Force de Loi

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  • 8/9/2019 Force de Loi

    1/71

    Jacques

    Derrida

    Force

    de

    loi

    Le

    u

    Fondement

    mystique

    de

    l'autorit

    u

    O 1994-2005, Dr'floNs GALILEE,

    9,

    rue

    Linn,75005

    Paris

    En applicetion dc

    la loi

    du i

    I mars

    1957, il

    est

    interdit

    de

    reproduire intgralement

    ou

    priiell.^cnr lc

    prscnr

    ouvragc sns

    autorisetion de

    l'diteur ou du

    Centie

    frangais

    d'cxploitation du droir

    dc copic

    (cnc),

    20,

    ruc

    dcs

    Grands-Augustins, 75006

    Paris.

    ISI]N 2-7186-0699-l ISSN 0768-2395

    X+Y

    v=-

    AE

    Galile

  • 8/9/2019 Force de Loi

    2/71

    Avertissement

    La

    premire

    partie

    de

    ce

    texte,

    u

    Du

    droit

    )

    Ia

    jus-

    tice

    ,,

    fut

    lue

    )

    I'ouverture

    d'un

    colloque

    organis

    par

    Drucilla

    Cornell

    )i

    la

    Cardozo

    Law School

    en

    octobre

    lggg

    sous

    Ie

    titre

    o

    Deconstruction

    and

    the

    PossibilitL

    of

    Justice,

    et

    qui

    runit

    des

    philosophes,

    des thoriciens

    de

    la littrature

    et

    des

    juristes

    (notamment

    des

    reprsen-

    tants du

    mouvement

    qu'on

    nomme

    aux

    tats-Unis

    Cri-

    tical

    Legal

    Studies).

    La seconde

    partie

    du

    texte,

    n

    Prnom

    de Benjamin

    ,,

    n'I

    fut

    pas

    prononce mais son texte

    en

    fut

    distribu

    parmi

    les

    participants'

    Au

    printemps

    de

    I'anne

    suivante,

    le 26

    avril1990,

    Ia

    ,..orrd. partie

    de

    la

    mme

    conference

    fut

    lue

    ) l'ouver-

    ture d'un

    autre

    colloque

    organis

    )

    l'Universit

    de

    Cali-

    fornie

    I

    Los

    Angeles,

    par

    Saul

    Friedlander

    sous

    le titre

    o

    Nazism

    and

    the

    "Final

    Solution"

    : Probing

    the

    Limix

    oJ

    Re\resentation

    ,.

    Cette

    seconde

    partie

    fut

    prcde

    d'un

    l

    ti

    I

    'I

    I

    $

    ii

    ,r$

    dH

    t

    q

  • 8/9/2019 Force de Loi

    3/71

    Force

    de

    loi

    avant-propos

    et suivie

    d'un

    post-scriptum

    que

    nous

    joi-

    gnons )

    la

    prsente

    publication.

    Celle-ci

    ajoute quelques

    dveloppements

    et quelques

    notes

    aux ditions

    ant-

    rieures

    et

    en

    langues trangres,

    sous

    forme

    d'article ou

    de

    livre'.

    l. ln

    Deconstruction

    and

    the Possibili4t

    of

    Justice,

    tr.

    Mary

    Quaintance,

    Cardozo

    Law

    Reuicw,

    New York,

    vol

    II,

    nos

    5-6

    juillet-aot

    1990,

    puis

    in

    Deconstructitn and

    the Possibility

    of

    Justice,

    D.

    Cornell,

    M.

    Rosenfeld,

    D.C. Carlson

    c1., Routledgc, New

    York,

    Londres, 1992

    ;

    enfin

    sous la

    forme

    d'un

    ouvrage

    spar,

    Gesetzeshrafi.

    Der

    o

    mystische Grund

    dr

    Au'

    tolitAt

    >,

    tr. Alcxander Garci Dttmann,

    Suhrkamp

    I991.

    I

    Du

    droit

    ) la

    justice

  • 8/9/2019 Force de Loi

    4/71

    C'est

    pour

    moi

    un

    devoir,

    je

    dois

    m'Adres.cer

    vous

    en

    anglais'.

    Le

    titre de ce colloque et le

    problme

    qu'il

    me

    f'strr,

    comme

    vous le dites transitivement

    dans votrc

    lanrrc.

    o

    addresser

    ))

    me

    font

    rver

    depuis

    des

    mois.

    Bien

    trr'orr

    m'ait

    confi

    le

    redoutable honneur

    de la

    Qu'est-ce

    qu'une

    fiction

    lgitime

    ?

    Q.t.

    veut

    dire

    fonder

    la vrit

    de la

    justice

    ? Voili

    certaines

    des questions

    qui

    nous

    attendent.

    Montaigne

    proposait

    une analogie

    entre

    ce strpplrnent

    de

    fiction

    lgitime,

    c'est--dire ncessaire

    pour

    f

  • 8/9/2019 Force de Loi

    14/71

    Force

    de

    loi

    de

    Ia

    prsupposition

    de son

    pessimisme

    chrtien,

    ce

    qui

    n'est

    pas

    impossible,

    alors

    on

    peut

    y rrouver,

    comme

    d'ailleurs

    chez

    Montaigne,

    les

    prmisses

    d'une

    philoso_

    phie

    critique

    moderne,

    yoire

    une critique

    de I'iologie

    juridique,

    une

    dsdimentation

    des

    supersrrrl.rtr..,

    .,

    droit

    qui

    cachent et

    refltent

    )

    ra

    fois rei

    intrts

    cono-

    miques

    et

    politiques

    des

    forces

    dominantes

    de la

    socit.

    Cela

    serait

    toujours

    possible

    et

    parfois

    utile.

    Mais

    au-del)

    de

    son

    principe

    et

    de son ressom,

    cetre

    pense

    pascalienne

    concerne

    peut_tre

    une

    structure

    plus.

    intrinsque.

    {Jne

    critique

    de

    l,idologie

    juridique

    ne

    devrait

    jamais

    la

    ngliger.

    Le

    surgisr.-J.,,

    mme'de

    la

    justice

    et

    du

    droit,

    le

    moment

    instituteur,

    fondateur

    et

    justificateur

    du

    droit

    implique

    une

    force

    performa_

    tive, c'esr-)-dire

    toujours

    une force interprtative er

    un

    appel

    la

    croyance

    :

    non

    pas

    certe

    fois

    au

    sens

    o

    le

    droit

    serait

    au

    seruice

    de ri

    force,

    I'instrument

    docile,

    servile

    et

    donc

    extrieur

    du

    pouvoir

    dominant,

    mais

    o

    il

    entretiendrait

    avec

    ..

    qu'o,

    appelle

    la

    force,

    le

    pou_

    voir

    ou

    la violence

    une

    relation

    plus

    intern.

    .,

    pl.r,

    complexe.

    La

    justice

    -

    au

    sens

    du

    doit

    (right

    o,

    lo*)

    n,

    serait

    pas

    simplement

    mise

    au

    service

    diu.re

    force

    ou

    d'un

    pouvoi

    social,

    par

    exemple

    conomique,

    poli_

    tique,

    idologique

    qui

    exister"it

    ho^

    d'elle ou

    au"ni

    .ll.

    et

    auquel

    elle

    devrait

    se

    plier

    ou

    s'accorder

    seron

    |utilit.

    Son

    moment

    de fondation

    ou

    d,insritution

    mme

    n,est

    d'ailleurs jamais

    un

    moment

    inscrit

    dans

    le

    rissu

    homo-

    gne

    d'une

    histoire

    puisqu,il

    le

    dchie

    d,une

    dcision.

    Or

    l'opration

    qui

    evient

    )

    fonder,

    inaugurea

    )

    justi_

    fie

    le

    droit,

    faire

    la

    loi,

    consisrerai,

    .r,

    .r.,

    .orrp

    d.

    32

    J3

    Du

    droit )

    la

    justire

    force,

    en

    une violence

    performative

    er

    donc

    interprta=

    tive

    qui

    en

    elle-mme

    n'esr

    ni

    juste

    ni injuste

    et

    qu,au-

    cune

    justice,

    aucun

    droit

    pralable

    et

    antrieurement

    fondateur,

    aucune

    fondation

    prexistanre,

    par

    dfini-

    tion,

    ne

    pourrait

    ni garantir

    ni

    contredire

    ou

    invalider,

    Aucun

    discours

    justificateur

    ne

    peut

    ni

    ne

    doit

    assurer

    lc

    rle

    de

    mtalangage

    par

    rapporr

    )r

    la

    performativit

    du

    langage

    instituant

    ou

    i

    son

    interprtation

    dominante.

    Le

    discours

    rencontre

    l

    sa

    limite

    :

    en lui-mrne,

    dans

    son

    pouvoir

    performatif

    mme.

    C'esr

    ce

    que

    je

    proposc

    d'appeler

    ici,

    en

    dplagant

    un

    peu et

    en

    gnralisant

    la

    strucrure,

    Ie

    mystique.

    Il

    y a

    l)

    un silence

    mur

    dans

    la

    structure

    violente

    de

    I'acte

    fondateur.

    Mur,

    emmur

    parce

    que ce

    silence

    n'esr

    pas

    extrieur

    au

    langage.

    Voil)

    en

    quel

    sens

    je

    serais

    tent d'interprrer, au-del)

    du

    simple

    commenraire,

    ce

    que Montaigne

    et

    pascal

    appel-

    Ient

    le

    fondement

    mlstique

    de

    l'autorit.

    On

    pourra

    iou-

    jours

    retourner

    sur

    r

    ou

    Conrre

    -

    ce

    que

    je

    fais

    ou

    dis

    ici,

    cela

    mme

    que

    je

    dis

    qui

    se fait I

    l'origine

    de

    toute

    institution.

    Je

    tirerais

    donc

    I'usage

    du

    mor

    (

    mystique

    u

    dans

    un

    sens

    que

    je

    me risque

    dire

    plutt

    wittgenstei-

    nien.

    Ces

    texres

    de

    Montaigne

    et

    de

    Pascal,

    comme

    la

    tradition

    i

    laquelle

    ils

    appartiennenr,

    comme

    I'interpr-

    tation un

    peu

    active que

    j'en

    propose,

    pourraient

    tre

    invits

    )

    la

    discussion

    par

    Stanley

    Fish

    dans

    o

    Force

    ,

    (in

    Doing

    What

    Comes

    Naturallyl)

    de

    o

    the

    Concept

    of

    Lata

    ,

    -1.

    Stanley

    Fish, Doing

    What

    Comes

    Naturally,

    Change

    and

    the

    Metoric

    of

    Theory

    in

    Literary

    and

    Legal

    Srudies,

    Duke

    Universiry

    press,

    Durham

    and

    London,

    1989.

