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FORÊTS ET VOLCANS DE LA MARTINIQUE MASSIFS FORESTIERS ET ESPACES SOMMITAUX DES VOLCANS DE LA MARTINIQUE UN MONUMENT NATUREL ARCHIPÉLIQUE PROPOSITION DINSCRIPTION SUR LA LISTE INDICATIVE DE LA FRANCE POUR LE CLASSEMENT AU PATRIMOINE MONDIAL DE L’UNESCO / LE 2 AVRIL 2013 Rocher du Diamant Morne Champagne Îlet à Ramiers Matoutou falaise Moqueur gorge-blanche ORGANISTE LOUIS D'OR Siffleur des montagnes Caraïbe Mosaïque Morne Citron Piton Marcel PITONS DU CARBET Morne Jacob Piton Étage Montagne du Vauclin Cerise montagne Bois capable Graines bleue bâtard Ravine Grandjean Morne Préfontaine Bois tabac Bois amer Gommier blanc Gaïac Poirier pays Fond-Moustique GROS-MORNE Morne Vent Rivière Pilote CORPS-DE-GARDE MORNE SIBÉRIE PAIN DE SUCRE Piton Pierreux Bois négresse Rocher Zombi Morne Gommier Rivière-Salée Trois-Îlets Morne Coco la Bigotte Morne la Plaine Pointe Blanche La Charmeuse Îlet Mandoline Petit Ilet Anses d’Arlet Fond-Fleury Croix-Diamant Pointe des Nègres Trenelle Citron Morne Jacqueline Morne Yoyo la Bien nommée MORNE CHAPEAU-NÈGRE Ravine-Vilaine MORNE CÉSAIRE Morne Clochette Morne Balisier Piton Gelé BOIS DE FER BLANC RÉSOLU MONTAGNE Pois doux des hauts Vanille marron Attrape Sot Bois capitaine Chou piquant Bois ti feuilles Morne Sainte Croix MONTAGNE PELÉE Mont Conil Didine Sucrier Bellefontaine Anse Noire Morne Réduit SCHœLCHER Vatable Coco caré

Forêts et volcans de la Martinique un MonuMent naturel archipélique

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Page 1: Forêts et volcans de la Martinique un MonuMent naturel archipélique

Forêts et volcans de la MartiniqueMassifs forestiers et espaces soMMitaux des Volcans de la Martinique

un MonuMent naturel archipélique

proposition d’inscription sur la liste indicatiVe de la france pour le classeMent au patriMoine Mondial de l’unesco / le 2 aVril 2013

rocher du diamant

Morne champagneÎlet à ramiers

Matoutou falaise

Moqueur gorge-blanche

organiste louis d'or

siffleur des montagnes

caraïbe

Mosaïque

Morne citronpiton Marcel

pitons du carbet

Morne Jacob

piton étage

Montagne du vauclin

cerise montagne

Bois capable

Graines bleue bâtard

ravine Grandjean

Morne préfontaine

Bois tabac

Bois amer

Gommier blanc

Gaïac

poirier pays

Fond-Moustique

gros-Morne

Morne vent

rivière pilote

corps-de-garde Morne sibérie

pain de sucrepiton pierreux

Bois négresse

rocher Zombi

Morne Gommier

rivière-salée

trois-ÎletsMorne coco

la Bigotte

Morne la plaine

pointe Blanche

la charmeuse

Îlet Mandoline

petit ilet

anses d’arlet

Fond-Fleury

croix-diamant

pointe des nègres

trenelle citron

Morne Jacqueline

Morne Yoyola Bien nommée

Morne chapeau-nègre

ravine-vilaine

Morne césaire

Morne clochette

Morne Balisier

piton Gelé

bois de fer blanc

résolu Montagne

pois doux des hauts

vanille marron

attrape sot

Bois capitaine

chou piquantBois ti feuilles

Morne sainte croix

Montagne peléeMont conil

didine sucrier

Bellefontaine

anse noireMorne réduit

schœlcher

vatable

coco caré

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cette demande d’inscription sur la liste indicative de la France (dans la perspective d’une candidature au patrimoine mondial de l’unesco) de ce monument naturel discontinu que constitue notre ensemble volcanique et forestier, s’inscrit dans une démarche collective entreprise par la collectivité régionale depuis la nouvelle mandature.

cette démarche suppose que nous soyons tous rassemblés, institutions, citoyens, organisations civiles, autour de cette notion de développement durable qui, bien avant l’économique, le social, ou l’environnemental, nécessite une profonde dynamique culturelle.

l’approche culturelle exige un changement de notre vision des choses et de notre manière d’agir : dégager la vision qui donne du sens à l’action, partager les enjeux, les confronter ensemble dans une gouvernance interactive et transversale. c’est ainsi que nous avons créé les zones d’attractivité régionale majeures que sont la ville de saint-pierre et des trois-Îlets. que nous nous sommes engagés résolument dans l’assainissement des espaces urbains, les mutations énergétiques, la gestion de nos eaux, la lutte intransigeante contre les pollutions, et l’orientation de notre approche économique vers une intégration optimale aux équilibres de nos écosystèmes.

c’est aussi dans cet état d’esprit que nous nous rassemblons aujourd’hui autour de ce monument naturel. et cela, nullement dans un unique souci de protection et de gestion environnementales, mais véritablement dans la perspective d’une dynamique de développement humain dans laquelle le vivre-ensemble, l’agir-ensemble, le bien-vivre et surtout le beau-vivre, se conçoivent dans un rapport conscient actif, voire célébrant, à la totalité de notre entour vivant.

les patrimoines, naturels et culturels, ne sont pas en dehors de nous, il faut d’abord les considérer en nous, ou nous inscrire en eux, en fils et en gardiens. dès lors, ce que nous faisons pour eux, nous le faisons pour nous ; ce que nous faisons pour nous nous le faisons pour eux ; et le faire ensemble au nom de toute l’humanité, nous rend meilleurs en nous installant dans la juste (et parfaitement globale) mesure de toutes choses.

voilà le sens de cette candidature.

serge letchiMY

Député et Président du Conseil Régional de la Martinique

le patriMoine en nous

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préFiGuration du dossier scientiFique

soMMaire

1. le Bien proposé, un MonuMent naturel archipelique 61.1. contexte 61.1.1. situation et géographie de la Martinique 61.1.2. population 81.1.3. archéologie et histoire 81.1.4. un haut-lieu du volcanisme mondial 10

1.2. identification du bien proposé 12

1.3. définition et critères d’édification du bien 141.3.1. un monument naturel archipélique 141.3.2. histoire géologique et évolution biologique 141.3.3. isolation et endémisme 161.3.4. Milieux et biodiversité 171.3.5. paysages 18

1.4. description et déliMitation du bien 201.4.1. Méthodologie de délimitation du Bien 201.4.2. principes et intentions sur les zones tampon 221.4.3. présentation générale des espaces du Bien proposé 241.4.4. originalité et spécificité des espaces du bien proposé 36

2. JustiFication et critères d’édiFication du Bien proposé 38

2.1. processus géoMorphologiques et histoire géologique 382.1.1. le paradoxe antillais 382.1.2. la Martinique, une mosaïque d’îles volcaniques 432.1.3. synthèse 54

2.2. processus éVolutifs, relations aVec la géoMorphologie 582.2.1. isolement géographique de l’archipel. 582.2.2. isolement géographique intra-insulaire. 602.2.3. isolement orographique et bioclimatique 612.2.4. processus évolutifs conduisant à l’endémisme 632.2.5. originalité de la faune martiniquaise : ses espèces endémiques 642.2.6. Biodiversité fongique 75

Page 5: Forêts et volcans de la Martinique un MonuMent naturel archipélique

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2.3. espaces naturels reMarquables pour la protection in situ de la biodiVersité biologique et des espèces rares et Menacées 77

2.3.1. évolution de la végétation naturelle de la Martinique et du bien proposé. 772.3.2. description des espaces majeurs du Bien proposé 86

2.4. paysages de qualité esthétique exceptionnelle 94

3. éléMents d’analYse coMparative 98

3.1. analyse coMparatiVe du VolcanisMe 98

3.2. analyse coMparatiVe des espèces endéMiques strictes de la Martinique et des îles enVironnantes 100

3.2.1. endémisme de la Faune 1003.2.2. Biodiversité végétale, fongique - endémisme 101

4. éléMent pour la protection et la Gestion 102

4.1. eléMents concourant à l’intérgité du bien 102

4.2. protections et plans de gestion existants 103

4.3. un projet eMbléMatique : Wanakara, la ManMan trace (la trace Mère) 107

annexe - déclaration de valeur universelle exceptionnelle

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[ ]

6

1. le bien proposé, un MonuMent naturel archipelique 1.1. contexte

1.1.1. situation et géographie de la Martiniqued’une superficie de 1.080 km2, l’île de la Martinique se localise au cœur de l’arc des petites antilles entre la dominique au nord et sainte-lucie au sud. longue de 70 km environ et large d’une trentaine de kilomètres, cette île orientée nord-nord-ouest / sud-sud-est, est la plus excentrée de l’arc antillais (à l’exception de la Barbade qui n’est pas issue du volcanisme de l’arc antillais).

sa topographie est originale, puisque sa partie septentrionale montagneuse semble s’opposer au reste du territoire, vallonné au sud et relativement plan à l’approche de la baie de Fort-de-France. toutefois, cette première impression est contredite par la présence d’un continuum volcanique qui s’étire du nord au sud. l’île est drainée par 70 cours d’eau pérennes qui se répartissent en deux grandes catégories : les torrents (au nord et au sud) et les rivières de type mixte (au centre). le linéaire côtier, de 450 km environ, offre des paysages aussi diversifiés que des falaises, des anses sablonneuses, des grèves, des mangroves, des embouchures de rivières exoréiques, tous ces faciès jouxtant des herbiers de phanérogames marines et des platures coralliennes en relations constantes. enfin, un ensemble d’îlots (appelé localement îlets) ceinture le trait de côte et joue le rôle de véritables laboratoires naturels.

la Martinique bénéficie d’un climat tropical humide qui permet d’identifier deux saisons : le « carême » (saison sèche) qui s’étale du mois de février au mois de mai, et l’hivernage (saison humide) du mois de juillet au mois de novembre. entre ces deux saisons un climat mitigé règne sur l’île.

le nord de l’île est dominé par un volcan (la Montagne pelée) dont les modalités de fonctionnement ont donné naissance à un type éruptif, le type péléen (appelé « volcan gris » aujourd’hui). ce volcan a aussi fait connaître la Martinique bien au-delà de la caraïbe, puisqu’il a détruit la ville de saint-pierre et causé près de 30.000 morts ; le monde découvrit ainsi le 8 mai 1902 une île, peu connue jusqu’alors. s’il est vrai que ce volcan n’est que l’un des maillons d’une chaîne beaucoup plus vaste, qui s’étire sur tout l’arc des petites antilles (au niveau de la zone de subduction entre les plaques atlantique et

Amérique du Nord

Amérique CeNtrAle

Amérique du Sud

Les Antilles

L’archipel des Antilles dans le monde

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[ ]

7

L’arc Antillais, la Martinique dans les Îles du Vent

de l’archipel des Petites Antilles

leS GrANdeS ANtilleS

leS BAhAmAS

mer CArAïBe La Martinique

oCéAN AtlANtique

leS PetiteS ANtilleS Îles du Vent

Îles Sous-le-Vent

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caraïbe), à l’échelle de l’île de la Martinique, il représente le point culminant (1.397 m), mais surtout le point à partir duquel les autres structures orographiques s’étirent vers le sud. il s’établit donc un continuum morphologique, biogéographique et paysager entre le nord et le sud de l’île, à partir des planèzes de la Montagne pelée. ces planèzes peuvent donc être considérées comme les lieux à partir desquels tout s’ordonne.

1.1.2. populationles habitants de la Martinique représentent, biologiquement et culturellement, toutes les composantes ethniques qui ont contribué à la formation du peuplement de l’amérique du sud, c’est à dire pratiquement tous les bassins de population du monde. les caraïbes, provisoirement chassés vers la dominique et sainte-lucie, sont revenus s’installer sur la côte sud-est où leur existence autonome est prouvée jusqu’au xviiie siècle. ils se fondent ensuite dans la population européenne et africaine, lui transmettant leurs connaissances du milieu et leurs techniques artisanales (manioc, vannerie, poterie). comme les amérindiens, les Blancs, d’abord majoritaires dans la population coloniale, ont vu leur nombre décroître au fil des siècles.

le groupe d’origine africaine est devenu rapidement le plus important du fait de l’esclavage, qui a eu pour conséquence un important métissage avec les Blancs, puis de l’introduction d’engagés congos. les populations d’origine asiatique introduites au xixe siècle ne se sont pas accrues et seul le groupe originaire de l’inde a atteint un nombre significatif. des originaires du levant méditerranéen et des européens du Maghreb sont venus conforter au xxe siècle le groupe des Blancs.

1.1.3. archéologie et histoireon a répertorié à ce jour près d’une centaine de sites précolombiens dans l’île dont deux à roches gravées. quelques-uns d’entre eux se trouvent dans le Bien naturel proposé. la richesse de ce patrimoine archéologique et la qualité de son étude et de sa préservation font de la Martinique un précieux centre de connaissance des sociétés précolombiennes du bassin caribéen.

originaires de l’actuel venezuela, les premiers habitants connus sont arrivés il y a 2.000 ans et se sont installés principalement sur la côte au vent, vers l’atlantique. au cours des siècles suivants, leurs installations s’étendent sur la presque totalité du littoral et les vestiges archéologiques témoignent de l’importance qu’ils accordent à la côte sous-le-vent tournée vers la mer des antilles ou des caraïbes. plus tard, à partir du premier millénaire de notre ère, ils investissent les zones de mangrove, pour revenir ensuite vers des sites plus ouverts, donnant

La Martinique dans les Îles du Vent de l’arc des Petites Antilles

mer CArAïBe CôteS SouS-le-veNt

La Martinique

La Guadeloupe

Montserrat

Antigua

Berbuda

Anguila

Îles Vierges

La Dominique

Sainte-Lucie

Saint-Vincent

La Barbade

Les Grenadines

Grenade

Trinité

Tobago

oCéAN AtlANtique

CôteS Au veNt

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directement sur la mer et identifiés par l’archéologie sur la côte est. leur mode de vie devient moins sédentaire, s’assimilant à celui de semi-nomades marins qui parcourent en pirogues tout l’arc des petites antilles depuis les bouches de l’amazone jusqu’à cuba et porto rico. ceux sont eux que rencontrent les premiers navigateurs européens à la fin du xvie siècle et qu’ils ont appelés caraïbes. le mobilier archéologique trouvé à la Martinique témoigne de sa position au centre d’un circuit d’échanges d’outillages et de parures lithiques avec les îles antillaises proches et lointaines et jusqu’aux bouches de l’amazone. avec l’arrivée des européens puis des africains, le peuplement amérindien de la Martinique n’a pas été détruit, contrairement à une légende persistante. après une période de cohabitation avec les nouveaux venus et de partage de l’île entre caraïbes et Français, l’ensemble de la Martinique est passé sous domination coloniale.

avec la fondation d’une colonie française, la Martinique entre dans le cycle des échanges transatlantiques connu sous le nom de commerce triangulaire mais aussi, de façon capitale quoique sous évaluée par l’historiographie, dans celui des échanges entre les colonies espagnoles de terre ferme, la Guyane, les antilles hollandaises, les colonies britanniques d’amérique du nord et même le canada. ces échanges concernent aussi bien les produits que les hommes, faisant de la Martinique un carrefour de colonies et un pôle stratégique dans les conflits de domination qui opposent durant près de trois siècles les nations colonisatrices d’europe.

Fondée jusqu’en 1848 sur le travail d’esclaves importés d’afrique, après l’échec de l’asservissement des amérindiens et le renoncement à des engagés européens, l’économie de la Martinique fait appel jusqu’en 1900 à une main-d’œuvre formée d’engagés de l’inde, de la chine, de l’afrique, de l’asie du sud-est et même de l’île de Madère. le cœur de cette économie fondée sur le sucre et le rhum est le port de saint-pierre qui est, de ce fait, un véritable melting–pot. cette position exceptionnelle de la Martinique culmine avec le rayonnement économique et culturel de la ville et du port de saint-pierre brutalement anéantis en 1902 par l’éruption de la Montagne pelée.

première tragédie humaine à avoir connu une résonnance mondiale, la catastrophe de 1902 permet aujourd’hui de restituer par l’archéologie et les documents d’archives la photographie exceptionnelle d’une ville coloniale caribéenne telle qu’en 1900.

le nord de la Martinique compte de nombreux sites archéologiques précolombiens ou coloniaux et un patrimoine immatériel qui fait partie intégrante du cœur de son identité. la démarche de labellisation pays d’art et d’histoire en cours sur le territoire du nord apparait comme le moyen adéquat pour conserver et mettre en valeur ce patrimoine dans toutes ses composantes. ce label sera un soutien pour la valorisation et la protection du Bien naturel proposé au classement unesco.

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Bien que située au centre de l’arc antillais, la Martinique semble relativement isolée car c’est l’une des deux seules îles françaises du bassin caraïbe. sa proximité avec des territoires anglophones hispanophones et néerlandophones lui confère cependant le statut de véritable carrefour culturel.

1.1.4. un haut-lieu du volcanisme mondialle 8 mai 1902, la montagne s’entrouvre et « des nuages denses » s’abattent sur saint-pierre de la Martinique.

« tout à coup retentit une violente détonation qui ébranla la terre et la mer. ce fut une formidable explosion de la montagne, qui parut s’entrouvrir du sommet à la base pour donner passage à une flamme éclatante qui s’éleva dans l’air, et à une poussée formidable de nuages noirs. ceux-ci se précipitèrent en dévalant les pentes de la montagne, descendant comme une trombe, franchissant tous les obstacles, puis, au moment d’atteindre les parties basses, ils formèrent un éventail et s’élancèrent sur la malheureuse ville qu’ils plongèrent dans les ténèbres, ils bondirent sur les navires en rade. À part cet éclair du premier moment, il n’y eut pas de feu : ce fut simplement un nuage chargé de cendres et de ponces portées à très haute température qui, en une minute et demie, franchit la distance qui sépare le volcan de la ville, détruisant et brûlant tout sur son passage. a son arrivée à la mer, sa masse souleva les flots, les petits navires furent culbutés, le roraima couché sur le côté, le roddam à demi submergé, le Grapper coulé (…). devant mes yeux, tout le long de la côte, ce n’était que flammes, l’enfer de dante cent fois exagéré. le feu faisait rage, surtout à l’extrémité nord de la ville, du côté du volcan ; à l’extrémité sud, je pouvais distinguer des formes humaines et percevoir des cris déchirants ; beaucoup se dirigeaient vers la mer, mais la trombe eut vite fait de les rattraper et aucun être vivant n’échappa à la mort ce matin-là ». (a. lacroix p. 243-244).

de retour à paris, alfred lacroix découvrit que ce type de manifestation volcanique avait déjà été signalé « à san Jorge aux açores, lors des éruptions de 1580 et 1808 et qu’elle avait été désignée sous le nom de nuées ardentes, par les habitants de cette île ».

ce nouveau type d’éruption s’impose alors dans les débats scientifiques qui agitaient la volcanologie naissante de la fin du xixe siècle.

le drame du 8 mai 1902 fut celui de l’ignorance scientifique de l’époque, manipulée par des hommes qui y trouvaient matière à asseoir leur pouvoir politique et/ou religieux. la science ne peut en aucune façon être mise en cause. cette éruption pointa un tournant dans l’approche scientifique de la volcanologie. elle marqua les esprits et la carrière de nombreux volcanologues.

nuée ardente et saint pierre

saint pierre après 1902

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Bien que située au centre de l’arc antillais, la Martinique semble relativement isolée car c’est l’une des deux seules îles françaises du bassin caraïbe. sa proximité avec des territoires anglophones hispanophones et néerlandophones lui confère cependant le statut de véritable carrefour culturel.

1.1.4. un haut-lieu du volcanisme mondialle 8 mai 1902, la montagne s’entrouvre et « des nuages denses » s’abattent sur saint-pierre de la Martinique.

« tout à coup retentit une violente détonation qui ébranla la terre et la mer. ce fut une formidable explosion de la montagne, qui parut s’entrouvrir du sommet à la base pour donner passage à une flamme éclatante qui s’éleva dans l’air, et à une poussée formidable de nuages noirs. ceux-ci se précipitèrent en dévalant les pentes de la montagne, descendant comme une trombe, franchissant tous les obstacles, puis, au moment d’atteindre les parties basses, ils formèrent un éventail et s’élancèrent sur la malheureuse ville qu’ils plongèrent dans les ténèbres, ils bondirent sur les navires en rade. À part cet éclair du premier moment, il n’y eut pas de feu : ce fut simplement un nuage chargé de cendres et de ponces portées à très haute température qui, en une minute et demie, franchit la distance qui sépare le volcan de la ville, détruisant et brûlant tout sur son passage. a son arrivée à la mer, sa masse souleva les flots, les petits navires furent culbutés, le roraima couché sur le côté, le roddam à demi submergé, le Grapper coulé (…). devant mes yeux, tout le long de la côte, ce n’était que flammes, l’enfer de dante cent fois exagéré. le feu faisait rage, surtout à l’extrémité nord de la ville, du côté du volcan ; à l’extrémité sud, je pouvais distinguer des formes humaines et percevoir des cris déchirants ; beaucoup se dirigeaient vers la mer, mais la trombe eut vite fait de les rattraper et aucun être vivant n’échappa à la mort ce matin-là ». (a. lacroix p. 243-244).

de retour à paris, alfred lacroix découvrit que ce type de manifestation volcanique avait déjà été signalé « à san Jorge aux açores, lors des éruptions de 1580 et 1808 et qu’elle avait été désignée sous le nom de nuées ardentes, par les habitants de cette île ».

ce nouveau type d’éruption s’impose alors dans les débats scientifiques qui agitaient la volcanologie naissante de la fin du xixe siècle.

le drame du 8 mai 1902 fut celui de l’ignorance scientifique de l’époque, manipulée par des hommes qui y trouvaient matière à asseoir leur pouvoir politique et/ou religieux. la science ne peut en aucune façon être mise en cause. cette éruption pointa un tournant dans l’approche scientifique de la volcanologie. elle marqua les esprits et la carrière de nombreux volcanologues.

nuée ardente et saint pierre

Maurice et Kattia Kraft devait écrire avant leur tragique disparition au Japon « le véritable essor de la volcanologie date de 1902 (…). deux géologues sont appelés au chevet du monstre, deux hommes qui, marqués par cet épouvantable cataclysme, vont devenir les deux plus grands volcanologues du xxe siècle, les pères de la volcanologie moderne : le français alfred lacroix et l’américain thomas Jaggar [1] ».

a. lacroix devient le père de la volcanologie française grâce à son ouvrage La Montagne Pelée et ses éruptions, et après son élection à l’académie des sciences en 1904, il devait déclarer avec humour : « Je suis entré à l’institut sous l’irrésistible poussée d’un volcan ».

le volcanologue américain thomas Jaggar, très choqué par ce qu’il a pu observer, devait déclarer : « ces milliers de personnes tuées par un phénomène souterrain inconnu et inexpliqué par les géologues méritent d’y consacrer une vie ». quelques années plus tard, après un inlassable combat, il devait mettre sur pied un observatoire au bord du Kilauea, l’un des volcans les plus actifs du monde, mais l’un des moins dangereux. cet observatoire est devenu aujourd’hui l’un des plus grands laboratoires consacrés à la surveillance volcanique des volcans rouges. l’idée de prévision et de surveillance volcanique avait fait son chemin.

1 - K. et M. Kraft, Le réveil de la terre, 1979, p.15

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1.2. identification du bien proposéRégionl’île de la Martinique, région et département d’outre-mer (972), fait partie de l’archipel des petites antilles. elle est située entre la mer des caraïbes et l’océan atlantique, à l’est des côtes de l’amérique centrale.

Coordonnée géographique à la seconde prèspoint central

718.983° 35′ 10″ est

1.613.665° 91′ 07″ nord

Surface229 km²

Les espaces majeurs du Bien proposé à l’inscriptionil s’agit des espaces naturels de qualité biologique et paysagère majeure qui s’organisent autour des cinq grandes aires géomorphologiques et orographiques d’origine volcanique qui ont édifié la Martinique et d’un 6 e ensemble plus dispersé :

1 re aire : le Massif du piton Mont conil et les mornes et pitons adjacents,

2 e aire : l’édifice volcanique récent de la Montagne pelée et ses différents versants,

3 e aire : le massif du Morne Jacob et des pitons du carbet, la coulée forestière du Morne rose à Fond Boucher,

4 e aire : la presqu’île de la caravelle,

5 e aire : la presqu’île des trois-Îlets,

6 e aire plus dispersée : constituée de 6 ZnieFF du centre du sud de l’île, toutes à très haute valeur écologique, Montagne du vauclin, Mornes calcaires de sainte-anne, Morne aca, ravine saint-pierre et Morne préfontaine, Morne david et Bois la charles, pointe Bateau et Jean-claude et de trois îlets ou rochers de grande importance botanique ou ornithologique : le rocher du diamant, les îlets de saint-anne et l'îlet chevalier.

Page 13: Forêts et volcans de la Martinique un MonuMent naturel archipélique

130 10 20km

Limites du Bien proposé

0 10 20km N

Légende

Montagne Pelée

Piton Mont Conil

Morne Jacob

Pitons du Carbet

Morne Rose

Fond Boucher

Presqu'île de la Caravelle

Pointe Caracoli

Pointe Bruntz

Presqu'île des Trois Îlets

Montagne du VauclinBois la Charles

Mornes calcaires de Sainte-Anne

Morne Aca

Ravine Saint-Pierre

Morne Préfontaine

Pointe Bateau

Pointe Jean-Claude

Fort-de-France

Saint-Pierre

carte de délimitation du Bien proposé

n

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14

1.3. définition et critères d’édification du bien [2]

1.3.1. un monument naturel archipéliquel'approche archipélique a beaucoup été développée par le poète et philosophe édouard Glissant pour s'opposer à ce qu'il appelait la pensée continentale, faite de grandes certitudes érigées en système. l'approche archipélique suppose la prise en compte du discontinu, du fragile, d'une structuration subtile et complexe qui suppose des liaisons magnétiques, des relations multiples et profondes, lesquelles assurent une unité ouverte : l'unité ouverte admet le discontinu et ne peut se concevoir que dans sa diversité mise en relations.

cette notion renvoie bien entendu à la réalité de l'archipel caribéen, à ces multiples volcans qui ont constitué le territoire martiniquais, mais aussi (en ce qui concerne les monuments naturels) à une volonté de prendre en compte le caractère vivant et dynamique des grands écosystèmes.

ce qui fait monument ce sont les relations visibles et invisibles entres les espaces identifiés. on est résolument dans le vivant.

l'approche archipélique (basée sur la dynamique des relations) peut aussi apporter beaucoup d'innovations dans la mise en oeuvre des modalités de gestion et de valorisation.

1.3.2. histoire géologique et évolution biologiquescindée en deux parties par le graben du lamentin, la chaîne volcanique de la côte caraïbe de notre continuum présente un ensemble d’appareils volcaniques bien individualisés regroupant des stratovolcans qui s’imposent par la majesté de leur relief (Montagne pelée, pitons du carbet, Morne larcher) mais elle comporte également au niveau de la presqu’île du sud-ouest un écrin de petits volcans aux dynamismes éruptifs variés (rocher du diamant, Morne champagne, Îlet à ramiers…).

ces massifs illustrent parfaitement tous les aspects du volcanisme associé à cette zone de subduction paradoxale matérialisée par la marge active de la caraïbe au milieu d’une marge passive qui s’étire sur presque un demi-tour du globe le long des côtes américaines.

ce continuum présente une mosaïque de formes telluriques, une compacité et une délimitation naturelle de l’ensemble, des appareils individualisés et des alignements de volcans, une lisibilité des structures géologiques, une accessibilité des sites, une intégrité des objets géologiques, une grande variété de roches magmatiques, différents modèles de fonctionnement de chambres

2 - les éléments de ce chapitre sont issus de la déclaration de valeur universelle exceptionnelle (en annexe).

critère viii

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magmatiques, une large palette de dynamismes éruptifs. il présente donc une large palette de phénomènes volcaniques remarquables. sa valeur patrimoniale vient d’être reconnue, car sur les 45 sites sélectionnés pour représenter le patrimoine géologique de la Martinique pas moins de 30 sites appartiennent au continuum proposé.

la Montagne pelée, du fait de l’éruption du 8 mai 1902 jouit d’une notoriété scientifique internationale et de l’existence d’une recherche scientifique actualisée, elle est un lieu fondateur dans l’émergence de la volcanologie moderne et de la surveillance volcanique. le classement du continuum volcanique et forestier de la Martinique viendra compléter le dispositif national de classement de régions volcaniques présentant un intérêt géologique remarquable. celui de la chaîne volcanique de la Martinique permettra de retenir des paysages majestueux dérivant d’un volcanisme calco-alcalin associé à une zone de subduction singulière et façonnés par des phénomènes de déstabilisation de flanc. par la diversité des volcans rencontrés et des phénomènes géologiques associés, ce classement viendra également compléter un dispositif régional ayant déjà intégré le centre volcanique de la soufrière de sainte-lucie qui vient de bénéficier d’un classement en raison principalement de la qualité esthétique de ses pitons.

les différentes populations animales et végétales s’isolent et se rencontrent au gré des mouvements de divergence ou de convergence de leur support, au gré de la naissance d’îles volcaniques ou de leur réunion par des ponts volcaniques.

en ce qui concerne la région caraïbe, l’évolution géodynamique de la plaque du même nom et la répartition de l’activité volcanique dans l’espace et dans le temps ont, de toute évidence, exercé une action déterminante sur l’évolution des espèces animales et végétales de cette région. après leur sortie de l’eau, les différentes îles de l’île mosaïque ont tout naturellement été colonisées par une flore et une faune dont le berceau d’origine se trouve au niveau des plaques continentales nord et sud américaines comportant des biocénoses d’origine totalement différente en raison de la longue dérive de ces deux plaques tectoniques. ces nouvelles biocénoses, isolées les unes des autres par des canaux inter-îles (qui limitent la probabilité de brassages génétiques) évoluent différemment en fonction des contraintes sélectives imposées par ces nouveaux biotopes en constante évolution. À la suite de ces isolements géographiques, les espèces animales et végétales qui peuplent ces nouveaux territoires, malgré leur origine commune, vont accumuler des différences génétiques qui peuvent se traduire par l’apparition d’espèces nouvelles.

l’isolement géographique des espèces implantées sur ces nouvelles îles, la sélection induite par la répétition des éruptions volcaniques et la mise en place de barrières géographiques naturelles apparaissent comme autant de facteurs ayant grandement contribué à cette évolution biologique.

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ces isolements géographiques peuvent ainsi conduire à un endémisme qui s’exprime à différents niveaux. certaines espèces ne se retrouvent que dans la région des petites antilles, d’autres sont endémiques à certaines îles de la caraïbe, d’autres ont leur territoire limité à des massifs volcaniques bien circonscrits qui correspondent souvent à d’anciennes îles bien individualisées.

histoire géologique et évolution biologique nous apparaissent donc comme des phénomènes appartenant à un couple indissociable.

