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Analyse de livres 477 pas suivi le débat. Il élargit ce débat à un ensemble de réflexions sur les nouvelles conceptions de la pédopsychiatrie, notamment la nosographie (aspects réducteurs des classifications internatio- nales) et sur les pratiques (risque d’abus dans la prescription de psychotropes). Pierre Delion fait un plaidoyer pour la psycha- nalyse qui est actualisée et appliquée à l’aune des changements sociétaux mais qui reste droite dans ses bottes, de l’évaluation jusqu’aux psychothérapies. Le chapitre sur les spécificités du développement de l’enfant fait uniquement référence aux théo- ries psychodynamiques. L’auteur agrémente son propos de cas cliniques pertinents, mais dont les conditions répondent bien au travail psychodynamique proposé. Or, dans le domaine des troubles des conduits, on est malheureusement très souvent confronté à la présence de facteurs socioculturels et écono- miques lourds qui rendent difficiles l’accès à l’élaboration, à la mobilisation psychique et à la participation de la famille. Dans une présentation d’adolescent violent et délinquant, Pierre Delion nous avoue d’ailleurs honnêtement que, dans ce cas, le recours à la justice s’impose comme préalable à un travail relationnel. L’ouvrage critique les orientations actuelles au risque de paraître insuffisamment étayé sur le plan scientifique. On peut relever, en effet, des simplifications opposant génétique et envi- ronnement psychologique. Les processus génétiques peuvent générer, en effet, des troubles à distance bien après trois ans malgré un environnement satisfaisant (exemple des troubles bipolaires...). De plus, il serait injuste de faire un procès d’intention au rapport Inserm sur certains points. En effet, ce der- nier n’évite pas la discussion complexe des relations réciproques entre les facteurs psychosociaux pouvant perturber le jeune enfant (abus de substances, troubles des conduites et dépression des parents, violences domestiques, chômage...) et leur traduc- tion biologique (héritabilité de l’impulsivité, de l’addictivité...). Le livre de Pierre Delion est, au final, un bon contrepoids au rapport Inserm qui peut pécher par l’utilisation trop exclusive de méthodologies et de raisonnements appliqués en psychiatrie de l’adulte. Il nous rappelle le regard humaniste particulier que tout adulte doit au petit d’homme pour citer le livre de la jungle (car l’enfant est de plus en plus souvent abandonné au sein d’une société qui est une véritable jungle), le danger des déterminismes dans le développement de l’enfant et l’espoir que l’on doit accorder de droit aux adolescents pourtant engagés dans des processus antisociaux et/ou déviants. Pascal Lenoir Service universitaire de pédopsychiatrie, CHU Bretonneau 37044 Tours cedex 9, France Adresse e-mail : [email protected] doi:10.1016/j.neurenf.2008.05.002 Un chemin de langage dans le lacis de l’autisme, G. Pierre. Édition L’Harmattan, Paris (2007) Il s’agit du récit d’un père concernant sa fille, souffrant d’autisme, depuis la naissance de celle-ci en 1954 jusqu’à main- tenant. Au cours de ce récit, témoignage en première ligne de ce qu’on pu écrire depuis le début, sa fille, Anne-Christine, lui-même, Elisabeth, sa femme et mère de ses trois enfants, décédée il y a maintenant 16 ans, Jacqueline, sa seconde épouse et beaucoup d’autres familiers ou amis. M. Gilbert Pierre nous fait rentrer avec beaucoup de pudeur, mais aussi d’authenticité dans sa propre vie de père, d’époux, de haut fonctionnaire et bien entendu dans celle de sa famille, d’Anne-Christine et des familiers. À ma connaissance, c’est le seul témoignage publié d’un père alors que dans la littérature spécialisée on peut se référer à une vingtaine des récits de mères d’enfants autistes. On apprend beaucoup dans la lecture de cet ouvrage, écrit très remarquablement, avec beaucoup de finesse, d’empathie et d’amour pour sa fille, mais aussi de respect des différents intervenants et professionnels sollicités. De ce point de vue là, c’est un témoignage particulièrement utile dans le domaine de l’histoire de la psychiatrie de l’enfant, puisque apparaissent quelques grands noms de celle-ci, Georges Heuyer, Mmes Sechehaye et Franc ¸oise Dolto, Clément Launay, René Diat- kine, mais aussi d’autres professionnels, avec un hommage rendu à quelque chose qui a beaucoup aidé ce père dans ses échanges avec sa fille à l’âge adulte à savoir, la « communication facilitée », au sujet de laquelle il se pose bien entendu des questions sur sa validité scientifique, mais dont il nous dit très bien à quel point cela lui a permis de partager quelque chose d’essentiel d’une communication intersubjective avec sa fille. C’est donc un ouvrage que je ne peux que vivement recom- mander. P. Mazet Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, hôpital de la Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France Adresse e-mail : [email protected] doi:10.1016/j.neurenf.2008.05.008