  • 8/9/2019 Force de Loi

    15/71

    Force de loi

    de

    Hart et

    de quelques autres, dont implicitement

    Rawls,

    lui-mme

    critiqu par

    Hart,

    comme bien

    des

    dbats

    illumins

    par certains textes de

    Sam

    \Weber

    sur

    le

    caractre

    agonistique et non

    simplement

    intra-institu-

    tionnel ou

    mono-institutionnel

    de

    certains

    conflits

    dans

    Institution

    and

    Interpretation

    t.

    Lorigine de l'autorit,

    la fondation

    ou

    le fondement,

    la

    position de

    la

    loi ne

    pouvant

    par dfinition s'appuyer

    finalement

    que sur elles-mmes,

    elles sont

    elles-mmes

    une

    violence sans

    fondement.

    Ce

    qui

    ne veur

    pas dire

    qu'elles sont injustes en soi,

    au sens

    de

    o

    illgales

    ,

    ou

    n

    illgitimes

    ,.

    Elles

    ne sont

    ni

    lgales

    ni

    illgales en leur

    moment

    fondateur.

    Elles excdent

    l'opposition du fond

    et

    du

    non-fond,

    comme

    de tout fondationnalisme

    ou

    de

    tout

    antifondationnalisme. Mme

    si le

    succs

    de

    per-

    formatifs

    fondateurs

    d'un

    droit

    (par

    exemple

    et

    c'est

    plus

    qu'un exemple,

    d'un

    E,tat

    comme

    garant d'un

    droit) supposent

    des conditions et

    des

    conventions

    pra-

    lables

    (par

    exemple dans

    I'espace national

    ou internatio-

    nal),

    la

    mme

    limite

    n

    mystique

    o

    ressurgira

    )

    l'origine

    suppose

    desdites

    conditions, rgles

    ou conventions

    -

    et

    de

    leur interprtation

    dominante.

    Dans la

    structure

    que

    je

    dcris

    ainsi, le

    droit

    est

    essen-

    tiellement dconsnuctible,

    soit

    parce

    qu'il

    est

    fond,

    c'est-)-dire construit

    sur

    des

    couches textuelles

    interpr-

    tables

    et transformables

    (er

    c'esr I'histoire

    du

    droit, la

    possible et

    ncessaire

    transformarion,

    parfois l'amliora-

    tion

    clu

    droit),

    soit

    parce

    que son ultime fondement par

    Du

    droit i. la

    iustice

    dfinition

    n'est

    pas

    fond.

    Que

    le

    droit

    soit

    dconstruc-

    tible n'est

    pas

    un

    malheur.

    On

    peut

    mme

    y trouver

    la

    chance politique de tout

    progrs

    historique.

    Mais

    le

    pa-

    radoxe

    que

    je

    voudrais soumettre

    ) la

    discussion

    est

    le

    suivant :

    c'est

    cette

    structure

    dconstructible

    du

    droit

    ou, si

    vous

    prfrez,

    de

    la

    justice comme

    droit qui

    assure

    aussi

    la possibilit

    de la

    dconstruction. La

    justice

    en

    elle-mme,

    si

    quelque

    chose

    de

    tel

    existe,

    hors

    ou

    au-

    del) du

    droit,

    n'est

    pas dconstructible.

    Pas

    plus

    que la

    dconstruction

    elle-mme,

    si quelque

    chose de

    tel existe.

    La

    dconstruction

    est

    la

    justic.

    C'est peut-tre

    parce

    que

    le

    droit

    (que je

    tenterai

    donc rgulirement

    de

    distin-

    guer de

    la

    justice)

    est constructible,

    en un

    sens qui

    d-

    borde

    I'opposition

    de la convention

    et

    de

    la

    nature,

    c'est

    peut-tre en tant

    qu'il

    dborde

    cette

    opposition

    qu'il

    est

    constructible

    -

    donc

    dconstructible

    et, mieux,

    qu'il

    rend

    possible la

    dconstruction,

    ou

    du moins

    I'exercice

    d'une

    dconstruction

    qui

    procde

    au

    fond

    toujours

    des

    questions

    de droit et

    au

    sujet du

    droit. D'o ces

    trois

    propositions

    :

    l.

    La dconstrucdbilit

    du droit

    (par

    exemple) rend la

    dconstruction

    possible.

    2.

    Lindconstructibilit

    de

    la

    justice

    rend

    aussi

    [a

    d-

    construction

    possible,

    voire

    se

    confond

    avec

    elle.

    3.

    Consquence

    :

    la dconstruction

    a

    lieu

    dans I'inter-

    valle

    qui spare

    I'indconstructibilit

    de

    la

    justice

    et

    la

    dconstructibilit

    du

    droit.

    Elle est possible comme une

    exprience

    de

    I'impossible,

    l. o,

    mme

    si

    elle

    n'existe

    pas,

    si elle

    n'est pas prsente,

    pas

    encore

    ou

    jamais,

    il

    y

    a

    la

    justice.

    Partout

    o

    l'on peut

    remplacer,

    traduire,

    d-

    \4

    l.

    I

    lrrivcrsity

    of'Minresota

    Press,

    Minneapolis,

    1987.

    35

    Force

  • 8/9/2019 Force de Loi

    16/71

    de

    loi

    terminer

    Ie

    X

    de

    la

    justice,

    on

    devait

    dire

    : la

    dcons_

    truction

    est

    possible,

    comme

    impossible,

    dans

    la

    mesure

    l)

    "

    ily

    a

    X

    (indconstructib),

    donc

    dans

    la

    mesure

    (l)

    o

    il

    y

    a

    (l'indconstructible).

    Autrement

    dit,

    I'hypothse

    et

    les

    proposirions

    vers

    les_

    quelles je

    ttonne

    ici,

    appeller"i.rrt

    iutt

    po.r,

    ,or'rr_

    tirre :

    la

    justice

    comme

    possibilit

    de

    la

    dconsrrucrion,

    la

    structure

    du

    droit

    o.,

    d. la

    loi,

    de

    la

    fondation,

    ou

    de

    I'auro-aurorisation

    du

    droit

    comme

    possibilit

    de

    |exe-

    cice

    de

    la

    dconstruction.

    Je

    suis

    sr

    que

    cela

    n,est

    pas

    clair.

    J'espre,

    sans

    en

    tre

    sr,

    que

    ..1"

    l.

    deviendra

    un

    peu

    plus

    tout

    I'heure.

    J'ai

    dit

    que

    je

    n'avais

    pas

    encore

    commenc.

    Te

    ne

    commencerai

    peut_tre

    jamais

    et

    peut_tr.

    ..

    .oloq.r.

    restera-t-il

    sans

    keynote.

    pourtant

    j

    ai

    dj)

    .o**..r.e.

    j.

    m'aurorise

    -

    mais

    de

    quel

    droit

    ?'_

    multiplier

    les

    pro_

    tocoles

    et

    les

    dtours.

    J,avais

    commenc

    i",

    dir.

    q.r.

    j'tais

    amoureux

    de

    deux

    au

    moins

    de

    vos

    idiomes.

    Lun

    c't-ait

    o

    enforceability

    ,,I'autre

    c'est

    l,usage

    transitif

    du

    verbe

    .

    :

    oe

    rote

    lemps

    -

    I l\

    au iontaie.

    C'esr

    peur-ire,

    "o--'"

    on

    dit

    aussi

    cn

    J'hsirerais

    I

    *.i-l-to

    r.op

    ui,.

    ""n,

    I

    frangais,

    cell

    mme

    qui

    n

    fair

    courir

    r, plu.

    fon

    ct plrrs

    tice

    r

    i

    une

    ide

    rguratrice

    au

    sens

    kail.'i::"0:*,::';

    |

    "it"''n"'

    o.,"pt'

    r"

    ai'o"'i'tti-o,'

    -

    '

    "

    quelconque

    d'une

    promesse

    messiani

    ?)

    hant

    par

    le thime

    de

    la desnuction

    radi-

    cale,

    de

    I'exterminttion,

    de

    l'annihilation

    totale

    ;

    et

    d'abord

    de

    I'annihilation

    du droit,

    sinon

    de

    la

    justice

    ;

    et

    parmi

    ces

    droits,

    les

    droits de

    l'ltomme,

    du

    moins

    tels

    qu,ils

    Peuuent

    tre

    interprts

    dans

    une

    tradition

    iusnaturaliste

    1.

    Ces

    prolgomnes

    furent

    destins

    )

    introduire

    cette

    seconde

    partic

    du

    texre,

    celle

    qui fut

    lue le26

    avril

    1990

    I'ouverture

    du

    Colloque

    qui

    se

    tint

    alors

    ) l'universit

    de

    californie

    )

    Los

    Angeles

    sur

    Le nazisme

    et

    k

    o

    solutionfnale

    ,.

    Les limites

    de

    k reprsentation.

    67

    Force d'e

    loi

    Prnom

    de Benjamin

  • 8/9/2019 Force de Loi

    32/71

    dz

    type

    grec

    0u

    de tltpe

    de

    I'u Auklrung

    "'

    Je

    dis

    dessein

    q"i

    ,,

    ,r*r,

    ,r,

    hant

    par

    les

    thmes

    de

    la uiolence

    extermi-

    nntrirr,

    Parce

    qu'il

    est

    d'abord

    hant,

    j'essaierai

    de

    le

    mon-

    trer

    pai

    la

    hintise

    rnrne,

    Par

    une quasi-logique

    du

    fan-

    t6mi

    qu'il

    faudrait

    substituer,

    Parce

    qu'elle

    est

    plus

    forte

    qublti, d

    in,

    logique

    ontologique

    de la

    ltrsence'

    .de

    l'ab-

    rrrc

    ou

    de

    la

    re-prsentation,

    Or

    .7e

    me

    demande

    si

    une

    comrnunuut

    qui

    se

    rassemble

    ou

    se recueille

    pour

    Penser

    ce

    qu'il

    y

    a

    h penser

    et

    h

    recueillir

    de

    cette

    chose

    stns

    nom

    qr'r,

    a

    surnomme

    la

    o

    solution

    finale

    '

    ne

    doit

    pas

    d.'abord

    se

    rnonner

    hospitalilre

    d

    la

    loi

    du

    fanl6me'

    d

    l'ex-

    prience

    spectale

    et

    )

    la

    mmttire

    du

    .fantme'

    de

    ce

    qui

    'n'est

    ni

    mort,

    ni

    uiuAnt,

    de

    ce

    qui

    esl

    llus

    que

    mzrt

    et

    plus

    que

    uiuant,

    seulement

    suruiuant,

    hospitalilre

    d

    la

    loi

    de la

    **oirc

    la

    plus

    imprieuse,

    quoique

    la

    plus

    ffice,

    la

    plus

    effagabte,

    mais

    pour

    cela

    mme

    la

    plus

    exigeante'

    Ce

    texte

    de

    Benjamin

    n'est

    pas

    seultment

    sign

    Par

    un

    "',

    penseur

    qu'on

    dit

    et

    qui

    se dit

    d'une

    rcrtainc

    ma'nilre

    juif

    -(et

    c,est

    ie

    l'nigme

    de

    cette

    signaturc

    quc

    jc

    urudrais

    surtout

    parler).

