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13 PROASILE la revue de France Terre d’Asile Réfugiés, insertion professionnelle difficultés et enjeux Incluse dans ce dossier une synthèse du GUIDE DE RECONNAISSANCE DES DIPLÔMES ET DE LA VALIDATION DES ACQUIS DES RESSORTISSANTS EUROPEENS ET NON EUROPEENS EN EUROPE Rédigé par Chirine MOHSENI Sous la direction de : Fatiha MLATI Ahmed CHTAIBAT Avec la participation de : Pascal LANG Eric METRA Publié par FRANCE TERRE D’ASILE mi octobre Avec le soutien de l’Union Européenne Projet coordonné par l’OCIV (Belgique) en collaboration avec le Conseil Portugais pour les Réfugiés, le Conseil Grec pour les Réfugiés, France Terre d’Asile, OMEGA (Autriche), PSEau (France) et RETAS (Angleterre)

France terre d'asile - Réfugiés, insertion …...formation et d’orientation des réfugiés en Ile-de-France constitue une tentative d’amélioration de la prise en charge de la

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13PROASILE la revue de France Terre d’Asile

Réfugiés, insertion professionnelle

difficultés et enjeux

Incluse dans ce dossier une synthèse du

GUIDE DE RECONNAISSANCE DES DIPLÔMES ET DE LA VALIDATION DES ACQUIS DES RESSORTISSANTS EUROPEENS ET NON EUROPEENS EN EUROPE

Rédigé par Chirine MOHSENI

Sous la direction de :Fatiha MLATI

Ahmed CHTAIBAT

Avec la participation de :Pascal LANGEric METRA

Publié par FRANCE TERRE D’ASILE mi octobre

Avec le soutien de l’Union Européenne

Projet coordonné par l’OCIV (Belgique) en collaboration avec le Conseil Portugais pour les Réfugiés,

le Conseil Grec pour les Réfugiés, France Terre d’Asile, OMEGA (Autriche), PSEau (France) et RETAS (Angleterre)

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Dans le champ de la précarité et de l’exclusion les représentations sociales jouent un rôle de légitimation des inégalités.Parmi les causes de la précarité, certaines renvoient à la sphère publique (absence d’offres de travail), d’autres à la sphè-re privée (situation familiale), ou encore au déficit de formation initiale. Il arrive fréquemment que ces causes soientétroitement mêlées.L’occultation de l’origine structurelle des parcours singuliers des populations précaires étrangères – et notamment réfu-giées – par les services publics et privés en charge de leur insertion produit deux phénomènes également préjudiciables auxusagers : leur victimisation (justification de l’infantilisation et de l’assistanat) ; la personnalisation et la focalisation parles usagers de l’échec individuel sur des responsables immédiats et externes (la stratégie du bouc émissaire).Les politiques d’insertion sont censées transcender ces éléments afin de réparer les déficits initiaux. En réalité, elles serventsouvent de soupape sociale et de simple maintien, à la surface des populations sans lien social fort, c’est-à-dire le plus sou-vent sans travail.Le travail, dans sa conceptualisation, est le résultat d’une construction mettant en question le statut et la protection, l’ac-quisition et la distribution de revenus, la liberté de création, la transformation de la nature. S’il est contraint, il est éga-lement rêve.

Un arbitrage constant est effectué entre travail aliéné et travail libéré. Il est à la fois ce dont on doit s’affranchir (réduc-tion du temps de travail) et cette activité qui permet de faire œuvre commune et de s’attirer sinon la reconnaissance, dumoins de trouver sa place dans un rapport au monde constant. Qu’on le regrette ou non, l’exercice d’un travail est aujour-d’hui la condition d’appartenance sociale, un facteur d’identité.Pour tous ceux, qui au quotidien, ont choisi d’écouter, d’orienter et de conseiller les réfugiés dans leur parcours d’inser-tion, sans forcément se soumettre à une logique utilitariste et mécanique, les outils publics semblent souvent se contredi-re, se superposer sans logique apparente.Le défi est pourtant clair, l’enjeu de taille : il s’agit d’intégrer à la société française des personnes aux cultures et aux par-cours parfois très éloignés des normes de la société d’accueil. C’est ainsi que se forment des citoyens conscients de leursdroits et devoirs au sein de la communauté nationale.L’enjeu est majeur puisqu’il s’agit de la cohérence d’une société et de sa capacité à bien vivre ensemble au-delà de ses par-ticularismes culturels et religieux qui répondent de la sphère privée.L’objectif du dossier piloté par Fatiha Mlati, avec la collaboration d’Anne Pousson, est de rendre visible les difficultés ren-contrées dans l’accès à l’emploi pour les populations précaires, ici, les réfugiés. Elles sont nommées aujourd’hui sous levocable de « périphériques » : apprentissage de la langue, accès au logement, à la santé, exercice des droits réels, valida-tion des acquis et reconnaissance des diplômes.Le bilan de l’activité de notre structure Conseil Emploi Réfugiés Formation est lumineux quant à la visibilité des difficul-tés rencontrées par les réfugiés et la réponse que nous y apportons. Ces difficultés sont encore accrues par le simple fait derésider en Ile-de-France et d’avoir à se confronter à une offre de logement social insuffisante.L’analyse de Nourredine Boubaker sur le déficit de formation linguistique, tant dans son offre que par son aspect quali-tatif, rejoint la question, au-delà des réfugiés, de l’apprentissage de la langue pour les primo-arrivants demandeurs d’asi-le. A l’évidence, comment ne pas souscrire à « un réel droit à l’apprentissage » de la langue du pays d’accueil pour les popu-lations étrangères ? Apparemment, seuls les pouvoirs publics semblent avoir des difficultés à en comprendre l’intérêt pournotre pays.Il convient de ne pas raisonner aujourd’hui avec des images correspondant à l’accueil des populations réfugiées de la findes années 1970. Le monde a changé, la chute du mur de Berlin a soulevé le couvercle ethnique et a jeté sur les routes del’exil des populations civiles. La proportion de réfugiés non francophone au niveau de formation initial peu élevé est trèsimportant. Cependant, il reste que nombre d’entre eux peuvent faire valoir une expérience professionnelle et/ou une for-mation diplômée acquise dans leur pays d’origine. Les procédures en œuvre actuellement pour la validation des acquis enEurope et notamment pour les populations étrangères sont complexes lorsqu’elles ne sont pas inexistantes. L’objectif duguide dont nous publions dans ce numéro une synthèse est de fournir aux conseillers d’insertion, au service public de l’em-ploi, aux usagers, un outil utile et rapide pour se repérer dans le maquis des procédures européennes. On prendra égale-ment connaissance avec intérêt du CD Rom à destination des professionnels de l’insertion que nous avons conçu en par-tenariat avec des ONG européennes. Simon Whul, Bernard Gruyer et Patrick Auber viennent utilement conclure ce dos-sier avec des éclairages experts.Mais la réalité est en dernière analyse toujours là pour nous rappeler que si nous connaissons les causes de la paupérisa-tion, quelle que soit l’intelligence des dispositifs d’action sociale mis en place, ces derniers ne peuvent apporter seuls unesolution.

Pierre HENRYDirecteur de France Terre d’Asile

Insertion professionnelle : difficultés et enjeux

15PROASILE la revue de France Terre d’Asile

Cette exigence vaut encore plus pour lapopulation réfugiée, handicapée par l’ab-sence de maîtrise de la langue française etdes dispositions sociales et culturelles quicommandent l’accès à l’emploi. Même siles réfugiés ne constituent pas une popu-lation homogène susceptible d’être l’ob-jet d’une approche uniforme en matièred’orientation et de formation profession-nelle, un trait commun rassemble laquasi totalité des réfugiés statutaires :ceux qui arrivent avec des compétencesdirectement mobilisables sur le marchédu travail en Europe constituent désor-mais une infime minorité.

Leur insertion professionnelle impliquegénéralement plusieurs étapes compre-nant des actions d’apprentissage de lalangue du pays d’accueil, d’adaptationsocioprofessionnelle et de développe-ment des compétences professionnelles.Toutefois, la mise en œuvre cohérente deces étapes implique un accompagnementavec les personnes et les différentes struc-tures concernées.

La difficulté de se projeter dans un par-cours d’insertion est rendue encore pluscomplexe par la multiplicité des struc-tures et des dispositifs par lesquels transi-te ce public. Comparé aux autres deman-deurs d’emploi nationaux ou d’origineimmigrée, il manque cruellement d’in-formations pertinentes sur les règlesrégissant notre système de formation etsur les normes socioculturelles quiconditionnent l’accès à l’emploi.

Face à cette complexité, beaucoup deréfugiés, notamment les non franco-phones et ceux ayant un faible niveauscolaire et de qualification, se trouventdésorientés et n’arrivent à saisir ni le sensni la cohérence des actions dont ils béné-ficient. Cette situation conduit certains àn’avoir pour stratégie que la recherched’allocations diverses et le recours au sec-teur informel.

L’accès à la formation de ce public resteassez chaotique, malgré l’importance del’offre susceptible de répondre auxbesoins de formation que nous avons purecueillir sur le terrain. Ces élémentsmontrent que le passage entre les dispo-sitifs spécifiques et les formations quali-fiantes de droit commun est probléma-tique pour nombre de réfugiés.

1.1. Pour un accompagnementpersonnalisé des réfugiés eninsertion

L’observation de leur trajectoire pro-fessionnelle montre que les formationssuivies ne s’inscrivent pas dans un par-cours de progression et les emplois quileurs sont proposés sont souvent sansperspective d’évolution et sans lienavec leur formation.

Ces constats expliquent pourquoi lescassures observées dans les trajectoiresd’insertion des réfugiés sont sourced’un grand gâchis : déperdition desacquis de formations, absence de senset d’enjeu pour la personne bénéficiai-re, installation durable dans une situa-tion de demandeur de stages sansaucun lien avec des objectifs ou desprojets viables.

L’accompagnement des réfugiés primo-arrivants statutaires en insertion se jus-tifie aussi par les difficultés périphé-riques auxquelles est confronté cepublic récemment accueilli. En effet,outre la question de l’emploi, les réfu-giés doivent trouver en même tempsdes solutions pour leurs problèmes delogement, de santé, d’adaptation socialeet culturelle vis-à-vis d’une société trèsdifférente de celle qu’ils ont fuit.

C’est à cause du cumul de ces difficul-tés périphériques, impossibles à traiterpar les structures de formation et lesservices publics de l’emploi, que les

actions de formation ne sont pas sui-vies dans de bonnes conditions, entraî-nant dans de nombreux cas absentéis-me et abandon.

Enfin, ces trajectoires montrent quecertains réfugiés sont exclus des actionsd’insertion auxquelles ils ont pleine-ment droit. Cette difficulté d’accès s’ex-plique par leur manque d’informationet leur difficulté à communiquer leursattentes et leurs projets.

1.2 : La création du ConseilEmploi Réfugiés Formation,une volonté de rendre le droiteffectif

L’ouverture d’un espace-ressource d’in-formation et d’orientation des réfugiésen Ile-de-France constitue une tentatived’amélioration de la prise en charge dela question de l’intégration profession-nelle des réfugiés.

Cette démarche d’optimisation des dis-positifs publics actuels permet par letravail de repérage des difficultés et desbesoins, d’améliorer les conditions d’ac-cès et de suivi des actions d’insertion.

Cette action repose sur notre convic-tion que la défense du droit d’asile n’estpas concevable sans un contenu socialet économique. Il s’agit donc égalementde poser et de tenter de résoudre laquestion sociale de l’intégration pourceux qui ont vocation à demeurer dura-blement sur notre territoire. Notre pra-tique s’ordonne autour de deux fonc-tions essentielles pour réussir le pari del’intégration par l’emploi, le partenariatet l’accompagnement.En effet, ce public fragilisé, doit êtreaccompagné, et non pas simplementêtre orienté. L’orientation étant une

Les difficultés d’insertion des réfugiés statutairesPar Fatiha MLATI*

Les expériences en matière d’insertion sociale et professionnelle des jeunes et des adultes, accumuléesces dernières décennies, mettent en évidence la nécessité d’un suivi personnalisé et d’une coordinationdes actions par les acteurs institutionnels

* Responsable du CERF (Conseil Emploi RéfugiéFormation)

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donnée travaillée dans le temps. Elledoit être un soutien méthodologique,économique, psychologique et socialcontinu.

1.3. : La reconnaissance de laqualité de réfugié, une étaperécognitive paradoxalement mar-quée par l’entrée dans un nou-veau système de précarité

Nous avons accueilli entre le 1er décembre1999 et le 31 décembre 2000, quelques 500réfugiés statutaires qui ont souhaité unaccompagnement socioprofessionnel.Nous ne comptabilisons pas ici lesdemandes non fondées tels que celles pro-venant de réfugiés de plus de cinq ans ; depersonnes en situation irrégulière…

400 réfugiés soit près de 90% ont bénéficiéd’une telle prestation et ont signé uncontrat d’accompagnement. Ce contratd’accompagnement a été construit autourd’un objectif d’insertion sociale, écono-mique et professionnelle.

273 évaluations linguistiques ont été pra-tiquées. Celle-ci est mise en place lorsquele réfugié ne maîtrise pas la langue fran-çaise à l’oral mais également lorsque cedernier envisage, dans le cadre de sonparcours, de se reclasser dans un secteurqui nécessite la maîtrise écrite de lalangue.

Au courant de l’année 2000, nousavons connu différentes vagues denationalités. Lors des 6 premiers mois,nous avons reçu un grand nombre depersonnes d’origine Sri Lankaise.Ce public était plutôt de bas niveau dequalification avec de gros besoins enformation spécifique (Français/Langue/Etrangère).La médiatisation de notre activité, aentraîné une modification de la typolo-gie du public accueilli. Aujourd’hui ori-

ginaire du continent africain, masculin,chef de famille, la population franco-phone, située dans la tranche d’âge des35-40 ans, avec des besoins en formationqualifiante ou proche de l’employabilité.

Aujourd’hui, les candidats provenantd’Europe de l’Est et du Maghreb repré-sentent une proportion non négligeablede l’effectif total recensé. Ces derniers ontdes profils similaires voire supérieur en

termes de niveau de formation initiale par rapport au public réfugié provenantd’Afrique Noire.

Indépendamment des origines cultu-relles et des potentiels détenus par lescandidats quant à leur possibleemployabilité – qui démontre l’hétéro-généité de notre public, celui ci possèdeun dénominateur commun : l’exclusionsociale.

Figure 3 – Ressources financières

Un public vivant de différentssubsides et « mal logé »

Celle-ci se décline par un recours quasiautomatique au revenu minimumd’insertion qui est devenu « un rite depassage » pour tout réfugié. En effet,rare sont les réfugiés qui trouvent un

emploi sans avoir recours à la prise encharge par l’aide sociale alors que pourtout citoyen national, le revenu mini-mum d’insertion est le dernier subsidepour le maintien à la surface.

De la même façon, la prise en chargeen hébergement d’urgence ou par destiers représente 63,6 % des candida-tures. Cette précarité par rapport aulogement est accentuée sur Paris où lespossibilités d’accès au logement socialsont rares.

Cette donnée déstabilise singulière-ment l’accompagnement puisqu’elleimplique une grande mobilité de notrepublic. Notre première démarche seradonc une négociation quasi systéma-tique du maintien d’une prise en char-ge durable de l’hébergement d’urgen-ce, afin de pouvoir construire un réelparcours d’insertion, sans risque derupture de l’accompagnement pourdes facteurs périphériques.

Autres* : autres soutiens financiers (famille, organisations caritatives, bourses etc.)

Figure 4 – Situation vis à vis du logement

Figure 1 – Origine Géographique

Figure 2 – Niveau d’instruction

1. 4. : Une méthode d’accompa-gnement favorisant la connexionavec le droit commun

Les parcours d’insertion co-construitsse déclinent à travers différents typesde besoins, qui sont traités sous l’anglede trois types de prestations :

L’orientation vers des dispositifsspécifiques soit l’intégration enMission Locale, la reconnaissance de laqualité de travailleur handicapé par lesservices de la COTOREP corollaire àun accompagnement vers l’emploidélivré par des structures spécialisées(OIP), la validation des acquis par lerecours aux différents modules d’éva-luation des compétences et des capaci-tés professionnelles délivrés parnotamment par les Services Publics del’Emploi ou les organismes habilitéscomme l’AFPA.

L’entrée en formation qualifiante ouspécifique par le travail sur le projetprofessionnel, la co-validation de

celui-ci avec le référent social du béné-ficiaire dans le cadre du contrat d’in-sertion, la prospection d’une forma-tion, le co-suivi et le post-suivi avecl’organisme de formation partenaire.

