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Date: 18/06/2009 OJD: N.C. Page: 5 Edition:(FR) Suppl.: Rubrique: Tous droits de reproduction réservés Date: 18.06.2009 OJD: N.C. Page: 5 Edition: PRINCIPALE (FR) Suppl.: Rubrique: Enerpresse ENERPRESSE FORUM [TABLE RONDE 5] L'INDISPENSABLE ACCEPTABILITÉ La table ronde qui clôturait la 2eme édition d' Enerpresse Forum (cf. nos éditions précé- dentes) soulevait la question de «l'indispensable acceptabilité» des projets énergétiques ou, comment intégrer les citoyens dans les pro- cessus de décisions touchant aux enjeux de l'énergie ? Pour Christophe Bouneau, directeur de la Maison des sciences de l'homme d'Aquitaine et profes- seur à l'université de Bordeaux, Pacceptabilité concerne tous les projets d'infrastructures et le secteur de l'énergie ne fait pas exception. Qu'en- tend-on par acceptabilité ? Serge Orru y voit une méthode indispensable qui doit réunir autour de la même table tous les acteurs d'un projet énergé- tique. Et le directeur de WWF France de souligner «l'indispensable dialogue entre les parties». En effet, si la problématique de l'acceptabilité se pose, c'est, selon Maurice Meda, vice-président de la CRE, parce que «les projets énergétiques sont indispensables» pour faire face aux défis de demain (augmentation de la consommation, interconnexions). La Commission nationale du débat public (CNDP) se pose ainsi comme outil indispensable à l'acceptabilité énergétique. Créée en 1995 par la loi Barnier, la CNDP a pour but de décider s'il y a lieu, puis d'organiser un dé bat public concernant les grands projets structu- rants d'aménagement du territoire. Philippe Des- landes, son président, affirme que «tous les pro jets passant en débat public sont systématiquement modifiés voire dans certains cas abandonnés.» Et de noter le rôle indispensable que jouent, de fait, les acteurs publics dans la concertation : «Dans les débats, les entreprises publiques comme RTE sont plus légitimes àparler d'intérêt général que Poweo par exemple». Pour le maire de Cordes sur Ciel, Paul Quilès, c'est surtout une question de méthode. Si le promoteur d'un projet, aussi public soit-il, se présente avec un dossier entièrement finalisé sans aucune possibilité de modification, celui-ci gé- nérera une frustration et donc un rejet immédiat. Et l'ancien ministre de l'Equipement de rappeler : «L'important c'est de donnerle choix. Générale- ment, le débat porte surau moins trois projets dis- tincts et la concertation permet d'en choisir un.» Le risque majeur de l'acceptabilité est donc sa ca- pacité potentielle à être contre-productive. P. Qui lès note ainsi que le terme même d'«acceptabilité» est maladroit. S'il s'agit de «faire accepter» un pro jet, alors la fonction de dialogue qu'elle est cen- sée remplir est nulle. II faut au contraire donner les moyens aux citoyens d'appréhender les enjeux énergétiques afin de faire privilégier l'intérêt néral face aux intérêts particuliers. Un concept sé- duisant qui se heurte pourtant à la réalité du débat public français. Dans les faits, les débats publics restent des dis- cussions d'experts. On ne peut attendre d'un ci- toyen lambda qu'il puisse discourir sur les carac- téristiques précises de tel ou tel projet. Si un parti- cipant dispose des connaissances suffisantes et s'il a pris le temps d'étudier les données exhaustives du projet, la nature pointue du débat dissuadera les autres participants moins bien inf ormés de prendre la parole. Si tel n'est pas le cas, il s'agit générale- ment d'inquiétudes personnelles qui ne s'appuient pas sur des études précises et qui sont, de fait, ra- pidement écartées du débat. Voici une réalité de la démocratie participative trop peu évoquée et qui n'a été rappelée qu'à l'initiative d'une question de la salle. Autre limite du débat public, la crédibi- lité relative des différents projets proposés pour ac- ceptation. Encore une fois, dans les faits, il n'existe qu'un projet véritablement viable, les autres alter- natives ne servant qu'à mettre en valeur le projet «le moins mauvais». Un bilan donc peu flatteur. Reine-Claude Mader souligne en ce sens que «l'acceptabilité se base trop sur la peur ». Et la présidente du CLCV de faire référence au film Home de Yann Artus Bertrand comme parfaite illustration de son propos. Michel Derdevet à qui appartenait la charge de conclure le débat a rappelé la généralisation des processus d'acceptabilité dans tous les projets énergétiques. Et le directeur de la communication de RTE de prendre comme exemple le temps moyen de construction d'une ligne THT passé de trois ans dans les années 1980 à sept ans aujourd'hui et ce en raison de l'instauration des règles de concerta tion. M. Derdevet a par ailleurs déploré l'absence des élus dans ces lieux de débat, «eux qui sont les seuls à disposer de la légitimité démocratique». L'acceptabilité reste donc indispensable à la mise en oeuvre des projets énergétiques, mais elle pose surtout la question fondamentale de la pratique démocratique dans nos sociétés. Romain Chicheportiche Tous droits de reproduction réservés

Forum Enerpresse 2009

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Date: 18/06/2009

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Date: 18.06.2009

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Page: 5

Edition: PRINCIPALE (FR)Suppl.:

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Enerpresse

ENERPRESSE FORUM

[TABLE RONDE 5]L'INDISPENSABLE ACCEPTABILITÉ

La table ronde qui clôturait la 2eme éditiond' Enerpresse Forum (cf. nos éditions précé-

dentes) soulevait la question de «l'indispensableacceptabilité» des projets énergétiques ou,comment intégrer les citoyens dans les pro-

cessus de décisions touchant aux enjeux del'énergie ?