    Zur

    Kritik

    der

    Gewalt

    est

    aussi

    insffit

    dans

    une

    -perspectiue

    juda|que

    qui

    oppose

    la

    juste

    uiolcnce

    diuine

    '(juiue),

    cet

    qui

    ituit le

    droit,

    h

    uiolence

    mythique

    (de

    nadition

    grecque),

    celle

    qui

    instaure

    et

    crnserue

    lc

    droit'

    2.

    La

    logique

    profonde

    de cet

    essai

    met

    en

    eut)re

    une in'

    terprtatiin

    du

    hngage

    -

    de

    l'origine

    et

    de

    l'exprience

    du

    taigagt

    -

    selon

    laquelle

    le

    mal,

    c'est-'dire

    la

    puissance

    l-

    th;te,-

    uient

    au langage

    par

    la

    uoie,

    prcisment,

    de

    la

    re-

    prsentatio

    n

    (th?me

    de

    ce

    colloque),

    c'est-h-dire

    par

    la

    di-

    mension

    re-prsentative,

    mdiatrice,

    donc

    technique'

    68

    utilitaire,

    smiotique,

    informative, autant

    de puissancet

    qui

    arrachent

    le

    langage

    et I'entratnent dans

    la chute,

    le

    font

    dchoir

    loin

    ou hors de

    sa destination

    originairc,

    Celle-ci

    aurait

    t I'appellation,

    la

    nomination,

    lc

    don ou

    l'appel

    de la

    prsence

    dans

    le

    nom. Nous

    nous

    demanderons

    comment

    cene

    pense

    du

    nom

    iarticule

    aaec

    h

    hantise et la

    logique

    du

    specte. Cet

    essai

    de

    Benjamin traite

    donc de

    l'unement,

    de

    ce

    mal

    qui

    uient

    et

    qui

    uient

    au

    langage

    par

    la

    reprsentatiln;

    c'est

    aussi

    un essai

    dans

    lequel

    les

    concepts dc responsabilit

    et de culpabilit, de sanifice, de

    d.cision,

    de

    solution,

    de

    chtiment ou d'expiation

    jouent

    un rle discret

    mais sitrement

    majeur et le

    plus

    souuent As-

    soci h

    la

    ualeur

    quiuoque

    de l'indcidable, de ce

    qui

    est

    dmonique et

    o

    dmoniquement

    ambigu

    ,.

    3.

    Zur

    Kritik

    der Gewalt

    n'est pas

    seulement une ct'i-

    tique d.e la reprsentation

    en

    tant

    que

    Peruersion

    et

    cltute

    du langage mais

    de

    la

    reprsentation comme

    rystme

    Poli-

    tique de

    la

    dmocratie

    formelle

    et parlementaire.

    De

    ce

    point

    de

    uue,

    cet

    essai

    o

    ruolutionnaire

    ,

    (ruolutionnaire

    dans

    un

    style i la

    fois

    marxiste

    et

    messianique)

    appartient,

    en

    1921,

    la

    grande

    uague

    antiparlementaire

    et

    anti-

    n

    Aufklrung

    >>

    sur laqaelle

    le

    nazisme

    Aura

    comme

    fait

    surface

    et

    mme

    o

    surfe

    ,

    dans

    les

    annes

    20

    et le

    dbut

    des

    annes

    30.

    Carl

    Schmitt, que

    Benjamin

    admira

    et auec le-

    quel

    il

    entretint

    une

    czrresPondance,

    le

    felicita

    pour cet essai.

    4. La

    question

    si polydrique

    et polysmique de

    la

    repr-

    sentation

    se

    Pose

    encore

    d'un Auile

    point

    de

    uue

    dans cet

    trange

    essai.

    Commen{ant

    par

    distinguer entre deux uio-

    Force

    de loi

    Prnom

    de Benjamin

  • 8/9/2019 Force de Loi

    33/71

    lences, la uiolence

    fondatrice

    et la uiolence

    conseruAtrice,

    Benjamin

    doit

    concder

    d

    un

    mznent donn

    que

    l'une ne

    peut tre

    aussi

    radicalement

    htrogne

    l'autre puisque

    la

    uiolence dite

    fondatrice

    est parfois

    o

    reprsente

    >,

    et nces-

    sairement rpte,

    au sens

    fort

    de ce mzt,

    par la uiolence

    conseruatrice.

    Pour toutes

    ces rnisons

    et selon tous

    ces

    fik

    enffelacs

    sur

    lesquels

    je

    uais reuenir,

    on

    peut se pIser

    un certain

    nombre

    de

    questions.

    Elles

    seront

    I'horizon

    de

    ma lecture mme

    si

    je

    n'ai

    pas

    ici

    le

    temps

    et les moyens

    de les expliciter.

    Qu'est-

    ce

    que

    Benjamin

    aurait

    pens,

    ou

    du

    moins

    quelle

    pense

    de

    Benjamin

    est uirtuellement

    forme

    ou articule

    dans

    cet

    essai

    (et

    est-ce

    anticipable

    ?)

    au

    sujet

    de la

    et

    rl'un

    rliscours

    brniaminien

    su,r

    la

    possibilit

    ou l'impossibi-

    70

    lit

    d'un

    d.iscours

    sur

    la

    o

    solution

    fnale

    ,.

    (Jne

    o

    solution

    finale

    ,

    dont

    il serait

    imprudent

    de dire,

    se

    fier

    aux

    datus

    objectiues

    de

    k

    conference

    de Wannsee

    en 1942

    et

    du

    sui-

    cide

    de Benjamin

    d

    la

    frontire

    franco-espagnole

    en

    1940,

    que Benjamin

    n'en

    a

    rien

    su.

    La

    chronologie

    d

    rck

    une-

    ments n'ira

    jamais

    de soi.

    Et l'on

    trzauera toujours

    de

    quoi

    tayr

    I'hypoth?se

    selon laquelle

    Benjamin,

    et ds

    1921,

    ne

    pensait

    d rien

    d'aune

    qu'i

    la

    possibilit

    de

    cette

    solution

    fi-

    nale

    qui

    dfe

    d'autant

    mieux

    I'ordre

    de

    la

    reprsentation

    qu'elle et

    peut-te

    releu h

    ses

    lteux

    du

    mal

    radical,

    de

    la

    cltute

    cornme

    chute

    du langage

    dans

    la

    reprsentation.

    Bien

    des

    signes

    laissent

    penser, i

    se

    fier

    d

    une

    logique

    constante

    de

    son discours,

    que

    pour

    Benjamin,

    aprs

    cette

    cltose

    irre-

    prsentable

    qu'Aurt

    t

    k

    o

    solution

    finale

    ,,

    non

    seule-

    ment

    le discours et

    la

    littrature

    et

    la

    posie

    ne sont

    pas

    im-

    possibles

    mais

    se

    uoient

    dicter

    plus

    originairement

    et

    plus

    eschatologiquement

    que

    jamais,

    le retour

    ou

    l'aduenue

    en-

    core

    promise

    d'une

    langue

    des noms,

    d'une

    langue

    ou

    d'une

    potique

    de I'appellation,

    par opposition

    i

    une

    langue

    des

    signes,

    de la

    reprsentation

    informatiue

    ou

    communicatiue.

    A

    k

    fin,

    aprs

    la

    fin

    d'une

    lecture

    Aa

    cours

    de

    laquelle

    l'ltorizon

    du

    nazisme

    et de

    la solution

    finale

    n'apparatra

    qu'

    trauers

    des signes

    ou des

    clairs

    annonciateurs

    et

    ne

    sera

    traite que

    de

    fapon

    uirtuelle, oblique ou elliptique,

    je

    proposerai

    quelques

    hypothses sur

    les

    manilres

    dont ce

    texte

    de I92I

    peut

    aujourd'hui

    se

    lire,

    aprls

    I'aulnement

    du

    nazisme

    et l'unement

    de

    la

    o

    solution

    finale

    ,.

    Auant

    de proposer

    une interprtation

    de

    ce

    textc singulier

    et

    d'articuler

    quelques questions qui

    le

    czncffnent

    l,lus

    troi-

    71

    Force

    de loi

    Prtinom

    dr

    Rmjarnin

  • 8/9/2019 Force de Loi

    34/71

    patriotisme,

    souuent un

    natiznalisme,

    parfbis

    mmc

    un

    mi.

    litarisme

    allemand

    (pendant

    et aprs

    la prcmilre

    guerrc)

    n'taient

    pas

    la seule

    analogie,

    loin

    de

    ld,

    par

    exemple

    chce

    Cohen ou Rosenzuteig,

    et

    chez

    ce

    Juif

    conuerti

    quc

    fut

    Hus-

    serl.

    C'est

    dans

    ce

    clntexte

    que

    certaines

    ffinits,

    limitkt

    mais dterminables, entre

    ce

    texte de

    Benjamin

    et

    ccrtains

    textes

    de

    Carl

    Schmitt,

    uoire de Heidegger,

    m'znt

    paru

    dr-

    uoir

    tre srieusement

    interroges.

    Non

    seulement

    en

    raison

    de

    l'hostilit

    la dmocratie parlementaire,

    uoire

    la

    d/-

    mocratie

    tout

    court, non seulement

    en raison

    de l'hostilitl

    )

    /Aufklarung,

    d'une certaine

    interprtation

    du plemos,

    de

    la

    guerre,

    de

    la uiolence et du langage,

    mais

    aussi

    en

    rai-

    son

    d'une

    thmatique

    d.e

    k

    o

    destruction

    ,

    alors

    trls

    rpan-

    due.

    Bien

    que la Destrukti

    on

    heideggerienne

    ne se

    confonde

    pas

    auec

    le

    concept

    de

    la

    o

    Destruction

    >

    qui .fut

    aussi

    au

    cenne de la

    pense

    benjaminienne,

    on peut

    se

    de-

    mander

    ce

    que

    signrfie,

    ce

    que

    prpare

    0u anticipe

    entre

    le.t

    deux

    guerres

    une thmatique

    aussi obsdante,

    d'autant

    plus

    que dans

    tous

    les cls,

    cette

    destruction

    ueut

    aussi

    tre

    la

    condition

    d'une

    tadition et d'une

    mmoire authentique.

    2.

    Autre contexte

    : l'occasion

    d'un

    colloque

    rcent tenu

    i

    la Law School

    de

    Cardozo

    Yeshiua

    Uniuersity

    de

    Ncw

    York

    sur

    n

    Deconstruction

    and

    the

    Possibility of

    Justice

    u,

    j'auais

    commenc, aprls

    un long

    discours

    sur

    les

    rapports

    entre

    dconstructiln

    et

    justice,

    h

    examiner

    d'un

    ailtre

    point

    de uue

    ce

    texte de

    Benjamin,

    pour

    y

    suiure

    juste-

    ment,

    et

    aussi

    prudemment

    que

    possible,

    une

    trajectoirc

    droutante.

