton tr+ssec pour Flaubert ' !’est impossible -

    [\

    6e progr+s U 6es ouvriers cotonniers de Couen mangent en ce moment des feuilles de col=a, lesm+res font inscrire leurs filles sur les registres de prostitution.

     "er*redi 11 fé$rier :

    B#ner che= la *rincesse, avec 3ainte;9euve, Flaubert, DieuZerJerJe, Ceiset, du 6ouvre, 4. et 4me

    *ichon, qui sait le persan et nous regarde avec un Ril h0st$rique de quarante ans.[\

    Cetour avec Flaubert, e"pansion de minuit, une demi;heure, avant de monter dans le fiacre.!auserie sur son roman moderne, oM il veut faire tout entier, et le mouvement de 1SW et 1S>S et l’:mpire. ' e veu" faire tenir l’Ic$an dans une carafe -. Nu fond, singulier proc$d$ pour faire un roman puis, pourl’arch$ologie, lit $ron et 6ouis 9lanc (

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     Dous allons avec Flaubert au petit bal masqu$ ' intime -, donn$ par 4arc Fournier, le directeur dela *orte 3aint;4artin, à la *orte 3aint;4artin. Dous arrivons avant que les chandelles ne soientallum$es, dans l’appartement de Fournier.

    -amedi 21 fé$rier :

    B#n$ che= !harles :dmond, un acteur qui ressemble tout bonnement à un monsieur quelconque, et

     Defft=er, un gros bonhomme germain, le teint frais, rose, un Ril d’enfant, un rire d’allemand, unegrosse nature fine.

    Flaubert a avec les femmes une certaine obsc$nit$ de propos, qui d$go?te les femmes et aussi un peu les hommes.

    22 fé$rier :

    !he= Flaubert, le 6agier, c’est;à;dire une causerie grasse, le l’esth$tique scatologique. In cause desactrices d$rang$es de ventre, merdeuses, foireuses, diarrh$euses, les femmes qui perdent leursl$gumes, selon son mot &eorge, Cachel et *less0, les trois gloires de cette s$rie.

    Vendredi 2& fé$rier :

    3u=anne 6agier nous donne à d#ner, à Flaubert, 3aint;ictor, !av$, 3ari, &autier et nous, dans sonnouvel appartement de la rue 3aint;&eorges. !’est dans une maison de femmes entretenues, oM, àchaque palier, les portes sont l’une à cLt$ de l’autre. !ela ressemble à un colombarium de

     prostitution.

    1er mars

    !’est le dernier dimanche de Flaubert, qui repart s’enterrer dans le travail, à !roisset.

    En monsieur arrive, mince, un peu raide, maigre, avec un peu de barbe ni petit, ni grand, un p+tesec l’Ril bleuKtre sous ses lunettes une figure d$charn$e, un peu effac$e, qui s’anime en parlant un regard qui prend de la grKce en vous $coutant, une parole douce, coulante, peu tombante de la

     bouche, qui montre les dents c’est 8aine.2 mars :

    [\

    !’est un Dormand que Flaubert. 5l m’a avou$ qu’il disait à 3ainte;9euve qu’il ne baisait pas, pourm$nager sa jalousie.

    [\

    1 mai :

     Dotre ami Flaubert est pour un livre le plus grand th$oricien qui soit. 55 veut faire tenir dans le livre

    qu’il m$dite tout).

    22 mai :

    Npr+s d#ner avec Flaubert et 9ouilhet G qui, maintenant, à 4antes, apprend le chinois pour faire un po+me chinois. Dous arrivons rue de 9ond0, au bo0au noir encombr$ de blouses, au milieu duquels’ouvre la porte des coulisses de la *orte 3aint;4artin.

     Je'di 2 o*to9re, O =roisset, rs Ro'en :

     Dous trouvons, au d$barcad+re du chemin de fer, Flaubert avec son fr+re, chirurgien en chef del’XLpital de Couen, un tr+s grand et m$phistoph$lique gar7on à grande barbe noire, maigre, le profild$coup$ comme l’ombre d’un visage, le corps balanc$ sur lui;même, souple comme une liane (H)

     Dous roulons en fiacre jusqu’à !roisset, une jolie habitation à la fa7ade 6ouis A5, pos$e au basd’une mont$e sur le bord de la 3eine qui semble ici le bout d’un lac et qui a un peu de la vague de lamer.

