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Travail & Sécurité – Octobre 2009 43 entreprise manutention Formation-action départementale Depuis 2004, une formation-action de prévention des troubles musculosquelettiques est proposée aux entreprises des Deux-Sèvres, avec le concours du Medef départemental, de l’Aract Poitou- Charentes et de la CRAM Centre-Ouest. Son objectif : aider les entreprises à s’approprier une démarche pour prévenir durablement les maladies professionnelles liées à leurs activités. acquièrent la méthodologie, notamment en effectuant l’étude d’un poste de tra- vail : après en avoir identifié les éléments à conserver et les points d’amélioration, ils définissent un plan d’action à réaliser durant les mois sui- vants. « L’objectif est de rendre les entreprises capables de gérer un projet de prévention des TMS, en s’appuyant sur un expert externe », présente Johann Spitz, contrôleur de sécurité à l’antenne 79 de la CRAM Centre-Ouest. Depuis son lancement en 2004, 17 entreprises ont par- ticipé à cette démarche et 38 référents ont été formés. Parmi celles-ci, Matex, entre- prise basée à Taizé qui produit des bennes et des compac- teurs à déchets et s’est lancée dans l’action il y a deux ans. Par son activité fortement manuelle, cette entreprise de 40 salariés est exposée à des risques de TMS – malgré des moyens d’aide aux manuten- tions –, des postures de tra- vail contraignantes, ainsi qu’à des émanations de fumées de soudure ou encore à des nuisances sonores. L’étude initiale a porté sur le poste d’assemblage-pointage des bennes, étape charnière dans la chaîne de montage puis- A vec un faible taux de chômage (5,8 % dans le Sud et 4,9 % dans le Nord du département selon les chiffres Insee de 2008), le département des Deux-Sèvres se porte relativement bien éco- nomiquement. Mais, revers de la médaille, il est confronté à une « épidémie » de troubles musculosquelettiques (TMS), qui représentent plus de 90 % des maladies professionnelles reconnues. Dans ce contexte, une formation-action de pré- vention des TMS par l’étude de poste a été lancée en 2004. Issue de la volonté commune du Medef 79, de l’Aract Poitou- Charentes et de la CRAM Centre-Ouest – qui en est le financeur –, elle s’adresse aux entreprises du départe- ment ayant identifié les TMS comme une priorité dans leur évaluation des risques, quels que soient leur taille ou leur secteur d’activité. Sa finalité est d’aider les entreprises à s’approprier une démarche et des outils pour prévenir dura- blement les TMS. Chaque année, ce sont quatre à six entreprises qui suivent la formation sur huit mois (cf. encadré). Durant cette phase, généralement deux réfé- rents de chaque entreprise Depuis son lancement en 2004, 17 entreprises ont participé à cette démarche et 38 référents ont été formés. Parmi celles-ci, Matex, qui produit des bennes et compacteurs à déchets. © Gaël Kerbaol pour l’INRS Unis contre les troubles musculosquelettiques

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Travail & Sécurité – Octobre 2009 43

entreprise manutention

Formation-action départementale

Depuis 2004, une formation-action de prévention des troubles musculosquelettiques est proposée aux entreprises des Deux-Sèvres, avec le concours du Medef départemental, de l’Aract Poitou-Charentes et de la CRAM Centre-Ouest. Son objectif : aider les entreprises à s’approprier une démarche pour prévenir durablement les maladies professionnelles liées à leurs activités.

acquièrent la méthodologie, notamment en effectuant l’étude d’un poste de tra-vail : après en avoir identifié les éléments à conserver et les points d’amélioration, ils définissent un plan d’action à réaliser durant les mois sui-vants. « L’objectif est de rendre les entreprises capables de gérer un projet de prévention des TMS, en s’appuyant sur un expert externe », présente Johann Spitz, contrôleur de sécurité à l’antenne 79 de la CRAM Centre-Ouest.Depuis son lancement en 2004, 17 entreprises ont par-ticipé à cette démarche et 38 référents ont été formés. Parmi celles-ci, Matex, entre-prise basée à Taizé qui produit des bennes et des compac-teurs à déchets et s’est lancée dans l’action il y a deux ans. Par son activité fortement manuelle, cette entreprise de 40 salariés est exposée à des risques de TMS – malgré des moyens d’aide aux manuten-tions –, des postures de tra-vail contraignantes, ainsi qu’à des émanations de fumées de soudure ou encore à des nuisances sonores. L’étude initiale a porté sur le poste d’assemblage-pointage des bennes, étape charnière dans la chaîne de montage puis-

