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Dans les manuels d’histoire du Québec, la semaine qui s’achève fera époque comme celle de l’hécatombe des aînés. Alors que les hospitalisations se stabilisent, et que les admissions aux soins intensifs commencent à fléchir, la grande faucheuse de la COVID-19 a frappé fort – très fort – dans les résidences de personnes âgées. À Pâques, le Québec comptait 13 577 cas d’infection, 879 hospitalisations, 226 admissions aux soins intensifs, et 360 décès cumulatifs. Jeudi, 16 avril – quatre jours plus tard – le premier ministre François Legault résumait : la situation est « sous contrôle » dans les hôpitaux, mais « critique » dans les CHSLD, les centres d'hébergement et de soins de longue durée. En clair, les infections et les hospitalisations ont épousé la même courbe d’augmentation à hauteur de 16 ou 17 % durant toute la semaine. Le nombre de ceux qui sont très malades, et qui ont dû être admis aux soins intensifs, a diminué de 7,5 %. C’est – tout de même – la bonne nouvelle de la semaine. L’explosion des décès Mais l’horreur s’est terrée dans la courbe des morts cumu- latifs qui a explosé de 75 % en quelques jours. Jeudi, on comptait déjà 630 victimes. Toute la semaine, le directeur national de la santé publique, le Dr Horacio Arruda, a rappelé que « 90 % des victimes sont âgées de 70 ans et plus ». Le Mal se nourrit du sang des aînés. Et la très grande majorité des victimes habitent des éta- blissements publics ou des CHSLD privés et conventionnés. Dès samedi dernier, l’hécatombe survenue au CHSLD Herron, à Dorval, avait donné le ton à cette funeste semaine. Le premier ministre a dû renoncer à une partie ses CRISTIAN NEWMAN | UNSPLASH Funeste semaine Laurent Soumis Journaliste responsable de l’accompagnement n° 03 | vendredi, 17 avril 2020

Funeste semaine - L'Itineraire...Dans les manuels d’histoire du Québec, la semaine qui s’achève fera époque comme celle de l’hécatombe des aînés. Alors que les hospitalisations

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Dans les manuels d’histoire du Québec, la semaine qui s’achève fera époque comme celle de l’hécatombe des aînés. Alors que les hospitalisations se stabilisent, et que les admissions aux soins intensifs commencent à fléchir, la grande faucheuse de la COVID-19 a frappé fort – très fort – dans les résidences de personnes âgées.

À Pâques, le Québec comptait 13 577 cas d’infection, 879 hospitalisations, 226 admissions aux soins intensifs, et 360 décès cumulatifs.

Jeudi, 16 avril – quatre jours plus tard – le premier ministre François Legault résumait : la situation est « sous contrôle » dans les hôpitaux, mais « critique » dans les CHSLD, les centres d'hébergement et de soins de longue durée.

En clair, les infections et les hospitalisations ont épousé la même courbe d’augmentation à hauteur de 16 ou 17 % durant toute la semaine.

Le nombre de ceux qui sont très malades, et qui ont dû être admis aux soins intensifs, a diminué de 7,5 %. C’est – tout de même – la bonne nouvelle de la semaine.

L’explosion des décèsMais l’horreur s’est terrée dans la courbe des morts cumu-latifs qui a explosé de 75 % en quelques jours. Jeudi, on comptait déjà 630 victimes.

Toute la semaine, le directeur national de la santé publique, le Dr Horacio Arruda, a rappelé que « 90 % des victimes sont âgées de 70 ans et plus ». Le Mal se nourrit du sang des aînés. 

Et la très grande majorité des victimes habitent des éta-blissements publics ou des CHSLD privés et conventionnés.

Dès samedi dernier, l’hécatombe survenue au CHSLD Herron, à Dorval, avait donné le ton à cette funeste semaine.

Le premier ministre a dû renoncer à une partie ses

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Funeste semaineLaurent Soumis Journaliste responsable de l’accompagnement

n° 03 | vendredi, 17 avril 2020

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vacances pascales pour reprendre le gouvernail et faire face à la musique.