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     Dous voilà dans ce cabinet du travail obstin$ et sans trêve, qui a vu tant de labeur et d’oM sont sortis "adame #o$ar% et -alamm9.

    Beu" fenêtres donnent sur la 3eine et laissent voir l’eau et les bateau" qui passent trois fenêtress’ouvrent sur le jardin, oM une superbe charmille semble $ta0er la colline qui monte derri+re lamaison. Bes corps de biblioth+que en bois de chêne, à colonnes torses, plac$s entre ces derni+resfenêtres, se relient à la grande biblioth+que qui fait tout le fond ferm$ de la pi+ce. :n face, la vue du

     jardin, sur des boiseries blanches, une chemin$e qui porte une pendule paternelle en marbre jaune,avec buste d’Xippocrate en bron=e. / cLt$, une mauvaise aquarelle, le portrait d’une petite anglaiselangoureuse et maladive qu’a connue Flaubert à *aris (O). *uis des dessus de bustes à dessinsindiens, encadr$s comme des aquarelles, et l’eau;forte de !allot, une

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     presque effra0$e de son immobilit$. *oint de mouvement il vit dans sa copie et dans son cabinet.*oint de cheval, point de canot.

    8oute la journ$e, sans se reposer d’une voi" tonnante, avec des $clats de voi" de th$Ktre de boulevard, il nous a lu son premier roman, $crit en quatri+me, et qui n’a d’autre titre, sur lacouverture, que 8raments de -t%le F'el*onF'e. 6e sujet est la perte du pucelage d’un jeune hommeavec une putain id$ale. 5l 0 a dans le jeune homme beaucoup de Flaubert, des esp$rances,aspirations, m$lancolie, misanthropie, haine des masses. 8out cela, sauf le dialogue qui n’e"iste pas,est d’une puissance $tonnante pour son Kge. 5l 0 a d$jà là, dans le petit d$tail du pa0sage,l’observation d$licate et charmante de "adame #o$ar%. 6e commencement de ce roman, unetristesse d’automne, est une chose qu’il pourrait signer à l’heure qu’il est. :n un mot, cela, malgr$ses imperfections, est tr+s fort.

    !omme repos, avant d#ner, il a $t$ fouiller dans toutes ses d$froques, costumes et souvenirs devo0ages. 5l a remu$ avec joie toute sa mascarade orientale et le voilà nous costumant et secostumant, superbe sous le tarbouch, une tête de 8urc magnifique, avec ses beau" traits gras, sonteint plein de sang et sa moustache tombante. :t il finit par retirer, en soupirant, la vieille culotte de

     peau de ses longs vo0ages, la regardant avec l’attendrissement d’un serpent qui regarderait sa vieille

     peau.:n cherchant son roman, il a trouv$ des papiers pêle;mêl$s qu’il nous lit ce soir.

    !’est la confession autographe du p$d$raste !hollet, qui tua son amant par jalousie et fut guillotin$au Xavre, avec tout le d$tail de sa passion.

    !’est la lettre d’une putain, offrant toutes les Ruvres de sa tendresse à un mich$.

    !’est l’$pouvantable et sinistre lettre de ce malheureu" qui devient bossu par devant et derri+re àtrois ans puis dartreu" à vif, br?l$ à l’eau;forte et au" cantharides par des charlatans puis boiteu",

     puis cul de jatte. C$cit sans plainte et terrible par cela même, d’un mart0r de la fatalit$ morceau de papier qui est encore la plus grande objection que j’aie rencontr$ contre la *rovidence et la bont$ de

    Bieu.:t nous grisant de toutes ces v$rit$s nues, de ces ab#mes de choses vraies, nous nous disions ' 6a

     belle publication à faire, pour les philosophes et les moralistes, d’un choi" de choses pareilles, quiseraient les Ar*+i$es se*rtes de l’'manité  -

    / peine si nous sommes sortis un instant, à deu" pas de la maison, dans le jardin. 6e pa0sage avaitl’air, la nuit, d’un pa0sage en cheveu".

