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Gabriel Matzneff

La Séquence de

l’Énergumène

« Mais notre véritable star s’appelait Gabriel

Matzneff. À force d’irriter les lecteurs, Gabriel

Matzneff avait fini par les fasciner : devenu

collaborateur régulier de nos tribunes libres, on

ne pouvait plus s’en passer. Il manquait,

cependant, une corde à son arc : pourquoi ne

pas confier à Matzneff la télévision ? Combat,

qui n’accordait guère de place au petit écran,

aurait ainsi une chronique libre, dont le point

de départ serait toujours une émission, un

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débat ou, au besoin, une intrigue de couloir.

La Séquence de Gabriel Matzneff fait partie des

points d’orgue de ces années folles. »

(Henry Chapier, Quinze ans de « Combat »)

Le général de Gaulle règne sans état d’âme sur

une télévision aux ordres. À la veille de la

première élection présidentielle au suffrage

universel de la Ve République, le jeune Gabriel

Matzneff, frondeur et partisan de François

Mitterrand, ferraille sans trêve contre le

pouvoir, persifle la bêtise des divertissements

dont celui-ci ahurit le peuple. Un bouquet de

joyeux duels qui, en 2012, n’a rien perdu de

son actualité politique, libertaire.

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EAN numérique : 978-2-7561-0664-9

EAN livre papier : 9782756103600

www.leoscheer.com

978-2-7561-0663-2

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LA SÉQUENCE DE L’ÉNERGUMÈNE

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© Éditions Léo Scheer, 2012www.leoscheer.comwww.matzneff.com

DU MÊME AUTEUR

ROMANS

L’Archimandrite, La Table Ronde et La Petite VermillonNous n’irons plus au Luxembourg, La Table Rondeet La Petite VermillonIsaïe réjouis-toi, La Table Ronde et La Petite VermillonIvre du vin perdu, La Table Ronde et FolioHarrison Plaza, La Table RondeLes Lèvres menteuses, La Table Ronde et FolioMamma, li Turchi !, La Table Rondeet La Petite VermillonVoici venir le Fiancé, La Table RondeLes Émiles de Gab la Rafale (roman électronique),Léo Scheer

POÈMES

Douze poèmes pour Francesca, La Table RondeSuper flumina Babylonis, La Table Ronde

Suite de la bibliographie en fin de volume

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GABRIEL MATZNEFF

LA SÉQUENCE DE L’ÉNERGUMÈNE

Éditions Léo Scheer

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PRÉFACE

Dans mon carnet noir de l’automne 19621, jeraconte la manière dont Philippe Tesson m’offritde publier une chronique hebdomadaire à la unede Combat, dont il était le rédacteur en chef, maisà l’automne de l’année suivante – 1963 et 1964couvrent une période où je tins peu mon journalintime2 – je ne note rien à propos de l’idée qu’eutHenry Chapier, qui en dirigeait les pages artistiques,de me confier une chronique de télévision et del’intituler : La Séquence de Gabriel Matzneff. Unetélévision balbutiante, en noir et blanc, qui nedisposait que d’un canal : au cours de ce récit, vousassisterez à la naissance de la deuxième chaîne etde la couleur. Une télévision subjuguée par l’État

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1. Cette camisole de flammes.2. L’Archange aux pieds fourchus.

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qui en avait le monopole et la tenait, avec uneahurissante bonne conscience, pour l’instrumentlégitime de son pouvoir.Chapier inventait cette Séquence pour me rendreservice. À cette époque, n’ayant publié aucun livre(Le Défi paraîtra en mars 1965, L’Archimandrite enseptembre 1966), je ne touchais pas les moindresdroits d’auteur. Je donnais à Combat mon articledu jeudi qui m’était payé vingt francs – cela faisaitquatre-vingt francs par mois1 – et, de temps àautre, des articles à l’hebdomadaire Aux Écoutesque dirigeait Mme Paul Lévy, la mère de monfutur ami et avocat Thierry Lévy, des articles, eux,fort bien payés, que je signais de mon nomlorsqu’ils paraissaient tels quels et « Gygès » quandla rédaction les censurait.

