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8/9/2019 Force de Loi
1/71
Jacques
Derrida
Force
de
loi
Le
u
Fondement
mystique
de
l'autorit
u
O 1994-2005, Dr'floNs GALILEE,
9,
rue
Linn,75005
Paris
En applicetion dc
la loi
du i
I mars
1957, il
est
interdit
de
reproduire intgralement
ou
priiell.^cnr lc
prscnr
ouvragc sns
autorisetion de
l'diteur ou du
Centie
frangais
d'cxploitation du droir
dc copic
(cnc),
20,
ruc
dcs
Grands-Augustins, 75006
Paris.
ISI]N 2-7186-0699-l ISSN 0768-2395
X+Y
v=-
AE
Galile
8/9/2019 Force de Loi
2/71
Avertissement
La
premire
partie
de
ce
texte,
u
Du
droit
)
Ia
jus-
tice
,,
fut
lue
)
I'ouverture
d'un
colloque
organis
par
Drucilla
Cornell
)i
la
Cardozo
Law School
en
octobre
lggg
sous
Ie
titre
o
Deconstruction
and
the
PossibilitL
of
Justice,
et
qui
runit
des
philosophes,
des thoriciens
de
la littrature
et
des
juristes
(notamment
des
reprsen-
tants du
mouvement
qu'on
nomme
aux
tats-Unis
Cri-
tical
Legal
Studies).
La seconde
partie
du
texte,
n
Prnom
de Benjamin
,,
n'I
fut
pas
prononce mais son texte
en
fut
distribu
parmi
les
participants'
Au
printemps
de
I'anne
suivante,
le 26
avril1990,
Ia
,..orrd. partie
de
la
mme
conference
fut
lue
) l'ouver-
ture d'un
autre
colloque
organis
)
l'Universit
de
Cali-
fornie
I
Los
Angeles,
par
Saul
Friedlander
sous
le titre
o
Nazism
and
the
"Final
Solution"
: Probing
the
Limix
oJ
Re\resentation
,.
Cette
seconde
partie
fut
prcde
d'un
l
ti
I
'I
I
$
ii
,r$
dH
t
q
8/9/2019 Force de Loi
3/71
Force
de
loi
avant-propos
et suivie
d'un
post-scriptum
que
nous
joi-
gnons )
la
prsente
publication.
Celle-ci
ajoute quelques
dveloppements
et quelques
notes
aux ditions
ant-
rieures
et
en
langues trangres,
sous
forme
d'article ou
de
livre'.
l. ln
Deconstruction
and
the Possibili4t
of
Justice,
tr.
Mary
Quaintance,
Cardozo
Law
Reuicw,
New York,
vol
II,
nos
5-6
juillet-aot
1990,
puis
in
Deconstructitn and
the Possibility
of
Justice,
D.
Cornell,
M.
Rosenfeld,
D.C. Carlson
c1., Routledgc, New
York,
Londres, 1992
;
enfin
sous la
forme
d'un
ouvrage
spar,
Gesetzeshrafi.
Der
o
mystische Grund
dr
Au'
tolitAt
>,
tr. Alcxander Garci Dttmann,
Suhrkamp
I991.
I
Du
droit
) la
justice
8/9/2019 Force de Loi
4/71
C'est
pour
moi
un
devoir,
je
dois
m'Adres.cer
vous
en
anglais'.
Le
titre de ce colloque et le
problme
qu'il
me
f'strr,
comme
vous le dites transitivement
dans votrc
lanrrc.
o
addresser
))
me
font
rver
depuis
des
mois.
Bien
trr'orr
m'ait
confi
le
redoutable honneur
de la
Qu'est-ce
qu'une
fiction
lgitime
?
Q.t.
veut
dire
fonder
la vrit
de la
justice
? Voili
certaines
des questions
qui
nous
attendent.
Montaigne
proposait
une analogie
entre
ce strpplrnent
de
fiction
lgitime,
c'est--dire ncessaire
pour
f
8/9/2019 Force de Loi
14/71
Force
de
loi
de
Ia
prsupposition
de son
pessimisme
chrtien,
ce
qui
n'est
pas
impossible,
alors
on
peut
y rrouver,
comme
d'ailleurs
chez
Montaigne,
les
prmisses
d'une
philoso_
phie
critique
moderne,
yoire
une critique
de I'iologie
juridique,
une
dsdimentation
des
supersrrrl.rtr..,
.,
droit
qui
cachent et
refltent
)
ra
fois rei
intrts
cono-
miques
et
politiques
des
forces
dominantes
de la
socit.
Cela
serait
toujours
possible
et
parfois
utile.
Mais
au-del)
de
son
principe
et
de son ressom,
cetre
pense
pascalienne
concerne
peut_tre
une
structure
plus.
intrinsque.
{Jne
critique
de
l,idologie
juridique
ne
devrait
jamais
la
ngliger.
Le
surgisr.-J.,,
mme'de
la
justice
et
du
droit,
le
moment
instituteur,
fondateur
et
justificateur
du
droit
implique
une
force
performa_
tive, c'esr-)-dire
toujours
une force interprtative er
un
appel
la
croyance
:
non
pas
certe
fois
au
sens
o
le
droit
serait
au
seruice
de ri
force,
I'instrument
docile,
servile
et
donc
extrieur
du
pouvoir
dominant,
mais
o
il
entretiendrait
avec
..
qu'o,
appelle
la
force,
le
pou_
voir
ou
la violence
une
relation
plus
intern.
.,
pl.r,
complexe.
La
justice
-
au
sens
du
doit
(right
o,
lo*)
n,
serait
pas
simplement
mise
au
service
diu.re
force
ou
d'un
pouvoi
social,
par
exemple
conomique,
poli_
tique,
idologique
qui
exister"it
ho^
d'elle ou
au"ni
.ll.
et
auquel
elle
devrait
se
plier
ou
s'accorder
seron
|utilit.
Son
moment
de fondation
ou
d,insritution
mme
n,est
d'ailleurs jamais
un
moment
inscrit
dans
le
rissu
homo-
gne
d'une
histoire
puisqu,il
le
dchie
d,une
dcision.
Or
l'opration
qui
evient
)
fonder,
inaugurea
)
justi_
fie
le
droit,
faire
la
loi,
consisrerai,
.r,
.r.,
.orrp
d.
32
J3
Du
droit )
la
justire
force,
en
une violence
performative
er
donc
interprta=
tive
qui
en
elle-mme
n'esr
ni
juste
ni injuste
et
qu,au-
cune
justice,
aucun
droit
pralable
et
antrieurement
fondateur,
aucune
fondation
prexistanre,
par
dfini-
tion,
ne
pourrait
ni garantir
ni
contredire
ou
invalider,
Aucun
discours
justificateur
ne
peut
ni
ne
doit
assurer
lc
rle
de
mtalangage
par
rapporr
)r
la
performativit
du
langage
instituant
ou
i
son
interprtation
dominante.
Le
discours
rencontre
l
sa
limite
:
en lui-mrne,
dans
son
pouvoir
performatif
mme.
C'esr
ce
que
je
proposc
d'appeler
ici,
en
dplagant
un
peu et
en
gnralisant
la
strucrure,
Ie
mystique.
Il
y a
l)
un silence
mur
dans
la
structure
violente
de
I'acte
fondateur.
Mur,
emmur
parce
que ce
silence
n'esr
pas
extrieur
au
langage.
Voil)
en
quel
sens
je
serais
tent d'interprrer, au-del)
du
simple
commenraire,
ce
que Montaigne
et
pascal
appel-
Ient
le
fondement
mlstique
de
l'autorit.
On
pourra
iou-
jours
retourner
sur
r
ou
Conrre
-
ce
que
je
fais
ou
dis
ici,
cela
mme
que
je
dis
qui
se fait I
l'origine
de
toute
institution.
Je
tirerais
donc
I'usage
du
mor
(
mystique
u
dans
un
sens
que
je
me risque
dire
plutt
wittgenstei-
nien.
Ces
texres
de
Montaigne
et
de
Pascal,
comme
la
tradition
i
laquelle
ils
appartiennenr,
comme
I'interpr-
tation un
peu
active que
j'en
propose,
pourraient
tre
invits
)
la
discussion
par
Stanley
Fish
dans
o
Force
,
(in
Doing
What
Comes
Naturallyl)
de
o
the
Concept
of
Lata
,
-1.
Stanley
Fish, Doing
What
Comes
Naturally,
Change
and
the
Metoric
of
Theory
in
Literary
and
Legal
Srudies,
Duke
Universiry
press,
Durham
and
London,
1989.