    Celle-ci est

    aportique

    mais

    elle

    produit

    aussi

    des

    unements ffanges

    dans son

    aporie

    mme,

    comme

    7

    I

    .

    r{

    d

    e{

    d

    d

    d

    d

    rr

    CI

    l

    I

    d

    tement,

    1e

    d.ots

    encore,

    dans

    c'ette

    trop

    longue

    introducon,

    dire

    deux

    mots

    des

    contextes

    dans

    lisquet,

    ,ol

    commenc

    lire

    cet

    essai,

    auant

    mme

    de

    penser

    d-ce

    coiloque_ci.

    ce

    contexte

    fut

    doubte

    et

    je

    re

    dfinirai

    iussi

    schmati-

    quemcnt

    que

    possible,

    en

    me

    limitant

    aux

    ffaits

    qui

    peu_

    uent

    n,us

    inty'resser

    ici,

    ce

    soir,

    parce

    qu'ils

    aurom

    Iaiss

    quelques

    traces

    dans

    ma leure.

    1,

    Il

    y eut

    tout

    d'abord,

    h

    l'intrieur

    d,un

    sminaire

    de

    trois

    ans

    sur

    K

    nationalits

    et nationalismes

    philoso_

    phiques

    D,

    une

    longue

    squence

    dltn

    dn,

    sous_titre

    Kanr,

    le

    Juif

    I'Allemand

    au

    c,urs

    de

    raqueile,

    tuut

    en

    tudiant

    la

    rcurrence

    diuersifie

    mais

    insiitante

    de

    ra

    rference

    d

    Kant,

    uoire

    un

    certain

    judaiime

    de

    Kant,

    chez"tous

    ceux

    qui

    ont

    uoulu,

    de

    rVagner

    et Nietzsche

    Adorno,

    rpondre

    k

    question

    n

    Was

    ist-

    deutsch

    ?

    ,,

    j,

    me

    suis

    brauroup

    intress

    I

    ce

    que

    j'ai

    alors

    appel

    ta

    o

    pslch

    ,

    judo_ati_

    mande,

    sauoir

    la

    logique

    de

    certains-piro*in",

    de

    sp_

    cularit

    troublante,

    eile-mme

    refleihie

    dans

    certanes

    fa"(et.frSyres

    de

    penseurs

    et

    d'criiains

    juif

    attemands

    de

    ce

    silcle,

    Cohen,

    Buber,

    Rosenzweig,

    Sriolr*,

    Adorno,

    Arendt

    -

    et

    justement

    Benjamin.

    uni

    rfrexion

    srieuse

    sur

    le

    nazisme,

    et

    sur

    la

    o

    solution

    finale

    )),

    ne

    peut

    pas

    faire

    l'conomie

    d une

    analyse.cour*geuse,

    interminabti u

    poly_

    drique

    sur

    I'histoire

    et

    la

    ,rrrrtrrc

    de

    cette

    *

    psych-, ju_

    do-allemande.

    Entre

    auffes

    choses

    dont

    je

    ne-

    p-eux

    port*

    ici,

    nous

    Auons

    tudi

    certaines

    analogies,

    paimi

    ta

    plu,

    quiuoques

    et

    les

    plus

    inquitantes

    parfoir,

    eitre

    les

    disiours

    de

    certains

    o

    grands ))

    pensurs

    oilr*and,

    non_ju$

    et

    de

    certains

    o

    grands

    D

    penseurs

    juifi

    ailemands

    :

    un

    certain

    72

    tement,

    je

    dois

    dans

    73

    Force

    de loi

    Prnom

    de

    Beniamin

  • 8/9/2019 Force de Loi

    35/71

    une

    szrte

    d'autodestruction, sinon

    de

    suicide

    du texte

    qui

    ne laisse

    apparatre

    en

    hritage

    que

    la

    uiolence

    de sa

    signa-

    ture

    :

    czrnme signature diuine. Les derniers

    mots,

    la

    der-

    nilre

    phrase de

    ce

    texte

    consacre

    la

    notion si dfficile-

    ment

    traduisible

    de Gewalt

    (o

    uiolence

    ,

    mais

    aussi

    o

    force

    lgitime

    ,,

    uiolence autorise,

    pouuoir

    lgal,

    c0rnme

    lorsqu'on parle

    de

    Staatsgewalt,

    le

    pouuoir

    d'tat),

    rson-

    nent clmme le

    shophar

    au soir

    ou i la

    ueille d'une

    prire

    qu'on

    n'entend

    plus

    ou pas

    encore.

    Non

    seulement elle

    signe, cette

    ultirne adresse,

    et tout

    prs

    du

    prnom

    de

    Ben-

    jamin,

    lVaher.

    Mais

    i

    la

    fin

    d'un

    texte qui

    s'ingnie

    d-

    construire

    et d

    disqualifier

    toutes

    les oppositions

    qu'il

    a

    mises

    en

    euure

    de

    fagon

    critique

    (notamment

    celle du d-

    cidable et

    de

    l'indcidable,

    du

    jugement

    thorique

    et

    de

    l'action

    ruolutionnaire,

    de

    la

    uiolence

    fonda*ice

    et

    de

    la

    uiolence conseruanice i

    l'intrieur du

    droit

    mythologique

    lui-mme oppos

    la

    juste

    uiolence

    diuine,

    etc.),

    la

    fin

    d'un texte

    dont

    il

    ne reste Aucun

    aufte contenu

    (thorique,

    thilosophique

    ou

    smantique),

    peut-tre mme Aucun

    czntenu

    o

    traduisible

    ,

    hors de

    la singularit de son przpre

    unement, hors de

    sa prlpre

    ruine, une pltrase ultime,

    une

    Phrase

    eschatologique nomme

    la signature et le sceau,

    elle nomme

    le

    nom,

    et ce

    qui

    appelle

    n

    die

    waltende

    ,.

    Ce

    n

    .icu

    ,, entre

    walten

    et

    Waltrr

    ne

    peut

    donner

    lieu

    h

    d.ucune

    dmonstration ni

    h

    aucune

    certitude. C'est

    d'ailleurs

    l

    le

    paradoxe de sa

    force

    o

    dmonstratiue

    >

    :

    cette.fitrre

    rient

    d la dissociation

    ente

    le cognitif et le

    per-

    .fitnruti.f.'

    Mtit

    rc

    n.ieu

    >

    n'est

    en rien

    ludique. Car on sait

    d'autrc

    pdrt

    qu(

    Ilrrt,jarnin

    s'ast

    beaucoup

    intress, notam-

    men dilns soil

    tstliszr

    l,e.s

    Affinits

    lectives

    de

    Goethe.

    74

    aux

    coi'ncidences

    alatoires rnais signifiantes

    dont

    les

    noms

    ?ropres

    sont

    proprement

    le

    lieu.

    Mais qui

    signe

    la

    uiolence,

    le

    saura-t-on

    jamais

    ? N'est-ce

    pas

    Dieu,

    le

    Tout

    autre ?

    Comme

    toujours,

    n'est-ce

    pas

    I'autre

    qui

    signe

    ?

    N'est-ce

    pas k

    o

    uiolence

    diuine

    ,

    qui

    aura

    toujours prcd mais

    aussi

    donn

    tous

    les

    prnzms,

    en

    donnant

    i

    l'homme seul le pouuoir de nommer ?

    Voici les

    derniers mots de ce texte

    trange :

    n

    La

    uiolence diuine

    (die

    gttliche

    Gewalt), qui

    est insigne et scetu

    (Insignium

    und

    Siegel), non

    point

    jamais

    mrlen

    d'excution

    saue,

    peut tre

    appele souueraine

    (mag

    die

    waltende

    heissen)

    ,.

    Comment

    lire

    ce

    texte selon un

    geste

    n

    dconsffuctear

    ))

    qui

    ne soit, pas plus maintenant

    qu'il ne I'a

    jamais

    t, ni

    heideggerien ni

    benjaminien,

    uoild

    en somme

    la

    question

    dfficile

    et

    obscure

    que

    cette

    lecture

    uoudrait

    auenturer.J

    Si

    je

    n'ai pas puis

    votre

    patience,

    abordons

    mainte-

    nant,

    dans

    un

    autre

    sryle, ) un

    autre rythme,

    la lecture

    promise d'un texte

    bref et droutant de

    Benjamin.

    Il

    s'agit

    de Zur

    Kritik

    der Gewah'

    (1921).

    On

    n'osera

    pas

    dire

    que

    ce

    texte

    est

    exernPlair.

    Nous

    sommes l

    dans

    un

    domaine

    o

    il

    n'y

    ^,

    finalement, que

    des

    exemples

    1. D'abord publi

    dans

    Archiu

    fir

    Sozialwissenschafi

    und Sozialpolitih,

    1921,

    repris das

    Gesammelte

    Schrifien,

    11.1 Bd lV, Suhrkamp,1977,

    tr.

    fr.

    par M. de Gandillac,

    o

    Pour une critique

    de

    la violence

    ,,

    in

    \lalter

    Benjamin, Mythe etViolence,

    DenoI,

    1971, repris

    dans

    L'Homme,

    le lan'

    gage

    et

    Ia

    cuhure,

    Bibliothque

    Mdiations,

    Denol

    Gonthier,

    1974.

    Nous nous rfrerons

    cette dernire

    dition pour la traduction

    (parfois

    avec

    de trs

    lgres

    modifications

    et seulement pour

    des

    raisons cui

    tien-

    nent

    notre propos).

    &t

    75

    Force

    de loi

    Prnom

    de

    Benjamin

  • 8/9/2019 Force de Loi

    36/71

    singuliers.

    Rien

    n'est

    absolument

    exemplaire.

    Je

    ne

    ten-

    terai

    pas

    de

    justifier

    ab.solumcnt

    le choix

    de ce

    rexre.

    Mais

    ce n'esr

    pas

    pour

    autant

    Ie

    plus

    mauvais

    exemple

    de ce

    qui

    pourrait

    tre

    exemplaire

    dans

    un

    conrexre

    rela-

    tivemenr

    drermin

    comme

    le

    ndtre.

    I.

    IJanalyse

    de

    Benjamin

    rflchit

    la

    crise

    du

    modle

    europcn de

    la

    dmocratie bourgeoise,

    librale et parle-

    mentaire,

    et

    donc

    du

    concept

    de

    droit

    qui

    en

    est

    inspa-

    rable.