    2 no$em9re :

     Dous avons demand$ à Flaubert de nous lire un peu de ses notes de vo0age (S). 5l commence, et àmesure qu’il nous d$roule ses fatigues, ses marches forc$es, ses di";huit heures de cheval, les

     journ$es sans eau, les nuits d$vor$es d’insectes, les duret$s incessantes de la vie, plus dures encoreque le p$ril journalier, une v$role effro0able brochant sur le tout et une d0senterie terrible à la suitedu mercure, je me demande s’il n’0 a pas une vanit$ et p+se dans ce vo0age choisi, fait et parachev$

     pour en rapporter les r$cits et l’orgueil au" populations de Couen.

    3es notes, faites avec l’art d’un habile peintre et qui ressemblent à de color$es esquisses, manquent,il faut le dire, malgr$ leur incro0able conscience, application et volont$ de rendu, de ce je ne saisquoi, qui est l’Kme des choses et qu’un peintre, Fromentin, a si bien per7u dans son -a+ara.

    8oute la journ$e, il nous en lit toute la soir$e, il nous en dit. :t nous avons, à la fin de cette journ$echambr$e, comme la fatigue de tous les pa0s parcourus et de tous les pa0s d$crits. !omme repos, iln’a fum$ que quelques pipes qu’il br?le vite, et toujours en causant litt$rature, tantLt essa0ant de

    r$agir avec quelque mauvaise foi contre son temp$rament, disant qu’il faut s’attacher au" cLtes del’art $ternels et que sp$cialiser est empêcher cette $ternit$, que le sp$cial et le local ne peuvent

     produire le beau pur. :t comme nous lui demandons ce qu’il appelle le beau ' !’est ce par quoi je

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    suis vaguement e"alt$ -

    Nu reste, sur toutes choses, il a des th+ses qui ne peuvent être sinc+res, des opinions de parade et dechic d$licat, des parado"es de modestie et des ravalements v$ritablement par trop e"ag$r$s devantl’orientalisme de 90ron ou la puissance des Affinités éle*ti$es de &Rthe.

    5l est minuit sonn$. 5l vient de nous finir son retour par la &r+ce. 5l ne veut pas encore nous lKcher, il

    veut encore causer, encore lire, nous disant qu’à cette heure, il commence à s’$veiller et qu’il secoucherait à si" heures, si nous n’avions pas envie de dormir. Xier, Flaubert me disait ' e n’ai pas bais$ de vingt à vingt;quatre ans, parce que je m’$tais promis de ne pas baiser -. 5l 0 a là le fond etle secret de l’homme. En homme qui s’impose des abstinences pour lui;même, ce n’est pas unhomme d’instinct, ce n’est pas un homme qui parle, qui vit, qui pense naturellement. 5l se mod+le etse fa7onne selon certaines vanit$s, certains orgueils intimes, certaines th$ories secr+tes, certainsrespects humains.

    23 no$em9re :

    ’entends à d#ner che= 4agn0, le p+re 3ainte;9euve, pench$ à l’oreille de Flaubert lui dire ' Cenanest venu d#ner l’autre jour che= 4me de 8ourbe0. 5l a $t$ tr+s bien tr+s charmant -.

    4ême ici, à notre table de sceptiques, cela a un peu fait scandale. Tue nous tous qui ne fondons nireligion, ni doute, qui ne fabriquons ni ne d$fabriquons de !hrist, qui n’avons pas de robe d’apLtre,nous allions un jour là, c’est bien mais que cette esp+ce de prêtre de philosophe mange cettesoupe;là, la soupe de eanne !e temps;ci est amusant pour ces ironies;là.

    2 dé*em9re :

    Nu d#ner che= la *rincesse, nos amis Flaubert et 3ainte;9euve nous portent insupportablement surles nerfs, avec ce redoublement de gr$comanie. :nfin, ils en arrivent à admirer dans le *arth$non

     jusqu’à la couleur de cet admirable blanc qui est, dit Flaubert avec enthousiasme, ' noir comme del’$b+ne -

    6a *rincesse parle, comme tout $moustill$e du plaisir qu’elle a eu à voir es Dia9les Noirs. :lle a$t$ gratt$e et chatouill$e par la passion que l’auteur a cherch$ à 0 mettre. 6e maquereau dont 3ardoua fait son h$ros est pour elle s0mpathique. 6es femmes, je le vois, n’ont point notre morale ellesn’ont que la conscience de leurs passions. *eut;être n’0 a;t;il pas de maquereau pour les femmes U