8/9/2019 Force de Loi
15/71
Force de loi
de
Hart et
de quelques autres, dont implicitement
Rawls,
lui-mme
critiqu par
Hart,
comme bien
des
dbats
illumins
par certains textes de
Sam
\Weber
sur
le
caractre
agonistique et non
simplement
intra-institu-
tionnel ou
mono-institutionnel
de
certains
conflits
dans
Institution
and
Interpretation
t.
Lorigine de l'autorit,
la fondation
ou
le fondement,
la
position de
la
loi ne
pouvant
par dfinition s'appuyer
finalement
que sur elles-mmes,
elles sont
elles-mmes
une
violence sans
fondement.
Ce
qui
ne veur
pas dire
qu'elles sont injustes en soi,
au sens
de
o
illgales
,
ou
n
illgitimes
,.
Elles
ne sont
ni
lgales
ni
illgales en leur
moment
fondateur.
Elles excdent
l'opposition du fond
et
du
non-fond,
comme
de tout fondationnalisme
ou
de
tout
antifondationnalisme. Mme
si le
succs
de
per-
formatifs
fondateurs
d'un
droit
(par
exemple
et
c'est
plus
qu'un exemple,
d'un
E,tat
comme
garant d'un
droit) supposent
des conditions et
des
conventions
pra-
lables
(par
exemple dans
I'espace national
ou internatio-
nal),
la
mme
limite
n
mystique
o
ressurgira
)
l'origine
suppose
desdites
conditions, rgles
ou conventions
-
et
de
leur interprtation
dominante.
Dans la
structure
que
je
dcris
ainsi, le
droit
est
essen-
tiellement dconsnuctible,
soit
parce
qu'il
est
fond,
c'est-)-dire construit
sur
des
couches textuelles
interpr-
tables
et transformables
(er
c'esr I'histoire
du
droit, la
possible et
ncessaire
transformarion,
parfois l'amliora-
tion
clu
droit),
soit
parce
que son ultime fondement par
Du
droit i. la
iustice
dfinition
n'est
pas
fond.
Que
le
droit
soit
dconstruc-
tible n'est
pas
un
malheur.
On
peut
mme
y trouver
la
chance politique de tout
progrs
historique.
Mais
le
pa-
radoxe
que
je
voudrais soumettre
) la
discussion
est
le
suivant :
c'est
cette
structure
dconstructible
du
droit
ou, si
vous
prfrez,
de
la
justice comme
droit qui
assure
aussi
la possibilit
de la
dconstruction. La
justice
en
elle-mme,
si
quelque
chose
de
tel
existe,
hors
ou
au-
del) du
droit,
n'est
pas dconstructible.
Pas
plus
que la
dconstruction
elle-mme,
si quelque
chose de
tel existe.
La
dconstruction
est
la
justic.
C'est peut-tre
parce
que
le
droit
(que je
tenterai
donc rgulirement
de
distin-
guer de
la
justice)
est constructible,
en un
sens qui
d-
borde
I'opposition
de la convention
et
de
la
nature,
c'est
peut-tre en tant
qu'il
dborde
cette
opposition
qu'il
est
constructible
-
donc
dconstructible
et, mieux,
qu'il
rend
possible la
dconstruction,
ou
du moins
I'exercice
d'une
dconstruction
qui
procde
au
fond
toujours
des
questions
de droit et
au
sujet du
droit. D'o ces
trois
propositions
:
l.
La dconstrucdbilit
du droit
(par
exemple) rend la
dconstruction
possible.
2.
Lindconstructibilit
de
la
justice
rend
aussi
[a
d-
construction
possible,
voire
se
confond
avec
elle.
3.
Consquence
:
la dconstruction
a
lieu
dans I'inter-
valle
qui spare
I'indconstructibilit
de
la
justice
et
la
dconstructibilit
du
droit.
Elle est possible comme une
exprience
de
I'impossible,
l. o,
mme
si
elle
n'existe
pas,
si elle
n'est pas prsente,
pas
encore
ou
jamais,
il
y
a
la
justice.
Partout
o
l'on peut
remplacer,
traduire,
d-
\4
l.
I
lrrivcrsity
of'Minresota
Press,
Minneapolis,
1987.
35
Force
8/9/2019 Force de Loi
16/71
de
loi
terminer
Ie
X
de
la
justice,
on
devait
dire
: la
dcons_
truction
est
possible,
comme
impossible,
dans
la
mesure
l)
"
ily
a
X
(indconstructib),
donc
dans
la
mesure
(l)
o
il
y
a
(l'indconstructible).
Autrement
dit,
I'hypothse
et
les
proposirions
vers
les_
quelles je
ttonne
ici,
appeller"i.rrt
iutt
po.r,
,or'rr_
tirre :
la
justice
comme
possibilit
de
la
dconsrrucrion,
la
structure
du
droit
o.,
d. la
loi,
de
la
fondation,
ou
de
I'auro-aurorisation
du
droit
comme
possibilit
de
|exe-
cice
de
la
dconstruction.
Je
suis
sr
que
cela
n,est
pas
clair.
J'espre,
sans
en
tre
sr,
que
..1"
l.
deviendra
un
peu
plus
tout
I'heure.
J'ai
dit
que
je
n'avais
pas
encore
commenc.
Te
ne
commencerai
peut_tre
jamais
et
peut_tr.
..
.oloq.r.
restera-t-il
sans
keynote.
pourtant
j
ai
dj)
.o**..r.e.
j.
m'aurorise
-
mais
de
quel
droit
?'_
multiplier
les
pro_
tocoles
et
les
dtours.
J,avais
commenc
i",
dir.
q.r.
j'tais
amoureux
de
deux
au
moins
de
vos
idiomes.
Lun
c't-ait
o
enforceability
,,I'autre
c'est
l,usage
transitif
du
verbe
.
:
oe
rote
lemps
-
I l\
au iontaie.
C'esr
peur-ire,
"o--'"
on
dit
aussi
cn
J'hsirerais
I
*.i-l-to
r.op
ui,.
""n,
I
frangais,
cell
mme
qui
n
fair
courir
r, plu.
fon
ct plrrs
tice
r
i
une
ide
rguratrice
au
sens
kail.'i::"0:*,::';
|
"it"''n"'
o.,"pt'
r"
ai'o"'i'tti-o,'
-
'
"
quelconque
d'une
promesse
messiani
?)
hant
par
le thime
de
la desnuction
radi-
cale,
de
I'exterminttion,
de
l'annihilation
totale
;
et
d'abord
de
I'annihilation
du droit,
sinon
de
la
justice
;
et
parmi
ces
droits,
les
droits de
l'ltomme,
du
moins
tels
qu,ils
Peuuent
tre
interprts
dans
une
tradition
iusnaturaliste
1.
Ces
prolgomnes
furent
destins
)
introduire
cette
seconde
partic
du
texre,
celle
qui fut
lue le26
avril
1990
I'ouverture
du
Colloque
qui
se
tint
alors
) l'universit
de
californie
)
Los
Angeles
sur
Le nazisme
et
k
o
solutionfnale
,.
Les limites
de
k reprsentation.
67
Force d'e
loi
Prnom
de Benjamin
8/9/2019 Force de Loi
32/71
dz
type
grec
0u
de tltpe
de
I'u Auklrung
"'
Je
dis
dessein
q"i
,,
,r*r,
,r,
hant
par
les
thmes
de
la uiolence
extermi-
nntrirr,
Parce
qu'il
est
d'abord
hant,
j'essaierai
de
le
mon-
trer
pai
la
hintise
rnrne,
Par
une quasi-logique
du
fan-
t6mi
qu'il
faudrait
substituer,
Parce
qu'elle
est
plus
forte
qublti, d
in,
logique
ontologique
de la
ltrsence'
.de
l'ab-
rrrc
ou
de
la
re-prsentation,
Or
.7e
me
demande
si
une
comrnunuut
qui
se
rassemble
ou
se recueille
pour
Penser
ce
qu'il
y
a
h penser
et
h
recueillir
de
cette
chose
stns
nom
qr'r,
a
surnomme
la
o
solution
finale
'
ne
doit
pas
d.'abord
se
rnonner
hospitalilre
d
la
loi
du
fanl6me'
d
l'ex-
prience
spectale
et
)
la
mmttire
du
.fantme'
de
ce
qui
'n'est
ni
mort,
ni
uiuAnt,
de
ce
qui
esl
llus
que
mzrt
et
plus
que
uiuant,
seulement
suruiuant,
hospitalilre
d
la
loi
de la
**oirc
la
plus
imprieuse,
quoique
la
plus
ffice,
la
plus
effagabte,
mais
pour
cela
mme
la
plus
exigeante'
Ce
texte
de
Benjamin
n'est
pas
seultment
sign
Par
un
"',
penseur
qu'on
dit
et
qui
se dit
d'une
rcrtainc
ma'nilre
juif
-(et
c,est
ie
l'nigme
de
cette
signaturc
quc
jc
urudrais
surtout
parler).
