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` L’évolution des profils des acteurs de la politique de la ville Par Vanessa Girard Doctorante en première année au Latts, ENPC Résumé : Les métiers de la politique de la ville sont pourvus par des professionnels aux formations fort différentes. Qu’est-ce qui caractérise cette professionnalité nouvelle ? Peut-elle s’inscrire dans la durée et voir ces nouveaux métiers se pérenniser ? Mots clés : agent de développement, développement social urbain, chargé de mission politique de la ville, chef de projet, médiateur. La politique de la ville est mise en place au début des années 1980 d’après deux nouveautés : d’une part, il s’agit de ne plus traiter individuellement les problèmes sociaux comme cela avait été le cas jusque là, puisque les quartiers regroupent une population souffrant des mêmes difficultés, et, ce sont les communes qui doivent être au premier plan dans la gestion de cette nouvelle politique. Cette politique ne traite donc plus de l’individu mais du territoire, d’où le nom de développement social urbain. D’autre part, au fil du temps, les problèmes relevant tant de l’éducation que de la justice ou du développement économique sont intégrés à une seule et même démarche comme dans le contrat de ville ou l’actuel CUCS (Contrat urbain de cohésion sociale) qui est composé de cinq axes au niveau national, à savoir : cadre de vie et habitat, emploi et développement économique, réussite éducative, prévention et citoyenneté et pour finir santé. Les compétences relevant originellement de divers ministères sont regroupées et les démarches partenariales, très vivement encouragées, se multiplient car elles sont nécessaires à la bonne mise en œuvre d’actions aussi diverses que variées. L’émergence de la politique de la ville s’accompagne de la création de ce que l’on nomme les nouveaux métiers. En effet, la politique de la ville fait émerger des métiers atypiques. Cette caractéristique, évidente dès le départ, vaut encore actuellement avec une difficulté toujours présente à professionnaliser ces nouveaux métiers comme nous le verrons par la suite. Des postes de chef de projet, d’agent de développement, de chargé de mission politique de la ville ou médiateurs sont ouverts dans les communes, financés en grande partie par l’État. 33

Formations et métiers des vterrains sensibles

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Premier n° de la Revue des terrains sensibles, du secteur Crise, département des Sciences de l'éducation, université Paris Ouest/ Nanterre La Défense

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L’évolution des profils des acteurs de la politique de la ville

Par Vanessa Girard Doctorante en première année au Latts, ENPC

Résumé : Les métiers de la politique de la ville sont pourvus par des professionnels aux formations fort différentes. Qu’est-ce qui caractérise cette professionnalité nouvelle ? Peut-elle s’inscrire dans la durée et voir ces nouveaux métiers se pérenniser ? Mots clés : agent de développement, développement social urbain, chargé de mission politique de la ville, chef de projet, médiateur. La politique de la ville est mise en place au début des années 1980 d’après deux nouveautés : d’une part, il s’agit de ne plus traiter individuellement les problèmes sociaux comme cela avait été le cas jusque là, puisque les quartiers regroupent une population souffrant des mêmes difficultés, et, ce sont les communes qui doivent être au premier plan dans la gestion de cette nouvelle politique. Cette politique ne traite donc plus de l’individu mais du territoire, d’où le nom de développement social urbain. D’autre part, au fil du temps, les problèmes relevant tant de l’éducation que de la justice ou du développement économique sont intégrés à une seule et même démarche comme dans le contrat de ville ou l’actuel CUCS (Contrat urbain de cohésion sociale) qui est composé de cinq axes au niveau national, à savoir : cadre de vie et habitat, emploi et développement économique, réussite éducative, prévention et citoyenneté et pour finir santé. Les compétences relevant originellement de divers ministères sont regroupées et les démarches partenariales, très vivement encouragées, se multiplient car elles sont nécessaires à la bonne mise en œuvre d’actions aussi diverses que variées. L’émergence de la politique de la ville s’accompagne de la création de ce que l’on nomme les nouveaux métiers. En effet, la politique de la ville fait émerger des métiers atypiques. Cette caractéristique, évidente dès le départ, vaut encore actuellement avec une difficulté toujours présente à professionnaliser ces nouveaux métiers comme nous le verrons par la suite. Des postes de chef de projet, d’agent de développement, de chargé

de mission politique de la ville ou médiateurs sont ouverts dans les communes, financés en grande partie par l’État.

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SpécifiCITéS

Revue éditée par Matrice et l’association CITéS Cadres d'intervention en

terrains éducatifs et sensibles

Domiciliation de la revue

Université internationale de l’Ouest parisien, La défense/ Nanterre Département des Sciences de l’éducation, Bureau 201

200 avenue de la République, 92000 Nanterre Contacts :

Téléphone : 06 84 11 06 52

Email : [email protected]

Directeur de la publication

Hervé Cellier

Rédacteur en chef

Olivier Brito

Comité de rédaction

Latifa Abdeljebar, Alix Chevènement, Didier Lescaudron, Pamella Orellana

Comité scientifique

Rémi Casanova, Maître de conférences Sciences de l’éducation, Lille 3, Directeur des Enseignements et de la Recherche de l'EN PJJ Hervé Cellier, Maître de conférences HDR, Sciences de l’éducation, Paris X Marie-Anne Hugon, Professeur des universités, Sciences de l’éducation, Paris X Ali Kouadria, Professeur des universités, Sciences de l’éducation, Recteur de l’université de Skikda, Algérie Jacques Pain, Professeur des universités, Sciences de l’éducation, Paris X Abla Rouag, Professeur des universités, Psychologie, Université Mentouri, Constantine, Algérie Alain Vulbeau, Professeur des universités, Sciences de l’éducation, Paris X

Numéro 1, mai 2008

Prix du numéro : 8 euros Éditions Matrice et SpécifiCITéS 2008- Tous droits réservés

Numéro ISBN 2-905642-94-7

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N° 1- SpécifiCITéS – Formation et métiers en terrains sensibles mai 2008

Sommaire Editorial Par Hervé Cellier

p. 3

Dossier

Le devenir des étudiants du Master Cadres d’intervention en terrains sensibles Par Latifa Abdeljebar, Khadija Ben Lahoucine, Olivier Brito,

Hervé Cellier, Alix Chevènement, Élodie Humbert, Mariama

Kaba, Didier Lescaudron, Pamela Orellana, Cécile Sainte

Fare Garnot, Émilie Sidaner, Kamardine Wirdane, Julien

Zanello

p. 7

Articles L’évolution des profils des acteurs de la politique de la ville Par Vanessa Girard

p. 33

Comment former les acteurs aux problématiques éducatives ? Par Jean Michel Le Bail

p. 41

Les étudiants-tuteurs dans les dispositifs d’ouverture sociale des Grandes Écoles Par Annabelle Allouch

p. 49

Une coopération internationale en terrain sensible : les adolescents décrocheurs en Corée du Sud Par Olivier Francomme

p. 61

Le trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent. Une question d’actualité. Leurs prises en charge, un enjeu de société Par Didier Lescaudron

p. 71

Notes de lecture p. 81

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Éditorial Voici le premier numéro de SpécifiCITéS. Cette revue est le fruit du travail des étudiants et des enseignants-chercheurs du master Cadres d’intervention en terrains sensibles du département des Sciences de l’éducation de l’université de Paris X. Constitués en association, ils se sont dotés d’un outil qui a vocation à être lu dans les milieux professionnels et universitaires. Le défi est exigeant ! Créer une revue adressée à des professionnels et à des chercheurs, dans un champ en cours de constitution. On le constatera aisément à la lecture des contributions et du dossier central, des professionnalités naissent dans les terrains sensibles. Que sont ces nouveaux métiers ? Que deviennent les étudiants engagés dans les formations, une fois leur master en poche ? Ces questions concernent aussi, en premier chef, les concepteurs de la formation CITS. Le challenge est pédagogique cette fois ! Lui-même décliné en deux questions : les étudiants formés aux métiers de la ville obtiennent-ils un emploi dans ce domaine et la formation à l’emploi est-elle suffisamment active et préparatrice à l’exercice professionnel ? C’est bien entendu la pédagogie universitaire qui est en discussion. C’est redoutable, principalement pour des enseignants-chercheurs exerçant en Sciences de l’éducation ! Suffirait-il seulement de déclamer ? Ne rien dire que nous n’ayons fait… disait Fernand Oury… bref, appliquer à l’École, à l’Université, les pédagogies actives que l’on professe. Cela nécessite, nous le savons depuis longtemps, des compétences organisationnelles, relationnelles, des pratiques collaboratives, des productions réelles diffusées en dehors du cénacle. Ce sont aussi des qualités indispensables à un étudiant qui prétend à un poste de chef projet dans le cadre d’une collectivité territoriale. Là se justifie la pédagogie du projet, extirpée du carcan de la leçon universitaire.

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À l’École comme à l’Université, en cours comme en formation, le pédagogue ne vaut pas seulement par ce qu’il sait, mais par le modèle qu’il donne ! Pour autant, et précisément, le savoir universitaire sur les terrains sensibles ne se résume ni à la connaissance des dispositifs de la politique de la ville ni à une approche étroite, essentiellement didactique de l’enseignement disciplinaire. Faut-il ici rappeler, comme l’explique l’un des contributeurs, que l’éducation est globale… pas globalisante ! C’est le troisième challenge que relève SpécifiCITéS : aider à la définition des métiers des terrains sensibles en contribuant à la constitution de la notion de sensible, dans l’espace éducatif urbain. En effet, les dispositifs de réussite éducative, par la territorialisation et la prise en compte des singularités dans les communes, les quartiers, rencontrent les logiques de parcours scolaires qui ont vacation à respecter les vœux et les possibilités personnelles des élèves. Dans un autre lieu, à l’hôpital, des chartes sont là pour rappeler aux personnels le respect des droits du patient. Conjuguée avec la prise en compte des singularités1 - transversale - la notion de sensible irise l’espace urbain, transcendant les institutions, les services à la personne. Ainsi, retenons que sensible

2 renvoie à la sensibilité, c’est-à-dire à un territoire où l’exercice professionnel est particulièrement complexe à cause d’une multitude de dispositifs et d’acteurs en présence, mais aussi du fait des difficultés cumulées. Et si la sensibilité, précisément, générait des compétences originales, exceptionnelles ?

1 Cellier, H., Précocité à l’École : le défi de la singularité. Idéologies,

dispositifs, pédagogie, Paris, L’Harmattan, 2007, 153 pages. 2 Vulbeau A., L'approche sensible des quartiers sensibles (texte éditorial, dans Familles et quartiers sensibles, n°141, juillet 2007).

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Si la somme des difficultés cumulées avait pour effet de produire des innovations, des partenariats, des collaborations, de faire sortir les métiers de la gangue des logiques institutionnelles ? Si les questions de recherche avaient, elles aussi, à s’affranchir d’une lecture parcellaire des questions éducatives et scolaires ? Si, enfin, les recherches-actions, problématologiques, avaient pour fonction d’impliquer les acteurs de terrain et pour objectif d’être utiles à l’amélioration de l’activité éducative et sociale ? Voilà bien une approche globale, engagée… et sensible que SpécifiCITéS veut promouvoir.

Hervé Cellier Directeur de la publication

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Le devenir des étudiants du master Cadre d’intervention en

terrain sensible

Par Latifa Abdeljebar, Khadija Ben Lahoucine, Olivier Brito,

Hervé Cellier, Alix Chevènement, Élodie Humbert, Mariama

Kaba,

Didier Lescaudron, Pamela Orellana, Cécile Sainte Fare Garnot,

Émilie Sidaner, Kamardine Wirdane, Julien Zanello

Cette recherche a été menée par les étudiants du master 2de année Cadre d’intervention en terrains sensibles durant l’année universitaire 2007/2008. Ce master professionnel est récent puisqu’il a accueilli sa première promotion d’étudiants de première et de seconde année, durant l’année universitaire 2005/2006. Trois années de fonctionnement avec une faible partie des étudiants qui poursuivent en seconde année dont la capacité d’accueil est réduite et pour laquelle l’accès demeure sélectif, ce qui n’est pas le cas en première année. Plusieurs questions ont animé l’intérêt des chercheurs. D’abord qui sont les étudiants qui s’inscrivent dans cette formation, sont-ils eux-mêmes issus des quartiers sensibles ? Est-ce cela qui détermine leur intérêt ? Cette première série d’interrogations nous a amené à tenter de déterminer des profils de ces étudiants. Ces profils nécessitaient néanmoins de connaître aussi leur parcours scolaire et universitaire antérieur, bref de connaître leur formation initiale ainsi que les stages éventuels qu’ils avaient pu effectuer. Au-delà de cette formation universitaire initiale, le parcours professionnel lui-même présentait un intérêt majeur : parcours antérieur à la formation comme parcours postérieur à la formation. En dernier lieu, et c’est en cela que la recherche s’inscrit dans l’action, quelle adéquation y a-t-il entre la formation et le marché de l’emploi dans le champ spécifique des métiers ayant trait aux terrains sensibles ? Nous disons qu’il s’agit là de la dimension active de la recherche parce que, précisément, c’est à cet endroit que les remarques conclusives recouvrent une valeur prescriptive pour l’avenir du dispositif.

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Trois sources de données

Bien que de nombreux contacts aient eu lieu entre les différentes promotions d’étudiants, le choix du questionnaire est celui qui a été retenu. En effet, s’il a été transmis par email, ou voie postale, passé par téléphone parfois, il a semblé être le plus approprié au recueil de données. Autant dire qu’il se compose de 39 questions dont seulement trois sont des questions ouvertes (29, 38, 39). Ces dernières ont nécessité de construire des catégories après la passation au regard des réponses obtenues. Le souci de recueillir des données quantitatives, associé à celui d’obtenir des réponses au plus près de la réalité des étudiants ont été quelque peu soumis au nombre de réponses obtenues : 53. Cependant, comme nous le verrons par la suite, le rapport entre le nombre de réponses au questionnaire et le nombre réel d’étudiants est voisin de 50% de répondants. Il permet ainsi de donner des indications fortes sur les tendances qui caractérisent cette population. On peut dès lors valider la fiabilité, d’autant que la recherche a été complétée par l’analyse de documents administratifs. Les réponses au questionnaire ont été traitées par le logiciel Le Sphynx et l’étude des documents administratifs a porté sur le logiciel Apogée utilisé par les services pour les inscriptions administratives de l’ensemble des étudiants de l’université. Enfin, la troisième source d’information est celle des inscriptions pédagogiques et l’étude des fiches dites IP qui ont permis le croisement des informations administratives avec la réalité de la fréquentation étudiante. On distinguera dans la présentation les données issus des documents qui permettent une analyse sur l’ensemble de la population, de celles qui sont issues du questionnaire et donnent des tendances fortes sur la réalité de la population qui a fréquenté, sur les trois années, le dispositif de formation de master Cadre d’intervention en terrains sensibles.

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Plutôt qu’une présentation linéaire, construite à partir de la nature des données recueillies, nous présenterons ici les résultats et les analyses par blocs correspondant aux diverses sections elles-mêmes construites à partir des questions qui ont animé cette recherche.

La section 1 est intitulée profils, elle renvoie aux interrogations portant sur la nature du public d’étudiants : âge, sexe, nationalité, lieux de résidence… ? La section 2 concerne l’emploi actuel, quel poste est occupé, comment a-t-il été trouvé, est-ce un emploi en terrain sensible et auprès de quel public… ? La section 3 a trait au parcours professionnel, quels emplois ont été occupés précédemment, quelle est le lien entre les stages durant la formation et l’emploi actuellement occupé… ? La section 4 porte sur la formation initiale, quel est le cursus universitaire antérieur… ? La section 5, enfin, touche aux propositions pour l’amélioration

de la formation, quelles suggestions à faire aux concepteurs du dispositif ?

Section 1, les profils des étudiants du Master CITS ?

L’étude des documents administratifs permet de faire un état précis et de comparer les inscriptions et le public suivant réellement la formation. En effet, le tableau des inscriptions est le suivant :

2005/2006 2006/2007 2007/2008 Inscriptions master 1

49 35 56

Inscriptions master 2

17 21 17

Total 66 56 73

En tout, sur les trois ans, on cumule 195 inscriptions. Mais ce ne sont là que des inscriptions dont il faut déduire les inscriptions essentiellement administratives pour lesquelles les étudiants ont payé leurs droits sans jamais suivre les cours. Mais surtout il faut tenir compte d’une des caractéristiques de ce public : un grand nombre étale ses études sur plusieurs années.

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Notamment en repoussant la soutenance du mémoire à l’année suivante ou tout simplement en répartissant la formation sur deux, ou trois années pour un niveau universitaire (soit en M1 soit en M2). Ceci a pour conséquence un nombre important d’inscriptions effectuées par le même étudiant. Ainsi l’analyse des fiches pédagogiques et des tableaux comparatifs réalisés par année ramène le nombre réel sur les trois années de formation à 136 étudiants. Il y a donc 59 inscriptions surnuméraires par rapport au cursus ordinaire de formation qui correspond à une année de master qui équivaudrait à une année d’inscription. C’est donc bien à 136 étudiants qu’il faut rapporter le nombre de 53 réponses obtenues au questionnaire. Autrement dit, le pourcentage de retour est de 38,97%.

Où résident les étudiants ?

L’analyse des origines géographiques des étudiants du Master CITS nous permet de voir que l’ensemble des étudiants ayant suivi la formation, à une exception près, sont originaires de l’Ile de France. Cette analyse porte sur la totalité des étudiants puisque nous disposons des adresses lors des inscriptions. Les quatre communes de Paris, Mantes la Jolie, Asnières et Nanterre, concernent 38% des effectifs, les villes limitrophes et Paris, quant à elles, correspondent à 43 % des lieux d’habitation. On constate que sur l’ensemble des promotions les étudiants sont recrutés essentiellement dans la région parisienne.

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Les étudiants viennent plus particulièrement des Hauts de Seine (32%), des Yvelines (19%) et de Paris (17%) comme l’indique le tableau qui suit :

Département d'origine Nombre d'étudiants

34 1

69 1

75 9

77 3

78 10

91 2

92 17

93 5

94 2

95 2

98 1

Total général 53

Répartition par genre et par âge

Sur l’ensemble des promotions, soit 136 étudiants, la répartition par genre est la suivante :

2005/2006 2006/2007 2007/2008 Femmes M1 32 13 27

Hommes M1 7 12 5

Femmes M2 10 11 7

Hommes M2 7 2 3

Toutes années cumulées, en M1, il y a en moyenne 66 % de femmes contre, en M2, plus de 57% de femmes.