1.3.3. isolation et endémismela végétation du monument naturel proposé comprend un nombre très important d’espèces endémiques dans les formations végétales, essentiellement forestières, des zones submontagnardes, montagnardes et altitudinales. une espèce arborée sur deux est endémique des petites antilles dans ces étages de végétation. cet endémisme est le résultat d’un double processus. d’abord de multiples colonisations naturelles, soit à partir d’autres îles plus anciennes comme les Grandes antilles, soit à partir des masses continentales qui correspondaient jadis à ce qui est aujourd’hui le continent américain. ensuite, d’un processus d’isolement géographique des populations dans les îles des petites antilles, ou de leurs ébauches ayant émergé au cours de ces trente derniers millions d’années. dans le cas de la Martinique, l’isolement a été double : d’abord, un isolement par rapport au continent ou aux Grandes antilles, ensuite un isolement à l’intérieur même de la Martinique en construction, cette dernière s’étant constituée à partir d’appareils volcaniques initialement isolés par des bras de mer durant des centaines de milliers d’années, mais ultérieurement reliés par des comblements géologiques provoqués par la poursuite des activités éruptives.

ce processus d’isolement des populations, renforcé par l’histoire géologique particulière de la Martinique, a sans doute favorisé la spéciation et l’apparition de nombreuses espèces endémiques dans cette île. les genres d’arbres forestiers (Sloanea, Eugenia, Miconia), riches en espèces endémiques sont de bons exemples de radiation évolutive à partir d’espèces ancestrales originaires du nord de l’amérique du sud ou des Grandes antilles.

le monument naturel proposé constitue incontestablement un laboratoire de première importance pour comprendre les phénomènes d’évolution des espèces, de spéciation géographique et d’endémisme. les cœurs de sites constituent également, dans certaines de leurs parties, un remarquable laboratoire pour l’étude de la dynamique successionnelle de la forêt des petites antilles. il offre en effet un formidable processus d’expérimentation naturelle qui exige un travail scientifique d’envergure.

critère ix

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17

1.3.4. Milieux et biodiversité [3]

le continuum volcanique et forestier proposé accueille tous les étages de végétation et tous les types forestiers propres à la Martinique et aux petites antilles centrales montagneuses.

ses espaces se caractérisent par leur richesse biologique et par la qualité des écosystèmes forestiers qu’ils hébergent. Beaucoup d’entre eux, déjà protégés naturellement par des conditions de terrain extrêmement hostiles, sont des candidats idéaux pour une conservation optimale à long terme in situ. certains, quasi inaccessibles, sont indiscutablement primitifs, comme tout le fond de la vallée de la Grande rivière, les pentes, crêtes, vallées et ravines autour du pain de sucre, ainsi que l’espace et le plateau compris entre le pain de sucre et la rivière des Gommiers. d’autres, depuis le passé le plus ancien restés éloignés de toute zone habitée, et desservis par de rares traces de chasseurs aujourd’hui abandonnées et effacées par la reprise de la végétation, sont constitués de forêts hygrophiles anciennes ayant été peu modifiées et globalement subclimaciques.

dans les forêts mésophiles et xéromésophiles secondaires, les espaces naturels du continuum sont pratiquement tous des stades post-pionniers adultes. dans les meilleurs cas, ils conservent çà et là des individus ou de petites populations appartenant aux espèces caractéristiques de l’ancien climax, ou même ils représentent des zones relictuelles refuges, restées subclimaciques par suite de l’extrême difficulté des conditions d’accès, comme certaines crêtes et sommets de pitons d’altitude intermédiaire (piton étage) du domaine du prêcheur.

la biodiversité végétale, dans l’aire globale du continuum est très élevée. ses espaces naturels (couvrant tous les types de végétation et leurs meilleures expressions biologiques et éco-systémiques), contiennent par là-même à priori la plus grande partie de la flore autochtone et parfaitement naturalisée de la Martinique, dont la richesse est élevée : environ 1.400 espèces de phanérogames dont 1.200 clairement autochtones, et 200 parfaitement naturalisés. le continuum proposé accueille de nombreuses espèces endémiques mais aussi beaucoup d’espèces arborées très rares, souvent représentées en Martinique et dans les autres îles (et parfois même dans les Grandes antilles) par de minuscules populations, et pour lesquelles tous les Martiniquais sont conscients que des moyens de protection et même de restauration doivent être mis en œuvre.

3 - les îles de la caraïbes dans leur ensemble sont le 3ème point chaud de biodiversité dans le monde. un point chaud de biodiversité (biodiversity hotspot) est une zone biogéographique (terrestre ou marine) d'une grande richesse de biodiversité menacée par l'activité humaine. le concept des « points chauds » de biodiversité a été développé à l'université d'oxford par l'équipe de norman Myers, spécialisée dans les rapports entre l'écologie et l'économie. ses travaux ont fait l'objet d'une publication dans la revue scientifique nature le 24 février 2000.

critère x

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une analyse comparative avec les îles avoisinantes de dominique et de sainte-lucie nous montre de façon globale une faune plus riche à la Martinique, due à la diversité de ses milieux. cette faune endémique de batraciens, de reptiles, d’oiseaux, d’arthropodes et de mollusques se concentre particulièrement dans ces massifs forestiers et certaines espèces ou sous-espèces ont développé au cours de leur processus d’évolution des relations étroites avec la communauté végétale constituant ces forêts. il faut cependant souligner que les populations de ces espèces remarquables sont peu abondantes, donc vulnérables.

1.3.5. paysagesle monument naturel proposé s’inaugure par la majesté de la Montagne pelée qui -par ses velours verdoyants dominant la belle rade de la ville de saint-pierre, sa charge historique, son aura de volcan actif- concentre les lignes de force des paysages les plus puissants. cette splendeur de départ se prolonge par celles des pitons du carbet qui s’élancent d’un singulier ensemble au-dessus des touffeurs forestières.

À l’autre bout, au sud, le continuum s’achève avec les formes très suggestives du Morne larcher, parachevées à quelques encablures du rivage, par ce petit bijou volcanique que constitue le rocher du diamant. une curiosité géologique, chargée d’histoires, peuplée de légendes, qui confère à la rade de cette commune la touche d’une esthétique indiscutable.

entre les deux, s’ouvre l’infini des sensations, des émotions, des lumières et des ombres, des humidités moussues et des sécheresses aux teintes multiples... un long voyage dans des écosystèmes forestiers qui, dans leurs variétés, tissent des liaisons magnétiques avec des présences volcaniques immémoriales. de quoi offrir aux simples esthètes ou aux botanistes les plus savants toute la gamme des émerveillements...

critère vii

la Montagne pelée surplombant la rade de saint pierre

[ ]

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19

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20

1.4. description et déliMitation du bien

1.4.1. Méthodologie de délimitation du BienCritères scientifiquesle fondement des délimitations proposées est constitué par les travaux de prospection et d’inventaires publiés dans les thèses de doctorat disponibles (portecop, Fiard, Joseph), dans les travaux spécialisés majeurs, comme la véritable somme dendrologique de B. rollet [4], dans les travaux d’inventaires ZnieFF réalisés depuis plus de vingt ans en Martinique par les meilleurs spécialistes dans le domaine Flore et Faune. ces critères permettent d’identifier les espaces naturels majeurs pour la conservation in situ de la diversité martiniquaise et en particulier celle des espèces endémiques et menacées.

Critères topographiques et paysagersla topographie étant particulièrement prégnante dans ces paysages et ces territoires, les limites ont été choisies pour être aisément repérables sur le terrain. elles sont presque toujours des lignes de crête, rivières, torrents, ruisseaux, ravines sèches, bords de falaises, bords de plateau marqués par une accentuation brutale de la déclivité. en cas de relief peu marqué et peu évident, le choix d’une courbe de niveau, aujourd’hui aisément repérable par le système Gps est une solution simple et fiable.

Critères administratifsdans certains cas, certains critères administratifs contraignants ont parfois pu prévaloir sur les autres critères, mais ils correspondent souvent à des protections existantes, ce qui est un atout pour l’intégrité du Bien proposé. exemple : limites domaniales, de rBi, de sites classés ou des propriétés du conservatoire du littoral...

4 - Dendrologie des petites Antilles, 2010

périmètres de protection réglementant la construction

Forêt départementaleForêt départementalo-domanialeForêt départementalo-littoraleconservatoire du littoral

projet oGssites inscritssites classés

rBirnraMsarapB

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0 10 20km N

Limites du coeur du Bien proposé

Légende

Compilation des zones de protection réglementant les constructions :Forêt départementale du littoral, Forêt départementalo-domaniale, Propriétés du Conservatoire du Littoral, Forêt départementale, Sites Classés et Inscrits loi 1930, Réserves Biologiques Intégrales, Réserves Naturelles, Arrêtés de Protection de Biotope, RAMSAR

Montagne Pelée

Piton Mont Conil

Morne Jacob

Pitons du Carbet

Morne Rose

Fond Boucher

Presqu'île de la Caravelle

Pointe Caracoli

Pointe Bruntz

Presqu'île des Trois Îlets

Montagne du VauclinBois la Charles

Mornes calcaires de Sainte-Anne

Morne Aca

Ravine Saint-Pierre

Morne Préfontaine

Pointe Bateau

Pointe Jean-Claude

Fort-de-France

Saint-Pierre

21

le Bien et les périmètres de protection réglementant la construction

il faudrait y ajouter les espaces remarquables du littoral inscrits au

sar, les zones rouges du ppr, les eBc, qui sont pas encore compris dans cette

compilation de protections.

n

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22

1.4.2. principes et intentions sur les zones tamponces zones tampon ne sont encore qu'une esquisse. le document présenté ci-contre est davantage un schéma d'intention qu'une carte précise de ces zones et leur définition devra être encore largement affinée. le Bien archipélique proposé est composé de 6 coeurs de Bien, les 5 aires naturelles majeures et l'aire dispersée. des couloirs écologiques relient ces coeurs entre eux ou au littoral, via les ravines et rivières, les pentes et sommets de mornes.

ces rivières et ravines profondes sont d’importants couloirs de biodiversité. elles représentent en fait une surface assez considérable et un refuge (certes spécialisé) incontestable de nombreuses espèces végétales et animales, et qui n’a jamais fait l’objet d’un quelconque programme sérieux d’investigation. aucune connaissance de la biodiversité martiniquaise ne pourra être considérée comme totalement sérieuse tant que ce milieu particulier ne sera pas correctement connu. dans le sud de la Martinique, les couloirs écologiques sont plutôt constitués par des plages de forêts sèches secondaires ou de broussailles descendant du sommet des mornes vers la mer. il s’agit le plus souvent de secteurs arides, rocailleux et à très forte déclivité, impropres aux activités humaines et à l’urbanisation dans le sud-ouest ou bien de zones humides dans le sud, comme par exemple la zone des salines et la Baie des anglais à sainte-anne. les espaces littoraux naturels sont des couloirs de biodiversité importants et font eux aussi lien entre les espaces terrestres et la mer (non représentés sur le schéma).

les zones tampon et les couloirs de biodiversité potentiels ont été esquissés selon les principes suivants :- sur la base des périmètres d’inventaires permettant d'identifier les espaces naturels remarquables, ZnieFF 1 et 2, espaces Botaniques remarquables,- le long des ravines et des rivières, sur les pentes et au sommet des mornes.

ces principes sont cohérents avec l'étude en cours pour un schéma régional de cohérence écologique (deal) qui inclus la question des trames vertes et bleues sur ce territoire. ce travail de mise en relation avec les scot, donc avec les plu serait un grand atout pour l’intégrité du Bien proposé. il faut y ajouter un certain nombre de projets ou d'études qui peuvent contribuer à la garantie d'intégrité (pays d'art et d'histoire, sar, Forêts d'exception, et bien sûr, le Grand saint-pierre et l'embellie les trois-Îlets, 2 importantes missions de développement territorial menées par la région). la coexistence de ces projets sur un même territoire ouvre le débat sur les relations des martiniquais à ces espaces de grande nature et pose la question de faire de la protection de ce bien naturel une pratique de la culture populaire.

périmètres d’inventaires permettant d'identifier les espaces naturels remarquables, base des zones tampon potentielles

périmètre du parc naturel régional de la Martinique

pnr

ZnieFF 1ZnieFF 2

12

espaces Botaniques remarquables

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0 10 20km N

Limites du Bien proposé

Zones tampon potentielles sur les espaces naturels remarquables identifiés aujourd'hui

Couloirs de biodiversité potentiels, liens possibles entre les différents coeurs de bien

Légende

Montagne Pelée

Piton Mont Conil

Morne Jacob

Pitons du Carbet

Morne Rose

Fond Boucher

Presqu'île de la Caravelle

Pointe Caracoli

Pointe Bruntz

Presqu'île des Trois Îlets

Montagne du VauclinBois la Charles

Mornes calcaires de Sainte-Anne

Morne Aca

Ravine Saint-Pierre

Morne Préfontaine

Pointe Bateau

Pointe Jean-Claude

Fort-de-France

Saint-Pierre

23

le Bien et les intentions et principes

concernant les zones tampon et les couloirs de

biodiversité

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1 re aire du Piton Mont Conil et des mornes adjacents cette aire assez récente d’un point de vue géologique est caractérisée par les reliefs imposants du Mont conil, du Morne sainte croix, du Morne citron, du piton pierreux, du Morne sibérie, du piton Marcel.

sa topographie impressionnante la rend totalement inaccessible par la route. ainsi, ces paysages magifiques ne peuvent être vu qu'en parcourant les lieux à pied depuis quelques rares traces ou en accostant en bateau depuis les anses.

ces pays perdus constituent les aires les plus importantes de végétation absolument primitives, c’est-à-dire jamais ou imperceptiblement modifiées par l’homme. cette aire réunit tous les bioclimats et types forestiers de la Martinique.

le piton Mont conil et les mornes adjacents . de gauche à droite et du haut vers le bas

1.vue sur l’îlet la perle 2. les versants abrupts et le contraste avec les planèzes

3. le pain de sucre et les vallées vers la mer 4. le Mont conil et le pain de sucre

[ ]

1.4.3. présentation générale des espaces du Bien proposéune descritpion très détaillée de ces 6 aires est présentée dans le chapitre "2.3.2. description des espaces majeurs du Bien proposé" en page 84 de ce document.

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2 e aire L’édifice volcanique récent de la Montagne Pelée et ses différents versantsle volcan est mondialement connu pour avoir donné son nom au type type éruptif péléen, mais aussi pour son éruption de 1902 et la destruction de la ville de saint-pierre.

ses flancs présentaient auparavant une très grande biodiversité relatée par les naturalistes avant l'éruption. ils sont aujourd'hui à nouveau couverts d’une forêt secondaire riche en espèces endémiques.

la présence de la Montagne pelée, la mémoire de la catastrophe, marquent fortement la perception des paysages du nord de l'île.

l’édifice volcanique récent de la Montagne pelée et ses versants. ceux du piton Mont conil au

premier plan

[ ]

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3 e aire des Pitons du Carbet et du Morne Jacob et la coulée forestière du Morne Rose à Fond Boucher"au cœur de la moitié nord de l’île, les hauts sommets des pitons du carbet, culminant à 1 117 m d’altitude, offrent à voir leurs silhouettes en pains de sucre loin aux alentours." [1]

l’espace qui se profile en continu depuis la façade atlantique jusqu’à la côte caraïbe, propose une richesse biologique exceptionnelle de par la diversité des milieux rencontrés et le nombre d’espèces endémiques. cette aire très vaste présente des dénivelés importants.

les pitons du carbet marquent les paysages de la côte où on les perçoit de loin. la route de la trace, reliant Fort-de-France au Morne-rouge, permet d’apprécier l’ambiance forestière tropicale des pitons. [2]

1 - atlas des paysages de la Martinique.2 - d'après l'atlas des paysages de la Martinique.

les pitons du carbet vus, de l'observatoire du Morne des cadets,

de la vallée du lorrain, de saint Joseph

[ ]

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4 e aire de la Presqu’île de la Caravelle, la Pointe Bateau et la Pointe Jean-Claude"la presqu’île de la caravelle s’allonge spectaculairement dans l’atlantique sur une douzaine de kilomètres. elle compose ainsi la transition entre les paysages du nord-atlantique et ceux du sud. en partie protégée, elle offre des paysages de grande qualité, où s’additionnent espaces naturels boisés, plages et pâturages littoraux. sa courbe dessine au sud la baie du Galion[...]." [1]

cette ancienne île a longtemps évolué de façon indépendante et possédait de nombreuses espèces endémiques. les déforestations successives dans le passé l’ont dégradée mais sa forêt préservée de l'urbanisation est de grande qualité.

1 - atlas des paysages de la Martinique.

la presqu’île de la caravelle

[ ]

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5e aire de la Presqu’île des Trois-Îlets" tournée plein sud, la Grande anse du diamant dessine un arc de cercle de plus de trois kilomètres de long, au pied des pentes boisées et par endroits pâturées de la presqu’île du sud-ouest. la belle plage du diamant qui s’y déroule est magnifiée par la silhouette haute et élégante du Morne larcher qui la referme à l’ouest, et par le rocher du diamant qui surgit de la mer au large. " [2]

des reliefs importants vallonnent la presqu’île géologiquement plutôt ancienne. ces derniers sont propices au développement d’une grande biodiversité. de ce fait, on y trouve un nombre assez exceptionnel d’espèces très rares ou endémiques qu'il serait important de préserver de la pression de l'urbanisation.

2 - d'après l'atlas des paysages de la Martinique.

le Morne larcher et du rocher du diamant

[ ]

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6 ème aire dispersée du sudelle est constitué de 6 ZnieFF (certaines en a.p.B.) du centre du sud de l’île, toutes à très haute valeur écologique et paysagère :

- la Montagne du vauclin

- les Mornes calcaires de sainte anne

- le Morne aca

- la ravine saint pierre et le Morne préfontaine

- le Morne david et le Bois la charles

- la pointe Bateau et Jean-claude

ces différents mornes offrent des paysages très variés qui se découpent parmi les plaines. ils présentent une multitude d’espèces animales ou végétales caractéristiques de chacun des espaces biologiques qui les définissent.

de haut en bas et de gauche à droite 1. la ravine saint-pierre

2. les Mornes calcaires de sainte anne 3. le Morne aca

[2][3][1]

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1.4.4. originalité et spécificité des espaces du bien proposéVolcansnichée au cœur de l’arc actif des petites antilles, la Martinique rendue célèbre par l’éruption de la Montagne pelée en 1902, fait marquant du volcanisme mondial, est jalonnée de mornes, de montagnes, de pitons, dont l’assemblage en fait un véritable puzzle volcanique. au cours du temps, des volcans se sont relayés laissant ça et là les traces d’une activité diversifiée. il n’est pas toujours facile de dissocier les différentes pièces de ce puzzle tant elles sont parfois intimement imbriquées voir souvent superposées.

de l’ancienne île de sainte-anne à celle de la caravelle, de vieux volcans effusifs aux reliefs partiellement émoussés par l’érosion se dissimulent dans les paysages. ils recouvrent en partie un soubassement oligocène trahissant le fonctionnement de volcans encore plus vieux et totalement érodés.

du vauclin à sainte-Marie, une multitude de bouches éruptives ont été propices à une activité fissurale très intense. hyaloclastites, tuffites, coulées de lave en oreillers (pillow lava) soulignent le caractère sous-marin de ces formations, qui peu à peu ont émergé pour édifier la partie centrale de l’île et établir à partir de jalons intermédiaires la jonction entre les deux îles préexistantes.

la presqu’île du sud-ouest, de trois-ilets au diamant en passant par les anses d’arlet, sur près de 8000 hectares expose une large palette d’une dizaine d’édifices volcaniques bien conservés qui en font un véritable écrin volcanique.

du lorrain à schœlcher, du carbet à la trinité, les coulées d’andésite du Morne Jacob figées en pleine progression gardent le souvenir de ces flux magmatiques qui l’animaient.

les paysages du nord, d’abord façonnés par les formes agressives des pitons du carbet et du piton conil, ont finalement été redessinés par l’imposante et majestueuse pelée à la suite de la fermeture de ce canal inter-île qui séparait l’île de la Martinique de l’île du Mont conil.

cette activité volcanique alimentée par la subduction de la partie océanique des plaques nord et sud américaines, dite plaque atlantique, sous la plaque caraïbe se poursuit encore aujourd’hui au niveau de ce volcan actif de l’arc récent, figure emblématique du volcanisme mondial.

Piton Marcel

Pain de Sucre

Morne Macouba

Montagne Pelée

L'aileron

Morne Calebasse

Morne Fumé

Piton GeléMorne JacobMorne la Piquonne Morne la Croix

Piton MitanMorne du LorrainMorne Bellevue

Piton Mont Conil

Morne Cocos

Presqu'île de la Caravelleocéan atlantique

a

coupe élévation de la Martinique donnant un aperçu de sa topographieaa’

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Forêtsces différents espaces comportent parfois des aires importantes soumises à des bioclimats smilaires, ce qui pourrait faire paraître le projet redondant. en fait, si l’on se place dans une perspective de développement véritablement durable, cette redondance est toute relative et nécessaire. elle est nécessaire dans une île de superficie réduite, soumise tous les 20-30 ans, à la puissance dévastatrice des ouragans. en effet, dans ce type de conditions climatiques, où l’œil d’un ouragan passant sur le territoire de la Martinique peut ravager un massif forestier entier, il est indispensable de sélectionner, pour chaque type de bioclimat et de forêt, 2 ou 3 aires de protection similaires et géographiquement éloignées. les aires non dévastés ou moins dévastées favoriseront la résilience des secteurs endommagés.

cette redondance est, en outre toute relative et plus apparente que réelle. en effet, dans les milieux insulaires des petites antilles, et plus particulièrement encore en Martinique, similitude bioclimatique ne signifie jamais équivalence écologique totale (chacun des 6 grands espaces naturels sélectionnés possède son histoire géologique propre). cette dernière induit, pour chacun d’entre eux, des conditions différentes d’installation, d’adaptation et d’évolution des végétaux et des animaux. chacune de ces 6 aires majeures de biodiversité martiniquaise s’est trouvée, au cours de l’histoire géologique de l’île, dans des conditions d’isolement ou de réunification différentes. chacune a développé au cours du temps ses caractères topographiques particuliers, liés à l’ancienneté, plus ou moins grande des formations géologiques, à la nature des matériaux émis et à l’intensité plus ou moins profonde et durable du processus d’érosion. ces espaces ne sont donc ni topographiquement, ni écologiquement totalement similaires. chacun a sa part de spécificité et possède certains cortèges d’espèces végétales et animales qui lui sont propres.

Piton Marcel

Pain de Sucre

Morne Macouba

Montagne Pelée

L'aileron

Morne Calebasse

Morne Fumé

Piton GeléMorne JacobMorne la Piquonne Morne la Croix

Piton MitanMorne du LorrainMorne Bellevue

Piton Mont Conil

Morne Cocos

Presqu'île de la Caravelle côte sous-le-ventcôte au vent

a’

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2. justification et critères d’édification du bien proposé

2.1. processus géoMorphologiques et histoire géologique au carrefour des arcs volcaniques ancien et récent des petites antilles, la Martinique apparait comme une île volcanique singulière située dans un contexte géodynamique non moins singulier. le bien naturel proposé au classement en témoigne de manière exemplaire.

2.1.1. le paradoxe antillaisla carte des zones de déformations et des frontières de plaques montre que la subduction des petites antilles est implantée au centre d’une façade atlantique américaine comportant des milliers de kilomètres de marge passive, à la limite des plaques nord-américaine et sud-américaine. sur presque un demi-tour du globe (18.000 km), seules les régions des petites antilles (2.100 km) et des shetland du sud (antilles australes sur environ 1.000 km) y présentent le phénomène de subduction. une telle anomalie est le fruit d’une longue histoire et trouve son explication dans le mouvement des plaques tectoniques qui a jalonné l’histoire de la terre.

délimitée par le front de subduction des petites antilles à l’est, les failles de porto rico et les failles de décrochement des Grandes antilles au nord, l’isthme du panama à l’ouest et la faille d’el pinar au sud, la plaque caraïbe a une structure interne totalement différente de celle de la croûte océanique dite atlantique qui rentre dans le plan de subduction. recouverte d’épanchements basaltiques et sous-plaquée de gabbros picritiques, la plaque caraïbe possède son équivalent dans l’océan pacifique, de l’autre côté de l’isthme du panama, au niveau de la ride des Galápagos. en toute logique, la plaque caraïbe apparait donc comme un plateau océanique engendré par l’activité volcanique du point chaud des Galápagos. tout laisse à penser qu’elle aurait pris naissance dans l’océan pacifique au niveau du point chaud des Galápagos avant de migrer vers l’est pour occuper sa position actuelle. une telle hypothèse se trouve confortée par de nombreuses autres données d’observation. l’ensemble de ces observations conduit à proposer le scénario qui suit.

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DMA

NZ

COCA

NA

SA

AF

Zones de déformation et frontières diffuses de plaques. (D’après Gordon et Stein, 1992)

les zones continentales de déformation sont en brun et les zones océaniques en rose. aF : plaque africaine, ca : plaque caraïbe, co : plaque cocos, dMa : dorsale médio-atlantique, na : plaque d’amérique du nord, nZ : plaque nazca, sa : plaque d’amérique du sud .

39

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20 mm/an

Martinique

Mona canyonYunia graben

18,5 mm/an

Dépression Muertos

PLAQUE CARAÏBE Rid

e de B

éata

5 mm/an

4 mm/an

5 mm/an

10 mm/an

15 mm/an

19 mm/an

Arc des Petites Antilles

Page de droite, vue satellite indiquant les terres et les fonds marinspage de gauche contexte géodynamique de la Caraïbe correspondant à la photographie

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À la fin du Crétacé inférieurla plaque caraïbe qui s’est formée au niveau du point chaud des Galápagos, se déplace vers l’est à la manière d’un tiroir, passe entre la plaque nord-américaine et la plaque sud américaine puis bute contre la plate-forme de Floride. le même phénomène se produit également dans la région sud, avec la formation de la chaîne de montagne caraïbe du venezuela et des antilles néerlandaises.

Au début de l’Éocènel’activité volcanique associée au fonctionnement de la subduction de la plaque dite atlantique sous la plaque caraïbe conduit à la formation de l’arc des petites antilles. un arc volcanique externe prend alors naissance. il est aujourd’hui représenté au nord par les îles d’antigua, de Barbuda, de saint Barthélémy et de saint-Martin. des vestiges de cet arc se retrouvent sous les calcaires de la Grande-terre en Guadeloupe, sous les formations volcaniques de la caravelle et de sainte-anne en Martinique et sous les formations volcaniques plus récentes des îles du sud.

À la fin de l’Eocènecuba et le Bassin du Yucatan, appartenant initialement à la plaque caraïbe, sont soudés à la plaque amérique du nord et abandonnés au cours de la progression. la convergence des amériques entraine un pincement de la plaque caraïbe au sud de porto rico et au nord du venezuela. cette convergence bloque les bords du tiroir, provoquant ainsi la formation de failles de décrochement, dont celle d’enriquillo à haïti.

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L’Oligocène il se traduit par une longue période de repos volcanique.

Au Miocène inférieurun arc volcanique interne prend naissance. le fonctionnement de cet arc est à l’origine des îles volcaniques actuellement actives des petites antilles. À la Guadeloupe, les formations volcaniques de la Basse-terre apparaissent à côté de celles de la Grande-terre. À la Martinique, il y a recouvrement partiel des formations de l’arc ancien.

Depuis le Pliocène inférieurÀ la suite du soulèvement généralisé de la région, l’archipel constitué des îles d’amérique centrale se soulève et forme une bande continue de terre. l’isthme du panama se forme. les échanges entre la faune marine du pacifique et de la caraïbe, qui se faisaient alors par des canaux inter-îles, cessent. l’isolement géographique des populations marines ainsi réparties de part et d’autre de l’isthme du panama empêche tout croisement entre individus et conduit à une évolution indépendante de ces populations. de nouvelles espèces apparaissent dans la mer des antilles contribuant ainsi à l’enrichissement de la biodiversité.

située entre la plaque nord–américaine et la plaque sud-américaine, la Martinique a été colonisée par des biocénoses issues de masses continentales d’origine différente ayant subi une longue période d’isolement géographique.

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2.1.2. la Martinique, une mosaïque d’îles volcaniques2.1.2.a. La proto-Martiniquetout commence au début de l’éocène avec l’activité volcanique associée à la subduction de l’arc externe. ces formations volcaniques se retrouvent aujourd’hui sur la côte est de la Martinique de la trinité à la presqu’île de sainte-anne et constituent la formation géologique appelée « complexe de base ». cette ancienne île formée entre 55 Ma et 30 Ma subit par la suite une importante érosion en raison de l’arrêt de l’activité volcanique pendant près de 9 Ma. une telle action érosive a certainement eu des conséquences sur l’évolution des biocénoses de cette Martinique primitive en raison de la disparition progressive des biotopes permettant l’implantation de la forêt de zone humide et de l’apparition d’un climat de plus en plus sec.

2.1.2.b. Les îles de Sainte-Anne et de la Caravelleavec la presqu’île de sainte-anne, sa jumelle, la presqu’île de la caravelle héberge les plus anciennes formations volcaniques de la Martinique récente. sur le complexe de base constitué de dépôts de hyaloclastites grossières (aux arrêtes vives) associés à leur faciès remanié (conglomérat lité à blocs arrondis), de petits cônes stromboliens finissent par émerger vers 23 Ma. ce volcanisme est initié par des explosions phréatomagmatiques dont les dépôts sont colonisés par une végétation de milieu sec (Gaïac et poirier). ces dépôts, consolidés en tufs, sont bien représentés dans la région de Fond-Moustique à sainte-anne. le bois qui s’y trouve piégé sera par la suite (en fin d’activité volcanique) silicifié ou pétrifié par des remontées tardives de fluides hydrothermaux riches en silice. ces îles volcaniques sont entourées de récifs coralliens qui sont aujourd’hui bien représentés au niveau des massifs calcaires de sainte-anne.

2.1.2.c. La chaîne volcanique sous-marine de Vauclin-Pitaultau cours du Miocène moyen une activité volcanique sous-marine se met progressivement en place le long de plusieurs axes dans le sud-est de la Martinique. cet ensemble volcanique constitue la chaîne sous-marine de vauclin-pitault. l’alternance des phases éruptives et de sédimentation calcaire est enregistrée dans la séquence des formations géologiques.

* Épisode François –Robert (17 –15 Ma) ce volcanisme sous-marin débute par la formation de hyaloclastites souvent remaniés en dépôts lités et connus sous le nom de « tufs du vauclin ». des intrusions tardives de dacite finissent par sceller l’activité des principaux centres éruptifs localisés sur cet axe.

1. la Presqu’île de la Caravelle Photographie aérienne DEAL

2. la Presqu’île de Saint-Anne Photographie aérienne DEAL

[ ]

[ ]1.

2.

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* Épisode du Vert-Pré (15 Ma)après une phase de repos volcanique propice à la formation de dépôts sédimentaires bien représentés dans la région de Bassignac à trinité, l’activité volcanique reprend dans la région du vert-pré pour donner des coulées de basalte qui s’étalent jusqu’à sainte-Marie vers le nord et vers la région de Macabou dans le sud. À l’ouest ces coulées atteignent les régions du Gros-Morne et du lamentin.

* Épisode majeur : Vauclin, Morne Pitault, La Trinité (14,5 – 11,5 Ma)après une nouvelle phase de repos, le volcanisme atteint son paroxysme avec de nombreuses bouches éruptives situées entre le vauclin et sainte-Marie. dans la région du vauclin, un essaim de dykes de direction nord-ouest / sud-est, sur une bande de 4 km de large entre la presqu’île de sainte-anne et le Morne pitault, alimente un volcanisme sous-marin et produit des hyaloclastites. À l’emplacement de la Montagne du vauclin qui se formera plus tard, des hyaloclastites trahissent l’existence d’une bouche éruptive sous-marine. il est fort probable que la Montagne du vauclin ait d’abord été une île isolée avant d’être reliée aux autres îles préexistantes. À l’instar d’autres volcans de l’île, la Montagne du vauclin a été propice à un processus de spéciation à partir d’espèces à plus large distribution géographique. ainsi, le cerisier-montagne (Eugenia gryposperma), espèce endémique de la Montagne du vauclin résulte d’une sélection naturelle de mutants produits par les merisiers des zones littorales par dérive génétique.