A vec un faible taux de chômage (5,8 % dans le Sud et 4,9 % dans le

Nord du département selon les chiffres Insee de 2008), le département des Deux-Sèvres se porte relativement bien éco-nomiquement. Mais, revers de la médaille, il est confronté à

une « épidémie » de troubles musculosquelettiques (TMS), qui représentent plus de 90 % des maladies professionnelles reconnues. Dans ce contexte, une formation-action de pré-vention des TMS par l’étude de poste a été lancée en 2004. Issue de la volonté commune

du Medef 79, de l’Aract Poitou-Charentes et de la CRAM Centre-Ouest – qui en est le financeur –, elle s’adresse aux entreprises du départe-ment ayant identifié les TMS comme une priorité dans leur évaluation des risques, quels que soient leur taille ou leur secteur d’activité. Sa finalité est d’aider les entreprises à s’approprier une démarche et des outils pour prévenir dura-blement les TMS.Chaque année, ce sont quatre à six entreprises qui suivent la formation sur huit mois (cf. encadré). Durant cette phase, généralement deux réfé-rents de chaque entreprise

Depuis son lancement en 2004, 17 entreprises ont participé à cette démarche et 38 référents ont été formés. Parmi celles-ci, Matex, qui produit des bennes et compacteurs à déchets.

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que les différents éléments constituant la benne y sont assemblés. L’étude a notam-ment mis en lumière une mauvaise orientation spa-tiale du poste par rapport au flux de production, qui peut générer des problèmes de manutentions, ainsi qu’une hauteur des plates-formes de travail inadaptée à l’origine de postures contraignantes. Des aménagements sont actuellement à l’étude. Un deuxième poste à souder a déjà été mis à disposition afin de réduire les contraintes de manutentions liées au dépla-cement de ces outils.

Nouvelle culture d’entreprise

Même si l’entreprise n’est pas confrontée à des cas de TMS, elle a souhaité se lancer dans

cette démarche de manière préventive. « Pour que cela fonctionne, il faut que tout le personnel adhère à cette approche et se l’approprie col-lectivement, pas uniquement le chef d’entreprise », explique Thierry Delille, directeur de l’entreprise. « C’est tout l’esprit de cette formation-action, qui ne doit pas reposer unique-ment sur quelques personnes, au risque de disparaître si cel-les-ci quittent leur poste ou leur entreprise », complète Armand Joly, chargé de mission à l’Aract. « Au-delà de la forma-tion initiale, toute la politique sécurité a été amplifiée au sein de l’entreprise, avec l’achat en cours de protections auditives moulées, la sensibilisation sur le bruit avec le médecin du travail », poursuit Dominique Réveillon, responsable d’atelier et un des deux référents TMS

dans l’entreprise. Aux compé-tences externes, comme celles du médecin du travail, se sont ajoutées des compétences en interne qui ont été créées pour mener à bien une telle politique sécurité. Car, dans les petites entreprises, ces res-sources sont souvent difficiles à trouver. Et aujourd’hui, la prévention des TMS est entrée dans l’entreprise, même si elle reste encore à ancrer.Autre expérience, au sein de l’Établissement et service d’aide par le travail (Esat) du Tallud, situé à Parthenay, qui a suivi la formation-action à partir de l’automne 2008 et a réalisé un premier bilan en juin dernier. L’Esat, qui fait par-tie de l’association Adapei 79, compte 148 travailleurs han-dicapés répartis dans diffé-rents ateliers : menuiserie, mécanosoudure, condition-

nement, espaces verts, blan-chisserie et cuisine. L’étude de cas a porté sur l’atelier d’as-semblage de sommiers, une activité acquise il y a deux ans par l’établissement. Sept personnes réparties sur qua-tre postes y produisent en moyenne 20 sommiers quo-tidiennement, pesant chacun 12 kg. « Le produit, de grandes dimensions, exige des manu-tentions contraignantes. De plus, il n’y a pas de marche en avant, ce qui implique des manutentions supplémen-taires », présente Vincent Turquet, directeur adjoint technique de l’établissement et référent de la formation-action. Un comité de pilotage regroupant tous les membres du CHSCT élargi et le méde-cin du travail a été constitué. Un groupe de travail impli-quant les trois référents et des moniteurs des autres ate-liers a également vu le jour. De premières actions ont été lancées à la suite de l’étude : les hauteurs de table ont été adaptées, les gabarits de montage pour les boiseries sont en train d’être revus. Par ailleurs, des échanges sur l’amélioration des conditions de travail sont engagés avec un atelier d’un autre Esat ayant la même activité. Une réorganisation globale des postes de travail est désor-mais à l’étude. « Cet atelier est le plus récent à avoir été aménagé, avec les contraintes liées à nos locaux, poursuit-il. On savait qu’il fallait amélio-rer des choses, mais on était plus dans la problématique de production que dans une pré-