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La répartition des étudiants du master CITS est décroissante au regard du critère d’âge jusqu’à 35 ans. La catégorie la plus nombreuse est celle des moins de 25 ans avec près de 50% des effectifs, puis viennent les 25-30 ans et dans une moindre mesure, les 30-35 ans. Au-delà de 40 ans, les effectifs sont les moins nombreux, et on ne note pas de différences significatives entre les tranches d’âge. La tendance est au rajeunissement des étudiants du Master CITS, les moins de 25 ans étant de plus en plus nombreux, ils sont très largement majoritaires en Master première année. Il est intéressant de mettre en relief cette tendance avec l’engagement associatif, en effet, les étudiants actuels, plus jeunes, sont moins engagés dans le monde associatif que leurs prédécesseurs. L’évolution du public d’étudiants accueillis dans cette formation se transforme dans un autre domaine. Si en 2005-2006, ils étaient essentiellement des étudiants à temps partiels à la recherche d’un emploi, en 2007-2008, ils sont principalement étudiants à temps pleins et salariés à temps partiels. Cette évolution semble avoir été progressive, la promotion 2006-2007 étant composée à parts égales d’étudiants à temps pleins et à temps partiels; cette promotion est, par ailleurs, celle qui a eu le plus de salariés à temps pleins. Les étudiants d’aujourd’hui semblent être plus actifs, ils sont à la fois étudiants à temps pleins, salariés à temps partiels et pour la moitié d’entre eux, ils préparent un concours. Les étudiants à temps pleins et les salariés à temps partiels constituent les deux catégories les plus représentées. Si on croise ces données avec l’âge on s’aperçoit que plus on est jeune, plus on a de chance de rentrer dans une de ces deux catégories, voire les deux. On peut dire que la tranche d’âge de 25-30 ans est celle des salariés à temps pleins.

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Section 2, l’emploi actuel

Contrairement à l’intitulé de la formation, les étudiants du Master CITS évoluent peu au niveau cadre, les quatre personnes ayant un poste de cadre l’occupent depuis longtemps, ce qui peut laisser penser qu’ils occupaient déjà ce poste avant d’intégrer la formation. 65 % des étudiants sont employés, la nature de leur contrat de travail relève quasiment, à parts égales, du CDD et du CDI. 9% des étudiants travaillent actuellement dans la fonction publique, on ignore cependant s’il s’agit d’emplois territoriaux ou étatiques.

Types d’emplois durée et nature du travail

Les diverses dénominations des emplois ne permettent pas de se prononcer quant à une éventuelle spécialisation professionnelle des étudiants du master CITS. Néanmoins, nous pouvons affirmer qu’il existe un intérêt pour les questions éducatives puisque 35% des personnes occupent un poste dans le domaine scolaire ou dans l’animation. De même, on note un intérêt pour des métiers liés à la politique de la ville. C’est chez les moins de 25 ans que les emplois publics sont les plus nombreux, et en s’intéressant à la durée du travail, on s’aperçoit qu’il s’agit en majorité d’emplois à temps partiel. La tranche d’âge de 25-30 ans ne répond pas à une logique similaire car si le secteur public est une fois de plus en surreprésentation, il s’agit davantage d’emplois dépassant la durée de 36 heures. Les jeunes étant la catégorie d’âge la plus représentée, les emplois à temps partiel sont naturellement les plus nombreux.

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Nature de l’emploi Nombre d’étudiants concernés

Assistant vie scolaire 11 Animateur 4 Agent de développement 3 Accompagnateur scolaire 2 Professeur des écoles 2 Agent administrative télé-conseillère 1 Agent d'exploitation de parking 1 Chargé de gestion clientèle 1 Chargé de mission réussite éducative 1 Chargé de relation en distribution 1 Conseiller 1 Conseiller commercial 1 Conseillère en prestation familiale 1 Employé restauration 1 Hôtesse de caisse 1 Médiatrice interculturelle 1 Responsable d'antenne 1 Responsable de formation 1 Responsable locale d'un centre maternel 1 Secrétaire de direction 1 Total des répondants déclarant travailler 37

Sur 53 réponses, 37 déclarent travailler actuellement. 17 déclarent exercer en terrain sensible. Sur ces 17 personnes, 4 travaillent dans un métier CITS (médiatrice interculturelle en association, agent de développement local, agent contractuel de la réussite éducative, chargé de mission de la réussite éducative) et 13 dans un emploi alimentaire (assistant d’éducation, surveillant, animation, etc.). 20 déclarent un travail hors terrain sensible. 2 exercent un emploi définitif (agent administratif-téléconseillère et responsable d’antenne associative). Les 18 autres ont un emploi alimentaire. Les emplois en terrains sensibles se situent majoritairement au nord et à l’ouest de Paris.

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Emploi actuel/

CSP nature du

contrat

Non

réponse

Employé Agent de

maîtrise

Cadre Total

Non réponse 14 0 0 0 14 CDD 1 13 1 3 18 CDI 0 15 0 0 15 Fonctionnaire 3 1 0 1 5 Autre 1 0 0 0 1 Total 19 29 1 4 53

Sachant que de nombreux emplois sont alimentaires, nous notons la dominance des postes d’employé et de contrat à durée déterminée. Les emplois de fonctionnaires sont liés à la présence de 2 enseignants en cours de formation, de 2 titulaires d’un poste CITS dans une collectivité territoriale et d’un poste dans un établissement public. Emploi actuel- durée Nb. Cit. Fréq. Non réponse 16 30,2% 1 mois 2 3,8% 2 mois 1 1,9% 3-5 mois 5 9,4% 5-8 mois 5 9,4% 8-12 mois 2 3,8% 13-18 mois 5 9,4% 2ans 3 5,7% 3 ans 4 7,5% 4 ans 2 3,8% 6 ans 1 1,9% 7 ans 1 1,9% 8 ans 1 1,9% 10 ans 1 1,9% 10-15 ans 2 3,8% + de 15 ans 2 3,8% Total 53 100% Sur 37 salariés, 8 salariés ont un emploi depuis 6 ans et plus, 9 entre 2 et 4 ans et 19 moins de 2 ans. Notons que parmi les étudiants du master 1 et 2 de 2007/2008, 8 ont déjà un emploi depuis 6 ans ou plus.

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Emploi public, emploi sensible ? Il est pertinent de constater que les personnes travaillant dans le secteur public ont davantage de chances d’exercer sur un terrain sensible. L’inverse se confirme : les employés du secteur privé travaillent peu en terrain sensible. De manière générale, la répartition entre personnes affirmant évoluer en terrain sensible et ceux qui prétendent ne pas y travailler est égale. Quasiment la moitié des étudiants (47%) exercent une profession dans le secteur public, alors que seulement 16% travaillent dans le secteur privé. Ces chiffres s’expliquent par le fait que de nombreux étudiants jeunes occupent un emploi de vie scolaire dans un établissement de l’Éducation nationale. Sur les 47% d’étudiants occupant un poste dans le secteur public, 60% d’entre eux travaillent en terrain sensible. Si 35% des étudiants ne sont pas salariés, en revanche, ceux qui occupent un emploi dans le secteur public exercent en terrain sensible. Cependant, nous notons une évolution puisque pour les étudiants de M2 2007/2008, 46% travaillent en terrain sensible.

Par quel moyen les étudiants trouvent-ils leur emploi ?

Emploi actuel - moyen de recrutement Nb. Cit. fréq Non réponse 16 30,2% Petite annonce 10 18,9% Par connaissance 12 22,6% Par concours 2 3,8% Autre 13 24,5% Total 53 100% Peu de différences numériques entre chaque réponse : la plupart des salariés ont trouvé un travail par connaissance ou par petites annonces.

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Toutes promotions confondues, 46% des étudiants n’ont pas trouvé facilement de travail en sortant du master. Les avis demeurent partagés quant à la pertinence du contenu du master pour trouver un emploi sur le marché du travail. Seuls 28% des étudiants disent garder des contacts avec leurs anciens camarades mais il ne s’agit pas d’une aide pour trouver un emploi. Il semble qu’un réseau de connaissance dans le milieu professionnel ne soit pas encore constitué. Cela s’explique sans doute par le fait que la formation n’a que trois années d’existence.

Auprès de quel public les étudiants exercent-ils ?

Tous les publics sont concernés par les emplois des étudiants, avec une préférence pour les adolescents. De façon croissante, les étudiants de Master CITS travaillent davantage avec les adolescents et les enfants, c’est le cas pour 68% d’entre eux. D’après les questionnaires, plus de femmes que d’hommes travaillent en terrain sensible. Ceci est logique compte tenu de la surreprésentation féminine. Notons aussi la relation entre l’âge des étudiants et le public auprès duquel ils travaillent. En effet, les étudiants âgés de moins de 25 ans, sont 25% à travailler avec des adolescents, alors qu’après 25 ans ils sont 14%. Plus les étudiants sont jeunes et plus ils travaillent en contact avec un public adolescent. Plus ils sont âgés et plus le public avec lequel ils travaillent se diversifie. Emploi actuel- type de public Nb. Cit. Non réponse 22 Enfants 16 Adolescents 20 Jeunes majeurs 10 Adultes 10 Immigrés/réfugiés 3 Femmes 10 Hommes 9 Autres 0 Total 53

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Sur 31 personnes qui travaillent avec différents publics, une majorité importante s’occupe d’enfants et d’adolescents. À la suite, les jeunes majeurs, les adultes, les femmes et les hommes sont aussi des publics prioritaires. Par contre, le travail en direction des personnes issues de l’immigration récente reste apparemment hors de l’expertise CITS.

Et la rémunération ?

Les emplois du secteur privé sont majoritairement alimentaires, soit la personne est étudiante soit elle a échoué au master. Elles sont employées par des grosses entreprises (SFR, IKEA, Disneyland Paris). Pour le secteur public, les personnes travaillent majoritairement pour l’Éducation nationale, des collectivités territoriales ou des associations en lien avec ces dernières.

Emploi actuel-temps de travail Profil-âge

Non réponse

-15h 15-20h

21-25h

31-35h

36-40h

41-45h

Total

Non réponse

0 0 0 0 1 0 0 1

-25 ans 7 3 15 1 0 0 0 26 25-30 5 0 2 2 2 5 0 16 30-35 2 0 0 0 1 1 1 5 35-40 0 0 1 0 0 0 0 1 40-45 0 0 1 0 0 0 0 1 45-50 0 0 0 0 0 1 1 2 50-55 0 0 0 0 0 1 0 1 55-65 0 0 0 0 0 0 0 0 Total 14 3 19 3 4 8 2 53 Des 53 personnes enquêtées 14 n’ont pas répondu. Dans la tranche d’âge de moins de 25 ans, 15 personnes travaillent entre 15 et 20 heures hebdomadaires. À partir de 25 ans, le nombre d’heures travaillées dépasse la limité légale de 35 heures hebdomadaire, surtout pour les 25/30 ans, (10 personnes en total).

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Emploi actuel-salaire Nb. Cit. fréquence Non réponses 20 37,7% -500 4 7,5% 500-700 13 24,5% 701-900 2 3,8% 901-1100 3 5,7% 1101-1300 4 7,5% 1301-1500 2 3,8% 1501-1700 2 3,8% 1701-1900 1 1,9% 1901-2200 2 3,8% Total 53 100% Des 33 personnes ayant répondu à cette question, plus de la moitié des personnes salariées enquêtées gagnent moins de 700 euros par mois, 9 personnes gagnent entre 700 et 1300 euros, 7 personnes gagnent entre 1300 et 2200 euros. On remarquera que 24% des répondants ont un salaire compris entre 500 et 700 par mois, ce qui s’explique par le fait qu’il s’agit bien souvent de temps partiel. Seuls 20% d’entre eux disent être satisfaits de leur emploi. Emploi actuel - degré de satisfaction (ordre décroissant)

Nb. Cit. Fréq.

Non réponse 15 28,3% 1 3 5,7% 2 9 17% 3 15 28,3% 4 8 15,1% 5 3 5,7% Total 53 100% Des 53 enquêtés, 16 n’ont pas répondu à la question sur le degré de satisfaction qui va de l’insatisfaction (1) à la satisfaction totale (5). 28 % estiment leur niveau de satisfaction moyen.

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Y a-t-il un réel changement en terme d’emploi à la sortie de la

formation ?

Emploi

Nombre de

personnes %

en cours de formation 22

animateur 2 9%

AVS 7 32%

Éducation 2 9%

Autre domaine 7 32%

Domaine lié à la formation 4 18%

Formation terminée 17

Animateur 2 12%

AVS 4 24%

Autre domaine 2 12%

Domaine lié à la formation 9 53% Total général 39

Parmi les 22 personnes en cours de formation exerçant une activité en janvier 2008, un tiers exercent une activité d’auxiliaire de vie scolaire, un tiers exercent une activité en lien avec la formation (professeur, animateur, accompagnateur scolaire, responsable de formation, responsable d’un centre maternel), un tiers exerce une activité sans lien, le plus souvent un emploi alimentaire (hôtesse de caisse, employé de restauration, conseiller de vente, secrétaire de direction…). Parmi les 17 personnes ayant terminé leur formation et déclarant avoir une activité, une petite majorité (9 personnes, soit 53%) exerce une fonction dans un domaine lié à la formation : 2 animateurs, 3 agents de développement, 2 conseillères CAF, une médiatrice interculturelle, un employé dans une mission locale, un chargé d’antenne pour une association, un responsable de programme de réussite éducative au sein d’une collectivité. Les Mairies sont le premier employeur dans le secteur.

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Une minorité - 4 personnes - continue à travailler comme auxiliaire de vie scolaire, et seulement deux personnes ont déclaré travailler dans un domaine étranger à la formation dans le secteur privé (chargé de gestion clientèle et chargé de relation en distribution). Ainsi, la formation semble bien conduire à des postes liés à l’éducation et/ou aux questions sociales dans les terrains sensibles. Cependant, les jeunes diplômés de niveaux M1 et M2 n’accèdent pas à des responsabilités d’encadrement comme nous l’avons dit précédemment. Cependant, on peut raisonnablement faire l’hypothèse, compte tenu des modalités de recrutement actuelles, que les étudiants exerçant des emplois d’exécution dans le champ des collectivités territoriales, en terrains sensibles seront dans le futur plus aptes à pourvoir des postes d’encadrement. Une telle hypothèse mériterait d’être vérifiée par un suivi de cohorte d’étudiants sur plusieurs années.

Section 3 parcours professionnel

22 des 53 personnes interrogées ont terminé ou quitté le master CITS et sont concernées par cette question. 95,4 % ont occupé au moins une autre fonction que leur emploi actuel. 54,5 % ont occupé au moins 2 fonctions, 27,7 % ont occupé au moins 3 fonctions. Les emplois occupés ne semblent donc pas être des emplois inscrits dans la durée. Dans le type d’emploi occupé nous avons fait la distinction entre les emplois dans le champ du master et ceux hors champ. Nous avons considéré comme emplois correspondants au champ du master CITS tous ceux qui s’inscrivaient dans un cadre socio-éducatif. 61,9 % ont occupé un emploi dans le champ du master (il faut toutefois noter que l’écrasante majorité des emplois occupés ne correspond pas à des emplois de cadres). De plus ils sont 66,7 % à avoir occupé des emplois en CDD ce qui confirme l’hypothèse selon laquelle leurs emplois ne sont pas inscrits dans la durée. Ce constat est confirmé dans les mêmes proportions pour les personnes ayant exercé plusieurs fonctions. 16 personnes ont donné la raison de leur départ soit 76,2%. La plupart des personnes ont quitté leur emploi suite à une fin de contrat (18,75%), à un licenciement (18,75%), à l’obtention d’un nouvel emploi (12,5%) ou pour des raisons personnelles (12,5%). Ce constat est en proportion le même pour les personnes ayant exercé plus d’une fonction.

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La grande majorité des personnes ont exercé leur emploi dans la région Ile de France (87,5%). En ce qui concerne les stages, les dénominations de poste ne sont la plupart du temps pas précisées ou trop diverses pour être significatives (17,6% sont observateurs ; 17,6% sont chargés de mission ou de projet, 14,7% ne donnent aucune précision sur leur poste, 8,8% sont chargés de la coordination d’un dispositif, les autres réponses demeurent très diverses).

Sujets de mémoire de fin d’étude, stages

Sur les 53 personnes interrogées, 42 ont donné le thème de leur sujet de mémoire ainsi que la localité de leur stage (soit 86,8%). Les sujets de mémoire les plus courants sont :

La réussite éducative (14,9%) La citoyenneté des jeunes (9,5%) L’insertion des jeunes (9,5%) La relation Ville-École (4,7%) Les relations parents-École (4,7%) Le partenariat (4,7%).

Les lieux de stage les plus courants sont :

Les mairies (30,95%) Les associations (16,7%) L’Éducation nationale (14,3%) Les maisons de quartiers et espaces jeunes (7,1%).

L’immense majorité des stages a été effectuée en Ile de France (95,3%), dont 34,1% dans les Hauts-de-Seine (92), 19,5% à Paris et 19, 5% en Seine-Saint-Denis. Il n’y a pas de corrélation entre le profil du poste du stage et l’emploi occupé actuellement.

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Les vœux des étudiants à la sortie de la formation

41,5% des étudiants du master CITS ont déjà passé un concours de la fonction publique. Le concours le plus fréquemment passé est le CRPE (Concours de Recrutement de Professeur des Écoles) 54,5%, vient ensuite le concours de CPE (Conseiller Principal d’Éducation) 22,7% puis différents CAPES (Concours d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement Secondaire) 9%. 86,4% des concours passés sont des concours de l’Éducation nationale. Les pourcentages qui suivent ont été calculés en terme de fréquence de citation ce qui explique que le total ne soit pas égal à 100. 32 personnes ont donné le type de poste auquel ils aspiraient à la sortie du master soit 60,38%. Nous avons d’abord examiné le type de poste, puis ensuite le domaine auquel il se rattachait.

Types de postes

43,7% voulaient obtenir un poste de chargé de projet/chargé de mission, 18,7% espéraient un poste de coordinateur, 6,25% souhaitaient devenir professeur des écoles, 6,25% pensaient occuper un poste d’agent de développement local.