    LAllemagne

    de

    la

    dfaite

    est alors

    un lieu

    de

    concentrarion

    extrme

    pour

    cette

    crise

    dont

    I'originalit

    tient

    aussi

    )

    certains

    traits

    modernes

    comme

    le

    droit

    de

    grve,

    le

    concept

    de

    grve

    gnrale

    (avec

    ou

    sans

    rfe-

    rence

    )

    Sorel).

    C'est aussi

    le

    lendemain

    d'une

    guerre

    er

    d'une

    avanr-guerre

    qui

    a

    vu

    se

    dvelopper

    mais

    chouer

    en

    Europe

    le

    discours

    pacifiste,

    l'antimilitarisme,

    la cri-

    tique

    de

    la

    violence,

    y

    compris

    de

    la

    violence

    juridico-

    policire,

    ce

    qui ne

    tardera

    pas

    )

    se rpter

    dans

    les

    an-

    nes

    qui

    suivent.

    C'est

    aussi

    le

    moment

    o les

    questions

    de

    la peine

    de

    mort

    et

    du

    droit

    de

    punir

    er

    gnral

    connaissenr

    une

    actualit

    douloureuse.

    En raison

    de

    I'apparition

    de

    nouvelles

    puissances

    mdiatiques,

    comme

    la radio,

    la

    mutation

    des

    strucrures

    de I'opinion

    publique

    commence

    I

    mertre

    en

    questior,

    ..

    -o1.

    li-

    bral

    de

    la

    discussion

    ou

    de la

    dlibration

    parlementaire

    dans

    la

    production

    des

    lois,

    etc.

    Autant

    de

    conditions

    qui motivent

    les

    penses

    de

    juristes

    allemands

    comme

    Cal

    Schmitt,

    pour

    ne

    citer

    que

    lui

    -

    er

    parce

    que

    Benja-

    min

    avait

    pour

    lui

    un

    grand

    respecr,

    ne

    cachant

    pas

    )

    son

    gard

    une

    derte

    que

    Schmir

    lui-mme

    n'hsitait

    pas

    ) rappeler

    )

    I'occasion.

    C'esr

    Zur

    Kritik

    dzr

    Geutalt

    qii

    a

    76

    d'ailleurs

    valu

    )

    Benjamin,

    ds

    sa

    parurion,

    une

    lertre

    de

    flicitations

    du

    grand

    juriste

    conservareur

    catholique,

    encore

    constitutionnaliste

    ). l'poque

    mais

    dont

    on

    connait

    l'trange

    conversion

    l'hitlerisme

    en

    1933

    et

    la

    correspondance

    qu'il

    entretiendra

    avec

    Benjamin,

    avec

    Leo

    Strauss

    et

    avec

    Heidegger,

    entre

    aurres.

    J'ai

    donc

    aussi

    t

    intress

    par

    ces quelques

    indices

    historiques.

    Par

    exemple

    ce texte

    est

    )

    la fois

    n

    mystique

    ,,

    ",.,

    ,.r,

    surdtermin

    qui

    nous

    intresse

    ici,

    et

    hypercritique,

    ce

    qui

    est

    loin

    d'tre

    simplement

    contradictoire.

    par

    cer_

    tains

    traits,

    il

    peut

    tre

    lu

    comme

    une

    greffe

    de

    mystique

    no-messianique

    juive

    sur

    un

    no-marxisme

    por._roi._

    lien

    (ou

    I'inverse).

    Quant

    aux

    analogies

    entre

    Zur

    Kritik

    der

    Gewalt

    et

    certains

    tours

    de la

    pense

    heideggerienne,

    elles n'chapperonr

    )

    personne,

    notamment

    autour

    des

    motifs

    du

    Walten

    et

    de

    Gewalt.

    Zur

    Kritik

    der

    Gewah

    conclur

    sur

    le thme

    de

    la

    violence

    divine

    (gdttriche

    Ge-

    walt)

    et"

    \Walter

    dit pour

    finir

    de cetre

    violence

    divine

    gubn

    peut

    l'appeler,

    Ia nommer

    die

    waltende

    (Die

    giitt_

    Iiche

    Gewalt

    t...1

    mag

    die

    wahende

    heissen).

    -

    ...j

    A*

    wabende

    heissen

    ),

    ce

    sont

    les

    derniers

    mors

    du

    texre,

    comme

    le

    sceau

    discret

    et le

    prnom

    de

    sa signature.

    C'esr

    ce

    rseau

    historique

    de conrats

    quivoques

    qui

    m'intresse dans

    sa

    ncessit

    et

    dans

    ses

    dangers

    mmes.

    Dans

    les

    dmocraties

    occidentales

    de

    19g9,

    avec

    du

    rra_

    vail

    et

    un

    certain

    nombre

    de

    prcautions,

    des

    leqons

    peuvent

    encore

    en

    tre

    tires.

    2.

    Ce

    rexte

    m'a

    paru

    exemplaire, jusqu')

    un

    cerrain

    point,

    dans

    la mesure

    o,

    compte

    renu

    de

    la

    thmatique

    7

    r4

    rt

    ;l

    t,l

    q

    q

    Ft

    r.{

    cl

    11

    c1

    rn

    a1

    CI

    ;{

    ;l

    q

    l

    q

    {

    l

    q

    ;1

    q

    {

    {

    Force

    de

    loi

    Prnom

    de

    Benjamin

  • 8/9/2019 Force de Loi

    37/71

    de notre

    colloque,

    il

    se

    prte

    un

    exercice

    de lecture

    d_

    constructive,

    ce

    que

    je

    vais

    essayer

    de montrer.

    3.

    Mais

    certe

    dconsrrucrion

    ne

    s'applique

    pas

    )

    un

    tel

    texte.

    Elle

    ne

    s'applique

    d'ailleurs

    iamais

    ) rien

    de I'ex_

    trieur.

    Elle

    est

    en

    quelque

    sorre

    l'opration

    ou

    plutt

    l'exprience

    mme

    que

    ce rexre,

    me

    semble-t-ii, fait

    d'abord

    lui-mme,

    de lui-mme,

    sur

    lui-mme.

    Qu'est-ce

    que

    cela

    veur

    dire

    ?

    Est-ce

    possible

    ?

    er'r.

    reste-t-il

    alors

    d'un

    tel

    vnement

    ?

    De

    son auto_htro_

    dconstruction

    ?

    De

    son

    juste

    et

    injuste

    inachvement

    ?

    Qu'est-ce

    que la

    ruine

    d'un

    tel

    vnement

    ou la

    blessure

    ouverre

    d'une

    telle

    signature

    ? Voil)

    une

    de

    mes

    ques-

    tions.

    C'esr

    une

    question

    sur

    la

    possibilit

    mme

    e la

    dconstruction.

    Sur

    son

    impossible

    possibilir'.

    La dmonstration de Benjamin

    concerne

    donc

    la

    question

    du

    droit

    (Rech.

    Elle

    veut

    mme

    inaugu.rer,

    on

    pourra

    Ie

    dire

    en

    toute rigueur

    dans

    un

    instant,

    une

    n

    philosophie

    du

    droit

    ,.

    Et

    celle-ci

    semble

    s,organiser

    autour

    d'une

    srie

    de

    distinctions

    qui

    toutes

    paraissent

    lnteressantes,

    provocantes,

    ncessaires

    jusqu')

    un

    certain

    point

    mais,

    me

    semble-t-il,

    radicalement

    problma_

    tiques.

    I.

    Il

    y a

    d'abord

    la

    distinction

    enrre

    deux

    viorences

    du

    droit,

    deux

    violences

    quanr

    au

    droit

    : la

    violenc.

    fond"_

    trice,

    celle

    qui institue

    er

    pose

    le

    droit

    (die

    rechtsetzende

    Geutalt)

    et

    la

    violence conservatrice,

    celle

    qui

    maintient,

    confirme,

    assure

    la

    permanence

    er

    I'applicabilit

    du

    droit

    (die

    rechtserhaltende

    Gerta/t).

    par

    commodit,

    gar-

    dons

    la

    traduction

    de,

    Gewalt

    par

    violence

    mais

    ;,"i"Ji,

    quelles

    prcautions

    elle appelait.

    Gewalt

    peut

    signifier

    aussi

    la

    dominance

    ou

    la

    souverainet

    du

    iourroir"lg"r,

    I'autorit

    aurorisanre

    ou

    autorise

    ,

    la

    force

    de

    loi.

    a

    2.

    Il

    y a

    ensuire

    la

    distinction

    enrre

    la

    violence

    fonda_

    trice

    du

    droit qui

    est

    dite

    u

    mythique

    ,

    (sous_enrendu

    :

    Srecque'

    me

    semble-t-il)

    et

    Ia

    violence

    destructrice

    du

    droit

    (Rechtsuernichtend),

    qui

    est

    dire

    divine

    (sous_en_

    tendu

    :

    juive,

    me

    semble-t-il).

    3.Il

    y

    a

    enfin

    la

    distinction

    enrre

    la

    justice

    (Gerechtig_

    h.eit)

    comme

    principe

    de

    toute

    position

    divine

    de

    bJt

    Q3 llnzlp

    aller

    giittlichen

    Ztuecisetzung)

    et

    ra

    puissance

    ( tyhy)

    gomme

    principe

    de roure

    positlon

    *yihiq,r.

    d.

    droir.

    (aller mythischen

    Rechts

    etzung)

    Dans

    le

    titte

    Zur

    Kritih

    der

    Gewalt,

    u

    critique

    ,

    ne

    si_

    gnifie

    pas

    simplemenr

    valuation

    ngative,

    rejet

    or_r

    condamnation

    lgitimes

    de

    la

    violence,

    mais

    jugment,

    valuation,

    examen

    qui

    se

    donne

    les moyens

    cl"

    iuge,

    de

    l.

    Jc

    schmarise

    ici

    un

    thme

    largement

    dveiopp

    ailleurs.

    Cf.

    par

    excmplc

    Psych,

    Inuentions

    de

    l'aune,

    Galile,

    19g7,

    p. 26_27

    ("

    La

    d_

    consruction

    ne

    s'est

    .iamais

    prsente

    comme

    quelque

    chose

    de

    possible.

    [...]

    ellc

    ne

    perd rien

    )

    s'avouer

    impossible

    [...].

    Le

    "rrg.,

    pour

    une

    tche

    de

    clconsrruction,

    ce

    serait

    plutt

    la possibitit,

    et de

    Jevenir

    un

    en-

    semhle

    disponiblc

    de

    procdures

    rgles,

    de

    pratiques

    mthodiques,

    de

    clrcrrrin.s

    acccssilrles.

    L'intrt

    de

    la

    dconstruction,

    de

    sa

    force

    .i

    d.