L’accès au marché du travail soit laconstruction du curriculum vitae, dela lettre de motivation, la préparationà l’entretien d’embauche, la mise enadéquation du projet personnel avecles besoins des entreprises, la négocia-tion avec l’entreprise d’accueil et lepost suivi à 6 mois.

Ces éléments ne laissent pas transpa-raître l’ensemble des rouages qui com-posent l’accompagnement que nousdélivrons : résolution des problèmespériphériques (garde d’enfant, prise encharge des transports, aide d’urgence),accompagnement dans le travail dedeuil, accompagnement dans le pro-cessus de réadaptation et interventionsous la forme d’une écoute à visée édu-cative.

Le public réfugié n’est pas « difficile » àtraiter à l’instar d’autres publics dontle processus de déqualification et d’en-lisement dans l’exclusion est générépar la perte d’un statut socioécono-mique.

Il cumule des difficultés causées par ladéfaillance du système d’accueil : loge-ment, ressources, formation linguis-tique et surtout par le manque d’infor-mation et de coordination sur les pos-sibilités offertes par le droit commun.L’exil est un acte subi, accompagné de

violences parfois physiques, toujourssymboliques. Il devient avec la recon-naissance de la qualité de réfugié unlevier générant une mobilisation duréfugié par rapport à son devenir et àson intégration dans la société d’ac-cueil.Il est préjudiciable que le droit com-mun omette cette caractéristique en nefacilitant pas un processus d’intégra-tion dynamique et en assimilant cepublic à d’autres catégories de popula-tions marginalisées.Les difficultés que nous rencontronsdans l’exercice de notre mission, révè-

lent des dysfonctionnements ou desdéfaillances dans l’accès au droit. Ilsdémontrent également le « gâchis »humain et financier d’un système « attentiste » qui ferme la porte à l’ap-prentissage de la langue pendant l’exa-men de la demande de reconnaissancedu statut de réfugié.

1. 5. : Les difficultés d’accès auxdroits sociaux, à l’apprentissagede la langue et l’accès au loge-ment fragilisent la constructiondes parcours d’insertion

La déconnexion entre droit au séjour et accès aux

droits sociaux

L’accès à la formation qualifiante se faitmajoritairement grâce aux droits géné-rés par le statut de bénéficiaire duRevenu Minimum d’Insertion.

Néanmoins, l’accès au dispositif deformation professionnel n’est pasimmédiat. En effet, la reconnaissancede la qualité de réfugié n’est pas syno-nyme d’un accès direct aux droitssociaux.

Nous constatons une déconnexionentre le temps de l’obtention de la pro-tection (services de l’OFPRA), le droitau séjour (Service des étrangers au seindes préfectures) et l’accès au revenuminimum d’insertion (centres instruc-teurs du RMI en liaison avec les CAF).De plus, lorsque le droit au séjour estacté (possession de la carte de réfugiéet du récépissé de 6 mois) la mécon-naissance de la législation concernantl’ouverture du RMI 1. par les acteursdes services de droit commun com-plique la tâche et retarde le dépôt de lademande.

Insertion par l’emploi et maîtrise de la langue

Ceux qui peuvent prétendre à un accèsrapide à un premier emploi sont ceuxqui maîtrisent la langue et qui possè-dent une expérience professionnelleconfirmée dans des secteurs d’activitéstandardisés (par exemple : grutier,tourneur, peintre…)

Démarches effectuées pour la résolution des problèmes périphériques

17PROASILE la revue de France Terre d’Asile

La non-maîtrise de la langue est unfrein prépondérant pour l’accès à l’em-ploi. Cette recherche ne peut avoir desens si le candidat n’est pas en mesured’assurer des échanges portant sur dessituations courantes.

Souvent, cette non-maîtrise de lalangue les prive de toute évolution pro-fessionnelle tangible (rappelons quenous recevons majoritairement unpublic masculin âgé de 35 à 45 ans).

Un dispositif spécifique en panne

L’un des événements marquant dupremier semestre 2001 concerne la « disparition » totale des stages inten-sifs rémunérés de Français LangueEtrangère (FLE) en direction des nonfrancophones ayant un niveau granddébutant.

Si l’employabilité des candidats ayantun niveau faux-débutant est del’ordre du possible, elle est enrevanche mal aisée pour les grandsdébutants.

Les candidats âgés de moins de 26 anssont orientés vers les Missions Localesqui en assurent un accompagnementcomplet. Toutefois, concernant lepublic réfugié n’ayant aucune maîtrisedu français et nécessitant une forma-tion en FLE, il est important de signa-ler les problèmes liés à l’accès à cesformations. En effet, les jeunes titu-laires d’un titre de séjour, dont ladurée de validité ne dépasse pas troismois, ne sont pas admis à ces forma-tions en raison des contraintes derenouvellement du dossier de finance-ment auprès des services du CNASEA.

Ainsi, les candidats traversent delongues périodes d’attente sans res-source, sans travail, car nonemployables, et bien souvent hébergéspar des tiers 2. Ils doivent se contenterdu ticket mobilité 3 au plus. Les réfé-rents des Missions Locales ne font pastoujours appel au FAJ 4 pour deman-der une subvention pour les candidatsconcernés.

L’accès au logement :absence de solutions durables

Le diagnostic social, linguistique, pro-fessionnel établi suite aux premiersentretiens, nous permet de constaterune extrême fragilité de notre publicconcernant le logement. Le taux deprécarité lié au logement en 2000 avoi-sinait les 64%. Cet indicateur a aug-menté de 7 points en 2001. Accueild’urgence, hôtel social, structure d’hé-bergement provisoire, logement chezun tiers ou location dans des condi-tions d’insalubrité demeurent le lotd’une grande partie de nos bénéfi-ciaires.

Le traitement de cette question va sefaire en fonction des possibilités et del’organisation de chaque départementsur cette question. Ainsi, même si leurinsertion professionnelle est stabiliséesoit par la mise en emploi ou l’acquisi-tion d’une formation, les problèmes demaintien dans un logement restententiers.

La question de l’insertion par le loge-ment est l’un des volets de l’accompa-gnement les plus complexes à résoudre.C’est la première demande formuléepar toute personne qui se présente dansla structure.

L’une des raisons majeures de cette dif-ficulté est liée au fait que l’accès aulogement social est subordonné auxressources et donc à l’emploi. Notreintervention se limite aux situationsd’urgence sociale afin de pouvoirasseoir l’accompagnement. Dans cecadre le SSAE est un partenaire quiapporte une aide précieuse en assurantle paiement des deux premiers mois deloyer au réfugié ou en l’orientant surun foyer, le temps de l’obtention duRMI.

Au-delà de cette aide d’urgence, l’ac-compagnement se limite à l’orientationdes personnes vers les municipalitésqui enregistrent la demande de loge-ment. Ainsi, par exemple, sur le dépar-tement de la Seine-Saint Denis, l’en-semble de nos bénéficiaires possède unnuméro d’enregistrement sur le plandépartemental.

Dans le cas où le candidat bénéficieraitd’un premier emploi et s’il est âgé demoins de 30 ans, ce dernier est orientévers le GNOSSAL5, organisme qui s’en-gage en qualité de garant auprès dupropriétaire du logement que le candi-dat aura trouvé. Le problème de garan-tie auprès du bailleur est ainsi résolu.

Mais, au-delà de ces quelquesdémarches, nous ne disposons pas deréelles solutions. Cette question récur-rente motive notre volonté d’améliorernotre prestation et nous incite à sollici-ter un conventionnement ALT 6 . Mais,il est à noter deux difficultés supplé-mentaires.

D’une part, le dispositif ALT n’est pasaccompagné de moyens nécessaires ausuivi social, ce qui a pour effet, la miseà l’écart des personnes en situation trèsprécaire. D’autre part, la prise en char-ge ALT par l’avantage économique qu’ilprocure aux personnes qui en bénéfi-cient, incite certaines d’entre elles àeffectuer une équation simple : le coûtde la rémunération du travail salarié,les dépenses induites que le travailengendre dans la phase d’autonomisa-tion comparée à la logique d’assistancecumulant : ALT et Revenu Minimumd’Insertion.

1 Circulaire DSS/DIRMI N° 93-05 du 26 mars 1993relative à la détermination de l’allocation de revenuminimum d’insertion (paragraphe I – alinéa1.2.2.1.).3 Procédure soutien à la mobilité par le paiement

du titre de transport dans le cadre du contrat d’in-sertion RMI et dans l’accompagnement des jeunesen difficultés effectuée par les Missions Locales.4 Fonds d’Action Jeunes.5 Groupement National des Organismes Sanitaireset Sociaux pour l’Aide au Logement 6 Allocation Logement Temporaire

18PROASILE la revue de France Terre d’Asile

19PROASILE la revue de France Terre d’Asile

Chacun s’accorde à re-connaître l’apprentissagede la langue françaisecomme une nécessité dif-ficilement contournablepour tout immigré dési-reux de vivre normale-ment en France et s’y ins-taller durablement.

Qui pourrait en effet sérieu-sement contester que, parceque le français est la languequi symbolise l’unité natio-nale par delà la diversité des ter-ritoires et des appartenances- langue mise en partage pourque trouve à se réaliser le liensocial - son acquisition, ga-rante de l’autonomie du par-cours individuel et social, faitincontestablement figure de né-cessité - et s’impose mêmecomme un devoir - pour tousceux qui ont choisi de restersur notre territoire ?

Une nécessité, une obligation,un devoir, mais aucunementun droit,c’est à dire un égal ac-cès théorique à l’exercice de cedroit. Nous en sommes bienéloignés.Apprendre le françaisn’est assurément pas un pro-blème pour les non franco-phones de milieux sociaux-culturels favorisés, il en vatout autrement pour les autres.

Sans aborder ni les aspectsculturels, ni la question durapport au savoir, qui carac-térisent souvent les couchessociales défavorisées, l’expé-rience indique que les possi-bilités d’apprendre relèventde l’aléatoire et dépendentfortement de l’offre de for-mation présente ou non aupied de la tour ou dans le vil-lage. Malgré l’action des bé-névoles et les efforts associa-

tifs, l’offre de qualité demeuretrès largement insuffisante etinaccessible. Sans sous - esti-mer l’importance de l’effortpersonnel, nous ne sommespas loin de penser que les obs-tacles à l’apprentissage de lalangue constituent peut-être,la première des discrimina-tions, celle, en tous cas qui in-terdit la possibilité d’accéderà la citoyenneté. Ne pasconnaître la langue constitue,à l’évidence, un grave handi-cap qui fragilise les personneset les maintient en situation dedépendance et de vulnérabi-lité.Ne pas parler la langue,nepouvoir ni communiquer, nicomprendre,c’est être désarméet ne pas pouvoir se défendre,c’est d’un point de vue stric-tement symbolique, ne pasexister.Il nous faut prendre collecti-vement conscience de ces en-jeux. Il nous faut comprendreque les associations et avecelles le cortège des bénévolesqui ont porté cette question ets’y sont parfois essoufflés ont,sans doute possible, de façoncertes,empirique ou dispersée,contribué à l’émergence d’unbesoin vital que la bonne vo-lonté, le dévouement, la gé-nérosité ne suffisent pas à sa-tisfaire. Il nous faut tirer lesenseignements de ce constat etréfléchir à la démocratisationde l’accès à la langue françaisepour tous.Sait-on,par exempleque les femmes sont les prin-cipales victimes de rejet deleur demande de naturalisationpour défaut d’assimilation lin-guistique ? Elles sont près de70 % dans cette situation, lesfemmes originaires duMaghreb sont les plus tou-chés (87% d’entre elles) alorsqu’elles résident en France de-

puis plus de 10 ans. Quandon connaît le rôle joué par cesfemmes dans les processusd’intégration,on ne peut qu’êtreinterpellé. Cet amer constatdonne la mesure des limitesdes dispositifs en place et doitnous inciter à les renforcer.

L’hypothèse d’un droit nou-veau mérite alors d’être posée: celui d’un droit à part entièreà une formation linguistiquede qualité.

Un rapide retour en arrièrepermet de conforter l’analyse,de mieux cerner le problème,et surtout de mieux saisir la dy-namique qui s’est enclenchée,d’en comprendre le sens.

Dans les années 70, l’alphabé-tisation fut initiée et portée es-sentiellement par les courantscaritatifs et militants. Au delàde la langue, il s’agissait d’ex-primer une solidarité active,quelques années après la dé-colonisation.C’était avant toutune affaire de militants, unequestion politique largement in-fluencée par l’éducation po-pulaire.La gestion des publicsétait clairement différenciée.L’évolution vers la formationprofessionnelle continue marqueune étape importante.Un autremodèle se met en place, il s’ac-compagne d’une restructura-tion du secteur et,crise oblige,d’une nette inflexion en di-rection de l’emploi. De nou-veaux financements publicssont possibles, le caractère mi-litant subsiste,mais il cohabitedorénavant avec des forma-teurs professionnels. Les an-nées de crise accentuent la ten-dance, la professionnalisationest en marche,rendue nécessairepar le traitement social du chô-

mage.Pour les populations mi-grantes, l’accès le plus souventhypothétique à l’emploi l’em-porte sur l’aspect purementlinguistique, on assiste à unevéritable désectorisation et uneperte de spécificité.L’immigrédisparaît derrière le bas niveaude qualification,le BNQ,commeon dit.

L’émergence de la problé-matique illettrisme ne faitqu’ajouter à la confusion et àla perte de visibilité des dif-férents publics. On est bienloin des idéaux de l’éduca-tion permanente des années1970, la spécificité des mi-grants est de moins en moinsprise en compte, le déplace-ment vers le public de basniveau patent.

Les formations linguistiquesse retrouvent très largement en-globées dans la problématiquede la formation profession-nelle, elles en épousent lesmodalités, bénéficient parfoisdes avantages…mais aussi descontraintes qui y sont liées.N’y a t il pas lieu de s’interrogersur la prégnance de la logiqueemploi et d’une conceptionutilitariste des formations lin-guistiques ? Apprendre lalangue ne permet pas seule-ment d’accéder à l’emploimais aussi à la citoyenneté, àla culture du pays d’accueil, etd’en maîtriser les codes.

De toutes les réformes enga-gées par le FAS ( le fonds d’ac-tion sociale créé par le GénéralDe Gaule en 58) qui finance« l’Alpha » depuis 4O ans, laplus significative a été cellede 1995. Il nous semble ce-pendant qu’un élément dé-terminant n’a pas suffisam-

L’APPRENTISSAGE DE LA LANGUE Entre logique humanitaire et lente émergence d’un droit ?Par Nourredine BOUBAKER*

20PROASILE la revue de France Terre d’Asile

ment été explicité, c’est le pas-sage d’une logique de forma-tion exclusivement régie parl’offre à la logique de com-mande publique. Et pourtant,nous touchons là une questionimportante – pourquoi passe-t-on de l’une à l’autre ?Risquons nous à proposerune interprétation.

Nous pensons d’abord que lepassage à la commande pu-blique marque les limites etl’essoufflement du « modèle »précédent qui reposait essen-tiellement sur la mobilisationdu tissu associatif.L’offre de for-mation émanait d’abord duterrain,c’était la résultante despropositions des associationssur un territoire.C’était,commeon l’a vu, la logique militantequi prévalait, ses limites ap-parurent au fil du temps avecla montée du chômage et l’évo-lution vers la formation pro-fessionnelle.

La logique de la commandepublique marque bel et bienune rupture, une inversionde tendance : dorénavant,c’estl’Etat, ce sont les pouvoirs pu-blics qui passent commandeet sélectionnent les opérateursà l’issue d’une procédure demise en concurrence.Les pres-tations linguistiques sont ainsi« reconnues », leur nécessitéest, en quelque sorte, renfor-cée mais en même temps laresponsabilité publique estmis en lumière.

La démarche de la commandepublique, forgée au début desannées 1990, concerne en faitl’ensemble de la formationprofessionnelle. Dans un do-cument préparatoire à la tableronde organisée par leSecrétariat d’Etat aux Droits desFemmes et à la FormationProfessionnelle sur la profes-sionnalisation de l’offre deformation et des relations entreles utilisateurs et les orga-nismes, on peut lire à propos

des difficultés rencontrées :« les critiques le plus souventformulées portent sur les in-certitudes du conventionne-ment (délai de paiement, dé-marrage des actions avant quela Convention ne soit signée,absence de garanties plurian-nuelles…) sur les problèmesdu prix (faiblesse des barèmesau regard de l’accroissementdes exigences de qualité,prix im-posés, référence à l’heure - sta-giaire plutôt qu’à l’heure -groupe, la journée ou la pres-tation globale, différences detarifs entre les prestataires pourles mêmes actions sur le mêmeterritoire,…) sur la non maî-trise du recrutement par les or-ganismes (inadéquation desprofils des stagiaires, absencedes stagiaires, encouragementau maintien des stagiaires enformation…), sur la non priseen compte de l’innovation pé-dagogique (modulation, indi-vidualisation, ouverture desformations, accompagnementdes stagiaires pendant les pé-riodes en entreprise,…) ».