Domaines

34,4% ne précisent pas le domaine dans lequel ils souhaitaient exercer, 25% envisageaient un poste dans le domaine de l’éducation, la pédagogie ou la culture (Réussite éducative, Éducation nationale, Projets éducatifs et culturels…) 12,5% souhaitaient exercer une fonction en direction de la jeunesse (service jeunesse, coordinatrice jeunesse…), 6,25% voulaient exercer une fonction dans le domaine de l’insertion professionnelle. Le reste des réponses n’est pas significatif. Il y a un net différentiel entre l’emploi occupé actuellement et ce à quoi les étudiants aspiraient. Répétons-le, la plupart n’occupe pas un poste de cadre, mais exerce plutôt comme employé.

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Les structures dans lesquelles ils envisageaient un poste, par

ordre de fréquence

64,5% envisageaient de travailler dans une collectivité territoriale, 22,6% espéraient travailler au sein d’une association, 6,4% ont cité l’Éducation nationale, 6,4% souhaitaient travailler dans une ONG, 6,4% envisageaient de travailler dans une institution culturelle, Les autres réponses sont peu significatives (foyer d’adolescent, centre social, maison des parents, ministère…) Si l’on compare les aspirations des étudiants à la réalité de leur emploi, on constate que celles-ci ne sont pas satisfaites en grande part. En effet 25% occupent un poste au sein d’entreprises privés (IKEA, France Télécom, SFR, Disneyland…), 22,2% travaillent au sein de l’Éducation nationale mais sur des postes peu qualifiés (emploi vie scolaire…), 19,4% occupent un emploi au sein d’une municipalité mais ce n’est pas un emploi de cadre, la plupart du temps (animateur, accompagnateur scolaire…), 5,5% occupent un emploi dans une CAF.

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Page 27: Formations et métiers des vterrains sensibles

Section 4, la formation initiale

L’entrée en master 1 est ouverte prioritairement aux étudiants de Sciences de l’éducation. Mais la spécificité de la discipline fait qu’il n’existe pas de cursus antérieur à la licence, hormis le diplôme universitaire intitulé Certificat préparatoire qui permet l’accès à la licence. Ainsi dans le dispositif actuel de formation, les étudiants entrant en licence de Sciences de l’éducation entrent au niveau L3 c’est-à-dire en toute fin de cursus. Une telle situation fait que sont peu nombreux les étudiants venus du Certificat préparatoire et par récurrence, les étudiants qui entrent en licence, ont un parcours universitaire effectué dans d’autres disciplines qui disposent des niveaux en amont). Les entrées d’étudiants issus d’autres disciplines se font aussi au niveau du master 1 comme au niveau du master 2. Ceci explique la grande hétérogénéité du public accueilli dans cette formation.

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Page 28: Formations et métiers des vterrains sensibles

Des étudiants venus d’ailleurs !

Le tableau qui suit précise la discipline d’origine des étudiants sur le dernier diplôme obtenu dans cette discipline, avant d’intégrer le master CITS en première ou seconde année. Disciplines

ou

domaines

M1

05-

06

M1

06-07

M1

07-08

M2

05-06

M2

06-07

M2

07-08

Total

général %

Ethnologie 1 1 2 4% Gestion de projets 1 1 2%

Histoire 1 1 2%

Indéfini 5 1 6 13%

Infocom 1 1 2% Ingénierie sociale 1 1 2%

IUFM 1 1 2 4%

Lettres 1 1 2%

PPI 1 1 2%

Psychologie 2 2 4% Sciences de

l'éducation 4 7 6 2 4 7 27 57%

Sociologie 1 2 3 6%

Staps 1 1 2 4%

Travail social 1 1 2% Total

général 5 7 18 2 8 13 53 Parmi les personnes ayant indiqué leur formation initiale, une majorité - 57% - ont un parcours en Sciences de l’éducation. Le reste des étudiants a réalisé un parcours initial en Sciences humaines : Sociologie, Ethnologie, Langues, Droit, Sciences politiques, Histoire de l’art, Techniques commerciales, Médiation culturelle…

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Page 29: Formations et métiers des vterrains sensibles

On notera d’autre part la diversité des établissements d’origine des étudiants dans le tableau qui suit :

Universités d’origine Nombre

Non réponse 5

Paris X Nanterre 28

Provence Aix-Marseille 1

Paris XII Créteil 1

Lyon 2 1

Paris V 4

Paris - ST Germain 1

Montpellier 1

Paris XIII Villetaneuse 2

Paris VIII - Saint Denis 3

Mont Saint Aignan 1

Toulouse 2 1

St Quentin en Yvelines 1

UMCE Chili 1

Paris I 1

IUFM Antony 1

Total général 53

Les étudiants viennent en grande majorité de Paris X, puis des universités de la région parisienne. Paris V a un département de Sciences de l’éducation important ce qui explique le nombre d’étudiants venant de cette université.

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Page 30: Formations et métiers des vterrains sensibles

Section 5, des propositions pour l’amélioration de la formation

À la question : Quels sont les manques du mater CITS en matière de

formation ? Deux tiers des personnes ont exprimé, dans des questions ouvertes, leur avis. En regroupant les points de vue exprimés, nous pouvons en déduire quelques grandes lignes qui pourraient être l’objet de réformes de la formation.

Gestion, droit, les grands absents de la formation

Il semble que l’aspect budgétaire et juridique de la formation soit le principal manque de ce master. Une majorité d’étudiants aimerait acquérir plus de connaissances en droit et en gestion, pour mieux conduire les projets des politiques de la ville, et ceux des collectivités territoriales. En second lieu, il semble qu’une partie des étudiants souhaite voir augmenter les pratiques professionnelles dans le cursus. Ceci est sans doute à mettre en lien avec les inquiétudes qu’éprouvent les étudiants quant à leurs compétences pour pouvoir prendre en charge des postes à responsabilités. La formation universitaire dispensée, outre qu’elle apparaît insuffisante dans les domaines cités plus haut, constitue, selon les répondants une faible préparation à l’emploi. D’autre part, l’état actuel du marché du travail qui tend à recruter des personnes en deçà de leur niveau réel de qualification renforce l’image dévalorisée de la formation et des compétences acquises qui ne trouvent que difficilement de terrains sur lesquels s’exercer. On notera encore que la formulation des réponses montre une certaine ressemblance avec les petites annonces d’emplois. Ainsi elles évoquent par exemple le manque de connaissances des procédures de recrutement ou le manque de formation à la gestion des ressources humaines. En reprenant ces trois points, on peut dire que l’ensemble des étudiants désireraient que la formation CITS se rapproche plus des exigences professionnelles actuelles, en terme de conduite de projets et de prises de responsabilités au sein des politiques de la ville et des collectivités territoriales.

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Page 31: Formations et métiers des vterrains sensibles

Propositions

À la question Avez-vous des idées sur comment améliorer la formation

CITS ? Deux tiers des personnes ont répondu. Nous devons cependant distinguer les réponses attribuées respectivement aux étudiants de M1 CITS et de M2 CITS de l’année 2007/2008. En effet, un certain nombre d’étudiants de M1 proposent de mettre en place, dès la première année de master, des exercices de conduite de projets, et des interventions plus en relation avec la réalité sensible des terrains sensibles. À l’inverse, sur ce sujet, les étudiants de Master 2 semblent entièrement satisfaits. Par ailleurs les étudiants de M1 sont nombreux à souhaiter la constitution de groupes restreints et un rythme de cours réguliers. Les étudiants de M2, quant à eux, sont nombreux à proposer un découpage de l’année en deux temps : un premier temps pour la validation des cours, et un second temps dévolu au stage. L’équilibre entre les cours, le travail personnel et le stage permettrait un meilleur investissement dans chacun des temps de la formation. On a là deux demandes majoritaires diamétralement opposées. Les étudiants de première année souhaitent une organisation de l’année de type scolaire avec un emploi du temps régulier quand ceux de M2, au contraire voudraient une partition nette entre les cours à l’université et les stage pour le second semestre. Les deux promotions de l’année 2007/2008 s’accordent cependant sur un point : une forte exigence de professionnalisation pour leur permettre d’appréhender le marché du travail et le monde professionnel des terrains sensibles, avec un portefeuille de connaissances et de compétences étendues et appropriées. Il est probable que la conjoncture actuelle du marché du travail renforce les inquiétudes et les exigences des étudiants qui se voient à la sortie du master, projetés dans un monde où il est difficile de faire sa place, d’autant que l’accès aux emplois majoritairement publics passe par des concours soit de l’Éducation nationale soit de la fonction territoriale. Il est pourtant étonnant de ne pas voir réclamer, dans le cadre de la formation, une préparation aux concours de la fonction publique.

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Page 32: Formations et métiers des vterrains sensibles

En guise de conclusion…

Au terme de cette recherche il apparaît que malgré l’existence récente du dispositif, le public, en l’espace de trois années, s’est considérablement modifié. En effet, en 2007-2008, les étudiants sont à temps plein et salariés à temps partiel majoritairement. L’afflux important d’un nombre d’étudiants de ce profil met aujourd’hui les Sciences de l’éducation face à une difficulté longtemps ignorée : des étudiants à temps plein qui travaillent alors qu’antérieurement les étudiants fréquentant cette discipline étaient des salariés (enseignants, assistants sociaux, éducateurs…) installés depuis longtemps dans leur emploi. Or, nous l’avons vu, le public d’étudiants se rajeunit en M1 et la recherche menée montre qu’une fois sortis du cursus les étudiants se trouvent déqualifiés à deux niveaux : d’une part ils obtiennent des emplois de qualification inférieure à la formation reçue : ils aspirent à devenir cadre quand on ne leur propose que des tâches d’employés et en second lieu, ils se trouvent sur des postes dont les contrats de travail sont à part égale des contrats à durée déterminée et des contrats à durée indéterminée. Sans doute expriment-ils des manques bien réels au regard des contenus de la formation : en droit, en gestion, en réalisation effective de projets. Mais en même temps on ne peut pas immédiatement déduire que l’employabilité est consécutive à ces insuffisances bien réelles. L’employabilité est étroitement corrélée au marché de l’emploi. Cependant, il y a à s’interroger précisément sur les emplois en terrains sensibles. La recherche a montré que c’est dans l’emploi public que sont à pourvoir ces postes, mais en même temps, la réalité d’accès à ces métiers en mutation, passe par la réussite à des concours (enseignement, et fonction territoriale principalement). La question de la préparation à ces concours doit être étudiée dans le cadre précisément de ce cursus, qui rappelons-le, est un master professionnel. Elle est d’autant plus pertinente que 41,5% des étudiants du master CITS se sont déjà présentés à un concours de la fonction publique.

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Les réponses au questionnaire montrent que cette formation récente ne donne pas tout ce qu’elle pourrait offrir en terme de réseaux professionnels puisque seuls 28% des étudiants disent garder des contacts avec leurs anciens camarades Sans doute est-ce, là aussi, la conséquence de l’état du marché de l’emploi dans ce domaine où les rémunérations de plus de la moitié des personnes salariées enquêtées gagnent moins de 700 euros par mois. On peut néanmoins raisonnablement faire l’hypothèse, compte tenu des modalités de recrutement actuelles, que les jeunes étudiants exerçant des emplois d’exécution dans le champ des collectivités territoriales, en terrains sensibles seront dans le futur, aptes à pourvoir des postes d’encadrement. Une telle hypothèse mériterait sans doute d’être vérifiée par un suivi de cohorte d’étudiants sur plusieurs années. Au terme de cette recherche, nous pouvons conclure que le master Cadre d’intervention en terrains sensibles se trouve comme bon nombre de formations universitaires professionnelles, confronté au paradoxe de la professionnalisation. L’attente des étudiants va dans ce sens quand dans un même élan le risque est fort de voir les contenus de formation se transformer en entreprise de bachotage. D’un autre côté, la stratégie en seconde année qui consisterait à ne privilégier qu’un recrutement de professionnels en congé de formation affaiblirait l’employabilité des jeunes, arrivant sur le marché du travail. Nul doute, qu’en l’occurrence, il y a des choix à faire d’autant que sur les terrains sensibles il y a de plus en plus de besoins de compétences diversifiées.

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L’évolution des profils des acteurs de la politique de la ville

Par Vanessa Girard Doctorante en première année au Latts, ENPC

Résumé : Les métiers de la politique de la ville sont pourvus par des professionnels aux formations fort différentes. Qu’est-ce qui caractérise cette professionnalité nouvelle ? Peut-elle s’inscrire dans la durée et voir ces nouveaux métiers se pérenniser ? Mots clés : agent de développement, développement social urbain, chargé de mission politique de la ville, chef de projet, médiateur. La politique de la ville est mise en place au début des années 1980 d’après deux nouveautés : d’une part, il s’agit de ne plus traiter individuellement les problèmes sociaux comme cela avait été le cas jusque là, puisque les quartiers regroupent une population souffrant des mêmes difficultés, et, ce sont les communes qui doivent être au premier plan dans la gestion de cette nouvelle politique. Cette politique ne traite donc plus de l’individu mais du territoire, d’où le nom de développement social urbain. D’autre part, au fil du temps, les problèmes relevant tant de l’éducation que de la justice ou du développement économique sont intégrés à une seule et même démarche comme dans le contrat de ville ou l’actuel CUCS (Contrat urbain de cohésion sociale) qui est composé de cinq axes au niveau national, à savoir : cadre de vie et habitat, emploi et développement économique, réussite éducative, prévention et citoyenneté et pour finir santé. Les compétences relevant originellement de divers ministères sont regroupées et les démarches partenariales, très vivement encouragées, se multiplient car elles sont nécessaires à la bonne mise en œuvre d’actions aussi diverses que variées. L’émergence de la politique de la ville s’accompagne de la création de ce que l’on nomme les nouveaux métiers. En effet, la politique de la ville fait émerger des métiers atypiques. Cette caractéristique, évidente dès le départ, vaut encore actuellement avec une difficulté toujours présente à professionnaliser ces nouveaux métiers comme nous le verrons par la suite. Des postes de chef de projet, d’agent de développement, de chargé

de mission politique de la ville ou médiateurs sont ouverts dans les communes, financés en grande partie par l’État.

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L’une des premières difficultés qui apparaît est de trouver des personnes souhaitant agir dans le cadre de la politique de la ville et ayant les qualités nécessaires.

De l’animateur socioculturel au diplômé de Sciences Po

Comme l’analyse Jacques Ion1, les premiers professionnels à répondre favorablement à la politique de la ville sont généralement d’anciens animateurs socioculturels, éducateurs spécialisés et travailleurs sociaux en milieu ouvert, fortement impliqués dans le développement social. Il s’agit majoritairement d’hommes, âgés de 30 à 45 ans, ayant ou ayant eu une forte activité militante soit dans la sphère politique, soit dans le monde associatif. Ils sont en effet les premiers à s’impliquer dès l’annonce de la nouvelle politique sociale qui prend désormais attache à un territoire et non à une catégorie de personnes et qui laisse place à une transversalité entre les différents domaines d’application. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ils sont très faiblement suivis par les assistantes sociales qui, elles, ne souhaitent pas s’impliquer dans une politique où l’individu ne serait plus au centre. L’enquête sur les professionnels du développement local menée par Claude Cohen en 20032 confirme cela : 32% des professionnels interrogés ayant répondu au questionnaire (au total 57) possèdent un diplôme dans le travail social et l’animation. Ils sont plus âgés que les autres professionnels diplômés en urbanisme, géographie, développement local, économie, sciences politiques et droit puisque seulement un d’entre eux a moins de 30 ans. Deux des chargés de mission politique de la ville et du développement social urbain dans l’agglomération de Périgueux3 sur quatre proviennent du milieu de l’animation locale.

1 Ion J. Le travail social à l’épreuve du territoire. Paris, Dunod, 2005. 2 Quand la démocratie locale se professionnalise… Actes de la rencontre organisée le 23 octobre 2003, Profession banlieue, p. 95 à 148. 3 Série de huit entretiens réalisés du 19 au 22 février 2008 auprès des chargés de mission politique de la ville des communes de Périgueux, Boulazac, Coulounieix-Chamiers, de la Communauté d’Agglomération Périgourdine, du chargé de mission au Conseil Général, au SGAR et à la Préfecture de Département.

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Ce sont les deux seuls à avoir plus de 35 ans et à avoir travaillé pour le compte, ou en collaboration étroite, avec les associations de quartier. Tous deux sont agents de la fonction publique territoriale et en poste depuis plusieurs années. Cette évolution des profils des professionnels de la politique de la ville s’accompagne d’un changement de statut : en effet, si les contractuels étaient largement représentés au sein de la catégorie des chefs de projet ou chargés de mission jusque là, un phénomène de municipalisation s’est amorcé depuis le contrat de ville 2000-20061 et se prolonge encore aujourd’hui. Trois explications peuvent être apportées pour l’expliquer ; les communes ont souhaité prendre le contrôle de la politique de la ville puisqu’il s’agit d’une politique agissant exclusivement sur leur territoire et elles disposent d’un outil majeur qui est - bien évidemment - le logement social puisque les organismes dépendent des municipalités. Les acteurs de la politique de la ville, financés au départ à moitié par les communes et par l’État, étaient en situation de précarité professionnelle ; ils ont été conduits à s’intégrer aux services municipaux afin de faciliter leurs actions et de réduire les risques professionnels à leur endroit. D’autre part, leur relation avec les élus souffrait de l’antithèse élu =

représentant des habitants ; chef de projet = voix des populations

déclassées, sans représentant. Le chef de projet était perçu comme l’avocat des habitants non représentés par les élus. Un climat de tension a pu s’installer et freiner l’action des professionnels à certains égards. Que la municipalisation des acteurs de la politique de la ville ait un impact positif ou négatif, nous ne traiterons pas cette question ici mais nous formulons cette affirmation afin de comprendre l’évolution du profil des acteurs car un lien entre les deux est perceptible. Les anciens travailleurs sociaux ont souhaité, pour la plupart, une meilleure sécurité professionnelle et les nouveaux diplômés en droit et en sciences politiques cherchent à faire carrière dans l’administration.

1 Brevan C. Picard P., Une nouvelle ambition pour les villes. De nouvelles frontières pour les métiers. Rapport à Claude Bartolone, Ministre délégué à la ville, septembre 2000, p. 48-53.