    ,o'

    dcsir, si

    clle

    en

    r,

    c'csl

    une

    cerraine

    exprience

    de l'impossible:

    c'esr--

    tf irc

    1.,.1

    lt l'ttuftr,

    I'cxprience

    de

    l'autre

    comme

    invention

    de I'impos-

    siIrlc,

    c'tl'urrr'es

    tcftrcs

    (olnrne

    la

    seule

    invention

    possible.

    u)

    7l

    79

    Force de

    loi

    Prnom

    de

    Benjamin

  • 8/9/2019 Force de Loi

    38/71

    la

    violence.

    Le

    concepr

    de

    critique,

    en

    ranr

    qu'il

    im-

    plique la

    dcision

    sous

    Ia

    forme

    de

    jugemenr

    er

    la

    ques-

    tion au

    sujet

    du

    droit de

    jrg.r,

    a

    ainsi

    un

    rapporr

    essen-

    tiel,

    en lui-mme,

    ) la

    sphre

    du

    droit.

    Un

    peu

    au

    fond

    comme

    dans

    la tradition

    kantienne

    du

    concept

    de

    cri-

    tique.

    Le

    concept

    de violence

    (Gewalt)

    ne

    permer

    une

    critique

    valuatrice que

    dans

    Ia

    sphre

    du

    droit

    et

    de

    la

    justice

    (Recht,

    Gerechtigkeit)

    ou

    des rapporrs

    moraux

    (sittliche

    Wrltrihnisse).

    Il n'y

    a

    pas

    de violence

    naturelle

    ou

    physique.

    On peur

    par

    figure

    parler

    de

    violence

    au

    sujet d'un

    tremblement

    de

    terre

    ou mme

    d'une

    douleur

    physique.

    Mais

    on

    sait

    qu'il ne

    s'agit

    pas

    l

    d'une

    Gewah

    pouvanr

    donner

    lieu

    )

    un

    jugemenr,

    devant

    quelque

    ap-

    pareil

    de

    justice.

    Le

    concept

    de

    violence

    apparti..r,

    )

    I'ordre

    symbolique

    du

    droit,

    de la

    polirique

    er

    de la

    mo-

    rale

    -

    de toutes

    les

    formes

    d'autoritl

    ou

    d'auturisation.

    de

    prtention

    ). I'autorit

    au

    moins.

    Er

    c'esr seulement

    dans

    cette

    mesure

    qu'un

    tel

    concept

    peut

    donner

    lieu

    )

    une

    critique.

    Jusqu'ici

    cette

    critique

    s'est

    toujours

    ins-

    crite

    dans l'espace

    de la

    distincrion

    enrre

    moyen

    et fin.

    Or,

    objecte

    Benjamin,

    se demander

    si

    la violence

    peut

    tre

    un moyen

    en

    aue

    de fins

    (justes

    ou injustes),

    c'est

    s'interdire

    de

    juger

    de

    la violence

    elle-mme.

    La

    critrio-

    logie

    concernerair

    alors

    seulemenr

    l'application

    de la

    violence,

    non

    la

    violence

    elle-mme.

    On

    ne saurair

    dire

    si

    celle-ci,

    en

    ranr

    que

    moyen,

    est

    en

    elle-mme

    juste

    ou

    non,

    morale

    ou non.

    La

    question

    critique

    resre

    ouverte,

    celle

    d'une

    valuarion

    er

    d'une

    justification

    de

    la

    vio-

    lence

    en

    elle-mme,

    fiit-elle

    simple

    moyen,

    et

    queile

    que

    soit

    sa

    fin.

    cette

    dimension

    critique

    aurait

    t

    forclose

    80

    par

    la

    tadition jusnaturalisre.

    pou

    les

    tenants

    du

    droir

    narurel,

    le

    recours

    )

    des

    moyens

    violents

    ne

    pse

    ";.;;

    roblme

    puisque

    les

    fins

    naturelles

    sont

    justes.

    Le

    re_

    cours

    )

    des

    moyens

    violents

    est

    aussi

    justi,

    ".rrri

    nor_

    mal

    que

    le

    n

    droit

    ,

    de

    I'homme

    ve.s

    le

    bur

    )

    atteindre. La

    violenc

    ,?:;:;t:J ;:t::

    point

    de

    vue

    un

    u

    produir

    narurel

    o

    (Naturproduht),.

    Benjamin

    donne

    quelques

    exemples

    de

    cette

    .,"tur"li"_

    tion

    de

    Ia

    violence

    par

    le

    jusnaturalisme

    :

    al

    l'tat

    fond

    sur

    le

    droit

    naturel

    dont

    parle

    Spinoza

    dans

    le

    Trait

    thologico-politique.t

    do.,t

    f.

    .i,oy.n,

    avant

    le

    contrat

    form

    par la

    raison,

    exerce

    de

    jure'une

    violence

    dont

    il

    dispose

    de

    facto

    ;

    b/

    le

    fondemenr

    idologique

    de

    Ia

    Tereur

    sous

    la

    R_

    volution

    frangaise

    ;

    c/

    Ies

    exploitations

    d'un

    certain

    darwinisme,

    erc.

    ,

    Mais

    si,

    l'oppos

    du

    jusnaturalisme,

    la

    tradition

    du

    lroit

    positif

    esr

    plus

    atrentive

    au

    devenir

    hirtoriqr.

    Ju

    ororr,

    elle

    reste

    aussi

    en_deg)

    du

    questionnem.nt

    cri_

    tique.appel

    par

    Benjamin.

    Sans

    doute

    ne

    peut_elle

    considrer

    que

    rous

    les

    moyens

    sont

    bons

    ds

    rs

    qu,ils

    se

    conforment

    )

    une

    fin

    naturelle

    et

    anhistoriqu..'Ell;

    prescrit

    de

    juger

    des

    moyens, c'esr-)-dire

    de

    leu,

    confor-

    mit

    )r

    un

    droit

    qui

    est

    en

    cours

    d,institution,

    )

    un

    nou_

    veau

    droit

    (par

    consquenr

    non

    narurel)

    qu'elle

    ualu.

    en

    fonction

    des

    moyens.

    Elle

    n,exclut

    don.

    p",

    un.

    .ri_

    tique

    des

    moyens.

    Mais

    les

    deux

    traditions

    p"rt"gent

    Ia

    l.

    Op.

    cit.

    p.

    180,

    v.

    p.24.

    BI

    Force de loi

    Prnom

    de

    Benjamin

  • 8/9/2019 Force de Loi

    39/71

    mme

    prsupposition

    dogmatique, savoir

    qu'on peut

    atteindre )

    des fins

    justes

    par

    des moyens

    justes.

    n

    Le

    droit

    naturel

    s'efforce de

    "justifi,er"

    ("reclttfertigen")

    les

    moyens

    par la

    justice

    des buts

    (durch

    die

    Gerechtigheit

    der

    Zweche); le

    droit positif s'efforce

    de

    "garanrir"

    ('ga-

    rantieren")

    la

    justice

    (Berechtigung)

    des fins

    par

    la lgiti-

    mi

    (Gerechtigkeit) des

    moyens'.

    o

    Les

    deux traditions

    tourneraient

    dans

    le

    mme

    cercle

    de prsuppositions

    dogmatiques.

    Et

    il n'y

    a aucune

    solution ) I'antinomie

    quand

    une

    contradiction

    surgit

    entre

    des

    fins

    justes

    et

    des

    moyens

    justifis.

    Le

    droit positif

    resrerait

    aveugle

    )

    I'inconditionnalit

    des fins,

    le

    droit narurel

    ) la condi-

    tionnalit

    des moyens.

    Nanmoins,

    bien

    qu'il semble

    les renvoyer

    symtri-

    quement

    dos ) dos, Benjamin

    garde

    de la

    tradition

    du

    droit

    positif

    le

    sens

    de

    l'historicit

    du droit.

    Il

    est

    vrai,

    inversement,

    que ce

    qu'il dira

    plus

    loin

    de

    la

    justice

    di-

    vine n'est

    pas

    roujours incompatible

    avec

    le fond tholo-

    gique

    de

    tous les

    jusnaturalismes.

    En

    tout cas,

    la

    cri-

    tique

    benjaminienne

    de la violence

    prtend excder

    les

    deux traditions

    et

    ne

    plus relever

    de la sphre

    du

    droit

    et

    de

    I'interprtation

    interne

    de l'institution

    juridique.

    Elle

    appartient

    I

    ce

    qu'il appelle

    en

    un

    sens

    assez

    singulier

    une

    (

    philosophie

    de

    l'histoire

    ,

    er

    se

    limite

    express-

    ment, comme

    le fait

    toujours

    Schmitt,

    aux

    donnes du

    droit europen.

    Dans

    ce

    qu'il

    a

    de

    plus

    fondamental,

    le

    droit

    europen

    tend

    )

    interdire

    la violence

    individuelle

    er )r

    la

    condam-

    l.

    Op.

    cit.

    p.

    tftO

    I

    rr.

    r.

    25

    82

    ner

    en

    tant

    qu'elle

    menace

    non

    pas

    telle

    ou

    telle

    loi

    mai.s

    I'ordre

    juridique

    lui-mme

    (die

    Recbtsordnung).

    D'o

    I'intrt

    du

    droit

    -

    car

    il

    y

    a

    un intrt

    du

    doit-i

    se

    po_

    ser

    er

    se consever

    lui-mme,

    ou

    ) reprsenter

    l'intirt

    que

    justemenr

    il

    reprsente.

    Parler

    d'un

    intrt

    du

    droit

    peut

    paraitre

    (

    surprenant o,

    c'est

    le

    mot

    de

    Benjamin

    ;

    mais

    il

    est

    en

    mme

    remps

    normal,

    il

    est

    dans

    Ia

    narure

    de

    son

    propre

    intrr,

    que

    de prtendre

    exclurE

    les

    vio_

    lences

    individuelles

    qui

    menacenr

    son

    ordre

    ;

    c'esr

    en

    vue

    de son

    intrt

    qu'il

    monopolise

    ainsi

    la

    violence,

    dans

    Ie

    sens

    de Gewah,la

    violence

    en

    ranr

    qu'autorit.

    II

    y

    a un

    u

    intrt

    du

    droit

    )

    la

    monopolisation

    de

    la

    vio_

    lence

    u (Interesse

    des

    Rechts

    an

    der

    Monopolisierung

    der

    Geutalt)'.

    Ce

    monopole

    ne

    tend

    pas

    protger

    telles

    ou

    telles

    fins

    justes

    et

    lgales

    (Rechtszu,,ecke)

    mais

    le droit

    lui-mme.

    Cela

    ressemble

    ) une

    trivialit

    tautologique.

    Mais

    la

    tautologie

    n'est-elle

    pas

    la

    strucrure

    phnomnale

    d'une

    certaine

    violence

    du

    droit

    qui

    se

    pose

    lui-mme

    en

    d_

    ctant

    qu'esr

    violent,

    cette

    fois

    au

    sens

    de

    hors_la_loi,

    tout

    ce

    qui ne

    Ie reconnait

    pas ?