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1. J’ai touché vingt francs par chronique jusqu’en 1969.Lorsque Henry Smadja apprit que j’allais me marier enjanvier 1970 il m’annonça qu’à partir de cette heureusedate je serais augmenté et recevrais trente francs. Pourdonner à mes plus jeunes lecteurs une idée de ce quereprésentaient de telles sommes : au Rendez-vous desCamionneurs, le restaurant aujourd’hui disparu du quaides Orfèvres qui joue un rôle d’importance dans Nousn’irons plus au Luxembourg, un repas complet (hors d’œuvre,

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Ce nonobstant, je ne réussissais pas à joindre lesdeux bouts. Je le dis à Chapier qui, en accord avecHenry Smadja – le grand patron que tout le mondeappelait « Papa » – et Philippe Tesson, décida de créercette chronique personnelle, intempestive (Combatavait deux journalistes spécialistes de télévision,moi, c’était clair, j’étais là pour tout autre chose !),qui allait me permettre de payer le loyer de machambre, quai des Grands-Augustins, et ma carted’abonnement à la piscine Deligny, quai Anatole-France. Voici en quels termes Henry Chapier, le 29octobre 1963, l’annonça :« Il est inutile, croyons-nous, de présenter GabrielMatzneff à nos lecteurs. Ceux qui ont pris l’habi-tude de suivre les constantes batailles qu’il a menéesdans nos colonnes contre le confort intellectuel, lessorcières et les loups-garous, ne seront pas surprisde lui voir confier une chronique du petit écran.Cette Séquence quotidienne s’ouvre sous le signe dela démystification. »Et moi-même, je précisai :« N’ayant quasiment jamais regardé la télévision,c’est vêtu de probité candide et de lin blanc que

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plat, dessert, vin, café), en 1963, coûtait huit francs, c’est-à-dire un euro et vingt-deux centimes.

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je pénètre dans l’univers de la rue Cognacq-Jay.Mon œil est neuf, mon jugement vierge de toutprésupposé, mes capacités d’enthousiasme etd’indignation sont celles du néophyte. Souhaitonsqu’au contact quotidien elles ne s’effritent pastrop vite. »La drôlerie était que, lorsqu’Henry Chapier meconfia cette tâche, je n’avais ni téléviseur, ni l’envied’en acheter un, ni d’ailleurs les moyens. Pouravoir une vague idée de ce qui se déroulait sur lepetit écran ce fut donc chez des amis que, durantdes mois, je vis la téloche, en particulier chez lesPierre Struve1 où j’avais mon rond de serviette. Cene sera que plus d’un an après la publication dema première Séquence que, grâce à Michel Camus,qui n’était pas encore l’éditeur et l’écrivain qu’ildeviendra mais occupait un poste d’importance àla Thomson, celle-ci m’offrit un magnifique postenuovo di zecca. Je me souviens très bien du jouroù cette grosse boîte fit son entrée dans mon étroitlogis – le mercredi 23 décembre 1964 – car ce jour-

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1. Le docteur Pierre Struve, ordonné prêtre le 8 mars 1964à l’Institut orthodoxe Saint-Serge de Paris, mourut d’unaccident d’automobile, alors qu’il se rendait au chevet deses malades, le 3 décembre 1968.

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là, ma petite amie, Thérèse L., et moi, après avoirdéjeuné chez les Jacques Perret (qui habitaient alorsrue de l’Ancienne-Comédie), nous étions retournésdans mon placard du quai des Grands-Augustinset, quand l’ouvrier qui apportait le téléviseur sonnaà ma porte, Thérèse, quasi nue, s’enroula à la hâtedans le sac de couchage qui me servait d’édredon.La Séquence fut une aventure très amusante, j’espèreque les lecteurs de ce florilège s’en rendront compte.Ce fut aussi l’unique période de ma vie où je mesuis senti journaliste, incorporé à une rédaction,et c’est spontanément que dans ces pages souventrédigées sur un coin de table, rue du Croissant, pourévoquer Combat, je dis « Nous ». Certes, du tempsoù je n’étais pas un maudit1, j’écrivais beaucoupdans les gazettes – les cinq recueils d’articles publiésà ce jour en témoignent –, mais toujours commeécrivain de l’extérieur. La Séquence fut ma seulevéritable expérience journalistique, et j’y prisbeaucoup de plaisir.

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1. Les Éditions Vallecchi, de Florence, ont, à l’automne2010, publié un livre collectif intitulé I Maledetti, « LesMaudits », consacré à plusieurs personnages scandaleux, infré-quentables. Tous ces maudits (du Caravage à Gainsbourg,

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Jusqu’alors, pour moi, la vie artistique et spirituellese resserrait dans les œuvres de mes maîtres : lesécrivains, les peintres, les sculpteurs, les compo-siteurs, les cinéastes, les acteurs, les chanteurs quej’admirais et qui, dans mon adolescence, m’avaientaidé à me connaître, à accoucher de moi-même, àoser devenir celui que j’étais. Un univers intime, àcontre-courant, et je n’avais pas la moindre idée dece que pouvait être celui du commun. Aussi, lelecteur de ma Séquence sera-t-il frappé par la juvé-nile naïveté avec quoi je m’y indigne de la bêtise etde la vulgarité des spectacles dits « de variétés », desjeux, que propose la télévision ; par la stupeur queje confesse ingénument à observer que plus cesémissions sont vulgaires et bêtes – le degré suprêmedu décervelage prédit par Jarry dans Le Père Ubu –plus elles sont populaires, plus elles ont du succès.Oui, naïveté de mes indignations, ingénuité ausside mes enthousiasmes quand je puis par exceptionfaire l’éloge d’un beau spectacle, d’une soirée télé-visée qui élève le cœur et l’âme. À l’époque, eneffet, je berçais l’illusion que la raison d’être du

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de Nietzsche à Oscar Wilde, de Paganini à Evola, de Verlaineà Klaus Kinski) sont morts et enterrés, il n’y a, dans cetteliste sulfureuse, que deux vivants : Mick Jagger et bibi.