* Épisode de Ducos Rivière–Pilote (11, 3 - 10,2 Ma)après une nouvelle phase de repos, l’activité volcanique se concentre dans la région du sud. des centres éruptifs fonctionnent dans la région du Marin au quartier Morne sulpice et dans le quartier Morne vent à rivière pilote. dans la région de ducos, à croix-rivail et au Morne vert des coulées sous-marines se mettent en place. entre les quartiers Bellevue et corps-de-Garde, un dôme-coulée signe l’activité du volcan de sainte-luce. des coulées de lave issues du rocher Zombi s’épanchent en direction de la duprey, le Morne aca et le Morne Gommier en jalonnent aujourd’hui le parcours. À partir de rivière-salée, des coulées s’étalent vers l’ouest jusqu’à la pointe du Bout et constituent le soubassement de la presqu’île des trois-Îlets.

* Épisode final de la Montagne du Vauclin. (10 - 9,5 Ma)cet important volcanisme fissural se termine par une reprise de l’activité au niveau du centre émetteur de la Montagne du vauclin. des coulées de basalte s’épanchent vers l’est avec un débit en coussin caractéristique de laves sous-marines, elles sont bien représentées à la pointe Faula. en une touche finale, une butte témoin d’andésite vient coiffer cet édifice volcanique et

Le Morne Aca et la route qui le contourne Photographie aérienne DEAL

[ ]

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en constitue le sommet. de nouvelles fractures orientées nord-ouest / sud-est apparaissent au niveau du soubassement précédemment édifié et trois épisodes volcaniques parachèvent cette importante activité fissurale.

* Épisode Ducos / Rivière –Piloteune activité effusive se met en place le long de cet axe, avec des bouches éruptives à l’est de desmarinières et à l’ouest du quartier régale au saint-esprit. les points d’émission situés dans la région de ducos n’ont pas été localisés.

* Épisode Rivière-Salée / Sainte-Lucela présence de tufs hyaloclastiques à bois silicifiés dans ce secteur trahit un volcanisme phréato-magmatique qui rappelle celui qui a présidé à la formation des tufs de Fond-Moustique (sainte-anne).

tout au long du Miocène des bouches éruptives apparaissent le long de fractures orientées nord-ouest / sud-est, avec un déplacement régulier de l’activité volcanique vers l’ouest.

2.1.2.d. Le Morne Jacob : un imposant volcan bouclierl’activité volcanique sous-aquatique débute il y a 5,5 Ma par l’émission de hyaloclastites avec un centre éruptif qui semble se situer aux environs du Morne palmiste (piton laroche). des coulées aériennes de lave basaltique puis andésitique succèdent à cette phase sous-marine. cette activité effusive concerne toutes les communes situées entre le lamentin et le lorrain. des intrusions de lave massive trahissent l’existence d’un axe fissural sur le littoral atlantique entre Marigot et sainte-Marie. le pain-de-sucre et le Morne coco témoignent de ce passé volcanique. sous l’action de l’érosion d’importantes vallées entaillent les flancs de ce bouclier volcanique, des conglomérats grossiers s’accumulent alors dans ces paléo dépressions.

vers 2,7 Ma, après une phase de repos, l’activité volcanique reprend avec deux centres éruptifs localisés au niveau du Morne Jacob et plus à l’ouest au niveau du carbet pour cesser vers 1,5 Ma. des coulées d’andésite vont s’étaler surtout sur le flanc ouest de l’édifice volcanique de Fort-de-France au carbet et constituer le soubassement des formations des pitons du carbet proprement dits. cet étalement de laves moyennement visqueuses construit ainsi un véritable bouclier volcanique.

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2.1.2.e. La Presqu’île du sud-ouest : un écrin volcaniqueles formations les plus anciennes, vieilles d’une dizaine de millions d’années appartiennent à la phase effusive de rivière-pilote. ce soubassement tailladé par des jeux de fractures propices à la sortie du magma sera progressivement colonisé par de petits massifs volcaniques dont la diversité, le magmatisme et le bon état de conservation au sein des paysages font de cette région un véritable écrin volcanique. on y trouve un volcan fissural, de petits volcans monogéniques et quelques strato-volcans.

* volcan fissural du Morne Pavillon (Diamant / Schœlcher, 7 Ma)un axe fissural orienté nord-ouest / sud-est qui relie le Morne pavillon au volcan sous-marin de schœlcher fonctionne alors et donne pour les parties émergées des brèches pyroclastiques et des coulées de lave massive représentées au niveau de la ligne de crête qui passe par les sommets du Morne pavillon, du Morne Gardier et du Morne Burgot. À l’ouest de schœlcher, des prélèvements par dragage ont permis de localiser un cône volcanique totalement sous-marin appartenant également à ce système fissural.

* De petits édifices volcaniques monogéniquesces édifices volcaniques relativement modestes sont caractérisés par la fugacité de l’activité volcanique à l’échelle de l’histoire géologique de la Martinique et la simplicité de leur structure géologique.

Le volcan strombolien de l’Îlet à Ramiers (Trois–Îlets)dernier volcan actif du sud-ouest avant la Montagne pelée, cet îlot de 200 m de diamètre et de 3 ha de superficie pour 39 m de hauteur, est situé à 1,5 km à l’ouest de l’anse à l’Âne.

daté de moins de 400.000 ans, le cône volcanique, par une alternance de retombées de scories rougeâtres et de coulées de basalte massif riche en olivine, présente l’empilement caractéristique d’un volcan strombolien. sa taille modeste et la nature de sa lave soulignent une activité volcanique d’une grande fugacité et témoigne de la remontée d’un magma peu différencié à la faveur de l’ouverture ponctuelle d’une faille relativement profonde.

Intérêt pétrographique : La composition chimique de cette lave peu différenciée, riche en olivine donne une idée de la composition chimique d’un magma basaltique primaire.

Le dôme dacitique du Rocher du Diamant (Diamant)superbement érigé à 2 km au large de la pointe du diamant, cet îlot de 300 m de diamètre et 176 m de haut pour une superficie de 5,8 ha est vieux de 970.000 ans. l’activité volcanique explosive a d’abord construit un cône de projections avant la protrusion d’un dôme de dacite.

Carte géologique simplifiée du sud-ouest

Légende

n

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aujourd’hui, seul le dôme dénudé résiste encore à l’assaut répété des vagues qui a déblayé la quasi totalité des produits de projection périphériques (par érosion différentielle). toutefois, un anneau de brèches phréatomagmatiques a été épargné par l’érosion marine à la base nord-est de l’édifice volcanique.

par son récent isolement géographique, le rocher du diamant est également le siège de processus biologiques en cours d’évolution. il abrite une sous-espèce de spérodactyle de saint-vincent (Sphaerodactylus vincenti adamas, sous-espèce différente de josephinae endémique de la presqu’île du sud-ouest), il serait le dernier refuge de la couleuvre de Martinique (Liophis cursor).

Le volcan plinien de Gallochat (Trois-Îlets)ce petit volcan daté de plus de 3 Ma a d’abord expulsé une ponce dacitique claire riche en grenat almandin que l’on retrouve au quartier thomas, à la Bigotte, au châlet et à la pointe Blanche. l’activité volcanique se termine par la mise en place de dôme ou dôme-coulée d’andésite à grenats. l’origine de la lave est à rapprocher de celle du volcanisme dacitique des trois-Îlets riche en grenat almandin. aujourd’hui totalement masqué, le centre éruptif se trouvait certainement sous les coulées plus récentes du Morne la plaine.

Intérêt pétrographique : Le grenat n’est pas un minéral du volcanisme, il ne s’est donc pas formé au cours du refroidissement de la lave, certaines péridotites du manteau en contiennent. Sa présence trahit la formation du magma primaire par fusion partielle des péridotites, il aurait résisté à la fusion partielle avant d’être entraîné par le flux magmatique.

Le volcan effusif du Morne La Plaine (Anses d’Arlet)Âgé de 1,15 Ma, ce volcan discret dans le paysage, a libéré, à la faveur d’une faille qui coupe la presqu’île en deux compartiments, une épaisse coulée d’andésite basaltique riche en olivine et pyroxènes. aujourd’hui, les buttes témoins du Morne la plaine et du plateau atalante témoignent de ce passé effusif.

intérêt pétrographique et géologique : présence d’un basalte à olivine, présence d’une coulée à surface scoriacée sculptée par l’érosion lui conférant toutes les caractéristiques d’un lapiez.

1. Le Rocher du Diamant au large du Morne Larcher Photographie aérienne DEAL

2. Le Morne La Plaine au dessus des Anses d’Arlet Photographie aérienne DEAL

[ ][ ]2.

1.

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* Des strato-volcans ce sont des volcans formés par des alternances de couches de lave et de débris pyroclastiques.

Le Morne Champagne deux volcans emboîtés (Anses d’Arlet)localisé entre Grande anse et les anses d’arlet, ce petit volcan à cratère égueulé âgé de 1,07 Ma pour sa phase la plus récente, a connu deux épisodes éruptifs marqués par deux volcanismes totalement différents. dans un premier temps, une activité effusive contemporaine de la phase finale du volcanisme des roches Genty produit un dôme-coulée d’andésite à figures de flux prolongé par des avalanches incandescentes en direction de la mer. plus tard, une nouvelle bouche éruptive apparaît plus à l’ouest sous l’effet d’explosions phréatomagmatiques. il se forme alors un cratère strombolien aux scories oxydées proches du cratère (fortes températures) et noires en périphérie (faibles températures). in fine, une coulée de basalte s’étale vers l’ouest et donne au cratère son aspect égueulé.

intérêt pétrographique : la présence d’enclaves arrondies moins riches en silice au sein de l’andésite du dôme trahit un mélange de magma dans une chambre magmatique secondaire. la présence de quartz au sein d’un basalte est une curiosité géologique déconcertante. le basalte est par définition une roche pauvre en silice. le quartz, minéral constitué de silice pure, n’apparaît uniquement que dans des laves saturées en silice, en fin de différenciation magmatique. comment expliquer une telle aberration géologique? l’arrivée de magma basaltique dans une chambre magmatique secondaire très différenciée constitue le phénomène déclencheur de l’éruption. le magma basaltique se mélange avec le magma dacitique en cours de cristallisation et riche en quartz (formation d’une roche grenue par refroidissement lent en profondeur). le bain basaltique piège des cristaux de quartz déjà formés, il se forme alors une lave pauvre en silice à minéraux de quartz étrangers.

Le complexe dacitique de Trois-Îletsle complexe dacitique des trois-Îlets comprend un ancien cratère d’explosion dans la région de phaëton, deux coulées de dacite à poterie et à vatable, un dôme-coulée de dacite à l’Îlet Mandoline et un petit dôme dacitique à petit Îlet de rivière salée. dans la région de phaëton, des débris d’explosions volcaniques essentiellement représentés par des brèches de ponce et des blocs de dacite disposés en dépôts lités dont les pendages convergent globalement vers le centre de l’habitation, construisent un petit rempart annulaire qui pourrait être assimilé à un maar d’explosion. une telle accumulation est le résultat d’éruptions phréatomagmatiques qui finissent par remplir la cheminée volcanique de débris issus des explosions provoquées par la rencontre de la nappe phréatique et du magma ascendant. cette phase volcanique datée de 6,5 Ma a ensuite donné les coulées de dacite constituant aujourd’hui les pointes de poterie

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et de vatable. roche volcanique très riche en silice de couleur gris clair à verre volcanique abondant enrobant de gros cristaux de quartz, de feldspaths alcalins et de biotite, la dacite de vatable possède également des grenats almandins hérités du manteau supérieur. une telle composition minéralogique la rapproche des ponces de Gallochat qui ont été émises plus tardivement au niveau de la même fracture, mais dans des localités différentes.

intérêt pétrographique : présence du grenat almandin, minéral du manteau.

intérêt géologique : présence de toutes les étapes d’un cycle éruptif:* explosion de débourrage dans la région de phaëton, les produits de projection recouvrent une végétation préexistante.* activité effusive à magma chaud et fluide (poterie, vatable)* activité intrusive tardive à magma visqueux et froid (Gros Îlet /petit Îlet)* activité hydrothermale tardive (transformation de la coulée de poterie en argile, silicification du bois, jaspe).

intérêt économique lié à l’activité hydrothermale : le gisement d’argile de la poterie est actuellement exploité au niveau de la poterie industrielle des trois-ilets. des forages réalisés en 1978 ont révélé dans le sous-sol à 50 m de profondeur la présence d’une eau thermale dont la composition est proche de celle de Gréoux-les-bains (alpes de haute provence, plateau de valensole).

Le volcan des Roches Genty (Anses d’Arlet)ce volcan âgé de moins de 3 Ma débute son cycle éruptif par des explosions phréto-magmatiques qui donne une brèche de débourrage qui atteint 70 m d’épaisseur à l’est de la bouche éruptive dans le secteur de la charmeuse. l’ouverture de la cheminée volcanique est propice à l’émission de ponces à la dizac et de brèches phréatomagmatiques également bien représentés à l’est dans la région de Fond-Fleury. la présence d’enclaves de cumulats au sein de ces brèches atteste d’explosions affectant des aquifères relativement profonds. après l’émission de coulées de ponce, une activité effusive prend le relais produisant des dômes et des coulées qui constituent aujourd’hui les principaux reliefs de la région. dôme d’andésite dont la cheminée est coupée par la ravine de l’anse caffard, le Morne clochette a émis des coulées qui constituent le soubassement de la commune des anses-d’arlet. le Morne Jacqueline est en réalité un dôme andésitique doublé secondairement au niveau du littoral par un pipe de même nature qui perfore des brèches issues de cette activité première. in fine, le dôme des roches-Genty et les coulées épaisses du Morne Bellevue concluent cette activité volcanique. cet édifice volcanique géographiquement isolé doit être rattaché au volcanisme du Morne réduit.

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et de Vatable. roche volcanique très riche en silice de couleur gris clair à verre volcanique abondant enrobant de gros cristaux de quartz, de feldspaths alcalins et de biotite, la dacite de Vatable possède également des grenats almandins hérités du manteau supérieur. Une telle composition minéralogique la rapproche des ponces de Gallochat qui ont été émises plus tardivement au niveau de la même fracture, mais dans des localités différentes.

Intérêt pétrographique : Présence du grenat almandin, minéral du manteau.

Intérêt géologique : Présence de toutes les étapes d’un cycle éruptif:* Explosion de débourrage dans la région de Phaëton, les produits de projection recouvrent une végétation préexistante.* activité effusive à magma chaud et fluide (Poterie, Vatable)* activité intrusive tardive à magma visqueux et froid (Gros Îlet /Petit Îlet)* activité hydrothermale tardive (transformation de la coulée de Poterie en argile, silicification du bois, jaspe).

Intérêt économique lié à l’activité hydrothermale : Le gisement d’argile de la Poterie est actuellement exploité au niveau de la Poterie industrielle des Trois-Ilets. Des forages réalisés en 1978 ont révélé dans le sous-sol à 50 m de profondeur la présence d’une eau thermale dont la composition est proche de celle de Gréoux-les-bains (alpes de Haute Provence, Plateau de Valensole).

Le volcan des Roches Genty (Anses d’Arlet)Ce volcan âgé de moins de 3 Ma débute son cycle éruptif par des explosions phréto-magmatiques qui donne une brèche de débourrage qui atteint 70 m d’épaisseur à l’est de la bouche éruptive dans le secteur de La Charmeuse. L’ouverture de la cheminée volcanique est propice à l’émission de ponces à la Dizac et de brèches phréatomagmatiques également bien représentés à l’est dans la région de Fond-Fleury. La présence d’enclaves de cumulats au sein de ces brèches atteste d’explosions affectant des aquifères relativement profonds. après l’émission de coulées de ponce, une activité effusive prend le relais produisant des dômes et des coulées qui constituent aujourd’hui les principaux reliefs de la région. Dôme d’andésite dont la cheminée est coupée par la ravine de l’anse Caffard, le Morne Clochette a émis des coulées qui constituent le soubassement de la commune des anses-d’arlet. Le Morne Jacqueline est en réalité un dôme andésitique doublé secondairement au niveau du littoral par un pipe de même nature qui perfore des brèches issues de cette activité première. In fine, le dôme des roches-Genty et les coulées épaisses du Morne bellevue concluent cette activité volcanique. Cet édifice volcanique géographiquement isolé doit être rattaché au volcanisme du Morne réduit.

Vue du Morne Genty depuis le Morne Larcher

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thermalisme : les sources thermales du Morne Jacqueline libèrent une eau très appréciée de la population locale, la zone possède un réel potentiel géothermique)

Le Morne Larcher, un petit strato-volcan bien conservé (Diamant)strato-volcan dont la topographie évoque avec un peu d’imagination une femme couchée sur le dos, la tête penchée en arrière et la chevelure dans l’eau, le Morne larcher du haut de ses 477 m s’est édifié en quatre phases sur une période allant de 2 à 1 Ma :

une première phase est caractérisée par l’épanchement de coulées massives d’andésite visibles au niveau des falaises qui longent la plage de la pointe du diamant.

cet épisode est suivi d’une activité phréatomagmatique donnant des brèches d’explosion qui sont exploitées au niveau de la carrière de « sable » ouverte au sud de petite-anse et au niveau de l’anse cafard. puis, une activité explosive à nuées ardentes verticales de type saint-vincent construit un cône de débris. l’activité volcanique se termine par une phase effusive donnant une coulée d’andésite massive au niveau de la croix-diamant avant que le dôme du Morne larcher ne vienne obstruer le cratère d’explosion.

intérêt pétrographique : ce volcan a produit des andésites dont la teneur en silice varie d’un échantillon à l’autre (de 55 à 60 %). une telle hétérogénéité qui se retrouve également au niveau de la composition minéralogique des andésites, inspire une origine complexe du magma. comme au Morne champagne, la présence d’oligoclase, d’hornblende verte et de quartz suggère la refusion d’une diorite cristallisée au sein de la chambre magmatique. la présence de scapolite et de cordiérite (minéraux du thermométamorphisme résultant de la transformation de gros cristaux d’oligoclase) trahit la contamination du magma par une bordure de la chambre magmatique métamorphisée sous l’effet de la température. les minéraux d’augite et d’olivine résulteraient de la cristallisation du magma basaltique ascendant. enfin les minéraux d’hypersthène et de plagioclases basiques trahissent un mélange des deux types de magma avant recristallisation. ces andésites illustrent parfaitement un mélange de deux magmas avec contamination secondaire par l’encaissant.

Le Morne Réduit, un strato-volcan péléen (Anses d’Arlet)le volcan du Morne réduit occupe l’extrémité nord occidentale de la presqu’île des trois-Îlets sur le territoire des anses d’arlet. son cratère est centré sur le Morne Yoyo, entre le Morne réduit à l’ouest qui donne son nom au volcan et le Morne Bigot à l’est, point culminant du secteur avec ses 460 m. ce volcan de type péléen, âgé de 2,5 Ma, a donné des nuées ardentes alternant avec des coulées de lave massive d’andésite claire à pyroxènes dominants.

Géomorphologie : le Morne Bigot représente la butte témoin d’une ancienne coulée d’environ 50 m

1. Photographie aérienne du Morne Larcher DEAL, Bastin, 2004

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Photographie vue des Pitons du Carbet dominant la baie de Fort de France issue de l’Observatoire photographique des Paysages de la DEAL

d’épaisseur issue du volcan du Morne Yoyo. sa position élevée (460 m) par rapport au centre éruptif représenté par le Morne Yoyo (293 m) et par rapport au Morne réduit (308 m) laisse supposer que le volcan s’est affaissé de plus de 150 m après cet épisode effusif. une zone d’effondrement longe le pied occidental du Morne Bigot et le sépare de son centre éruptif. il en est de même au sud du Gros Morne au niveau de la ravine de l’anse noire. la zone effondrée est sillonnée de failles matérialisées par des roches broyées plus ou moins finement ou mylonites. les différents indices de terrain laissent supposer que ce volcan aurait connu une éruption de type saint helens. les plages de l’anse noire, la Bien nommée, et de l’anse dufour représentent deux petites criques séparés par une ligne de crête en inversion de relief. la ravine de l’anse dufour traverse et affouille les nuées ardentes péléennes du Morne réduit, emportant de nombreux minéraux sombres issus de cette action érosive, alors que la ravine de l’anse dufour qui traverse la coulée d’andésite massive du Morne réduit exerce une action érosive beaucoup plus limitée. ces différences expliquent que le sable l’anse noire soit constitué en grande majorité de minéraux sombres, alors que le sable de l’anse dufour renferme principalement des débris coquilliers apportés par la mer (dans le second cas, l’affrontement terre-mer s’établit en faveur de la mer).

2.1.1.f. Le complexe fissural du Carbet / Morne-Vertsur une période allant de 1 Ma à 300.000 ans, une éruption après l’autre, le complexe fissural du carbet / Morne vert façonne les reliefs du nord de la Martinique. les premières bouches éruptives apparaissent sur le flanc ouest du Morne Jacob avec lequel ce complexe volcanique forme une unité structurale.

* L’édifice Carbet ancien dans un premier temps, l’activité volcanique construit un massif andésitique, puis, des nuées ardentes et des coulées de ponce empruntent les vallées périphériques. ces anciennes vallées totalement comblées offrent des coupes intéressantes sur les falaises qui longent le littoral caraïbe, notamment au niveau de l’anse turin et au sud du carbet. ce massif andésitique est partiellement détruit peu avant 400.000 ans par une déstabilisation de flanc responsable du glissement de 30 à 40 km3 de roches. les traces de ce glissement ont été identifiées dans la Mer des caraïbes et une cicatrice de 11 x 9 km peut être observée dans le paysage. des pans entiers de ce glissement sous forme de mégablocs et de coulées de débris sont particulièrement visibles à l’entrée sud de Bellefontaine, où ils atteignent une épaisseur de 80 m. les teintes jaunâtre, ocre ou rougeâtre de certains blocs montrent que la zone centrale de cet ancien volcan avait préalablement été l’objet d’une intense activité hydrothermale propice à la fragilisation et à la déstabilisation de son flanc ouest. au nord du petit piton, la randonnée

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du canal Beauregard, en plus de son intérêt historique, vous permettra de vous déplacer le long la bordure nord de cette structure de déstabilisation.

* Les coulées de lave de Fort-de-Franceune importante phase effusive prend ensuite le relais avec des coulées d’andésite qui surplombent aujourd’hui Fort-de-France (pointe des nègres, citron-trénelle, didier, clairière, ravine-vilaine).

* Le volcanisme des Pitons du Carbetaprès une brève accalmie, l’activité explosive redémarre avec des nuées ardentes, des coulées de ponces, des déstabilisations de flanc et l’édification de dômes pour se terminer vers 0,3 Ma. dans un premier temps l’activité se concentre autour du piton Gelé, du Morne chapeau-nègre et du Morne césaire. puis, elle se déplace au niveau du piton lacroix (1196 m), du Morne piquet (1.160 m), du piton dumauzé (1.109 m), du piton de l’alma (1.105 m) et du piton Boucher (1.070 m. cette migration s’accompagne également d’une modification du chimisme du magma qui donne d’abord des andésites et dacites à hornblende et quartz puis des andésites à quartz et biotite.

2.1.2.g. Le Morne Conil : une ancienne île au nord de la Martiniqueavec un âge compris entre 0,4 et 0,2 Ma, ce volcanisme est postérieur à celui du Morne Jacob et ses dernières phases sont synchrones au début du fonctionnement de la Montagne pelée.

il commence par la phase du Morne citron caractérisée par des intrusions de laves massives et des dépôts de brèches d’explosions phréatomagmatiques. l’îlet la perle est certainement un centre éruptif adventif associé à cette première phase. puis la phase du piton Mont conil proprement dite avec ses coulées de lave massive épaisses de 50 m prend le relais. le piton pierreux, le Morne sibérie et le pain-de-sucre apparaissent également au cours de cette phase. ce volcanisme se termine par une phase pratiquement péléenne avec alternance des brèches pyroclastiques et des émissions de ponce. lors de sa formation, ce massif, séparé du nord de la Martinique par un bras de mer, s’érigeait en île battue par les flots. le Morne Balisier (formation du Morne Jacob) situé au sud-est du Morne rouge se termine vers le nord-ouest par des falaises représentant l’ancienne côte nord de la Martinique qui reliait alors le carbet au lorrain.

1. Photographie aérienne du Cap St Martin et du Massif du Mont Conil DEAL, JB Barret

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53

2.1.2.h. Le strato-volcan de la Montagne Pelée* Un strato-volcan affecté par des déstabilisations de flanc.dernier volcan actif de la Martinique, la Montagne pelée a une histoire qui illustre parfaitement la lente évolution de ces paysages insulaires. ce stratovolcan s’est érigé, il y a environ 200.000 ans, dans un canal inter-île délimité au nord par l’île du Mont conil et au sud par les massifs volcaniques des pitons du carbet et du Morne Jacob.

dans un premier temps, une intense activité volcanique sous-marine entraine le comblement progressif de ce canal. après l’annexion de l’île du Mont conil, le nord de la Martinique prend sa configuration actuelle.

puis, l’activité aérienne effusive se traduit par l’émission de rares coulées d’andésite massive. le plus souvent cette lave visqueuse est fragmentée pour donner brèches indurées qui s’accumulent autour du cratère. cette phase d’activité aérienne est ponctuée vers 100.000 ans par un effondrement de flanc emportant près de 40 km³ de roches au fond du Bassin de Grenade.

après une période de repos mal définie la seconde phase fortement explosive projette de nombreuses nuées ardentes et conduit à un nouvel effondrement de flanc de 13 km³ de roches vers 25.000 ans.

depuis 13.500 ans, après une nouvelle phase de repos, des éruptions pliniennes et des éruptions péléennes se succèdent. les nuées ardentes de 1902 et de 1929 représentent les derniers jalons de cette phase volcanique.

vers 9.000 ans un nouvel effondrement de flanc de 1,8 km³ de roches laisse dans le paysage une importante cicatrice aujourd’hui délimitée par le rivière sèche et la rivière claire.

Carte géologique simplifiée de la Montagne Pelée, d’après D ; Westercamp et H. Traineau, BRGM, 1983

n

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Synthèse du volcanisme fissural du Miocène,

de 17 à 7 Ma

L’ïle actuelle

Début du fonctionnement de l’arc récent

23 Ma

Presqu’île de la Caravelle

Presqu’île de la Caravelle

Presqu’île de Sainte-Anne

Presqu’île de Sainte-Anne

Morne Pitault

Morne Pitault

Fort de France

Saint Pierre

Mont Conil

Montagne Pelée

Montagne du Vauclin

Montagne du Vauclin

Morne

Pavillon

Morne Pavillon

Presqu’île du Sud Ouest

Rocher du Diamant

Morne Jacob

Pitons du Carbet

oCéAN AtlANtique

mer CArAïBe

Volcanisme anté Oligocène de l’arc ancien

Légende Principales étapes de la construction de la Martinique

Volcanisme Miocène des îles de Saint-Anne et de la Caravelle

Volcanisme fissural du Miocène Vauclin-Pitault / sud-ouest

54

2.1.3. synthèsel’histoire géologique de la Martinique qui a globalement la forme d’un poisson met en relief les trois phénomènes majeurs qui ont présidé à la construction de l’île mosaïque, écaille après écaille.

2.1.3.a. Une juxtaposition des écailles selon une direction nord-sudune telle répartition tire son origine de l’inégale répartition de l’activité volcanique dans l’espace et dans le temps selon un axe orienté globalement nord-sud et débouchant sur la formation de nouvelles îles. cette activité volcanique est contrôlée par deux systèmes de failles orientés globalement nord-ouest / sud-est pour l’un et nord-est / sud-ouest pour l’autre. l’ouverture de failles en extension contrôle la remontée du magma basaltique primaire, formé au-dessus du plan de subduction à travers la plaque caraïbe. ce système de failles est provoqué par des déformations de la plaque caraïbe, engendrées notamment par la pénétration de la ride asismique de sainte-lucie dans le plan de subduction. des contraintes de cisaillement générées par les mouvements relatifs des plaques tectoniques génèrent à leur tour d’autres failles en extension. ce système de failles contrôle à partir des chambres magmatiques secondaires l’arrivée à la surface du magma calco-alcalin différencié riche en vapeur d’eau.

des îles émergent alors les unes à côté des autres au-dessus du plan de subduction et à l’aplomb de la zone de fusion partielle du manteau, selon une direction privilégiée orientée globalement nord-sud.

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Volcanisme de la Montagne Pelée

Depuis 0,2 Ma

Volcanisme

du Morne Jacob

2,7 à 2,25 Ma

Volcanisme du sud ouest

3 Ma à 0,4 Ma

Volcanisme du Carbet

1 Ma à 0,3 Ma

Volcanisme du Mont Conil

0,4 à 0,2 Ma

Mont Conil

Montagne Pelée

Presqu’île

du Sud OuestRocher

du Diamant

Morne Jacob

Pitons

du Carbet

Volcanisme du sud-ouest du Carbet et du Mont Conil

Plaine quaternaire

du Lamentin

Volcanisme

du Morne Jacob

Volcanisme actuel de la Montagne Pelée

55

2.1.3.b. Un recouvrement partiel des écailles selon une direction est-ouestl’île de la Martinique présente une très nette dissymétrie de ses flancs ouest et est. une telle dissymétrie s’explique par la présence d’une fosse profonde de 3.000 m (le Bassin de Grenade) à proximité immédiate de la côte ouest de la Martinique. une telle différence de pente 20° du côté occidental et 5° du côté oriental rend les massifs volcaniques vulnérables aux effondrements de flanc. un cycle vicieux s’instaure, la déstabilisation de flanc entraîne une diminution de l’épaisseur des couches surmontant la chambre magmatique secondaire du côté ouest et par conséquent une décompression favorable à l’apparition d’une nouvelle bouche éruptive extrêmement explosive. le déplacement du cratère sur la pente ouest rend le volcan encore plus vulnérable à un nouvel effondrement de flanc… un tel cycle débouche inexorablement sur un déplacement régulier du volcanisme de l’est vers l’ouest depuis 23 Ma donnant ainsi des formations volcaniques qui se recouvrent partiellement comme les écailles d’un poisson à partir du cratère initial.

Page 56: Forêts et volcans de la Martinique un MonuMent naturel archipélique

56

2.1.3.c. Des écailles de composition différenteles phénomènes tectoniques décrits précédemment contrôlent à leur tour le temps de séjour du magma dans les chambres magmatiques primaires et secondaires.

le magma basaltique primaire peut accéder à la surface par les failles orientées nord-est / sud-ouest avec un temps de séjour limité en profondeur, il donne alors un basalte. comme c’est le cas à l’Îlet à Ramiers et au Morne la Plaine où le basalte (SiO₂=47,20%) fortement magnésien (MgO=13,56%) est très riche en olivine à inclusions de spinelle.

le magma basaltique primaire peut séjourner dans une chambre magmatique secondaire sans être contaminé par une nouvelle arrivée de magma primaire. il se différencie alors lentement pour donner des magmas différenciés. la différenciation se traduit globalement par un enrichissement en silice et une augmentation de la viscosité du magma. les émissions successives de ces différents magmas donnent des roches de plus en plus riches en silice et débouchent sur l’émission de basalte (SiO₂ ‹ 53%), d’andésite basaltique (53 ‹ SiO₂ ‹ 57%), d’andésites (57 ‹ SiO₂ ‹ 63%), de dacites (63 ‹ SiO₂ ‹ 69%) et de rhyolites (SiO₂ ‹ 69%). une telle série volcanique se retrouve au niveau des produits du volcanisme de sainte-anne où toutes les étapes sont représentées. les autres massifs volcaniques de l’île présentent des séries à spectre plus étroit.

le magma en cours de différenciation dans la chambre magmatique secondaire peut être contaminé par l’arrivée de magma basaltique primaire à chacune des étapes de sa différenciation. il se forme alors des magmas hybrides débouchant sur une très grande diversité de roches volcaniques. les laves des volcans de rivière-salée, du Morne champagne et du Morne larcher en sont d’édifiants exemples.