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L’une des avancées en matière de politique de la ville est bien évidemment la création, au fur et à mesure que le temps passe, des diplômes en développement local. Du master professionnel de l’Université de Paris 1 Développement local : acteurs sociaux et

dynamiques spatiales au master de Sciences Po Administration et action

publiques, les écoles et universités créent de plus en plus de diplômes de second cycle qui mènent aux carrières de chef de projet politique de la ville ou chargé de mission développement local. Un apprentissage très généraliste sert d’une part à préparer ces futurs professionnels aux concours de l’administration publique territoriale, mais aussi à être à même de gérer tous types de projets en leur donnant des connaissances nécessaires en droit public, en économie, en finances, en histoire sociale, en communication, etc. Si les premiers professionnels de la politique de la ville n’avaient pas l’ensemble de ces savoirs élémentaires, ils ont su s’adapter et apprendre, en même temps qu’ils ont inventé les méthodes qui sont encore aujourd’hui utilisées. Certains chargés de mission de l’ancienne école interrogés, à savoir les anciens animateurs socioculturels, pensent que les nouveaux diplômés leur apportent beaucoup de savoirs techniques, dont eux ne disposent pas tandis qu’ils transmettent leur expérience en matière de montage de dossier1. Bien que très différents, leurs profils ne s’opposent bien évidemment pas mais tendent même, d’après certains, à se compléter. Si l’on peut penser que la catégorie des chefs de projet anciens militants est plus active ou plus impliquée en raison de leurs activités, cela n’est pas le cas. En effet, de manière assez générale, l’implication personnelle des professionnels du développement social est globalement très importante quel que soit le profil de ceux-ci. De profils très différents, nous ne pouvons que constater l’uniformisation des méthodes employées. Vers une professionnalisation de la politique de la ville ?

La question de la professionnalisation a été soulevée à de nombreuses reprises. Le rapport Brévan-Picard, les nombreux articles publiés par la DIV2 dans les dossiers thématiques, les réunions de l’inter réseaux DSU

1 Série de huit entretiens réalisés du 19 au 22 février 2008. 2 Délégation interministérielle à la ville.

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sont la preuve du questionnement permanent que les professionnels de la politique de la ville portent à leur travail, à leur métier, à leur statut… Si toutes les professions n’ont pas ce genre d’interrogation, il apparaît évident que peu de métiers sont, dans leur exercice, différents d’une commune à l’autre ou d’une région à l’autre, tout en portant le même intitulé de poste. Si un avocat aura toujours pour mission de défendre son client en utilisant la loi, le chef de projet, lui, doit permettre de faciliter le développement d’un quartier mais selon le lieu, il sera amené à employer différents moyens et à naviguer entre différents champs : social, économique, culturel… Ainsi, il n’existe pas deux chefs de projet qui aient exactement les mêmes missions et les mêmes préoccupations au même moment. Le flou1 des métiers de la politique de la ville crée la nécessité pour ces professionnels de s’interroger sur leur métier. Les compétences sont aussi diverses que les connaissances demandées pour un poste. Force de proposition, doté d'un esprit de synthèse et d'analyse.

Capacité à la conduite de réunions avec des partenaires tant publics que

privés. Qualités relationnelles indispensables, voilà un exemple d’offre d’emploi au poste de chef de projet2. Diverses connaissances et compétences sont ainsi demandées mais il y a une absence de critères de recrutement communs aux diverses collectivités. Il est également intéressant de noter que le terme de qualification est absent des discours au profit du terme de compétences. En effet, les annonces décrivant les compétences nécessaires à l’exercice des fonctions de chef de projet varient d’une collectivité à l’autre. Les offres d’emploi ressemblent davantage à une longue énumération de compétences qu’à un profil type. Cela s’explique évidemment par la multiplicité des domaines touchés par le développement social urbain. Personne n’est susceptible de posséder l’ensemble de ces compétences ni, bien sûr, l’ensemble des connaissances qui sont demandées. Si les employeurs demandent des connaissances tant juridiques que sociales ou urbanistiques… il apparaît clairement que la personne qui est recherchée doit être un généraliste plutôt qu’un spécialiste de l’un de ces domaines. 1 Jeannot G., Les métiers flous. Travail et action publique, Toulouse, Octarès, 2005. 2 Offres d’emploi in La Gazette des communes, N° 1922 du 25/02/2008.

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Cela permet également à l’employeur d’avoir une marge de manœuvre plus large quant au recrutement puisque plus de candidats doivent être amenés à se présenter et un choix fait par rapport à une grille de critères sera naturellement plus large. Cependant, depuis que la politique de la ville existe, aucun référentiel de compétences n’a été effectué. Mais à savoir si l’on va vers une professionnalisation des métiers de la politique de la ville, personne jusqu’ici n’a réellement su trancher. En effet, les indices qui peuvent permettre d’employer le terme de professionnalisation seraient l’existence de réseaux, une reconnaissance mutuelle de chacun comme professionnel, également l’émergence d’une authentique filière universitaire qui prépare à exercer ce poste. Or, il est jusqu’ici difficile de repérer une réelle filière universitaire puisque les intitulés des diplômes sont très différents et ils sont rattachés à des UFR (unité de formation et de recherche) qui peuvent être juridique, sociologique, département d’économie ou d’aménagement. Bien qu’originellement très éloigné des affaires sociales ou urbaines, l’Institut d’études européennes de l’Université Paris 8 propose depuis quelques années une spécialité : Villes et nouveaux espaces européens de

gouvernance de master qui peut préparer au métier de chef de projet. Il existe principalement deux réseaux des professionnels de la politique de la ville : l’inter réseaux DSU que nous avons cité supra et Amadeus. Le premier s’intéresse particulièrement aux questions que nous évoquons ici, à savoir les évolutions et les métiers du développement social urbain. Amadeus est un réseau plus réduit en nombre de membres mais très actif sur les questions d’intégration de la politique de la ville aux services municipaux. Il est difficile d’en mesurer le poids sur la question de la professionnalisation. Lorsque nous avons demandé aux acteurs du développement social de Périgueux s’ils se reconnaissent entre professionnels, plusieurs ont répondu qu’il y a une reconnaissance au travers de leur méthode de travail. Ils savent qu’ils appartiennent à la même catégorie de professionnels par leur connaissance et leur maîtrise des outils spécifiques à la politique de la ville.

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Le rapport Brévan-Picard souhaite voir une cellule de coordination sur la professionnalisation des agents locaux de médiation sociale ainsi que le renforcement des parcours de formation, en particulier pour les personnes bénéficiant du dispositif emploi jeune

1. La

professionnalisation des agents de développement social urbain est un processus en cours mais non encore abouti. Comme le précisent Jean-François Sipp et Maurice Blanc2, la question de la professionnalisation doit servir à professionnaliser des individus pour faciliter leur insertion dans des emplois stables et non à professionnaliser des activités précaires. Si à l’origine les métiers de la ville étaient prévus comme provisoires, le temps aura prouvé le contraire et la question de la professionnalisation est aujourd’hui un enjeu de taille. Les profils professionnels des acteurs de la politique de la ville ont largement évolués depuis le début des années 1980 mais l’évolution est encore en cours. Nous pouvons former deux hypothèses pour l’avenir : peut-être allons nous vers une stabilisation des statuts et des profils des professionnels de la politique de la ville si le processus de professionnalisation touche un jour à sa fin mais il est tout à fait probable que les métiers du développement social urbain, par leur nature même, restent des métiers flous en constante évolution.

1 Brevan C. Picard, P., Une nouvelle ambition pour les villes. De nouvelles frontières pour les métiers, p. 103-104. 2 Sipp J-F., Blanc, M., Les métiers de la ville et du développement social urbain, Rapport pour la Délégation interministérielle à la ville, mars 2000. p. 14.

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Comment former les acteurs aux problématiques éducatives ?

Par Jean Michel Le Bail

Résumé : L’éducation globale prend forme, aujourd’hui, au sein de différents dispositifs scolaires et extra scolaires. Cependant, leur multiplicité, les contours mal définis, amènent à s’interroger sur la connaissance qu’en ont les acteurs, sur les risques de chevauchement et, en fin de compte, sur la connaissance transmise d’une politique éducative et de la ville concertées.

Mots clés : contrat éducatif local, contrat local de sécurité dynamique locale, éducation globale, formation, politique de la ville, programme personnalisé de réussite éducative, programme de réussite éducative. Un système éducatif peu lisible

L’École est devenue aujourd’hui, pour les jeunes et leurs familles, le lieu où se joue l’accès à l’identité scolaire. Cette identité scolaire elle-même vectrice de l’identité sociale future, constituant la promesse d’une inscription dans le tissu économique et le monde du travail, les parents sont prêts à de grands sacrifices pour que leurs enfants accèdent à la réussite scolaire. Ceci explique, en grande partie, le rôle central tenu par l’éducation en termes d’accès aux savoirs, d’orientation, de formation et de développement culturel dans l’ensemble des pays développés. Mais c’est encore plus vrai pour les territoires qui visent à la réduction des inégalités, que celles-ci soient sociales, économiques ou culturelles. On le constate dans les différents contrats de ville à travers les actions d’accompagnement scolaire ou de soutien éducatif, la thématique éducative est de plus en plus prégnante. Pourtant, on le sait, la massification de l’enseignement n’a pas réussi totalement à compenser les mécanismes de la reproduction sociale, plus focalisée sur la scolarisation pour tous que soucieuse de viser la réussite de chacun. De fait, même si elle a lourdement régressé en quelques années, la sortie sans qualification, chaque année, de plus de 100 000 élèves reste un phénomène préoccupant, surtout si on le regarde d’un point de vue sociologique, la majorité des échecs provenant d’une minorité de territoires : ceux les plus en difficulté.

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Le principe d’une co-éducation s’est donc imposé ces dernières années comme une nécessité. L’intervention d’instances locales, le partenariat, la dynamique contractuelle, se sont installés progressivement dans les pratiques alors même que l’autonomie croissante des établissements dégageait de nouvelles marges de manœuvre en interne et en externe : école ouverte, classes relais… Malheureusement la formation des acteurs locaux a tardé à intégrer cette nouvelle donne. Du côté de l’Éducation nationale, celle des enseignants reste avant tout centrée sur les pratiques didactiques de la classe considérée comme seule unité d’enseignement, ignorant le plus souvent l’environnement de l’école et parfois l’école elle-même. Du côté de la politique de la ville, la chose scolaire est devenue une affaire de spécialistes, un enjeu difficile à percevoir, une boîte noire. Les acteurs locaux se sont le plus souvent cantonnés à sa périphérie, préférant reporter leur regard sur les projets associatifs qu’ils avaient la sensation de mieux connaître, de pouvoir contrôler et dont ils étaient parfois à l’origine. Comment impulser une réflexion éducative à l’échelle du territoire ?

On le sait, une dynamique locale ne se décrète pas. Les politiques successives de décentralisation ont eu ces dernières années des effets contrastés sur la mise en synergie des acteurs. La nomination de délégués de l’État sur les quartiers en politique de la ville a certes fait abonder un certain nombre de crédits aux associations, contribuant de fait à une professionnalisation des acteurs locaux, mais elle n’a pas toujours permis d’engager une réflexion partagée sur des projets éducatifs de territoire. Le plus souvent, ce sont plutôt les objets de contractualisation qui ont fait avancer la réflexion des acteurs et les ont obligé à partager leurs analyses. Ainsi, les créations en 1992 du contrat local d’accompagnement à la scolarité, dans le début des années 2000 du contrat éducatif local et du contrat local de sécurité ont été les jalons successifs d’une logique nouvelle : celle de l’éducation partagée ou éducation globale.

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Mais de façon étrange, l’École qui avait été d’une certaine manière demandeuse de cette contractualisation s’est ensuite repliée sur ses bases anciennes, laissant à d’autres le soin d’impulser la complémentarité et parfois le recours

1 En 2005, la mise en œuvre de la Loi de cohésion sociale et du programme de réussite éducative (PRE) a été une occasion de relancer la réflexion des acteurs locaux sur ce que pourrait être une politique éducative territoriale de compensation des inégalités et de remédiation des difficultés identifiées. Une fois encore, certains ont cru que l’École allait pouvoir s’appuyer sur ses partenaires pour pouvoir résoudre certaines des difficultés qui ne relevaient pas directement du champ de ses compétences, notamment le suivi et l’accompagnement éducatifs des élèves en situation de fragilité et de leurs familles. Mais très vite, le ministère a préféré proposer son propre dispositif, le programme personnalisé de réussite éducative, centré essentiellement malgré son appellation trompeuse sur la réussite scolaire. Sans moyen propre, le PPRE est venu en quelque sorte se substituer conceptuellement aux programmes individualisés prévus par la loi de cohésion sociale. Plus récemment, l’accompagnement éducatif et les stages de remédiation proposés aux élèves durant les vacances scolaires sont venus dans une dynamique analogue se superposer au contrat local d’accompagnement à la scolarité, sans que soit réellement pensée la complémentarité ou la cohérence des différents dispositifs proposés aux jeunes et à leurs familles. Le rôle de la formation des intervenants dans une dynamique

d’éducation partagée

En tant que correspondant politique de la ville, j’interviens aujourd’hui dans quatre types de formation : l’IUFM de Paris (en direction des professeurs-élèves stagiaires), la réussite éducative (formation des référents de parcours), le CLAS parisien (en direction des responsables, coordonnateurs et bénévoles d’associations) et enfin le master Cadres d’intervention en terrains sensibles (CITS) à Nanterre. Dans ces

1 Selon le ministre de l’époque, Claude Allègre, « l’école doit être son propre recours ». La formule a ensuite été souvent reprise par Philippe Meirieu.

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différents contextes de formation, et malgré la grande hétérogénéité des publics, je suis amené à constater un certain nombre d’invariants :

Les différents dispositifs mis en place, de par leur nature et leur fonctionnement, correspondent souvent davantage à une réponse à la demande sociale qu’aux besoins des apprenants (accompagnement éducatif, PPRE, stages de rattrapage scolaire…).

Depuis quelques années on observe un glissement de l’éducatif en libre adhésion vers de l’éducatif contraint (programme de réussite éducative, accompagnement scolaire renforcé…).

On observe également une tendance à créer des dispositifs réactifs

(prise en charge du décrochage ou de l’exclusion scolaires) sans penser ni à l’amont – pourquoi le jeune en est-il arrivé là – ni à l’aval – que va-t-on faire à la sortie du dispositif.

Il y a une multiplication à l’intérieur ou à l’extérieur de l’École de référents éducatifs aux contours professionnels de plus en plus flous ou indistincts (assistants d’éducation, assistants pédagogiques, assistants de vie scolaire, professeurs référents, bénévoles…).

Il y a méconnaissance réciproque des compétences respectives des uns et des autres aboutissant à la superposition d’actions ou de dispositifs de même nature ou à contenu proche (accompagnement éducatif / accompagnement à la scolarité ; veille éducative / réussite éducative, parcours personnalisés de réussite éducative / parcours individualisés de réussite éducative).

Par ailleurs, la mise en place de la Loi organique relative à la Loi de finances (LOLF) a pu avoir ici ou là des effets pervers que j’ai qualifiés dans un ouvrage de pilotage aux instruments.

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Le risque est grand : a) De voir les politiques éducatives courir après les indicateurs de contrats urbains, sans se donner de cohérence globale. b) De voir chaque institution reconstruire en interne les dispositifs partenariaux qu’elle co-pilotait jusqu’ici avec d’autres1.

De même, on peut voir l’échec relatif de la réussite éducative comme une conséquence prévisible de la réticence des partenaires à partager les informations nécessaires – et seulement les informations nécessaires – pour élaborer un diagnostic et définir un parcours. Le durcissement des lois à l’égard des personnes en situation irrégulière n’a pas non plus favorisé l’émergence de solutions partagées. On le voit, le contexte n’est donc pas forcément favorable à la formation des acteurs des politiques éducatives territoriales, en cela qu’il renvoie aux acteurs une image parfois dégradée, parfois confuse, parfois

impuissante de l’intervention publique en direction des populations

fragiles. Certains universitaires adeptes d’une sociologie critique se plaisent d’ailleurs à souligner l’inefficacité de ces politiques publiques en soulignant que les réactions sur le terrain sont souvent de l’ordre du « ça ne marche pas, ça ne sert à rien » ou du « on n’y comprend rien, c’est trop compliqué, c’est trop lourd à mettre en œuvre ». Pourtant, je continue de croire que la formation et l’échange des savoirs, sur ces questions, reste indispensables. Car si jusqu’à présent, les politiques éducatives ont buté sur l’incompréhension réciproque des acteurs, c’est en grande partie dû à un manque de formation, d’information et de compréhension des mécanismes réciproques mis en jeu par ces politiques de part et d’autre. Méconnaissance de l’Éducation nationale sur les enjeux de la politique de la ville en général et du périscolaire en particulier, difficulté à intégrer la problématique des rythmes de vie de l’enfant. Méconnaissance des acteurs locaux qui croient parfois réinventer ce que l’Éducation nationale a mis en œuvre de plus ou moins longue date1. Au total, c’est près d’une dizaine de

1 Il n’est pas certain par exemple que l’accompagnement éducatif au CP ait la même efficacité que les Clubs coup de pouce.

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dispositifs qui fonctionnent déjà dans les établissements et dont les associations ignorent le plus souvent les modalités. De plus, j’ai l’expérience depuis plusieurs années du bénéfice relatif à la mise en place de formation d’acteurs et des effets induits sur les pratiques partenariales.

Dans le contexte de l’IUFM, la formation des futurs professeurs a permis de dédramatiser le contexte de l’exercice en ZEP et de montrer la richesse de l’environnement éducatif dans le cadre d’une pédagogie de projet.

Dans le contexte du Master CITS de Paris X, la présentation des dispositifs départementaux permet aux futurs intervenants en terrain sensible de développer des représentations d’actions innovantes partenariales et de prendre conscience de leur impact sur la réussite scolaire /éducative des jeunes et des enfants.

Dans le contexte des référents de parcours du Programme de réussite éducative (PRE), la formation permet de clarifier les enjeux notionnels tels que aide, soutien, accompagnement et de subsidiariser les modalités d’intervention en interne (Réseaux d’aides) et en externe (réussite éducative).

Dans le contexte des associations d’accompagnement à la scolarité, la co-intervention permet de valoriser les différents champs d’intervention, de croiser les regards et les approches (scolarité, parentalité, autonomie) sur des problématiques forcément complexes et multifactorielles, mais aussi d’installer une reconnaissance réciproque de l’apport du local et de l’École.