On le voit on ne peut plusclairement, la formation dansson ensemble est confrontéeà une évolution qui cham-boule les référentiels des mé-tiers existants de la profes-sion. Toute la profession estinterpellée dans ses moyens,ses méthodes, sa pédagogie,ses objectifs, ses valeurs.

La logique de commande pu-blique déclenche une profes-sionnalisation de la demandeet de l’offre. La commandepublique est de plus en plus exi-geante, elle implique une vé-ritable obligation de résultat.Il est alors évident que seuls lesorganismes performants etprofessionnels peuvent s’adap-ter, faut il le regretter ? L’optiquequalitative doit être à tout prixaffirmée, avec elle, l’exigencede résultat.C’est la seule façonde tirer vers le haut les for-mations linguistiques et d’at-

tirer les meilleurs spécialistes.Bien sûr, toutes les associa-tions ne peuvent pas se re-convertir, ce n’est du reste passouhaitable.Il en est de leur rôlecomme de celui du FAS : ini-tier et couvrir des besoinsnouveaux ou non, pour quele droit commun s’en saisisseet assume pleinement ses res-ponsabilités. En la matière, lanotion de droit commun mé-riterait, à l’évidence, d’être re-précisé alors que les finan-ceurs potentiels ont assezsouvent tendance à se dé-fausser sur le seul FAS dont lesfonds, malgré l’importancedes sommes consacrées à cedomaine, ne couvrent qu’unefaible partie des besoins iden-tifiés.Le temps est venu que les for-mations linguistiques soientreconnues comme formationprofessionnelle à part entière,le temps est venu aussi pourqu’un réel droit à l’appren-tissage de la langue du paysd’accueil soit consacré. Nousavons tous, tant à y gagner.

L’hypothèse du droit se trouvetotalement confortée par cer-tains travaux conduits àl’échelle européenne, confir-mant ainsi que nombre dequestions posées ne trouve-ront pas de réponses dans leseul cadre hexagonal, mais àl’échelle européenne.

La Charte Sociale Européenne(révisée en 1998), qui engagetous les pays signataires, af-firme « le droit pour toute per-sonne à des moyens appropriésde formation professionnelle ».Elle précise dans son article19 intitulé « droits des tra-vailleurs migrants et de leursfamilles à la protection et àl’assistance » : « En vue d’assurerl’exercice effectif du droit destravailleurs migrants et de leursfamilles à la protection et à l’as-sistance sur tout le territoire detoute autre Partie, les partiess’engagent : » … alinéa 11 « à

favoriser et à faciliter l’ensei-gnement de la langue natio-nale de l’Etat d’accueil ou, s’ily en a plusieurs, de l’une d’entreelles, aux travailleurs migrantset aux membres de leurs fa-milles ».

La Charte Sociale conforte,après les avoir étendus, lesdroits dits économiques etsociaux. Et même si ces droitslà ne pas encore considéréscomme des droits fonda-mentaux au même titre queles droits civils et politiques,par exemple, il s’agit là d’uneavancée notoire et d’une op-portunité que nous suggé-rons de saisir pour faire re-connaître, à part entière, ledroit à l’apprentissage de lalangue.

Cette perspective n’est pas ir-réaliste, déjà des débats ontlieu à propos des droits so-ciaux définissant ceux-cicomme des « droits créances »,c’est à dire des obligationsconcrètes et opposables à unEtat. Certains évoquent desdroits de « l’égalité concrète ».

Ce sont précisément les prin-cipes qui inspirent nos orien-tations en matière d’intégra-tion. La voie juridique eteuropéenne mérite d’être sé-rieusement investie. Puissecette contribution,qui n’engageque son auteur, à titre per-sonnel,contribuer à faire avan-cer la réflexion dans ce sens.A un moment où la questiondes discriminations racialesémergent enfin,grâce à un en-gagement sans faille des pou-voirs publics, il n’est pas in-différent que la question dela langue soit ainsi posée.

* Direction de la Formation EmploiFonds d’Action Sociale

21PROASILE la revue de France Terre d’Asile

Evolution historique :

Le principal obstacle à la libre circu-lation résulte de la multiplicité deslégislations existantes. Les institu-tions communautaires sont doncintervenues afin de faciliter la recon-naissance des qualifications profes-sionnelles par un Etat membre aubénéfice d’un autre Etat membre.Cette intervention s’avérait néces-saire pour pouvoir accéder à cesactivités réglementées.1 Les institu-tions communautaires ont basél’adoption d’instruments juridiquesà cet effet sur le titre III du traitéd’Amsterdam.2

Dans un premier temps, laCommission a adopté une approchesectorielle de la reconnaissance desqualifications professionnelles. Ontainsi été adoptées plusieursDirectives concernant des activitésdans les domaines commercial,industriel et artisanal. Elles recon-naissent l’exercice effectif par le res-sortissant d’un Etat membre dansun autre Etat membre pendant unedurée déterminée de la professionconcernée comme preuve suffisantedes ses connaissances et aptitudes àexercer cette profession dansl’Union européenne.

En matière de reconnaissancemutuelle des diplômes à des finsprofessionnelles3 , une distinctionest faite selon que la reconnaissanceest fondée ou non sur une harmoni-sation des conditions de formation.

➘ Lorsque les conditions de forma-tion sont harmonisées, la recon-naissance des diplômes est automa-tique. 6 Directives ont été adoptéesdans le domaine de la santé4 .

➘ En cas d’absence d’harmonisa-tion, des Directives5 posent des cri-tères communs « a minima », quilaissent aux Etats membres un cer-tain pouvoir d’appréciation de lavaleur du diplôme.L’inconvénient de ces Directivessectorielles est la lenteur de leuradoption du fait du niveau d’har-monisation élevé des conditionsexigées. La Commission a doncdéfini une nouvelle approche par lebiais du système général de recon-naissance - plus modeste quant auniveau d’harmonisation – destiné àaccélérer le processus d’harmonisa-tion, et par là même, la libre circula-tion des personnes et services.

De ce système résulte deuxDirectives :

- la Directive du 21-12-1988relative à un système général dereconnaissance des diplômes d’en-seignement supérieur sanctionnantdes formations professionnellesd’une durée minimale de trois ans.

- La Directive du 18-06-1992relative à un système général desformations professionnelles, sanc-tionnant les diplômes à « Bac = 1 ».La Directive du 7-06-1999, adoptéeconjointement par le Conseil desministres et le Parlement européen,complète ces deux Directives en ins-tituant un mécanisme de reconnais-sance des diplômes pour les activi-tés professionnelles couvertes parles Directives sectorielles, en vue desimplifier et clarifier le système.

La faiblesse de ce système généralréside dans sa complexité, et la tropgrande marge de manœuvre laissée

aux Etats membres dans la recon-naissance des diplômes et qualifica-tions professionnelles.

La simplification du systèmede reconnaissance des qualifi-cations professionnelles :l’ini-tiative SLIM

Récemment, une initiative impor-tante a été prise dans le cadre du pr-gramme SLIM6 , sur la base de laCommunication de la Commissioneuropéenne « De nouveaux marchéseuropéens de travail ouverts et ac-cessibles à tous »7 , présentée auConseil européen de Stockholm.

Dans l’optique de faciliter et déve-lopper la libre circulation des tra-vailleurs et des prestations de servi-ce, cette réforme a pour objectif latransparence, la flexibilité et l’uni-formité du système de reconnais-sance afin de faciliter l’adoption denouvelles Directives sectorielles oud’autres instruments flexibles, etdonc de faciliter la reconnaissanceautomatique ou peu conditionnéedes qualifications professionnelles.Elle devrait également inclure lajurisprudence de la Cour de Justicedes Communautés Européennes(CJCE° dans la législation commu-nautaire. Ainsi seraient notammentintégrés les principes posés par lesarrêts HYELENS8 et VLASSO-POULOU9 , lesquels interdisentrespectivement des Etats membresde ne pas définir les conditions de

Les orientations de la Commission européenne en matièrede reconnaissance des qualifications professionnelles

Par Anne POUSSON*

* Chargée de la veille documentaire sur lesquestions européennes à France Terre d’Asile.Propos recueillis auprès de l’unité chargéedes professions réglementées de la DirectionGénérale « Marché Intérieur » de laCommission Européenne.

22PROASILE la revue de France Terre d’Asile

qualification en des termes pure-ment nationaux, et d’apprécier sub-jectivement les connaissances dumigrant. La CJCE exige égalementle respect d’un délai raisonnable (nepouvant dépasser 4 mois) pour trai-ter la demande de reconnaissance, àlaquelle une possibilité de recoursdoit être assortie. Sa décision d’obli-ger les Etats membres à accorder lebénéfice de l’équivalence desdiplômes à des fins professionnelleslorsqu’ils ont reconnu l’équivalencede ce diplôme à des fins acadé-miques et que le migrant a passéavec succès l’examen professionnelrequis pour les nationaux, a aussifait jurisprudence.

Un questionnaire concernant lareconnaissance des qualificationsprofessionnelles a été adressé le 21mai dernier par la Commission auxEtats membres, afin de recueillirleurs avis sur le futur système, envue d’élaborer une propositiondans le courant du printemps 2002.

La place des étrangers res-sortissants de pays tiersdans le futur système :

Bien que les ressortissants de paystiers ne font pas partie des bénéfi-ciaires du système de reconnaissan-ce – réservé pour l’heure auxcitoyens de l’Union européenne – ilspourraient toutefois entrer dansson champ d’application lorsque laproposition de Directive du Conseilrelative au « statut des ressortissantsde pays tiers résidents de longuedurée »10 sur le territoire del’Union entrera en vigueur.En effet, son article 12 relatif à l’éga-lité de traitement stipule que « lerésident de longue durée bénéficiede l’égalité de traitement avec lesnationaux en matière de :

- conditions d’accès à un emploisalarié et à une activité indépendan-te, lorsque ces activités ne partici-

pent pas, même à titre occasionnel,à l’exercice de l’autorité publique,ainsi que des conditions d’emploi etde travail, y compris les conditionsde licenciement et de rémunération(…)

- « reconnaissance des diplômes,certificats et autres titres, délivréspar une autorité compétente ».Cette assimilation des ressortissantsde pays tiers résidents de longuedurée aux nationaux revient donc àleur reconnaître les mêmes droitsque les citoyens nationaux enmatière de reconnaissance acadé-mique des diplômes, et les mêmesdroits que les citoyens européens enmatière de reconnaissance des qua-lifications professionnelles.Les Directives sectorielles, géné-rales, ainsi que le système à venirseraient par conséquent applicablesdès l’entrée en vigueur de laDirective pré citée, aux réfugiés sta-tutaires résidant régulièrement surle territoire d’un Etat membre del’Union européenne depuis 5 ans, cequi constituerait une grande avan-cée dans le domaine. La précarité dela situation des demandeurs d’asileles excluent (logiquement) duchamp d’application de la proposi-tion de Directive, mais le tempsqu’ils ont passé sur le territoire del’Etat membre auprès duquel ils ontdéposé leur demande de reconnais-sance du statut de réfugié selon laConvention de Genève de 1951 estcomptabilisé dans leur durée derésidence, une fois qu’ils ont obtenule statut de réfugié.

Les professions non régle-mentées et la reconnaissan-ce des diplômes à des finsacadémiques :

Ces deux matières, sur lesquelles tra-vaillent les Directions générales cul-ture et éducation d’une part, etemploi d’autre part, relèvent princi-palement du pouvoir discrétionnairedes Etats membres. La Commission

se contente de faciliter la coordina-tion entre les systèmes très différentsd’un Etat membre à l’autre. Ainsi, lesdeux Directions Générales pré citéesont mis en œuvre le programme « Task Force », qui a pour objectif derendre l’économie européenne plusdynamique et performante, et de cla-rifier l’information concernant lesdifférentes formations et certifica-tions existant dans les Etatsmembres.La déclaration de Bologne relative àl’éducation, adoptée lors d’une ren-contre entre Etats membres, établitdeux niveaux universitaires – deux etcinq ans après le Baccalauréat – afinde clarifier le système et de promou-voir la transparence des qualifica-tions individuelles.

1 Professions dont l’accès est subordonné à la pos-session d’un diplôme.2 Le titre III du traité d’Amsterdam,intitulé « libre circulation des personnes, services etcapitaux », comprend les articles 39 à 42 relatifs à lalibre circulation des travailleurs,les articles 43 à 48 concer-nant le droit d’établissement,et les articles 49 à 55 re-latifs à la libre prestation de services.3 A ne pas confondre avec la recon-naissance des diplômes à des fins académiques.4 Directive du 16 juin 1975 concernantle diplôme de médecin généraliste.Directive du 25 juin 1977 relative aux infirmiersdes soins généraux.Directive du 25 juillet 1978 concernant les chirur-giens dentistes.Directive du 18 décembre 1978 relative aux vétéri-naires.Directive du 21 janvier 1980 concernant les sagesfemmes.Directive du 24 septembre 1985 relative aux phar-maciens (liberté d’établissement uniquement).5 Par exemple, le Directive du 10 juin1985 relative aux diplômes d’architectes6 Ce programme vise à simplifier lalégislation relative au Marché Intérieur7 COM (2001) 116 8 15 octobre 19879 7 mai 199110 COM (2001) 127

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23PROASILE la revue de France Terre d’Asile

Cependant cette mobilité ter-ritoriale offerte aux ressortis-sants des pays de la CEE n’étaitliée qu’à la mobilité profes-sionnelle1. Les traités deMaastricht (entré en vigueurle ler nombre 1993), etd’Amsterdam (ler mai 1999)apportent une nouvelle di-mension à la liberté de circu-lation en l’élargissant à tous lescitoyens de l’Union euro-péenne2 . Selon ces traités,étudiants, retraités oumembres de famille sont au-torisés à la libre circulation etd’établissement dans tous lesEtats membres. Nous pas-sons « d’une approche es-sentiellement économiqueet utilitariste à une recon-naissance des droits des per-sonnes »3.L’exercice du droit à la mobi-lité est souvent lié à la recon-naissance d’un diplôme ac-quis dans le pays d’origine oudans un autre pays européen.Cette reconnaissance,ainsi quela validation des acquis,sont deséléments clés pour toute per-sonne qui souhaite mettre envaleur ses diplômes et ses ex-périences acquises en dehors dessystèmes institutionnels, et ceafin de mieux s’intégrer aumarché de l’emploi dans unautre pays.Des initiatives com-munautaires ont été prisespour harmoniser les systèmesde reconnaissance des diplômeset de validation des acquis dansl’espace de l’Union à traversun référentiel commun. Endépit de ces mesures,à l’heure

actuelle le taux de mobilité desressortissants européens à l’in-térieur de l’Union reste faible.En effet, ces systèmes de re-connaissance, malgré les ef-forts de l’Union pour les sim-plifier, restent très complexes.La méconnaissance par les pos-tulants, des procédures rela-tives à la reconnaissance des di-plômes et à la validation desacquis ainsi que la disparitéde ces procédures suivant les ins-titutions, le pays d’accueil,et lanationalité, freinent l’accès desétrangers au système nationald’emploi et de formation.Parailleurs, la méconnaissance descodes socio-culturels qui ré-gissent l’accès à l’emploi et à laformation de la société d’accueils’ajoute souvent à ces difficul-tés techniques.

Comment rendre plus ac-cessible les informationsconcernant les systèmes de re-connaissance ? De quelle ma-nière procéder pour facili-ter l’accès à l’éducation et àl’emploi pour les ressortissantsnon communautaires, et plusparticulièrement pour lesréfugiés statutaires ? Quellessont les démarches à suivrepour effectuer une demandede reconnaissance ? A quifaut-il s’adresser ?

L’orientation professionnelleet l’accompagnement péda-gogique des ressortissantsnon communautaires pour-raient-ils faciliter ces tâches.

Pourquoi ce guide ?

Pour répondre à une partiede ces questions il nous aparu utile de faire un étatdes lieux des systèmes et desprocédures de reconnais-sance des diplômes et de va-lidation des acquis des res-sortissants communautaireset non communautaires dansles 15 pays de l’Union.Cet état des lieux se présentesous la forme d’un guide quiest, avant tout, un outil pra-tique à l’usage de toute per-sonne souhaitant faire re-connaître ses diplômes et sesexpériences professionnellesdans un des pays de l’UE. Ilréunit, sous forme de ficheset de tableaux synthétiques,toutes les informations re-latives à la reconnaissancedes diplômes, la validationdes acquis, les conditionsd’admission dans l’ensei-gnement supérieur, d’accès àl’emploi, ainsi qu’un grandnombre d’adresses utiles.Ce guide présente le systèmede reconnaissance des di-plômes et de validation desacquis des ressortissantscommunautaires et noncommunautaires dans cha-cun des pays de l’UE, puis faitun constat sur la politiquemenée par la Commissioneuropéenne pour harmoni-ser ces systèmes de recon-naissance et de validation.