Bathymétrie et déplacement de l’activité volcanique

Déstabilisation de flanc de la

montagne Pelée (Le Friant et al.)

Reconstitution schématique de la structure interne de la Martinique selon une coupe hypothétique nord-ouest / est-sud-est (d’après D. Westercamp et al. et Dercourt, 1996). Cg : conglomérat grossier marquant la fin de la première phase du Morne Jacob – m2 : formations sédimentaires du miocène moyen – m1a : formation sédimentaires du miocène moyen – g3 : formations sédimentaires oligocènes – ag2 : complexe de base d’âge oligocène.

ARC RECENT ARC ANCIEN35 km

m1ag3169 m

ag2

m2 Cg

894 m

ESE

Sainte-AnneVauclin Pitault

Morne JacobMontagne PeléeNW

n

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57

Carte géologique des volcans de la côte caraïbe, BRGM (carte et légende)

n

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2.2. processus éVolutifs, relations aVec la géoMorphologie exemples de chocs Flore / Faune.les petites antilles se situent dans une des régions à plus haute biodiversité du monde et l’endémisme y est élevé dans les régions montagneuses de leur territoire. la Martinique est même, au sein de l’arc des petites antilles, l’île qui possède le plus grand nombre d’espèces endémiques (espèces endémiques d’une île et espèces endémiques de deux à l’ensemble des îles de l’arc) dans l’ordre des phanérogames, devançant nettement dans celui-ci la Guadeloupe, et, à priori, les îles anglophones de superficie beaucoup plus restreinte.

de façon générale, la spéciation résulte de la conjonction de trois processus fondamentaux : l’isolement durable des populations, l’apparition régulière de petites mutations plus ou moins aléatoires, la sélection des plus utiles sous l’effet de multiples pressions environnementales.

ces processus s’expriment de façon particulièrement éloquente dans le cas de la Martinique où ils semblent activés et amplifiés par une intense activité volcanique et géomorphologique à laquelle ils sont intimement associés.

l’isolement des populations est certainement le phénomène majeur, et, dans le cas de la Martinique, comme des petites antilles, relève de plusieurs niveaux. d’abord, l’isolement de l’arc lui-même par rapport au continent américain ; ensuite l’isolement des diverses îles les unes par rapport aux autres ; enfin, l’isolement, à l’intérieur de l’aire de formation de la Martinique, des différentes îles ancestrales à partir desquelles elle s’est constituée. cette édification extrêmement complexe est remarquable à la Martinique, et, assurément, une des raisons essentielles de son riche endémisme.

2.2.1. isolement géographique de l’archipel. l’arc des petites antilles n’a jamais été relié au continent américain ni aux Grandes antilles, géologiquement beaucoup plus anciennes. les îles elles-mêmes ou leurs ébauches ancestrales sont apparues isolément dans l’océan atlantique et sont depuis longtemps séparées les unes des autres. les espèces végétales et animales qui colonisent ces terres sont donc venues de l’extérieur, du sud de l’amérique du nord, de l’amérique centrale, et du nord de l’amérique du sud. la plus grande partie de ces espèces n’a guère évolué sur place et ces dernières sont restées plus ou moins similaires aux populations d’origine.

un petit nombre d’autres espèces, probablement parmi les plus anciennement installées, ont dérivé génétiquement vers des variétés, sous-espèces ou espèces nouvelles.

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certaines de ces espèces colonisatrices évolutives n’ont pu atteindre qu’une seule île et n’ont pas eu l’opportunité d’en conquérir d’autres. c’est le cas le plus rare. elles ont dérivées génétiquement sur l’île hôte et n’en sont jamais sorties, formant ainsi des endémiques d’une seule île ou endémiques strictes de telle île déterminée, la Martinique par exemple. c’est le cas de Eugenia gryposperma, cerise montagne ; Buxus subcolumnaris, petit buis ; Drypetes dussii, Bois moussara ; Schefflera urbaniana, aralie ; Myrcia martinicensis, Bois de fer blanc. ces 5 espèces arborées endémiques de la Martinique, relativement communes sur les 18 endémiques arborées de l’île, ont pu se former selon le processus décrit plus haut.

d’autres espèces colonisatrices, génétiquement plastiques, ont pu atteindre plusieurs îles en même temps et dans une période relativement brève (géologiquement parlant). par exemple, à la suite d’un ouragan de dimension et de puissance tout à fait exceptionnelle affectant l’ensemble de l’arc, et dispersant diaspores et troncs ou branchages flottants sur plusieurs îles à la fois. dans ce cas de figure, un Inga, pois doux, ancestral, aujourd’hui disparu, aurait pu coloniser simultanément ou sur une même période la Martinique, la dominique, et la Guadeloupe. chacune de ces sous-populations ancestrales a pu évoluer isolément, s’adapter à l’étage montagnard, et donner naissance, à l’issue de centaines de milliers d’années, aux trois espèces actuelles d’Inga de montagne, chacune endémique stricte de son île hôte respective, et en même temps étroitement affine des deux autres : Inga martinicensis, pois doux des hauts, en Martinique, Inga dominicensis, caconier, en dominique et Inga guadelupensis (syn. Inga sastrei) en Guadeloupe.

le même processus a pu être à l’œuvre dans la différenciation, en Martinique et en Guadeloupe, de deux Fuchsia montagne endémiques très proches : Charianthus alpinus, endémique de Guadeloupe, dominique, Martinique et sainte-lucie et Charianthus nodosus, endémique de Martinique.

il est également possible (et c’est même probablement un cas statistiquement plus fréquent) qu’une espèce végétale de l’amérique centrale ou du nord de l’amérique du sud, atteigne, par le plus grand des hasards, une seule île s’y différencie, et, de là, diffuse, avec une opportunité statistique infiniment plus élevée (les canaux inter-îles sont étroits –une cinquantaine de kilomètres) sur l’ensemble de l’arc. cela pourrait fort bien être le cas du Talauma dodecapetala (Magnolia, Bois pin) endémique des petites antilles, et particulièrement fréquent et abondant dans la forêt martiniquaise. la Martinique pourrait bien être le centre de radiation distributive de cette superbe espèce car son omniprésence en grande abondance en forêt hygrophile martiniquaise suggère une présence très ancienne.

Eugenia gryposperma, cerise montagne

Talauma dodecapetala, Magnolia, Bois pin

Myrcia martinicensis, Bois de fer blanc.

Charianthus alpinus,

endémique des petites antilles

présent en Martinique

Charianthus nodosus

endémique de Martinique

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2.2.2. isolement géographique intra-insulaire.nous venons d’évoquer des phénomènes d’isolement interinsulaires des populations. Mais ils ne sont pas les seuls et, dans le cas de la Martinique en particulier, les phénomènes d’isolement intra-insulaires des populations ont joué un grand rôle.

en effet, la Martinique actuelle résulte de la jonction de différentes îles ancestrales beaucoup plus anciennes. vers 24 - 18 millions avant le présent existait une proto-Martinique constituée de deux îles séparées, correspondant, l’une à la presqu’île de la caravelle actuelle, l’autre à la presqu’île de sainte-anne. cette séparation dura environ 10 millions d’années, jusqu’à l’apparition du volcanisme, du Morne pitault entre 14,5 et 11,5 millions d’années. cette activité volcanique recouvrit tout le secteur et relia les deux îles primitives. vers 0,7 millions d’années, la Martinique était à nouveau constituée de deux îles séparées par un bras de mer : l’île ancienne (qui entre-temps s’était considérablement agrandie de la presqu’île des trois-ilets et des massifs volcaniques des pitons du carbet et du Morne Jacob), et une île nouvelle édifiée par le volcanisme du piton Mont conil. ces deux îles restèrent séparées durant environ 400.000 ans, jusqu’à l’édification du puissant volcan toujours actif de la Montagne pelée qui refit de la Martinique un tout indivisible.

c’est surtout sur la faune, et en particulier sur les reptiles (anolis et sphérodactyles) que ce processus d’isolement intra-insulaire d’origine géologique semble avoir eu l’effet le plus marqué. en effet, il est remarquable que chacune des régions de l’île correspondant à ces îles martiniquaises ancestrales possède ses propres sous-espèces d’anolis ou de sphérodactyles : Anolis roquet caracoli à la caravelle, anolis salinei, à la péninsule de sainte-anne, Anolis roquet summus sur le Morne Jacob et les pitons du carbet, et une sous-espèce de sphaerodactylus vincenti endémique du piton Mont conil.

le lien de l’endémisme aux îles ancestrales à l’origine de la Martinique est moins évident dans le cas des phanérogames. la presqu’île de la caravelle possède, toutefois, une espèce arborée endémique stricte : Coccoloba caravellae, raisinier grandes feuilles de la caravelle, qui, jusqu’ici n’a jamais été retrouvée ailleurs. la Montagne pelée et le massif du Mont conil hébergent aussi une petite espèce arbustive endémique de l’arc jamais récoltée ailleurs dans l’île : Duranta stenostachya, vanille marron. la Montagne pelée étant un massif volcanique très jeune, l’hypothèse la plus logique serait celle d’une colonisation à partir de populations plus anciennes installées sur le massif du Mont conil dans des stations refuges.

Coccoloba caravellae, raisinier grandes

feuilles de la caravelle,

Sphaerodactylus vincenti

Petit Mabouya des feuilles

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61

2.2.3. isolement orographique et bioclimatiquelors des mouvements de surrection qui ont donné naissance aux grands massifs volcaniques de la Martinique (Morne Jacob vers 5 millions d’années, pitons du carbet vers 2 millions d’années), les populations végétales et animales installées sur leurs flancs ont pu être entraînées progressivement, en limite de leur aire, vers des conditions altitudinales et bioclimatiques profondément différentes de leurs conditions moyennes initiales auxquelles elles étaient acclimatées. celles qui étaient installées sur le littoral sous-le-vent ont dû généralement s’adapter à un climat de plus en plus sec et de plus en plus chaud. au contraire, celles qui se maintenaient dans la partie supérieure des reliefs en construction ont été potentiellement soumises à des conditions de plus en plus fraîches et pluvieuses.

ainsi, une espèce ancestrale mésophile issue des Grandes antilles développera sans doute des sous-populations de mieux en mieux adaptées à l’humidité, et d’autres à la sécheresse. au fur et à mesure que se creuse l’écart des conditions bioclimatiques nouvelles avec les anciennes, les sous-populations deviennent aussi de plus en plus différenciées fonctionnellement et morphologiquement, et peuvent évoluer vers deux sous-espèces ou espèces distinctes.

cet isolement orographique et bioclimatique progressif des populations végétales sur de puissants reliefs en construction est certainement à l’origine de nombreuses plantes martiniquaises endémiques des hauts sommets volcaniques ou des forêts hygrophiles de montagne. elle peut être aussi à l’origine d’un endémisme xérophile ou xéro-mésophile, bien que ce cas soit beaucoup moins fréquent.

pour les espèces arborées martiniquaises hygrophiles et de montagne endémiques, on peut citer, entre autres, les exemples suivants : Chionanthus dussii, acomat du pays, endémique de la Martinique et de la dominique. la structure et la morphologie des inflorescences et des fleurs sont si proches de Chionanthus compacta, Bois de fer blanc, espèce xéromésophile de zone basse des Grandes antilles et d’amérique du sud, qu’il est difficile de ne pas envisager une dérivation génétique d’origine orographique avec cette dernière.

on peut envisager une dérivation génétique similaire entre Xylosma buxifolium, attrape sot, espèce probablement ancienne, car originaire des Grandes antilles, et Xylosma martinicense, Bois capitaine, endémique hygrophile de la Martinique et des petites antilles.

un troisième exemple possible : une dérivation éventuelle entre Aiphanes erosa, palmier de basse région originaire de Barbade, la plus ancienne des petites antilles, et endémique de ces dernières, et Aiphanes luciana, chou piquant, palmier épineux de montagne endémique de la dominique, de la Martinique et de sainte-lucie.

Chionanthus compacta,

Bois de fer blanc

Chionanthus dussii, (planche d’herbier)

acomat du pays dont on n’a pas encore retrouvé d’individu

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Bien que le cas soit beaucoup plus rare, l’apparition d’espèces endémiques, dans la zone basse, peut provenir d’un isolement écologique des populations sous l’effet des conditions de plus en plus xériques. l’évolution géomorphologique de la Martinique a souvent engendré de profonds changements bioclimatiques de la zone littorale. le cas le plus fréquent est celui de l’assèchement progressif d’une zone littorale sous-le-vent, sous l’effet d’un puissant soulèvement orographique, d’origine volcanique, des reliefs d’arrière côte. ce type d’évolution géomorphologique et bioclimatique a contraint de nombreuses fois des espèces végétales littorales adaptées à des conditions mésophiles à développer des populations de plus en plus xérophiles et adaptées à des conditions de plus en plus arides. au terme de centaines de milliers d’années, les populations initiales ont développées des adaptions morphologiques et fonctionnelles si étroitement spécialisées qu’elles ne peuvent plus vivre en dehors de leur nouveau milieu.

quelques espèces arborées martiniquaises, endémiques des petites antilles et caractéristiques des zones extrêmement sèches, pourraient fort bien résulter d’un tel processus. Pisonia subcordata, petit Mapou, endémique de dominique, Guadeloupe, Martinique et sainte-lucie, et adapté aux zones arides et aux sols rocheux, apparaît clairement comme une dérivation xéromorphe du très commun Pisonia fragrans, Mapou, espèce antillaise et d’amérique du sud adaptée à des conditions mésophiles et capable, exceptionnellement, de survivre en forêt hygrophile. Eugenia trinitatis, très rare espèce arbustive des zones très sèches de Martinique et de sainte-lucie pourrait être un descendant éloigné du très commun Eugenia monticola, Bois ti feuilles, espèce à large distribution xéro-mésophile et même mésophile. les inflorescences mises à part, port, feuillage, architecture, sont remarquablement similaires dans les deux espèces.

l’extrême complexité des processus géomorphologiques à la source de la Martinique actuelle, la grande diversité de ses reliefs volcaniques, la multiplicité de ses microclimats, sans doute aussi la plus grande accessibilité de ses rivages aux diaspores colonisatrices et sa position au centre de l’arc, tous ces multiples facteurs, font de cette île (et du bien proposé) un champ d’investigations particulièrement riche pour l’étude des processus de spéciation et leur éventuelle évolution vers l’endémisme, et cela tant pour la flore que pour la faune.

Eugenia monticola, Bois ti feuilles

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2.2.4. processus évolutifs conduisant à l’endémismela Martinique est l’île des petites antilles la plus éloignée des foyers de dispersion, de la flore mais aussi de la faune, que sont l’amérique du sud et les Grandes antilles. les vertébrés et invertébrés constituant sa faune terrestre sont venus essentiellement des continents nord et sud américains. on admet que la colonisation a pu se faire par voie aérienne (chauves-souris, oiseaux, insectes ailés) ou sur des bois flottés pour les autres (reptiles, amphibiens, autres insectes). enfin des espèces ont été introduites par l’homme. comme à aucun moment au cours de l’histoire géologique les différentes îles des petites antilles ne semblent avoir été reliées entre-elles, les populations animales et aussi végétales colonisatrices sont demeurées plus ou moins isolées génétiquement de leurs régions d’origine et ont donné par radiation évolutive des formes particulières pour chaque île dont certaines ont pu évoluer en nouvelles espèces par spéciation ; le tout ayant contribué à un endémisme élevé dans ces différentes îles dont la Martinique fait partie intégrante.

on a de nombreux exemples parmi les vertébrés, mais aussi parmi les invertébrés.

c’est le cas pour les oiseaux de : la didine (Dendroica petechia) ou du sucrier (Coereba flaveola) qui ont donné des formes particulières dans presque chacune des îles de l’archipel. il en est de même pour les reptiles avec là non seulement des sous-espèces pour chacune des îles mais aussi des formes adaptatives au sein d’une même île. on a deux bons exemples pour la Martinique, avec les lézards anolis (Dactyloa roquet) et le petit Mabouya des feuilles (Sphaerodactylus vincenti), qui par la diversité de sa topographie et ses micro-climats a engendré plusieurs formes singulières de ces lézards.

c’est aussi le cas pour de nombreux invertébrés comme par exemple chez les insectes comme les papillons : Battus polydamas et Dryas iulia, avec pratiquement une sous-espèce par île. certains insectes même ont achevé leur processus de spéciation et sont considérés comme de bonnes espèces. on a des exemples parmi les coléoptères du genre Phyllophaga et les phasmoptères du genre Diapherodes.

tous ces processus conduisent à un endémisme élevé dont la Martinique contribue largement.

Battus polydamas, cebriones

papillon endémique de la Martinique

Phyllophaga delplanquei

Coereba flaveola martinica

sucrier à ventre jaune

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2.2.5. endémisme en Martinique

2.2.5. originalité de la faune martiniquaise : ses espèces endémiquesla Martinique est l’île des petites antilles la plus éloignée des foyers de dispersion, de la flore mais aussi de la faune, que sont l’amérique du sud et les Grandes antilles. si le nombre d’espèces de la faune terrestre y est de ce fait assez faible, par contre la spéciation due à l’isolement géographique est forte et le taux d’endémisme est important (endémisme strict ou endémisme régional), ce qui en fait l’originalité. toutes ces espèces remarquables sont présentes dans les différents sites faisant l’objet de cette étude.

les mammifères : la Martinique compte 11 espèces indigènes (hors espèces introduites) représentées essentiellement par les chiroptères dont 4 espèces sont des endémiques régionaux (endémiques petites antilles) et l’une d’entre elles, le Murin martiniquais, Myotis martiniquensis ne se trouve qu’à la Martinique et à Barbade. on peut la rencontrer en forêt mésophile et ombrophile, aussi bien dans le massif de la Montagne pelée, que celui des pitons du carbet ou les mornes du sud-ouest.

les oiseaux : l’avifaune de la Martinique est composée d’environ 233 espèces, 74 espèces nicheuses, dont 9 marines, environs 159 espèces migratrices séjournent dans le département chaque année. la Martinique compte, 1 espèce endémique stricte l’oriole de la Martinique Icterus bonana, nommé couramment carouge et 3 sous-espèces endémiques, 13 espèces d’oiseaux endémiques des petites et Grandes antilles, des espèces vivants exclusivement dans la forêt hygrophile et les versants de la Montagne pelée et environs, le colibri à tête bleue, Cyanophaia bicolor oiseau endémique de la Martinique et dominique et une sous-espèce endémique de la Martinique le solitaire siffleur, Myadestes genibardis genibardis.

une sous-espèce vivant exclusivement à la caravelle : Moqueur gorge-blanche, Ramphocinclus b. brachyurus.

la Martinique comptait 3 espèces d’oiseaux endémiques dans le passé et 4 espèces pour la Guadeloupe. actuellement 1 seule espèce endémique stricte pour chacune de ces deux îles a survécu à la colonisation. contrairement aux deux îles anglaises voisines qui ont su préserver leurs espèces : sainte-lucie (5 espèces) et la dominique (2 espèces). [1]

1 - Bibliographie : - e. Benito-espinal - p. hautcastel - les oiseaux des antilles et leur nid. 2003 - herbert raFFaele- James WileY- orlando Garrido- allan Keith- Janis raFFaele- les oiseaux des antilles

Myotis martiniquensis

Murin martiniquais

Icterus bonana

oriole de la Martinique

Cyanophaia bicolor

colibri à tête bleue

Ramphocinclus b. brachyurus

Moqueur gorge-blanche

Setophaga petechia ruficapilla)

paruline jaune

Loxigilla noctis noctis

sporophile rougegorge

Myadestes genibardis genibarbis

solitaire siffleur

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répartition spatiale des oiseaux sur les 5 aires remarquables et présence dans la caraïbe.1 re aire Mont conil et Mornes adjacents

2e aire Montagne pelée

3e aire piton du carbet Morne Jacob

4e aire la caravelle

5e aire presqu’île des trois-Îlets

vulné-rabilité uicn

distribution Géographique

espèce endémique d’une îlecarouge, Icterus bonana

carouge, Icterus bonana

carouge, Icterus bonana

carouge, Icterus bonana

carouge, Icterus bonana

vu Martinique

colombe à croissants, Geotrygon mystacea

colombe à croissants, Geotrygon mystacea

colombe à croissants, Geotrygon mystacea

colombe à croissants, Geotrygon mystacea

lc Grenade, Marie-Galante, antigua, Montserrat, dominique, Guadeloupe, Martinique sainte-lucie, saint-vincent, saint-Kitts, nevis, îles vierges et rare à porto rico.

Martinet chiquesol, Chaetura martinica

Martinet chiquesol, Chaetura martinica

Martinet chiquesol, Chaetura martinica

Martinet chiquesol, Chaetura martinica

lc Guadeloupe, dominique, Martinique, st. lucia, st. vincent, Grenade.

colibri tête bleu Cyanophaia bicolor

colibri tête bleu Cyanophaia bicolor

colibri tête bleu Cyanophaia bicolor

lc dominique et Martinique

espèce endémique des petites antillescolibri madère, Eulampis jugularis

colibri madère,Eulampis jugularis

colibri madère,Eulampis jugularis

colibri madère,Eulampis jugularis

lc saba, saint-Barthélemy, dominique, Grenade Montserrat, Guadeloupe, Martinique sainte lucie, saint-vincent, saint eustache, saint christopher, nevis, antigua.

colibri falle-vert,Eulampis holosericeus

colibri falle-vert,Eulampis holosericeus

colibri falle-vert,Eulampis holosericeus

colibri falle-vert, Eulampis holoseri-ceus

colibri falle-vert,Eulampis holosericeus

lc Grenade, Marie-Galante, antigua, Montserrat, dominique, Guadeloupe, Martinique sainte-lucie, saint-vincent, saint-Kitts, nevis, îles vierges et à l’est de porto rico.

colibri huppé,Orthorhyncus cristatus

colibri huppé,Orthorhyncus cristatus

colibri huppé,Orthorhyncus cristatus

colibri huppé,Orthorhyncus cristatus

colibri huppé,Orthorhyncus cristatus

lc Grenade, Marie-Galante, antigua, Montserrat, dominique, Guadeloupe, Martinique sainte-lucie, saint-vincent, saint-Kitts, nevis, îles vierges et à l’est de porto rico.

Moucherolle gobe mouche,Contopus latirostris

Moucherolle gobe mouche, Contopus latirostris

Moucherolle gobe mouche,Contopus latirostris

lc Martinique, Guadeloupe, dominique

tyran janeau,Myiarchus o. oberi

tyran janeau,Myiarchus o. oberi

tyran janeau,Myiarchus o. oberi

tyran janeau,Myiarchus o. oberi

lc Martinique, Guadeloupe, dominique, sainte lucie, nevis, Barbuda, saint christopher.

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superficie km²

nombre avifaune nombre endémique stricte

endémique éteint

sous-espèce endémique

Martinique 1.128 223 1 2 3dominique 754 189 3 1 4saint-lucie 620 177 5 1 9Guadeloupe 1.628 270 1 3 2

les reptiles et les amphibiens : 16 espèces de reptiles terrestres ont été recensées par M. Breuil en 2000. 8 espèces sont indigènes et 8 autres sont des espèces qui ont été introduites. sur les 8 espèces indigènes, 4 sont endémiques strictes à la Martinique : la couleuvre couresse (Liophis cursor) qui était présente sur le rocher du diamant mais que l’on n’a pas revue depuis de nombreuses années ; le serpent trigonocephale ou fer-de-lance (Bothrops lanceolatus) encore bien présent dans les différents massifs (Montagne pelée, pitons du carbet, Montagne du vauclin et sud-ouest de l’île), 1 autre, Tetracheilostoma bilineatus, de très petite taille (11 cm) reconnu comme bonne espèce par s. Blair hedges en 2008 ; à cela il convient d’ajouter le lézard anolis (Dactyloa roquet) qui en plus d’être un endémique strict a donné plusieurs morphes reconnus comme sous-espèces (lazell, 1972) dans les différents massifs considérés. 3 autres espèces sont des endémiques régionales (endémique des petites antilles) : le petit Mabouya des feuilles (Sphaerodactylus vincenti) dont également plusieurs sous-espèces sont reconnues dans l’île ; le Gymnophtalme de plée (Gymnophtalmus pleei) surtout abondant à la caravelle et dans les massifs du sud-ouest ; et l’iguane des petites antilles (Iguana delicatissima) présent au nord de la Montagne pelée. au total cela représente un taux d’endémisme non négligeable de 87.5% pour les antilles (sans compter les sous-espèces).

en ce qui concerne les amphibiens : 6 espèces sont actuellement présentes en Martinique. 2 espèces seraient indigènes, dont l’une endémique de la caraïbe : l’hylode de la Martinique (Eleutherodactylus martinicensis), que l’on trouve surtout dans la zone de la Montagne pelée et des pitons du carbet, et 1 autre endémique stricte (Allobates chalcopis). c’est cette dernière qui retiendra notre attention. cette petite grenouille trouvée pour la première fois dans le secteur de la Montagne pelée il y a une quinzaine d’années, et revue récemment, est un cas tout à fait unique dans les antilles, puisque c’est à ce jour le seul Dendrobatidae connu de toute la caraïbe.

Bothrops lanceolatustrigonocephale

Dactyloa roquet

anolis

Iguana delicatissima

iguane des petites antilles

Allobates chalcopis

Tetracheilostoma bilineatus

un des plus petits serpent du monde

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répartition spatiale des oiseaux sur les 5 aires remarquables et présence dans la caraïbe.1 re aire Mont conil et Mornes adjacents

2e aire Montagne pelée

3e aire piton du carbet Morne Jacob

4e aire la caravelle

5e aire presqu’île des trois-Îlets

vulné-rabilité uicn

distribution Géographique

organiste louis d’or,Euphonia musica flavifrons

organiste louis,d’or-Euphonia musica flavifrons

organiste louis d’or,Euphonia musica flavifrons

lc Martinique, Guadeloupe, dominique, saba, saint-Barthélemy, Barbuda, antigua, Montserrat, sainte-lucie, saint-vincent, Grenade, Bequia et Gonâve.

espèce endémique des petites antilles (suite)sporophile rougegorge,Loxigilla noctis noctis

sporophile rougegorge,Loxigilla noctis noctis

sporophile rougegorge,Loxigilla noctis noctis

sporophile rougegorge,Loxigilla noctis noctis

sporophile rougegorge,Loxigilla noctis noctis

lc Martinique, Guadeloupe, dominique, saba, saint-Barthélemy, Barbuda, antigua, Montserrat, sainte-lucie, saint-vincent, Grenade, Bequia et Gonâve.

Moqueur grivotte, allenia fuscus hypenemus

Moqueur grivotte,Allenia fuscus hypenemus

Moqueur grivotte,Allenia fuscus hypenemus

Moqueur grivotte,Allenia fuscus hypenemus

Moqueur grivotte,Allenia fuscus hypenemus

lc Martinique, Guadeloupe, dominique, saba, saint-Barthélemy, Barbuda, antigua, Montserrat, sainte-lucie, saint-vincent, rare à la Grenade peut-être disparu de saint-eustache, Barbuda et la Barbade.

trembleur gris,Cinclocerthia gutturalis macrorhyncha

trembleur gris,Cinclocerthia gutturalis macrorhyncha

trembleur gris,Cinclocerthia gutturalis macrorhyncha

lc Martinique et sainte-lucie.

endémique de la caraïbeMoqueur corossol,Margarops fuscatus densirostris

Moqueur corossol,Margarops fuscatus densirostris

Moqueur corossol,Margarops fuscatus densirostris

Moqueur grivotte, Allenia fuscus hy-penemus

lc Martinique, Guadeloupe, dominique, sainte lucie, Montserrat, Barbuda, saint Mar-tin, saint-Barthélemy, désirade, Bonaire, curaçao, Barbade, Îles vierges, Bahamas et porto rico.

solitaire siffleur-Myadestes genibardis genibardis

solitaire siffleur-Myadestes genibardis genibardis

solitaire siffleur-Myadestes genibardis genibardis

lc Martinique

sous-espèce endémique d’une îleparuline jaune,Dendroica petechia ruficapilla

paruline jaune,Dendroica petechia ruficapilla

paruline jaune,Dendroica petechia ruficapilla

paruline jaune,Dendroica petechia ruficapilla

paruline jaune,Dendroica petechia ruficapilla

lc Martinique

Moqueur gorge-blanche,Ramphocinclus b. brachyurus

en Martinique

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insectes : en ce qui concerne l’entomofaune, aucun inventaire exhaustif n’est disponible même si certains ordres sont mieux connus que d’autres. pour les mieux connus on peut citer les lépidoptères, les coléoptères, les odonates, les phasmoptères, et les moins connus sont, pour l’instant, les diptères, les hyménoptères, les hémiptères et les orthoptères. ceci est valable pour les autres îles de la caraïbe. il faut noter cependant que depuis 1990 des inventaires faune et flore ont été réalisés en Martinique, dans le cadre des ZnieFF en partenariat avec la deal (ex diren), et également pour les secteurs gérés par l’onF. ceci a permis de découvrir de nouvelles espèces, en particulier dans la zone des pitons du carbet et de la Montagne pelée. dans l’ensemble cette entomofaune est beaucoup plus pauvre que celle du continent, mais son intérêt réside également (comme pour les vertébrés) au niveau de l’endémisme. seulement deux sous-espèces endémiques pour les lépidoptères diurnes : Battus polydamas cebriones et Dryas iulia martinica, espèces uniques sur le continent mais qui ont donné de nombreuses sous-espèces dans les antilles avec pratiquement une sous-espèce par île. donc là encore, deux cas intéressants de radiation évolutive. la Martinique possède par contre un lépidoptère hétérocère endémique strict, dont le plus proche représentant se trouve au costa-rica. il s’agit de Castnia pinchoni, rare papillon qui n’a pour l’instant été capturé ou observé que dans la zone des pitons du carbet et de la Montagne pelée. un seul autre représentant de cette famille existe dans les Grandes antilles.

l’endémisme est beaucoup plus marqué chez les coléoptères et les phasmoptères. ainsi pour les coléoptères Scarabaeidae, sur la trentaine d’espèces et sous-espèces présentes à la Martinique, pas moins de 15 sont endémiques à l’île ; ce qui représente un taux de 50% d’endémisme. c’est particulièrement le cas du genre Phyllophaga qui en plus de l’endémisme est un autre bon exemple de radiation évolutive avec souvent plusieurs espèces par île de la caraïbe.

les phasmes de la Martinique illustrent bien également cet état d’endémisme insulaire. l’île, avec ses 5 espèces de phasmes, est de loin celle qui présente un niveau d’endémisme le plus élevé parmi les îles des petites antilles. À l’exception de Paraphanocles keratoskeleton qui est présent dans plusieurs îles, 4 des 5 espèces sont endémiques : 3 espèces endémiques strictes (Diapherodes martinicensis, Clonistria sp1, Clonistria sp2) et 1 espèce à répartition régionale (Pterinoxylus crassus) connue en plus de la dominique et de sainte-lucie (langlois F. et lelong p., 2010).

la conquête des îles par ces insectes aptères ou présentant une régression alaire, s’est faite progressivement de façon passive et hasardeuse (dérive de supports végétaux) puis l’isolement géographique a conduit à une diversité propre à chaque île. au sein des îles de la Guadeloupe,

Pterinoxylus crassusphasme

Dryas iulia martinica

lépidoptère diurne

Castnia pinchoni

lépidoptère hétérocère

Diapherodes martinicensis

phasme endémique strict

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de la dominique et de la Martinique, le genre Diapherodes se décline en 3 espèces dont 2 sous-espèces : D. gigantea gigantea en Guadeloupe, D. g. dominicea en dominique et D. martinicensis en Martinique qui se démarque nettement par son statut spécifique. en plus d’être endémique strict de la Martinique, D. martinicensis est une espèce rare dont les exigences biotiques et abiotiques particulières sont étroitement liées aux caractéristiques écosystémiques des forêts humides d’altitude de la Martinique. les derniers inventaires révèlent une densité de population faible avec des individus toujours isolés.

les diptères constituent un des ordres le plus important après les coléoptères et les lépidoptères, car plus de 110.000 espèces ont été décrites à ce jour. la région néotropicale compte environ 18.000 espèces connues (Martinez et etienne, 1990) et de nombreuses espèces sont encore à découvrir dans cette zone biogéographique.

il est difficile d’indiquer avec précision le nombre d’espèces de diptères existant à la Martinique ou dans les antilles françaises. À l’exception de certains groupes présentant un intérêt sanitaire ou agronomique, peu d’études faunistiques précises ont été réalisées dans les petites antilles. néanmoins, les taxons qui ont fait l’objet d’inventaires et d’études systématiques dans cette zone révèlent une richesse spécifique remarquable.

la Martinique fait partie de la vaste zone néotropicale qui possède un patrimoine faunistique dont la diversité, les relations inter spécifiques et l’évolution biologique sont encore à découvrir.

son patrimoine biologique s’est enrichi de la diversité faunistique des îles plus anciennes et des masses continentales avoisinantes à haute richesse spécifique. pour de nombreuses familles de diptères, il a été montré que le venezuela représente une source principale de dispersion. tel est le cas des agromyzidae dont 34 % des espèces des antilles Françaises sont connues du venezuela et recensées de plusieurs îles de la caraïbe (spencer et al., 1992).

de même, la faune syrphidienne de la Martinique et des autres petites antilles (34 espèces connues sur 129 recensées de toutes les antilles) est largement distribuée dans les Grandes antilles et dans plusieurs pays d’amérique du sud et d’amérique centrale.

il n’existe pas d’endémisme strict connu dans les petites antilles du fait de la capacité de dispersion active des diptères, mais le niveau d’endémisme régional reste élevé et comparable à celui des Grandes antilles. la communauté des syrphes des petites antilles (Martinique, dominique, Guadeloupe, sainte lucie…) qui compte 34 espèces, présente un taux d’endémisme de 29 % avec des espèces présentant une plasticité écologique très étroite (Xanthandrus tricinthus, espèce endémique des petites antilles et n’occupant que les zones forestières humides d’altitude).