Zur
Kritik
der
Gewalt
est
aussi
insffit
dans
une
-perspectiue
juda|que
qui
oppose
la
juste
uiolcnce
diuine
'(juiue),
cet
qui
ituit le
droit,
h
uiolence
mythique
(de
nadition
grecque),
celle
qui
instaure
et
crnserue
lc
droit'
2.
La
logique
profonde
de cet
essai
met
en
eut)re
une in'
terprtatiin
du
hngage
-
de
l'origine
et
de
l'exprience
du
taigagt
-
selon
laquelle
le
mal,
c'est-'dire
la
puissance
l-
th;te,-
uient
au langage
par
la
uoie,
prcisment,
de
la
re-
prsentatio
n
(th?me
de
ce
colloque),
c'est-h-dire
par
la
di-
mension
re-prsentative,
mdiatrice,
donc
technique'
68
utilitaire,
smiotique,
informative, autant
de puissancet
qui
arrachent
le
langage
et I'entratnent dans
la chute,
le
font
dchoir
loin
ou hors de
sa destination
originairc,
Celle-ci
aurait
t I'appellation,
la
nomination,
lc
don ou
l'appel
de la
prsence
dans
le
nom. Nous
nous
demanderons
comment
cene
pense
du
nom
iarticule
aaec
h
hantise et la
logique
du
specte. Cet
essai
de
Benjamin traite
donc de
l'unement,
de
ce
mal
qui
uient
et
qui
uient
au
langage
par
la
reprsentatiln;
c'est
aussi
un essai
dans
lequel
les
concepts dc responsabilit
et de culpabilit, de sanifice, de
d.cision,
de
solution,
de
chtiment ou d'expiation
jouent
un rle discret
mais sitrement
majeur et le
plus
souuent As-
soci h
la
ualeur
quiuoque
de l'indcidable, de ce
qui
est
dmonique et
o
dmoniquement
ambigu
,.
3.
Zur
Kritik
der Gewalt
n'est pas
seulement une ct'i-
tique d.e la reprsentation
en
tant
que
Peruersion
et
cltute
du langage mais
de
la
reprsentation comme
rystme
Poli-
tique de
la
dmocratie
formelle
et parlementaire.
De
ce
point
de
uue,
cet
essai
o
ruolutionnaire
,
(ruolutionnaire
dans
un
style i la
fois
marxiste
et
messianique)
appartient,
en
1921,
la
grande
uague
antiparlementaire
et
anti-
n
Aufklrung
>>
sur laqaelle
le
nazisme
Aura
comme
fait
surface
et
mme
o
surfe
,
dans
les
annes
20
et le
dbut
des
annes
30.
Carl
Schmitt, que
Benjamin
admira
et auec le-
quel
il
entretint
une
czrresPondance,
le
felicita
pour cet essai.
4. La
question
si polydrique
et polysmique de
la
repr-
sentation
se
Pose
encore
d'un Auile
point
de
uue
dans cet
trange
essai.
Commen{ant
par
distinguer entre deux uio-
Force
de loi
Prnom
de Benjamin
8/9/2019 Force de Loi
33/71
lences, la uiolence
fondatrice
et la uiolence
conseruAtrice,
Benjamin
doit
concder
d
un
mznent donn
que
l'une ne
peut tre
aussi
radicalement
htrogne
l'autre puisque
la
uiolence dite
fondatrice
est parfois
o
reprsente
>,
et nces-
sairement rpte,
au sens
fort
de ce mzt,
par la uiolence
conseruatrice.
Pour toutes
ces rnisons
et selon tous
ces
fik
enffelacs
sur
lesquels
je
uais reuenir,
on
peut se pIser
un certain
nombre
de
questions.
Elles
seront
I'horizon
de
ma lecture mme
si
je
n'ai
pas
ici
le
temps
et les moyens
de les expliciter.
Qu'est-
ce
que
Benjamin
aurait
pens,
ou
du
moins
quelle
pense
de
Benjamin
est uirtuellement
forme
ou articule
dans
cet
essai
(et
est-ce
anticipable
?)
au
sujet
de la
et
rl'un
rliscours
brniaminien
su,r
la
possibilit
ou l'impossibi-
70
lit
d'un
d.iscours
sur
la
o
solution
fnale
,.
(Jne
o
solution
finale
,
dont
il serait
imprudent
de dire,
se
fier
aux
datus
objectiues
de
k
conference
de Wannsee
en 1942
et
du
sui-
cide
de Benjamin
d
la
frontire
franco-espagnole
en
1940,
que Benjamin
n'en
a
rien
su.
La
chronologie
d
rck
une-
ments n'ira
jamais
de soi.
Et l'on
trzauera toujours
de
quoi
tayr
I'hypoth?se
selon laquelle
Benjamin,
et ds
1921,
ne
pensait
d rien
d'aune
qu'i
la
possibilit
de
cette
solution
fi-
nale
qui
dfe
d'autant
mieux
I'ordre
de
la
reprsentation
qu'elle et
peut-te
releu h
ses
lteux
du
mal
radical,
de
la
cltute
cornme
chute
du langage
dans
la
reprsentation.
Bien
des
signes
laissent
penser, i
se
fier
d
une
logique
constante
de
son discours,
que
pour
Benjamin,
aprs
cette
cltose
irre-
prsentable
qu'Aurt
t
k
o
solution
finale
,,
non
seule-
ment
le discours et
la
littrature
et
la
posie
ne sont
pas
im-
possibles
mais
se
uoient
dicter
plus
originairement
et
plus
eschatologiquement
que
jamais,
le retour
ou
l'aduenue
en-
core
promise
d'une
langue
des noms,
d'une
langue
ou
d'une
potique
de I'appellation,
par opposition
i
une
langue
des
signes,
de la
reprsentation
informatiue
ou
communicatiue.
A
k
fin,
aprs
la
fin
d'une
lecture
Aa
cours
de
laquelle
l'ltorizon
du
nazisme
et de
la solution
finale
n'apparatra
qu'
trauers
des signes
ou des
clairs
annonciateurs
et
ne
sera
traite que
de
fapon
uirtuelle, oblique ou elliptique,
je
proposerai
quelques
hypothses sur
les
manilres
dont ce
texte
de I92I
peut
aujourd'hui
se
lire,
aprls
I'aulnement
du
nazisme
et l'unement
de
la
o
solution
finale
,.
Auant
de proposer
une interprtation
de
ce
textc singulier
et
d'articuler
quelques questions qui
le
czncffnent
l,lus
troi-
71
Force
de loi
Prtinom
dr
Rmjarnin
8/9/2019 Force de Loi
34/71
patriotisme,
souuent un
natiznalisme,
parfbis
mmc
un
mi.
litarisme
allemand
(pendant
et aprs
la prcmilre
guerrc)
n'taient
pas
la seule
analogie,
loin
de
ld,
par
exemple
chce
Cohen ou Rosenzuteig,
et
chez
ce
Juif
conuerti
quc
fut
Hus-
serl.
C'est
dans
ce
clntexte
que
certaines
ffinits,
limitkt
mais dterminables, entre
ce
texte de
Benjamin
et
ccrtains
textes
de
Carl
Schmitt,
uoire de Heidegger,
m'znt
paru
dr-
uoir
tre srieusement
interroges.
Non
seulement
en
raison
de
l'hostilit
la dmocratie parlementaire,
uoire
la
d/-
mocratie
tout
court, non seulement
en raison
de l'hostilitl
)
/Aufklarung,
d'une certaine
interprtation
du plemos,
de
la
guerre,
de
la uiolence et du langage,
mais
aussi
en
rai-
son
d'une
thmatique
d.e
k
o
destruction
,
alors
trls
rpan-
due.
Bien
que la Destrukti
on
heideggerienne
ne se
confonde
pas
auec
le
concept
de
la
o
Destruction
>
qui .fut
aussi
au
cenne de la
pense
benjaminienne,
on peut
se
de-
mander
ce
que
signrfie,
ce
que
prpare
0u anticipe
entre
le.t
deux
guerres
une thmatique
aussi obsdante,
d'autant
plus
que dans
tous
les cls,
cette
destruction
ueut
aussi
tre
la
condition
d'une
tadition et d'une
mmoire authentique.
2.