Afin de faciliter la compa-raison des différents systèmes

le cadre de présentation pourtous les pays est identique.

Ce travail est complété par :

- un glossaire présentant lesdéfinitions des principauxtermes techniques utilisésdans ce guide ;

- une bibliographie qui cite lessources et les références uti-lisées pour ce travail pourpermettre au lecteur intéresséd’approfondir sa connais-sance de tel ou tel sujet ;

- les coordonnées (postalesou Internet) des principauxorganismes qui traitent desquestions de reconnaissancede diplôme et de validationdes acquis.

A qui s’adresse ce guide ?

Ce guide s’adresse à tous lesressortissants communau-taires et non communau-taires qui veulent travaillerou poursuivre des étudesdans un des pays de l’UE,mais aussi aux conseillersd’orientation qui sont ame-nés à les accompagner dansleurs démarches.

Guide de reconnaissance des diplômes et de la validation des acquis des ressortissants européens

et non européens en Europe*Depuis le traité de Rome, signé le 25 mars 1957, les droits communautaires en matière de « liberté de circulation » des citoyens européens ont beaucoup évolué. Ce traité a mis en placeun système permettant la mobilité des travailleurs communautaires à la recherche d’emploi.

* Rédigé par Chirine MOHSENIsous la direction de Fatiha Mlati etAhmed Chaibat avec la participa-tion de Pascal Lang et Eric Metra,avec le soutien de l’UnionEuropéenne.

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❖ Le constat

Les systèmes de reconnais-sance de diplômes et de va-lidation des acquis des dif-férents pays étudiés présententdes particularités. Pour lesdécrire nous avons assembléces pays en cinq groupes ;cette classification est basée surla proximité géographiqueet les similitudes culturelles.

➘ Pays germaniques :l’Allemagne et l’Autriche

Validation des acquis : Dansces deux pays la question del’évaluation et la reconnais-sance des « acquis expérien-tiels »4 n’a pas fait l’objetd’une grande attention. Celas’explique, en partie, par l’exis-tence d’un système dual quise caractérise par une com-binaison de l’apprentissagel’école/entreprise.

Conditions d’admission àl’université : En Allemagne,pour l’accès à l’universitél’admission des étrangers noncommunautaires est subor-donnée à un examen d’étuded’aptitude. En règle général,dans les universités il n’y apas de numerus clausus saufpour certains domaines (mé-decine, architecture, phar-macie, etc.) où l’accès est trèssélectif.En Autriche, dans certainesdisciplines (par ex. méde-cine, psychologie, pharma-cie, vétérinaire) il n'y a guèrede places disponibles pourdes ressortissants non com-munautaires.

➘ Pays anglophones :Royaume-Uni et Irlande

Validation des acquis : AuRoyaume-Uni et en Irlandel’apprentissage effectué horsdes établissements d’ensei-gnement est globalement re-connu comme un parcoursaussi valide que les parcours

formels d’acquisition de com-pétences. L’approche de cespays est basée sur le systèmeNVQ (National VocationalQualification ). Dans ce sys-tème l’accent est mis sur l’ap-prentissage professionnel surle lieu de travail.Conditions d’admission àl’université : L’admission àl’université, au Royaume-Uni, est très sélective. Chaqueétablissement se réserve ledroit d’évaluer les études pré-cédentes de chaque candi-dat, qu’il soit britannique ouétranger.En Irlande, les universitéssélectionnent les étudiantsselon leurs propres critèresd’admission.

➘Pays méditerranéens :Italie, Espagne, Portugal,Grèce et France

Validation des acquis : Dansles quatre pays, Italie, Espagne,Portugal et Grèce, depuisune dizaine d’année, des dis-positions ont été prises pouraméliorer le système nationalde certification profession-nelle et les validations desexpériences professionnelles.

• Espagne :Conditions d’admission àl’université : Les étrangers ycompris les Européens doiventpasser un examen (la selec-tividad). Chaque année, leConseil universitaire, un or-gane national, détermine, encollaboration avec les uni-versités, le nombre de placesdisponibles dans chaque éta-blissement d'enseignementsupérieur.

• Grèce :Conditions d’admission àl’université : L’accès à l’uni-versité pour tous les candidatsest subordonné à la réussited’un examen d’entrée. Il y aun numerus clausus danstous les départements.

• Italie :Conditions d’admission àl’université : Un numerusclausus pour certaines filières(médecine, études dentaires,etc.) a été instauré au niveaunational. Certaines univer-sités appliquent un quota deplaces aux étudiants de paystiers, défini par chaque uni-versité. Les citoyens de l’Unionne sont pas soumis à ce quota.

• Portugal :Conditions d’admission àl’université : Pour l’admis-sion à l’université, tous lescandidats qu’ils soient Portugaisou étrangers passent un testd'aptitude général (Prova deAferiçaõ ) dans chaque matière.Les étudiants doivent en outreavoir réussi les épreuves spé-cifiques dans certaines ma-tières (provas específicas). Unnumerus clausus est appliquéà toutes les études universi-taires. Chaque établissementréserve un nombre relative-ment limité de places aux can-didats étrangers en fonctionde sa capacité et du nombrede candidats portugais.

• France :Validation des acquis : EnFrance, les premières initia-tives prises en 1985, suiviespar la loi de 1992 sur la vali-dation des acquis profession-nels et la loi de modernisa-tion sociale en 2001,témoignent de l’intérêt crois-sant du gouvernement pour lesacquis « expérientiels ».Toutefois, malgré ces avan-cées, le point de référence de-meure encore le système d’en-seignement formel.Conditions d’admission àl’université : Pour entrer àl'université, les étrangers 5,dans le cadre de la procédurede pré-inscription, doivent seprésenter à un examen afinde prouver leur connaissancedu français. Il n’y a pas de nu-merus clausus pour accéderaux universités, mais les can-

didats sont admis dans les li-mites des capacités d'accueilde chaque établissement. Lesgrandes écoles appliquent unnumerus clausus dans tousles cas.

➘ Pays nordiques :

• Danemark :Validation des acquis : Lesystème de validation des ac-quis au Danemark est prochedu système dual. Ce systèmepeut être comparé aux ap-proches allemande et autri-chienne ; toutefois, il accordebeaucoup plus d’importanceque ces deux pays à l’ap-prentissage non formel.Conditions d’admission àl’université : Un numerusclausus est appliqué à toutes lesdisciplines. Les places sont di-visées en deux contingents ;le 1er contingent est réservéaux candidats qui ont obtenuune note moyenne élevée àleur examen ; le 2ème contin-gent aux candidats dont lanote moyenne à l'examen étaitmoins élevée. Les étrangers, ycompris les Européens, sontpris en compte par ce 2ème

contingent.

• Finlande :Validation des acquis :L’approche finlandaise sur lavalidation des acquis profes-sionnels est comparée aux « NVQ ». Cependant elle estmoins structurée et moinscontrôlée au niveau central.Conditions d’admission àl’université : Pour l’admis-sion à l’université, toutes lesdisciplines sont soumises àun numerus clausus.

• Suède :Validation des acquis : Lesinitiatives suédoises pour lareconnaissance des acquisont été destinées davantage àdes groupes spécifiques (im-migrés, personnes handica-pées, chômeurs, etc.). Cesdernières années, la Suède a

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pris des initiatives pour élar-gir ces mesures à l’ensemblede la population.Conditions d’admission àl’université : L’accès à l’uni-versité est assez sélectif et laconcurrence est vive (en par-ticulier en économie, archi-tecture, médecine, étudesdentaires).

➘ Pays du Bénélux :

• Pays-Bas:Validation des acquis :L’apprentissage effectué horsdes établissements institu-tionnels est globalement re-connu comme un parcoursaussi valide et important queles parcours institutionnels.Conditions d’admission àl’université : L’admission àl’université est soumise à unexamen. Il y a un numerusclausus dans certains do-maines (médecine, étudesvétérinaires, etc.).

• Luxembourg:Validation des acquis : AuLuxembourg, la validationdes acquis « expérientiels »est très peu développée.Conditions d’admission àl’université : Les possibili-tés d’études sont très peunombreuses. Pas de numerusclausus sauf pour les futursenseignants. A l’exceptionde l’Institut supérieur d’étudeset de recherches pédago-giques (ISERP), dont l’ad-mission est soumise à la réus-site des épreuves linguistiquesen luxembourgeois, françaiset allemand ; en règle géné-rale, aucun examen n’est im-posé pour l’entrée à l’uni-versité.

• Belgique :Validation des acquis : EnBelgique, on constate ces der-nières années un intérêt crois-sant pour les questions liéesà l’évaluation et à la recon-naissance des acquis profes-sionnels.

Conditions d’admission àl’université : Les candidatsétrangers doivent réussir lesmêmes examens d'entrée queles étudiants belges. LaBelgique n'applique pas denumerus clausus ni de sys-tème de quota. Toutefois cer-taines universités (notammentde sciences appliquées ) ap-pliquent une sélection pourl’admission des candidats.Unexamen d'entrée est organisépour certaines branches (mé-decine,pharmacie,etc.). Il fautnoter que les établissementsd'enseignement supérieur sontlibres d'imposer des condi-tions d'admission en plus desconditions réglementairesfixées dans certains domaines.

Malgré la diversité des sys-tèmes de reconnaissance desdiplômes et de la validationdes acquis de ces pays nousavons relevé les points com-muns suivants :

■ Les 15 pays de l’Uniontrouvent nécessaire l’élabo-ration d’un système de ré-férentiels et de normes pourfaciliter la procédure des re-connaissances de diplômeset de validation des acquis ;

■ On note, dans la majoritédes pays de l’UE, une évolu-tion marquée vers une auto-nomie de plus en plus grandedes universités ;

■ L’admission dans les uni-versités devient de plus enplus sélective, en particulierpour les étrangers non com-munautaires ( examens sup-plémentaires, test de langue,etc.) ;

■ Les systèmes de la vali-dation des acquis profes-sionnels sont très variés d’unpays à l’autre. Par exemple,le système britannique desNVQ (National VocationalQualification) est basé sur lescompétences ; dans ce sys-

tème l’accent est mis da-vantage sur l’apprentissageprofessionnel. Tandis qu’enFrance, malgré les nouvellesavancées apportées par la loide la « modernisation so-ciale », le point de référencedemeure encore le systèmed’enseignement et de forma-tion formels.Cependant,mal-gré ces divergences, dans tousles pays nous constatons uneévolution et un intérêt crois-sant pour les validations desacquis professionnels et « ex-périentiels ».

❖ À la recherche d’un système

référent commun

En fait, l’étude des systèmesde reconnaissance et de lavalidation des acquis des res-sortissants communautaireset non communautaires enEurope montre leur extrêmecomplexité et diversité. Cettecomplexité est de nature àdécourager la mobilité despersonnes à l’intérieur del’UE. Afin de faciliter la librecirculation des personnes,des communautaires ont étéprises pour harmoniser lessystèmes de reconnaissancedes diplômes et de valida-tion des acquis.

Ces procédures de recon-naissance varient selon quel’on souhaite exercer un em-ploi ou reprendre des études.

• 1 - Pour poursuivre desétudes : Reconnaissanceacadémique.L’accès à l’université nécessiteune demande de reconnais-sance académique. Cette re-connaissance - qui n’est pasautomatique - consiste à ac-corder l’équivalence à un di-plôme délivré dans un autrepays pour permettre à unepersonne d'entreprendre oude poursuivre des études dansun autre Etat membre.

En raison de la diversité descursus et des diplômes dansles Etats de l’UE, l’applicationde la reconnaissance acadé-mique est parfois difficile.Bien que les pays membres del'Union européenne et lesautres Etats membres de l’EEE(Espace économique euro-péen) 6 se soient entendus surle principe d’une reconnais-sance mutuelle des diplômes,il n’existe pas de dispositionscommunautaires imposantla reconnaissance mutuelledes diplômes.

Des mesures communes afind’encourager la mobilitédes étudiants

❑ Les conventions del’Europe et les accords bila-téraux :Le Conseil de l’Europe etl’UNESCO- « région Europe »ont décidé de remplacer lesconventions universitairesexistantes 7 par une seuleconvention commune. Aprèsdes préparatifs de plusieursannées cette nouvelle conven-tion commune a été adoptéelors de la conférence diplo-matique du Conseil del’Europe et de l’UNESCO enavril 1997 à Lisbonne. Cetteconvention s’intéresse à lareconnaissance des qualifi-cations pour l’accès à l’en-seignement supérieur, à celledes périodes d’études et àcelles des qualifications sanc-tionnant un cycle d’étudescomplet.

❑ Les programmes com-munautaires L’Union européenne a misen place une série de pro-grammes communautairespour faciliter les échangesuniversitaires à l’intérieurde l’UE. Parmi les plus im-portants nous pouvons ci-ter Socrates et Leonardo.Dans le cadre de Socratesdes centres d’informationNARIC (National Academic

26PROASILE la revue de France Terre d’Asile

Recognition InformationCentres) ont été créés. Cescentres, implantés dans cha-cun des Etats de l’Union, ontpour vocation d’informer etde conseiller les candidatset les institutions sur l’équi-valence des diplômes et lesprocédures de reconnais-sance académique et pro-fessionnelle.

• 1 - Pour avoir accès à l’emploi :

Des mesures communau-taires ont été prises pour fa-ciliter l’accès à l’emploi detous les ressortissants euro-péens à l’intérieur de l’espaceeuropéen.Les règles communautairesapplicables à la libre circu-lation énoncent que tout ci-toyen ayant la nationalitéd’un des quinze pays de l’UEou d’un pays de l’Espace éco-nomique européen (EEE) a ledroit de chercher un emploiet de travailler dans un autrepays de l’UE ou de l’EEE.L’accent est mis sur l’égalitéde traitement avec les natio-naux dans les conditions d’ac-cès à l’emploi. A l’exceptionde certains emplois du secteurpublic qui restent réservésaux nationaux, l’accès à tousles emplois est en principelibre aux ressortissants del’UE et de l’EEE. Toutefois,les conditions d’accès diffè-rent selon les métiers.

Les métiers réglementés né-cessitent impérativement undiplôme, un certificat ou unequalification particulière.Pour exercer ces métiers unereconnaissance profession-nelle s’impose, alors que pourles métiers non réglementésaucune reconnaissance pro-fessionnelle n’est exigée. Dansce dernier cas, l’appréciationdu niveau professionnel oudu diplôme du candidat ap-partient à l’employeur.

• 2.1 - Reconnaissanceprofessionnelle : accèsaux métiers réglementés

Pour les métiers réglementés,il faut distinguer deux sortesde reconnaissance :

➘ Une reconnaissance au-tomatique pour les métiersqui sont couverts par unedirective sectorielle.Sept professions (médecinsgénéralistes et spécialistes,infirmiers en soins généraux,dentistes, sages-femmes, vé-térinaires, pharmaciens etarchitectes) sont couvertespar cette directive. Pour exer-cer une de ces professions,le postulant bénéficie d'unereconnaissance automatiquelui permettant de travaillerdans un autre Etat membre.

➘ Une reconnaissance nonautomatique pour les mé-tiers qui sont couverts par leSystème Général. 8

Dans ce cadre, la reconnais-sance est garantie globale-ment par deux directives gé-nérales, l’une pour lesdiplômes de niveau Bac + 3et au-delà ( directive 89/48CEE), l’autre pour les di-plômes allant jusqu’au ni-veau Bac + 2 (directive 92/51CEE).

La Procédure

Le Système Général n'est pasun système de reconnais-sance automatique. Chaquedemande est examinée in-dividuellement par l'auto-rité compétente de chaqueprofession. Le postulant doitadresser sa demande à l’au-torité nationale compétentede la profession concernéedu pays dans lequel il souhaites’installer. Celle-ci a 4 moispour répondre. En cas dedifférence importante dans ladurée ou le contenu de laformation, elle peut impo-

ser au candidat soit uneépreuve d’aptitude, soit uneformation complémentaire,ou bien exiger une expérienceprofessionnelle de plusieursannées. La connaissance de lalangue du pays d’accueil, bienqu’elle ne soit pas imposée parles règlements communau-taires, est nécessaire pouravoir accès à l’emploi.