    13 dé*em9re :

    e sors d’une conf$rence du dimanche che= Flaubert, avec l’$tonnement et le d$go?t de la servitudedes id$es que je rencontre partout. 5ls font semblant de remuer des parado"es et leurs parado"essont toujours un cat$chisme

    1 dé*em9re :

    B#ner che= Fe0deau, oM, sous le fau" et le gros lu"e, se per7oivent des embarras, des pr$occupationsd’argent, une maison oM en sent qu’on tire le diable par la queue avec des gants blancs

    Flaubert a eu sa f$erie refus$e par Xostein, qui la lui a renvo0$e par une esp+ce decommissionnaire, sans lettre, sans regrets. 6e commissionnaire, questionn$ par Flaubert, aseulement r$pondu ' !e n’est pas ce que 4. Xostein voulait -. In devrait vraiment $crire sur lesth$Ktres ' es ommes de ettres m’entrent as i*i -.

    6undi %1 d$cembre

    !he= 4agn0, nous sommes à peu pr+s au complet et la dispute est $norme sur toutes choses.

    ' 9oileau est bien plus po+te que Cacine -, crie 3aint;ictor.

    ' 9ossuet $crit mal -, affirme Flaubert. 

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    ANNÉE 1864

    1 Han$ier :

    =+eP "an%.

    In va à la femme, le sujet ordinaire de la conversation. &autier dit qu’il n’aime que la femmeinse"uelle, c’est;à;dire si jeune qu’elle repousse d’elle toute id$e d’enfantement, de matrice,

    d’obst$trique et il ajoute que ne pouvant satisfaire ce go?t, à cause des sergents de ville, toutes lesautres femmes, qu’elles aient vingt ou cinquante ans, ont pour lui le même Kge. 6à;dessus, Flaubert,la face enflamm$e, la voi" beuglante, remuant ses gros 0eu", part et dit que la beaut$ n’est pas$rotique, que les belles femmes ne sont pas faites pour être bais$es, qu’elles sont bonnes pour dicter les statues, que l’amour est fait de cet inconnu que produit l’e"citation et que, tr+s rarement, produitla beaut$. 5l d$veloppe son id$al, qui se trouve être l’id$al de la rouchie ignoble. In le plaisante.Nlors, il dit qu’il n’a jamais bais$ vraiment une femme, qu’il est vierge, que toutes les femmes qu’ila eues, il en a fait le matelas d’une autre femme rêv$e.

    *endant ce temps, Defft=er et 8aine discutent sur le mot concret, s’$tonnent de toutes les id$es qu’ilrenferme et lKchent à tout moment des termes comme idios0ncrasie.

    Flaubert, qui est verbeu" ce soir, encore plus que d’habitude et qui lance ses parado"es non avec lal$g+ret$ de jongleur indien de &autier, mais qui les tient p$niblement en $quilibre, comme unhercule de foire ou plutLt et simplement, comme un provincial outr$, affirme que le co2t n’est pasdu tout n$cessaire à la sant$ de l’organisme, que c’est un besoin que notre imagination cr$e. 8ainelui fait observer que cependant, lui, qui n’est gu+re baiseur, quand tous les quin=e jours ou les troissemaines, il se livre au co2t, il est d$barrass$ d’une certaine inqui$tude, d’une certaine obsession,qu’il sent sa tête plus libre pour le travail. Flaubert de r$pondre qu’il se trompe, que l’homme n’a

     pas besoin d’une $mission s$minale, mais d’une $mission nerveuse, et que, comme lui, 8aine baiseau bordel, il ne doit $prouver aucun soulagement, qu’il faut de l’amour, qu’il faut de l’$motion, letremblement de presser une main. Dous lui faisons observer que tr+s peu parmi nous sont asse=heureu" pour cela, vu que ceu" qui ne satisfont pas au bordel, ont une vieille ma#tresse, une femmede passade ou une $pouse desquelles il n’0 a ni $motion ni tremblement. Bonc, les trois quarts del’humanit$ n’ont pas d’$mission nerveuse et ont bien de la chance s’ils la rencontrent trois moisdans toute une vie de co2t.