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petit écran est d’éduquer le public, de l’instruire.Aujourd’hui, je sais qu’il n’en est rien, et que, pourles autorités en place, divertir les masses signifieuniquement les anesthésier. Dans Striscia la tivù,paru en 19981, ce génie de la télévision italiennequ’est Antonio Ricci déroule les raisons pourlesquelles ceux qui rêvent d’une télévision péda-gogique, « culturelle », se fichent le doigt dans l’œiljusqu’au coude, mais entre 1963 et 1966 je nepossédais pas les instruments qui m’auraient permisde le comprendre.Au demeurant, Dieu merci, dans ma Séquence, leplus souvent, je parle de tout sauf de télévision (etje l’écris en songeant à des lecteurs qui, commemoi, ne la regardent pas) ; très vite ce stimulantjouet que m’a offert Henry Chapier tend à devenirune sorte de post-scriptum à la chronique qui chaquejeudi paraît à la une de Combat : je brocarde lespuissants du jour, sur un ton tantôt grave et tantôtbouffon, je fronde le pouvoir, qui, peu habitué àune telle liberté de ton, perd patience (« Il fautmuseler cet énergumène ! »), je défends les causes quime sont chères, je célèbre les passions (amoureuses,esthétiques, religieuses) qui m’animent. J’y suis

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1. Antonio Ricci, Striscia la tivù, Einaudi, 1998.

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déjà – feignant de parler des autres – déterminémentmoi-même.L’année 1965 sera, de toute ma vie, celle où j’auraiconsacré le plus de temps à mes activités de chroni-queur : à Combat, ma tribune du jeudi en premièrepage, ma séquence quotidienne en pages spectacles,mais aussi à La Nation française de Pierre Boutang,aux Lettres françaises de Louis Aragon, au NouvelObservateur de Jean Daniel, au Crapouillot de Jean-Jacques Pauvert, à Aux Écoutes de Mme Paul Lévy,dans des feuilles confidentielles de l’Église ortho-doxe, ailleurs encore. En mars, la publication duDéfi a fait de moi un des golden boys du moment,je suis fêté, courtisé : cédant à une douce ivresse,je jouis de cet état de grâce que je sais être, parnature, éphémère, j’écris partout, je sors, je medisperse, je me laisse agréablement dévorer par cevedettariat fugace, illusoire, où tant de brillantsjeunes gens, à chaque génération, s’ils ne sont pasassez lucides pour réagir, sombrent sans rémission.Outre ce plaisir un peu idiot, mais excusablelorsqu’on publie son premier livre, que j’éprouveà être à la mode, il y a – dans un registre plusnoble – la bataille de l’élection du président de laRépublique au suffrage universel dans laquelle, auxcôtés de François Mitterrand, je me jette avec une

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fougue mousquetaire et frondeuse. Si j’ajoute qu’encette année 1965 je deviens l’amant d’une lycéenne,Tatiana, qui un jour sera ma femme, on comprendque je sois fort occupé.Pendant ce temps, le manuscrit de L’Archimandriteque j’ai commencé d’écrire à la caserne dort dansun tiroir. Ce sont deux aînés qui, me convaincantque l’unum necessarium, c’est mon roman, que lereste est secondaire, m’arrachent aux charmesdélétères du parisianisme. L’un, Louis Aragon,m’explique que, lorsque nous commençonsd’écrire un roman, nous ne devons pas le laissertrop longtemps au repos, sous peine, lorsque nousreprenons notre manuscrit, de ne pas trouver nospersonnages là où nous les avions laissés. L’autre,Henry de Montherlant, me gourmande : « Lesmoustaches de Wladimir d’Ormesson, la campagneélectorale, c’est drôle, divertissant, mais ce n’est passérieux, et en outre, à chaque Séquence, vous vousfaites un ennemi par paragraphe, des ennemis quivous suivront toute votre vie, les gens sont trèsrancuniers, et vous, inconscient ! Vous êtes unécrivain, ne vous laissez pas bouffer par le jour-nalisme. Vous devez rompre avec l’actualité,prendre le large, vous plonger dans l’écriture devotre roman. »