Autre contexte
: l'occasion
d'un
colloque
rcent tenu
i
la Law School
de
Cardozo
Yeshiua
Uniuersity
de
Ncw
York
sur
n
Deconstruction
and
the
Possibility of
Justice
u,
j'auais
commenc, aprls
un long
discours
sur
les
rapports
entre
dconstructiln
et
justice,
h
examiner
d'un
ailtre
point
de uue
ce
texte de
Benjamin,
pour
y
suiure
juste-
ment,
et
aussi
prudemment
que
possible,
une
trajectoirc
droutante.
Celle-ci est
aportique
mais
elle
produit
aussi
des
unements ffanges
dans son
aporie
mme,
comme
7
I
.
r{
d
e{
d
d
d
d
rr
CI
l
I
d
tement,
1e
d.ots
encore,
dans
c'ette
trop
longue
introducon,
dire
deux
mots
des
contextes
dans
lisquet,
,ol
commenc
lire
cet
essai,
auant
mme
de
penser
d-ce
coiloque_ci.
ce
contexte
fut
doubte
et
je
re
dfinirai
iussi
schmati-
quemcnt
que
possible,
en
me
limitant
aux
ffaits
qui
peu_
uent
n,us
inty'resser
ici,
ce
soir,
parce
qu'ils
aurom
Iaiss
quelques
traces
dans
ma leure.
1,
Il
y eut
tout
d'abord,
h
l'intrieur
d,un
sminaire
de
trois
ans
sur
K
nationalits
et nationalismes
philoso_
phiques
D,
une
longue
squence
dltn
dn,
sous_titre
Kanr,
le
Juif
I'Allemand
au
c,urs
de
raqueile,
tuut
en
tudiant
la
rcurrence
diuersifie
mais
insiitante
de
ra
rference
d
Kant,
uoire
un
certain
judaiime
de
Kant,
chez"tous
ceux
qui
ont
uoulu,
de
rVagner
et Nietzsche
Adorno,
rpondre
k
question
n
Was
ist-
deutsch
?
,,
j,
me
suis
brauroup
intress
I
ce
que
j'ai
alors
appel
ta
o
pslch
,
judo_ati_
mande,
sauoir
la
logique
de
certains-piro*in",
de
sp_
cularit
troublante,
eile-mme
refleihie
dans
certanes
fa"(et.frSyres
de
penseurs
et
d'criiains
juif
attemands
de
ce
silcle,
Cohen,
Buber,
Rosenzweig,
Sriolr*,
Adorno,
Arendt
-
et
justement
Benjamin.
uni
rfrexion
srieuse
sur
le
nazisme,
et
sur
la
o
solution
finale
)),
ne
peut
pas
faire
l'conomie
d une
analyse.cour*geuse,
interminabti u
poly_
drique
sur
I'histoire
et
la
,rrrrtrrc
de
cette
*
psych-, ju_
do-allemande.
Entre
auffes
choses
dont
je
ne-
p-eux
port*
ici,
nous
Auons
tudi
certaines
analogies,
paimi
ta
plu,
quiuoques
et
les
plus
inquitantes
parfoir,
eitre
les
disiours
de
certains
o
grands ))
pensurs
oilr*and,
non_ju$
et
de
certains
o
grands
D
penseurs
juifi
ailemands
:
un
certain
72
tement,
je
dois
dans
73
Force
de loi
Prnom
de
Beniamin
8/9/2019 Force de Loi
35/71
une
szrte
d'autodestruction, sinon
de
suicide
du texte
qui
ne laisse
apparatre
en
hritage
que
la
uiolence
de sa
signa-
ture
:
czrnme signature diuine. Les derniers
mots,
la
der-
nilre
phrase de
ce
texte
consacre
la
notion si dfficile-
ment
traduisible
de Gewalt
(o
uiolence
,
mais
aussi
o
force
lgitime
,,
uiolence autorise,
pouuoir
lgal,
c0rnme
lorsqu'on parle
de
Staatsgewalt,
le
pouuoir
d'tat),
rson-
nent clmme le
shophar
au soir
ou i la
ueille d'une
prire
qu'on
n'entend
plus
ou pas
encore.
Non
seulement elle
signe, cette
ultirne adresse,
et tout
prs
du
prnom
de
Ben-
jamin,
lVaher.
Mais
i
la
fin
d'un
texte qui
s'ingnie
d-
construire
et d
disqualifier
toutes
les oppositions
qu'il
a
mises
en
euure
de
fagon
critique
(notamment
celle du d-
cidable et
de
l'indcidable,
du
jugement
thorique
et
de
l'action
ruolutionnaire,
de
la
uiolence
fonda*ice
et
de
la
uiolence conseruanice i
l'intrieur du
droit
mythologique
lui-mme oppos
la
juste
uiolence
diuine,
etc.),
la
fin
d'un texte
dont
il
ne reste Aucun
aufte contenu
(thorique,
thilosophique
ou
smantique),
peut-tre mme Aucun
czntenu
o
traduisible
,
hors de
la singularit de son przpre
unement, hors de
sa prlpre
ruine, une pltrase ultime,
une
Phrase
eschatologique nomme
la signature et le sceau,
elle nomme
le
nom,
et ce
qui
appelle
n
die
waltende
,.
Ce
n
.icu
,, entre
walten
et
Waltrr
ne
peut
donner
lieu
h
d.ucune
dmonstration ni
h
aucune
certitude. C'est
d'ailleurs
l
le
paradoxe de sa
force
o
dmonstratiue
>
:
cette.fitrre
rient
d la dissociation
ente
le cognitif et le
per-
.fitnruti.f.'
Mtit
rc
n.ieu
>
n'est
en rien
ludique. Car on sait
d'autrc
pdrt
qu(
Ilrrt,jarnin
s'ast
beaucoup
intress, notam-
men dilns soil
tstliszr
l,e.s
Affinits
lectives
de
Goethe.
74
aux
coi'ncidences
alatoires rnais signifiantes
dont
les
noms
?ropres
sont
proprement
le
lieu.
Mais qui
signe
la
uiolence,
le
saura-t-on
jamais
? N'est-ce
pas
Dieu,
le
Tout
autre ?
Comme
toujours,
n'est-ce
pas
I'autre
qui
signe
?
N'est-ce
pas k
o
uiolence
diuine
,
qui
aura
toujours prcd mais
aussi
donn
tous
les
prnzms,
en
donnant
i
l'homme seul le pouuoir de nommer ?
Voici les
derniers mots de ce texte
trange :
n
La
uiolence diuine
(die
gttliche
Gewalt), qui
est insigne et scetu
(Insignium
und
Siegel), non
point
jamais
mrlen
d'excution
saue,
peut tre
appele souueraine
(mag
die
waltende
heissen)
,.
Comment
lire
ce
texte selon un
geste
n
dconsffuctear
))
qui
ne soit, pas plus maintenant
qu'il ne I'a
jamais
t, ni
heideggerien ni
benjaminien,
uoild
en somme
la
question
dfficile
et
obscure
que
cette
lecture
uoudrait
auenturer.J
Si
je
n'ai pas puis
votre
patience,
abordons
mainte-
nant,
dans
un
autre
sryle, ) un
autre rythme,
la lecture
promise d'un texte
bref et droutant de
Benjamin.
Il
s'agit
de Zur
Kritik
der Gewah'
(1921).
On
n'osera
pas
dire
que
ce
texte
est
exernPlair.
Nous
sommes l
dans
un
domaine
o
il
n'y
^,
finalement, que
des
exemples
1. D'abord publi
dans
Archiu
fir
Sozialwissenschafi
und Sozialpolitih,
1921,
repris das
Gesammelte
Schrifien,
11.1 Bd lV, Suhrkamp,1977,
tr.
fr.
par M. de Gandillac,
o
Pour une critique
de
la violence
,,
in
\lalter
Benjamin, Mythe etViolence,
DenoI,
1971, repris
dans
L'Homme,
le lan'
gage
et
Ia
cuhure,
Bibliothque
Mdiations,
Denol
Gonthier,
1974.
Nous nous rfrerons
cette dernire
dition pour la traduction
(parfois
avec
de trs
lgres
modifications
et seulement pour
des
raisons cui
tien-
nent
notre propos).
&t
75
Force
de loi
Prnom
de
Benjamin
8/9/2019 Force de Loi
36/71
singuliers.
Rien
n'est
absolument
exemplaire.
Je
ne
ten-
terai
pas
de
justifier
ab.solumcnt
le choix
de ce
rexre.
Mais
ce n'esr
pas
pour
autant
Ie
plus
mauvais
exemple
de ce
qui
pourrait
tre
exemplaire
dans
un
conrexre
rela-
tivemenr
drermin
comme
le
ndtre.
I.