Ceci me permet d’affirmer qu’en restant dans des dynamiques de formation en interne, l’andragogie se cantonne à une professionnalisation en vase clos, refermée sur des postures et des valeurs endogènes, intégrant avec difficulté d’autres problématiques que celles relatives à son propre champ d’intervention. On continue ainsi à traiter de façon pédagogique des problématiques qui ne relèvent pas que de la pédagogie, de façon sociologique des problématiques qui ne relèvent pas que de la sociologie, etc.

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Il n’est pas nécessaire d’être psychologue pour avoir le droit de s’interroger sur le mal-être d’un élève. Il n’est pas nécessaire d’être assistante sociale pour se demander si de mauvaises conditions de vie ou de logement sont préjudiciables à l’épanouissement. Ce cloisonnement préjudiciable à un élargissement des perspectives et des sphères de compréhension doit nous faire réfléchir au plus haut niveau, notamment à celui de l’université qui par son organisation contribue parfois à reconstituer les clivages que des pratiques ethno méthodologiques et/ou praxéologiques d’échanges de savoirs permettraient bien souvent de lever. Il ne s’agit pas de toucher à tout, de se croire multispécialiste, il s’agit tout simplement de s’interroger sur la complexité des causes et la singularité des situations. C’est en tout cas pour moi l’un des enjeux essentiels de la formation des acteurs éducatifs si l’on veut arriver à dépasser une forme de traitement univoque et parfois redondant de situations nécessitant une pluralité d’approches et un croisement des regards. La professionnalisation des acteurs éducatifs dépend aujourd’hui, à la fois de cette prise de conscience et d’une meilleure connaissance des réalités forcément mouvantes auxquels ils sont confrontés. Bibliographie

Biarnès J., Universalité, diversité, sujet dans l’espace pédagogique,

L’Harmattan, 1999. Bier, B., L’éducation partagée, Cahiers de l’INJEP, 2006. Jésu F., Co-éduquer. Pour un développement social durable, Dunod. Paris, 2004. Le Bail, J-M., L’accompagnement à la scolarité, CRDP, Amiens, 2007. Le Bail J-M., L’oubli du sujet dans les politiques d’accompagnement éducatif et scolaire, in Biarnès J. et Delory-Momberger C., L’acteur

social. Le sujet et l’évaluation des politiques sociales, Editions Pleins feux, Nantes, 2006.

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Les étudiants-tuteurs dans les dispositifs d’ouverture sociale

des Grandes Écoles

Par Annabelle Allouch Résumé : Malgré les programmes engageant conjointement les Grandes Écoles et l’Éducation nationale, où des étudiants-tuteurs participent aux suivis d’élèves défavorisés, peut-on imaginer une professionnalisation de ces étudiants des Grandes Écoles ?

Mots clés : Grandes Écoles, tutorat, accompagnement scolaire, étudiants-tuteurs. Des initiatives nombreuses financées conjointement par la Politique de la Ville et le Ministère de l’Éducation nationale reposent sur le tutorat comme mode d’accompagnement des populations défavorisées dans un parcours de réussite scolaire1. C’est le cas des programmes d’ouverture sociale dans de nombreuses Grandes Écoles françaises2, dans lesquels on constate que le rôle de formateur n’incombe pas à des professionnels de l’éducation ou de l’animation sociale mais à des jeunes étudiants volontaires. Ceux-ci s’engagent généralement pour un an dans des dispositifs visant à la redistribution des capitaux culturels et sociaux jugés déterminants dans la perspective du passage réussi entre enseignement secondaire et enseignement supérieur. Lancés au début des années 2000, ces programmes n’ont eu de cesse de se multiplier dans les différents types de Grandes Écoles, certaines jouissant d’une reconnaissance institutionnelle leur permettant de passer du statut d’expérimentation à celui d’institution touchant ainsi un nombre de lycéens issus de Zones sensibles de plus en plus élevé. Or, il semble que ces processus d’institutionnalisation s’accompagnent d’un

1 À titre d’exemple, on citera le projet 100 000 étudiants pour 100 000 élèves,

géré par l’AFEV : http://www.education.gouv.fr/cid4049/100-000-etudiants-pour-100-000-eleves.html 2 Sur la genèse et les objectifs de ces programmes, on pourra se rapporter à Sabbagh D., Une convergence problématique, les stratégies de la « discrimination positive » dans l’enseignement supérieur des Etats-Unis et de la France », n°73, Politix, 2006, p.211-229.

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changement de statut pour les étudiants-tuteurs, qui irait au-delà de leur fonction initiale qui allie l’accompagnement scolaire des lycéens vers l’apprentissage de nouveaux savoirs et savoir-faire avec celle d’agent socialisateur aux codes et aux rites en usage dans la Grande École et dans l’enseignement supérieur en général1. Ils exercent ces fonctions dans le cadre de séances de tutorat qui se déroulent dans leur établissement à raison d’une à trois heures par semaine. Les tuteurs dirigent les différents ateliers qui composent ces séances auprès de petits groupes de lycéens pour lesquels on favorise des méthodes pédagogiques individualisées et hautement interactives. Pour autant assiste-t-on à la mise en place d’un nouveau métier autour de la fonction de tuteur ? Afin de répondre à cette question, on s’interrogera sur le statut et son appropriation par les étudiants dans le cas de certains dispositifs ayant recours aux tutorats comme mode d’accompagnement ou de formation primaire (comme c’est le cas dans toutes les écoles ayant signé la Charte pour l’égalité des chances dans l’accès aux formations d’excellence de 2005) ou secondaire, comme c’est le cas des dispositifs Conventions d’Éducation Prioritaire de l’IEP de Paris ou de la Classe Préparatoire à l’Enseignement Supérieur du Lycée Henri IV. Le choix de l’éclairage sur des étudiants qui en sont souvent la cheville ouvrière permettra alors peut-être de saisir quelques enjeux structurels et institutionnels autour de ce type de dispositif et ainsi en comprendre quelques modalités d’action, au-delà de tout débat sur leur compatibilité avec les principes d’égalité et de méritocratie à la française. Un cadre d’engagement professionnalisant

La structure des programmes d’ouverture sociale se caractérise par un encadrement de l’activité de ses militants : Les étudiants-tuteurs. Cet encadrement crée les conditions de l’acquisition de compétences et de l’appropriation d’un statut qui ressemble à celui d’un salarié d’entreprise. C’est une structure institutionnelle qui donne au tuteur un statut de

1 Cet article se base sur une recherche qualitative de plus de 50 entretiens menée de 2005 à 2008 dans le cadre d’un mémoire de Master 2 puis d’une thèse de doctorat. Pour plus de détails, voir : Allouch, A., Sociologie des tuteurs et des séances de tutorat du programme PQPM de l’ESSEC, Mémoire de Master 2, dir. S.Paugam, Paris, EHESS, septembre.2006.

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salarié. La fonction d’étudiant-tuteur est prise dans un entre-deux ambigu: d’un côté il s’agit d’un engagement volontaire au nom de la cause de l’égalité des chances et de l’autre, le tuteur bénéficie d’un statut de contractuel qui lui donne des droits mais aussi des devoirs assimilables à ceux d’un salarié. L’entrée dans les dispositifs d’ouverture sociale s’effectue en effet d’abord sur le mode de l’engagement bénévole dans le cadre associatif de la Grande École1. Cet engagement est rendu possible par la structure de l’école qui crée une disponibilité2 dans la vie de l’étudiant en lui laissant une part d’autonomie dans l’organisation de son emploi du temps. Ce temps disponible est pensé comme complémentaire à sa formation initiale. Ainsi, la participation à la vie d’une association, en ce qu’elle engage l’étudiant à un certain nombre de tâches qui rappellent celles du salarié (Fabrication de supports de communication, gestion de trésorerie et des contacts avec les sponsors, etc.) répond à cet objectif. C’est aussi le cas pour les étudiants s’engageant dans la cause de l’égalité des chances où ils sont employés comme tuteurs3. Toutefois, l’analyse comparée de la structure des associations étudiantes avec celle des programmes d’ouverture sociale souligne la spécificité de ces derniers. Contrairement aux autres associations sur les campus, ces dispositifs disposent d’une structure en cours d’institutionnalisation dont la Direction ne revient pas aux étudiants mais soit à la Direction de l’établissement (dans le cas d’Henri IV), soit à un personnel ad hoc chargé de l’ouverture sociale (Comme à l’ESSEC4 ou à l’IEP). Cette

1 Seule exception à ce principe : Le cas du Lycée Henri IV où les tuteurs sont des anciens élèves du lycée. 2 On rapprochera cette notion de disponibilité de celle de « disponibilité biographique » proposée par Johanna Siméant qui justifie l’entrée des agents dans une cause à certains moments de leurs vies où ils sont les plus disponibles. 3 L’ampleur du programme a par ailleurs poussé l’administration à se doter d’une organisation plus rationnelle avec des employés à plein temps (deux coordinateurs permanents et une secrétaire) et des tuteurs rémunérés. 4 À l’ESSEC par exemple, l’étudiant volontaire remet un CV et une lettre de motivation. Ensuite, il est soumis à un entretien individuel ou collectif avec la direction du programme. Une fois sélectionné, on lui remet un questionnaire sur le programme, sur ses origines sociales et son parcours scolaire en lui demandant d’y répondre en partie en se mettant à la place des lycéens.

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structure a des conséquences sur le statut des étudiants volontaires. Alors que le recrutement dans les autres associations est libre, le recrutement au sein des programmes est souvent sélectif. Une fois recrutés, les tuteurs signent ensuite un contrat annuel qui les oblige à s’engager de manière régulière et à assurer tous leurs tutorats, leurs préparations ainsi que les visites culturelles régulières qui ont pour objectif de familiariser les lycéens avec des lieux de production culturelle comme les musées ou l’opéra. En échange, ils reçoivent une rétribution financière modique mais aussi -et surtout- une rémunération symbolique passant par la validation d’Unités de valeurs entrant dans le dispositif d’évaluation de leur diplôme. Si ce statut concerne les étudiants des programmes les plus développés comme celui de l’ESSEC ou du Lycée Henri IV, il est symptomatique de la limite poreuse entre engagement au nom de l’égalité des chances et professionnalisation. Cette ambiguïté, que l’on retrouve aussi dans le cas des organisations humanitaires, est amplifiée par le fait que la responsabilité de la gestion de ces structures incombe d’abord aux écoles plutôt qu’aux tuteurs : de militants, les étudiants tuteurs deviennent contractuels. Ce recours au contrat s’explique par la nécessité d’exercer une forme de contrôle social sur des étudiants chargés de lycéens mineurs, les enjeux (notamment médiatiques) de ces programmes, et les subventions publiques et privées qui en découlent justifient de la nécessité de s’assurer de la motivation et de l’appropriation des objectifs du programme par les étudiants.

Une absence de formation palliée par une socialisation

professionnelle

Toutefois, malgré le caractère professionnalisant du cadre d’engagement, on constate l’absence de formation pédagogique des tuteurs qui est le fait de tous les programmes d’ouverture sociale. Etudiants jeunes1, généralement dépourvus d’expérience d’enseignement avec des populations juvéniles et/ou défavorisées, cette absence de formation est cependant compensée par un encadrement relativement resserré qui rend possible l’appropriation des coutumes et pratiques liées à leurs nouvelles fonctions. Ceci est particulièrement vrai au Lycée Henri IV et à l’ESSEC où il est demandé aux étudiants de rendre régulièrement compte du

1 En moyenne, 20 ans à l’ESSEC.

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déroulement de leurs séances avec un point sur le traitement individuel de chaque élève. À ces comptes-rendus obligatoires s’ajoutent des réunions bimensuelles avec les responsables du programme ou des étudiants coordinateurs, eux-mêmes anciens tuteurs, qui rendent possible l’échange entre plusieurs groupes sur les avancées ou les difficultés de chacun pendant les séances. Alors qu’on peut s’interroger sur l’absence de formation des étudiants, source d’instabilité et d’hétérogénéité en termes de relations pédagogiques et de contenu du tutorat, ces réunions s’assimilent à une instance de socialisation professionnelle par les pairs où est défini le type de compétence à mettre en œuvre autour d’ateliers prédéfinis (Par exemple des ateliers de méthodologie de la dissertation ou des ateliers d’actualité). Le rôle de ces séances est ainsi de réguler les méthodes de travail de chacun autour de règles ou de codes déontologiques élaborés en groupe. Elles sont ainsi l’occasion de l’édiction de ce qui s’apparente à des mythes professionnels. Ces mythes colportés sous forme de récits de tuteur en tuteur rendent possible une codification informelle des pratiques. Ils désignent par exemple des méthodes extrêmes à ne pas pratiquer : Arnaud, tuteur à l’ESSEC évoque ainsi avoir évoqué le cas d’un étudiant ayant tendance à faire des cours trop magistraux et donc peu interactifs, ce qui ne facilitait pas le processus d’apprentissages des lycéens. Le cadre spécifique des programmes d’ouverture sociale rend possible une professionnalisation des fonctions de tuteurs par le statut salarié qu’elle leur donne. Par ailleurs, dans certains dispositifs très intégrés, l’encadrement des étudiants par des instances de socialisation permet un processus de codification des pratiques communes à tous les tuteurs du programme. Ces instances sont renforcées par le recours à des récits

abstraits qui renforcent l’édiction de règles de bonnes pratiques. Toutefois, selon le modèle théorisé par Abbott, pour donner lieu à une profession, cette codification doit être articulée à une revendication de reconnaissance de la légitimité de ces pratiques1.

1 Abbott A., The system of professions, Chicago, University Press, 1988.

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Routinisation et légitimation des pratiques des tuteurs

Avec l’institutionnalisation des programmes, la routinisation des pratiques et leur codification rendent possible une stabilisation de la définition du rôle de tuteur. Accompagnateur éclairé, il se caractérise par son passage réussi dans le grand établissement, se démarquant à la fois de la figure du professeur et de celle de l’animateur social1. Parallèlement, l’émergence de structures inter-écoles rend possible une régulation des pratiques à plus grande échelle et une visibilité de la fonction qui accroît sa légitimité dans le champ de l’égalité des chances. Dans certains programmes, on constate même la construction de perspectives de carrière. L’émergence de structures de régulation des pratiques

Depuis l’année 2007/2008, l’association d’anciens tuteurs Partages, initialement chargée d’accompagner les lycéens du programme ESSEC au-delà du baccalauréat, a lancé une série d’événements dont l’objectif est de réunir tous les tuteurs des Grandes Écoles impliqués dans des dispositifs d’ouverture sociale afin d’interagir sur les problématiques liées à la mise en place dans chaque établissement2. Il s’agit alors de créer une homogénéisation dans les pratiques des tuteurs autour de méthodes communes à tous les étudiants. À titre d’exemple, lors du premier rendez-vous, les tuteurs ont pu réfléchir sur les modes d’inculcation les plus efficaces dans le cadre des ateliers d’anglais oral dont tous les tuteurs notent qu’il fait partie des plus difficiles à conduire. Sur la base de l’expérience de certains, le recours aux supports audio et audiovisuels a alors été proposé comme outil pertinent pour l’établissement d’une désacralisation ludique de la matière.

1 Dans les discours des tuteurs, le rapport avec la position de professeur est paradoxal. Alors qu’ils évoluent dans un ordre scolaire où, tout comme les profs, ils font preuve d’autorité en matière de savoirs culturels légitimes, ils en rejettent les fonctions. Ainsi, la définition que les étudiants donnent de leur fonction se décline de manière négative et donne ainsi lieu à une rhétorique d’exclusion de certaines professions sur le mode : Je suis ce que je ne suis pas. C’est aussi le cas des travailleurs sociaux. 2 Extrait du compte-rendu de la première journée Partages-Inter écoles, le 17 Novembre 2007, association Partages-ESSEC.

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Au travers de ce type d’événement, on assiste à l’émergence de structures inter-écoles s’assimilant à des structures de représentation professionnelle qui régulent et participent à l’homogénéisation des méthodes de travail auprès des lycéens. La volonté de se réunir marque non seulement un désir de visibilité mais une conscience de soi en tant qu’étudiant occupant des fonctions distinctives. Toutefois, on peut s’interroger sur sa représentativité. Malgré la trentaine d’écoles participant à ces évènements, deux des établissements les plus médiatisés - le Lycée Henri IV et l’IEP de Paris - n’y sont pas impliqués, tout comme de nombreux autres établissements ne s’inscrivant pas dans la mouvance du programme Une Grande École, pourquoi pas moi ? S’il semble y avoir un processus de routinisation, de codification, la mise en visibilité de la fonction de tuteur par la création de structures inter-écoles n’a pas encore prétention à s’imposer comme représentative de tous les programmes français. Par là, l’établissement de la fonction de tuteur comme profession légitime paraît en cours, mais d’une ampleur encore limitée.

Vers une carrière de tuteur?

Parallèlement à ce processus de visibilité, les anciens tuteurs peuvent, dans certaines structures, se voir proposer d’autres fonctions dans le cadre d’une évolution de carrière1, notion empruntée à la sociologie interactionniste. L’institutionnalisation de certains programmes induirait donc une progression du rôle dédié à l’étudiant qui se développe et s’adapte suivant l’évolution de besoins du programme, à l’image d’une véritable entreprise. À l’ESSEC, comme dans les programmes les plus intégrés, les étudiants qui le souhaitent peuvent continuer à s’engager en tant que coordinateur et alors transmettre leur expérience aux promotions de tuteurs suivantes. Par ailleurs, les tuteurs qui le souhaitent, une fois leur charge d’un an achevée, peuvent adopter un rôle plus prospectif de moniteur, chargés de développer le programme, par exemple dans le sens d’un accompagnement en post-bac des lycéens bénéficiaires du programme.

1 La notion de carrière est empruntée au sociologue E. Agrikolianski dans son article Carrières militantes et vocation à la morale : Les militants de la Ligue des droits de l’homme dans les années 1980, Revue Française de Science Politique, Année 2001, Vol. 51, n°1, p.27-46.