    In se bat là;dessus pendant tout le d#ner on fait le tour du monde sur la question. Flaubert affirmeque les barbares sont p$d$rastes et bestialitaires, tandis que les civilis$s sont masturbateurs etgamahucheurs, la gamahuchade $tant l’adoration religieuse de la femme.

    2! Han$ier :

    ’$tudie che= la *rincesse le curieu" travail de Flaubert pour attirer l’attention de la ma#tresse de lamaison, se faire voir, se faire parler, et cela par l’obsession des regards, des mines, des poses. e

    sens dans tout cet homme le besoin qui va jusqu’à la souffrance, d’occuper, de violer l’attention etde la tenir à lui seul, et je ris en moi de voir ce gros blagueur de toutes les gloires humaines être si

     brutalement affam$ de glorioles bourgeoises.

    1! fé$rier :

     Dous avons eu à d#ner, hier, 3ainte;9euve, &autier, Flaubert, !harles :dmond et 3aint;ictor et6agier. In a caus$ tribaderie et p$d$rastie transcendantales.

    2 fé$rier :

    [\

    5l 0 a une diff$rence tr+s curieuse de servilisme pour les pouvoirs entre Flaubert et 3aint;ictor.!elui;ci, avec la pente naturelle qu’il doit à son caract+re latin, est arrêt$ sur ce chemin, bris$ parune anJ0lose toute ph0sique, une raideur de la tête, des muscles, de l’$pine dorsale. 6’autre, avecdes th$ories farouches, des braillements d’ind$pendance, une grande joie d’anarchie, a l’outrance

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    d’un fam'l's, d’un courtisan du Banube.

    2 mars :

    Flaubert nous m+ne che= Bantan. En charmant petit hLtel de la rue 9lanche avec une splendidegalerie, oM sont toutes les charges de Bantan. 6e *anth$on de la laideur humaine. 6a caricaturedessin$e, elle, au moins, se sauve par la l$g+ret$ et le peu d’$paisseur. 5ci, tout est en relief et en

    solidit$ et vous blesse. 5l 0 a des difformit$s en plKtre et des grimaces en bron=e. ’ai vu, au milieu,une tête d’orang;outang la vue se repose sur elle de la charge de Cothschild. 5l 0 a cependant, là;dedans, des charges de g$nie mais il vous prend une envie de vous en aller, comme devant toutesles formes d’horreur, de d$pression et d’animalit$ de la ph0sionomie.

    mai :

    !he= 4agn0. In est au grand complet. Dous affirmons notre admiration pour le talent litt$raired’X$bert, que nous s$parons tout à fait de sa moralit$. 6a causerie nous pousse de la moralit$d’X$bert à celle de 4irabeau que nous ne trouvons pas bien plus grande.

    [\

    Flaubert a l’air d’un torrent qui se pr$cipite c’est un canal qui marche.23 mai :

    !he= 4agn0. In cause de la vie. Dous seuls et Flaubert, les trois m$lancoliques de la 3oci$t$, lestrois qui demanderaient à ne pas être n$s.

    ANNÉE 1865

    1& fé$rier :

    Tuand Flaubert eut des clous, l’ann$e derni+re, 4ichelet dit à un de ses amis ' Tu’il ne se soigne pas, il n’aurait plus son talent -

     Diman*+e ras 24 fé$rier :!he= Flaubert.

    3ari parle de la &uimond, de cette femme à tête de criminelle qui ressemble à la veuve de eanXirou", cette femme mêl$e à tout ce qu’il 0 a eu de cach$, de honteu", de scandaleu", depuis lestripotages de &ui=ot jusqu’au maquerellage de la Beslions, jusqu’au patronage de la !olombier, ' le

     plat du jour -.

    5l nous la montre, sa voiture attel$e d+s huit heures du matin, courant tout *aris, entrant par des portes d$rob$es che= tout le monde. 8out le temps que 4ir+s a $t$ enferm$ à 4a=as, elle 0 $tait tousles jours, à neuf heures. Ene femme che= laquelle le *r$fet de *olice d$jeune souvent.