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de même Phytoliriomyza cyatheana etienne n. sp (agromyzidae) est une espèce de diptère qui présente un intérêt important de par son endémisme et ses caractéristiques biologiques. elle n’est connue que des forêts humides de la Guadeloupe et de la Martinique (la pelée, l’aileron). les larves sont mineuses des feuilles de fougères arborescentes Cyathea grandiflora endémique des petites antilles et de Cyathea arborea dont la répartition géographique est plus large (petites antilles, Grandes antilles, venezuela). ainsi, comme dans de nombreux ordres d’insectes, les diptères endémiques se concentrent particulièrement dans les forêts hygrophiles dans lesquelles certaines espèces ont développé au cours de leur processus d’évolution des relations étroites avec la communauté végétale constituant ces forêts.

pour les hyménoptères il est intéressant de citer Polistes dominicus qui est une guêpe, de la famille des vespidae, dont la répartition géographique se limite strictement à quelques îles des petites antilles : la Martinique, la dominique, la Barbade et quelques îles plus au sud. P. dominicus est la seule représentante des polistinae de Martinique caractérisée par des individus sociaux construisant des nids à partir de matériaux végétaux préalablement mastiqués. auparavant, l’espèce occupait la majeure partie de l’île entre 1950 et 1970. très abondante, elle nidifiait dans les arbres, autour et à l’intérieur des habitations.

Mais c’est l’une des rares espèces pour laquelle l’évolution régressive des populations, qui a eu lieu en moins de 20 ans, a marqué jusqu’à aujourd’hui la conscience collective. Bien que certaines causes soient parfois avancées (usage de produits phytosanitaires, déboisement…), il est difficile d’attribuer une raison précise à cette dynamique, surtout lorsque l’espèce n’a fait l’objet localement d’aucun suivi faunistique.

Bien qu’elle fasse partie intégrante du patrimoine naturel de l’île, aujourd’hui cette espèce présente toutes les caractéristiques d’une espèce rare. d’abord les dernières observations (2010) révèlent une population dont des effectifs sont faibles avec une centaine de nids occupés dans la principale zone de nidification. ensuite, ces mêmes observations traduisent une distribution restreinte sur l’ensemble du territoire car l’aire de nidification et l’aire de vol de l’espèce se limitent uniquement à la région nord de l’île aux abords des forêts à tendance mésophile et hygrophile de la Montagne pelée encore bien conservés (anse céron, anse couleuvre) car ayant subi peu de modifications anthropiques. l’espèce a totalement disparu des grandes villes du centre et du sud de l’île, aujourd’hui soumises à diverses activités anthropiques plus intenses.

Xerophyllopteryx martinicensis

Polistes dominicus

Guêpe

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araignées et scorpions :

tout comme dans la majorité des îles avoisinantes, la faune arachnologique de la Martinique est très mal connue. en effet, si les grandes antilles ont fait l’objet de plusieurs travaux parfois importants sur ce groupe, comme les monographies de petrunkevitch (1929, 1930) ou de Bryant (1940), les petites antilles ont été délaissées. seule l’île de saint-vincent a fait l’objet d’investigations à la fin du xixe siècle (simon 1891, 1894, 1897).

concernant la Martinique, les données disponibles sont le plus souvent issues de citations anciennes (par exemple Walckenaer 1837, 1842 ; strand 1910, Berland 1953) ou contenues dans des articles réalisés à l’occasion de révisions de systématique d’un groupe particulier dans son ensemble (levi 1959, 1963, 1968, 1977, … ; richman, 1989).

plus récemment, des collectes ponctuelles sont venues enrichir nos connaissances, mais elles restent trop sélectives, limitées à quelques genres (lopez 1994), ou des systèmes très particuliers tels les mangroves (lopez 1997). À noter toutefois les toutes dernières données concernant les tetragnathidae (dierkens 2010, 2011) et la description d’une espèce nouvelle chez les araneidae (dierkens, 2012).

si l’on ajoute un déficit certain quant aux données écologiques (par exemple, les lieux de capture précis et les biotopes sont rarement mentionnés), notre vision de la faune aranéologique et de sa répartition en Martinique et dans les antilles reste fragmentaire et très incomplète.

si l’on excepte les citations douteuses, l’analyse de la bibliographie permet de dresser une liste de 38 espèces connues et signalées en Martinique, ce qui ne représente qu’une faible partie de la diversité spécifique de la faune aranéologique locale dont le potentiel est d’au moins 250 à 300 espèces présentes sur un tel territoire insulaire.

l’étude de ce groupe a connu un regain d’intérêt depuis peu avec le lancement du projet zagriyen en nou, vaste programme pluriannuel d’inventaire des arachnides de la Martinique en partenariat avec la deal et l’onF.

partant d’une situation singulièrement déficitaire en connaissances, il n’a pas été difficile de récolter très rapidement de nouvelles données. sans entrer dans tous les détails, les mygales offrent un exemple particulièrement démonstratif. seules 2 espèces sont citées dans la littérature et connues depuis longtemps, soit Avicularia versicolor (la Matoutou) et Acanthoscurria antillensis, 1 endémique régionale présente à sainte-lucie, en Martinique et à la dominique, toutes 2 appartenant à la famille des theraphosidae. depuis, 5 autres ont été découvertes : 2 dipluridae, Ischnothele caudata, déjà connue par ailleurs dans la région (saint-vincent, trinidad, amérique centrale de façon plus générale), et 1 Masteria encore indéterminée,

Avicularia versicolor

Matoutou

Acanthoscurria antillensis

araignée attaquée par guèpe Pepsis

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Tityus sp.

un nouveau scorpion

1 cyrtaucheniidae, nouvelle espèce à décrire appartenant au genre Bolostromus, 1 Barychelidae du genre Trichopelma également à décrire, et 1 paratropididae du genre monospécifique Anasaspis très proche de A. tuberculata de saint-vincent et peut-être identique. et l’ensemble de l’ordre des araignées est dans cette situation dans les petites antilles.

parmi les données de la littérature, sur les 38 espèces répertoriées, 6 sont des endémiques strictes, soit près de 16% du total. la plus connue est Avicularia versicolor, notre Matoutou falaise, mygale emblématique participant à l’identité de la Martinique. typique des forêts mésophiles ou assimilées, elle a vu sa répartition et son abondance diminuer de manière drastique avec la régression de son milieu d’origine et connaît aujourd’hui une nouvelle menace, un trafic d’ampleur internationale pour alimenter le réseau des éleveurs de mygales. Bénéficiant de la protection d’un arrêté préfectoral, cette espèce fait depuis 2007 l’objet d’une étude et d’un suivi de ses populations afin d’étendre cette protection au niveau national et international.

les découvertes récentes sur les mygales rajoutent 5 espèces dont 1 est une endémique régionale (Anisaspis tuberculata) et 2 autres des endémiques strictes (Masteria sp. et Trichopelma sp.), ces dernières représentant donc maintenant plus de 18% de la faune. et l’on peut s’attendre à une progression importante de ce chiffre avec les études en cours. en effet, aucune étude d’envergure n’ayant eu lieu, ce sont les araignées les plus visibles, généralement celles à plus large répartition comme les araneidae, qui sont le plus à même d’être repérées ; elles sont donc largement sur-représentées. par ailleurs, on sait que les endémismes insulaires sont plus fréquents dans les groupes qui ne pratiquent pas le « balooning », comme une grande partie de la faune du sol, comme la plupart des mygales, justement la plus mal connue ! le taux d’endémisme est donc vraisemblablement encore largement sous-estimé !

et cet état des connaissances est transposable à l’ensemble des arachnides, un nouveau scorpion du genre Tityus venant également d’être découvert, apparemment différent des espèces du même genre hébergées dans les îles voisines.

les arachnides constituent donc un aperçu tout à fait exemplaire de la biodiversité potentielle de la Martinique et de ses spécificités uniques avec un taux d’endémisme important comme dans la majorité des groupes d’invertébrés en milieu insulaire.

Mollusques terrestres : les études malacologiques des antilles françaises et notamment celles réalisées en Martinique remontent principalement à la seconde moitié du xixe siècle. les principales publications, en particulier sur les mollusques terrestres datent de cette époque. les recherches sur les mollusques de l’île seront abandonnées durant une longue période pour ne reprendre qu’à la fin des années 1970 et au cours des années 1980. celles-ci concerneront

Bolostromus sp.

cyrtaucheniidae

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cependant avant tout les mollusques des eaux douces en lien avec la bilharziose et son éradication de l’île. la seule publication, qui aujourd’hui encore fait référence est l’inventaire publié par Mazé en 1874 et les données de collectes, réalisées en 1984 par a. et s. tillier, intégrées au rapport d’étude bibliographique : les mollusques terrestres et fluviatiles des départements d’outre-mer de Bouchet & cosel, 1991).

en 1874, dans son Catalogue des coquilles terrestres et fluviatiles recueillies, à la Martinique, h. Mazé fait état de 34 espèces de mollusques terrestres. c’est le premier inventaire reconnu. en 1991, dans leur rapport d’études, philippe Bouchet et Brigitte von cosel porteront cet inventaire à 37 espèces. 15 d’entre elles sont alors considérées comme endémiques des petites antilles dont 11 endémiques strictes à la Martinique.

les travaux de recherches menés sur le terrain au cours des dix dernières années ont permis de reconnaître plusieurs espèces supplémentaires, non seulement des espèces introduites, mais également plusieurs espèces nouvelles pour la science actuellement en cours de description. ces nouvelles espèces apparaissent comme étant endémiques strictes de la Martinique.

les progrès de la biologie moléculaires et les recherches engagées sur plusieurs îles voisines des petites antilles permettent de réévaluer le statut de plusieurs espèces considérées d’abord comme endémiques régionales soient en réalité endémiques strictes de la Martinique.

a) Le massif de la montagne Peléede par sa position géographique, qui débute du bord de la mer jusqu’à 1.397 m d’altitude, l’étagement climatique apporte à ce volcan une grande richesse écologique. 20 espèces de mollusques terrestres y sont répertoriées dont 10 sont endémiques strictes.

Amphicyclotulus liratus classé « vulnérable » dans la liste rouge des espèces menacées de l’iucn y est présent. d’autre part Drymaeus multifasciatus présente une forme, nommée albicans par Mazé (1874), uniquement dans ce secteur.

b) Les Pitons du Carbetd’origine volcanique, ce vaste territoire, très découpé, partant de 116 m d’altitude jusqu’à 1.197 m avec le piton lacroix présente plusieurs étages climatiques qui permettent à la faune et la flore de se développer de façon optimale. la richesse de cette région de la Martinique est exceptionnelle. 35 espèces de mollusques terrestres sont présentes dont 11 endémiques. c’est dans cette zone que subsiste la dernière station connue de Discolepis desidens (pleurodontidae), espèce inscrite comme éteinte sur la liste de l’iucn (sous le nom de Pleurodonte desidens) et retrouvée.

Drymaeus multifasciatus

albicans

Discolepis desidens

Amphicyclotulus liratus

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c) La Presqu’île de la Caravellesite classé, la réserve naturelle de la caravelle, située sur la côte est de l’île, bénéficie d’un climat sec et de terrains calcaires. la faune malacologique est représentée par 14 espèces dont une est endémique (Parachondria occidentalis) et une seconde (Brachypodella antiperversa) endémique régionale, étant également présente à la Guadeloupe. Brachypodella antiperversa (urocoptidae) et Parachondria occidentalis (annularidae) sont des espèces inféodées aux terrains calcaires, lesquels sont peu représentés en Martinique. la presqu’île de la caravelle constitue ainsi, avec les mornes calcaires de sainte-anne, l’habitat presque exclusif de ces espèces.

d) La montagne du Vauclinpoint culminant de la partie sud de l’île atteignant 504 m d’altitude, la montagne du vauclin Bénéfice d’une pluviométrie assez variable en fonction de l’altitude, atteignant 2500 à 3000 mm par an. cela permet d’observer à la fois des espèces de zone plus sèche mais également certaines espèces présentes habituellement dans les forêts humides du nord de la Martinique. 21 espèces sont présentes sur cet ancien volcan, 7 d’entre elles sont endémiques dont Naesiotus martinicensis (Bulimulidae).

e) La région du sud-ouestconstitué de plusieurs mornes dont le Morne Bigot qui s’élève à 467 m d’altitude, ce territoire est situé en zone xéro-mésophile. 19 espèces sont présentes, 2 d’entre elles sont endémiques strictes. Pleurodonte obesa, endémique stricte de la Martinique est uniquement présent dans cette région de l’île.

IV) Les famillesles familles indigènes les plus riches en espèces sont les Pleurodontidae avec 10 espèces dont 7 sont endémiques strictes, les Bulimulidae avec 6 espèces dont 2 sont endémiques strictes et les helicinidae avec 6 espèces dont au moins une nouvelle espèce qui est également endémique.

au final si la faune de la Martinique est pauvre en nombre d’espèces (comme celle des autres îles des petites antilles d’ailleurs), elle est néanmoins riche par le nombre d’endémiques présentes.

Parachondria occidentalis

Pleurodonte obesa

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75

2.2.6. biodiversité fongiqueDans le seul groupe des champignons à lamelles (type Agaric) et à pores (type Bolet), 224 espèces (Pegler et Fiard 1983) ont été recensées à l’intérieur du périmètre du continuum central proposé au Patrimoine Mondial. Sur ces 224 espèces, 34 se sont révélées entièrement nouvelles pour la Science et n’avaient jamais été ni observées ni décrites. Même en se limitant aux deux groupes cités plus haut, et en se limitant à la seule aire du bien central, le nombre d’espèces potentiellement présentes en Martinique est énorme, très probablement supérieur à 1.500 espèces (Courtecuisse, Fiard et collaborateurs). Toutes ces espèces potentielles sont en cours d’analyse, tâche qui exigera une bonne dizaine d’années. La Guadeloupe et la Dominique ayant été beaucoup moins prospectées, il est impossible d’effectuer des comparaisons équitables. La Martinique toutefois a été indiscutablement la plus productive en récoltes et collections (autour de 6.000) grâce à sa beaucoup plus grande surface de forêts mésophiles et xéro-mésophiles secondaires de qualité.

Le continuum proposé est un centre remarquable de biodiversité fongique et sa contribution à la connaissance de la Mycoflore néotropicale est d’ores et déjà fondamentale.

Lenzites elegans

Pezizomycetideae Cookeina tricholoma

Ganoderma martinicensis

Pseuduhiatula irrorata

Polypore du genre Stereum

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76

Baeospora sp.

Agaricus rufoaurantiac

Agaricus martinicensis

Trogia cantharelloides

Agaricus fiardii

Hygrocybe konradii var. antillana

Hygrocybe Firm. neofirma

Hygrocybe occidentalis var. scarletina

Hygrocybe sp.

Hygrocybe occidentalis

Hygrocybe nigrescens var. brevispora

RIigidiporus sp.

Extraordinaire bolet indéterminé

Phlebopus beniensis

Leucocoprinus birnbaumii

Oudemansiella canarii

Ganoderma sp.

Collybia aurea

Lactarius pegleri

Lactarius caribaeus

Lactarius putidus

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2.3. espaces naturels reMarquables pour la protection in situ de la biodiVersité biologique et des espèces rares et Menacées

2.3.1. évolution de la végétation naturelle de la Martinique et du bien proposé.Période préanthropiqueavant la toute première présence humaine en Martinique, peut-être vers 2.000 ans avant notre ère (au début de la période précéramique des chasseurs cueilleurs nomades amérindiens), l’île toute entière, du littoral à 800 m d’altitude au niveau des pitons du carbet et 1.200 m au niveau de la montagne pelée, n’était qu’une vaste et imposante forêt tropicale, en apparence assez uniforme. en fait, derrière cette trompeuse monotonie, se dissimulaient deux types forestiers distincts : une puissante forêt ombrophile tropicale submontagnarde (ou hygrophile) descendant jusqu’à 100-200 m d’altitude (et même jusqu’au niveau de la mer dans les vallées confinées) sur le versant au vent et 400-500 m sous le vent. sous les limites inférieures de cette dernière, s’étendait une forêt sempervirente saisonnière tropicale (ou mésophile) alors intacte et tout aussi puissante.

partout, hormis sur les falaises, les caps rocheux, les pentes abruptes, les plus hauts sommets volcaniques, la forêt était le stade ultime dynamiquement stabilisé (climax) des diverses séries végétales de l’île. Milieux ouverts et savanes étaient totalement inexistants, mis à part quelques grands chablis temporaires rapidement comblés provoqués par quelque puissant ouragan ou quelques glissements de terrain. la grande forêt ombrophile tropicale submontagnarde d’alors n’était probablement pas très différente, sous le rapport de l’architecture et de la composition floristique, des reliques les plus inaccessibles qui subsistent encore autour du pain de sucre et dans le fond de la vallée de la Grande rivière, les seules forêts ombrophiles martiniquaises totalement primitives.

Sloanea dentata, châtaignier à grandes feuilles ; Sloanea massoni, châtaignier à petites feuilles ; Sloanea dussii, châtaignier petit coco ; Sloanea caribaea, acomat boucan ; Dacryodes excelsa, Gommier blanc ; Tapura latifolia, Bois côte ; Talauma dodecapetala, Magnolia ; Pouteria multiflora, pain d’épices ; Pouteria semecarpifolia, contrevent et Chymarrhis cymosa, Bois rivière, constituaient les espèces arborées prépondérantes et de première grandeur d’une canopée haute en moyenne de 30-35m. certains individus des espèces précédentes, en particulier Sloanea dussii mais aussi quelques autres comme Micropholis guianensis, Feuilles dorées, pouvaient atteindre (et atteignent encore aujourd’hui parfois) 40-45 m et même 50 m de haut.

au nord de la pelée Pitons aigus, crêtes battues de vents violents

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les abondances, en revanche, étaient certainement très différentes pour les espèces à forte valeur utilitaire (construction, menuiserie) ou à grande valeur commerciale (ébénisterie notamment). c’est le cas des espèces suivantes, rares aujourd’hui, mais très certainement abondantes lorsque la forêt hygrophile était intacte : Pouteria semecarpifolia, contrevent ; Pouteria multiflora, pain d’épices ; Sloanea dussii, châtaignier petit coco ; Meliosma herbertii, Bois de sept ans ; Manilkara bidentata, Balata ; Dacryodes excelsa, Gommier blanc.

les très gros diamètres (supérieur à 100 cm) étaient certainement très fréquents parmi les arbres de première grandeur. ceux de seconde grandeur comme Tapura latifolia, Bois côte ou Myrcia fallax, Bois guépois pouvaient atteindre communément 50 cm de diamètre et même assez souvent 70-80 cm.

la strate des palmistes de sous-étage était beaucoup plus dense qu’aujourd’hui. elle comprenait, en particulier, Prestoea montana, palmiste montagne, qui a fait l’objet d’une recherche et d’une récolte intense depuis le xviie siècle, d’abord à des fins utilitaires, palmes et troncs pouvant être utilisés pour la confection des cases, ensuite à des fins alimentaires son cœur étant très apprécié des gourmets. Aiphanes luciana, chou piquant, à en croire thibault de chanvallon, rendait presque impénétrable, encore au xviiie siècle, certaines parties des forêts des pitons du carbet. Euterpe dominicana, Manicol, Yatahu (noms vernaculaires dominiquais), aujourd’hui confiné en zone montagnarde, entre 500 et 700 m, descendait certainement beaucoup plus bas en altitude sans atteindre néanmoins la zone littorale.

en dessous de sa limite inférieure, cette forêt ombrophile tropicale submontagnarde (ou hygrophile) était prolongée par une forêt sempervirente saisonnière tropicale (mésophile) climacique, dont l’aspect extérieur et la puissance, alors, au premier abord, différaient peu de la première, bien qu’elle fût différente par sa composition floristique, ainsi que par son architecture intime.

en effet, au moins dans les plaines et les bassins alluviaux, sur les pentes à déclivité moyenne des mornes du sud de la Martinique, les arbres de la forêt mésophile ou sempervirente saisonnière tropicale restaient élevés et puissants.

les grandes sapotacées édificatrices de ce type de forêt : Manilkara bidentata, Balata ; Sideroxylon foetidissimum, acomat franc ; Pouteria multiflora, pain d’épices ; Pouteria semecarpifolia, contrevent ; Micropholis guianensis, caïmitier grand bois, Feuilles dorées ; ainsi que leurs compagnes semi-héliophiles longévives : Hymenaea courbaril, courbaril ; Buchenavia tetraphylla, olivier grands bois ; cedrela odorata, acajou pays, ; ocotea leucoxylon, laurier fine, étaient guère moins élevés que les grands arbres de la forêt hygrophile actuelle, et

forêt hygrophile du bois de colson Sloanea dussii, châtaignier petit coco,

endémique de la Martinique

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pouvaient atteindre, dans les secteurs protégés et sur des sols profonds et fertiles, 25 à 35 m de haut (voir 40 m et plus) et jusqu’à 100 cm de diamètre, voire davantage. de nombreux Pimenta racemosa, Bois d’inde, de fort diamètre et à peine moins élevés, et une abondante population de palmiers (Aiphanes erosa et Aiphanes minima [1] en zone littorale et sur les pentes basses des mornes, Coccothrinax barbadensis, latanier, dans les secteurs chauds et secs, Acrocomia aculeata plutôt en forêt rivulaire) complétaient le tableau.

les variations physionomiques de la forêt sempervirente saisonnière primitive de la zone basse étaient peu marquées, sa canopée restait globalement toujours verte et densément feuillée, car les espèces arborées héliophiles et caducifoliées de stade secondaire étaient fortement disséminées dans une puissante matrice largement sempervirente. Même encore en 1620, l’anonyme de carpentras, qui séjourna une saison sèche entière dans la presqu’île des trois îlets, probablement vers les anses d’arlet ou l’anse à l’ane, ne remarqua aucun changement notable de la forêt durant cette partie de l’année ! il notait en effet : « les arbres y sont toujours verts et il n’y fait point d’hiver ». de nos jours, dès la fin février, les forêts de cette région passent totalement au jaune brunâtre, et, au plus dur de la saison sèche, vers la fin avril, peuvent être défeuillées au deux tiers.

en bref, dans la Martinique préanthropique, la puissante forêt tropicale et les hautes futaies occupaient tout l’espace, à l’exception des pentes abruptes, des falaises, et des savanes arbustives des plus hauts sommets volcaniques.

La période amérindienneil n’y a pas unanimité sur la date de la première présence amérindienne en Martinique. on suppose que les premiers chasseurs cueilleurs nomades amérindiens abordèrent l’île entre le ive et le iie millénaire avant notre ère. ils ignoraient l’usage de la poterie et vivaient essentiellement des ressources de la chasse et de la pêche. de quelle ampleur fut leur premier impact sur la végétation de la Martinique, personne ne le sait vraiment. une seule chose est absolument certaine : pour circuler entre les îles, il fallait des embarcations et donc abattre des arbres, pour construire des pirogues. il est vraisemblablement certain que date de cette période le tout premier abattage des Gommiers blancs (Dacryodes excelsa) en Martinique. en dehors de ce cas particulier, l’impact anthropique sur la végétation fut sans doute très faible.

À partir du milieu du premier millénaire avant notre ère s’installent des populations sédentaires venues du bassin de l’orénoque. elles pratiquent l’agriculture sur brulis, la chasse, la pêche et construisent des « villages » plus ou moins permanents. ces derniers sont établis en zone

1 Au sens de Sartre et Fournet Flore illustrée des Phanérogames de Guadeloupe et de Martinique, 2002.

intérieur Forêt de nuages à palmistes de la pelée

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littorale, toujours à proximité des rivières pérennes, alors plus nombreuses qu’aujourd’hui, surtout dans la moitié sud de l’île. les défrichements autour des « villages » étaient limités, afin de les rendre moins repérables par des ennemis potentiels. des abattis itinérants destinés à la culture du manioc et d’autres plantes vivrières étaient pratiqués dans les mornes proches, accessibles dans la journée. des expéditions plus lointaines, exigeant de passer quelques jours dans les grands bois étaient décidées par les hommes, essentiellement en vue de la chasse ou de la sélection de très gros Gommiers blancs destinés à la réalisation des pirogues.

en réalité, l’impact des populations amérindiennes de la Martinique sur les vastes forêts alors primitives de l’île, fût certainement très limité. on peut estimer qu’il fût à peu près nul sur la grande forêt hygrophile de moyenne montagne au-dessus de 400 m d’altitude et qu’il ne concerna que certaines parties, restreintes, de la forêt mésophile ou sempervirente saisonnière.

De la découverte (1502) à la prise de possession de l’île par les Français (1635)il est à peu près certain que les modifications de la végétation naturelle de la Martinique furent relativement peu importantes au cours du xvième siècle et même jusque vers 1635. selon l’historien de marine J.p. Moreau, la Martinique, durant toute cette longue période, ne constituait pas une étape d’« aiguade » très fréquentée.

les galions remontant vers les Grandes antilles préféraient mouiller en dominique et en Guadeloupe, qui étaient directement dans l’axe des grandes antilles, leur objectif, et qui, contrairement à la Martinique, n’avaient pas la réputation d’être fréquentées par le redoutable trigonocéphale. les aiguades duraient 2-3 jours à une semaine. elles servaient à s’approvisionner en eau douce, en vivres, à réparer les navires.

il n’était pas rare que les plus longues de ces escales fussent aussi l’occasion de prélèvements des bois précieux encore abondants dans la zone littorale et les mornes côtiers. on recherchait essentiellement les bois de teinture (Maclura tinctoria, Mûrier pays ; Haematoxylon campechianum, campêche), les bois de charpente et de menuiserie (Sideroxylon foetidissimum, acomat franc ; Hymenaea courbaril, courbaril), les bois pour la marqueterie (Guajacum officinale, Gaïac ; Zanthoxylum flavum, Bois noyer), les bois de lettres, destinés à l’imprimerie (Brosimum alicastrum, Bois de lettres ; Chione venosa, Grand Branda), etc.

le faible nombre d’escales en Martinique recensé par J-p. Moreau pour le xvie siècle, ne permet pas d’imaginer une profonde dégradation de la zone littorale pour cette période. en outre, l’anonyme de carpentras écrivait en 1620 que « les bois y sont toujours verts ».

paysages de l’intérieur / bois pothau canopée de la forêt mésophile secondaire ancienne

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une telle observation concernant la région boisée des anses d’arlet n’était possible qu’à condition que les grands arbres sempervirents (Balatas, acomats francs, pains d’épices, contrevents, courbarils) de la forêt mésophile primaire fussent encore en place en proportion très importante.

Du début de la colonisation à la fin du XVIIe sièclela prise de possession de la Martinique par les français en 1635 se traduisit très vite par de très importants défrichements de la zone littorale et moyenne inférieure et par le début de déstructuration des bois de la zone supérieure qui n’avaient pas été abattus, mais dans lesquels s’exerçait déjà un véritable pillage sélectif des essences à forte utilité pratique ou à grande valeur commerciale.

ainsi, dès la fin du xviie siècle, le père labat signale que certaines essences des forêts sèches inférieures ou littorales comme le Gaïac, Guajacum officinale et le Bois lézard, Vitex divaricata, étaient déjà très rares. la demande pour les meilleurs bois de construction et de menuiserie était de plus en plus forte et les réserves de Sideroxylon foetidissimum, acomat franc ; Manilkara bidentata, Balata ; Cedrela odorata, acajou pays, devaient déjà être sérieusement entamées dans toute la zone inférieure.