Sont concernés par ce sys-tème de reconnaissance mu-tuelle le secteur juridique,fiscal et comptable (avocat,expert comptable etc.), lesecteur paramédical (kiné-sithérapeute, aide-soignant,etc.), le secteur technique(ingénieur, ambulancier,etc.) et enfin le secteur socio-culturel (instituteur, ensei-gnant, etc.).

Conditions d’accès

Pour exercer un métier ré-glementé sous le système gé-néral les conditions suivantesdoivent être réunies :

• Le postulant doit avoir la na-tionalité d’un Etat membre ;

• Si la profession qu’il sou-haite exercer n’est pas régle-mentée dans l’Etat membred’origine, il peut être tenude prouver avoir exercé laprofession en question pen-dant au moins 2 ans dansl’Etat membre d’origine.

• Le candidat doit exercer lemême métier dans le paysd’accueil ;

• Il devait être pleinementqualifié dans son pays (Etatmembre ) d’origine et avoirobtenu son diplôme dansun Etat membre.

• Si le candidat n’a pas suivitoute ou une partie de sa for-mation dans un des paysmembres de l’Union, il serasoumis aux conditions sui-vantes : ses qualifications pro-fessionnelles doivent avoirété reconnues dans un Etat

membre ; il devra avoir exercécette profession pendant 3 ans (ou 2 ans dans certainscas) dans un Etat membreet posséder un certificat, dé-livré par cet Etat membre,attestant qu’il a effectivementexercé cette profession.

Les difficultés pourmettre en application

le système de reconnaissance

professionnelle

En principe, le dispositif dereconnaissance profession-nelle donne le droit à chaqueressortissant européen des’inscrire auprès de l’ordredu métier reconnu et d’exer-cer son métier dans n’im-porte quel pays membre del’UE. L’accès aux emplois ré-glementés demeure néan-moins difficile notammentpour les raisons suivantes :

• Les professions réglemen-tées ne sont pas les mêmesdans tous les pays, chaquepays possède sa propre défi-nition des professions régle-mentées ;

• Les procédures de re-connaissance sont souventcomplexes et longues.

• Des mesures compensa-toires (stage d’adaptation,examen, nécessité d’une ex-périence professionnelle…)sont exigées pour certainesprofessions (par exemple laprofession d’avocat). Ces me-sures érigées comme des bar-rières protectionnistes sontsouvent utilisées par lesConseil de l’Ordre d’une pro-fession pour décourager lesressortissants étrangers.

• Des documents (origi-nauxdes diplômes ou pho-tocopie certifiée, attestation,etc.) sont souvent exigéscomme preuve de la qualifi-cation du candidat lors d’unedemande de reconnaissanceprofessionnelle. De ce fait,les personnes qui ne peuvent

16PROASILE la revue de France Terre d’Asile

27PROASILE la revue de France Terre d’Asile

les fournir sont exclues dece système et ne peuvent avoiraccès aux emplois réglementés.C’est le cas de la plupart desréfugiés qui ont dû fuir leurpays d’origine en laissant der-rière eux tous leurs diplômeset papiers d’identité.

• Origine nationale des di-plômes : malgré les mesuresprises pour harmoniser letraitement des diplômes ac-quis dans un pays non-com-munautaire (voir ci-dessus,conditions d’accès aux mé-tiers réglementés ), les Etatsmembres restent libres d’ac-corder ou non l’accès à laprofession réglementée auxtitulaires de ces diplômesmême si le diplôme en ques-tion a été reconnu par unautre Etat membre.

• 2.2 - Validation des acquisprofessionnels : nouvellevoie d’accès à l’emploi età la formation

La validation des acquis pro-fessionnels permet à l’indi-vidu de faire valoir les com-pétences acquises dans sonparcours « expérientiel ».Négliger ces acquis « est frus-trant pour la personne qui doitapprendre ce qu’il sait déjà à tra-vers ses acquis extra-scolaires ;et de plus répéter des savoirsdéjà acquis constitue une pertede temps et de ressources ».9

La validation des acquis fa-vorise la mobilité profession-nelle des salariés et la pro-motion sociale. En outre elleoffre une chance aux per-sonnes qui ne possèdent pasun diplôme équivalent au di-plôme requis pour accéder àl’université ou au marché del’emploi. Ce système de vali-dation est surtout reconnupour faciliter l’accès à la for-mation des populations endifficulté et favoriser ainsi leurintégration.Au premier abord, les diversesapproches nationales en ma-tière de validation des acquis

diffèrent considérablementd’un pays à l’autre. Certainspays pour des raisons socio-culturelles et historiques ontdes expériences plus avancéesque d’autres sur ce sujet. Parexemple, au Royaume-Uni,l’apprentissage extra-scolaireest reconnu comme un par-cours aussi valide que lesparcours formels d’acquisi-tion de compétences.Toutefois, depuis quelquesannées, la plupart des Etatsmembres de l’Union euro-péenne ont mis l’accent surle rôle crucial de la validationdes acquis professionnels pourrépondre aux besoins de l’éco-nomie en termes de mobilité.Dans l’ensemble des 15 paysde l’UE, des initiatives ont étéprises pour répondre aux be-soins de ces populations ; ainsila mise en place d’un systèmed’évaluation et d’orientationprofessionnelle est proposéepar la majorité d’entre eux.La communauté européennea encouragé ces initiatives.Le livre blanc de laCommission européenne « Enseigner et apprendre :vers la société cognitive »(1995) avait mis l’accent surla validation des acquis nonformels, et avait proposé l’idéed’une approche européennecommune dans le domaine del’identification, de l’évaluationet de la reconnaissance desacquis non formels. Par lasuite, la mise en œuvre desprogrammes tels queLeonardo a contribué à l’évo-lution des systèmes de vali-dation des acquis « expé-rientiels ».

❖ Libre circulation et installation, un des

enjeux de la reconnaissance desdiplômes et de la

validation des acquis

L’objectif essentiel du sys-tème de reconnaissance des

diplômes et de validation desacquis est de favoriser la librecirculation des personnes encontribuant à créer les condi-tions qui permettent l’éga-lité d’accès à l’emploi.Cependant ces dispositions re-latives à la liberté de circula-tion et d’installation au seinde l’UE ne concernent queles ressortissants de l’Union.Dans le cadre de la conven-tion de Schengen, les étran-gers non communautaires,notamment les réfugiés sta-tutaires, sont autorisés à cir-culer à l’intérieur du terri-toire Schengen dans la limitede trois mois ; mais cetteconvention ne leur accorde nile droit de travailler ni celuide s’installer au delà de 3 mois.Au regard de la libre circula-tion des personnes en Europe,on peut classer les différentespersonnes qui cohabitentdans l’UE selon les statutssuivants : « au premier rang,les citoyens de l’UE, qui jouis-sent de la libre circulation ;les suivent de près les étrangersmembres de la famille d’unressortissant de l’UE, dont lerégime de circulation est ali-gné sur celui des communau-taires ; puis les ressortissants desEtats tiers résidant dans unEtat membre, qui peuvent sedéplacer librement à l’inté-rieur de l’espace Schengen,mais dans une période limi-tée ; enfin les non commu-nautaires qui ne résident passur le territoire de l’UE, dontle droit de circuler est subor-donné à une déclaration d’en-trée sur le territoire de chaqueEtat Schengen dont ils fran-chissent la frontière » 10 .A ces difficultés de circula-tion et d’installation des res-sortissants non communau-taires, il faut ajouter lesproblèmes de reconnaissancede leurs diplômes et de leursqualifications. Comme nousl’avons déjà indiqué, les di-rectives communautaires sur

la reconnaissance profes-sionnelle ne couvrent que lesressortissants de l’UE.

❖ Peut-on parlerd’une égalité des chances

au sein de l’espace européen ?

Ces inégalités entre les res-sortissants communautaireset les non communautairesont été à maintes reprisessoulignées par les ONG etles associations qui sont encontact avec les populationsétrangères, en particulier lesréfugiés.La Commission européennea, elle aussi, mis l’accent sur« la nécessité d’assurer un trai-tement équitable aux ressor-tissants de pays tiers résidant lé-galement sur le territoire desEtats membres » 11 pour fa-voriser leur intégration à la so-ciété. La Commission notequ’ « actuellement, les res-sortissants des pays tiers ti-tulaires d’un titre de séjourlégal n’ont pas le droit de sé-jour dans un autre Etatmembre ». Pour changer cetétat qu’elle qualifie de dis-criminatoire, elle proposed’accorder à ces ressortis-sants un droit de séjour leurpermettant de s’installer dansn’importe quel Etat membreafin de suivre une formationou d’exercer un emploi. Dansl’article 12 de cette directive,elle soulève la question de lareconnaissance des diplômeset des conditions d’accès àl’emploi pour établir l’éga-lité de traitement des rési-dents étrangers de longuedurée avec les citoyens del’Union. Ces étrangers « doi-vent pouvoir bénéficier de la re-connaissance des diplômes dansles mêmes conditions que les ci-toyens de l’Union ».Ces propositions arrivent à unmoment où le marché de l’em-ploi est en pleine mutation et

28PROASILE la revue de France Terre d’Asile

1 Pour avoir plus d’informations consulter: Claire Rodier, « Les grandes étapes dela construction de l’espace européen :de Rome à Amsterdam en passant parSchengen », in : Plein Droit, n° 49, avril2001, GISTI, pp. 36-41.2 Voir l’article 8A du traité deMaastricht, devenu l’article 18 après letraité d’Amsterdam.3 Claire Rodier, op. cit., p. 37.4 Par « acquis de l’expérience », nousentendons les compétences acquises, parune personne, dans sa vie quotidienne etprofessionnelle. Par exemple dans l’expé-rience canadienne, les femmes exigeaientla reconnaissance des « acquis expérien-tiels » issus du travail ménager et dubénévolat (voir Mehdi Farzad ; SaeedPaivandi.Reconnaissance et validation desacquis en formation. Paris : éd.Anthropos,2000, p. 3). Le terme « acquis de l’expé-rience » ou acquis « expérientiel » estemployé par opposition aux acquisitions

que le besoin d’une maind’œuvre, qualifiée ou non, sefait ressentir. La Commissioneuropéenne souligne d’ailleursl’intérêt économique de sespropositions : « l’évolution dumarché de l’emploi au seinde l’Union européenne faitapparaître des pénuries demain-d’œuvre dans certainssecteurs de l’économie ».Selonla Commission européenne,la mobilité des ressortissantsde pays tiers qui sont rési-dents de longue durée, « peutdonc faciliter une meilleureutilisation de la main-d’œuvreexistante dans les différentsEtats membres » .L’application de ces propo-sitions pourraient amélio-rer la situation sociale et éco-nomique des ressortissantsnon communautaires.Cependant, à l’heure actuelleleur mise en œuvre paraîtassez difficile, et malgré toutdes inégalités de traitementsentre les ressortissants com-munautaires et les ressortis-sants non communautairesrestent en vigueur. En fait,le rapprochement des pra-tiques nationales en ce quiconcerne la politique mi-gratoire s’avère difficile ; cha-cun des Etats membres semontrant très attaché à sasouveraineté lorsqu’il s’agit demaîtriser les flux migratoires.Les facteurs géographiques,historiques et sociologiquespropres à chaque pays en-traînent aussi des approchesdifférentes.

❖ En guise de conclusion

Les travaux de préparationde ce guide nous ont permisde constater que parallèle-ment aux mesures commu-nautaires visant à faciliter l’ac-cès à l’éducation et à l’emploide tous les ressortissants com-munautaires dans l’espaceeuropéen, chaque Etat a en-visagé des dispositions pour

protéger et valoriser son sys-tème d’éducation et de for-mation. Par exemple, malgréles conventions européennessur l’équivalence des diplômesmenant à l’admission aux uni-versités,celles-ci agissent d’unefaçon autonome et appliquentdes politiques d’admission deplus en plus sélectives vis-à-visdes étrangers . Le numerusclausus à l’entrée de certainesdisciplines n’a pas unique-ment pour fonction d’adap-ter le nombre d’étudiants auxcapacités de formation uni-versitaire, mais a aussi et sur-tout pour but de limiter lenombre des personnes en-trant dans la profession.Malgré les enjeux écono-miques soulignés par laCommission européenne, lespréférences nationales sonttoujours en vigueur et lespratiques de reconnaissancedes diplômes étrangers res-tent très variées d’un pays àl’autre, et même à l’intérieurd’un pays d’un établissementà un autre. Ces politiquesprotectionnistes contrarientles mesures prises par laCommission européennepour ouvrir l’accès des sys-tèmes d’éducation et de for-mation aux étrangers, et ceafin d’encourager la mobilitégéographique à l’intérieurde l’Espace européen.La situation des étrangersnon communautaires est en-core plus délicate que celledes autres étrangers. La sé-lection pour l’entrée à l’uni-versité ou l’accès au marchédu travail est plus stricte ;leurs diplômes et leurs qua-lifications sont souvent sous-évalués par la plupart desinstitutions.Ces inégalités de traitement,rendent plus difficile l’inté-gration des ressortissantsnon communautaires au sys-tème national d’emploi etde formation de chaque Etatmembre, et illustrent le fosséqui sépare le droit de la pra-

tique. La plupart des étudesmenées sur l’intégration desréfugiés en Europe citent lespoints suivants comme re-présentant les obstacles lesplus importants à une inté-gration réussie:

➘ L’insuffisante maîtrise dela langue du pays d’accueil ;

➘ La méconnaissance des sys-tèmes d’éducation et de for-mation du pays d’accueil ;

➘ L’absence d’informationssur le monde du travail dupays d’accueil ;

➘ Et enfin l’accès difficile àla reconnaissance des di-plômes et des qualificationsaux étrangers.

Quelques recommandations

Nous pensons que les dis-positions suivantes pour-raient aider les ressortissantsnon communautaires à mieuxvaloriser leur qualificationet leurs diplômes lors desprocédures de reconnais-sance des diplômes et de va-lidation des expériences pro-fessionnelles :

➘ Simplifier les procéduresde reconnaissance des di-plômes et de la validationdes acquis ;

➘ Les diplômes et les expé-riences validés dans un paysmembre doivent être recon-nus automatiquement dansl’ensemble de l’UE ;

➘ Mieux informer les étran-gers sur les procédures de re-connaissance des diplômes etde validation des acquis afinqu’ils aient connaissance despossibilités qui leurs sont offerteset qu’ils ignorent parfois ;

➘ Renseigner davantage lesconseillers d’orientation surles procédures de reconnais-sance des diplômes et de vali-dation des acquis afin qu’ilspuissent mieux aider et orien-ter des personnes concernéesdans leur démarche ;

➘ Informer les étrangerssur la société d’accueil et lasituation du marché de l’em-ploi ;

➘ Rassembler des renseigne-ments sur les systèmes d’édu-cation et de formation despays d’origine des étrangersà l’attention des établisse-ments de l’éducation natio-nale, mais aussi établir despoints contacts pour la re-connaissance professionnelle.Ces informations pourraientaider ces institutions à mieuxcomparer la formation sui-vie par le candidat par rap-port à celle dispensée dansl’Etat membre d’accueil ;

➘ Valoriser davantage lesacquis « expérientiels » etdévelopper des systèmes devalidation de ces acquis. Cesystème de validation pour-raient être un recours pourdes personnes qui ne peuventpas prouver leur qualifica-tion par des documents of-ficiels demandés dans la pro-cédure de reconnaissance desdiplômes ;

➘ Et enfin, réduire les res-trictions en termes de pré-férences nationales et ouvrirles procédures de recon-naissance des diplômes à tousles étrangers.

16PROASILE la revue de France Terre d’Asile

29PROASILE la revue de France Terre d’Asile

résultant de formation académiques.(Voir Jacques Aubert et Patrick Gilbert,Reconnaissance et validation des acquis.Paris : PUF, Coll. Que sais-je ?, 1994, p.12).5 A l’exception des citoyens des pays où lalangue officielleest le français, les étudiantsallemands détenteurs de l'AllgemeineHochschulreife (diplôme général d'aptitu-de à suivre l'enseignement supérieur), lesétudiants qui possèdent le baccalauréatfranco-allemand et les étudiants quidétiennent le DALF (diplôme approfondide langue française).6 L’Espace économique européen(EEE)créé le 2 mai 1992 par le traité dePorto regroupe les 15 pays de l’UE et laNorvège, l’Islande, le Liechtenstein.7 L’accès aux établissements universi-taires (11 décembre 1953) ; la reconnais-sance académique des qualifications uni-versitaires (15 décembre 1959) ; la conven-tion de l’UNESCO sur la reconnaissancedes études et des diplômes relatifs à l’ensei-gnement supérieur adoptée en 1976 pourles Etats arabes et européens du bassinméditerranéen,et en 1979 pour les Etats dela « région Europe ». Cette dernièreconvention est en vigueur en Belgique, auDanemark, en Italie, aux Pays-Bas, auPortugal, en Espagne et au Royaume-Uni.8 Référence :Guide pour l’utilisateur du sys-tème général de reconnaissance des quali-fications professionnelles / Commissioneuropéenne,Direction générale XV.9 Mehdi Farzad ; Saeed Paivandi.Reconnaissance et validation des acquisen formation, op.cit. 2000, p.2.10 Claire Rodier, op.cit., p. 40.11 Commission des Communautéseuropéennes. Proposition de Directivedu Conseil relative au statut des ressor-tissants de pays tiers résidents de longuedurée. Bruxelles, le 13/03/2001 COM(2001) 127 final.