IJanalyse
de
Benjamin
rflchit
la
crise
du
modle
europcn de
la
dmocratie bourgeoise,
librale et parle-
mentaire,
et
donc
du
concept
de
droit
qui
en
est
inspa-
rable.
LAllemagne
de
la
dfaite
est alors
un lieu
de
concentrarion
extrme
pour
cette
crise
dont
I'originalit
tient
aussi
)
certains
traits
modernes
comme
le
droit
de
grve,
le
concept
de
grve
gnrale
(avec
ou
sans
rfe-
rence
)
Sorel).
C'est aussi
le
lendemain
d'une
guerre
er
d'une
avanr-guerre
qui
a
vu
se
dvelopper
mais
chouer
en
Europe
le
discours
pacifiste,
l'antimilitarisme,
la cri-
tique
de
la
violence,
y
compris
de
la
violence
juridico-
policire,
ce
qui ne
tardera
pas
)
se rpter
dans
les
an-
nes
qui
suivent.
C'est
aussi
le
moment
o les
questions
de
la peine
de
mort
et
du
droit
de
punir
er
gnral
connaissenr
une
actualit
douloureuse.
En raison
de
I'apparition
de
nouvelles
puissances
mdiatiques,
comme
la radio,
la
mutation
des
strucrures
de I'opinion
publique
commence
I
mertre
en
questior,
..
-o1.
li-
bral
de
la
discussion
ou
de la
dlibration
parlementaire
dans
la
production
des
lois,
etc.
Autant
de
conditions
qui motivent
les
penses
de
juristes
allemands
comme
Cal
Schmitt,
pour
ne
citer
que
lui
-
er
parce
que
Benja-
min
avait
pour
lui
un
grand
respecr,
ne
cachant
pas
)
son
gard
une
derte
que
Schmir
lui-mme
n'hsitait
pas
) rappeler
)
I'occasion.
C'esr
Zur
Kritik
dzr
Geutalt
qii
a
76
d'ailleurs
valu
)
Benjamin,
ds
sa
parurion,
une
lertre
de
flicitations
du
grand
juriste
conservareur
catholique,
encore
constitutionnaliste
). l'poque
mais
dont
on
connait
l'trange
conversion
l'hitlerisme
en
1933
et
la
correspondance
qu'il
entretiendra
avec
Benjamin,
avec
Leo
Strauss
et
avec
Heidegger,
entre
aurres.
J'ai
donc
aussi
t
intress
par
ces quelques
indices
historiques.
Par
exemple
ce texte
est
)
la fois
n
mystique
,,
",.,
,.r,
surdtermin
qui
nous
intresse
ici,
et
hypercritique,
ce
qui
est
loin
d'tre
simplement
contradictoire.
par
cer_
tains
traits,
il
peut
tre
lu
comme
une
greffe
de
mystique
no-messianique
juive
sur
un
no-marxisme
por._roi._
lien
(ou
I'inverse).
Quant
aux
analogies
entre
Zur
Kritik
der
Gewalt
et
certains
tours
de la
pense
heideggerienne,
elles n'chapperonr
)
personne,
notamment
autour
des
motifs
du
Walten
et
de
Gewalt.
Zur
Kritik
der
Gewah
conclur
sur
le thme
de
la
violence
divine
(gdttriche
Ge-
walt)
et"
\Walter
dit pour
finir
de cetre
violence
divine
gubn
peut
l'appeler,
Ia nommer
die
waltende
(Die
giitt_
Iiche
Gewalt
t...1
mag
die
wahende
heissen).
-
...j
A*
wabende
heissen
),
ce
sont
les
derniers
mors
du
texre,
comme
le
sceau
discret
et le
prnom
de
sa signature.
C'esr
ce
rseau
historique
de conrats
quivoques
qui
m'intresse dans
sa
ncessit
et
dans
ses
dangers
mmes.
Dans
les
dmocraties
occidentales
de
19g9,
avec
du
rra_
vail
et
un
certain
nombre
de
prcautions,
des
leqons
peuvent
encore
en
tre
tires.
2.
Ce
rexte
m'a
paru
exemplaire, jusqu')
un
cerrain
point,
dans
la mesure
o,
compte
renu
de
la
thmatique
7
r4
rt
;l
t,l
q
q
Ft
r.{
cl
11
c1
rn
a1
CI
;{
;l
q
l
q
{
l
q
;1
q
{
{
Force
de
loi
Prnom
de
Benjamin
8/9/2019 Force de Loi
37/71
de notre
colloque,
il
se
prte
un
exercice
de lecture
d_
constructive,
ce
que
je
vais
essayer
de montrer.
3.
Mais
certe
dconsrrucrion
ne
s'applique
pas
)
un
tel
texte.
Elle
ne
s'applique
d'ailleurs
iamais
) rien
de I'ex_
trieur.
Elle
est
en
quelque
sorre
l'opration
ou
plutt
l'exprience
mme
que
ce rexre,
me
semble-t-ii, fait
d'abord
lui-mme,
de lui-mme,
sur
lui-mme.
Qu'est-ce
que
cela
veur
dire
?
Est-ce
possible
?
er'r.
reste-t-il
alors
d'un
tel
vnement
?
De
son auto_htro_
dconstruction
?
De
son
juste
et
injuste
inachvement
?
Qu'est-ce
que la
ruine
d'un
tel
vnement
ou la
blessure
ouverre
d'une
telle
signature
? Voil)
une
de
mes
ques-
tions.
C'esr
une
question
sur
la
possibilit
mme
e la
dconstruction.
Sur
son
impossible
possibilir'.
La dmonstration de Benjamin
concerne
donc
la
question
du
droit
(Rech.
Elle
veut
mme
inaugu.rer,
on
pourra
Ie
dire
en
toute rigueur
dans
un
instant,
une
n
philosophie
du
droit
,.
Et
celle-ci
semble
s,organiser
autour
d'une
srie
de
distinctions
qui
toutes
paraissent
lnteressantes,
provocantes,
ncessaires
jusqu')
un
certain
point
mais,
me
semble-t-il,
radicalement
problma_
tiques.
I.
Il
y a
d'abord
la
distinction
enrre
deux
viorences
du
droit,
deux
violences
quanr
au
droit
: la
violenc.
fond"_
trice,
celle
qui institue
er
pose
le
droit
(die
rechtsetzende
Geutalt)
et
la
violence conservatrice,
celle
qui
maintient,
confirme,
assure
la
permanence
er
I'applicabilit
du
droit
(die
rechtserhaltende
Gerta/t).
par
commodit,
gar-
dons
la
traduction
de,
Gewalt
par
violence
mais
;,"i"Ji,
quelles
prcautions
elle appelait.
Gewalt
peut
signifier
aussi
la
dominance
ou
la
souverainet
du
iourroir"lg"r,
I'autorit
aurorisanre
ou
autorise
,
la
force
de
loi.
a
2.
Il
y a
ensuire
la
distinction
enrre
la
violence
fonda_
trice
du
droit qui
est
dite
u
mythique
,
(sous_enrendu
:
Srecque'
me
semble-t-il)
et
Ia
violence
destructrice
du
droit
(Rechtsuernichtend),
qui
est
dire
divine
(sous_en_
tendu
:
juive,
me
semble-t-il).
3.Il
y
a
enfin
la
distinction
enrre
la
justice
(Gerechtig_
h.eit)
comme
principe
de
toute
position
divine
de
bJt
Q3 llnzlp
aller
giittlichen
Ztuecisetzung)
et
ra
puissance
( tyhy)
gomme
principe
de roure
positlon
*yihiq,r.
d.
droir.
(aller mythischen
Rechts
etzung)
Dans
le
titte
Zur
Kritih
der
Gewalt,
u
critique
,
ne
si_
gnifie
pas
simplemenr
valuation
ngative,
rejet
or_r
condamnation
lgitimes
de
la
violence,
mais
jugment,
valuation,
examen
qui
se
donne
les moyens
cl"
iuge,
de
l.
Jc
schmarise
ici
un
thme
largement
dveiopp
ailleurs.
Cf.
par
excmplc
Psych,
Inuentions
de
l'aune,
Galile,
19g7,
p. 26_27
("
La
d_
consruction
ne
s'est
.iamais
prsente
comme
quelque
chose
de
possible.
[...]
ellc
ne
perd rien
)
s'avouer
impossible
[...].
Le
"rrg.,
pour
une
tche
de
clconsrruction,
ce
serait
plutt
la possibitit,
et de
Jevenir
un
en-
semhle
disponiblc
de
procdures
rgles,
de
pratiques
mthodiques,
de
clrcrrrin.s
acccssilrles.
L'intrt
de
la
dconstruction,
de
sa
force
.i
d.