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Ils permettent ainsi l’élargissement de la sphère de compétences initiales du programme. Ces différents postes ne concernent toutefois, pour le moment, qu’une population limitée, généralement étudiants de la chaire entreprenariat social de l’ESSEC, structure sur laquelle repose le dispositif Une Grande Ecole, pourquoi pas moi ? Différents indicateurs marquent l’entrée dans un processus de professionnalisation des fonctions allouées aux tuteurs, dans une structure qui semble proche du modèle de l’entreprise. Mais alors que leurs pratiques se codifient et s’homogénéisent on n’assiste pas à l’émergence d’une identité de tuteur comme identité professionnelle. Des structures qui limitent encore l’apparition d’une identité

professionnelle

Si les structures des programmes favorisent la professionnalisation des tuteurs, elles suscitent aussi des limites en termes d’appropriation par les étudiants de leurs fonctions qui demeurent plus le fait d’une croyance citoyenne dans le traitement des inégalités scolaires que d’une volonté d’en faire un métier à part entière. Un engagement limité dans le temps

La limite de la professionnalisation des tuteurs se trouve dès les motivations sous-jacentes de l’engagement: Si l’étudiant est convaincu par la cause dans laquelle il s’engage, il ne s’y engage que pour le temps de ses études. Même si l’expérience du tutorat est souvent jugée importante voire primordiale dans l’orientation de l’étudiant et peut entrer dans le cadre d’une stratégie d’acquisition de compétences complémentaires, on n’assiste pas à la création d’une identité professionnelle. Etre tuteur reste avant tout un engagement limité dans le temps, par la structure elle-même d’une part, qui limite à un an la participation au programme afin de familiariser les lycéens avec plusieurs binômes d’étudiants1. D’autre part l’étudiant est dans l’obligation non seulement de valider des cours

1 Si on pose l’hypothèse que ce type de programme repose avant tout sur la proximité des lycéens avec la Grande École et ses étudiants, qui permet de se familiariser de manière durable avec les pratiques scolaires et sociales dans l’enseignement supérieur, le principe du turn-over des étudiants prend tout son sens.

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mais aussi – et surtout dans le cadre d’une école de commerce – de valider un certain nombre de mois de stages, ce qui le pousse à s’éloigner du campus de Cergy-Pontoise où se déroule la plupart des séances du programme. Par conséquent, exception faite des personnes engagées dans un monitorat ou un poste de coordination, les étudiants semblent avoir des difficultés à mettre en perspective leurs fonctions dans la durée. Malgré l’impact de l’expérience associative et militante en termes d’orientation professionnelle des tuteurs, le contexte institutionnel des programmes d’ouverture sociale ne favorise pas l’apparition d’un sentiment identitaire lié à la pratique de la fonction. Des figures pédagogiques concurrentes

Cet état de fait est amplifié par la présence dans les programmes d’autres intervenants. C’est le cas notamment du lycée Henri IV où la principale figure pédagogique demeure le professeur qui assure la plupart des cours visant à la préparation de l’entrée en classe préparatoire. Bénéficiant d’une compétence certifiée par une longue expérience et une formation adaptée, les professeurs éclipsent ainsi les tuteurs comme détenteurs d’une parole pédagogique légitime qui, du coup, se voient relégués dans l’espace du programme comme intervenants secondaires, ce qui atténue leur visibilité. À l’ESSEC, des professeurs-référents1 gardent la responsabilité du suivi pédagogique des lycéens et un rôle de coordination entre leur cursus scolaire et le programme. S’ils ne sont pas directement partie prenante dans le corps des tutorats, les responsables du dispositif ont récemment souhaité les y impliquer de façon plus active afin de faciliter les échanges et dissiper certains a priori éventuels sur la jeunesse des tuteurs et les contenus des tutorats. Ainsi, depuis cette année, une séance de tutorat se déroule dans le lycée d’origine, avec la participation du professeur-référent. S’ils ne sont pas directement

1 Les professeurs-référents sont présents dans chaque lycée partenaire du programme et sont chargés d’assurer la coordination des parcours des lycéens dans le cadre de leur cursus scolaire normal et dans le cadre de programmes d’ouverture sociale. Ainsi, tout décrochage du point de vue des notes de l’élève sera notifié aux responsables du programme ou aux tuteurs. De même, plusieurs rendez-vous sont prévus dans l’année entre tuteurs et professeurs-référents afin de faire des points réguliers sur l’évolution des lycéens et l’impact du programme sur leur cursus.

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concurrents des tuteurs en termes de détention de la parole pédagogique légitime, les professeurs sont activement associés aux contenus des programmes qui s’appuient en retour sur eux afin de renforcer leur légitimité mais aussi la coordination efficace des moyens de la Grande École avec ceux de l’Éducation nationale. Toutefois, leur présence participe à la minimisation de la visibilité et du champ d’action donnés aux tuteurs, ce qui contribue à affaiblir leur position en tant que figure reconnue de l’apprentissage. Cet état de fait, notamment à Henri IV ou à l’IEP peut gêner certains étudiants qui s’interrogent sur la légitimité de leur participation. Une identité qui reste étudiante

Si on n’assiste pas, pour le moment, à l’émergence d’une identité de tuteurs en tant que professionnel, les étudiants développent une expertise spécifique qui se base sur l’acquisition de connaissances individuelles sur les lycéens qu’ils accompagnent ou encore sur les initiatives créatives qu’ils développent en terme de modes de transmission pédagogique. L’acquisition de cette expertise et la codification de leurs pratiques contribuent à leur légitimation mais dans un premier temps, d’abord dans le cadre de la Grande École. En conséquence, on constate un phénomène de distinction des tuteurs par rapport aux autres engagements étudiants parfois jugés plus futiles dans leurs objectifs ou moins rationnels dans leur modus operandi. En opposition, l’activité de tuteur repose sur le caractère institutionnel de la structure, jugé gage du sérieux de son engagement et qui, finalement caractérise son identité militante. Se développe en conséquence une demande de reconnaissance de la spécificité de l’expérience du tutorat. À l’ESSEC, un exemple récent de cette demande a consisté dans la création et la distribution de polos aux couleurs d’Une Grande École, Pourquoi pas moi ? portés aussi bien dans le cadre quotidien de l’école que dans différents types d’évènements. Ils permettent aux étudiants qui le souhaitent d’affirmer leur appartenance spécifique au programme. Cet esprit de corps réunit les tuteurs autour de leur expérience partagée auprès des lycéens.

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Elle se poursuit dans le cadre de leur scolarité ou dans le cadre de leur sociabilité personnelle où les anciens et nouveaux tuteurs deviennent sinon des proches du moins des connaissances avec qui l’étudiant échange avec plaisir. Ce phénomène est favorisé par l’atmosphère familiale du programme qui, si il n’est pas exempt de hiérarchie en terme de division du travail, n’est pas pour autant synonyme de séparation symbolique entre les individus qui communiquent régulièrement et dans une atmosphère bon enfant. Si les tuteurs distinguent clairement leur activité de celle des autres étudiants engagés dans la vie associative de la Grande École, certains éléments structurels rendent peu probables une appropriation des fonctions en des termes professionnels. On assiste donc dans un premier temps à une professionnalisation du rôle des tuteurs qui se caractérise par un statut salarié et une socialisation aux codes et aux rites professionnels par les pairs, phénomène rendu possible par l’institution qui en crée les conditions adéquates. Mais si l’institutionnalisation des programmes rend possible la codification des pratiques du tuteur, elle ne débouche pas sur l’émergence d’une identité professionnelle : le tuteur reste d’abord un étudiant, bien qu’il souhaite se distinguer des autres types d’engagement en cours dans la Grande École. On s’interrogera alors sur la portée de ce paradoxe. Les programmes d’ouverture sociale semblent vouloir bénéficier d’un personnel compétent et attaché à la cause qu’ils défendent, seul capable d’assurer leur développement. Pour autant ce processus n’aboutit pas à l’emploi de tuteurs permanents à même de réaliser leur dessein. Au travers de l’ambiguïté du statut des tuteurs on perçoit à la fois la volonté d’emprunter des modalités d’action utilisées par le monde de l’entreprise et celle d’affirmer le contenu alternatif de ses apprentissages face à ceux de l’École. Toutefois, si ces deux propositions reposent sur un souci d’efficacité et de légitimation par rapport à d’autres acteurs du champ comme l’Éducation nationale, les programmes d’ouverture sociale en demeurent dépendant, notamment parce qu’elle leur octroie les lycéens bénéficiaires.

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Malgré leur visibilité et les moyens humains et financiers dont elles disposent, les Grandes Écoles demeurent encore un acteur mineur dans la lutte contre les inégalités scolaires. En conséquence, les tuteurs représentent une figure pédagogique novatrice qui ouvre des voies notamment en terme de méthodes pédagogiques. Mais leur accession à un statut professionnel reste encore relativement hypothétique. Bibliographie

Abbott A., The system of professions, Chicago, University Press, 1988. Agrikoliansky E., Carrières militantes et vocation à la morale : Les militants de la Ligue des droits de l’homme dans les années 1980, Revue

Française de Science Politique, Année 2001, Vol. 51, n°1, p.27-46. Allouch A., Sociologie des tuteurs et des séances de tutorat du

programme PQPM de l’ESSEC, Mémoire de Master 2, dir. S. Paugam, Paris, EHESS, septembre2006. Sabbagh D., Une convergence problématique, les stratégies de la discrimination positive dans l’enseignement supérieur des États-Unis et de la France, n°73, Politix, 2006, p.211-229. Siméant J., Entrer, rester en humanitaire, des fondateurs de Médecins Sans frontières, aux membres actuels des ONG médicales françaises, Revue Française de Science Politique, Paris, 2001.

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Une coopération internationale en terrain sensible :

les adolescents décrocheurs en Corée du Sud

Par Olivier Francomme Responsable du secteur international de l’ICEM,

Formateur premier degré à l’IUFM de l’académie d’Amiens

Résumé : Cet article a pour vocation de retracer quatre années de coopération entre les écoles alternatives de Corée du Sud et l’Institut coopératif de l’école moderne en France, ces quatre années ont été riches de travail coopératif, d’échanges, de voyages avec les jeunes, de rencontres… une véritable aventure pédagogique.

Mots clés : Coopération, Corée, ICEM, pédagogie Freinet, Star School. Introduction et aspects historiques

Il faudrait plus exactement parler d’une coopération avec l’école alternative Star School, structure privée créée par un médecin psychanalyste le Dr. Kim Huynh Soo, et installée dans un quartier défavorisé de Séoul, sur les lieux de son enfance. Ce docteur a fait le choix délibéré de s’implanter dans ce quartier alors qu’il aurait sans doute pu avoir une carrière plus confortable dans les quartiers chics de Séoul, mais il a voulu venir en aide aux enfants de sa rue, pour lesquels il assure toutes les semaines des permanences gratuites. L’école de l’Étoile est installée dans un petit immeuble et y occupe trois étages : dans un étage supérieur, le Dr. Kim Huynh Soo a installé son cabinet thérapeutique, et deux étages sont consacrés à la structure éducative, l’école, dans laquelle travaillent de jeunes éducateurs avec des groupes d’adolescents. Ces jeunes éducateurs cumulent quelques responsabilités : un groupe d’adolescents plus la responsabilité matérielle, la coordination de l’équipe, les relations extérieures, des moments pédagogiques forts, etc. Un des éducateurs assure la direction de l’équipe. Ils effectuent un parcours professionnel dans la structure où ils sont d’abord des stagiaires, puis des éducateurs. L’école a cinq ans, et nous avons pu voir progresser tous les membres de l’équipe au fil de nos rencontres. Cette présentation permet de comprendre l’investissement important nécessaire qui a été déployé pour répondre à cette demande profondément humanitaire.

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Contrairement a des apparences très paisibles, très discrètes, le système éducatif coréen produit de plus en plus de malaises, aboutissant à l’émergence d’un phénomène de décrochage bien connu chez nous. Pour comprendre ce phénomène, Kim Sae-Hee1 nous avait communiqué un mémoire de maîtrise de Sciences de l’éducation qu’elle avait soutenu en France sur l’histoire du système éducatif coréen. Il est le produit d’une acculturation subit des Japonais, puis des américains. Les japonais ont colonisé la Corée au début du Vingtième siècle et ont refondu totalement leur système d’enseignement ancestral pour l’aligner sur le système japonais, aliénant ainsi les Coréens au joug de valeurs dominantes, leur étant étrangères et défavorables. Puis, après la défaite japonaise, ils ont subi une guerre entre la Chine communiste et les États-Unis par le biais des Coréens. La séparation de la Corée en deux états ennemis a assis une dictature communiste au nord et une dictature militaire installée par les États-Unis au sud. Le système d’éducation mis au point par la dictature militaire est éminemment compétitif et répressif. Il s’agit de faire passer les valeurs et diktats de la dictature, de maintenir les Coréens dans la peur d’une hypothétique invasion communiste et de leur faire passer le goût de la liberté d’opinion et de son expression (déjà bien mise à mal lors de l’occupation japonaise). Le système éducatif coréen actuel est donc le fruit à la fois de la colonisation et de la dictature. Même si la démocratie se met en place en Corée du Sud depuis 1982 et, espérons-le, durablement, l’école publique est restée hautement compétitive et répressive. Les enseignants ne connaissent pas la liberté pédagogique. Ils doivent préparer les élèves, à travers un unique livre dispensé par l’État, à un examen d’entrée aux universités sous forme de QCM. Il n’est pas demandé aux étudiants de réfléchir par eux-mêmes sur des connaissances, mais de savoir par cœur ce que l’État juge bon qu’ils

1 Kim Sae-Hee a été étudiante pendant 5 ans en France, puis elle a travaillé à l’école de l’étoile (Star School), elle est actuellement en doctorat dans une université de Séoul sur la pédagogie Freinet. Elle nous a servi d’interprète à chacun de nos séjours.

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sachent. L’entrée dans les universités est assujettie au classement résultant de cette épreuve. Réussir brillamment l’examen, c’est obtenir la possibilité d’entrée dans une bonne université. Un système éducatif privé s’est développé en parallèle, ainsi que les cours particuliers, pour préparer, dès le plus jeune âge les élèves aux examens. Les jeunes sont donc plongés dans un système ultra compétitif où il s’agit d’être le meilleur, c’est-à-dire ingurgiter le plus possible de connaissances pour les régurgiter telles quelles au moment de l’examen. Il n’est pas rare qu’un élève suive sa journée de cours dans le publique puis passe sa soirée dans une école privée pour finir par quelques cours à domicile après dix heures du soir… Les élèves des classes défavorisées sont rapidement hors-concours et beaucoup d’élèves, toutes classes sociales confondues, décrochent. Les écoles alternatives ont fait le choix de s’occuper de ces enfants, mais elles se placent de fait dans l’illégalité puisqu’elles n’appliquent pas les

programmes officiels.

Sur la coopération mise en œuvre En juin 2005, un groupe de personnes travaillant au sein des écoles alternatives de Corée est venu en visite de travail et d’observation, en France. Ils avaient déjà parcouru une partie de l’Europe pour aller visiter les écoles Montessori et les écoles Steiner. À cette époque là, ils ont rencontré le mouvement Freinet et visité un certain nombre d’établissements français travaillant en pédagogie alternative, et s’occupant d’adolescents décrocheurs ou d’adolescents handicapés (personnes exceptionnelles selon la terminologie anglo-saxonne). Rapidement après cette visite, le médecin psychanalyste responsable de l’école de l’Étoile à Séoul (qui fait partie du réseau des écoles alternatives de Corée) a pris contact avec nous pour organiser la venue d’une délégation de l’école Moderne en Corée.

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Après une longue négociation bipartite, le programme du séjour a été établi électroniquement, permettant à la fois la diffusion des idées de la pédagogie Freinet, et la mise en route d’une formation à la pédagogie Freinet1.Le financement du séjour a été en grande partie trouvé chez les partenaires institutionnels coréens, l’ICEM ne prenant en charge que le voyage d’un des deux membres de l’équipe. Le premier séjour en Corée du Sud a été particulièrement riche parce qu’il a su répondre à de nombreuses intentions et attentes. Au cours de ce séjour, nous avons pu travailler avec des représentants d’une grande partie des écoles alternatives de Corée du Sud qui ont participé au temps de formation consacré à une initiation à la pédagogie

Freinet. Cette formation a rassemblé une cinquantaine de personnes aux origines très variées, même si principalement il y avait des éducateurs des écoles alternatives. Des conférences internationales nous ont permis de confronter les fondements éthiques, épistémologiques de la pédagogie Freinet à ceux de la société coréenne actuelle, mais aussi traditionnelle dans ce qu’il en reste. Mais la pédagogie Freinet, ne relève-t-elle pas d’un autre impérialisme culturel ? Chaque jour, nous avons rencontré des acteurs différents en rapport avec le décrochage scolaire : visite de différentes structures alternatives dans Séoul et autour, nous avons rencontré le responsable du comité métropolitain de l’éducation de Séoul (qui a lui seul s’occupe de la moitié de la population coréenne !), la Directrice générale du comité national de la jeunesse (qui dépend du cabinet du Premier Ministre) qui nous a reçu dans le Complexe du gouvernement pour un long entretien à propos des aspects judiciaires du traitement des adolescents et des jeunes adultes (comme la protection juridique de la jeunesse en France). Près de six mois plus tard, un groupe de jeunes avec leurs enseignants de l’école de l’Étoile sont venus passer quelques jours en France, dans le lycée autogéré de Saint Nazaire. Malgré une grande différence culturelle

1 Suite à ces travaux, il y a eu un certain nombre de publications : articles publiés dans le Nouvel Éducateur, et dans des journaux coréens : dans le The Hankyoreh et dans la principale revue grand public sur l’éducation. De plus, un certain nombre d’ouvrages ont été imprimés, comme des Actes des 3 conférences internationales qui ont été organisées à l’occasion de nos voyages.