12 Cet organisme d’échange universi-taires donne toutes les informations surles établissements allemands, les forma-tions offertes, les diplômes préparés, lesprogrammes d’échange et les possibili-tés d’équivalence. Un service d’informa-tion et de documentation est ouvert aupublic. Le DAAD délivre aussi diversesbourses (cours de langues, études,recherche…).

13 Sur l’accès aux métiers réglemen-tés pour les ressortissants de l’UE et lareconnaissance professionnelle, voir : lapartie du guide sur les systèmes commu-nautaires dans l’UE ; A la recherche d’unsystème référent commun.

Quelques extraits du guideAdmission des étrangers à l’université en Allemagne :

procédure

◆ A qui adresser sa demande ? (Voir 3. Quelques adresses utiles)

– A l’établissement de l’université de son choix : service d’accueil des étudiants étrangers

(Akademisches Auslandsamat-AAA

– Au Réseau NARIC : kmk

– A la DAAD 12

– Au ministère de l’Education national de chaque Land

– ZVS. Pour certaines filières aux procédures d’admission centralisées.

◆ Quels documents fournir ?- La photocopie certifiée conforme du diplôme ou de la formation

- La photocopie certifiée des cours et des relevés de notes➩ Les documents ci-dessus nécessiteront une traduction assermentée dès lors qu’il nes’agira pas de documents écrits en anglais, français, espagnol, portugais, italien ou dansl’une des langues de l’Europe de l’Est.

- Une photocopie du passeport

- Un permis de séjour

- Un curriculum vitae

◆ Un test linguistique peut-il être imposé ?En principe, un test linguistique (DSH) devra être passé, sauf pour les étudiants étrangersqui ont obtenu leur baccalauréat en Allemagne ou dans un établissement scolaire allemandreconnu à l’étranger ou qui ont déjà obtenu certains diplômes de langue du Goethe Institutou le diplôme de langue de la Kultusministerkonferenz (kmk) Stufe II.

◆ Une sélection est-elle opérée ?Certaines filières à Numerus clausus ou saturées appliquent une sélection.Ainsi, en architecture, gestion, psychologie, médecine, vétérinaire, agro-alimentaire ou biolo-gie, ce sont les ZVS (voir 3. Quelques adresses utiles) qui centralisent les demandes et statuentsur l’admission en fonction des résultats scolaires.

◆ Un examen d’aptitude peut-il être imposé ?– Pour certains étudiants non ressortissants de l’UE (voir la liste en annexe 1) dont le certifi-cat de fin d’études secondaires n’est pas reconnu, un examen s’imposera : il s’agit duFeststellungsprüfung.Les conditions d’admission à cet examen varient selon les pays (voir la liste en annexe 1).Deplus, avant de passer le Feststellungsprüfung, les candidats doivent absolument suivre les coursde préparation du collège d'enseignement propédeutique (préparatoires) (Studienkolleg).

– Pour les candidats titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur et désirant pour-suivre leur formation universitaire en Allemagne, leurs diplômes et titres d’études supérieuresne pourront être reconnus en Allemagne que lorsque le candidat aura satisfait au passage d’unexamen de contrôle des connaissances et à la délivrance des attestations de succès à des courscomplémentaires.Pour les étudiants ressortissants de l’Union européenne, cet examen ne sera nécessaire qu’à par-tir du Doctorat.

30

RessortissantsUE NON UE

Métiers Autres pays européens Pays tiers

Métiers réglementés L’accès est autorisé sous L’accès n’est autorisé que dans L’accès n’est autorisé que danscertaines conditions 13. des cas exceptionnels ou dans des cas exceptionnels ou dans

le cadre d’accords bilatéraux à le cadre d’accords bilatéraux.l’exception de certains payscomme, la Norvège, l’Islande,le Liechtenstein, où l’accès est autorisé selon les règles communautaires

Métiers non Egalité de traitements avec L’embauche pour l'exercice L’embauche pour l'exercice réglementés les nationaux. d'une profession est de la seule d'une profession est de la seule

compétence du futur employeur. compétence du futur employeur.

Secteur public Egalité des traitements avec Ils ne pourront accéder à la Ils ne pourront accéder à lales nationaux à l’exception fonction publique que dans des fonction publique que dans des de certains emplois. cas exceptionnels et avec l'accord cas exceptionnels et avec l'accord

des autorités compétentes. des autorités compétentes.

Permis de séjour➩ séjour inférieur à 3 mois : Les ressortissants de l’EEE, de Obligation de disposer d’uneaucun permis n’est nécessaire. Monaco, d’Andorre, du Sainte- autorisation de séjour valant

Siège bénéficient des mêmes autorisation de travail.➩ séjour de plus de 3 mois : avantages que ceux de l’Union.permis de séjour indispensable. Les autres ressortissants sontLa carte de séjour dont peuvent soumis à l’obligation de bénéficier tous les citoyens de l’autorisation de séjour valant l’union est délivrée sur présenta- autorisation de travail.tion de divers justificatifs.

Tableau récapitulatif sur l’accès des étrangers à l’emploi en France

BON DE COMMANDE

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NOM :...........................................................................................................................................PRÉNOM :...................................................................................................................................ADRESSE :....................................................................................................................................

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16PROASILE la revue de France Terre d’Asile

31PROASILE la revue de France Terre d’Asile

La formation des conseillers d’insertion des réfugiés :le projet Reflect

Par Ahmed CHTAIBAT*

La mise en œuvre de ces projets européens enfaveur des réfugiés a été aussi une occasion pources organisations de confronter leurs pra-tiques en matière d’intégration profession-nelle des réfugiés et de développer des ac-tions communes.

Cette année, France Terre d’asile contribue enpartenariat avec des organisations anglaise,hollandaise et tchèque,1 à un projet dénomméReflect ( Refugee Flexible Learning CommonTraining ), et consistant à la production dansle courant de l’été 2001 d’un CD- ROM àl’usage des conseillers emploi – formation desréfugiés dans les quatre pays. Cet outil pré-sentera de manière interactive un référentielen deux parties qui traduit leurs activités et leursfonctions en termes de compétences :

La première partie analyse les compétencescommunes à ces conseillers dans les 4 pays, abs-traction faite du contexte institutionnel. Cescompétences d’ordre relationnel et pédagogiquesont requises pour la conduite méthodique destâches d’information, d’orientation et de suivides réfugiés. Elles constituent le cœur de l’ac-tivité de terrain du conseiller emploi – for-mation.

La deuxième partie s’attache à l’exercice deces compétences génériques dans le cadre dessystèmes emploi – formation nationaux, cequi implique une bonne connaissance des op-

portunités offertes par l’environnement so-cio-économique et des partenaires, la capacitéà développer des relations de partenariat avecles différents acteurs du système. Cette connais-sance de l’environnement, des dispositifs etdes outils d’insertion légitiment son actionaux yeux des usagers comme des commandi-taires.

Le conseiller emploi – formation des réfu-giés exerce son activité au sein d’un centred’hébergement, d’un centre de formation,d’une agence pour l’emploi ou auprès d’uneassociation. Il est toujours au centre d’un ré-seau relationnel dense et complexe au seinduquel il doit constamment :

1. assurer une fonction de médiateurentre les réfugiés et les acteurs publics et pri-vés du système emploi – formation de la so-ciété d’accueil.

2. élaborer des stratégies réfléchies d’in-tervention sur l’offre et la demande d’inser-tion dans le but d’optimiser les parcours d’ac-cès à l’emploi des réfugiés.

Conçu comme un outil d’auto formation desconseiller emploi – formation, ce CD ROMcontient aussi quantités d’informations rela-tives aux conventions internationales en matière

d’asile et d’intégration des réfugiés au sein del’union européenne et aux dispositifs et outilsd’insertion professionnelle dans les quatre pays(sources bibliographiques, sites Internet..).

A l’image des travailleurs sociaux intervenantauprès des réfugiés, les conseillers emploi – for-mation s’interrogent sur leur savoir faire ac-quis au fil des années et sur le sens de leur mis-sion. Certes, l’hétérogénéité des parcoursprofessionnels reflète la richesse des motiva-tions et des compétences mobilisées pour ac-compagner les réfugiés vers l’emploi, mais celasignifie aussi que les qualifications requisespour accéder à ce métier ne sont encore ni clai-rement définies, ni pleinement reconnues.

A cet égard, le projet Reflect constitue un es-sai de définition commune de l’identité pro-fessionnelle des conseillers chargés de l’in-sertion des réfugiés.

* Responsable du Réseau d’Accueil

Remerciements à Naji RACHIDI du PôleInsertion de Créteil, Eric METRA et AhmedKOURCHI du CERF pour leur collaboration auprojet.

1 Il s’agit respectivement du World University Service(WUS ) , University Assistance Fund (UAF )etOrganizace Pro Pomoc Uprchlikum (OPU).

Reflect est un programme interactif d’auto-formation pour les personnes qui souhai-tent développer leurs compétences deconseil aux réfugiés en acquérant laconnaissance de leurs besoins en matièred’éducation et d’emploi. De plus, c’est unmoyen utile pour les personnes qui tra-vaillent déjà sur les problèmes des réfugiés.Il peut également être utilisé pour desrecherches plus poussées concernant ledéveloppement des structures proposées etmises en place pour les réfugiés en Europe.

Depuis 3 ans, France Terre d’Asile a mené en partenariat avec des ONG nationales et européennes plusieursprojets d’intégration professionnelle des réfugiés. Le caractère essentiel du travail dans le processus d’intégrationau sein de nos sociétés et la nécessité de donner un contenu économique et social à la protection accordée auxréfugiés que nous accueillons justifient cette implication.

32

Insertion sociale et Insertion professionnelledes réfugiés :

la nécessaire mutualisation des compétencesPar Ahmed CHTAIBAT

I - Quel accompagnement professionnel des réfugiés ?

L’intervention du conseiller emploi - formation porte es-sentiellement sur la situation de la personne qui le consulteau regard de sa qualification et de son employabilité. Iltente d’y parvenir en favorisant la prise de conscience dece dernier de ses atouts et de ses faiblesses et en lui ap-portant un soutien psychologique et méthodologique dansle cadre d’un parcours d’insertion à visée professionnelle.

Pour ce faire, le conseiller procède à un diagnostic mé-thodique et global de la situation du réfugié. Ce diagnos-tic sert à identifier les freins à l’insertion de l’usager. Dansle cas des réfugiés ayant récemment obtenu leur statut,ces freins sont généralement liés à :

1. des écarts entre les compétences effectivement dé-tenues par les réfugiés et celles exigées par la marché dutravail. La formation, sous toutes ses formes, est géné-ralement la réponse appropriée à ce type de difficultés.

2. des difficultés d’orientation liées à des représentationsde la formation et de l’emploi en décalage par rapportaux réalités de la société d’accueil. Ces dissonances co-gnitives sont souvent le reflet de la façon dont le réfugiénégocie sa relation avec la société d’accueil.

3. des problèmes périphériques à la formation et à l’em-ploi au sens strict mais en lien avec les conditions psy-chologiques, culturelles et économiques dans lesquelles

se déroule leur accueil au sein de la société d’accueil.Il n’existe pas de solutions - standard à ces difficultés.La réponse pertinente est celle qui d’une part identi-fie de manière précise les effets de ces obstacles et d’autrepart prend en considération la façon dont le réfugié sereprésente lui même sa problématique d’insertion.

Croire que le réfugié qui vient voir le conseiller emploi –formation sait toujours ce qu’il veut et que la prestationd’accompagnement consiste à répondre à la demande ex-plicite est une illusion. Le conseiller emploi – formationdoit toujours se prémunir contre le risque de se trouverpoussé à sortir de son propre champs d’intervention ets’aventurer dans des terrains comme l’aide psychologique.Son travail s’apparentera alors à une sorte de thérapie sau-vage, en réalité un lieu de déplacement nié de part et d’autreavec les conséquences qui peuvent être extrêmement pré-judiciables pour l’un et l’autre.

Agir pour lever les obstacles à l’insertion relève parconséquent d’une véritable stratégie d’intervention.Lorsque certains freins identifiés sont périphériquespar rapport à la question de l’emploi et de la for-mation, le conseiller doit affiner son diagnostic enen répondant aux questions suivantes :

1. Comment repérer ces difficultés personnelles, so-ciales et psychologiques, et mesurer leurs effets sur larecherche de formation et d’emploi ?

La prise en compte par le conseiller emploi – formation de la situation globale des réfugiés ayant

obtenu récemment leur statut permet d'améliorer sensiblement les résultats de leur parcours

d’intégration et par conséquent de celui des membres de leurs familles. Inversement, ne pas prendre

en compte les handicaps provoqués par la situation de l’exil, amène le plus souvent à investir à perte

dans des actions de formation ou de recherche d’emploi dont l'efficacité est bien moindre que ce que

l'on pourrait en attendre. Ceci dit, l’exigence de la prise en compte de la situation globale des réfugiés

ne saurait se confondre avec une prise en charge de l’ensemble des problèmes qu’ils rencontrent durant

le processus de leur installation au sein de la société d’accueil

* Responsable du Réseau d’Accueil

16PROASILE la revue de France Terre d’Asile

33PROASILE la revue de France Terre d’Asile

2. Comment faire prendre conscience au réfugié que cesdifficultés sont des obstacles qui doivent être levés ?

3. Ces obstacles justifient – il ou non l’appel à un ser-vice spécialisé ? Quand traiter ces difficultés : en amont,pendant ou en aval des actions d’insertion ?

4. Comment et avec quels moyens, puis je orchestrer lesinterventions des travailleurs sociaux pour lever cesobstacles ?

II - Travailler en relais : oui mais comment ?

De manière pragmatique, le travail en relais avec d’autrespartenaires s’impose de lui même au conseiller emploi –formation. Celui ci a intérêt à mobiliser d’autres acteursde l’insertion sociale et professionnelle que se soit pourvalider ses hypothèses de travail ou pour bénéficier d’uncertain nombre de compétences qui lui font défaut.

Pour les réfugiés, le travail en relais avec les familiariseavec les institutions et les travailleurs sociaux qualifiéspour résoudre les difficultés qu’ils rencontrent. La miseen relation des réfugiés avec les partenaires rend possibledes apprentissages sociaux cruciaux pour la réussite deleur intégration sociale et professionnelle. Les interactionsqui ont lieu au cours de cette mise en relation favorisentl’appropriation de l’environnement et le développementde l’autonomie.

Cette démarche permet en même temps de casser la ten-tation de dépendance qui peut s’instaurer entre un ré-fugié et un conseiller emploi – formation « hyper puis-sant »puisqu’il prend en charge la globalité de la situationdu réfugié.

Ceci dit, l’efficacité d’un travail en relais n’est jamais ga-rantie à priori. La qualité du travail en relais implique quele conseiller emploi – formation ait bien identifié le be-soin et repéré le partenaire le plus approprié pour inter-venir.

Or, il arrive que ce besoin soit complexe et multidimen-sionnel. De plus, les différents acteurs de l’insertion sontsouvent imbriqués dans des dispositifs à logiques contra-dictoires voire concurrentes.

Un exemple d’objectifs contradictoires ? le conseiller em-ploi – formation du centre d’accueil des réfugiés travailleavec une personne en vue d’un accès rapide à l’emploiafin qu’elle ait les ressources suffisantes pour avoir un lo-gement autonome mais la formation linguistique délivréepar l’organisme de formation à ce réfugié est sans viséeprofessionnelle, voire non rémunérée.

Le travail en réseau doit reposer sur une stratégie réflé-chie et partagée entre partenaires. Que ce soit pour don-ner un sens a un réseau déjà en place ou pour le dévelop-per, cette stratégie ne peut faire l’économie d’uneinterrogation commune portant sur les points suivants :

1. Se connaître mutuellement : structure et acteurs

2. Identifier les enjeux de chaque partenaire

3. Identifier les logiques d’action et les responsabilitésdes partenaires

4. Expliciter les domaines de compétences et lesconditions d’interventions

5. Elaborer collectivement les circuits de circulation del’information

6. Elaborer des modes d’articulations des interventions.

En somme, l’identité professionnelle que s’attribue leconseiller emploi - formation, celle que lui attribuent sespartenaires, ses ressources internes et externes jouent unrôle décisif dans le sens que le conseiller emploi – forma-tion souhaite donner à sa mission d’accompagnement desréfugiés vers la formation et l’emploi.