    Thutologie

    performative

    ou

    synthse

    a

    priori

    qui

    structure

    roure

    fondatio

    de la

    loi

    partir

    de laquelle

    on

    produit

    performativement

    les

    convenrions

    (ou

    le

    u

    crdit

    o

    dont

    nous

    parlions

    plus

    haut)

    qui

    garantissent

    la

    validit

    du

    perfrmatif

    grce

    auquel,

    ds lors,

    on

    se

    donne

    les

    moyens

    de

    dcider

    entre

    la violence

    lgale

    et la

    violence

    illgale.

    Les

    expres_

    sions

    de

    tautologie

    ou

    de

    synthse

    a

    priori,.,

    ,rrr,ou,

    8a

    Force

    de

    loi

    celle

    Prnom

    de

    Benjamin

  • 8/9/2019 Force de Loi

    40/71

    de

    performatif

    ne

    sont

    pas

    benjaminiennes,

    mais

    j'ose

    croire

    qu'elles

    ne

    trahissen,

    p",

    son

    propos.

    La

    fascination

    admirative

    exerl.

    ,,r, i.

    p.upl.

    par

    la

    :

    _fiq"*

    du

    "grand"

    criminel

    u

    (die

    Gestah'd",

    )

    grorrrn

    ,

    Wrbrechers)

    s'explique

    ainsi

    :

    ce

    n,est

    p",

    q,r.lqJ,un

    qui

    a

    commis

    tel

    ou

    tel

    crime

    pour

    lequel

    on

    prouverait

    une

    secrte

    admiration

    ;

    c'esr

    quelqu'un

    q,ri,

    en

    dfiant

    la

    loi,

    met

    nu

    la

    violence

    de

    I'ordre

    juridique

    lui_mme.

    On

    pourrait

    expliquer

    de

    Ia

    mme

    fagon

    la

    fascination

    qu'exerce

    en France

    un

    avocat

    .o*-.

    Jacques

    Vergs

    qui

    dfend

    les

    causes

    les

    plus

    insoutenables

    en

    pratiquant-ce

    qu'il appelle

    la

    n

    stratgie

    de

    rupture

    )

    :

    contestation

    ra-

    dicale

    de l'odre

    donn

    de

    ra

    roi,

    de |autorit

    judiciaire

    et

    finalemenr

    de

    Ia

    lgitime

    autorit

    de I'E,ta

    qui

    fait

    comparaitre

    ses

    clients

    devant

    ra

    loi.

    Autorit

    ;uici"i..

    devant laquelle

    en

    somme

    I'accus

    comparait

    alors sans

    comparaitre,

    ne

    comparait

    que

    pour

    tmoigner

    (sans

    r_

    moigner)

    _de

    son

    opposition

    )

    la

    loi

    qui

    I'appelle

    com_

    paraitre.

    Par

    la

    voix

    de

    son

    avocar,

    I'accus

    prtend

    au

    droit

    de

    conresrer

    I'ordre

    du

    droit

    -

    parfois

    l-'identifica-

    tion

    des

    victimes.

    Mais

    quel

    ordre

    d,,

    droit

    ?

    Lordre

    du

    droit

    en

    gnral

    ou

    cer

    ordre

    du

    droit

    institu

    et

    mis

    en

    Guvre

    (,

    enforced

    ,,)

    par la

    force

    de

    cet

    tat

    ?

    Ou

    l,ordre

    en

    rant

    qu'il

    se

    confond

    avec

    l,Etat

    en

    gnral

    ?

    Lexemple

    discriminant

    serait

    ici lerui

    du

    droit

    de

    grve.

    Dans

    la

    lutte

    des

    classes,

    note

    Benjamin,

    le

    droit

    de

    grivl

    esr

    garanri

    aux

    travailleurs

    qui

    sont

    donc,

    ),

    ct

    de

    l'Etat,

    le

    seul

    sujet

    de

    droit

    (Rechxsubjekt)

    )

    se

    t.Iotd.

    B4

    ,-_

    85

    voir

    garantir

    un

    droit

    )

    la

    violen

    ce

    (Recht

    auf

    Gcwalt)

    er

    :::: "rr*'r

    le

    monopole

    de

    I'tat

    cet

    gard.

    Cer_

    rarns

    ont

    pu

    considrer

    que

    I'on

    ne

    saurair

    p"ir.,

    ici

    de

    violence,

    ds

    lors

    que

    l,ex.rcice

    de

    Ia

    grve,'c;

    ;;.

    tion

    d'activit,

    ce

    (

    ne

    rien

    faire

    ,

    (icht_Han)rnl,*r"

    consdrue

    pas

    une

    1.,i9:.

    On jusrifie

    ainsi

    l,octroj

    ;

    ..

    roit

    par-le

    pouvoir

    d'Etat

    $aatsgewalt)

    quand..lui-.

    ne

    peur

    faire

    autremenr.

    La

    violeice

    vienrair

    de

    l,em-

    ployeur

    et

    Ia

    grve

    consisterait

    seulement

    en

    une

    absten-

    ,i:1,

    .n

    un

    loignement

    non-violent

    par

    lequel

    le

    tra_

    vailleur,

    suspendant

    ses

    relations

    avec

    i.

    p"rrorr",

    .,

    ,.,

    machines,

    leu

    deviendrait

    simplement

    tranger.

    Celui

    qui

    sera

    I'ami

    de

    Brecht

    dfinit

    cet

    loigne

    rn

    -l_

    hehr)

    comme

    une

    o

    Entfremdun|

    ,.

    Il

    .r

    l.

    ,".,

    ;;;.

    guillemets'.

    Mais

    visiblemenr

    Benjamin

    ne

    croir

    pas

    cer

    argu_

    ment

    de

    la

    non_violence

    de

    la

    grve.

    Les

    grvisres

    posenr

    des

    conditions

    I

    la

    reprise

    du

    travail,

    ils

    ne

    cessenr

    leur

    grve

    que

    si

    un

    ordre

    des

    choses

    a

    chang.

    Il

    y

    a

    donc

    violence

    conrre

    violence.

    En

    portant

    Ie

    d"roit

    d:

    ;';

    a

    limite,

    Ie

    concept

    o.,

    l.

    -ot

    d,odre

    de

    grve

    )"r"t,

    n

    manifeste

    ainsi

    l,essence.

    Ltat

    supporre

    mal

    ce

    pas_

    sage

    )

    la

    limite.

    Il

    Ie

    juge

    abusif

    et

    priend

    qu,il

    y

    "

    d;;

    malentendu,

    une

    msin

    terprtation

    d.

    I,

    irrrrtl;;

    ;;;;

    nelle

    et

    que

    le

    droit

    de

    gilr.

    ,r'"

    pas

    t

    entendu

    ainsi

    (das

    Streikrecht

    o

    so

    ,

    "irlt

    gr*rin)

    geuesen

    seir).

    Il

    peur

    faire

    alors

    condamne,

    l"

    gu.

    ge"3r"t.

    .o_r.,ilr'g"t

    t

    "r-*

    lg4,

    tr.

    p.

    2.

    Op.

    cit.

    p.

    184,

    tr.

    p.

    )g

    30.

    lhrt

    lr

    loi

    ct,

    si

    cllc

    rcrsistc,

    n()u.s

    avons

    l

    une

    situation

    rvolu-

    Prnom

    dc

    Benjamin

    donc

    de

    se

  • 8/9/2019 Force de Loi

    41/71

    tionrraire

    .

    tlnc

    rcllc siruation

    esr

    en

    fait

    la seule

    qui

    nous

    penrctrc

    cle

    renser

    I'homognit

    du

    droit

    et

    de

    la

    vio-

    lence,

    la

    violcnce

    comme

    I'exercice

    du

    droit

    et le

    droit

    corrme

    exercice

    de

    la

    violence.

    La

    violence

    n'esr

    pas

    ex-

    trierrc

    h

    l'ordre

    du

    droit.

    Elle

    menace

    le

    droit

    )r l,int-

    rieur

    du

    droit.

    Elle

    ne

    consisre pas

    essenriellement

    )

    cxcrcer

    sa

    puissance

    ou

    une force

    brutale

    pour

    obtenir

    tel

    ou tel

    rsultat

    mais

    menacer

    ou

    dtruire

    un

    ordre

    de

    droit

    donn,

    et

    prcismenr,

    dans

    ce

    cas,

    I'ordre

    de

    droit

    tarique

    qui

    a

    d accorder

    ce

    droit

    ) la

    violence,

    par exemple

    le

    droit

    de

    grve.

    Commenr

    interprter

    cerre

    contradiction

    ?

    Est-elle

    seulemenr

    de

    facto

    et extrieure

    au droit

    ?

    Ou

    bien

    im-

    manenre

    au

    droit

    du

    droit

    ?

    Ce

    que redoute

    l'tat,

    le

    droit

    dans

    sa

    plus

    grande

    force,

    ce

    n'esr

    pas

    ranr

    le

    crime

    ou le

    brigandage,

    mme

    grande

    chelle,

    comme

    la

    mafia

    ou le

    grand

    trafic

    de

    la

    drogue,

    ds lors

    qu'ils

    rransgressent

    Ia

    loi

    en vue

    d'ar-

    teindre

    )

    des

    bnfices

    particuliers,

    si importants

    soient-

    ils.

    (ll

    est

    vrai

    qu'aujourd'hui

    ces institutions

    quasi-ta-

    tiques

    et inrernarionales

    onr

    un

    sratut

    plus

    radical

    que

    celui

    du

    banditisme

    et reprsentenr

    une

    menace

    avec

    la-

    quelle

    tant

    d'Etats

    ne

    rrouvent

    ) traiter

    qu'en

    faisant

    al-

    liance

    avec

    elle

    -

    er en

    se

    soumertant

    )

    elle,

    par

    exemple

    en

    trouvant

    son

    compte

    dans

    le

    u

    [1.lriement

    de l,a-

    genr

    ))

    -,

    rour

    en feignant

    de la

    combattre

    par

    tous

    les

    mcryen.s.)

    llrat

    a

    pellr

    de la

    violence

    fondairice,

    c,est-L-

    dirc

    capalrlc

    dc

    justifier,

    de

    lgitimer

    -(begrnden)

    ou

    de

    transfcrrnrcr

    rfcs

    rclations

    de

    droit

    (Rechtsuerhibnisse),

    et

    B6

    prsenter

    comme

    ayanr

    un

    droir

    au

    droit.

    Cette

    violence

    apparrienr

    ainsi

    d'avance

    ) l,ordre

    d,un

    droit

    transformer

    ou )

    fonder,

    mme

    si

    elle

    peut

    bles_

    ser norre

    sentimenr

    de

    justice

    (Gerechtigheitsgefilh/),,

    Seule

    cette

    violence

    appelle

    et

    rend

    porribl.

    ui.

    .