Le XVIIIe sièclele xviiie siècle marque l’installation définitive de la société d’habitation sur toute l’île et le défrichement de toutes les terres à potentialité agricole, même faible, jusque vers 300-400 m d’altitude. l’excellente carte de Moreau du temple réalisée un peu avant la fin du xviiie siècle permet de dresser un tableau très exact des espaces restés plus ou moins intacts à cette époque. en fait, l’examen minutieux de cette carte révèle qu’en 1770, la coupe à blanc des grands bois primitifs, du moins dans le sud de l’île, avait atteint (et même dépassé !) les limites physiques et objectives de toute activité agricole pertinente et rentable. la surface forestière de la moitié sud de l’île était même inférieure à celle du xxe siècle finissant et du début du xxie siècle, où les forêts secondaires ont reconquis nombre de secteurs de déprise agricole.

vers la fin du xviiie siècle, le tableau des zones relictuelles de végétation naturelle, c’est-à-dire de forêts (la forêt est la forme normale et surtout le climax de la végétation des petites antilles montagneuses) est le suivant :

la façade ouest du piton Mont conil et du Morne citron est défrichée uniquement dans les vallées et leurs pentes basses jusque vers 150 m d’altitude. au delà, l’espace utile manque par suite de l‘étroitesse excessive des crêtes, du resserrement des vallées et du redressement du relief.

pays perdu la forêt de Magnolia docecapetala, Morne sibérie

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seules les rares crêtes un peu élargies (crête du cap saint-Martin) et quelques rares petits plateaux sont totalement déboisés. on n’ira pas plus loin aux siècles suivants, les limites physiques du défrichement ayant été atteintes. en revanche, l’exploitation minière des derniers grands arbres de valeur dans les pentes encore en bois-debout se poursuivra jusqu’au milieu du xxe siècle.

la Montagne pelée est couverte, sur ses deux versants, au vent et sous-le-vent, de grands bois puissants qui s’élèvent jusque vers la caldeira, à 1.200 m d’altitude (celle-ci était recouverte d’une dense forêt de palmistes), et redescend jusqu’à 300 m d’altitude environ à l’est, et 400 m au sud et à l’ouest. il y avait donc, tout autour de la montagne pelée, un très vaste et très puissant massif forestier méso-hygrophile et hygrophile qui sera totalement anéanti en 1902.

les plaines de Morne rouge et du champflore étaient totalement mises en culture. le défrichement de la forêt primitive, à l’est, montait jusqu’à la ligne de crêtes du cournan à l’ouest, la forêt ne reprenait qu’à la base du Morne Fumée et du Morne Montauban.

le grand massif hygrophile des pitons du carbet et du Morne Jacob formait encore un continuum avec le grands bois du Morne calebasse et des hauteurs d’ajoupa Bouillon. les limites, à l’est, descendaient sensiblement plus bas qu’aujourd’hui, se situant vers 300 m en moyenne. en revanche, sous le vent et en direction du sud et de Fort-de-France, il existait peu de différences avec la situation actuelle. entre le carbet et Fort de France les cultures montent très haut, jusque vers 500-600 m lorsque le relief le permet. le quartier Grand Fond est déjà défriché amplement, et dans des limites qui ne diffèrent guère de celles d’aujourd’hui.

par contre, dans la moitié sud de l’île, les défrichements avaient déjà atteint un niveau dramatique. le déboisement du sud était presque total, et incontestablement, supérieur à ce qu’on peut observer aujourd’hui.

la presqu’île de la caravelle est déjà déboisée au moins à 80%. seule l’extrémité du site, à partir du phare actuel, est encore boisée, ainsi que le versant nord à partir de l’anse l’étang. le versant ouest (dubuc) est totalement défriché.

la presqu’île des trois ilets est très amplement défrichée, mais moins cependant que la caravelle, grâce à un relief plus élevé et plus accidenté. seuls les reliefs les plus escarpés (heureusement nombreux) ont pu décourager les coupes. le plateau du Morne Bigot, le plateau sommital du morne la plaine, la plaine des trois ilets, le secteur de talante, l’ensemble du versant sud (diamant) sont défrichés. les bois debout subsistent autour du Morne Gardier (alors nommé le Morne des signaux), surtout sur son versant nord, sur la façade ouest du Gros Morne de Gallochat, entre l’anse à l’ane et l’anse noire, sur le versant sud du Morne larcher

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et les versants nord du Morne Genty et des crêtes adjacentes.

tout au sud, le piton du vauclin est presque totalement déboisé, sauf sur sa partie nord. le littoral et l’arrière-pays entre le vauclin et sainte Ânne est totalement dépourvu de forêts, ou presque, à l’exception de quelques îlots boisés ça et là.

Le XIXe siècle et la première moitié du XXe sièclec’est l’époque des derniers défrichements et de la catastrophe écologique provoquée par l’éruption de la Montagne pelée.

La Flore Phanérogamique des Antilles Françaises, du révérent père duss, publiée en 1897, est assurément un des meilleurs documents disponibles pour l’écologue qui désire dresser un tableau précis de l’état de la végétation naturelle (en l’occurrence essentiellement forestière) martiniquaise à la fin du xixe siècle. les innombrables indications stationnelles, souvent aussi écologiques, qui accompagnent la description des espèces végétales autochtones, constituent un guide sûr.

on sait ainsi, grâce au père duss, que la fin du xixe siècle fut marquée par la déforestation des dernières zones boisées encore partiellement subclimaciques du sud de la Martinique dans la région de la régale et des hauteurs de sainte-luce, et dans la presqu’île des trois Îlets.

on trouvait encore en abondance dans les hauteurs de sainte-luce et de la régale Manilkara bidentata, Balata ; Licaria sericea, Bois à pian ; Licania ternatensis, Bois diable ; Sloanea caribaea, acomat boucan ; Micropholis guianensis, caïmitier grand bois. ces reliques forestières étaient en train d’être abattues, au grand désespoir du père duss.

la presqu’île des trois-Îlets était primitivement (c’est-à-dire au milieu du xviie siècle, car un siècle plus tard ces forêts avaient été abattues aux trois quarts) recouverte de bois très hauts et très épais dans lesquels avaient abondé les Sideroxylon foetidissimum, acomat franc, et sans doute aussi les autres grandes sapotacées mésophiles : Manilkara bidentata, Balata ; Pouteria multiflora, pain d’épices et Pouteria semecarpifolia, contrevent. selon le père duss, qui rapporte une tradition orale ancienne, Amphitecna latifolia, petit calebassier était très abondant et atteignait 20 m de haut. toutes ces espèces étaient devenues très rares à son époque et le petit calebassier avait même disparu. Maclura tinctoria, Murier du pays, jadis composante des bois littoraux de la presqu’île ne comptait plus qu’un individu Hura crepitans, sablier formait encore une puissante forêt en arrière de la plage de Grande anse. elle devait être totalement abattue le siècle suivant.

une autre déforestation massive, naturelle celle-là, fut l’éruption de la Montagne pelée en 1902. plateau concorde

un magnifique sujet de Sloanea caribaea, acomat boucan

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ce fut en plus d’une immense catastrophe humaine, une grande catastrophe écologique. entre le nord du carbet et le sud du prêcheur, tous les versants ouest de la Montagne pelée, alors boisée à partir de l’étage mésophile, probablement à partir de 300-400 m d’altitude, furent totalement anéantis. ces versants étaient une des régions de collecte les plus fréquentées du père duss et des directeurs du Jardin Botanique de saint-pierre. Manilkara bidentata, Balata ; Sideroxylon foetidissimum, acomat franc ; Cedrela odorata, acajou pays ; Drypetes serrata, café bois ; Annona montana, cachiman montagne, espèces mésophiles, y étaient présentes.

plus en altitude, sur le Morne calebasse, les Dacryodes excelsa étaient abondants et de taille remarquable. les reliques forestières qui se sont reconstituées sur ce versant n’ont pas encore été reconquises par ces espèces.

en revanche, au dessus de 800-1000 m une intéressante végétation caractéristique des sommets volcaniques des petites antilles s’est remise en place, probablement à partir de niches refuge sur le piton Marcel, le Morne sibérie et le piton Mont conil.

la seconde Guerre mondiale, durant laquelle la Martinique dut vivre en autarcie et puiser dans ses dernières ressources forestières (sans parvenir cependant à les anéantir complètement grâce à son relief extrêmement accidenté et complexe dans nombre de ses parties) fut l’occasion d’une nouvelle atteinte grave et insidieuse aux derniers beaux massifs forestiers de la Martinique.

après la seconde guerre mondiale, la forêt de Montravail, jadis d’une exceptionnelle biodiversité, fut reconvertie en plantation quasi exclusive de Swietenia macrophylla, Mahogany à grandes feuilles. cette forêt avait été prospectée et analysée en détail en 1937 par h. stehlé [2]. c’était un extraordinaire écotone xéro-méso-hygrophile où se mélangeaient alors arbres hygrophiles (Dacryodes, Sloanea, Protium, Guatteria) et arbres mésophiles (Buchenavia, Coccoloba, Byrsonima, Chione, Exostema) et même des espèces à tendance xérophiles.

certaines de ces espèces, actuellement, se réinstallent plutôt bien sous les Swietenia, mais on reste loin de la riche biodiversité de 1937.

2 La végétation sylvatique de l’Archipel caraïbe, thèse d’ingénieur docteur. Montpellier 1947.

Hura crepitans sablier

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La période récente 1980-2012l’ère des déforestations massive des reliques sylvatiques naturelles semble plus ou moins révolue. les consciences ont évolué, la préservation des équilibres écologiques et de la biodiversité mondiale est devenue une préoccupation planétaire (toutefois assez peu suivie d’effets).

en Martinique, l’augmentation des connaissances botaniques et écologiques a réalisé un progrès énorme au cours de ces 40 dernières années. la prospection systématique des derniers espaces de végétation naturelle est effectuée aux deux tiers. Mais il reste à réaliser la prospection du tiers final et il n’est pas le moins important, bien au contraire, car il concerne des zones très difficiles d’accès qui, précisément pour cette raison, constituent des zones refuge pour les plantes et la Faune.

la plus grande partie de ces espaces est aujourd’hui érigée en ZnieFF existantes ou en projet, en réserves naturelles effectives ou en cours d’agrément, en apB ou encore relèvent du domaine du conservatoire du littoral.

le projet unesco pour le classement au patrimoine mondial de l’humanité des massifs forestiers et espaces sommitaux des volcans de la Martinique représente un ultime effort pour mettre en synergie, en communication et en protection stricte et efficace tous ces espaces, dans le cadre d’un vaste projet global.

dans celui-ci sont pris en compte tous les types d’écosystèmes végétaux et animaux de la Martinique, l’ensemble complet des espèces autochtones et endémiques, les espaces de restauration naturelle, les couloirs écologiques.

la découverte intime, grâce à une exceptionnelle Grande trace ou trace mère reliant entre eux, et du nord au sud de l’île, tous ces espaces, paysages, et milieux uniques viendra couronner le projet en mettant à la disposition de tous l’exceptionnelle beauté et diversité de la Martinique sauvage et authentique.

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2.3.2. description des espaces majeurs du Bien proposé1 re aire du Piton Mont Conil et des mornes adjacents cette aire est, de toute la Martinique, la seule à posséder, autour de sites quasi inaccessibles (pain de sucre, Morne sibérie, partie supérieure de la rivière Girou et de la Grande rivière), des aires de végétation absolument primitives, c’est-à-dire jamais ou imperceptiblement modifiées par l’homme. elle est la seule, avec la 3e aire, à réunir (bien qu’à un moindre degré de perfection que cette dernière) tous les bioclimats et types forestiers de la Martinique (le type xérophile étant réduit à quelques espaces de crêtes basses et étroites autour du cap saint-Martin). avec l’aire n° 3 (pitons du carbet, Morne Jacob), elle fait partie des 2 seules aires possédant des espaces relictuels de forêt hygrophile primaire de la Martinique, et elle est absolument la seule à contenir quelques îlots de forêt sempervirente saisonnière intacte sur le sommet quasi inaccessible du piton de l’habitation étage et sur les lignes de crête qui surplombent ce dernier en direction du Mont conil. le cortège arboré total est au moins de 180 espèces entre 0 et 600 m. il est d’au moins 200 espèces si l’on ajoute la zone altitudinale (600 – 1.400 m).

sans doute par suite de la relative jeunesse géologique de ce secteur (entre 0,4 et 0,2 Ma) qui a limité les opportunités de colonisation par les plantes et animaux venant de l’extérieur, peu d’espèces végétales sont exclusivement propres à cette région. toutefois, deux petites espèces arborées ne sont connues que de ce secteur : Psychotria pleena (une rubiacée endémique de sainte-lucie et de Martinique) et Eugenia coffeifolia. deux autres espèces (plutôt arbustives) ne sont connues en Martinique que de cette aire et du sommet est de la Montagne pelée : Graffenriedia latifolia, crécré grandes feuilles et Duranta stenostachya, vanille marron.

2e aire de la Montagne Peléel’aire de la Montagne pelée est l’édifice le plus récent de la Martinique apparu il y a 200.000 ans dans un bras de mer qui séparait la partie principale de l’île du massif du Mont conil alors une île. elle possédait une très riche biodiversité avant l’éruption du 8 mai 1902. le versant ouest de la Montagne hébergeait de nombreuses stations botaniques riches en espèces, régulièrement visitées par le r.p. duss (Morne saint-Martin, lac des palmistes, Morne calebasse). on y rencontrait l’acomat franc (Syderoxylon foetidissium, le Balata ; Manilkara bidentata ; Cedrela odorata, l’acajou pays ; Hymenaea courbaril, le courbaril et des espèces très rares que le r.p. duss n’avait pas observé dans les autres parties de l’île comme Drypetes serrata ; Annona montana ; Persea urbaniana, laurier avocat. ces indications démontrent clairement que le versant caraïbe (ouest) de la Montagne possédait encore des reliques forestières de type mésophile dans leur partie la plus basse, qui, probablement, descendait jusque vers

paysages côtiers du Mont conil crêtes sauvages battues de vents violents, pitons aigus,

épaisses forêts tropicales

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400-500 m. cette végétation fut totalement anéantie le 8 mai 1902, causant une immense catastrophe écologique. aujourd’hui, 110 ans plus tard, une forêt entièrement secondaire, d’affinités hygrophiles, s’est installée au-dessus de 500-600 m du côté du Grand Bé. au-dessus de 800 m environ s’est reconstituée une savane semi arborée riche en espèces arbustives et herbacées de montagne souvent endémiques.

en effet, l’étage de végétation compris entre 800 et 1.200 m, c’est-à-dire le bord de la caldeira, héberge à lui seul, dans les phanérogames, au moins 14 espèces endémiques. tout d’abord 5 endémiques strictement martiniquaises (endémiques d’une île) : Miconia martinicensis ; Charianthus nodosus, Fuchsia montagne ; Clidemia latifolia, crécré grandes feuilles ; Pitcairnia spicata, ananas montagne ; Eupatorium medulosum. parmi ces 5 espèces, 2 sont même endémiques de la Montagne pelée : Clidemia latifolia et Eupatorium medulosum. les autres sont présentes également dans les aires sommitales des pitons du carbet et du Morne Jacob.

ensuite, au moins 9 espèces endémiques des petites antilles, c’est-à-dire dont la distribution va de 2 (Martinique comprise) à l’ensemble des petites antilles. ces espèces sont Miconia globuliflora, cré-cré montagne ; Tibouchina chamaecistus, thym Montagne ; Besleria filipes, herbe à miel ; Gesneria ventricosa, Gueule de loup montagne ; Schefflera attenuata, trompette à canon ; Epidendrum patens ; Epidendrum secundum (syn. Epidendrum elongatum subsp. Rubrum) ; Gaultheria swartzii, Myrtille montagne ; Freziera cordata, Goyave montagne. À part Besleria filipes, trouvé seulement sur la Montagne pelée et récemment, les autres espèces sont présentes également dans les espaces sommitaux des pitons et du Morne Jacob.

la zone mésophile du versant ouest de la Montagne pelée, comme nous l’avons indiqué plus haut, fut entièrement anéantie en 1902. il en fut bien évidemment de même pour la zone hygrophile qui présentait de magnifiques formations de Dacryodes excelsa, Gommier blanc autour du Morne calebasse, selon le père labat.

paradoxalement, cet anéantissement confère un intérêt exceptionnel à certains secteurs de reconstitution de la forêt mésophile et hygrophile. sous le Grand Bé (alt. 725 m), entre 250 et 700 m, dans une sorte de vaste triangle défendu par des ravines quasi infranchissables (ravine Madriers à l’ouest et ravine de la rivière des pères à l’est) s’est reconstituée une très belle forêt secondaire à partir d’un état zéro de la végétation, et en dehors de toute interférence anthropique. aucun site, dans les petites antilles, ne constitue un cas de figure aussi parfait pour l’étude des premiers stades sylvigénétiques de la forêt mésophile et hygrophile de la Martinique et de l’arc. il est indispensable qu’un programme de prospection et de recherche soit mis en place dans ce secteur.

eMpire des nuéesle sommet de la Montagne pelée dans la brume

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3 ème aire des Pitons du Carbet et du Morne Jacobcette aire comprend, sur le plan bioclimatique et floristique, trois ensembles distincts englobés au sein d’un continuum absolument ininterrompu (fait quasi unique dans les petites antilles) s’étendant, sous le vent, des sommets volcaniques au littoral caraïbe. on a donc :

- au-dessus de 700-800 m d’altitude, les espaces altitudinaux du Morne Jacob et des pitons du carbet. ce sont les plus riches en espèces endémiques strictement martiniquaises,

- entre 300 m (600 m sous le vent) et 700-800 m un vaste domaine de forêt ombrophile submontagnarde ou hygrophile de fort belle venue (et comportant plusieurs secteurs subclimaciques sur les pentes du Morne Jacob, dans la partie supérieure de la vallée de la rivière du lorrain, sur le Morne du lorrain lui-même et tout autour des pitons du carbet,

- sur la façade sous-le-vent des pitons, deux grands couloirs écologiques descendant sans interruption notable de la limite de la forêt hygrophile (ici vers 600 m d’altitude) jusqu’au rivage de la mer caraïbe. l’un, le plus large, descend du Morne rose et du Morne Gras jusqu’à la côte entre Fond laillet et le cap enragé. l’autre, plus étroit, du Morne Bois d’inde et du Bois concorde aux abords de Fond lahaye.

située majoritairement en altitude et donc soumise à des conditions bioclimatiques engendrant un isolement écologique des espèces végétales et animales, cette aire contient plus des deux tiers des endémiques arborées strictement martiniquaises (ou endémiques d’un île), soit 12 sur 18. ces espèces sont : Buxus subcolumnaris, petit buis ; Charianthus nodosus, Fuchsia montagne ; Cybianthus dussii, caca ravet ; Inga martinicensis, poix doux montagne ; Drypetes dussii, Bois moussara ; Miconia martinicensis, cré-cré montagne ; Oreopanax ramosissimus ; Schefflera urbaniana, aralie grands bois ; Rondeletia martinicensis, résolu montagne ; Wallenia lamarckiana, Baibaiba ; Myrcia martinicensis, Bois guepois ; Aiphanes minima [3]. 6 de ces espèces (Cybianthus dussii, Drypetes dussii, Oreopanax ramosissimus, Schefflera urbaniana, Wallenia lamarckiana et Aiphanes minima) n’existent que dans le massif des pitons et du Morne Jacob et sont donc absents de la Montagne pelée.

cette vaste aire contient également un nombre très élevé d’espèces arborées endémiques des petites antilles, c’est-à-dire endémiques de 2 à l’ensemble des îles des petites antilles. en effet, sur les 85 espèces de ce type répertoriées en Martinique pour tous les types forestiers, 64, c’est-à-dire une large majorité, est présente dans cette aire. ne pouvant pas toutes les citer, nous signalerons seulement les plus rares, celles qui ne se rencontrent que

3 aiphanes minima est pris au sens de J. Fournet et c. sastre. Flore illustrée des phanérogames de Guadeloupe et de Martinique, 2002.

les versants ouest des pitons du carbet

de Fond Bpoucher au plateau concorde, les versants des pitons du carbet

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dans cet espace : Euterpe broadwayi, Oreopanax dussii, Protium attenuatum, Clusia mangle, Henriettea lateriflora, Eugenia chrysobalanoides, Ternstroemia oligostemon, Cinnamomum falcatum, Ocotea jacquinii.

enfin, un certain nombre d’espèces arborées non endémiques, mais néanmoins très rares, n’ont été rencontrées que dans cet espace commun : Sloanea berteriana, Turpinia occidentalis, Podocarpus cariaceus, Blepharocalyx eggersii. 2 autres bonnes espèces arborées, une Malpighiacée et une Myrtacée n’ont pu être nommées à ce jour et pourraient bien constituer des taxons nouveaux pour la science, ou au moins, pour les petites antilles.

en conclusion, ce vaste espace, grâce à son importante dénivellation (de 0 à 1.200 m), ses multiples bioclimats, sa distribution sous les deux versants de l’île, au vent et sous-le-vent, est le plus riche des 5 en espèces arborées, autochtones et en espèces endémiques. dans l’état actuel des investigations réalisées dans le cadre des programmes ZnieFF et des travaux de thèses récents, on peut évaluer à 250 le nombre d’espèces arborées autochtones présentes dans cette aire (110-120 en zone hygrophile, 80-90 en zone mésophile et 40-50 en zone xérophile).

4 ème aire de la Presqu’île de la Caravelle, la Pointe Bateau et la Pointe Jean-Claudela presqu’île de la caravelle dans sa forme actuelle, s’est édifiée il y a 23 Ma en une île isolée à la fois du continent américain et d’une autre île ancestrale qui deviendra plus tard la presqu’île de sainte-anne. la végétation primitive qui la recouvrait encore à l’époque précolombienne, et peut-être même en 1635, avait bénéficié de millions d’années d’apport naturel d’espèces colonisatrices, dont certaines avaient développé des adaptations nouvelles et même des formes nouvelles endémiques. c’était donc une forêt variée et complexe dans laquelle se trouvait certainement des espèces aujourd’hui disparues.

actuellement, seule la forêt sempervirente saisonnière tropicale secondaire d’horizon inférieur recouvre la presqu’île, la quasi totalité de son territoire ayant été déboisé à une époque ou une autre du passé. Malgré ces transformations profondes et irrémédiables, ce vaste espace boisé conserve une indéniable qualité paysagère. À quelques kilomètres à vol d’oiseau, la pointe Bateau et la pointe Jean-claude offrent des reliques boisées très proches de celles de la caravelle mais étonnamment bien préservées, possédant de belles populations de Sideroxylum foetidissimum, acomat franc, espèce arborée de l’ancien climax de la zone inférieure à tendance sèche. ces bois représentent un stade dynamiquement plus évolué des forêts de la caravelle proche.

paysage littoral de la caraVelle Grandes baies paisibles, îlets, caps sauvages

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les 3 îletsdu Morne larcher,vers le Morne Genty en saison sèche

la caravelle renferme une espèce arborée endémique stricte de la Martinique Coccoloba caravellae, raisinier grandes feuilles de la caravelle et plusieurs autres espèces arbustives qui n’ont été trouvées que sur son territoire comme Eugenia procera (retrouvé récemment) et Exostema caribaeum. d’autres espèces arborées, bien que territorialement non exclusivement liées à la caravelle, méritent d’être citées pour leur rareté comme Myrciaria floribunda, coco caret ; Eugenia tapacumensis (syn. Eugenia strictopetala) ; Crataeva tapia, Grand cosmaya, Grand saint aurin.

Mais c’est dans le règne des champignons supérieurs que la presqu’île de la caravelle et les pointes Jean-claude et Bateau sont les plus remarquables au niveau de la biodiversité. les genres Lactarius, lactaires et Boletus (sensu lato) sont pauvres en espèces dans les forêts néotropicales, ainsi que le genre Amanita, amanite. quatre espèces de lactaires nouveaux pour la science n’ont été à ce jour trouvées qu’à la caravelle (Lactarius caribaeus, Lactarius nebulosus, Lactarius castaneibadius, Lactarius murinipes), ainsi que deux espèces de bolets spectaculaires et une grande amanite. ces 3 dernières espèces sont encore indéterminées.

5 ème aire de la Presqu’île des Trois-Îletsl’ancienneté géologique globale de la presqu’île des trois ilets (entre 7 et 1 Ma), la très grande diversité topographique alternant mornes et sommets à pentes souvent fortement accentuées, ravines étroitement encaissées favorables à de nombreux microclimats locaux, petits plateaux et falaises littorales ou intérieures, sont des facteurs favorables au développement d’une riche biodiversité globale. en outre, la déclivité souvent très forte du secteur, l’abondance des zones pierreuses ou rocheuses, la pluviosité annuelle moyenne souvent très réduite (la région du cap salomon, du Morne champagne, du Morne Jacqueline et une des plus arides de l’île, la moyenne annuelle des précipitations s’établissant autour de 1000-1100 mm) ont sévèrement réduit les possibilités d’une agriculture extensive et rentable. la presqu’île, de ce fait, ne semble pas avoir subi une déforestation aussi complète, comme ce fut le cas dans la presqu’île de la caravelle. la persistance, il est vrai en nombre très réduit d’individus, d’espèces caractéristiques de l’ancien climax xéro-mésophile ou sempervirent saisonnier tropical d’horizon inférieur, aurait été totalement impossible en cas de coupes à blanc généralisées sur l’ensemble de la péninsule. en effet, ces espèces du stade climax sont très majoritairement caractérisés par des diaspores lourdes (ex. Pouteria martinicensis et Pouteria multiflora) à très lourdes (comme celles de hymenaea courbaril). leur capacité de dispersion est très faible et leur reconquête territoriale infiniment lente.

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tout ceci explique certainement à la fois la remarquable importance de la surface boisée relictuelle (autour de 1.800 ha) et le nombre très élevé d’espèces arborées autochtones présentes dans cette aire. ce nombre est même stupéfiant si l’on considère qu’il est obtenu pour un seul type de milieu, la forêt xéro-mésophile) et un seul type d’étage bioclimatique.

en effet, l’aire proposée au classement au patrimoine mondial de l’humanité (1.800 ha environ) compte, dans l’état actuel des investigations, autour de 160 espèces arborées autochtones, essentiellement de type xéro mésophile, une petite proportion seulement étant de type mésophile et ayant trouvé refuge dans les fonds de ravine du versant trois-Îlets. ces espèces sont essentiellement Ormosia monosperma, caconier rouge ; Simaruba amara, Bois blanc ; Quararibea turbinata, Bois lélé ; Cordia sulcata, Mahot coré et Ocotea leucoxylon, laurier fine.

parmi ces 160 espèces arborées, 9 ne se rencontrent que dans cette aire et sont donc totalement absentes du reste de la Martinique :

1-Pouteria martinicensis, pain d’épices de la Martinique. cette espèce n’est connue avec certitude que des ravines de la presqu’île, le type en étant originaire ; 2-Clusia sp. indéterminée, proche de Clusia major ; 3-Licaria triandra, Bois fourmis ; 4-Senna atomaria, casse savane ; 5-Erythroxylum brevipes, cerisier bâtard ; 6-Tetrazygia angustifolia, crécré petites feuilles ; 7-Xylosma buxifolium, attrape sot ; 8-Colubrina elliptica, Bois mabi ; 9-Calyptranthes elegans, Bois petites feuilles.

12 espèces sont rarissimes à l’échelle de l’île (et souvent des petites antilles), n’y étant connues que de 2 ou 3 stations, chacune de ces dernières, en outre ne comportant que quelques individus. la où les stations de la presqu’île sont généralement les plus importantes de l’île.

ces espèces sont, pour l’essentiel :

1-Brosimum alicastrum, noix pain à la Jamaïque. le fruit (noix) est comestible ; 2-Exostema sanctae-Luciae, Bois tabac ; 3-Exothea paniculata, Bois de fer à porto-rico, Bois Mulet à haïti ; 4-Antirhea coriacea, Mapou noir ; 5-Ternstroemia peduncularis, Bois vert, 2 stations dans l’île ; 6-Prockia crucis, pas de nom vernaculaire. trois stations dans l’île. deux ou trois pieds dans chacune ! ; 7-Randia nitida, petit coco grandes feuilles quatre stations dans l’île ; 8-Morisonia americana, sapotille bâtard, quatre stations environ ; 9-Hura crepitans, sablier, plus que deux stations naturelles dans l’île ; 10-Zanthoxylum flavum, Bois noyer surexploité jusqu’à la quasi extinction. quatre stations dans l’île, 2 dans la presqu’île des trois ilets ; 11-Cupania triquetra, Zyeux à crabe, deux stations connues ! ; 12-Sideroxylon foetidissimum, acomat franc, surexploité jusqu’à la quasi extinction jadis. cinq stations dans l’île. en lente reconquête sur les pentes du Morne d’orange.

les 3 îletsle Morne clochette vu du Morne Genty en saison sèche

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comme dans toutes les forêts de la zone basse et sèche, les espèces endémiques sont en tout petit nombre. néanmoins, excepté Coccoloba caravellae, raisinier grandes feuilles de la Martinique, l’aire de la presqu’île des trois-Îlets, rassemble la quasi-totalité des espèces arborées endémiques de la région basse et sèche présentes en Martinique :

1-Pouteria martinicensis, pain d’épice de la Martinique. endémique strictement martiniquaise. le type (duss 258 conservé au Mnhp) provient des basses ravines venant mourir au-dessus des trois-Îlets. les autres espèces sont endémiques des petites antilles ; 2-Calyptranthes elegans, Bois petites feuilles, endémique Martinique et sainte-lucie ; 3-Eugenia greggii, Bois cendre, endémique Guadeloupe, dominique, Martinique, sainte-lucie ; 4-Eugenia hodgei, endémique Martinique et dominique ; 5-Eugenia trinitatis, endémique Martinique, sainte-lucie et Grenade ; 6-Pisonia suborbiculata, petit Mapou, endémique dominique, Martinique et sainte-lucie ; 7-Exostema sanctae-luciae, Bois tabac, endémique Guadeloupe, dominique, Martinique, sainte-lucie, saint-vincent ; 8-Croton bixoides, Beaume blanc, endémique dominique, Martinique, sainte-lucie, saint vincent, Grenade ; 9-Calliandra slaneae, pompon rouge ; 10-Cordia Martinicensis, Mahot noir ; 11-Cordia mesophila, Mahot noir. deux petits arbres présents en Martinique et endémiques des petites antilles.

en conclusion, l’aire boisée de la presqu’île des trois-Îlets constitue un ensemble d’habitats xéro-mésophiles exceptionnel pour la protection des végétaux propres à ce type de végétation. au moins, 160 espèces arborées autochtones (plus d’espèces arborées que dans toute la forêt hygrophile type du Morne Jacob et des pitons du carbet). 9 espèces arborées autochtones présentes uniquement dans cette aire ; 12 autres extrêmement rares, dans la presqu’île et davantage encore en dehors d’elle, en limite de viabilité (populations trop restreintes) mais précieuses par suite de leur rareté même ; enfin 10 espèces arborées endémiques, 1 de la Martinique, 9 endémiques des petites antilles et présentes en Martinique, un nombre extrêmement élevé pour la zone basse et moyenne, peu riche en endémiques. la dynamique forestière est excellente dans l’ensemble, la capacité de restauration globale, y compris et surtout des espèces de l’ancien climax est élevé.

6 ème aire dispersée du sud de la Martiniqueplusieurs aires du sud de la Martinique, déjà érigées en ZnieFF, méritent d’être intégrées au projet général de classement au patrimoine mondial. chacune des aires sélectionnées présente un ensemble de caractères uniques ou exceptionnels sur le rapport de la biodiversité.

La Montagne du Vauclinla Montagne du vauclin est un des plus anciens volcans de la Martinique. elle présente

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la particularité de posséder 2 espèces arborées ou arbustives endémiques strictes de la Martinique dans ses reliques boisées : Eugenia gryposperma, cerise montagne, retrouvé nulle part ailleurs dans l’île et Ardisia magdalenae.

Les Mornes calcaires de Sainte-Anneces mornes boisés présentent l’intérêt de faire partie des rares aires naturelles martiniquaises possédant un soubassement calcaire et non volcanique. ils possèdent les dernières et uniques reliques naturelles de Gaïac Guajacum officinale, espèce en voie d’extinction dans les petites antilles, et plusieurs espèces arborées calciphiles, peu abondantes ailleurs comme Capparis cynophallophora, Bois négresse ; Gyminda latifolia, petit Merisier ; Schaefferia frutescens, Bois capable et Forestiera rahmnifolia, Graines bleue bâtard.

Le Morne Acas’étageant entre 0 et 250 m d’altitude et creusé d’une ravine étroite et profonde favorable aux inversions de végétation, le Morne aca est une des plus riches reliques de la forêt sempervirente saisonnière de la Martinique. plus de 100 espèces arborées autochtones y ont été recensées. le fond de la ravine Grandjean héberge la plus importante relique martiniquaise de Hura creptitans, sablier.