34PROASILE la revue de France Terre d’Asile

Quelle est la fonctionpremière des politiquesd’insertion ?

Je fonde ma réponse surma définition large des po-litiques d’insertion, la-quelle englobe politiquesd’emploi, politiques so-ciales, les 35 heures,…etc.,autrement dit, toutes les in-terventions directes sur lemarché du travail.

A mon avis, bien que lacréation d’emploi puisse ré-sulter de la mise en œuvredes politiques d’insertion,ce n’est pas leur fonction es-sentielle.

Je pense que le rôle essen-tiel des politiques publiquesd’insertion consiste à inté-grer des personnes qui nepeuvent pas naturellements’intégrer, autrement dit ence qui concerne la France,les moins qualifiés. EnFrance, des raisons structu-relles du système productiffont que les risques pour lesmoins qualifiés d’être auchômage sont plus impor-tants que dans beaucoupd’autres Etats industriali-sés. Il s’agit d’inverser la ten-dance, et de faire en sorteque les moins qualifiés puis-sent se raccrocher aumonde de l’emploi, c’est àdire non seulement aumonde du travail, mais demanière plus générale aumonde de l’entreprise.

Pourquoi les personnes lesmoins qualifiées au regardde notre système de produc-

tion seraient-elles confron-tées en France à des difficul-tés particulières, au regarddes autres pays développés ?

Deux causes importantesfont qu’en France, les moinsqualifiés sont confrontés àdes difficultés particulières :Contrairement à ce que l’onentend souvent, l’utilisationdes nouvelles technologiesdans le monde du travail nesupprime pas plus d’emploisqu’elles n’en créent. Parcontre, de nombreusesétudes montrent que, dansles pays développés en gé-néral, les technologies de lacommunication et de l’in-formation sont intrinsèque-ment défavorables aux per-sonnes les moins qualifiées,contrairement à la périodeprécédente du taylorisme,qui « consommait » beau-coup de travailleurs nonqualifiés. Et pour cause, laplupart des chefs d’entre-prise pensent qu’une per-sonne qualifiée retirerabeaucoup plus d’un ordina-teur qu’une personne nonqualifiée. En effet, il ne s’agitpas seulement de manipu-ler les nouvelles technolo-gies, mais de créer le maxi-mum à l’aide de ces derniers.Les conséquences concrètesde ce raisonnement sont fla-grantes aux Etats Unis, oùles non qualifiés sont moinspayés, ou encore en France,où ils se retrouvent souventau chômage, à moins d’oc-cuper des postes précaires.

Cette réelle difficulté pourles personnes non qualifiées

se combine en France avecune conception un peu tay-lorienne de la production etde l’économie. En France,contrairement à des payscomme l’Allemagne et leJapon qui essayent de réduireles hiérarchies et préfèrentles fonctions horizontalesaux postes extrêmement ri-gides ou encore à uneconception de grande divi-sion du travail, il existe uneséparation très importanteentre l’apprentissage et la « mise à l’emploi ».

Je pense que l’on peut trou-ver des solutions construc-tives à ces problèmes dansla conception interactivesur laquelle se basent lesdeux pays sus cités enexemple. Dans le cadre decette conception, les jeunesen formation apprennentde l’entreprise, qui elle-même s’adapte en fonctionde l’évolution de la forma-tion et des jeunes. Cetteproblématique d’échangeégalitaire, qui correspond àcelle de l’apprentissage dualen Allemagne, est totale-ment en phase avec uneconjoncture évolutive,contrairement à la concep-tion de subordination del’apprentissage à l’entre-prise.

J’estime par conséquent cesystème interactif, qui com-mence par une connexiondirecte avec l’entreprise, plus« intelligent » que le systèmetaylorien et plus conformeà la période actuelle.

Evidemment, je parle d’in-teractivité multiple, d’unehorizontalité dans la for-mation, c’est à dire l’inser-tion des travailleurs en ap-prentissage dans l’activitéde plusieurs secteurs de plu-sieurs entreprises, afind’éviter le lien de subordi-nation entre l’entreprise etla personne en formation.

Quelles sont les mesuresd’insertion les plus adé-quates à ce que vousnommez l’interactivité ?

Il existe trois grandes caté-gories de mesures :

➘ le pôle formatif :

Ce pôle concerne les sys-tèmes qui séparent la for-mation de l’intégration ausein de l’entreprise. Cessystèmes conduisent à unepolitique de surqualifica-tion très défavorable auxmoins qualifiés. En effet,pour contourner la rigiditédu système français, les en-treprises adoptent deuxtypes d’attitudes : elles em-bauchent soit les plus qua-lifiés, soit les moins quali-fiés sous contrats précaires.

Selon les termes de PhilippeZarifian, ces « organisationsqualifiées » se basent sur « l’élite », contrairementaux « organisations quali-fiantes » dont l’objectif estde qualifier le plus de per-

Les politiques publiques d’insertion en france

Entretien avec Simon WHUL

* Professeur associé de sociologieà l’université de Marne la Vallée

16PROASILE la revue de France Terre d’Asile

35PROASILE la revue de France Terre d’Asile

sonnes possibles. Ce typede système s’avère donc trèscritiquable.

➘ Le pôle « utilité sociale » :

Ce pôle englobe tout ce quiconcerne les contrats « Emploi Solidarité » (CES).Ces contrats ne sont pascréateurs d’emploi, et par-ticipent à mon avis très peuà l’intégration des moinsqualifiés. Ces emplois tem-poraires à mi-temps ne rè-glent en définitif pas lesproblèmes d’insertion.Je ne comprends pas les em-plois-jeunes dans cette ca-tégorie mais je les estime unpeu à part, car ils ne concer-nent pas les moins qualifiés.

➘ Le pôle économique :

Il peut apporter plus d’in-teraction. En effet, il ne suf-fit pas d’adapter les per-sonnes à l’entreprise, maisil faut également faire bou-ger les organisations du tra-vail pour obtenir une véri-table interaction. Si le pôleéconomique était massive-ment utilisé pour les publicsen difficulté, notamment lecontrat de qualification, lesconditions seraient plus fa-vorables. Malheureusement,le contrat de qualificationest assez peu exploité. Il estle plus souvent utilisé pardes jeunes qui auraient detoutes façons réussi à s’in-sérer dans le monde du tra-vail sans avoir recours auxmesures d’insertion.L’exploitation du rôle d’in-sertion du contrat de quali-fication est donc loin d’êtreoptimale. Ce pôle mesemble le plus adapté à ladéfinition que je donne à lapolitique d’insertion.

L’insertion des étran-gers requiert-elle desmesures particulières,eu regard à l’appré-hension que suscitentces derniers auprès desemployeurs ?

Le contact direct avec l’en-treprise constitue toujoursune meilleure approche quela formation en dehors del’entreprise, qui plus estpour les publics issus del’immigration, souventconfrontés à une méfiancegénéralisée.

En effet, les appréhensionssont moins difficiles à sur-monter à ce moment là quelors de la recherche d’em-ploi. Par expérience, j’ai vuen contrat qualification lesdites appréhensions tomberen quelques jours à comp-ter de la mise en contact dutravailleur étranger avecl’entreprise. On constatedonc encore une fois l’effi-cacité de l’interactivité.

L’ « économie solidaire »,dont vous faites mentiondans l’ouvrage « l’exclu-sion-l’état des savoirs »,est-elle adaptée à une in-sertion « interactive » ?

« L’économie solidaire »n’est pas destinée à résoudreles problèmes de l’emploimais à être mise en œuvreen aval. Dans ma proposi-tion, l’économie solidairecompléterait un systèmed’économie souple s’inspi-rant du modèle germaniqueune fois les problèmesd’emploi des jeunes et despersonnes en difficulté ré-solus. J’entends par « éco-nomie solidaire » une mu-tualisation des logiques defonctionnement du service

public, du privé et éven-tuellement du bénévolat. Engénéral, dans le fonction-nement de la société, lestrois logiques sont cloison-nées, chacune à ses règles.

Or chacune ne peut ré-pondre à tous les besoins dela société mais sont com-plémentaires.

De manière générale, lespays qui s’adaptent le mieuxaux fluctuations perpétuellesde l’économie sont en géné-ral ceux qui ont une sou-plesse suffisante. J’entendspar souplesse, non pas laflexibilité liée aux licencie-ments ou emplois précaires,mais la souplesse due à unecertaine qualité de travail.

Dans les années 80, deuxpays étaient toujours citésen exemple – l’Allemagne etle Japon – car les flexibilitéinterne, qualité des organi-sations de travail et adapta-tion aux marchés dévelop-pés par ces pays ne sefaisaient non pas par des li-cenciements et recrutementscomme dans les pays dits « ultra libéraux », mais parune souplesse dans la qualitéde l’organisation du travail.

Il est vrai qu’actuellement,ces deux pays modèlesconnaissent des problèmesde fonctionnement, mais ilfaut éviter d’en tirer desconclusions trop hâtivestelles que la remise en causede leurs politiques d’emploi.

En effet, ces dysfonctionne-ments s’expliquent toutsimplement par l’absorptionde l’Allemagne de l’Est ence qui concerne la RFA, etles retours quelque peu né-fastes de la « bulle spécula-tive » sur l’économie réelledu Japon. Ces deux pays

réussissent donc finalementà faire face à leurs difficultéssans heurts majeurs.

Propos recueillis par Fatiha MLATI

et Anne POUSSON

1 Simon Whul a participé à l’ouvrage

« L’exclusion – l’état des savoirs » ; co

écrit sous la direction de Serge

Paugam ; éditions la découverte,

Chapitre 43 « politiques de l’emploi et

politiques d’insertion ».

36PROASILE la revue de France Terre d’Asile

Mutation et non criseBernard GRUYER*

Les 20 à 25 dernières années demutations sociales et écono-miques qui se sont traduites parles phénomènes de précarisationet d‘exclusion ne doivent pas êtreimmédiatement oubliées à causede la reprise de l’emploi.

Plusieurs raisons doivent nous inci-ter à tirer les enseignements de cettepériode :

- la reprise de l’emploi peut être àla fois de courte durée et créatrice deprécarité,

- Les dégâts sociaux, voire socié-taux causés par la dérégulation so-ciale de la période 75-2000 sont pro-fonds et dureront de toute manièreassez longtemps.

Il nous paraît donc illusoire de pen-ser que la reprise de l’emploi à elleseule pourrait conduire à un retour àla régulation des 30 glorieuses. Lesfractures sont profondes et peut êtreprémonitoires d’une société qui estentrée dans un cycle de mutationspermanentes.

Dans tous les cas, plusieurs mythesse sont écroulés durant ces dernièresannées :

Premièrement celui du « progrès »entendu comme progrès matériel etéconomique seul vecteur de nos rêveset nos destins tant individuels quecollectifs. « La société du plus vautmieux », selon l’expression critiquede A. GORZ 1.

Autre mythe largement écorné quecelui du travail, ou plutôt de l’emploicomme principal voir unique vecteurd’intégration.

Travail, emploi et revenus

D’abord quelques précisions métho-dologiques :

Le travail, c’est ce que possède enpropre le travailleur. Sur le pseudo « marché du travail », le travailleurvend son travail, il est l’offreur.Dans la période récente, nousavions donc trop de travail et man-quions d’emploi. Soit une situationparticulière, généralement la sala-riat qui est une construction juri-dico-économique qui permet auxtravailleurs d’extérioriser ce qu’ilsont en eux, c’est à dire le potentielou la capacité à travailler.

D’autres mots existent en françaispour évoquer des phénomènes trèsproches du travail : activité, ouvrage,jeu, création. Ces termes se réfèrent àl’activité productrice humaine maissont plus éloignés de la situation detype emploi. Le mot travail lui mêmevient du latin tripalium (instrumentde torture) ; dans le langage popu-laire on utilise les mots turbin (mo-ment où l’on turbine comme unemachine), le chagrin (sans commen-taire), on allait à la mine ou la tôlepour désigner l’usine ou l’atelier.

Voilà donc des travailleurs bien « masochistes » qui, privés de leurtorture, de leur chagrin et libérés deleur enfermement se retrouvent sur lapente dangereuse de l’exclusion. Lesrevenus de compensations (alloca-tions diverses et minima sociaux) nefaisant qu’amortir la chute.

Tout ceci nous renvoie à un ques-tionnement plus aigu sur la notionde travail, et finalement pourquoitravaillons nous ?

A notre sens nous pouvons distin-guer au moins 3 pôles de retenus :

Le pôle 1 est clairement utilitaristeet se réfère à la seule dimensionmatérielle.

Le pôle 2 est partagé entre l’utili-taire (le revenu dans le temps), etdes sentiments de sécurité et d’as-surance.

Le pôle 3 est par contre essentielle-ment subjectif et ne se réfère que trèspeu à la philosophie utilitariste.

Chaque travailleur selon ses pen-chants, ses ressources, ses contrainteset ses opportunités, compose un re-venu global dans lequel il arbitre lepoids de ces différents revenus.Pourtant notre regard porte princi-palement sur le pôle 1 et à unmoindre degré sur le pôle 2. Les re-présentations utilitaristes dominentles autres éléments plus subjectifs etsymboliques, le pôle 3 est très sou-

* Socio-économiste, consultant, Directeurdu cabinet ABER.

16PROASILE la revue de France Terre d’Asile

37PROASILE la revue de France Terre d’Asile

vent minoré dans l’analyse de notrepropension à travailler.

Du travail à la question de l’insertion

Ce détour par la question du travailnous renvoie directement à l’inser-tion.

Puisque l’exclusion et la précaritéviennent des dysfonctionnementsdu « Grand Intégrateur » (pour re-prendre l’expression d’Yves Barel)moderne qu’est le « travail » ou plu-tôt l’emploi, il faut et il suffit de re-créer de l’emploi pour réinsérer.

Puisque le principal revenu issu dutravail est de type utilitariste, d’abordsous forme de monnaie et en secondsous forme de sécurité, il faut et ilsuffit d’ouvrir des droits à un revenude compensation pour gérer la filed’attente du retour à l’emploi.

Nous aboutissons ainsi à une visionassez mécanique de l’insertion où leprécaire et l’exclu pourraient êtreinsérés comme l’on insère « unepièce mécanique dans un moteur ».Cette vision utilitariste et mécanistede l’insertion nous a trop souventpermis l’économie d’une réflexionsur ce que signifie insérer.

Ainsi l’essentiel de l’effort collectifporte sur les moyens monétairespour le versement d’une allocationet les moyens humains (fonctionpublique ou para publique) pour gé-rer la file d’attente. Le tout organiséet codifié dans une logique instru-mentale où les procédures et le dis-positif descendants obscurcissent lesfondamentaux de l’insertion.

Pourtant, l’écoute des personnes endifficultés fait presque toujours res-sortir les éléments positifs quandune situation d’insertion est bienconstruite. Ils parlent de dignité et defierté, d’écoute, de parole, de rup-ture et de solitude, de reprise deconfiance en soi, de capacités re-trouvées à « agir sa vie ».

En clair, ils nous parlent avant toutdu pôle 3, celui de la subjectivité, ce-lui de la reconstruction d’un sujetet de la dimension de la relation auxautres.

Des situations d’insertion bienconstruites

Il n’existe pas à proprement parler derecettes, mais plutôt des éléments ba-siques que l’on retrouve dans toutesles expériences réunies :

- Partir d’une situation concrète oùles personnes vont FAIRE. C’est à direpartir du geste pour aller progressive-ment vers l’abstraction, le savoir etnon l’inverse. Eviter toutes situationsqui raviveraient un « échec social »souvent en amont des problèmes d’in-sertion.

- Utiliser le plus possible une orga-nisation du transfert des compétencesde type compagnonnage. La mise enplace de binôme – personne en dé-but de parcours travaillant avec uneautre déjà bien avancée dans son par-cours – est souvent très efficace.

- Organiser les situations en fonc-tion de difficultés progressives

- Réintroduire de la règle en l’ados-sant aux situations réelles et non pasde la règle pour la règle. Démontrerl’utilité et le bien-fondé de la règle, lafaire valider par le groupe.

- Les meilleurs encadrants d’inser-tion ne sont pas forcément lesmeilleurs techniciens de l’activité choi-sie. Ils doivent combiner des compé-tences techniques, pédagogiques et so-ciales. Des personnes ayant suivi unparcours identique sont souvent detrès bons encadrants.

- Plus que dans toutes les situationsde travail, la règle du « zéro mépris» doit être appliquée. Il est impor-tant d’aller au delà en valorisant cequi est fait.