    14 a$ril :

    / minuit pass$, au sortir de la rue de !ourcelles, Flaubert nous m+ne che= la de 8ourbe0, qui luidemande depuis longtemps à nous amener. En appartement de courtisane de th$Ktre, avec lesaccessoires dor$s. 6a femme a une conversation fouett$e, saccad$e, nerveuse, s’arrachant l’esprit une figure verte, des 0eu" horriblement cern$s et, dans toute sa personne, un air d’agonie quis’entra#ne et se grise.

    2! a$ril :

    Flaubert, qui a assist$ à la r$p$tition g$n$rale de -aint?#ertrand , nous peint Xaussmann comme levrai r$gisseur du audeville, pla7ant et commandant la sc+ne, touchant à tout, remettant les motsdans la pi+ce, et dans la pi+ce de F$val, apr+s ces mots ' Bes Ibligations comme la ville de

    *aris -, ajoutant ' 4ais les Ibligations de la ille rapportent de gros int$rêts - En *r$fet de la3eine se faisant des annonces dans ses pi+ces

     "er*redi 24 a$ril :

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    6a *rincesse nous re7oit ce soir du haut de tout son froid, à peine si elle nous regarde. *arlons;nous,elle nous contredit. :lle n’a d’0eu", de place à cLt$ d’elle, d’attention et d’int$rêt que pour Flaubert,qui me dit, à la sortie, qu’elle lui a fait faire deu" tours, tout seuls, dans le jardin, l’ombre, la nuit.

    5l est bon que les princes et surtout les princesses aient de ces refroidissements, de ces hauts et deces bas e"cessifs, pour que la s0mpathie pour eu" ne devienne pas du d$vouement.

    Nurait;elle envie de prendre Flaubert pour amant U e ne pense pas. e croirais plutLt parl’affectation de son jeu de ce soir, qu’elle cherche à faire un chandelier contre le bruit tr+scalomnieu", venu jusqu’à elle, de bont$s pour nous autres.

    ! mai :

    !’est une drLle de table que celle oM nous sommes assis che= &autier. ^a a l’air d’une table d’hLted’une tour de 9abel, le dernier caravans$rail du romantisme, une mêl$e de gens de toutes nations,dont &autier a l’habitude et la fiert$.

    5l 0 a, ce soir, à cLt$ de Flaubert, de 9ouilhet, de nous, un vrai !hinois, avec des 0eu" retrouss$s etla veste de velours groseille, le professeur de !hinois des filles de &autier. 5l 0 a un peintre e"otiquequi a, jusqu’au" genou", des bottes de sept lieues et des 0eu" vol$s à un jaguar. 5l 0 a le violoniste

    hongrois Cemin0, avec sa tête glabre de prêtre et de diable il 0 a son accompagnateur, un petit bonhomme gras et douteu", $ph$bique et f$minin, avec sa tête d’alsacienne, les cheveu" blonds en baguettes, tombant droit de la raie au milieu de sa tête, en redingote allemande de s$minariste, dansl’ouverture de laquelle se fl$trit un peu de lilas blanc tapette $trange et inqui$tante. 5l 0 a enfin,accompagn$ de son fils, la femme d’un dieu, la veuve d’un 4apah, 4me &anneau.

     Diman*+e & mai :

    e retombe, dans la journ$e, che= Flaubert, oM je me couche sur son grand divan, et dans l’esp+ce derêvasserie an"ieuse et de vague id$e oM je suis, j’entends comme de tr+s loin la voi" enrou$e, mateet spirituelle de *r$ault, qui fait tomber dans mon oreille des histoires, des anecdotes, des mots.

    mai :Flaubert, en sortant de che= 4agn0, nous disait ' 4a vanit$ $tait telle, quand j’$tais jeune, quelorsque j’allais au bordel avec mes amis, je prenais la plus laide et tenais à la baiser devant tout lemonde, sans quitter mon cigare. !ela ne m’amusait pas du tout, mais c’$tait pour la galerie -.Flaubert a toujours un peu de cette vanit$ là, ce qui fait qu’avec une nature franche, il n’0 a jamaisune parfaite sinc$rit$ dans ce qu’il dit sentir, souffrir, aimer.