Pour Christophe Bouneau, directeur de la Maisondes sciences de l'homme d'Aquitaine et profes-

seur à l'université de Bordeaux, Pacceptabilitéconcerne tous les projets d'infrastructures et le

secteur de l'énergie ne fait pas exception. Qu'en-

tend-on par acceptabilité ? Serge Orru y voit une

méthode indispensable qui doit réunir autour de

la même table tous les acteurs d'un projet énergé-

tique. Et le directeur de WWF France de souligner«l'indispensable dialogue entre les parties». En

effet, si la problématique de l'acceptabilité se

pose, c'est, selon Maurice Meda, vice-présidentde la CRE, parce que «les projets énergétiquessont indispensables» pour faire face aux défis

de demain (augmentation de la consommation,interconnexions). La Commission nationale dudébat public (CNDP) se pose ainsi comme outilindispensable à l'acceptabilité énergétique.

Créée en 1995 par la loi Barnier, la CNDP a pourbut de décider s'il y a lieu, puis d'organiser un dé

bat public concernant les grands projets structu-

rants d'aménagement du territoire. Philippe Des-

landes, son président, affirme que «tous les projets passant en débat public sont systématiquementmodifiés voire dans certains cas abandonnés.» Etde noter le rôle indispensable que jouent, de fait,les acteurs publics dans la concertation : «Dans les

débats, les entreprises publiques comme RTE sontplus légitimes àparler d'intérêt général que Poweopar exemple». Pour le maire de Cordes sur Ciel,Paul Quilès, c'est surtout une question de méthode.Si le promoteur d'un projet, aussi public soit-il,se présente avec un dossier entièrement finalisésans aucune possibilité de modification, celui-ci gé-

nérera une frustration et donc un rejet immédiat.Et l'ancien ministre de l'Equipement de rappeler: «L'important c'est de donnerle choix. Générale-

ment, le débat porte surau moins trois projets dis-

tincts et la concertation permet d'en choisir un.»

Le risque majeur de l'acceptabilité est donc sa ca-

pacité potentielle à être contre-productive. P. Quilès note ainsi que le terme même d'«acceptabilité»

est maladroit. S'il s'agit de «faire accepter» un pro

jet, alors la fonction de dialogue qu'elle est cen-

sée remplir est nulle. II faut au contraire donnerles moyens aux citoyens d'appréhender les enjeuxénergétiques afin de faire privilégier l'intérêt général face aux intérêts particuliers. Un concept sé-

duisant qui se heurte pourtant à la réalité du débatpublic français.

Dans les faits, les débats publics restent des dis-

cussions d'experts. On ne peut attendre d'un ci-

toyen lambda qu'il puisse discourir sur les carac-

téristiques précises de tel ou tel projet. Si un parti-

cipant dispose des connaissances suffisantes et s'ila pris le temps d'étudier les données exhaustivesdu projet, la nature pointue du débat dissuadera les

autres participants moins bien inf ormés de prendrela parole. Si tel n'est pas le cas, il s'agit générale-

ment d'inquiétudes personnelles qui ne s'appuientpas sur des études précises et qui sont, de fait, ra-

pidement écartées du débat. Voici une réalité de la

démocratie participative trop peu évoquée et quin'a été rappelée qu'à l'initiative d'une question de

la salle. Autre limite du débat public, la crédibi-

lité relative des différents projets proposés pour ac-

ceptation. Encore une fois, dans les faits, il n'existequ'un projet véritablement viable, les autres alter-

natives ne servant qu'à mettre en valeur le projet«le moins mauvais».

Un bilan donc peu flatteur. Reine-Claude Madersouligne en ce sens que «l'acceptabilité se base tropsur la peur ». Et la présidente du CLCV de faireréférence au film Home de Yann Artus Bertrandcomme parfaite illustration de son propos. MichelDerdevet à qui appartenait la charge de conclurele débat a rappelé la généralisation des processus

d'acceptabilité dans tous les projets énergétiques.Et le directeur de la communication de RTEde prendre comme exemple le temps moyen deconstruction d'une ligne THT passé de trois ans

dans les années 1980 à sept ans aujourd'hui et ce

en raison de l'instauration des règles de concertation. M. Derdevet a par ailleurs déploré l'absence

des élus dans ces lieux de débat, «eux qui sont lesseuls à disposer de la légitimité démocratique».L'acceptabilité reste donc indispensable à la mise

en œuvre des projets énergétiques, mais elle pose

surtout la question fondamentale de la pratiquedémocratique dans nos sociétés.

Romain Chicheportiche

Tous droits de reproduction réservés