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et élective entre les jeunes (les jeunes décrocheurs français sont des adolescents qui entrent en rébellion avec le système éducatif français, alors que les décrocheurs coréens le sont, en général, suite à un handicap mental ou psychologique, et/ou génétique qui les exclut du système sélectif coréen). Cette rencontre a permis aux jeunes, aux éducatrices coréennes et aux enseignants de participer au fonctionnement d’une structure autogérée, d’en percevoir les différents mécanismes afin de les adapter à la réalité coréenne. Entre temps, un groupe de syndicalistes coréens, dont certains avaient participé à la formation à Séoul, est venu en Europe pour se rendre compte du fonctionnement des établissements travaillant en pédagogie Freinet, mais aussi dans d’autres formes pédagogiques. Ce fut donc un deuxième groupe d’enseignants - celui-ci travaillant dans le système public - qui s’intéressa à la pédagogie Freinet. Il est à noter que ces enseignants sont beaucoup plus sensibles à l’histoire du mouvement Freinet, en particulier dans son inscription politique, et dans l’histoire de sa relation au syndicalisme. Ces enseignants ont souvent été condamnés et emprisonnés au moment de la dictature. Une seconde formation a été organisée à Séoul par l’école de l’Étoile en mai 2007, pour le cinquième anniversaire des écoles alternatives de Corée, et nous avons donc été invités de nouveau en Corée, pour une nouvelle conférence internationale (la troisième) et un nouveau cycle de formation (le deuxième). De manière générale, nous pouvons dire que nous avons constaté de réelles avancées dans la continuité de la première formation : dans le fonctionnement de l'équipe de l’école de l’Étoile, et celui des équipes des écoles alternatives associées ; dans la prise en charge de la formation par les éducateurs de l'école alternative ; dans l'autonomie pédagogique de l'équipe de l'école de l'étoile, et puis, nous rapporterons les premiers journaux scolaires coréens, ceux de l’école de l’Étoile. Au cours de ce séjour, nous aurons travaillé avec les jeunes de l’école de l’Étoile, pour deux séances de travail, une sur la création graphique (production d’une fresque) et une sur l’expression écrite.

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Nous avons visité un lycée créé de toutes pièces par le mouvement des écoles alternatives et qui a repris en totalité ou presque, la structure et le fonctionnement d’un lycée autogéré tel que celui de Saint Nazaire, avec en plus un internat pour pouvoir accueillir les jeunes dans un endroit un peu isolé (en pleine nature, près de la frontière avec la Corée du Nord). L’installation actuelle comporte des salles de classe sous tente, la salle informatique étant une yourte ! Les jeunes que nous avons rencontrés sont très contents de cette structure et se projettent dans l’avenir, en voyant au-delà de cette expérience particulière un avenir pour eux avec une grande volonté de le réaliser. Au cours de la formation, l’équipe de l’école de l’Étoile s’est considérablement impliquée et a animé un certain nombre de temps de travail, montrant par là leur capacité et leur volonté de se prendre en charge. Comme lors de la première formation, les enseignants sont venus travailler avec nous le soir, après une longue journée de travail, et il était nécessaire de prévoir des temps pour manger. Les participants se sont beaucoup impliqués et les débats ont été assez animés, ce qui montre une certaine volonté d’affirmer leur engagement dans des changements éducatifs. Lors de ce voyage, à nouveau, nous avons rencontré des personnes de la sphère éducative : une journaliste d’un grand magazine d’éducation1, des équipes d’écoles alternatives particulières (une centrée sur les médias et disposant d’un matériel audio-visuel considérable, une autre plus axée sur la musique et réalisant des chars impressionnants pour un défilé… ). Le thème de la 3ème conférence internationale tournera autour de l'enseignant, de son éthique professionnelle, de sa formation. Comment définir la spécificité du positionnement professionnel de l'enseignant Freinet ? Une bonne partie des intervenants Coréens parlera de l'histoire nationale et de ses héritages actuels. L'intérêt de ces conférences a été de confronter la pédagogie Freinet à la communauté scientifique afin de se positionner dans le champ éducatif. Nous avons bien senti les résistances politiques, culturelles, historiques, sans doute liées à leur passé récent, mais il en ressort aussi une grande volonté de coopérer et de participer à la réflexion internationale. D’ailleurs, le phénomène des adolescents décrocheurs est une réalité

1 Il s’agit d’Uri-Gyoyuk, journaliste à la revue coréenne Notre éducation.

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internationale, même s’il ne revêt pas partout des significations similaires. À l’occasion de ce second voyage, nous avons appris que l’école de l’Étoile avait à présent un sous titre : école Freinet et qu’ils avaient commencé à organiser des formations à la pédagogie Freinet. Nous avons souhaité qu’ils se structurent officiellement, mais il y a une difficulté majeure en Corée : pour se déclarer en association, il faut payer 50 000$ ! En août 2007, ce sont quatorze Coréens, venant des écoles alternatives, de l’école publique et de l’université, qui ont participé à la formation européenne, puis au congrès international de l’ICEM à Paris, nous permettant à nouveau de participer, contribuer, construire un espace de coopération internationale. Leur inscription et la volonté de participer aux réflexions internationales ont une nouvelle fois confirmé leur engagement vers de nouvelles pratiques pédagogiques. Les congrès de l’ICEM1 permettent une confrontation large et directe d’enseignants, de chercheurs, d’éducateurs, dans une perspective de co-formation, et de mise en place de structures de réflexion coopérative. Depuis, deux formations ont été programmées en Corée par le syndicat des éducateurs coréens (janvier et août 2008) dont la prise en charge financière est assurée par les cotisations de ses membres, sans participation de l’État. Quelques éléments de réflexion

La situation des jeunes ne semble pas des meilleures en Corée du Sud. Mme Lee Kwang Ho, directrice générale du comité national de la jeunesse nous en a dressé un portrait assez alarmant. Un taux non négligeable de jeunes mineurs se retrouve à la rue parce que leurs parents ne peuvent pas subvenir à leurs besoins, encore moins à leur scolarité, la prostitution et la délinquance, deviennent alors leur seule possibilité de survivre. Les jeux vidéo (et sans doute la télévision) sont une autre plaie sociale et beaucoup d’adolescents décrochent de leur vie par 1 Les travaux du 48°congrès sont consultables sur le site de l’ICEM, en attendant la publication des Actes de la formation européenne (actuellement en version électronique).

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surconsommation de virtualité. Ils ne sortent plus de chez eux et deviennent asociaux. Le système scolaire, enfin, génère de la violence et de l’exclusion. Les plus chanceux ou fortunés peuvent trouver un système éducatif parallèle ou privé, alors que les autres vont rejoindre le monde du travail ou la rue. Cette responsable nationale et deux de ses collaborateurs se sont entretenus avec nous pour savoir si nous pouvions réfléchir et proposer une alternative intéressante pour enrayer cette exclusion scolaire et sociale. La pertinence du travail engagé avec la Corée du Sud s’est concrétisée dans la mobilisation, même ponctuelle, d’une grande variété d’acteurs coréens, et il faut saluer l’initiative du Dr Kin Huynh Soo qui nous a fait venir et a organisé, avec l’aide très active de l’équipe de l’école la formation, les conférences, et les rencontres politiques. Il reste encore des difficultés à surmonter. Nous avons senti, au cours des conférences, que son initiative n’est pas partagée par tous au sein du réseau des écoles parallèles. On sent la lutte d’influence. Et le Dr Kim Hyun Soo est ou devient, par son activisme, quelqu’un de très influent. Certains conférenciers issus du réseau des écoles parallèles sont plus que réticents face à une pédagogie de l’extérieur. On les comprend. Ils ont manifestement connu des formations aux pédagogies Montessori et Steiner et se méfient de ces pédagogies occidentales clé en main qui coûtent cher. Pourtant, les écoles parallèles coréennes ne sont pas revenues au modèle pédagogique en cours avant la venue des Japonais. Cette pédagogie traditionnelle coréenne a été prônée par un des conférenciers universitaires qui l’a comparée à la pédagogie Freinet. Les écoles coréennes semblaient être alors très rurales et leur structure était organisée autour d’un petit groupe coopératif, sous la responsabilité d’un maître unique, très ouvert sur la campagne environnante et ses habitants. Nous n’en saurons pas plus. Le Dr Kim Hyun Soo ne pense pas qu’une pédagogie active soit suffisante pour la Corée. Il pense que, pour que la démocratie ait une chance de s’installer durablement dans le pays et dans les mentalités, il faut la poser comme fondement de la pédagogie. La démocratie doit s’apprendre à l’école par son application.

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D’où sont intérêt pour la pédagogie Freinet et la pédagogie autogestionnaire qui lui semblent bien plus politiques que celles actuellement pratiquées. En cela, il rejoint les syndicalistes que nous avons rencontrés. Mais, ce faisant, il ne semble pas que l’unanimité se fasse entre les écoles alternatives et les membres du syndicat de l’école publique. Quels sont les enjeux de pouvoir ? Les équipes des écoles parallèles que nous avons rencontrées, et donc celle de l’école de l’Étoile et les personnes qui sont venues aux formations, sont en majorité formées de jeunes enseignants et travailleurs sociaux. Ils travaillent d’arrache pied et gagnent deux à trois fois moins qu’un enseignant de l’école publique coréenne. Ils sont pourtant prêts à se former en dehors des heures de travail, en payant de leurs propres deniers. On peut considérer qu’ils sont militants. Nous avons été très impressionnés par l’implication et la réactivité de ces éducateurs, les techniques dont nous parlions le soir pouvaient être testées avec les jeunes dès le lendemain. De nouvelles perspectives sont en train de se mettre en place, certaines dans le domaine thérapeutique où une réflexion sur l’analyse institutionnelle, la thérapie institutionnelle pourrait trouver sa voie en Corée. Un projet de coopération scientifique est en cours de négociation portant sur la souffrance de l’élève à l’école, l’autogestion éducative, la prise en charge globale de la personne, l’altérité. La pédagogie Freinet est par essence internationale, et dès les premières rencontres, la participation internationale fut de mise dans le mouvement Freinet. Nous avons pu constater la pertinence de ce propos avec nos collègues Coréens. Nous souhaitons réfléchir ensemble sur les difficultés rencontrées dans les systèmes éducatifs du monde entier, et au congrès de l’ICEM, les témoignages portant sur l’éducation inclusive en Afrique nous ont apporté de nouvelles perspectives prouvant par là que la contribution de chacun est importante.

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Le trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent.

Une question d’actualité. Leurs prises en charge, un enjeu de société.

Par Didier Lescaudron

Résumé : Les incivilités et les violences de certains jeunes, seuls ou en groupe, ponctuent l’actualité de façon inquiétante. L’origine de ces conduites et leurs prises en charge nécessitent la définition de repères et de stratégies qui font débat. Les rapports de l’Observatoire Décentralisé de l’Action Sociale ou de l’INSERM sur la jeunesse et ses conduites, les débats et critiques qu’ils suscitent, sont abordés dans cet article. Les incivilités et les violences juvéniles, d’une part, le trouble des conduites de certains jeunes, d’autre part, méritent une large réflexion qui engagerait des experts des sciences humaines et médicales, des professionnels de terrain mais aussi chaque citoyen. Le devenir des générations montantes nous concerne tous. Une telle dynamique et les mesures qui en découleront ne peuvent que résulter de choix politiques. Nous n’avons pas d’autre alternative car ces incivilités, violences et troubles sont des symptômes qui, au-delà de ces ancrages singuliers, témoignent de l’état de notre société et de son évolution. Mots clés : troubles du comportement et de la conduite, rapports de l’INSERM, contrôle social.

Des troubles et des violences qui questionnent : quelques exemples

indicatifs

Lundi matin, B. 7 ans arrive dans son institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (anciennement institut de rééducation), le visage renfrogné. Les professionnels présents lui souhaitent le bonjour auquel il répond en balançant son cartable et en frappant les portes et les meubles à coups de pied. Le directeur en prend aussi pour son grade, obligé d’esquiver les shoots et les insultes que l’enfant lui décoche avec un plaisir teinté d’angoisse. Un éducateur finit par l’attraper fermement et l’accompagne afin qu’il s’apaise dans une salle aménagée avec de gros coussins. Le temps passe et, une fois de plus, la poussée de violence de B. se dégonfle, fragile processus psychique qui se réactive selon son humeur et selon les événements.

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Jeudi, dans le même établissement, les enfants jouent sous la surveillance du personnel qui lui aussi se détend après avoir dirigé les multiples ateliers du début d’après-midi. Ce temps libre laisse souvent cours aux pulsions destructrices. Quelques pigeons se posent à proximité du regard des enfants. En une fraction de seconde, des pierres sont saisies et lancées en direction des volatiles. Les adultes présents interviennent mais trop tard. Dans l’emportement, les jets ont franchi le mur d’enceinte de la cour et atteint plusieurs véhicules en stationnement. Des passants s’affolent, des cris fusent, les gestes s’arrêtent et les interrogations accusatrices viennent augmenter le climat d’inquiétude. Vendredi après-midi, X. 12 ans entre dans une classe. Dos tourné, le professeur finit de ranger des livres sur les étagères de la bibliothèque. Dans sa besace ouverte sur le bureau, son portable est visible. Bien que guidée par une conscience fébrile, une main sûre subtilise l’objet. En fin de journée, après le départ des élèves, le professeur vérifie ses affaires et constate la disparition. Une solution est tentée : en présence du directeur de l’établissement, composer le numéro du téléphone. Se croyant anonyme, X. répond en proférant des insultes et en se moquant de son interlocuteur. Malgré l’identification formelle de sa voix, X. niera les faits après avoir fait disparaître l’appareil. Des affaires semblables ponctuent le quotidien des établissements spécialisés dans les troubles du comportement. Notons aussi qu’ils sont aussi répertoriés dans les écoles ou dans des structures périscolaires, associatives par exemple. Ces enfants ou ces adolescents peuvent aussi être des élèves qui ont un retard scolaire et qui éprouvent des difficultés d’attention, de concentration et parfois d’ordre orthophonique ou psychomoteur. Ce sont pourtant des enfants à l’intelligence normale ou quasi normale qui peuvent communiquer et comprendre les particularités ou la gravité des situations. Mais, ils semblent bien souvent dépassés par l’étrangeté ou l’inadaptation de leurs paroles et de leurs actes. Mus par des intentions qui leur échappent partiellement, ils sont, en y regardant de plus près, victimes de leur propre histoire.

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Des phénomènes qui se développent, l’actualité et l’ODAS en

témoignent

Ces observations seraient toutes relatives si elles ne suscitaient pas quelques liens avec les drames individuels ou collectifs qui entachent l’actualité : des préadolescents volent une voiture et percutent des passants, des jeunes de banlieue se laissent emporter dans une révolte en apparence sauvage et gratuite, un mineur blesse son camarade avec une arme blanche, des enfants de 10 ans vandalisent une école maternelle, etc., etc. Les journaux rapportent régulièrement des faits similaires et des statistiques étatiques signalent leur augmentation1. Des questions et des pistes de réflexion en découlent nécessairement : comment comprendre ces comportements dits antisociaux et la genèse de ceux-ci ? Peut-on déceler préventivement des troubles significatifs chez ces jeunes ? Ces enfants et ces adolescents seraient-ils possédés par quelques démons qui les écarteraient du chemin d’une socialisation équilibrée ? Seraient-ils atteints par quelques désordres génotypiques ? Ces actes sont à présent suffisamment nombreux et perturbants pour que des experts s’y intéressent de près et pour que les responsables politiques s’en inquiètent, prennent des avis justifiés et cherchent des parades concrètes. Une première piste de réflexion vient des études et statistiques de l’Observatoire décentralisé de l’action sociale (ODAS). Dans son rapport concernant 2004, cet organisme qualifie comme inquiétante la forte augmentation de l’enfance en danger. Plus de 95 000 enfants ont été recensés comme maltraités ou en risque, situations en augmentation de plus de 7 % par rapport à 2003. De plus, durant cette période, les nouveaux signalements effectués auprès des Conseils généraux ont explosé. Des négligences éducatives lourdes, des violences physiques, psychologiques ou sexuelles, d’une part, et des situations familiales déstabilisées, d’autre part, en sont, d’après cet organisme, les raisons. Le rapport note aussi que cette évolution traduirait une progression de la

violence dans les rapports sociaux.

1 Rapport de l’Office nationale de la délinquance et entretien avec J.P. Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, Le Monde du 11/02/05.

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On a le sentiment d’une société de plus en plus déstabilisée dans les

règles élémentaires du vivre ensemble 1. À l’encontre des idées reçues, la précarité économique ou des troubles psychopathologiques des parents ne seraient pas les facteurs essentiels de ces maltraitances. Par contre, l’ODAS explique les signalements par le déficit relationnel entre parents

et enfants, d’une part, entre les familles et leur environnement, d’autre

part… Le facteur le plus fréquemment cité est celui des carences

éducatives des parents qui renvoie souvent à une immaturité des parents,

à une absence de repères et à un repli sur soi. Cela permet de relever à

nouveau l’importance de l’isolement social, bien souvent à l’origine de

la dégradation du comportement des familles. La dégradation du comportement des familles se traduit donc dans des paroles et des actes problématiques ou inadaptés qui peuvent avoir des conséquences plus ou moins néfastes sur leurs enfants. Notons ici qu’un rapport de l’INSERM indique en février 2003 que Les études

épidémiologiques montrent que, en prévalence année, 10 % des enfants

et 15 % des adolescents présentent un trouble mental plus ou moins

sévère et dont l’évolution reste incertaine 2. Un enfant sur dix souffrirait

donc d’un trouble mental et un adolescent sur huit en serait atteint, ces troubles étant majoritairement d’ordre émotionnel (troubles anxieux et de l’humeur) et comportemental (hyperactivité, troubles oppositionnels). Une question n’est donc pas inutile : les violences ou les conduites antisociales de certains jeunes, seraient-elles l’expression réactionnelle à des manques ou à des affects déstabilisants et résultant de ce qu’ils vivent dans leur environnement familial ou social ? Il s’agirait donc de mieux comprendre la gravité de ces troubles et de séparer ceux qui nécessitent des stratégies thérapeutiques étoffées de ceux qui, par des aménagements éducatifs et familiaux, peuvent s’estomper et disparaître.

1 Rapport de l’ODAS cité par Anne Chemin dans son article, Le Monde du 03/12/2005 2 Expertise collective INSERM : Santé des enfants et des adolescents,

propositions pour la préserver, les éditions INSERM, 2003. Rapport établi à la demande de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des travailleurs indépendants (CANAM).