     'ndi 1! aoQt (che= la *rincesse, à 3aint;&ratien)

    6e soir, !hesneau vient remercier de sa croi". Bans la journ$e, la *rincesse m’avait demand$ siFlaubert $tait d$cor$, et comme je lui disais qu’il ne l’$tait pas et que ce serait un honneur pour le&ouvernement de le d$corer, elle m’a dit ' e n’en savais vraiment rien. 3i j’avais su 7a, je l’auraisdemand$ directement. 4ais je le savais si peu, que nous nous le demandions, l’autre jour, avec!harlotte (V) -. :t elle en parlait tr+s sinc+rement une princesse est tellement blas$e sur les

     boutonni+res des hommes, qu’elle ne voit gu+re ce qu’ils 0 portent ou ce qu’ils n’0 portent pas.

    2 aoQt :

    / d#ner, che= 4agn0, 3ainte;9euve nous confirme ce qu’avait annonc$ l’ ' 5nd$pendance 9elge -,que nous serons d$cor$s au mois de janvier, avec 8aine et Flaubert. !’est la *rincesse qui l’ademand$ directement à l’:mpereur, sans nous en rien dire.

    2 no$em9re :

    Flaubert me disait, ce soir, ce mot qui est toute l’5mp$ratrice et toute la femme ' !omment m’a;t;iltrouv$e U - a $t$ son premier mot à 4me !ornu, apr+s le s$jour de Flaubert à !ompi+gne.

    e crois que j’ai trouv$ la v$ritable d$finition de Flaubert, du talent et de l’homme c’est un sauvage

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    acad$mique.

    / dé*em9re (apr+s la repr$sentation d’enriette "aré*+al )

     Dous sortons à travers les groupes tumultueu" et vocif$rants, remplissant les galeries du 8h$KtreFran7ais, et nous allons souper à la 4aison d’Ir avec Flaubert, 9ouilhet, *onthier et d’Ismo0.

     Dous 0 faisons tr+s bonne figure, malgr$ une crise nerveuse qui nous barre l’estomac et nous donne

    envie de vomir quand nous portons quelque chose à nos l+vres. Flaubert ne peut s’empêcher denous dire qu’il nous trouve superbes et quand nous rentrons che= nous, las de la plus infinielassitude de notre vie, las de di" nuits pass$es au jeu.

    ANNÉE 1866

    4 Han$ier :

    *ass$ d#ner avec Flaubert à !roisset (1W). ' 5l travaille d$cid$ment quator=e heures par jour. !en’est plus du travail, c’est la 8rappe -. 6a *rincesse lui a $crit de nous sur notre pr$face ' 5ls ontdit la v$rit$ c’est un crime -

    21 Han$ier :

    *ouchet, che= Flaubert, racontait qu’on lui a supprim$, dans l’inion Nationale, une phrase quirelatait, d’apr+s l’autopsie, la belle conformation du cerveau de 4. de 4orn0. 6es partis ne veulent

     pas même d’une autopsie favorable à un ennemi.

    fé$rier :

    !’est de l’imprudence à un auteur dramatique d’$crire un livre, une chose qui donne la mesure de salitt$rature. e l’ai bien vu dans les lectures du Roman d’'ne femme que me faisait aujourd’huiFlaubert (11). 5l est impossible de plus ignorer le plus $l$mentaire orthographe du st0le.

    12 fé$rier :

    4me 3and vient d#ner aujourd’hui à 4agn0. :lle est là, à cLt$ de moi, avec sa belle et charmante

    tête, dans laquelle avec l’Kge s’accuse de jour en jour un peu plus de t0pe de la mulKtresse. :lleregarde le monde d’un air intimid$, glissant à l’oreille de Flaubert ' 5l n’0 a que vous ici qui ne megênie= pas -.

    2/ fé$rier :

    !ombien les gens de tête passionn$e et passionnante vivent peu e vois 8aine avec son coucher àneuf, son lever à sept, son travail jusqu’à midi, son d#ner d’heure provinciale, ses visites, sescourses au" biblioth+que, sa soir$e apr+s son souper entre sa m+re et son piano Flaubert commeencha#n$ dans son bagne de travail, dans son souterrain nous, dans nos incubations enferm$es,sans nulle distraction ou d$rangement de famille ou de monde, sauf un d#ner de quin=aine che= la*rincesse et quelques courses d’ali$n$s de la curiosit$, r$cr$ation maniaque de bibliographie et

    d’iconographie./ mars :

    Nujourd’hui Flaubert qui va faire e"empter son domestique pour une varicoc+le, nous disait ' 4oi, je pr$f+rerais être militaire, avoir une infirmit$, à savoir que j’en ai une Iui, j’aimeraismieu" servir sept ans que d’avoir conscience que j’en ai une. - Flaubert est un homme qui a de lavanit$ même avec lui;même.