- Si les situations d’insertion doi-vent être basées sur des situationsconcrètes, elles doivent aussi être leplus chargée possible en symboliquepositive. Ce sont ces symboliques quipermettront de travailler sur le désir defaire, le sens de l’action et finalementl’énorme énergie que les personnesdoivent mobiliser pour sortir de leursdifficultés.

- Réinsérer, c’est aussi accompagnerune personne pour qu’elle se reposi-tionne dans le collectif, dans l’échange.Si l’emploi permet l’accès à l’échangeéconomique, n’oublions pas que leséchanges sociaux, à minima sont aussiimportants.

En deçà (au sens d’infrastructure) del’échange marchand, si l’on suit lestravaux de Marcel Mauss 2, préexistel’échange de réciprocité. Donc favo-riser les échanges de réciprocité dansle groupe et à l’extérieur du groupeest essentiel pour casser l’image et lescomportements de l’assisté.Etre « bénéficiaire de », c’est être enpermanence inféodé car l’on ne peutrendre.Permettre aux personnes de se re-positionner dans le cycle du don 3

sert à la fois à les réinsérer au sensfort du terme, et à les accompagnervers une dignité retrouvée.

Bibliographie : co auteur avec BernardSaint Germain et Bernard Brunet de l’ou-vrage « La lutte contre l’exclusion dansles territoires ruraux », Documentationfrançaise, collection Pratiques de l’inter-communalité.

1 Référence bibliographique : André GORZ

« Misères du présent – Richesses du possible »,

édition Galilée-19972 Référence bibliographique : Marcel Mauss,

« sociologie et anthropologie », édition PUF,

collection Quadrige.3 Sur le thème du Don, plusieurs numéros de

la revue du MAUSS et particulièrement les

articles de Alain Caillé, peuvent être consultés

38PROASILE la revue de France Terre d’Asile

La lutte et la détermination de l’Etat pourfaire régresser les attitudes discrimina-toires dans le domaine de l’emploi se sontappuyées sur les travaux de laCommission nationale consultative desdroits de l’homme, par ceux du HautConseil à l’Intégration et enfin par le rap-port de Monsieur Jean-Michel BELOR-GEY sur l’adéquation de nos structuresadministratives à la lutte contre les dis-criminations.

Le 11 mai 1999, la table ronde l’Etat etl’ensemble des partenaires sociaux, per-met de constater la progression du phé-nomène discriminatoire dans la sphèreéconomique.

Dans le même temps, cinq grandes orien-tations ont été proposées par l’Etat pourcombattre la discrimination au travail.Cette politique approuvée par tous a étéconfirmée et élargie depuis.

Première orientation : mieux comprendre et connaître lespratiques discriminatoires : créa-tion d’un « groupe d’étude sur lesdiscriminations »

Toutes les études menées ces dernièresannées montrent que les pratiques dis-criminatoires touchent également ceuxqui ont la nationalité Française, qui sontstigmatisés parce qu’ils « ont l’air »…

La création d’un observatoire d’analyseapparaissait donc nécessaire. Sous laforme d’un groupement d’intérêt public,le « groupe d’étude sur les discrimina-tions » (GIP-GED) a pour but de les étu-dier, réelles ou supposées, pour mieuxles comprendre et les combattre. Sonchamp d’action couvre l’emploi, le loge-ment, les services publics, l’éducation etl’ensemble de la vie sociale du pays.

Au delà des membres fondateurs* quiont signé la convention constitutive duGIP le 15 avril 1999, le GIP a été ouvertfin janvier 2000 à d’autres ministères, ad-ministrations ou instances publiques(DOM-TOM, santé, économie et fi-nances, INSEE, agriculture, DGEFP,

Médiateur de la République, CILPI) et àd’autres partenaires, notamment le pa-tronat et les syndicats, les grandes asso-ciations de lutte contre le racisme, l’an-tisémitisme et la discrimination.

Le directeur de la Population et des mi-grations a été élu président du conseild’administration.Un conseil d’orientation a également étémis en place, composé le 17 membresnommés pour trois ans, qui sont pour laplupart des chercheurs et des universi-taires. Bientôt des experts de terrainpourront les rejoindre dans leur groupede travail.

Deuxième orientation : mobiliser et renforcer la formationde tous les acteurs publics et pri-vés à la lutte contre les discrimi-nations

La formation des acteurs est une préoc-cupation particulièrement importantedans la mesure où le racisme et les dis-criminations se nourrissent de peurs etd’ignorances.

1) Former et sensibiliser les agentsdu service public de l’emploi à laprévention et au traitement des dis-criminations raciales

Cette action concernera les agents del’ANPE, de l’AFPA, des services décon-centrés du Ministère de l’Emploi et de laSolidarité et du réseau s’accueil desjeunes.

ANPE :

➘ Participation accrue des agents del’ANPE au programme de formationd’acteurs de l’insertion professionnelledu FAS

➘ Formation des agents en trois modules(déontologie, prise et traitement del’offre, traitement de la demande) dis-pensées lors du recrutement ou d’unepromotion.

AFPA➘ Formation dans les 280 établissements,

d’une personne-ressource, chargéed’intervenir comme médiateur dansles situations de ségrégation raciale àl’encontre du bénéficiaire de l’AFPA.

Réseau des missions locales et des PAIO :

Module de formation destiné au per-sonnel des missions locales et des PAIO,afin de lutter contre la discriminationraciale et mise en œuvre de programmesprioritaires d’accompagnement desjeunes vers l’emploi (Emploi-jeunes, par-rainage, TRACE…).

Services déconcentrés du travail (DR-TEFP, DDTEFP, inspection du travail) :

– En formation initiale, mise en placed’un module d’une semaine, destinéaux élèves inspecteurs du travail,contre les discriminations.

– En formation continue, organisationles 8 et 9 mars 2000 d’un séminairede travail, réunissant 150 personnesdu service public de l’emploi.Egalement, la mise au point de stra-tégies et de formations sur la mé-thodologie de contrôle des agents del’inspection du travail

En juillet 2001, un projet a été déposédans le cadre du programme européenEQUAL pour mener au cours des pro-chaines années une action concertée desensibilisation sur l’ensemble des com-posantes du service public de l’emploi.Il sera développé avec le Portugal.

2) Former les militants syndicaux

Il s’agit de renforcer la formation des mi-litants des confédérations syndicales à lacompréhension des différences cultu-relles. Pour cela un programme d’actionset de sensibilisation est mis en place parles pouvoirs publics en concertation avecles centrales syndicales et pouvant s’ap-puyer sur le soutien du FAS.

Programme de lutte contre les discriminations dans le monde du travail :

bilan des actions mises en œuvrePatrick AUBER*

* Direction Emploi Formation – Ministère del’Emploi et de la Solidarité

16PROASILE la revue de France Terre d’Asile

39PROASILE la revue de France Terre d’Asile

3) Sensibiliser et former le salariésdes entreprises

L’objet est d’aider les salariés des entre-prises à prendre en compte l’égalité deschances, la diversité du personnel et de laclientèle. Ces actions s’adresseront à ceuxqui ont une responsabilité dans le do-maine de l’embauche et de la carrière,ou de l’accueil et du suivi des personnesnouvellement arrivées.

L’Etat apportera son appui et son sou-tien financier au travers du FSE, en par-ticulier par la conclusion de conventionsavec des branches professionnelles, desOPCA, des chambres consulaires, desgrandes entreprises.

Troisième orientation : développer le parrainage des jeunesvers l’emploiLe parrainage est une démarche d’ac-compagnement personnalisé, durant larecherche d’emploi et pendant les pre-mières semaines de travail. Cela concernedes jeunes rencontrant des difficultésd’insertion professionnelle.Cette démarche, réalisée par des béné-voles, des salariés d’entreprises ou desnouveaux retraités, donne d’excellentsrésultats et lutte efficacement contre lesdiscriminations (16000 jeunes par an,contre 10000 en 1998). Elle vient égale-ment en appui aux mesures du PNAE(Plan National d’Action pour l’Emploi),et du programmes TRACE, NouveauDépart.Pour aides au développement du par-rainage, une charte nationale et deschartes régionales sont signées avec desreprésentants du monde économique etsocial.

Quatrième orientation : inscrire la lutte contre les discri-minations dans les contrats de ville

Les personnes étrangères ou issues del’immigration représentent près de 40%des populations urbaines. Les comitésinterministériels à la ville de juin et dé-cembre 1998 ont inscrit ce thème parmiles prochains contrats de ville :

- dans le mandat de négociation, donnéaux préfets pour la conclusion desnouveaux contrats de ville, l’inser-tion professionnelle des immigrés etla lutte contre les discriminations ontconstitué des priorités.

-Sur les conclusions du rapport parle-mentaire Rodriguo-Bourguignon (juin1999), un guide méthodologique vient

d’être réalisé, pour servir de support dansles opérations de formation et d’accom-pagnement des acteurs locaux, de façonà faciliter la mise en place de plans terri-toriaux de lutte contre les discrimina-tions sur le marché du travail.

Cinquième orientation :envisager les modifications légis-latives de nature à donner unemeilleure efficacité à la lutte contreles discriminations raciales

L’arsenal juridique français est, dans unelarge mesure, efficace pour lutter contrele racisme et les discriminations.

Toutefois, quelques aménagements juri-diques ont été proposés aux partenairessociaux, à la lumière des propositions durapport présenté par Monsieur Jean-Michel BELORGEY et intégrés dans uneproposition de loi votée par l’AssembléeNationale le 3 avril 2001 et par le Sénatle 25 juin 2001.➘ L’aménagement de la charge de la

preuve, la possibilité pour les syndi-cats de saisir la justice à la place desvictimes,

➘ le renforcement des pouvoirs de l’ins-pection du travail,

➘ le suivi de ce thème par la commis-sion nationale de la négociation col-lective.

Ces dispositions tiennent égalementcompte des prescriptions contenues dansles directives européennes et notammentcelle du 29 juin 2000 sur l’égalité de trai-tement entre les personnes sans distinc-tion de race ou d’origine ethnique. C’estainsi que la notion de discrimination in-directe, définie par cette directive, est in-troduite dans le code du travail.

Enfin, et indépendamment des travauxde la table ronde, il a été décidé d’abor-der dans le débat public, la question desdiscriminations légales fondées sur le cri-tère juridique de la nationalité (étant pré-cisé que cela ne concerne pas la fonctionpublique). Pour l’examen de cette ques-tion, trois actions ont été retenues par leministère de l’emploi et de la solidarité :

➘ Une action de repérage des professionsprivées y compris des professions li-bérales, qui sont fermées aux étran-gers. Une convention d’étude a été éta-blie en juillet 1999 entre le ministèreet Bernard Brunhes Consultants. Ellenous a démontré fin novembre de lamême année que plus de 1.2 millionsd’emplois privés étaient soumis à desconditions de nationalité ou de di-plômes français ;

➘ Une étude des statuts et conventionscollectives de grandes entreprises etétablissements publics, dans le do-maine industriel et des transports quicontiennent une clause de nationalité(ex : EDF-GDF, SNCF, AIR-France,…).Un groupe de travail interministériels’est réuni à partir de novembre 1999,sous la présidence de la Direction dela Population et des Migrations(DPM), afin de formuler des propo-sitions concrètes tendant à supprimerles clauses de nationalité existantes ;

➘ Une étude conduite par la Direction dela Sécurité Sociale montre que la trèsgrande majorité des emplois sont ou-verts aux étrangers.C’est ainsi que sur untotal d’environ 170000 emplois, moinsde 3000 sont fermés aux étrangers.

Le GIP-GED s’est appuyé sur l’ensemblede ces travaux pour en approfondir lesconclusions su travers d’un groupe detravail qui a préconisé en mars 2000, l’ou-verture aux étrangers sur l’ensemble desemplois publics et privés, à conditionqu’ils ne contribuent pas à l’exercice dela souveraineté ou ne comportent pasl’utilisation directe ou indirecte de pré-rogatives de puissance publique.

Enfin, le premier ministre a réuni le 18mars 2000 aux assises de la citoyennetéet de la lutte contre les discriminations,1000 personnes, dont 700 jeunes qui ontpu exposer les problèmes qu’ils rencon-trent, notamment dans l’accès à l’emploi.

De nouvelles mesures vont renforcer lapolitique mise en place depuis 1998 :

➘ Création le 16 mai 2000 d’un numérod’appel gratuit (le 114) à destinationdes victimes de discriminations. Il ren-voie la solution des cas vers les secré-tariats permanents des CODAC, les-quels doivent recontacter les personnesdans les 15 jours et assurer le traite-ment des signalements. Début 2001,Ce numéro d’appel a été rattaché auGIP-GED. Il produira également unrapport annuel sur les discriminationsraciales en France et les moyens de lescombattre. Le GIP en conséquencechange de dénomination pour devenirle Groupe d’Etude et de Lutte contreles Discriminations (GIP-GELD) ;

➘ Sanction dans le code pénal des dis-criminations à l’encontre des stagiaireslycéens et étudiants ;

➘ Mise en place de 5000 formations ré-munérées pour préparer les concoursde la fonction publique ;

➘ Décision de principe sur l’ouverturedes emplois actuellement fermés auxétrangers dans le secteur privé et dansles établissements publics, sous réserved’un examen au cas par cas.

40PROASILE la revue de France Terre d’Asile

POUR LA RECONNAISSANCE D'UN VERITABLE DROITA L'APPRENTISSAGE DE LA LANGUE FRANCAISE

A TOUS LES MIGRANTS

La connaissance de la langue française est primordiale pour tous les migrants désireux de vivreen France et de mener à bien leur projet d'installation dans notre pays.Ce n'est pas seulement une condition nécessaire et indispensable pour parvenir à accéder le mieuxet le plus rapidement possible à une élémentaire autonomie, c'est aussi et surtout une conditionde l'épanouissement personnel et familial, culturel et professionnel.Ne pas connaître la langue du pays constitue un grave handicap qui fragilise les personnes, lesrendant dépendantes et donc plus vulnérables.Pouvoir apprendre la langue, c'est se donner les moyens de communiquer, de parler, d'échanger,de comprendre, de se défendre, de se confronter à une autre culture et à d'autres codes, c'estpouvoir choisir de s'ouvrir à d'autres et ne pas être contraint au repli sur soi ou entre membresd'une seule et même communauté.Apprendre la langue française, c'est le moyen d'accéder à la citoyenneté, sans pour autant renoncerà sa culture et à sa propre langue.Nous pensons que les freins à l'apprentissage du français constituent la première des discriminations.Force est de reconnaître, dans notre pays, le caractère aléatoire de l'accès à cet apprentissage. Si,pour les migrants appartenant à des catégories sociales favorisées, les moyens financiers, lecapital culturel et les réseaux personnels permettent cet accès de façon relativement aisée, pourles autres, l'offre de qualité demeure très largement insuffisante et inaccessible malgré l'ampleurdu bénévolat, les efforts des associations et, parfois, la volonté politique.Sans sous-estimer l'effort personnel que nécessite l'apprentissage linguistique, nous pensons queles pouvoirs publics se doivent de tout mettre en oeuvre pour démocratiser son accès et ouvrir unvéritable « droit à l'apprentissage du français ». Nous avons tous, tout à y gagner.Les formations linguistiques doivent être pleinement reconnues au titre de la formationprofessionnelle, elles doivent aussi être accessibles à tous ceux et celles qui le souhaitent.

II revient aux pouvoirs publics de reconnaître le DROIT A L'APPRENTISSAGE DE LA LANGUEFRANCAISE, DE LE DEFINIR ET DE L'ORGANISER EN CONCERTATION AVEC TOUS LESPARTENAIRES CONCERNES.Paris, le 12 juillet 2001

Ce texte est à l'initiative de la Fédération des AEFTI (association pour l'enseignement et laformation des travailleurs immigrés et leurs familles) qui fête, cette année, ses trente ansd'existence, un parcours jalonné par les luttes pour l'égalité des droits, le droit à la formationpour tous, un parcours riche en pratiques et expériences en matière de formation linguistique.Ce texte a été élaboré à la suite du séminaire du 15 juin 2001 réunissant des associations,des institutions et des syndicats.II vise à créer une dynamique autour d'un collectif d'associations et de personnalités afin demodifier la perception et le comportement des acteurs et des systèmes en matière d'accès àla langue, condition première de lutte contre les discriminations et de promotion de lacitoyenneté, ce dans un contexte social économique et culturel en permanente mutation.

Pour tout contactJean Bellanger - Kamel JendoubiFédération AEFTI - 16 rue de Valmy - 93100 Montreuiltél : 01 42 87 02 20 - Télécopie: 01 48 57 58 85 - E-mail : aeftifd aol.com