On ne pourra pas sauver tout le monde Dès mardi, François Legault a reconnu le drame qui com-mençait à se dessiner. « Notre priorité est la situation dans les CHSLD et dans les résidences pour aînés. On a besoin de bras. On ne pourra pas sauver tout le monde. »

En conférence de presse, il a insisté pour dire que la plupart des démocraties occidentales affrontaient la même vague meurtrière.

Le premier ministre n’avait pas tort. À Paris, dans le journal Le Monde, un collaborateur osait parler de « génocide générationnel ».

À trop vouloir protéger le système hospitalier, on a finalement négligé les personnes vulnérables qui vivent – souvent 24 heures par jour – dans des milieux fermés fertiles aux éclosions. Les autorités l’ont finalement admis.

Mardi, le Dr Arruda lançait un appel à l’aide aux per-sonnes aidantes qui pourraient donner un coup de main dans les « zones froides » des CHLSD. Le lendemain, François Legault était rendu en mode « S.O.S. ».

Une urgence nationale« Je fais appel au sens du devoir des médecins spécialistes. Venez nous aider. Il y a une urgence nationale dans les CHSLD », a lancé le premier ministre Legault.

Après s’être fait tirer l’oreille, le syndicat des spécialistes a accepté de mettre l’épaule à la roue. En échange d'un subs-tantiel pécule. Ce qui témoigne du serment d’Hippocrate des négociateurs syndicaux.

Vingt-quatre heures plus tard, « 2000 médecins ont répondu à mon appel », annonçait François Legault. « Je les remercie. »

Jeudi, le premier ministre devait toutefois se rendre à l’évidence. Certes, les Forces armées canadiennes comptent quelques médecins, la plupart réservistes, mais ils officient déjà dans la pratique civile.

Même si le premier ministre Justin Trudeau a accepté théoriquement de répondre à son appel à l’aide, François Legault a finalement admis qu’il pouvait espérer le déploie-ment de, tout au plus, « 60 à 100 » docteurs ou infirmiers militaires.

Après les aidants, les spécialistes et les militaires, voici les étudiantsLa ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, regardait déjà ailleurs. Ainsi, a-t-elle lancé, les étu-diants finissants en santé et services sociaux viendront cette année faire leur stage en CHSLD.

Les professeurs et employés de soutien du réseau de l’éducation sont aussi attendus. Et les étudiants à la recherche d’un emploi d’été pourront bénéficier d’une formation gratuite s’ils veulent devenir préposés aux béné-ficiaires.

Toute la semaine, le Dr Arruda a saupoudré l’idée qu’on avait atteint « le pic de la courbe » attendu normalement, selon les modèles jugés les plus probables, pour le samedi, 18 avril.

Un douloureux chemin de croixEn des temps normaux, pour les catholiques pratiquants, la semaine d’avant Pâques est celle de la Passion. Celle d’après Pâques célèbre la Résurrection.

L’histoire s’est  aujourd’hui retournée. Inversée.Pour les plus âgés d’entre nous, la dernière semaine aura

été surtout celle d’un douloureux chemin de croix vers un calvaire incertain. Celui-là même du « pic » tant attendu.

*Sondage web réalisé du 13 au 16 mars 2020

des interviewés disent que le travail du

magazine L’Itinéraire est essentiel à la société

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Alors que le coronavirus continue de se propager à travers le monde, la pandémie affecte les camelots des quelque 100 journaux de rue du monde, des personnes vulnérables qui n’ont pas de « chez eux » et pour qui la vente dans la rue représente tout.

Comme L’Itinéraire, tous les journaux de rue sans exception doivent se battre pour leur survie tout en s’assurant du bien-être de leurs camelots. Ces personnes vulnérables sont pour la plupart sans revenu, effet direct de la pandémie. La vente de leur journal est un filet de sécurité vital dans leur cas. Ces journaux de rue mettent les bouchées doubles pour les protéger. Petit tour d’horizon à travers le monde.

Allemagne• Lockdown depuis le 22 mars 2020• 430 000 personnes à risque selon l’Institute Global of Homelessness (IGH)Les locaux de Bodo Street Paper sont basés à Dortmund. Depuis le 22 mars, le gouvernement a ordonné des restric-tions dans les contacts. La plupart des magasins, à l’exception des épiceries et des pharmacies, sont fermés. Dans certaines villes, de nombreux services d’aide spontanés ont été créés, comme les soupes populaires de quartier. Mais les sans-abri ne sont pratiquement pas testés en raison de la fermeture de l’ensemble des infrastructures et des conditions d’hygiène difficiles. Quant aux camelots, ils ont perdu leurs revenus de ventes. Bodo leur envoie donc des bons d’achat pour qu’ils puissent faire leur épicerie. Les gouvernements ne prévoient pas un assouplissement des mesures avant le 20 avril.