    4 mai :

    Flaubert me disait hier ' 56 0 a deu" hommes en moi. 6’un, vous vo0e=, la poitrine $troite, le culde plomb, l’homme fait pour être pench$ sur une table l’autre, un commis vo0ageur, une v$ritable

    gaiet$ de commis vo0ageur en vo0age, et le go?t des e"ercices violents -21 mai :

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    !he= 4agn0.

    4me 3and fait son entr$e en robe fleur de pêcher, une toilette d’amour, que je soup7onne mise avecl’intention de violer Flaubert. In croirait voir *asipha_ en D$gritie.

    [\

    6agier dans un de nos dimanches che= Flaubert cette femme à l’e"pression, la m$taphone d’un

     pittoresque, d’une fantaisie, d’un impr$vu qui nous d$go?te tous.:lle entre en disant ' eu";tu voir mon emmerdeur U - :t elle nous montre son fils, qui l’attend en

     bas, en voiture.

    2& o*to9re :

    C$p$tition de la =onH'ration d’Am9oise. Nu fond, 9ouilhet, c’est un $l+ve de Xugo et de ictor3$jour ^a ne fait rien, c’est un gar7on travaillant honorablement, qui s’applique. e dirais quec’est tr+s bien, autant que je puis dire une chose que je ne pense pas.

     Diman*+e 2 o*to9re :

    Flaubert pr$sente aujourd’hui 9ouilhet che= la *rincesse. e ne sais quelle malencontreuseinspiration a eue ce po+te à d$jeuner, mais il sent l’ail comme un omnibus DieuZerJerJe remonte$pouvant$, en disant ' 5l 0 a en bas un auteur qui sent l’ail -

    6a *rincesse, elle, s’en aper7oit à peine, apr+s tout le monde. !’est miraculeu" che= cette femme, lanon perception d’un tas de choses d$licates, comme la fra#cheur du beurre et du poisson 3on bonet son mauvais cLt$ est de n’être pas tout à fait une civilis$e.

    2 o*to9re :

     Dous soupons au sortir de la premi+re repr$sentation de la =onH'ration d’Am9oise, avec 9ouilhet,Flaubert et 4me d’Ismo0. / deu" heures, d’Ismo0 arrive. 5l vient de battre, pour le succ+s de sonami, tous les caf$s 8aboure0 du Tuartier 6atin, forc$ de boire des verres de vin avec la 9ohême,

    lasse des Nrts et des 6ettres. 5l quitte 4onselet, qu’il vient de laisser à peu pr+s ivre, allantcrapuleusement de table en table avec sa d$coration et sa boulimie, reniflant les portions etramassant, 7à et là, son souper.

    Bans ce souper apr+s un succ+s, apr+s une ovation, ce qui nous frappe, nous si friands de cela et quireviendrons sans doute à ce damn$ th$Ktre, c’est le creu" de cette joie et de ce bonheur. 6etriomphateur est d’abord $reint$ il tombe de fatigue, d’accablement. 5l est tout au bout de ses$motions et de ses sensations nerveuses il est comme us$ pour jouir de sa r$ussite. Cien d’$panouicompl+tement, de franc, entier, d’un grand bonheur. 5l est tout travers$ de pr$occupations,d’inqui$tudes. 8out l’empêche de go?ter son pr$sent. 5l est à la repr$sentation du lendemain, del’apr+s;demain, au" mauvaises chances qui peuvent survenir, au revirement qui peut se faire. !e

    n’est pas les applaudissements qu’il a dans l’oreille et dans le cRur, ni l’acclamation universelle c’est un on;dit que &irardin a blagu$ tout le temps c’est le rapport de la maussaderie et la figure detel critique c’est, tout ce qui se forge de mauvais, d’hostile, de perfide dans les feuilletons pr$vusdu