La Ravine Saint-Pierre et le Morne Préfontaineégalement une autre très belle relique de la forêt sempervirente saisonnière tropicale de la Martinique. plus de 100 espèces arborées recensées dont trois très rares : Picrasma excelsa, Bois amer ; Brosimum alicastrum, noix pain (à la Jamaïque) ; Myrcianthes fragrans, Bois pelé.

Le Morne David et le Bois la Charlescette aire mésophile est remarquable à plusieurs titres : la puissance des arbres, surtout dans les Ficus, Ceiba tabebuia buchenavia ; la présence d’espèces arborées rares comme Exosterma caribaeum, Bois tabac ; Maytenus guianensis, acrocomia aculeata et surtout celle, relictuelle de quelques rares pieds de Dacryodes excelsa, Sloanea massoni, Chimarrhis cymosa, espèce hygrophile en limite inférieure. cette relique confirme la présence à l’époque amérindienne, à très basse altitude du Gommier blanc, Dacryodes excelsa, dans la façade au vent de l’île et dans la partie centrale du sud, à partir de 100-150 m d’altitude.

parcours littoral à la base du Morne aca

la descente de la ravine saint pierre à trois rivières

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2.4. paysages de qualité esthétique exceptionnelle

la délimitation du Bien central proposée rassemble tous les espaces bioclimatiques types ainsi que tous les étages de végétation de la Martinique. elle englobe de ce fait la plus grande partie des plus beaux paysages naturels de la Martinique. de l’avis quasi unanime des voyageurs, des naturalistes, des amoureux de belle nature, la Martinique offre une diversité de paysages naturels tout à fait exceptionnelle. ile née de l’assemblage d’îles protohistoriques, île archipélique, ou île monde, elle offre, dans le périmètre du Bien de cœur, un concentré de l’archipel et de ses paysages, et, dans une certaine mesure, du paysage néotropical.

d’abord de magnifiques paysages littoraux profondément contrastés. paysages de falaises sauvages, de crêtes inaccessibles battues de vents violents, de pitons aigus et abrupts, d’épaisses forêts tropicales dévalant presque à pic dans la mer caraïbe (espace forestier et montagneux entre l’anse couleuvre et Fond Moulin).

paysage d’une ample baie à l’arc de cercle presque parfait, inondée de lumière scintillante l’après midi, ouverte sur l’infini de la mer et les soleils couchants le soir, adossée à la ville de saint pierre et au cône majestueux et élancé de la Montagne pelée. Grands mornes côtiers boisés, couverts de forêts sèches, entaillés de ravines demeurées sauvages, lumineux et arides, couleur de paille, d’herbe flétrie, de feuilles mortes six à huit mois de l’année entre le Morne larcher et l’anse Mathurin.

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Grande presqu’île aujourd’hui retournée à l’état forestier et sauvage, inondée de lumière, alternant forêts sèches, grandes baies paisibles, caps et lignes de crêtes, petites anses secrètes dissimulées entre les palétuviers, longues grèves sinueuses grises ou éblouissantes de blancheur, parfois pavées de roches multicolores et rouges arrachées aux pentes boisées adjacentes par les violentes pluies d’hivernage (espace forestier entre la station météorologique et spoutourne).

paysages de l’intérieur ensuite : grands bois de l’intérieur semi-humides dans la presqu’île des trois ilets, vestiges amoindris de la grande forêt mésophile ancestrale, il y a deux millénaires parcourus par les graveurs et polisseurs de pierre, les fouilleurs de Kanawa, à une époque où abondaient encore, dans les hauteurs du sud de l’île, des Gommiers blancs de plus de 2m de diamètre [4]. Grands bois pluvieux de la zone hygrophile dans l’ample bassin venant de la rivière du lorrain et à la base des pitons du carbet, déployant leur canopée aux lointains verts et bleus dans un moutonnement irrégulier de frondes en dômes ou en boules gigantesques.

paysages de « pays perdu », aujourd’hui encore presque inaccessibles entre le piton Mont conil, le Morne sibérie et le Morne Macouba. reliefs violents, et comme taillés à la hache, faits de gorges, de précipices, de canyons étroits, parfois profonds de plus de 400 m, et de pains de sucre aux pentes infranchissables.

4 - père r. Breton. Dictionnaire Caraïbe français (1665) éd. Karthala p56 : « larges de huit ou dix pieds par le milieu ». telle était selon Breton, la dimension des pirogues, canots monoxyles, et donc creusés dans le tronc des gommiers blancs- dacryodes excelsa.

littoral Mornes et caps arides

paysages côtiers Mornes montagneux, secs et lumineux

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paysages de sommets volcaniques, caldeira de la Montagne pelée, petits plateaux et petits cols, comme suspendus, entre les trois grands pitons Boucer, dumangé et de l’alma. Monde de brumes et de brouillards permanents, de mousses et de lichens, paysages fantasmagoriques créés par le jeu éternellement mouvant des ombres, des nuages, des trouées de lumière et d’azur. Monde de végétations rares, de buissons si serrés et si compacts de Fuchsia montagne qu’ils revêtent, en surface, l’aspect d’une étrange pelouse piquetée de flèches florales multicolores, des broméliacées*, des frondes fertiles d’étranges fougères, et des palmiers nains rabougris par les vents.

Mais dans les îles tropicales humides comme la Martinique, où la grande forêt tropicale est le paysage de climax, le paysage primordial, celui qui a précédé l’homme et qui lui succèdera, il y a également, tout aussi varié, le paysage à l’intérieur du paysage, le paysage intra-forestier, ou plutôt les paysages intra-forestiers. le paysage du sous étage des arbres petits et moyens, clair et dégagé, des très vieilles forêts et des forêts primaires, rythmé par la présence régulière mais distante des fûts énormes des arbres de première grandeur, surchargés de puissantes lianes ligneuses entrelacées, et encombrés de nombreuses épiphytes basses : fougères grimpantes, polypodes, cyclanthacées, pipéracées et mousses.

paysages intérieurs étonnamment divers : troncs brun rouge vif et tortueux des Gommiers rouges se détachant, en forêt xérophile, sur l’ocre pâle des calcaires des morne de sainte-anne ; fûts ocre-jaune, saumon, orangé des forêts de bois d’inde, de Bois pelés, et de Bois grillés, tranchant

pays perdu / la Montagne pelée, du Morne sainte-croix

paysages de l’intérieur / Grands bois hygrophiles

paysages de l’intérieur / canopée de la forêt hygrophile

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sur le vert extrêmement dense, presque noir, des houppiers dans les forêts mésophiles du Gros Morne de Gallochat, du Morne préfontaine et de ravine st pierre ; Gommiers blancs géants de la forêt hygrophile du Morne Bellevue, s‘élançant d’un seul jet jusqu’à une vingtaine de mètres de haut, parmi les châtaigniers, les Magnolias et les Bois côte, où leurs houppiers se stabilisent à une quarantaine de mètres de hauteur.

il ne faudrait pas oublier non plus les infinis micro-paysages des plantes basses, des troncs couchés géants et de la litière, avec leur cortèges de fougères, de sélaginelles, leurs champignons éphémères mais souvent aux couleurs éclatantes et aux formes et structures d’une infinie variété.

une telle profusion paysagère, sous-tendue par une biodiversité des plus intenses, est une véritable expédition dans ce que le vivant offre de plus sensible à toute la perception.

la rencontre avec les états naturels primordiaux se voit galvanisée par des surgissements de beautés où la foudre lumineuse, la pénombre, les entrelacements d’éclats et de profondeurs, les splendeurs végétales des plus humides au plus sèches. À cette aventure dans le vivant, s’ajoutent les présences-absences des peuples amérindiens, ou celle de ces esclaves qui, pour fuir les grandes habitations, avaient dû eux aussi se confronter à ce voyage, de nuit comme de jour. on imagine alors ce que cette vitalité forte, cette profusion paysagère, offre comme ivresse aux assises de l’esprit : le sentiment d’une autre liberté.

paysage intérieur / Forêt hygrophile dans la zone primitive

Micro-paysages / Fleur du magnolia, Talauma dodecapetala

bruMes et brouilards / la caldeira de la Montagne pelée

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3. éléMents d’analyse coMparatiVe3.1. analyse coMparatiVe du VolcanisMeles volcans classés suivants appartenant à des contextes géodynamiques totalement différents de celui de la Martinique ne peuvent être retenus dans le cadre d’une analyse comparative rigoureuse :- réunion, pitons, cirques et remparts, France,- teide, parc national, espagne,- hawaii, parc national, usa,- virunga, parc national, république démocratique du congo,- aïr et ténéré, réserve naturelle, niger,- Jeju, île volcanique, tunnels de lave, corée du sud,- chaîne des puys, France, 2013 (en cours de classement).seuls les volcans suivants formés dans un contexte géodynamique de subduction se prêtent à une telle analyse comparative :- deux pitons volcaniques, sainte-lucie (antilles),- Morne trois pitons, la dominique (antilles),- Îles éoliennes, italie,- tongariro, parc national, nouvelle-Zélande,- Kamchatka, russie,- sangay (+ tungurahua), équateur,- shiretoko (péninsule, ozen), Japon.

dans cette liste, seuls les deux pitons volcaniques de sainte-lucie et le Morne trois pitons de la dominique appartiennent au contexte géodynamique paradoxal de la caraïbe. le classement de la Martinique permettra de couronner le classement de cette zone de subduction qui, par son histoire géologique est tout à fait singulière et a en conséquence une valeur universelle exceptionnelle.

l’édifice volcanique de la pelée

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les deux pitons de sainte-lucie illustrent « l’histoire volcanique d’un volcan composite andésitique associé à une subduction de plaque de l’écorce terrestre ». le patrimoine classé occupe une superficie de 2.909 ha.

le parc national du Morne trois pitons a été inscrit pour « ses volcans, ses rivières et ses chutes d’eau illustrant des processus géomorphologiques en cours d’une grande valeur panoramique et pour la diversité de sa flore comportant des espèces endémiques de plantes vasculaires ». le patrimoine classé occupe une superficie de 7.000 ha.

la partie centrale du monument naturel de la Martinique proposé au patrimoine mondial occupe une superficie d’environ 229 km².

elle présente une mosaïque de formes telluriques, une compacité et une délimitation naturelle de l’ensemble, des volcans individualisés et des alignements de volcans correspondant souvent à d’anciennes îles volcaniques, une bonne lisibilité des structures géologiques, une accessibilité des sites, une intégrité des objets géologiques, une grande variété de roches magmatiques, différents modèles de fonctionnement de chambres magmatiques et une large palette de dynamismes éruptifs.

son histoire récente en a fait un haut lieu du volcanisme mondial (critère viii). son classement permettra de consacrer des paysages volcaniques majestueux façonnés par la répétition d’éruptions suivies de phénomènes de déstabilisation de flanc (critère vii).

la diversité de sa flore et sa faune résiste à une comparaison avec celle des deux autres sites classés (critère x).

Mais surtout, le rapprochement des éléments apportés (critère viii) de ceux (du critère x) montre que le monument naturel proposé constitue incontestablement un laboratoire de première importance pour comprendre les phénomènes d’évolution des espèces, de spéciation géographique et d’endémisme en relation avec l’histoire géologique de la Martinique et de la région caraïbe (critère ix).

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3.2. analyse coMparatiVe des espèces endéMiques strictes de la Martinique et des îles enVironnantes

3.2.1. endémisme de la Faunenous avons vu précédemment que les inventaires concernant la faune de la Martinique, s’ils sont complets pour les vertébrés terrestres, sont loin de l’être pour les invertébrés. de nombreuses familles d’insectes et d’araignées sont encore très mal connues, non seulement à la Martinique mais aussi dans les autres îles des antilles et de nouvelles espèces, non encore signalées ou nouvelles pour la science sont découvertes chaque année. des inventaires concernant plus particulièrement les antilles françaises sont en cours de réalisation et des ouvrages sur les orthoptères et les Mollusques terrestres doivent paraître sous peu. quelques comparaisons ont été faites pour certaines familles de lépidoptères (rhopalocères) et de coléoptères (Cerambycidae et Scarabaeidae). une étude récente a également été réalisée sur les Mollusques terrestres : analyse comparative des espèces endémiques strictes avec les îles environnantes Guadeloupe 9 espèces (Bouchet & cosel, 1991) ; dominique 15 espèces (robinson et al. 2009) ; Martinique 11 espèces (Bouchet & cosel, 1991). cependant les dernières recherches effectuées et en cours de publication porte à 16 espèces au moins le nombre des espèces endémiques strictes de la Martinique. la Martinique apparaît actuellement comme l’île des petites antilles où le nombre d’espèces de mollusques terrestres endémiques est le plus important. Globalement les différences concernant la faune n’apparaissent pour l’instant pas vraiment significatives et il est difficile de comparer, du point de vue espèces, des îles qui n’ont pas la même superficie, la même topographie, le même régime hydrique, etc.

pour la Martinique, les espaces sélectionnés, caractérisés par des écosystèmes forestiers de qualité, constituent un réservoir biologique dans lequel certaines espèces d’insectes rares se maintiennent. nombreux sont les travaux dont les résultats montrent que le haut niveau de structuration des forêts humides tropicales constitue un lieu de conservation de divers processus d’évolution indispensables au maintien d’un patrimoine biologique. par conséquent, les massifs forestiers de la Montagne pelée, véritables laboratoires écologiques supportant une végétation remarquable (certains secteurs encore proches d’un état climacique) et toujours au centre d’inventaires faunistiques, doivent faire impérativement l’objet de mesures conservatrices dans leur globalité, en vue de préserver des processus biologiques complexes conduisant au maintien des habitats d’espèces rares et quelquefois menacées.

Forêt hygrophile

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3.2.2. Biodiversité végétale, fongique - endémismel’aire centrale du continuum martiniquais « pelée-pitons / péninsule du sud-ouest » possède le nombre le plus élevé d’arbres forestiers autochtones recensés dans un parc ou une réserve des petites antilles, soit 321 espèces autochtones. en effet seulement 300 espèces arborées ont été recensées dans le parc national de Guadeloupe et 245 espèces de plantes sur les pitons de sainte-lucie. la Martinique est d’ailleurs l’île qui héberge le plus grand nombre d’espèces arborées autochtones des petites antilles : 377, alors que la Guadeloupe en accueille seulement 368 (Rollet 2010), mais sur une superficie sensiblement plus grande (1.600 km2 avec les dépendances). les autres îles, nettement plus petites, sont aussi moins riches.

sur les 321 espèces arborées autochtones présentes dans le continuum martiniquais proposé au classement, environ 88 (78 en zone de montagne au-dessus de 400 m et 10 seulement dans la zone basse) sont endémiques des petites antilles, c’est à dire endémiques d’une seule île ou de deux îles ou davantage. pour la Guadeloupe ce chiffre, selon rollet, s’élève à 71, pour la dominique à 58, pour sainte-lucie à 56, pour saint-vincent à 33. ainsi, dans son seul périmètre, le Bien délimité contient plus d’espèces arborées endémiques des petites antilles que n’importe laquelle des autres îles prise dans sa totalité.

enfin, la Martinique est l’île possédant le plus grand nombre d’espèces arborées endémiques d’une île. elle en contient 13, 11 dans sa zone de montagne et 2 dans sa zone basse. sur ces 13 espèces 12 sont incluses dans le périmètre du continuum proposé au classement. les espèces endémiques d’une île sont au nombre de 5 pour la dominique, de 4 pour sainte-lucie, de 3 pour la Guadeloupe et de 1 pour chacune des trois îles suivantes : saint-vincent, Grenade et Barbade. dans l’aire proposée au classement, la biodiversité est également très grande dans le domaine des ptéridophytes ou Fougères et dans celui des Bryophytes ou Mousses. pour toute l’île, environ 218 espèces de Fougères ont été répertoriées (Bernard 2012) et 355 espèces de Mousses (Lavocat 2012), dont 90 % au moins sont dans le continuum. ces premiers chiffres sont inférieurs d’un tiers environ à ceux connus pour la Guadeloupe mais la surface de la Martinique ne représente que les 2/3 de celle de la Guadeloupe et de ses dépendances, et elle a été beaucoup moins prospectée dans ces domaines. Malgré ce déficit de connaissance et cette moindre superficie, le rapport surface/espèces est similaire à celui de la Guadeloupe.

dans le seul groupe des champignons à lamelles 224 espèces ont été recensées à l’intérieur du périmètre du continuum central. parmis elles, 34 sont entièrement nouvelles. le nombre d’espèces potentiellement présentes en Martinique est énorme, très probablement supérieur à 1.500 espèces (Courtecuisse, Fiard et collaborateurs).

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4. éléMent pour la protection et la gestion4.1. eléMents concourant à l’intérgité du bien

ces grands espaces naturels d’intérêt exceptionnel sont déjà dans leur quasi intégralité, inventoriés en ZnieFF de type i et bénéficient également de protections fortes.

- site classé, réserve Biologique intégrale, propriété du conservatoire du littoral et Forêt départementalo-domaniale pour la 1 re aire.

- ZnieFF, réserve Biologique intégrale et forêt domaniale pour la 2 e aire.

- réserve Biologique intégrale en cours de signature, ZnieFF de l’ensemble du secteur et forêt d’exception en cours de mise en place pour la 3 e aire dans sa partie hygrophile. ZnieFF de type i pour la coulée boisée xéro et xéro-mésophile descendant du Morne rose au littoral et compléments de prospections et de protection prévus pour cette partie.

- propriété du conservatoire du littoral et réserve biologique intégrale pour la branche Morne pavillon, pointe caracoli de la presqu’île de la caravelle pour la 4 e aire et démarches en cours pour l’indispensable extension de la réserve à la branche Morne pavillon – pointe Bruntz et Baie Granjean.

- ZnieFF de type i pour toute la partie boisée de la presqu’île des trois-ilets 5 e aire et classement en apB en cours de toute la zone ZnieFF pour confortation de protection de cet espace xéro-mésophile si remarquable.

- ZnieFF et parfois apB pour le 6 e espace, Montagne du vauclin, Mornes calcaires de sainte-anne, Morne aca, ravine saint-pierre et Morne préfontaine, Morne david et Bois la charles, pointe Bateau et Jean-claude.

ces espaces d’exception sont entièrement intégrés, dans leurs limites d’inventaire ou de protection actuelles, ou parfois dans des limites localement élargies, dans le présent projet de classement unesco.

comme cela est évoqué au début du document, les projets en cours sur le territoire vont eux aussi dans le sens du maintient de l’intégrité du Bien naturel.

une exploitation dans la vallée du lorrain, les pitons du carbet à l’arrière plan

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une exploitation dans la vallée du lorrain, les pitons du carbet à l’arrière plan

4.2. protections et plans de gestion existantsles espaces du continuum proposé sont relativement bien préservés. ces zones ont été partiellement inventoriées pour leur biodiversité dans le cadre d’études spécifiques ou de programmes nationaux comme celui des ZnieFF. elles sont pour la plupart protégées par des mesures de protection locales ou nationales.

classement au titre des sites, comme patrimoine national :

- site classé des Mornes de la pointe du diamant et du rocher du diamant,

- site classé des versants nord-ouest de la Montagne pelée (vnoMp),

- site classé de la presqu’île de la caravelle,

- un nouveau site classé est en cours sur la commune de sainte-anne, incluant les mornes calcaires du sud. une opération Grand site y est associée,

- le Morne aca est un site inscrit, également en ZnieFF, situé sur les terrains du conservatoire du littoral.

classement en réserves Biologiques intégrales (rBi) :

- rBi de la Montagne pelée,

- rBi de prêcheur-Grand’rivière,

- rBi des pitons du carbet.

les 2 dernières sont en cours d’instruction. les rBi sont toutes accompagnées d’un plan de gestion et leur gestion est suivie par un comité consultatif des réserves biologiques.

réserve naturelle nationale de la caravelle. elle est dotée d’un plan de gestion et d’un conseil consultatif de gestion. il est prévu une extension.

une partie du site proposé est propriété du conservatoire du littoral (Montagne pelée, rocher du diamant, Morne larcher, Morne aca, pointe Borgnese), sainte-anne.

le Bois la charles (saint-esprit) est couvert par un arrêté préfectoral de protection de biotope (apB).

certains mornes calcaires de sainte-anne (caritan, amérique du nord, amérique du sud, Belfond) sont protégés par un arrêté de protection de biotope (aBp).

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un projet d’arrêté de protection de biotope (aBp) porté par les scientifiques porte sur les Mornes du sud-ouest (communes des anses d’arlet, des trois-Îlets, du diamant et de rivière-salée).

le Morne préfontaine et la ravine saint-pierre (sainte-luce), la Montagne du vauclin (vauclin), la zone cap enragé-Morne rose (communes de Bellefontaine - case-pilote) sont couverts par des ZnieFF et les scientifiques ont recommandé une protection sous forme d’apB ou de réserve naturelle.

le site classé des vnoMp fait l’objet d’un plan de gestion depuis les années 2000. un nouveau plan d’actions validé en 2010 prévoit l’amélioration des connaissances du site, dans les domaines suivants : paysage, anthropologie, histoire, archéologie, botanique. des aménagements permettant de mieux gérer la fréquentation, de valoriser le site, de le préserver sont également prévus et en cours. les réserves Biologiques intégrales font chacune l’objet d’un plan de gestion propre.

le conservatoire du littoral mène une politique de protection et valorisation de ses sites, comprenant des plans de gestion, des aménagements pour gérer l’accueil et la fréquentation, des actions d’animation.

une démarche de labellisation « Forêt d’exception » portée par l’office national des Forêts est en cours sur les forêts départementalo-domaniales de la Montagne pelée et des pitons du carbet. la forêt des volcans de Martinique est -à l’heure actuelle- la seule forêt d’outre-mer engagée dans cette démarche de labellisation qui vise à préserver et mettre en valeur les différents patrimoines forestiers, dans un soucis d’exemplarité en matière de développement durable et de gouvernance partagée.

les menaces qui pèsent actuellement sur ces zones sont principalement d’origine anthropique avec l’urbanisation et la fragmentation des habitats. les zones les plus pentues et arrosées peuvent être fragilisées par une sur-fréquentation en particulier sur les lignes de crêtes qui sont les ouvertures les plus fragilisantes pour ces massifs montagneux. de nombreuses actions de police sont mises en place pour lutter contre ces dégradations.

la mise en place de nouvelles mesures de protection sur les zones actuellement peu ou pas protégées pour leur biodiversité est souhaitable et à l’étude. en particulier, certaines zones ont été signalées par les scientifiques comme devant être protégées davantage (Mornes du sud). cette protection pourrait prendre la forme d’une réserve naturelle ou au minimum d’un arrêté de protection de Biotope.

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des mesures de gestion conservatoires doivent être mises en place pour atténuer les impacts humains en améliorant la fréquentation des sentiers et des ravines.

l’ensemble des partenaires publics est impliqué dans ces protections et leur gestion : collectivités locales, état, parc naturel régional, office national des Forêts, conservatoire du littoral. À ceux-ci s’ajoutent les associations pour les actions de randonnées, de découvertes, d’animations, de valorisation multiformes...

la définition du monument naturel proposé a pris soin d’intégrer la plupart des dispositifs de gestion actuellement en vigueur (dispositifs nationaux, documents réglementaires d’aménagement du territoire, opérations locales, initiatives contractuelles), et sa configuration dont le cœur privilégie les sommets ou « les pays perdus [1]» ajoutent une protection naturelle à ce qui est (et qui sera) mis en œuvre pour une préservation durable.

de ce fait, le monument naturel discontinu proposé, complété par ses zones tampons et ses couloirs écologiques, remplit les conditions d’intégrité requises par les conventions relatives au patrimoine mondial.

1 nom donné par les anciens chroniqueurs aux lieux inaccessibles aux exploitations agricoles ou autres.

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4.3. un projet eMbléMatique : Wanakaera ManMan trace [2]

dans la finalisation du futur plan de gestion, il s’agit de la mise en place d’un réseau de traces de découverte, d’études et de randonnées, portés par l’ensemble des acteurs publics et privés, et qui explorera sur plusieurs jours la totalité du bien proposé.

le but poursuivi est de permettre la découverte, la contemplation et la compréhension du monument naturel archipélique de la Martinique, mais aussi de certains paysages anthropisés ruraux ayant conservé un grand caractère d’authenticité ou constituants, pour diverses raisons, des lieux de mémoire importants. pour demeurer en harmonie avec ces objectifs, il a été décidé de donner au parcours proposé un nom témoignant de la double origine de la Martinique, à la fois amérindienne et créole, c’est à dire métisse, et évoquant, par la thématique maternelle, l’idée d’un retour vers des lieux, des paysages, des chemins, des ambiances, des imaginaires à travers lesquels s’est enfantée l’âme martiniquaise profonde.

les amérindiens, comme beaucoup de peuples premiers, pratiquaient, pour eux-mêmes comme pour certains êtres ou objets, la dénomination indirecte, ou par substitution. dans ces cultures où la puissance du nom est si grande qu’elle peut suffire à susciter l’existence de la chose qu’il désigne, les choses redoutables ne sont jamais indiquées par leur nom propre. ainsi, Wanakaera, littéralement l’île aux iguanes, signifie en réalité, l’île aux serpents, au redoutable trigonocéphale [3].

trace a été préféré à trek, qui, en anglais, désigne très exactement un trajet long et pénible à pied. le trekking moderne a renforcé encore cet aspect d’épreuve physique au point d’en faire une discipline ultra sportive de randonneurs spécialisés et de haut niveau. les grands treks, comme ceux de la réunion ou de la corse ou encore ceux de la région himalayenne, impliquent des espaces de très grandes dénivellations et concernent des utilisateurs spécialisés. l’effort physique et la tension dans un violent dépassement de soi, aux excès finalement assez stériles, passent largement avant la contemplation de la nature et des paysages et l’agrément d’un cheminement paisible. Wanakaera, la Manman trace, n’est absolument pas conçue dans cet esprit là. notre monument naturel archipélique mérite mieux, et, du point de vue de l’efficacité économique, il importe que les parcours, complets ou partiels, puissent être pratiqués par le plus large public.

2 - la trace mère de l’île aux iguanes3 - communication personnelle de M. thierry l’étang, anthropologue

descente par la ravine st pierre jusqu’à trois-rivière intérieur de la forêt du Morne Gardier

traversée vers la Grande anse par le Morne champagne

pentes sud du morne aca

le Morne clochette vu du Morne Gentydu Morne larcher, montée vers le Morne Genty

vers la rivière capot par les crêtes du cournan pelée, sommet du dôme de 1902, brouillard dans la forêt de palmistes rivière 3 Bras

le sommet du Morne larcher

Grand anse à anse dufour par Gros Morne de Gallochat

descente sur saint pierre vue des pitons du carbet

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4.3. un projet eMbléMatique : Wanakaera ManMan trace [2]

dans la finalisation du futur plan de gestion, il s’agit de la mise en place d’un réseau de traces de découverte, d’études et de randonnées, portés par l’ensemble des acteurs publics et privés, et qui explorera sur plusieurs jours la totalité du bien proposé.

le but poursuivi est de permettre la découverte, la contemplation et la compréhension du monument naturel archipélique de la Martinique, mais aussi de certains paysages anthropisés ruraux ayant conservé un grand caractère d’authenticité ou constituants, pour diverses raisons, des lieux de mémoire importants. pour demeurer en harmonie avec ces objectifs, il a été décidé de donner au parcours proposé un nom témoignant de la double origine de la Martinique, à la fois amérindienne et créole, c’est à dire métisse, et évoquant, par la thématique maternelle, l’idée d’un retour vers des lieux, des paysages, des chemins, des ambiances, des imaginaires à travers lesquels s’est enfantée l’âme martiniquaise profonde.

les amérindiens, comme beaucoup de peuples premiers, pratiquaient, pour eux-mêmes comme pour certains êtres ou objets, la dénomination indirecte, ou par substitution. dans ces cultures où la puissance du nom est si grande qu’elle peut suffire à susciter l’existence de la chose qu’il désigne, les choses redoutables ne sont jamais indiquées par leur nom propre. ainsi, Wanakaera, littéralement l’île aux iguanes, signifie en réalité, l’île aux serpents, au redoutable trigonocéphale [3].

trace a été préféré à trek, qui, en anglais, désigne très exactement un trajet long et pénible à pied. le trekking moderne a renforcé encore cet aspect d’épreuve physique au point d’en faire une discipline ultra sportive de randonneurs spécialisés et de haut niveau. les grands treks, comme ceux de la réunion ou de la corse ou encore ceux de la région himalayenne, impliquent des espaces de très grandes dénivellations et concernent des utilisateurs spécialisés. l’effort physique et la tension dans un violent dépassement de soi, aux excès finalement assez stériles, passent largement avant la contemplation de la nature et des paysages et l’agrément d’un cheminement paisible. Wanakaera, la Manman trace, n’est absolument pas conçue dans cet esprit là. notre monument naturel archipélique mérite mieux, et, du point de vue de l’efficacité économique, il importe que les parcours, complets ou partiels, puissent être pratiqués par le plus large public.