,o'
dcsir, si
clle
en
r,
c'csl
une
cerraine
exprience
de l'impossible:
c'esr--
tf irc
1.,.1
lt l'ttuftr,
I'cxprience
de
l'autre
comme
invention
de I'impos-
siIrlc,
c'tl'urrr'es
tcftrcs
(olnrne
la
seule
invention
possible.
u)
7l
79
Force de
loi
Prnom
de
Benjamin
8/9/2019 Force de Loi
38/71
la
violence.
Le
concepr
de
critique,
en
ranr
qu'il
im-
plique la
dcision
sous
Ia
forme
de
jugemenr
er
la
ques-
tion au
sujet
du
droit de
jrg.r,
a
ainsi
un
rapporr
essen-
tiel,
en lui-mme,
) la
sphre
du
droit.
Un
peu
au
fond
comme
dans
la tradition
kantienne
du
concept
de
cri-
tique.
Le
concept
de violence
(Gewalt)
ne
permer
une
critique
valuatrice que
dans
Ia
sphre
du
droit
et
de
la
justice
(Recht,
Gerechtigkeit)
ou
des rapporrs
moraux
(sittliche
Wrltrihnisse).
Il n'y
a
pas
de violence
naturelle
ou
physique.
On peur
par
figure
parler
de
violence
au
sujet d'un
tremblement
de
terre
ou mme
d'une
douleur
physique.
Mais
on
sait
qu'il ne
s'agit
pas
l
d'une
Gewah
pouvanr
donner
lieu
)
un
jugemenr,
devant
quelque
ap-
pareil
de
justice.
Le
concept
de
violence
apparti..r,
)
I'ordre
symbolique
du
droit,
de la
polirique
er
de la
mo-
rale
-
de toutes
les
formes
d'autoritl
ou
d'auturisation.
de
prtention
). I'autorit
au
moins.
Er
c'esr seulement
dans
cette
mesure
qu'un
tel
concept
peut
donner
lieu
)
une
critique.
Jusqu'ici
cette
critique
s'est
toujours
ins-
crite
dans l'espace
de la
distincrion
enrre
moyen
et fin.
Or,
objecte
Benjamin,
se demander
si
la violence
peut
tre
un moyen
en
aue
de fins
(justes
ou injustes),
c'est
s'interdire
de
juger
de
la violence
elle-mme.
La
critrio-
logie
concernerair
alors
seulemenr
l'application
de la
violence,
non
la
violence
elle-mme.
On
ne saurair
dire
si
celle-ci,
en
ranr
que
moyen,
est
en
elle-mme
juste
ou
non,
morale
ou non.
La
question
critique
resre
ouverte,
celle
d'une
valuarion
er
d'une
justification
de
la
vio-
lence
en
elle-mme,
fiit-elle
simple
moyen,
et
queile
que
soit
sa
fin.
cette
dimension
critique
aurait
t
forclose
80
par
la
tadition jusnaturalisre.
pou
les
tenants
du
droir
narurel,
le
recours
)
des
moyens
violents
ne
pse
";.;;
roblme
puisque
les
fins
naturelles
sont
justes.
Le
re_
cours
)
des
moyens
violents
est
aussi
justi,
".rrri
nor_
mal
que
le
n
droit
,
de
I'homme
ve.s
le
bur
)
atteindre. La
violenc
,?:;:;t:J ;:t::
point
de
vue
un
u
produir
narurel
o
(Naturproduht),.
Benjamin
donne
quelques
exemples
de
cette
.,"tur"li"_
tion
de
Ia
violence
par
le
jusnaturalisme
:
al
l'tat
fond
sur
le
droit
naturel
dont
parle
Spinoza
dans
le
Trait
thologico-politique.t
do.,t
f.
.i,oy.n,
avant
le
contrat
form
par la
raison,
exerce
de
jure'une
violence
dont
il
dispose
de
facto
;
b/
le
fondemenr
idologique
de
Ia
Tereur
sous
la
R_
volution
frangaise
;
c/
Ies
exploitations
d'un
certain
darwinisme,
erc.
,
Mais
si,
l'oppos
du
jusnaturalisme,
la
tradition
du
lroit
positif
esr
plus
atrentive
au
devenir
hirtoriqr.
Ju
ororr,
elle
reste
aussi
en_deg)
du
questionnem.nt
cri_
tique.appel
par
Benjamin.
Sans
doute
ne
peut_elle
considrer
que
rous
les
moyens
sont
bons
ds
rs
qu,ils
se
conforment
)
une
fin
naturelle
et
anhistoriqu..'Ell;
prescrit
de
juger
des
moyens, c'esr-)-dire
de
leu,
confor-
mit
)r
un
droit
qui
est
en
cours
d,institution,
)
un
nou_
veau
droit
(par
consquenr
non
narurel)
qu'elle
ualu.
en
fonction
des
moyens.
Elle
n,exclut
don.
p",
un.
.ri_
tique
des
moyens.
Mais
les
deux
traditions
p"rt"gent
Ia
l.
Op.
cit.
p.
180,
v.
p.24.
BI
Force de loi
Prnom
de
Benjamin
8/9/2019 Force de Loi
39/71
mme
prsupposition
dogmatique, savoir
qu'on peut
atteindre )
des fins
justes
par
des moyens
justes.
n
Le
droit
naturel
s'efforce de
"justifi,er"
("reclttfertigen")
les
moyens
par la
justice
des buts
(durch
die
Gerechtigheit
der
Zweche); le
droit positif s'efforce
de
"garanrir"
('ga-
rantieren")
la
justice
(Berechtigung)
des fins
par
la lgiti-
mi
(Gerechtigkeit) des
moyens'.
o
Les
deux traditions
tourneraient
dans
le
mme
cercle
de prsuppositions
dogmatiques.
Et
il n'y
a aucune
solution ) I'antinomie
quand
une
contradiction
surgit
entre
des
fins
justes
et
des
moyens
justifis.
Le
droit positif
resrerait
aveugle
)
I'inconditionnalit
des fins,
le
droit narurel
) la condi-
tionnalit
des moyens.
Nanmoins,
bien
qu'il semble
les renvoyer
symtri-
quement
dos ) dos, Benjamin
garde
de la
tradition
du
droit
positif
le
sens
de
l'historicit
du droit.
Il
est
vrai,
inversement,
que ce
qu'il dira
plus
loin
de
la
justice
di-
vine n'est
pas
roujours incompatible
avec
le fond tholo-
gique
de
tous les
jusnaturalismes.
En
tout cas,
la
cri-
tique
benjaminienne
de la violence
prtend excder
les
deux traditions
et
ne
plus relever
de la sphre
du
droit
et
de
I'interprtation
interne
de l'institution
juridique.
Elle
appartient
I
ce
qu'il appelle
en
un
sens
assez
singulier
une
(
philosophie
de
l'histoire
,
er
se
limite
express-
ment, comme
le fait
toujours
Schmitt,
aux
donnes du
droit europen.
Dans
ce
qu'il
a
de
plus
fondamental,
le
droit
europen
tend
)
interdire
la violence
individuelle
er )r
la
condam-
l.
Op.
cit.
p.
tftO
I
rr.
r.
25
82
ner
en
tant
qu'elle
menace
non
pas
telle
ou
telle
loi
mai.s
I'ordre
juridique
lui-mme
(die
Recbtsordnung).
D'o
I'intrt
du
droit
-
car
il
y
a
un intrt
du
doit-i
se
po_
ser
er
se consever
lui-mme,
ou
) reprsenter
l'intirt
que
justemenr
il
reprsente.
Parler
d'un
intrt
du
droit
peut
paraitre
(
surprenant o,
c'est
le
mot
de
Benjamin
;
mais
il
est
en
mme
remps
normal,
il
est
dans
Ia
narure
de
son
propre
intrr,
que
de prtendre
exclurE
les
vio_
lences
individuelles
qui
menacenr
son
ordre
;
c'esr
en
vue
de son
intrt
qu'il
monopolise
ainsi
la
violence,
dans
Ie
sens
de Gewah,la
violence
en
ranr
qu'autorit.
II
y
a un
u
intrt
du
droit
)
la
monopolisation
de
la
vio_
lence
u (Interesse
des
Rechts
an
der
Monopolisierung
der
Geutalt)'.
Ce
monopole
ne
tend
pas
protger
telles
ou
telles
fins
justes
et
lgales
(Rechtszu,,ecke)
mais
le droit
lui-mme.
Cela
ressemble
) une
trivialit
tautologique.
Mais
la
tautologie
n'est-elle
pas
la
strucrure
phnomnale
d'une
certaine
violence
du
droit
qui
se
pose
lui-mme
en
d_
ctant
qu'esr
violent,
cette
fois
au
sens
de
hors_la_loi,
tout
ce
qui ne
Ie reconnait
pas ?