Les risques de TMS sont présents dans cet atelier de fabrique

de sommiers où les manutentions sont nombreuses.

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occupation d’ergonomie et de santé au travail. Aujourd’hui, des automatismes ont été acquis, il va falloir les démulti-plier sur d’autres postes. »

Un véritable partenariat

Les entreprises sont toutes à des stades d’avancement dif-férents, en fonction de leur rythme, de leurs problémati-ques. « Suite aux formations, nous avons constaté que cer-taines entreprises ont intégré les indicateurs de santé au même titre que les indicateurs de productivité ou de qualité. Cela montre que la formation a porté ses fruits, qu’elle a été bien intégrée », considère

Guillaume Garbay, contrôleur de sécurité à l’antenne 79 de la CRAM Centre-Ouest. « Et l’on constate que les relations sociales sont grandement améliorées », poursuit Johann Spitz. La présence du Medef dans cette démarche apparaît comme un plus. « La CRAM propose un programme équi-valent dans son catalogue de formations, mais le fait que le projet soit porté par le Medef donne une autre vision aux chefs d’entreprise », présente Patrick Bardet, ingénieur-conseil régional adjoint à la CRAM Centre-Ouest et un des initiateurs du projet. « La légitimité du Medef permet de pousser certaines portes,

de mieux faire passer certains messages », confirme Thierry Delille. « C’est notre rôle de faire de la prévention au lieu de subir. Et c’est très positif de pouvoir proposer des solutions pour réduire les coûts écono-miques et humains des TMS à des entreprises le plus souvent démunies », estime Laurence Jouve, juriste au Medef des Deux-Sèvres.La formation a évolué depuis son élaboration en 2003, car les connaissances de tous les acteurs ont progressé sur la façon d’aborder ces ques-tions. Des enseignements sont tirés au terme de chaque nouvelle session. « Et c’est une énorme satisfaction de consta-ter qu’elle est toujours en place et bien vivante, alors que plus aucun des acteurs initiaux n’y est engagé », explique Patrick Sagory, directeur de l’Aract Poitou-Charentes, également initiateur de la démarche. Cette formation-action va d’ailleurs continuer à évo-luer. « On se pose par exemple des questions pour impliquer plus fortement les médecins du travail dans la formation-action, car ils apportent un éclairage important », précise Armand Joly. Elle pourrait être transposée à d’autres problé-matiques que les TMS. Et un tel dispositif serait envisa-geable dans d’autres régions ou départements, puisqu’il se veut une réponse locale et adaptée à des préoccupations locales.

Une formation à la gestion de projet

La formation-action TMS, qui se déroule chaque

année de novembre à juin, débute par trois jours de formation initiale. Elle regroupe de quatre à six entreprises, de toutes tailles et de tous secteurs. Deux référents par entreprise sont nommés : une personne de l’encadrement et un représentant des salariés (si possible membre du CHSCT). Au terme de ces trois journées, les binômes définissent un poste pouvant faire l’objet d’une étude. Cela doit porter sur un poste où l’on peut aller au bout de la réflexion, afin de pérenniser l’action et de ne pas décourager les entreprises d’entrée de jeu. Un groupe de travail ainsi qu’un comité de pilotage sont ensuite créés. Un accompagnement individuel est réalisé en entreprise par la CRAM ou l’Aract. Une réunion d’une demi-journée a lieu chaque mois dans l’une des entreprises impliquées. C’est alors l’occasion de présenter concrètement la problématique et le poste de travail à l’étude, d’échanger avec les autres participants sur les problèmes rencontrés. Au terme des huit mois de formation, l’entreprise doit avoir acquis les bases pour faire vivre elle-même sa politique de prévention. L’Aract ou la CRAM restent à disposition pour poursuivre l’accompagnement si nécessaire.

Céline Ravallec

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