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Je suis un garçon discipliné qui, s’il obéit rarementaux injonctions de ses maîtresses, suit toujours lesconseils de ses maîtres. Je décidai donc de quitterParis. J’en parlai à Henry Smadja qui, princier,m’offrit le logis et le couvert dans le plus bel hôtelde Tunis, le Claridge, dont il était propriétaire.— Restez le temps que vous voulez. Vous êtes monhôte, considérez-vous-y comme chez vous.À Tunis, me consacrant à L’Archimandrite (je parleici de mes activités avouables), je n’écrivis que deuxtextes pour les gazettes : l’un, paru au Monde le8 janvier 1966 et recueilli en 1995 dans Le Dîner desmousquetaires sous le titre « Daru, Constantinopleet Moscou » ; l’autre, intitulé « La dernièreséquence », publié à Combat le 15 février 1966,qui constitue l’ultime page du présent livre.Un livre dont quasi tous les personnages sontmorts, où je décris un monde englouti, ressuscitedes fantômes qui eurent leur moment de noto-riété, voire de célébrité, mais dont aujourd’hui(fors quelques grosses pointures) les noms ne disentrien, ab-so-lu-ment-rien, à mes jeunes lectrices etlecteurs. Belle leçon d’humilité. Relisant ces pagesanciennes, et tombant sur tel glorieux de la politiqueou du spectacle, alors gonflé de son importancemédiatique, sociale, à présent oublié de tous, j’ai

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souvent souri, parfois éclaté de rire. Quelle victoire !Comme j’avais raison de les mettre en boîte, deles narguer, de les traverser de mes flèches !Cependant, cet univers souvent digne de mépris,j’y demeure affectionné, j’éprouve pour lui unecoupable tendresse, car, quoi que j’en aie, c’est lemien, celui de mon entrée dans la vie adulte, demes premiers écrits, d’amitiés précieuses etd’amours décisives ; c’est ma jeunesse, celle d’unhomme libre, d’un intempestif énergumène queles quakeresses et les pharisiens du nouvel ordremoral qui, avec une rapidité consternante, vas’impatroniser de la planète ne parviendrontjamais à museler.

G. M.

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« — Il sera grand, ce journal ?— Plutôt élastique : cela dépendra du programme de

la journée, et de l’inspiration du moment.— Moi, je me spécialiserai

dans les petites annonces, proclama Dany.— Moi, les reportages, fit Léo.

— Moi, j’interpellerai le Gouvernement,déclara Christian. Y a que ça de vrai ! »

Serge Dalens, Le Bracelet de vermeil, chap. 2(Éditions Alsatia, 1937)

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1. En 2005, Les Moins de seize ans et Les Passions schismatiques ontété réunis en un seul volume, augmentés d’une préface inédite.

Du même auteur, suite

RÉCITS

Comme le feu mêlé d’aromates, La Table Rondeet La Petite VermillonLe Carnet arabe, La Table Ronde et La Petite VermillonBoulevard Saint-Germain, Le Rocher et La Petite Vermillon

ESSAIS

Le Défi, La Table Ronde et La Petite VermillonLes Moins de seize ans, Léo ScheerLes Passions schismatiques, Léo Scheer1

La Diététique de lord Byron, La Table Ronde et FolioLe Sabre de Didi (édition revue et augmentée de LaCaracole), La Table RondeLe Taureau de Phalaris, La Table Rondeet La Petite VermillonMaîtres et complices, Jean-Claude Lattèset La Petite VermillonLe Dîner des mousquetaires, La Table RondeDe la rupture, Payot et Rivages pocheC’est la gloire, Pierre-François !, La Table RondeYogourt et yoga, La Table RondeVous avez dit métèque ?, La Table Ronde

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1. Lorsqu’il sera publié dans sa totalité, mon journal intime 1953-2008 portera ce titre général : Carnets noirs.

JOURNAUX INTIMES

Cette camisole de flammes (1953-1962), La Table Rondeet FolioL’Archange aux pieds fourchus (1963-1964), LaTable RondeVénus et Junon (1965-1969), La Table RondeÉlie et Phaéton (1970-1973), La Table RondeLa Passion Francesca (1974-1976), GallimardUn galop d’enfer (1977-1978), La Table RondeLes Soleils révolus (1979-1982), GallimardMes amours décomposés (1983-1984), Gallimard et FolioCalamity Gab (janvier 1985-avril 1986), GallimardLa Prunelle de mes yeux (mai 1986-décembre 1987),Gallimard et FolioLes Demoiselles du Taranne (1988), GallimardCarnets noirs 2007-2008, Léo Scheer

À PARAÎTRE

Monsieur le comte monte en ballon, récit (printemps 2012)Journal intime 1989-20061