Thutologie
performative
ou
synthse
a
priori
qui
structure
roure
fondatio
de la
loi
partir
de laquelle
on
produit
performativement
les
convenrions
(ou
le
u
crdit
o
dont
nous
parlions
plus
haut)
qui
garantissent
la
validit
du
perfrmatif
grce
auquel,
ds lors,
on
se
donne
les
moyens
de
dcider
entre
la violence
lgale
et la
violence
illgale.
Les
expres_
sions
de
tautologie
ou
de
synthse
a
priori,.,
,rrr,ou,
8a
Force
de
loi
celle
Prnom
de
Benjamin
8/9/2019 Force de Loi
40/71
de
performatif
ne
sont
pas
benjaminiennes,
mais
j'ose
croire
qu'elles
ne
trahissen,
p",
son
propos.
La
fascination
admirative
exerl.
,,r, i.
p.upl.
par
la
:
_fiq"*
du
"grand"
criminel
u
(die
Gestah'd",
)
grorrrn
,
Wrbrechers)
s'explique
ainsi
:
ce
n,est
p",
q,r.lqJ,un
qui
a
commis
tel
ou
tel
crime
pour
lequel
on
prouverait
une
secrte
admiration
;
c'esr
quelqu'un
q,ri,
en
dfiant
la
loi,
met
nu
la
violence
de
I'ordre
juridique
lui_mme.
On
pourrait
expliquer
de
Ia
mme
fagon
la
fascination
qu'exerce
en France
un
avocat
.o*-.
Jacques
Vergs
qui
dfend
les
causes
les
plus
insoutenables
en
pratiquant-ce
qu'il appelle
la
n
stratgie
de
rupture
)
:
contestation
ra-
dicale
de l'odre
donn
de
ra
roi,
de |autorit
judiciaire
et
finalemenr
de
Ia
lgitime
autorit
de I'E,ta
qui
fait
comparaitre
ses
clients
devant
ra
loi.
Autorit
;uici"i..
devant laquelle
en
somme
I'accus
comparait
alors sans
comparaitre,
ne
comparait
que
pour
tmoigner
(sans
r_
moigner)
_de
son
opposition
)
la
loi
qui
I'appelle
com_
paraitre.
Par
la
voix
de
son
avocar,
I'accus
prtend
au
droit
de
conresrer
I'ordre
du
droit
-
parfois
l-'identifica-
tion
des
victimes.
Mais
quel
ordre
d,,
droit
?
Lordre
du
droit
en
gnral
ou
cer
ordre
du
droit
institu
et
mis
en
Guvre
(,
enforced
,,)
par la
force
de
cet
tat
?
Ou
l,ordre
en
rant
qu'il
se
confond
avec
l,Etat
en
gnral
?
Lexemple
discriminant
serait
ici lerui
du
droit
de
grve.
Dans
la
lutte
des
classes,
note
Benjamin,
le
droit
de
grivl
esr
garanri
aux
travailleurs
qui
sont
donc,
),
ct
de
l'Etat,
le
seul
sujet
de
droit
(Rechxsubjekt)
)
se
t.Iotd.
B4
,-_
85
voir
garantir
un
droit
)
la
violen
ce
(Recht
auf
Gcwalt)
er
:::: "rr*'r
le
monopole
de
I'tat
cet
gard.
Cer_
rarns
ont
pu
considrer
que
I'on
ne
saurair
p"ir.,
ici
de
violence,
ds
lors
que
l,ex.rcice
de
Ia
grve,'c;
;;.
tion
d'activit,
ce
(
ne
rien
faire
,
(icht_Han)rnl,*r"
consdrue
pas
une
1.,i9:.
On jusrifie
ainsi
l,octroj
;
..
roit
par-le
pouvoir
d'Etat
$aatsgewalt)
quand..lui-.
ne
peur
faire
autremenr.
La
violeice
vienrair
de
l,em-
ployeur
et
Ia
grve
consisterait
seulement
en
une
absten-
,i:1,
.n
un
loignement
non-violent
par
lequel
le
tra_
vailleur,
suspendant
ses
relations
avec
i.
p"rrorr",
.,
,.,
machines,
leu
deviendrait
simplement
tranger.
Celui
qui
sera
I'ami
de
Brecht
dfinit
cet
loigne
rn
-l_
hehr)
comme
une
o
Entfremdun|
,.
Il
.r
l.
,".,
;;;.
guillemets'.
Mais
visiblemenr
Benjamin
ne
croir
pas
cer
argu_
ment
de
la
non_violence
de
la
grve.
Les
grvisres
posenr
des
conditions
I
la
reprise
du
travail,
ils
ne
cessenr
leur
grve
que
si
un
ordre
des
choses
a
chang.
Il
y
a
donc
violence
conrre
violence.
En
portant
Ie
d"roit
d:
;';
a
limite,
Ie
concept
o.,
l.
-ot
d,odre
de
grve
)"r"t,
n
manifeste
ainsi
l,essence.
Ltat
supporre
mal
ce
pas_
sage
)
la
limite.
Il
Ie
juge
abusif
et
priend
qu,il
y
"
d;;
malentendu,
une
msin
terprtation
d.
I,
irrrrtl;;
;;;;
nelle
et
que
le
droit
de
gilr.
,r'"
pas
t
entendu
ainsi
(das
Streikrecht
o
so
,
"irlt
gr*rin)
geuesen
seir).
Il
peur
faire
alors
condamne,
l"
gu.
ge"3r"t.
.o_r.,ilr'g"t
t
"r-*
lg4,
tr.
p.
2.
Op.
cit.
p.
184,
tr.
p.
)g
30.
lhrt
lr
loi
ct,
si
cllc
rcrsistc,
n()u.s
avons
l
une
situation
rvolu-
Prnom
dc
Benjamin
donc
de
se
8/9/2019 Force de Loi
41/71
tionrraire
.
tlnc
rcllc siruation
esr
en
fait
la seule
qui
nous
penrctrc
cle
renser
I'homognit
du
droit
et
de
la
vio-
lence,
la
violcnce
comme
I'exercice
du
droit
et le
droit
corrme
exercice
de
la
violence.
La
violence
n'esr
pas
ex-
trierrc
h
l'ordre
du
droit.
Elle
menace
le
droit
)r l,int-
rieur
du
droit.
Elle
ne
consisre pas
essenriellement
)
cxcrcer
sa
puissance
ou
une force
brutale
pour
obtenir
tel
ou tel
rsultat
mais
menacer
ou
dtruire
un
ordre
de
droit
donn,
et
prcismenr,
dans
ce
cas,
I'ordre
de
droit
tarique
qui
a
d accorder
ce
droit
) la
violence,
par exemple
le
droit
de
grve.
Commenr
interprter
cerre
contradiction
?
Est-elle
seulemenr
de
facto
et extrieure
au droit
?
Ou
bien
im-
manenre
au
droit
du
droit
?
Ce
que redoute
l'tat,
le
droit
dans
sa
plus
grande
force,
ce
n'esr
pas
ranr
le
crime
ou le
brigandage,
mme
grande
chelle,
comme
la
mafia
ou le
grand
trafic
de
la
drogue,
ds lors
qu'ils
rransgressent
Ia
loi
en vue
d'ar-
teindre
)
des
bnfices
particuliers,
si importants
soient-
ils.
(ll
est
vrai
qu'aujourd'hui
ces institutions
quasi-ta-
tiques
et inrernarionales
onr
un
sratut
plus
radical
que
celui
du
banditisme
et reprsentenr
une
menace
avec
la-
quelle
tant
d'Etats
ne
rrouvent
) traiter
qu'en
faisant
al-
liance
avec
elle
-
er en
se
soumertant
)
elle,
par
exemple
en
trouvant
son
compte
dans
le
u
[1.lriement
de l,a-
genr
))
-,
rour
en feignant
de la
combattre
par
tous
les
mcryen.s.)
llrat
a
pellr
de la
violence
fondairice,
c,est-L-
dirc
capalrlc
dc
justifier,
de
lgitimer
-(begrnden)
ou
de
transfcrrnrcr
rfcs
rclations
de
droit
(Rechtsuerhibnisse),
et
B6
prsenter
comme
ayanr
un
droir
au
droit.
Cette
violence
apparrienr
ainsi
d'avance
) l,ordre
d,un
droit
transformer
ou )
fonder,
mme
si
elle
peut
bles_
ser norre
sentimenr
de
justice
(Gerechtigheitsgefilh/),,
Seule
cette
violence
appelle
et
rend
porribl.
ui.
.