G. Pierre, ,Un chemin de langage dans le lacis de l’autisme (2007) Édition L’Harmattan,Paris

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a mobilisation psychique et à la participation de la famille.ans une présentation d’adolescent violent et délinquant, Pierreelion nous avoue d’ailleurs honnêtement que, dans ce cas,

e recours à la justice s’impose comme préalable à un travailelationnel.

L’ouvrage critique les orientations actuelles au risque dearaître insuffisamment étayé sur le plan scientifique. On peutelever, en effet, des simplifications opposant génétique et envi-onnement psychologique. Les processus génétiques peuventénérer, en effet, des troubles à distance bien après trois ansalgré un environnement satisfaisant (exemple des troubles

ipolaires. . .). De plus, il serait injuste de faire un procès’intention au rapport Inserm sur certains points. En effet, ce der-ier n’évite pas la discussion complexe des relations réciproquesntre les facteurs psychosociaux pouvant perturber le jeunenfant (abus de substances, troubles des conduites et dépressiones parents, violences domestiques, chômage. . .) et leur traduc-ion biologique (héritabilité de l’impulsivité, de l’addictivité. . .).

Le livre de Pierre Delion est, au final, un bon contrepoids auapport Inserm qui peut pécher par l’utilisation trop exclusivee méthodologies et de raisonnements appliqués en psychiatriee l’adulte. Il nous rappelle le regard humaniste particulierue tout adulte doit au petit d’homme pour citer le livre de laungle (car l’enfant est de plus en plus souvent abandonné auein d’une société qui est une véritable jungle), le danger deséterminismes dans le développement de l’enfant et l’espoirue l’on doit accorder de droit aux adolescents pourtant engagésans des processus antisociaux et/ou déviants.

Pascal LenoirService universitaire de pédopsychiatrie, CHU Bretonneau

37044 Tours cedex 9, France

Adresse e-mail : [email protected]

oi:10.1016/j.neurenf.2008.05.002

livres 477

n chemin de langage dans le lacis de l’autisme,. Pierre. Édition L’Harmattan, Paris (2007)

Il s’agit du récit d’un père concernant sa fille, souffrant’autisme, depuis la naissance de celle-ci en 1954 jusqu’à main-enant. Au cours de ce récit, témoignage en première ligne dee qu’on pu écrire depuis le début, sa fille, Anne-Christine,ui-même, Elisabeth, sa femme et mère de ses trois enfants,écédée il y a maintenant 16 ans, Jacqueline, sa seconde épouset beaucoup d’autres familiers ou amis. M. Gilbert Pierre nousait rentrer avec beaucoup de pudeur, mais aussi d’authenticitéans sa propre vie de père, d’époux, de haut fonctionnaire etien entendu dans celle de sa famille, d’Anne-Christine et desamiliers. À ma connaissance, c’est le seul témoignage publié’un père alors que dans la littérature spécialisée on peut seéférer à une vingtaine des récits de mères d’enfants autistes.n apprend beaucoup dans la lecture de cet ouvrage, écrit

rès remarquablement, avec beaucoup de finesse, d’empathiet d’amour pour sa fille, mais aussi de respect des différentsntervenants et professionnels sollicités. De ce point de vueà, c’est un témoignage particulièrement utile dans le domainee l’histoire de la psychiatrie de l’enfant, puisque apparaissentuelques grands noms de celle-ci, Georges Heuyer, Mmesechehaye et Francoise Dolto, Clément Launay, René Diat-ine, mais aussi d’autres professionnels, avec un hommageendu à quelque chose qui a beaucoup aidé ce père dans seschanges avec sa fille à l’âge adulte à savoir, la « communicationacilitée », au sujet de laquelle il se pose bien entendu desuestions sur sa validité scientifique, mais dont il nous ditrès bien à quel point cela lui a permis de partager quelquehose d’essentiel d’une communication intersubjective avec salle.

C’est donc un ouvrage que je ne peux que vivement recom-ander.

P. MazetService de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent,hôpital de la Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital,

75013 Paris, France