    .r-

    tique

    de

    la

    violence

    )

    qui

    dtermine

    celle_ci

    comme

    autre

    chose

    que

    l'exercice

    narurel

    de

    la

    force.

    pour

    qu'une

    critique,

    c'est-)-dire

    une

    varuation

    interprtative

    et

    signifiante

    de

    la

    violence

    soit

    possible,

    on

    doit

    d'abord

    reconnaitre

    du

    sens

    )

    une

    ,riolence

    qui

    n'est

    pas

    un

    accidenr

    survenu

    de l'exrrieur

    au

    droit.

    Ce

    qui

    e_

    nace

    le

    droit

    appartient

    dj)

    au

    droit,

    au

    droir

    au

    d.oit,

    )

    l'origine

    du

    droit.

    La

    grve

    gnrare

    fournit

    ainsi

    un

    fir

    conducteur

    prcieux

    puisqu'elle

    exerce

    re

    droit

    concd

    pour

    contester

    I'ordre

    du

    doit

    existant

    et

    crer

    une

    si-

    tuation

    rvolutionnaire

    dans

    laqueile

    il

    s'agira

    de

    fonder

    un

    nouveau

    droit,

    sinon

    toujours,

    nous

    le

    verrons

    dans

    un

    instant,

    un

    nouvel

    tat.

    Toutes

    res

    situations

    rvoru-

    tionnaires,

    tous

    les

    discours

    rvolutionnaires,

    d.e

    gauche

    ou

    de

    droite

    (et

    )

    partir

    de

    1921,

    en

    Allem"g.r.,

    fl

    y ..,

    eut

    beaucoup

    qui

    se

    ressemblaient

    de fagon

    iror.rbl"r,t.,

    Benjamin

    se

    trouvanr

    souvenr

    ente

    les

    deux)

    justifient

    le

    recours

    i

    la

    violence

    en

    allguant

    l,instaution

    en

    cours

    ou

    venir

    d'un nouveau

    droit

    :

    d,un

    nouvel

    Etat.,

    Comme

    ce

    droit

    i

    venir

    lgitimera

    en

    retour,

    rtrospecti_

    vement,

    la

    violence

    qui

    peut

    heurre

    le

    sentiment

    d.

    ur_

    1.

    Op

    cit.

    p.

    185

    ;

    tr.

    p.

    31.

    ^?

    O:

    rrouve

    le

    principe

    d'un

    argument

    analogue

    chez.

    Carl

    Schmirt.

    Cf.

    ?olitiques

    de

    I'amiti,

    Galile,

    tig4,

    p.140

    et

    surv.

    87

    Force

    de

    loi

    tice,

    son

    futur

    antrieur

    la

    justifie

    Prnom

    de

    Benjamin

  • 8/9/2019 Force de Loi

    42/71

    dj).

    La

    fondation

    de

    tous

    les

    Et"ts

    advient

    dans

    une

    situarion

    qu,on

    peut

    ainsi

    appeler

    rvolurionnaire.

    Elle

    inaugure

    un nouveau

    droit,

    elle

    le

    fait

    toujours

    dans

    la vio-rence

    .

    Toujours,

    c'est-)-dire

    mme

    si

    alors

    n'ont

    pas

    lieu

    ..,

    ge.ro.id.r,

    expulsions

    ou

    dportations

    spectaculaires

    dont

    s'".com_

    pagne si souvenr la

    fondation

    des

    rats, grands

    ou

    perits,

    anciens

    ou

    modernes,

    tout

    prs

    ou

    trs

    loin

    d.

    not....

    Dans

    ces

    siruarions

    dites

    fcrndatrices

    de

    droit

    ou

    d'tat,

    la

    catgorie

    grammaricale

  • 8/9/2019 Force de Loi

    43/71

    parait

    infiniment

    transcendante

    et

    donc

    thologique

    que

    dans la mesure

    o, au

    plus prs

    de lui, elle ne

    dpend

    que

    de

    lui,

    de I'acte

    performatif

    par

    lequel il

    l'institue :

    la

    loi est

    transcendante,

    violente

    et non violente,

    parce

    qu'elle

    ne

    dpend

    que de

    qui est

    devant elle

    -

    et

    donc

    avant

    elle

    -,

    de qui la

    produit,

    la

    fonde,

    I'autoise

    dans

    un

    performatif

    absolu

    dont

    la

    prsence

    lui

    chappe

    rou-

    jours.

    La

    loi

    est

    transcendante

    et thologique,

    donc tou-

    jours

    venir,

    toujours

    promise,

    parce

    qu'elle

    est imma-

    nente,

    finie

    et donc

    dj)

    passe.

    Tout

    u

    sujet

    ,

    se

    rrouve

    pris d'avance dans

    cerre

    structure

    aportique.

    De

    cette loi

    l'avenir

    seul

    produira

    I'intelligibilit

    ou

    I'interprtabilit.

    Au-deh

    de

    la lettre

    du texte

    de

    Benja-

    min,

    que

    je

    ne

    suis plus

    depuis

    un insrant

    dans Ie

    sryle

    du commentaire

    mais

    que

    j'interprte

    depuis son aveni

    on

    dira

    que

    I'ordre

    de

    I'intelligibilit

    dpend

    )

    son

    rour

    de I'ordre instaur

    et

    qu'il sen ) interprter.

    Cette lisibi-

    lit

    sera donc aussi

    peu

    neurre

    que

    non-violente.

    Une

    rvolution

    n

    russie

    ,,

    la

    fondation

    d'un

    Etat

    u

    russie

    u

    (un

    peu au

    sens o on

    parle

    d'un

    o

    felicitous

    , o

    per-

    matiue

    specch act

    r)

    produira

    apris coup

    ce

    qu'elle tait

    d'auance

    destine

    )

    produire,

    )

    savoir

    des modles inrer-

    prtatifs propres

    lire

    en rerour,

    donner

    du

    sens,

    de

    la

    ncessit

    et surtour

    de

    la lgitimit

    la violence

    qui

    a

    produit,

    entre

    aurres,

    le

    modle

    interprtatif

    en ques-

    tion,

    c'est--dire

    le

    discours

    de

    son

    auto-lgitimation.

    Les

    exemples

    de ce

    cercle,

    autre

    cercle hermneutique,

    autre

    cercle

    de

    la

    violence,

    ne

    manquent

    pas,

    prs ou

    loin

    de

    nous,

    ici

    mme

    ou ailleurs,

    qu'il

    s'agisse

    de ce

    qui

    se

    passe

    d'un

    quartier

    I'aurre,

    d'une

    rue

    ). I'autre,

    90

    d'une grande mtropole,

    d'un pays

    ou

    d'un

    camp

    I'autre

    autour d'une

    guerre

    mondiale

    au cours

    de

    Ia-

    quelle

    des

    tats

    et des

    nations

    sont fonds,

    dtruits

    ou

    ramnags.

    Il faut

    en

    tenir

    compte

    pour

    d-limiter

    un

    doit

    international construit sur

    le

    concepr

    occidental

    de souverainet tatique

    et de non-ingrance,

    mais

    aussi

    pour penser

    sa

    perfectibilit

    infinie.

    Il

    y

    a

    des

    cas

    o

    pendant

    des

    gnrations,

    on ne

    sait

    pas

    si

    le

    performarif

    de

    la

    fondation

    violente

    d'un

    tat

    est

    russi

    (,,

    felici-

    tous

    ,)

    ou

    non.

    Nous pourrions

    en

    citer

    plus

    d'un

    exemple.

    Cette

    illisibilit

    de

    la

    violence

    tient

    )

    la lisibi-

    lit

    mme

    d'une

    violence qui

    appartient

    ) ce

    que

    d'autres

    appelleraient

    l'ordre

    symbolique

    du

    droit,

    et

    non

    la physique

    pure.

    On

    pourrait

    tre

    tent

    de re-

    tourner

    comme

    un

    gant la

    o

    logique

    n

    (n

    logique

    >

    ente

    guillemets

    car cet

    n

    illisible

    ,

    est aussi

    bien

    u

    illogique

    ,

    dans

    l'ordre

    du lgos,

    et

    c'est aussi

    pourquoi

    j'hsite

    )

    I'appeler

    u

    symbolique

    ))

    et

    )

    le

    prcipiter

    ainsi

    dans

    l'ordre

    du

    discours

    lacanien) de cette

    lisible

    illisibilir.

    Elle

    signifie

    en somme

    une

    violence

    juridico-symbo-

    lique,

    une violence

    performative

    ) l'intrieur

    mme

    de

    la

    lecture

    interprtative.

    Et

    une mtonymie

    pourrait

    re-

    tourner

    l'exemple

    ou

    l'indice vers la

    gnralit

    concep-

    tuelle

    de

    I'essence.

    On

    dirait

    alors

    qu'il y

    a

    une

    possibilit

    de

    u

    grve

    g-

    nrale

    u,

    un

    droit

    analogue

    )

    celui

    de

    la

    grve

    gnrale

    dans

    toute lectue

    interprtative,

    le

    droit de

    contester

    le

    droit

    tabli

    dans

    sa

    plus

    forte autorit,

    celle

    de

    I'E,tat.

    On

    a

    le

    droit

    de

    suspendre

    I'autorit

    lgitimanre

    er

    toutes

    ses

    normes

    de

    lecture,

    et cela

    dans lcs

    lectures

    les

    c)l

    Forct

    de

    loi

    Prnom

    de

    Benjamin

    d

  • 8/9/2019 Force de Loi

    44/71

    plus

    lisantes,

    les

    plus

    cfficaces,

    le.s

    plus

    pertinentes,

    qui

    videmment

    s'expliquent

    avec

    de

    I'illisible

    p"rfois

    pour

    fonder

    un

    aurre

    ordre

    de lecture,

    un

    autre

    r",,

    p"rfoi,

    sans

    le faire

    ou

    pour

    ne

    pas

    le

    faire.

    Car .ro.r,

    ,l.rro*

    que

    Benjamin

    distingue

    enrre

    deux

    sortes

    de

    grves

    g_

    nrales,

    les

    unes

    destines

    remplacer

    l,ordre

    ,,r,

    i",

    p"r

    yn,

    autre

    (grve

    gnrale

    politique)

    l,aurre

    suppri-

    mer

    I'E,tar

    (grve

    gnrale

    prolAar;ionr).

    En

    somme

    les

    deux

    rentations

    de la

    dconstruction.

    Car il

    y a

    de

    la

    grve

    gnrale,

    et

    donc

    de

    la

    situation

    rvolutionnaire

    dans

    toute

    lecture

    instauratrice

    qui

    reste

    illisible

    au regard

    des

    canons

    tablis

    et

    des

    noim.,

    d.

    lecrure,

    c'est-)-dire

    de

    l'tat

    prsent

    de la

    lecture

    ou

    de

    ce

    qui

    figure

    I'Etat,

    avec

    un

    grand

    E,

    dans

    l,tat