Argentine• Lockdown depuis le 21 mars 2020• 8000 sans-abri à risque à Buenos Aires, aucune estimation nationaleLes bureaux de Hecho en Bs ont fermé pour la première fois en 20 ans d’existence. La circulation dans les rues est interdite, le gouvernement a prolongé l’isolement de trois semaines. Quelques dons de nourriture ont été reçus, mais le journal ne peut se vendre dans la rue puisqu’il n’y a personne. Un bonus est offert par le gouvernement aux travailleurs non qualifiés comme les camelots pendant qu’un système de vente en ligne du magazine est en création.

Australie• Lockdown depuis le 30 mars 2020• 116 427 personnes à risque selon l’IGHTout comme L’Itinéraire, The Big Issue Australia se tourne vers le numérique. La vente du magazine dans la rue est suspendue depuis le 27 mars. Les

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en mode survie !Les journaux de rue du monde

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bureaux restent ouverts pour soutenir les camelots. Chaque État a pris différentes mesures pour respecter la distanciation physique. Six millions de dollars (AUD)ont été investis pour des hébergements de crise.

Corée du Sud• Pas de lockdown • 11 340 personnes à risque selon l’IGHLe modèle de gestion de crise à la coréenne a été salué par les autorités sanitaires. Bien que les ventes de The Big Issue Korea dans la rue soient en baisse de 60 % depuis le mois de février, des parrainages avec des entreprises ont été mis en place pour créer un fond de survie. Il complètera le soutien donné par le gouvernement. Les camelots vendent toujours le magazine dans la rue, mais doivent se soumettre à des prises de température lorsqu’ils rentrent dans les locaux de la rédaction. Un revenu minimum pour tous les citoyens de 500 000 wons (576 $CAN) par mois a été instauré par le gouvernement depuis le mois de mars.

Danemark• Lockdown depuis le 11 mars• 6138 personnes à risque selon l’IGHHus Forbi a signé un accord avec trois jour-naux nationaux danois pour publier une édition spéciale du journal de rue en avril. Le rédacteur en chef Poul Struve Neilsen s’est auto-isolé après avoir ressenti les premiers symptômes. L’édition spéciale a été envoyée à l’ensemble des abonnés pour Pâques. Le journal est toujours vendu par les camelots qui n’ont pas d’autre option. Deux accords ont été signés : l’un avec une chaîne d’auberges de jeunesse pour loger ceux qui en ont besoin et l’autre avec une entreprise alimentaire qui envoie des bons d’achat aux camelots.

Japon• État d’urgence déclaré• 4977 personnes à risque selon l’IGHDepuis la mi-mars, les bureaux d’Osaka et de Tokyo de The Big Issue Japan ont adapté leurs heures d’ouverture. Les camelots peuvent recevoir des services alimentaires à l’extérieur des locaux. Une campagne de dons pour récupérer des denrées a été organisée et l’objectif a été atteint en quelques jours grâce aux influen-ceurs. Les ventes ont baissé d’environ 30 % pour le numéro du 1er mars, c’est le pire chiffre depuis des années pour le magazine de Tokyo. Quant à celui d’Osaka, une telle baisse des ventes ne s’était pas vue depuis 16 ans.

Mexique• Pas de lockdown• Entre 15 000 et 30 000 personnes à risque selon les ONGMi Valedor, le journal de rue de Mexico a annoncé son intention de continuer à travailler à distance le 29 mars. Les employés proposent des éditions du magazine gratuitement aux camelots pour compenser la baisse des ventes. D’ailleurs, il est toujours possible de vendre dans la rue. Beaucoup d’énergie est toutefois déployée pour encourager les abonnements et les dons afin de soutenir les camelots.