.r-
tique
de
la
violence
)
qui
dtermine
celle_ci
comme
autre
chose
que
l'exercice
narurel
de
la
force.
pour
qu'une
critique,
c'est-)-dire
une
varuation
interprtative
et
signifiante
de
la
violence
soit
possible,
on
doit
d'abord
reconnaitre
du
sens
)
une
,riolence
qui
n'est
pas
un
accidenr
survenu
de l'exrrieur
au
droit.
Ce
qui
e_
nace
le
droit
appartient
dj)
au
droit,
au
droir
au
d.oit,
)
l'origine
du
droit.
La
grve
gnrare
fournit
ainsi
un
fir
conducteur
prcieux
puisqu'elle
exerce
re
droit
concd
pour
contester
I'ordre
du
doit
existant
et
crer
une
si-
tuation
rvolutionnaire
dans
laqueile
il
s'agira
de
fonder
un
nouveau
droit,
sinon
toujours,
nous
le
verrons
dans
un
instant,
un
nouvel
tat.
Toutes
res
situations
rvoru-
tionnaires,
tous
les
discours
rvolutionnaires,
d.e
gauche
ou
de
droite
(et
)
partir
de
1921,
en
Allem"g.r.,
fl
y ..,
eut
beaucoup
qui
se
ressemblaient
de fagon
iror.rbl"r,t.,
Benjamin
se
trouvanr
souvenr
ente
les
deux)
justifient
le
recours
i
la
violence
en
allguant
l,instaution
en
cours
ou
venir
d'un nouveau
droit
:
d,un
nouvel
Etat.,
Comme
ce
droit
i
venir
lgitimera
en
retour,
rtrospecti_
vement,
la
violence
qui
peut
heurre
le
sentiment
d.
ur_
1.
Op
cit.
p.
185
;
tr.
p.
31.
^?
O:
rrouve
le
principe
d'un
argument
analogue
chez.
Carl
Schmirt.
Cf.
?olitiques
de
I'amiti,
Galile,
tig4,
p.140
et
surv.
87
Force
de
loi
tice,
son
futur
antrieur
la
justifie
Prnom
de
Benjamin
8/9/2019 Force de Loi
42/71
dj).
La
fondation
de
tous
les
Et"ts
advient
dans
une
situarion
qu,on
peut
ainsi
appeler
rvolurionnaire.
Elle
inaugure
un nouveau
droit,
elle
le
fait
toujours
dans
la vio-rence
.
Toujours,
c'est-)-dire
mme
si
alors
n'ont
pas
lieu
..,
ge.ro.id.r,
expulsions
ou
dportations
spectaculaires
dont
s'".com_
pagne si souvenr la
fondation
des
rats, grands
ou
perits,
anciens
ou
modernes,
tout
prs
ou
trs
loin
d.
not....
Dans
ces
siruarions
dites
fcrndatrices
de
droit
ou
d'tat,
la
catgorie
grammaricale
8/9/2019 Force de Loi
43/71
parait
infiniment
transcendante
et
donc
thologique
que
dans la mesure
o, au
plus prs
de lui, elle ne
dpend
que
de
lui,
de I'acte
performatif
par
lequel il
l'institue :
la
loi est
transcendante,
violente
et non violente,
parce
qu'elle
ne
dpend
que de
qui est
devant elle
-
et
donc
avant
elle
-,
de qui la
produit,
la
fonde,
I'autoise
dans
un
performatif
absolu
dont
la
prsence
lui
chappe
rou-
jours.
La
loi
est
transcendante
et thologique,
donc tou-
jours
venir,
toujours
promise,
parce
qu'elle
est imma-
nente,
finie
et donc
dj)
passe.
Tout
u
sujet
,
se
rrouve
pris d'avance dans
cerre
structure
aportique.
De
cette loi
l'avenir
seul
produira
I'intelligibilit
ou
I'interprtabilit.
Au-deh
de
la lettre
du texte
de
Benja-
min,
que
je
ne
suis plus
depuis
un insrant
dans Ie
sryle
du commentaire
mais
que
j'interprte
depuis son aveni
on
dira
que
I'ordre
de
I'intelligibilit
dpend
)
son
rour
de I'ordre instaur
et
qu'il sen ) interprter.
Cette lisibi-
lit
sera donc aussi
peu
neurre
que
non-violente.
Une
rvolution
n
russie
,,
la
fondation
d'un
Etat
u
russie
u
(un
peu au
sens o on
parle
d'un
o
felicitous
, o
per-
matiue
specch act
r)
produira
apris coup
ce
qu'elle tait
d'auance
destine
)
produire,
)
savoir
des modles inrer-
prtatifs propres
lire
en rerour,
donner
du
sens,
de
la
ncessit
et surtour
de
la lgitimit
la violence
qui
a
produit,
entre
aurres,
le
modle
interprtatif
en ques-
tion,
c'est--dire
le
discours
de
son
auto-lgitimation.
Les
exemples
de ce
cercle,
autre
cercle hermneutique,
autre
cercle
de
la
violence,
ne
manquent
pas,
prs ou
loin
de
nous,
ici
mme
ou ailleurs,
qu'il
s'agisse
de ce
qui
se
passe
d'un
quartier
I'aurre,
d'une
rue
). I'autre,
90
d'une grande mtropole,
d'un pays
ou
d'un
camp
I'autre
autour d'une
guerre
mondiale
au cours
de
Ia-
quelle
des
tats
et des
nations
sont fonds,
dtruits
ou
ramnags.
Il faut
en
tenir
compte
pour
d-limiter
un
doit
international construit sur
le
concepr
occidental
de souverainet tatique
et de non-ingrance,
mais
aussi
pour penser
sa
perfectibilit
infinie.
Il
y
a
des
cas
o
pendant
des
gnrations,
on ne
sait
pas
si
le
performarif
de
la
fondation
violente
d'un
tat
est
russi
(,,
felici-
tous
,)
ou
non.
Nous pourrions
en
citer
plus
d'un
exemple.
Cette
illisibilit
de
la
violence
tient
)
la lisibi-
lit
mme
d'une
violence qui
appartient
) ce
que
d'autres
appelleraient
l'ordre
symbolique
du
droit,
et
non
la physique
pure.
On
pourrait
tre
tent
de re-
tourner
comme
un
gant la
o
logique
n
(n
logique
>
ente
guillemets
car cet
n
illisible
,
est aussi
bien
u
illogique
,
dans
l'ordre
du lgos,
et
c'est aussi
pourquoi
j'hsite
)
I'appeler
u
symbolique
))
et
)
le
prcipiter
ainsi
dans
l'ordre
du
discours
lacanien) de cette
lisible
illisibilir.
Elle
signifie
en somme
une
violence
juridico-symbo-
lique,
une violence
performative
) l'intrieur
mme
de
la
lecture
interprtative.
Et
une mtonymie
pourrait
re-
tourner
l'exemple
ou
l'indice vers la
gnralit
concep-
tuelle
de
I'essence.
On
dirait
alors
qu'il y
a
une
possibilit
de
u
grve
g-
nrale
u,
un
droit
analogue
)
celui
de
la
grve
gnrale
dans
toute lectue
interprtative,
le
droit de
contester
le
droit
tabli
dans
sa
plus
forte autorit,
celle
de
I'E,tat.
On
a
le
droit
de
suspendre
I'autorit
lgitimanre
er
toutes
ses
normes
de
lecture,
et cela
dans lcs
lectures
les
c)l
Forct
de
loi
Prnom
de
Benjamin
d
8/9/2019 Force de Loi
44/71
plus
lisantes,
les
plus
cfficaces,
le.s
plus
pertinentes,
qui
videmment
s'expliquent
avec
de
I'illisible
p"rfois
pour
fonder
un
aurre
ordre
de lecture,
un
autre
r",,
p"rfoi,
sans
le faire
ou
pour
ne
pas
le
faire.
Car .ro.r,
,l.rro*
que
Benjamin
distingue
enrre
deux
sortes
de
grves
g_
nrales,
les
unes
destines
remplacer
l,ordre
,,r,
i",
p"r
yn,
autre
(grve
gnrale
politique)
l,aurre
suppri-
mer
I'E,tar
(grve
gnrale
prolAar;ionr).
En
somme
les
deux
rentations
de la
dconstruction.
Car il
y a
de
la
grve
gnrale,
et
donc
de
la
situation
rvolutionnaire
dans
toute
lecture
instauratrice
qui
reste
illisible
au regard
des
canons
tablis
et
des
noim.,
d.
lecrure,
c'est-)-dire
de
l'tat
prsent
de la
lecture
ou
de
ce
qui
figure
I'Etat,
avec
un
grand
E,
dans
l,tat