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Des experts qui s’y intéressent : le rapport 2005 de l’INSERM

Ce n’est donc pas un hasard si, le 22 septembre 2005, l’INSERM, a rendu publique un rapport à propos du trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent1. Ces experts essentiellement médicaux les caractérisent par la répétition et la persistance de conduites au travers

desquelles sont bafoués les droits fondamentaux d’autrui et les règles

sociales2. Concrètement, ces enfants ou ces adolescents présentent divers

signes, des crises répétées de colère et de désobéissance aux agressions graves comme le viol, les coups et blessures et le vol. Des études internationales, aux USA en particulier, montreraient le risque important d’évolution vers une personnalité antisociale à l’âge adulte, si l’apparition de ces troubles est précoce. Attachée à son approche neurobiologique de la psychiatrie, centrée sur les symptômes, l’INSERM souhaite voir développer le repérage des perturbations du

comportement dès la crèche et l’école maternelle afin de prévenir le développement des comportements antisociaux et délinquants. Une large information du public et des divers professionnels du champ de l’éducation devrait aussi permettre l’établissement d’enquêtes épidémiologiques utiles à la compréhension des phénomènes et de leur évolution. Une seule étude de ce type a été réalisée en France. Elle confirme la prévalence de 5 à 9 % d’une population d’enfants ou d’adolescents atteints par le trouble des conduites. Les événements décrits plus haut trouveraient donc un cadre conceptuel approprié. Si les propositions des experts sont retenues, le dépistage précoce faciliterait l’organisation de prises en charge et des soins ciblés : programmes psychosociaux de guidance parentale en s’inspirant d’exemples canadiens ou américains, thérapies individuelles de type comportementaliste et si nécessaire, traitements psychotropes à l’action

anti-agressive3.

1 Expertise collective, Trouble de conduites chez l’enfant et l’adolescent. Synthèse du rapport initial sur le site de l’INSERM http://ist.inserm.fr/basisrapports/trouble_conduites/trouble_conduites_synthese.pdf 2 Rapport de l’INSERM cité dans l’article de Cécile Prieur, Le Monde du 23/09/2005 3 Idem

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Des avis qui divergent : des spécialistes contestent les analyses et

propositions de l’INSERM

Bien que les experts de l’INSERM reconnaissent, dans leur rapport, le caractère complexe et plurifactoriel du trouble des conduites et de sa genèse, d’autres spécialistes de l’enfance et de l’adolescence décrivent ce rapport comme partial, confus et réducteur. En effet, les premiers écrivent que le trouble des conduites est le produit

d’interactions complexes entre des facteurs individuels (facteurs

génétiques, tempérament, personnalité) et des facteurs

environnementaux (relations familiales, environnement social). Mais, leurs préconisations semblent occulter le sens profond des souffrances exprimées par les jeunes au travers de leurs comportements et minimiser le travail psychique nécessaire à leur traitement. Pour les seconds, réunir sous un même syndrome dénommé le trouble

des conduites, des troubles comportementaux dont les étiologies sont très différentes, est une erreur. Cette systématisation simplificatrice viserait en fait le traitement des troubles d’adaptation à la vie sociale, à

l’intersection des champs de la Psychiatrie, de l’Éducation nationale et

de la Justice. En conséquence, un risque grave se profile : celui de

dérive des pratiques, sous couvert de médecine, vers des fins normatives,

voire totalitaires… écrit un collectif de pédopsychiatres1 car l’expertise

de l’INSERM se réfère à un seul choix de lecture de la clinique basé sur

une définition statistique de ce que seraient une conduite « normale » et

un comportement humain pathologique. Une telle approche épidémiologique aurait du mal à rendre compte de la diversité des situations individuelles et familiales. Elle éluderait la subjectivité qui sous-tend chaque acte conduit par un enfant ou un adolescent. Elle minimiserait la nécessité de la construction de rencontres où la parole et les accompagnements permettent aux jeunes de se rééquilibrer de façon durable. Si les modèles comportementaux permettent de se repérer globalement face à un enfant ou un adolescent perturbé, on ne peut, d’après ce collectif de spécialistes, faire l’économie ni d’une écoute particulière de l’individu et de son environnement, ni d’une compréhension partagée des

1 Courrier de Lenoble E., Berges-Bounes M., Calmettes S. et Forget J.M., médecins pédopsychiatres, Le Monde du 03/11/2005.

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facteurs historiques, culturels et/ou familiaux qui ont présidé à ses troubles. Et c’est la qualité de ces rencontres, de leurs conséquences pratiques au quotidien qui font la pérennité des rétablissements. Ce collectif regrette aussi la stricte application d’un schéma classique de santé publique (repérage, dépistage, programme de prévention) sans une consultation sérieuse des professionnels du champ des troubles mentaux, l’INSERM insinuant même qu’ils seraient à sensibiliser et à former sur

cette nouvelle entité clinique : les Troubles Oppositionnels avec

Provocation. Après les TOC (troubles obsessionnels compulsifs), nous aurions les TOP !

Des arguments cliniques qui s’imposent car représentatifs de la

complexité humaine

Depuis longtemps, de nombreux professionnels des secteurs de la santé, du médico-social ou du scolaire travaillent sur le trouble des conduites. Ils savent que les passages à l’acte traduisent un dysfonctionnement du mode d’expression habituel qu’est la parole, parce qu’elle est soit inaccessible, soit insuffisamment structurée ou même refusée. Ils constatent aussi que la violence de l’affrontement à l’autre résulte de l’absence ou de l’insuffisance de la présence de tiers symbolique car il y a nécessité pour l’enfant comme pour l’adolescent de s’affirmer par

l’opposition : l’autonomie, l’individualisation passent inévitablement par

le « non ». Le malaise social actuel ne facilite pas ce processus car les problèmes d’autorité au sein des familles et la déstabilisation de certains établissements scolaires, laissent certains jeunes seuls, face à leurs angoisses et à leur destructivité. Une prévention, telle que l’INSERM la propose, risque de déboucher sur un dressage des comportements des jeunes, dressage qui fait fi du processus de constitution de leur subjectivité. En conséquence, le collectif de médecins cité plus haut conteste le rapport de l’INSERM qui stigmatise comme pathologiques des colères et des actes de

désobéissance et qui les présente comme prédictifs d’une future

délinquance. Alors qu’il devrait plutôt nous inciter à discerner ce qui relève de troubles réactionnels à un environnement défaillant et ce qui appartient à un individu ayant du mal à surmonter les contraintes et les frustrations qui s’imposent à son psychisme là où d’autres réussiraient.

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Enfin, si ce rapport souhaite anticiper l’évolution comportementale des moins de 13 ans dont les statistiques les plus récentes montrent que leur délinquance augmente significativement, il tend à confondre deux types de comportements inquiétants, inciviles ou violents :

- Les premiers renvoient à des troubles pathologiques qui nécessitent à la fois des stratégies thérapeutiques esquissées plus haut et d’éventuelles actions préventives relevant de mesures sociétales beaucoup plus larges que celles proposées par l’INSERM. - Les seconds sont occasionnels et à but initiatique. Les jeunes l’instituent comme une étape au sein de leur groupe, palliant éventuellement ainsi les manques organisationnels et éducatifs de leur environnement social. Cette délinquance relève alors de la Justice et surtout de mesures socio-éducatives adaptées, relevant elles aussi de choix sociétaux beaucoup plus vastes.

En fin de compte, dans ce rapport officiel, avec la confusion entre le malaise possible de la subjectivité de l’enfant, la question de l’autorité - qu’elle soit parentale ou scolaire - et l’élision de la dimension symbolique dans la vie sociale, nous sommes donc invités à nous inquiéter d’une dérive idéologique de l’expertise de l’INSERM qui prétend pourtant à la rigueur scientifique. Leurs propos nous incitent aussi à réfléchir doublement sur les processus institutionnels et thérapeutiques qui sont mis en place pour aider les générations montantes dans leur accession à l’autonomie et à la dignité humaine.

Des enjeux qui nous concernent tous : intérêts politiques,

économiques et devenir social

La souffrance psychique et les troubles comportementaux qu’elle induit ne sont pas des épiphénomènes. La manière dont une société les considère et les prend en charge n’est pas neutre. Il serait tout d’abord utile de faire un lien entre le pourcentage de jeunes troublés qui sortent du système scolaire sans ou avec peu de qualification professionnelle et celui des jeunes chômeurs dont les difficultés d’insertion sont dramatiques.

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Cette proposition d’ordre psychosociologique ne doit pas nous faire oublier que des aspects sociohistoriques, socioéconomiques ou sociopolitiques, concourent aussi à la situation difficile, voire dramatique, d’une partie de la jeunesse. Il serait peut-être aussi utile de faire un lien entre l’évolution du nombre de ces jeunes troublés et de leur dégradation vers des comportements antisociaux d’adulte, faute de structures spécialisées et des stratégies sociales adaptées. En ce sens, l’évolution du nombre de mineurs condamnés ou incarcérés pose aussi questions : par exemple, le nombre de leurs condamnations pour délits est passé de 9 404 en 1995 à 37 266 en 20001. Pour nous résumer, les ratés de l’enfance ont de bonnes chances de faire les désastres de l’âge adulte. Bon nombre de jeunes présentant des troubles psychiques et comportementaux deviendraient des adultes à charge de la société qu’ils soient chômeurs, malades en psychiatrie ou délinquants incarcérés. C’est un tableau pessimiste du futur car, à côté de l’évolution positive d’une minorité résiliente, le poids de ces jeunes en souffrance semble augmenter et ne pas être pris en compte à sa juste mesure. Si le rapport de l’INSERM a l’intérêt de médiatiser un peu plus ces problèmes, c’est malheureusement de façon partielle et partiale. Il dit peu de choses, par exemple, sur les conséquences des bouleversements économiques et des contraintes budgétaires actuelles qui pèsent dans les choix sociétaux en ces domaines et qui, par exemple, laissent deviner de sérieux enjeux budgétaires. Ainsi, ses experts critiquent les centres éducatifs fermés au nom de leurs effets contagieux vers la délinquance sur les jeunes regroupés (ce que les professionnels démentent). Quand on sait le coût de tels établissements (entre 500 et 700 par jour et par adolescent pris en charge), les enjeux de pouvoir et les intérêts financiers qu’ils représentent peuvent susciter bien des convoitises. Le lobby de l’industrie pharmaceutique n’est pas non plus absent d’une démarche épidémiologique et d’une approche neurobiologique des troubles. La France est un grand consommateur de psychotropes et la médiatisation internationale du concept d’hyperactivité n’a pas été sans effet sur la surconsommation de certains médicaments. Le poids reconnu

1 J’ESSAIME - Journal du syndicat de la magistrature n° 7 - mai 2003.

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de ces laboratoires dans la politique de certains états américains en matière de santé publique est aussi criant et augure des éventuelles orientations qui pourraient être prises en France, ce que le rapport de l’INSERM ne dément pas. Alors que les violences répertoriées dans les établissements scolaires, le taux de suicide ou des comportements addictifs de certains jeunes, leurs incivilités, leurs actes délictueux ou criminels progressent et deviennent l’objet de préoccupations politique et économique, chacun doit comprendre la complexité et la durabilité de ces faits. Les souffrances psychiques cumulées chez certains jeunes trouvent malheureusement des exutoires ou entraînent des passages impulsifs à l’acte qui entretiennent le cercle vicieux de la violence. À côté des douleurs inéluctables, il est dommageable que les savoirs accumulés en médecine ou en sciences humaines, dont la littérature témoigne aussi, n’invitent pas plus les décideurs à agir sur les maux réductibles. Serait-ce parce que leur logique tient souvent pour de simples variables les comportements socioculturels de ceux qui n’appartiennent pas à leur sphère ? Serait-ce parce qu’ils se contentent de gérer au mieux les risques et de tirer profit des scénarios du moment en conduisant, tant bien que mal, leur déroulement ? Serait-ce enfin, comme l’écrit l’auteur de cyberfiction, William Gibson, parce qu’ils se bornent à identifier des schémas dont l’incertitude anticipe difficilement les flux matériels et humains ainsi que leurs dysfonctionnements ? Que les grandes utopiques généreuses d’une part et les forces inconscientes relevant plus d’Eros que de Thanatos d’autre part, puissent ne pas nous laisser enfermer dans des scénarios sclérosants et improductifs, voire tragiques !

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Notes de lecture Robert Castel, La discrimination négative, Citoyens ou indigènes? Seuil, 2007

Robert Castel s’est attelé, par le passé, à décrypter Les

métamorphoses de la question sociale. Dans cet ouvrage, il s’attache à analyser les émeutes de 2005. L’auteur y voit un puissant révélateur de la manière dont se pose la

question ethnique dans l’ensemble de la société française et part du constat, suivant : en dépit de l’électrochoc national que furent les émeutes urbaines, rien n’a vraiment changé dans les banlieues. Sans se livrer à une interprétation catastrophiste des faits, Robert Castel montre à quel point ces événements sont révélateurs d’un mal profond qui ronge la société française. Fort de ce constat, il s’applique alors à en dégager les racines, à en décrire les causes et à tenter de trouver des remèdes dans la mesure où les problèmes des banlieues demeurent à l’état endémique. À ses yeux, la discrimination négative ne provient pas tant de sociétés qui instituent en droit des différences de traitement entre les individus, en raison de leur origine, de leur rang ou de leur religion, mais au contraire, elle survient davantage dans des sociétés qui proscrivent formellement ce type de différenciations tout en les pratiquant massivement. L’ouvrage porte sur l’analyse des différents mécanismes de stigmatisation et de relégation qui tiennent les jeunes de banlieues en marge d’une citoyenneté pleine et entière, au mépris des principes fondamentaux de la République. Chiffres à l’appui, il souligne l’exil intérieur d’une jeunesse victime de toutes les discriminations et dont la révolte reflète un rapport déçu à la citoyenneté dans une France devenue pluriculturelle et pluriethnique. Ceci conduit l’auteur à adresser une sévère mise en garde contre une forme de stigmatisation qui transforme la couleur de peau et la consonance du nom en facteur d’exclusion. Afin d’étayer son point de vue, Robert Castel restitue les données historiques, sociologiques et urbanistiques qui aboutissent au passage de la cité radieuse à la cité dortoir et des zones à urbaniser en priorité

aux barres d’immeubles.

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Pour l’auteur, la discrimination négative est un phénomène susceptible d’apporter un éclairage sur le sort des jeunes de banlieues qui se trouvent à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de la société (ni dedans, ni dehors) : bien que partageant les comportements et les aspirations de l’ensemble de leurs concitoyens, ils n’en demeurent pas moins victimes de traitements différentiels. Cette différenciation les disqualifie et laisse supposer qu’ils seraient seuls responsables de leur situation. L’ouvrage dépeint en effet les jeunes de banlieues comme durement frappés par la discrimination négative qui les assigne à un destin sur la base d’une

caractéristique qu’ils n’ont pas choisie, mais que les autres renvoient

sous la forme d’un stigmate. Pour y remédier, tous les publics défavorisés devraient être traités à parité quelle que soit leur situation ethnique afin de leur permettre, à terme, d’accéder aux conditions de leur indépendance sociale. Si Robert Castel se refuse à assimiler les banlieues françaises à des ghettos, il prend néanmoins le soin de mettre en garde contre l’augmentation de la paupérisation et l’ethnicisation dans les cités. Sous peine de concourir à l’émergence de lieux de relégation accueillant les catégories sociales les plus défavorisées, la mixité sociale se trouve

réduite à un mixage de populations, rapprochées par une même origine ethnique et accumulant les handicaps. On regrettera que l’ouvrage fasse l’impasse sur les problématiques relatives aux statistiques ethniques pourtant centrales dans l’actuel projet de loi sur l’immigration visant à durcir les conditions du regroupement familial.

Elodie Humbert

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Véronique Bordes, Prendre place dans la cité. Jeunes et politiques

municipales, Paris, L’harmattan, 2007. Véronique Bordes, est chercheur associé au Centre de recherche éducation formation (CREF) laboratoire EA 1589 de l’université Paris-X Nanterre. Travaillant sur la socialisation des jeunes, la mise en place des politiques de jeunesse et les métiers de l’animation, elle a publié avec Alain Vulbeau aux éditions de L’Atelier, en 2004, L’alternative jeunesse. L’ouvrage est issu d’une recherche réalisée durant deux ans sur la politique de la jeunesse menée par la Ville de Saint Denis. L’auteur engage une réflexion sur la nécessaire reconnaissance de cette partie de la population. Elle ne manque pas de situer la construction des choix politiques dans l’histoire singulière de cette ville de banlieue. Elle rappelle les grandes politiques urbaines et les dispositifs qui se sont succédés, avant d'aborder la question centrale : quelles sont les conditions dans lesquelles se construit une politique municipale de la jeunesse pour que cette partie de la population prenne place dans la cité ? Si un service jeunesse a pour mission première de garantir la paix sociale, il doit également être doté d'une mission éducative permettant aux jeunes d'accéder à la culture et de se construire une identité individuelle et sociale. Ce livre montre qu'une politique de la jeunesse cohérente et conséquente passe par une formation professionnelle solide. La jeunesse n'est pas une classe dangereuse mais une richesse, véritable promesse d'avenir. Ainsi, la participation citoyenne favorise la mise en avant de leurs savoir-faire. Par exemple en s’inscrivant dans une pratique essentiellement juvénile - le RAP - les jeunes prennent place comme acteur social, explique l’auteur. Les quelques succès personnels et collectifs de ces jeunes, relatés dans ce livre, montrent que leur prise en compte est bien un enjeu politique et social majeur.

Mariama Kaba

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N° 1- SpécifiCITéS- mai 2008 Formation et métiers en terrains sensibles mai 2008

Editorial

Hervé Cellier Dossier

Le devenir des étudiants du Master Cadre d’intervention en terrain sensible Latifa Abdeljebar, Khadija Ben Lahoucine, Olivier Brito, Hervé

Cellier, Alix Chevènement, Élodie Humbert, Mariama Kaba, Didier

Lescaudron, Pamella Orellana, Cécile Sainte Fare Garnot, Émilie Sidaner,

Kamardine Wirdane, Julien Zanello Articles

L’évolution des profils des acteurs de la politique de la ville Vanessa Girard

Comment former les acteurs aux problématiques éducatives ? Jean-Michel Le Bail Les étudiants-tuteurs dans les dispositifs d’ouverture sociale des Grandes Écoles Annabelle Allouch

Une coopération internationale en terrain sensible : les adolescents décrocheurs en Corée du Sud Olivier Francomme

Le trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent. Une question d’actualité. Leurs prises en charge, un enjeu de société Didier Lescaudron

Notes de lecture

Revue éditée par Matrice et l’association CITéS Cadres d'intervention en

terrains éducatifs et sensibles

Domiciliation de la revue

Université internationale de l’Ouest parisien, La défense/ Nanterre Département des Sciences de l’éducation, Bureau 201

200 avenue de la République, 92000 Nanterre

Numéro 1, mai 2008

Prix du numéro : 8 euros Éditions Matrice et SpécifiCITéS 2008- Tous droits réservés

Numéro ISBN 2-905642-94-7