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Suède• Pas de Lockdown• 34 000 personnes à risque selon l’IGHSarah Britz, rédactrice en chef de Faktum se questionne. Les Suédois sont-ils stupides ou font-ils ce qu’il faut ? Cette question, large-ment discutée au pays, rompt avec le schéma traditionnel de la gestion mondiale de la crise sanitaire. Comme la Corée du Sud et Taïwan, la Suède n’a pas opté pour un confinement de la population. Les déplacements sont autorisés dans les rues en toute liberté tant qu’une distance sociale est assurée. Les bureaux de la rédaction sont situés dans le sud du pays et les camelots continuent de vendre le magazine. Bien évi-demment, la question du temps reste entière. La peur d’une contamination a néanmoins entraîné une baisse drastique des ventes affectant directement l’organisme et la rédaction. Une collecte de fonds a été mise en place et une édition est envoyée à chaque donateur.

Suisse• Lockdown depuis le 17 mars 2020• Entre 3000 et 8000 personnes à risque selon l’IGHLe journal de rue Surprise est disponible en ligne. Une collecte de fonds a été organisée pour soutenir les came-lots et maintenir les services psychosociaux. Un peu plus de 450 camelots et 14 guides touristiques sont touchés puisque leurs revenus dépendent directement de la vente du magazine et des visites guidées dans la rue. L’équipe de Surprise tente de maintenir tous ses services, car, tout comme L’Itinéraire, ils sont bien plus qu’un magazine de rue.

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Compilation faite par Liam Geraghty / The Big Issue (Royaume-Uni) / INSP

Traduit par Alexandra Guellil

N’oubliez pas les personnes les plus vulnérables et merci de continuer à appuyer L’Itinéraire et nos camelots.

itineraire.ca/faire-un-donPour donner :

Nous faisons appel à votre générosité et solidarité dans cette situation exceptionnelle, pour nous permettre, à tous, de traverser cette épreuve dont l’issue est incertaine.

Merci

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PARTENAIRES MAJEURS

L’Itinéraire EST MEMBRE DE

Interaction du quartier

Community CouncilPeter-McGill

PRINCIPAUX PARTENAIRES DE PROJETS

Nous tenons à remercier le ministère de la Santé et des Services sociaux de même que le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal pour leur contribution financière permettant ainsi la poursuite de notre mandat.

LUC DESJARDINSDirecteur général et éditeur

RÉDACTION

JOSÉE PANET-RAYMONDÉditrice adjointe et rédactrice en chef

ALEXANDRA GUELLILJournaliste, responsable société

LAURENT SOUMISJournaliste accompagnateur

KARINE BÉNÉZETJournaliste, formation des participants

MILTON FERNANDESCréation visuelle

ALEXANDRE DUGUAYGestionnaire de communauté

IANIK MARCIL Collaborateur

JUAN CARLOS JIMENEZWebmestre bénévole

ADMINISTRATION

ESTELA SOLORZANOResponsable de la comptabilité

MARCELA CHAVESAdjointe comptable – Commis au dépot

NANCY TRÉPANIERAdjointe administrative

PASCALE PLANETDéveloppement philanthropique – Médias sociaux

DÉVELOPPEMENT SOCIAL

CHARLES-ÉRIC LAVERYChef du développement social

ISABELLE LACHARITÉIntervenante psychosociale

PIERRE TOUGAS Responsable du Café

VANESSA TREMBLAY Chargée de projet – Distribution

CONSEIL D’ADMINISTRATION

PrésidenteJESSICA MAJOR - Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L./ s.r.

TrésorierGRÉGOIRE PILON - Ernst & Young S.E.N.C.R.L./ s.r.l

Vice-président YVON MASSICOTTE - Camelot de L’Itinéraire

Secrétaire FRANCK BÉZIAUD - Banque Nationale

Administrateurs MIVILLE TREMBLAYSOPHIE RONDEAU - Avocate et doctorante en droitALEXANDRE VERDUN - Camelot de L’ItinéraireJEAN-CLAUDE NAULT - Camelot de L’ItinéraireJEAN-PAUL LEBEL - Camelot de L’Itinéraire

RÉDACTION ET ADMINISTRATION2103, rue Sainte-Catherine Est

Montréal (Qc) H2K 2H9

LE CAFÉ L’ITINÉRAIRE 2101, rue Sainte-Catherine Est

Téléphone : 514 597-0238 Télécopieur : 514 597-1544

Site : www.itineraire.ca