2 - la trace mère de l’île aux iguanes3 - communication personnelle de M. thierry l’étang, anthropologue

descente par la ravine st pierre jusqu’à trois-rivière intérieur de la forêt du Morne Gardier

traversée vers la Grande anse par le Morne champagne

pentes sud du morne aca

le Morne clochette vu du Morne Gentydu Morne larcher, montée vers le Morne Genty

vers la rivière capot par les crêtes du cournan pelée, sommet du dôme de 1902, brouillard dans la forêt de palmistes rivière 3 Bras

le sommet du Morne larcher

Grand anse à anse dufour par Gros Morne de Gallochat

descente sur saint pierre vue des pitons du carbet

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autour du conseil régional de la Martinique qui a mis en place une équipe ad-hoc, se rassemble la totalité des collectivités et organismes publics concernés :- conseil régional,- conseil général,- Mairies concernées,- direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (deal),- office national des Forêts (onF) et équipe projet de «Forêt d’exception»,- conservatoire du littoral,- conservatoire botanique,- comité Martiniquais du tourisme (cMt),- communautés de commune du nord martinique (cnM ) et équipe projet pays d’art et d’histoire autour de la Montagne pelée,- parc naturel régional de la Martinique (pnrM),- agence des 50 pas,- clubs de randonnée de la Martinique,- associations culturelles et artistiques diverses,- associations écologique diverses,- organisations patronales,un comité de pilotage est ainsi constitué pour superviser, au côté d’un comité scientifique, la démarche de patrimonialisation en direction des jeunes et de tous les publics. des Comités de soutiens locaux composés d’élu-e-s et d’organisations citoyennes, installés dans les communes concernées, participeront du déploiement des actions pédagogiques et de vulgarisation qui seront lancées dès l’inscription sur la liste indicative. un Comité de soutien international, composé de personnalité-e-s et de scientifiques de la caraïbe, des amériques, et du monde, est actuellement en cours de constitution.

partenaire et Mode de Gouvernance

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M. pascal saFFache (université des antilles et de la Guyane – pdt. du comité scientifique) M. patrick chaMoiseau (chargé de mission, directeur de projet, conseil régional) Mme. lyne-rose BeuZe (conservateur régional du patrimoine) M. Jean-pierre Fiard (phyto-écologie tropicale, aménagement insulaire, responsable Flore pour les ZnieFF) M. thierry l’étanG (anthropologue) M. philippe Joseph (Biogéographe) M. Maurice henrY (vulcanologue) M. emmanuel nossaint (ethno-pharmacologue) Mme. annie noe-duFour (archéologie, direction des affaires culturelles) M. alex allard saint-alBin (naturaliste, membre du conseil scientifique régional du patrimoine naturel) M. vincent cherY (directeur office national des Forêts) M. christophe denise (agence d’urbanislme et d’aménagement de la Martinique) M. vincent huYGhues Belrose (historien - parc naturel régional) Mme. Marie-Michèle Moreau (conservatoire du littoral) M. david BelFan (association le carouGe) Mme. Béatriz conde (association le carouGe)Mme. anaïs coridun (animatrice du patrimoine, ville de saint-pierre) M. Francis deKnuYdt (conseil scientifique régional du patrimoine naturel, responsable faune pour les ZnieFF et csrpn)M. alain delatte (csrpn - naturaliste)M. Jean-pierre arsaYe (créoliste)Mme. Bénédicte chanteur (parc naturel régional)Mme. céline coisY, paysagiste (direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement)M. adrien coutanceau (onF – chef de projet «Forêt d’exception»)M. patrick Maréchal (docteur es sciences spécialisé en arachnologie)M. eddy duMBardon-Martial (entomologiste – spécialisé en diptères et hyménoptères)Mr Jean François Bernard (ptéridologue)Mme lisa lavoca (Bryologue)Mme elizabeth etiFier-chalono (Botaniste, conservatoire Botanique de la Martinique)

coMité scientiFique de préFiGuration

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pour l’enseMble du docuMent.M. pascal saFFache (université des antilles et de la Guyane – pdt. du comité scientifique)M. patrick chaMoiseau (chargé de mission, directeur de projet, conseil régional)

partie 1. p. 6 à 37

ecriturecomité scientifique pour les éléments de la déclaration de valeur universelle exceptionnelle M. pascal saFFache (université des antilles et de la Guyane – pdt. du comité scientifique) M. patrick chaMoiseau (chargé de mission, directeur de projet, conseil régional) M. Jean-pierre Fiard (phyto-écologie tropicale, aménagement insulaire, responsable Flore pour les ZnieFF) M. alex allard saint-alBin (naturaliste, membre du conseil scientifique régional du patrimoine naturel) M. vincent huYGhues Belrose (historien - parc naturel régional) Mme. céline coisY, paysagiste (direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement)

crédit photographiquedeal de la Martinique _ Jean-Baptiste Barret, philippe Bastin, henri salomon, photographes M. Jean-pierre Fiard (dendrologue, phytoécologue, botaniste)Faune : MM. Francis deKnuYdt, david BelFan, eddy duMBardon-Martial, régis delannoYe et patrick Maréchal

partie 2. p. 38 à 95ecritureM. Jean-pierre Fiard (phyto-écologie tropicale, aménagement insulaire, responsable Flore pour les ZnieFF) M. alex allard saint-alBin (naturaliste, membre du conseil scientifique régional du patrimoine naturel) M. Francis deKnuYdt (conseil scientifique régional du patrimoine naturel, responsable faune pour les ZnieFF et csrpn) M. patrick chaMoiseau (chargé de mission, directeur de projet, conseil régional)

crédit photographiqueM. Jean-pierre Fiard (phyto-écologie tropicale, aménagement insulaire, responsable Flore pour les ZnieFF) M. régis delannoYe (spécialiste des gastéropodes) deal de la Martinique _ Jean-Baptiste Barret, philippe Bastin, henri salomon, photographes Google Maps via la deal Martinique observatoire photographique des paysages de la Martinique _ deal, pnrMpotomitan pour le Charianthus alpinus, p59

coordination

contenus

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partie 3. p. 79 à 99 ecriturecomité scientifique pour les éléments de la déclaration de valeur universelle exceptionnelle M. Jean-pierre Fiard (phyto-écologie tropicale, aménagement insulaire, responsable Flore pour les ZnieFF) M. alex allard saint-alBin (naturaliste, membre du conseil scientifique régional du patrimoine naturel) M. Francis deKnuYdt (conseil scientifique régional du patrimoine naturel, responsable faune pour les ZnieFF et csrpn)

crédit photographiqueM. Jean-pierre Fiard (phyto-écologie tropicale, aménagement insulaire, responsable Flore pour les ZnieFF) deal de la Martinique

partie 4. p. 100 à 109 ecritureMme. céline coisY, paysagiste (direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement) M. Jean-pierre Fiard (phyto-écologie tropicale, aménagement insulaire, responsable Flore pour les ZnieFF) pour la Maman tracecrédit photographiqueM. Jean-pierre Fiard (phyto-écologie tropicale, aménagement insulaire, responsable Flore pour les ZnieFF) deal de la Martinique

pour l’enseMble du docuMent. données cartographiques, deal de la Martiniquecartographies initiales du Bien, M. Jean-pierre Fiardschéma des zones tampon, M. Jean-pierre Fiard, léa dubreuilh, géographe urbaniste, Melissa léal, paysagiste, alise Meuris, paysagisteréalisation et conception des illustrations, léa dubreuilh, géographe urbaniste, Melissa léal, paysagiste, alise Meuris, paysagiste, Jean-christophe rouillé, deal de la Martiniqueconception graphique, illustration, corrections, coordination de l’équipe scientifique, Geneviève nouhaud, urbaniste muséographe, léa dubreuilh, géographe urbaniste, alise Meuris, paysagiste, odile lebbadi, coordination

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réalisation

©

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I

déclaration de valeur exceptionnelle Forêts et volcans de la Martinique1. situationd’une superficie de 1080 km2, l’île de la Martinique se localise au cœur de l’arc des petites antilles entre la dominique au nord et sainte-lucie au sud. longue de 70 km environ et large d’une trentaine de kilomètres, cette île orientée nord-nord-ouest / sud-sud-ouest, est la plus excentrée de l’arc antillais. c’est l’une des deux seules îles françaises du bassin caraïbe. sa proximité avec des territoires anglophones hispanophones et néerlandophones lui confère le statut de carrefour culturel.

première tragédie humaine à avoir connu une résonance mondiale, la catastrophe dont elle fut victime en 1902 [1] lui a conféré une visibilité internationale particulière. les vestiges archéologiques conservés par la cendre et les innombrables gravures, peintures et photographies disponibles, permettent de disposer d’une évocation exceptionnelle de ce que pouvait être une ville coloniale caribéenne au tout début du xxe siècle.

les habitants de la Martinique représentent, biologiquement et culturellement, toutes les composantes ethniques qui ont contribué à la formation du peuplement de l’amérique du sud, c’est à dire pratiquement tous les bassins de population du monde.

l’île est drainée par 70 cours d’eau pérennes qui se répartissent en deux grandes catégories : les torrents (au nord et au sud) et les rivières de type mixte (au centre).

le linéaire côtier, de 470 km environ, offre des paysages aussi diversifiés que des falaises, des anses sablonneuses, des grèves, des mangroves, des embouchures de rivières exoréiques, tous ces faciès jouxtant des herbiers de phanérogames marines et des platures coralliennes en étroite relation.

enfin, un ensemble d’îlots (appelé localement îlets) ceinture le trait de côte et joue le rôle de véritables laboratoires naturels.

1 une nuée ardente de type nouveau a jailli de la Montagne pelée et a presque instantanément la ville et ses abords.

annexe

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II

2. un continuuM Volcanique et forestiersa topographie est originale, puisque sa partie septentrionale montagneuse semble s’opposer au reste du territoire, vallonné au sud et relativement plan à l’approche de la baie de Fort-de-France, au centre. toutefois, cette première impression est contredite par la présence d’un continuum volcanique, qui s’étire du nord au sud et qui, couvert de forêts très variées, constitue un extraordinaire monument naturel organisé en archipel.

sur le plan écologique et environnemental, ce continuum se caractérise d’abord par un relief volcanique très accidenté, extrêmement montagneux au nord avec la Montagne pelée (1397 m) et les pitons du carbet (piton lacroix, 1197 m), plus apaisé dans sa moitié sud, mais néanmoins rehaussé de multiples mornes dont les plus élevés dépassent les 400 m d’altitude (467m au Morne Bigot, 504 m à la Montagne du vauclin).

soumise à un climat tropical maritime humide, cet ensemble naturel bénéficie d’une pluviosité annuelle abondante renforcée ou au contraire atténuée par les effets orographiques (effet de foehn). au vent, les précipitations annuelles moyennes atteignent, 1800-2000 mm au niveau de la mer et 7000 mm sur les plus hauts reliefs. la saison sèche y est peu marquée. sous le vent, elles tombent à 1100 mm au niveau du littoral et le déficit hydrique peut être très important de février à juin (période dite du carême).

la grande diversité des conditions bioclimatiques, topographiques et altitudinales y favorise la mise en place de nombreux écosystèmes terrestres, principalement forestiers, et d’une flore très riche, surtout si on la rapporte à l’exiguïté du territoire. ainsi se succèdent, des rivages aux sommets volcaniques, la mangrove, des forêts dites xérophiles [2], des forêts mésophiles, hygrophiles, montagnardes, des fourrés semi-arborés au-dessus de 800 m et, au-dessus de 1100 m, des savanes altitudinales à fougères et broméliacées.

la flore indigène de ce continuum comprend environ 1.200 espèces de phanérogames dont 12% environ sont endémiques, et auxquelles il faut ajouter 200 espèces parfaitement naturalisées et se comportant comme des espèces autochtones. en dehors des oiseaux, la faune des vertébrés, comme dans toutes les petites îles est limitée. dans le domaine des invertébrés, en revanche, notamment chez les insectes, les arachnides, les mollusques, la biodiversité s’avère de plus en plus étonnamment riche et intéressante au fur et à mesure du développement des investigations.

2 Mais qui sont plutôt des formes de régression de la forêt mésophile primitive.

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III

3. les critères retenus et leurs arguMentairesêtre des exemples éminemment représentatifs de processus écologiques et biologiques en cours dans l’évolution et le développement des écosystèmes et communautés de plantes et d’animaux terrestres, aquatiques, côtiers et marins.

argumentairela végétation du monument naturel proposé comprend un nombre très important d’espèces endémiques dans les formations végétales, essentiellement forestières, des zones submontagnardes, montagnardes et altitudinales. une espèce arborée sur deux est endémique des petites antilles dans ces étages de végétation.

cet endémisme est le résultat d’un double processus.

d’abord de multiples colonisations naturelles, soit à partir d’autres îles plus anciennes comme les Grandes antilles, soit à partir des masses continentales qui correspondaient jadis à ce qui est aujourd’hui le continent américain. ensuite, d’un processus d’isolement géographique des populations dans les îles des petites antilles, ou de leurs ébauches ayant émergé au cours de ces trente derniers millions d’années.

dans le cas de la Martinique, l’isolement a été double : d’abord, un isolement par rapport au continent ou aux Grandes antilles, ensuite un isolement à l’intérieur même de la Martinique en construction, cette dernière s’étant constituée à partir d’appareils volcaniques initialement isolés par des bras de mer durant des centaines de milliers d’années [3], mais ultérieurement reliés par des comblements géologiques provoqués par la poursuite des activités éruptives.

ce processus d’isolement des populations, renforcé par l’histoire géologique particulière de la Martinique, a sans doute favorisé la spéciation et l’apparition de nombreuses espèces endémiques dans cette île. les genres d’arbres forestiers (Sloanea, Eugenia, Miconia), riches en espèces endémiques sont de bons exemples de radiation évolutive à partir d’espèces ancestrales originaires du nord de l’amérique du sud ou des Grandes antilles.

le monument naturel proposé constitue incontestablement un laboratoire de première importance pour comprendre les phénomènes d’évolution des espèces, de spéciation géographique et d’endémisme. les cœurs de sites [4] constituent également, dans certaines de leurs parties,

3 comme les anciens édifices des pitons du carbet et du Morne citron.4 la Montagne pelée, les pitons du carbet, la péninsule du sud-ouest, la Montagne du vauclin, la caravelle, le rocher du diamant.

critère ix

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IV

un remarquable laboratoire pour l’étude de la dynamique successionnelle de la forêt des petites antilles. il offre en effet [5] un formidable processus d’expérimentation naturelle qui exige un travail scientifique d’envergure.

contenir les habitats naturels les plus représentatifs et les plus importants pour la conservation in situ de la diversité biologique, y compris ceux où survivent des espèces menacées ayant une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation.

argumentaire le continuum volcanique et forestier proposé accueille tous les étages de végétation et tous les types forestiers propres à la Martinique et aux petites antilles centrales montagneuses.

ses espaces se caractérisent par leur richesse biologique et par la qualité des écosystèmes forestiers qu’ils hébergent. Beaucoup d’entre eux, déjà protégés naturellement par des conditions de terrain extrêmement hostiles, sont des candidats idéaux pour une conservation optimale à long terme in situ. certains, quasi inaccessibles, sont indiscutablement primitifs, comme tout le fond de la vallée de la Grande rivière, les pentes, crêtes, vallées et ravines autour du pain de sucre, ainsi que l’espace et le plateau compris entre le pain de sucre et la rivière des Gommiers.

d’autres, depuis le passé le plus ancien restés éloignés de toute zone habitée, et desservis par de rares traces de chasseurs aujourd’hui abandonnées et effacées par la reprise de la végétation [6], sont constitués de forêts hygrophiles anciennes ayant été peu modifiées et globalement subclimaciques.

dans les forêts mésophiles et xéro-mésophiles secondaires, les espaces naturels du continuum sont pratiquement tous des stades post-pionniers adultes. dans les meilleurs cas, ils conservent çà et là des individus ou de petites populations appartenant aux espèces caractéristiques de l’ancien climax, ou même ils représentent des zones relictuelles refuges, restées subclimaciques par suite de l’extrême difficulté des conditions d’accès, comme certaines crêtes et sommets de pitons d’altitude intermédiaire (piton étage) du domaine du prêcheur.

5 au niveau du Grand Bé, sur le flanc sud de la pelée.6 comme le vaste espace entre le Morne Jacob et le Morne lorrain, le versant est du Grand et petit Bouliki, les ravines et les plateaux à la base des pitons du carbet.

critère x

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V

la biodiversité végétale, dans l’aire globale du continuum est très élevée. ses espaces naturels (couvrant tous les types de végétation et leurs meilleures expressions biologiques et éco-systémiques), contiennent par là-même à priori la plus grande partie de la flore autochtone et parfaitement naturalisée de la Martinique, dont la richesse est élevée : environ 1.400 espèces de phanérogames dont 1.200 clairement autochtones, et 200 parfaitement naturalisés. le continuum proposé accueille de nombreuses espèces endémiques mais aussi beaucoup d’espèces arborées très rares, souvent représentées en Martinique et dans les autres îles (et parfois même dans les Grandes antilles) par de minuscules populations, et pour lesquelles tous les martiniquais sont conscients que des moyens de protection et même de restauration doivent être mis en œuvre.

une analyse comparative avec les îles avoisinantes de dominique et de sainte-lucie nous montre de façon globale une faune plus riche à la Martinique, due à la diversité de ses milieux. cette faune endémique de batraciens, de reptiles, d’oiseaux, d’arthropodes et de mollusques se concentre particulièrement dans ces massifs forestiers et certaines espèces ou sous-espèces ont développé au cours de leur processus d’évolution des relations étroites avec la communauté végétale constituant ces forêts. il faut cependant souligner que les populations de ces espèces remarquables sont peu abondantes, donc vulnérables.

être des exemples éminemment représentatifs des grands stades de l’histoire de la terre, y compris le témoignage de la vie, de processus géologique en cours dans le développement des formes terrestres ou d’éléments morphologiques ou physiographiques ayant une grande signification.

argumentaire scindée en deux parties par le graben du lamentin, la chaîne volcanique de la côte caraïbe de notre continuum présente un ensemble d’appareils volcaniques bien individualisés regroupant des stratovolcans qui s’imposent par la majesté de leur relief (Montagne pelée, pitons du carbet, Morne larcher) mais elle comporte également au niveau de la presqu’île du sud-ouest un écrin de petits volcans aux dynamismes éruptifs variés (rocher du diamant, Morne champagne, Îlet à ramiers…).

ces massifs illustrent parfaitement tous les aspects du volcanisme associé à cette zone de subduction paradoxale matérialisée par la marge active de la caraïbe au milieu d’une marge passive qui s’étire sur presque un demi-tour du globe le long des côtes américaines.

critère Viii

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VI

ce continuum présente une mosaïque de formes telluriques, une compacité et une délimitation naturelle de l’ensemble, des appareils individualisés et des alignements de volcans, une lisibilité des structures géologiques, une accessibilité des sites, une intégrité des objets géologiques, une grande variété de roches magmatiques, différents modèles de fonctionnement de chambres magmatiques, une large palette de dynamismes éruptifs. il présente donc une large palette de phénomènes volcaniques remarquables.

sa valeur patrimoniale vient d’être reconnue, car sur les 45 sites sélectionnés pour représenter le patrimoine géologique de la Martinique pas moins de 30 sites appartiennent au continuum proposé.

la Montagne pelée, du fait de l’éruption du 8 mai 1902 jouit d’une notoriété scientifique internationale et de l’existence d’une recherche scientifique actualisée, elle est un lieu fondateur dans l’émergence de la volcanologie moderne et de la surveillance volcanique.

le classement du continuum volcanique et forestier de la Martinique viendra compléter le dispositif national de classement de régions volcaniques présentant un intérêt géologique remarquable.

celui de la chaîne des puys et de la faille de limagne a permis de combler une des lacunes de la liste du patrimoine mondial en matière de sciences de la terre en illustrant de manière globale les processus tectoniques et magmatiques fonctionnant à l’avant d’une zone de collision de plaques continentales avec la formation d’un rift continental.

celui des pitons, cirques et remparts de l’île de la réunion a permis de retenir un paysage accidenté et spectaculaire issu d’une activité volcanique effusive de point chaud associé à des glissements de terrain d’origine tectonique et de l’érosion par des fortes pluies et des cours d’eau.

celui de la chaîne volcanique de la Martinique permettra de retenir des paysages majestueux dérivant d’un volcanisme calco-alcalin associé à une zone de subduction singulière et façonnés par des phénomènes de déstabilisation de flanc.

par la diversité des volcans rencontrés et des phénomènes géologiques associés, ce classement viendra également compléter un dispositif régional ayant déjà intégré le centre volcanique de la soufrière de sainte-lucie qui vient de bénéficier d’un classement en raison principalement de la qualité esthétique de ses pitons.

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VII

représenter des phénomènes naturels ou des aires d’une beauté naturelle et d’une importance esthétique exceptionnelles.

argumentairele monument naturel proposé s’inaugure par la majesté de la Montagne pelée qui, (par ses velours verdoyants dominant la belle rade de la ville de saint-pierre, sa charge historique, son aura de volcan actif) concentre les lignes de force des paysages les plus puissants. cette splendeur de départ se prolonge par celles des pitons du carbet qui s’élancent d’un singulier ensemble au-dessus des touffeurs forestières.

À l’autre bout, au sud, le continuum s’achève avec les formes très suggestives du Morne larcher, parachevées à quelques encablures du rivage, par ce petit bijou volcanique que constitue le rocher du diamant. une curiosité géologique, chargée d’histoires, peuplée de légendes, qui confère à la rade de cette commune la touche d’une esthétique indiscutable.

entre les deux, s’ouvre l’infini des sensations, des émotions, des lumières et des ombres, des humidités moussues et des sécheresses aux teintes multiples... un long voyage dans des écosystèmes forestiers qui, dans leurs variétés, tissent des liaisons magnétiques avec des présences volcaniques immémoriales. de quoi offrir aux simples esthètes ou aux botanistes les plus savants toute la gamme des émerveillements.

critère Vii

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VIII

4. éléMents d’analyse coMparatiVesuperficie

la partie centrale du monument naturel proposé au patrimoine mondial occupe une superficie d’environ 9.500 à 10.000 ha. À titre de comparaison l’aire classée patrimoine mondial du parc des trois pitons de la dominique est de 7.000 ha, celle (également classée au patrimoine Mondial) de la Zone de Gestion des deux pitons de sainte-lucie est de 2.909 ha. l’aire centrale du parc national de la Guadeloupe est de 21.850 ha.

caractéristiques topographiques et biogéographiquesle continuum proposé se compose essentiellement de sommets volcaniques à forte déclivité au-dessus de 600m, de piémonts aux reliefs adoucis, de pentes basses plongeant dans la mer, et, dans sa partie sud, d’une série de petits mornes d’origine volcanique ancienne, tournés vers la mer ou proches d’elle, et d’une altitude moyenne se situant entre 300 et 500 m.

par rapport aux autres cœurs de réserves de la région, le Bien martiniquais proposé au classement est le seul englobant tous les étages de végétation des petites antilles, ces derniers, de plus, disposant de superficies importantes (autour de 2.000 ha) et à peu près équivalentes.

le périmètre central du bien sélectionné est également le seul contenant deux grandes aires forestières continues [7] s’étendant sans discontinuité du littoral aux sommets volcaniques. cette particularité permet une circulation et des échanges floristiques et faunistiques entre les étages de végétation et une meilleure restauration des zones basses à partir de semenciers d’espèces rares ou jadis surexploitées, préservés dans les zones peu accessibles de la région moyenne ou supérieure.

enfin, l’aire centrale du continuum contient une surface importante, floristiquement et topographiquement bien diversifiée, de forêts mésophiles, xéro-mésophiles et xérophiles de qualité. les limites inférieures du parc national de la Guadeloupe, dans sa zone de cœur, et du parc national des trois pitons en dominique se situent vers 300-400 m, et contiennent exclusivement des forêts de type hygrophile. l’aire de gestion des deux pitons de sainte-lucie

7 l’une, domaine de l’anse céron à Grand’rivière, large de 3 km ; l’autre forêt départementale de Fond Boucher, large de 1,5 km.

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IX

possède une petite zone de forêt sèche, mais elle est de superficie très réduite et ne peut réunir toutes les espèces propres à ce type de végétation.

la protection à long terme des forêts xérophiles et xéro-mésophiles (très riches car renfermant environ 200 espèces arborées dans la seule Martinique) est un enjeu capital pour les petites antilles. en effet, en dehors de cette île, elles ne subsistent plus que sous forme de reliques de faible surface ou fortement anthropisées.

biodiVersité Végétale. endéMisMe

l’aire centrale du continuum martiniquais « pelée-pitons / péninsule du sud-ouest » possède le nombre le plus élevé d’arbres forestiers autochtones recensés dans un parc ou une réserve des petites antilles, soit 321 espèces autochtones. en effet seulement 300 espèces arborées ont été recensées dans le parc national de Guadeloupe et 245 espèces de plantes sur les pitons de sainte-lucie.

la Martinique est d’ailleurs l’île qui héberge le plus grand nombre d’espèces arborées autochtones des petites antilles : 377, alors que la Guadeloupe en accueille seulement 368 (Rollet 2010), mais sur une superficie sensiblement plus grande (1.600 km2 avec les dépendances). les autres îles, nettement plus petites, sont aussi moins riches.

sur les 321 espèces arborées autochtones présentes dans le continuum martiniquais proposé au classement, environ 88 (78 en zone de montagne au-dessus de 400 m et 10 seulement dans la zone basse) sont endémiques des petites antilles, c’est à dire endémiques d’une seule île ou de deux îles ou davantage. pour la Guadeloupe ce chiffre, selon rollet, s’élève à 71, pour la dominique à 58, pour sainte-lucie à 56, pour saint-vincent à 33.

ainsi, dans son seul périmètre, le Bien délimité contient plus d’espèces arborées endémiques des petites antilles que n’importe laquelle des autres îles prise dans sa totalité.

enfin, la Martinique est l’île possédant le plus grand nombre d’espèces arborées endémiques d’une île. elle en contient 13, 11 dans sa zone de montagne et 2 dans sa zone basse. sur ces 13 espèces 12 sont incluses dans le périmètre du continuum proposé au classement. les espèces endémiques d’une île sont au nombre de 5 pour la dominique, de 4 pour sainte-lucie, de 3 pour la Guadeloupe et de 1 pour chacune des trois îles suivantes : saint-vincent, Grenade et Barbade.

dans l’aire proposée au classement, la biodiversité est également très grande dans le domaine des ptéridophytes ou Fougères et dans celui des Bryophytes ou Mousses. pour toute l’île,

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X

environ 218 espèces de Fougères ont été répertoriées (Bernard 2012) et 355 espèces de Mousses (Lavocat 2012), dont 90 % au moins sont dans le continuum. ces premiers chiffres sont inférieurs d’un tiers environ à ceux connus pour la Guadeloupe mais la surface de la Martinique ne représente que les 2/3 de celle de la Guadeloupe et de ses dépendances, et elle a été beaucoup moins prospectée dans ces domaines. Malgré ce déficit de connaissance et cette moindre superficie, le rapport surface/espèces est similaire à celui de la Guadeloupe.

biodiVersité fongiquedans le seul groupe des champignons à lamelles (type Agaric) et à pores (type Bolet), 224 espèces (Pegler et Fiard 1983) ont été recensées à l’intérieur du périmètre du continuum central proposé au patrimoine Mondial. sur ces 224 espèces, 34 se sont révélées entièrement nouvelles pour la science et n’avaient jamais été ni observées ni décrites. Même en se limitant aux deux groupes cités plus haut, et en se limitant à la seule aire du Bien central, le nombre d’espèces potentiellement présentes en Martinique est énorme, très probablement supérieur à 1.500 espèces (Courtecuisse, Fiard et collaborateurs). toutes ces espèces potentielles sont en cours d’analyse, tâche qui exigera une bonne dizaine d’années. la Guadeloupe et la dominique ayant été beaucoup moins prospectées, il est impossible d’effectuer des comparaisons équitables. la Martinique toutefois a été indiscutablement la plus productive en récoltes et collections (autour de 6.000) grâce à sa beaucoup plus grande surface de forêts mésophiles et xéro-mésophiles secondaires de qualité.

le continuum proposé est un centre remarquable de biodiversité fongique et sa contribution à la connaissance de la Mycoflore néotropicale est d’ores et déjà fondamentale.

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XI

5. éléMents de gestion. authenticité. intégritéles espaces du continuum proposé sont relativement bien préservés. ces zones ont été partiellement inventoriées pour leur biodiversité dans le cadre d’études spécifiques ou de programmes nationaux comme celui des ZnieFF. elles sont pour la plupart protégées par des mesures de protection locales ou nationales :

classement au titre des sites, comme patrimoine national : site classé des Mornes de la pointe du diamant et du rocher du diamant, site classé des versants nord-ouest de la Montagne pelée (vnoMp), site classé de la presqu’île de la caravelle. un nouveau site classé est en cours sur la commune de saint-anne incluant des mornes calcaires du sud. une opération Grand site y est associée.

le Morne aca est un site inscrit, également en ZnieFF, situé sur les terrains du conservatoire du littoral

classement en réserves Biologiques intégrales (rBi) : rBi de la Montagne pelée, rBi de prêcheur-Grand-rivière, rBi des pitons du carbet. ces deux dernières sont en cours d’instruction. les rBi sont toutes accompagnées d’un plan de gestion et leur gestion est suivie par un comité consultatif des réserves biologiques.

réserve naturelle nationale de la caravelle :

cette réserve est dotée d’un plan de gestion et d’un conseil consultatif de gestion. il est prévu une extension.

une partie du site proposé est propriété du conservatoire du littoral (Montagne pelée, rocher du diamant, Morne larcher, Morne aca, pointe Borgnese).

le Bois la charles (saint-esprit) est couvert par un arrêté préfectoral de protection de biotope (apB).

certains mornes calcaires de sainte-anne (caritan, amérique du nord, amérique du sud, Belfond) sont protégés par arrêté de protection de biotope.

un projet d’arrêté de protection de biotope porté par les scientifiques porte sur les Mornes du sud-ouest (communes des anses d’arlet, des trois-ilets, du diamant et de rivière-salée).

le Morne préfontaine et la ravine saint-pierre (sainte-luce), la Montagne du vauclin (vauclin), la zone cap enragé-Morne rose (communes de Bellefontaine case-pilote) sont couverts par des ZnieFF et les scientifiques ont recommandé une protection sous forme d’apB ou de réserve naturelle.

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XII

le site classé des vnoMp fait l’objet d’un plan de gestion depuis les années 2000. un nouveau plan d’actions validé en 2010 prévoit l’amélioration des connaissances du site, dans les domaines suivants : paysages, anthropologie, histoire, archéologie, botanique. des aménagements permettant de mieux gérer la fréquentation, de valoriser le site, de le préserver sont également prévus et en cours. les réserves Biologiques intégrales font chacune l’objet d’un plan de gestion propre.

le conservatoire du littoral mène une politique de protection et de valorisation de ses sites, comprenant des plans de gestion, des aménagements pour gérer l’accueil et la fréquentation, des actions d’animation, etc.

une démarche de labellisation « Forêt d’exception » portée par l’office national des Forêts est en cours sur les forêts départementalo-domaniales de la Montagne pelée et des pitons du carbet. la forêt des volcans de Martinique est -à l’heure actuelle- la seule forêt d’outre-mer engagée dans cette démarche de labellisation qui vise à préserver et mettre en valeur les différents patrimoines forestiers, dans un souci d’exemplarité en matière de développement durable et de gouvernance partagée.

les menaces qui pèsent actuellement sur ces zones sont principalement d’origine anthropique avec l’urbanisation et la fragmentation des habitats. les zones les plus pentues et arrosées peuvent être fragilisées par une sur-fréquentation en particulier sur les lignes de crêtes qui sont les ouvertures les plus fragilisantes pour ces massifs montagneux. de nombreuses actions de police sont mises en place pour lutter contre ces dégradations.

la mise en place de nouvelles mesures de protection sur les zones actuellement peu ou pas protégées pour leur biodiversité est souhaitable et à l’étude. en particulier, certaines zones ont été signalées par les scientifiques comme devant être protégées davantage (Mornes du Sud). cette protection pourrait prendre la forme d’une réserve naturelle ou au minimum d’un arrêté de protection de Biotope.

des mesures de gestion conservatoires seront mises en place pour atténuer les impacts humains en améliorant la fréquentation des sentiers et des ravines.

l’ensemble des partenaires publics est impliqué dans ces protections et leur gestion : collectivités locales, état, parc naturel régional, office national des Forêts, conservatoire du littoral. À ceux-ci s’ajoutent les associations pour les randonnées, les actions d’animations et de valorisation.

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coMité scientifique de préfigurationM. pascal saFFache (université des antilles et de la Guyane – pdt. du comité scientifique) M. patrick chaMoiseau (chargé de mission, directeur de projet, conseil régional) Mme. lyne-rose BeuZe (conservateur régional du patrimoine) M. Jean-pierre Fiard (dendrologue, phytoécologue, botaniste) M. thierry letanG (anthropologue) M. philippe Joseph (Biogéographe) M. Maurice henrY (vulcanologue) M. emmanuel nossaint (ethno-pharmacologue) Mme. annie noe-duFour (archéologie, direction des affaires culturelles) M. alex allard saint-alBin (naturaliste, membre du conseil scientifique régional du patrimoine naturel) M. vincent cherY (directeur office national des Forêts) M. christophe denise (agence d’urbanislme et d’aménagement de la Martinique) M. vincent huYGhues Belrose (historien - parc naturel régional) Mme. Marie-Michèle Moreau (conservatoire du littoral) M. david BelFan (association le carouGe) Mme. Béatrice conde (association le carouGe)Mme. anaïs coridun (animatrice du patrimoine, ville de saint-pierre) M. Francis deKnuYdt (conseil scientifique régional du patrimoine naturel, responsable faune pour les ZnieFF et csrpn)M. alain delatte (csrpn - naturaliste)M. régis delannoYe (spécialiste des gastéropodes)M. Jean-pierre arsaYe (créoliste)Mme. Bénédicte chanteur (parc naturel régional)Mme. céline coisY, paysagiste (direction de l’environnement, de l’aménagement et du loge-ment)Mme. Béatriz conde (association le carouGe)M. adrien coutanceau (onF – chef de projet «Forêt d’exception»)M. patrick Maréchal (docteur es sciences spécialisé en arachnologie)M. eddy duMBardon-Martial (entomologiste – spécialisé en diptères et hyménoptères)

rédaction

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paysages de l’intérieur / Grands bois hygrophiles