Genre, stéréotypes et communication partie 1

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    1repartie

    Genres, Strotypes& Communication :

    Les enjeux dune gender communication

    Ce syllabus a t ralis par Le FOREM grce un financement europendans le cadre de linitiative EQUAL

    Il vient en support de la formation mise en place par

    le Service Ethique & Diversit du FOREM

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    PrambuleCette formation intitule Genres, Strotypes & Communication a t organise dansle cadre dun projet EQUAL, dont le nom Muqarnas 1 voque la multiplicit de leviers actionner lorsque lon veut agir sur les freins matriels, physiques, psychologiques ou

    mentaux, qui cartent encore les hommes et les femmes de trajectoires, professionnellesou autres, o leur sexe est peu reprsent.

    Parmi ces freins figurent, en bonne place, nos reprsentations, nous, hommes etfemmes, nos strotypes, notre langage, qui structurent le monde et lui donnent du sens,et dont nous ne pouvons nous passer sans courir le danger dtre inadapts ou inadap-tes au monde et la socit.

    Ce syllabus est le compte rendu fidle des journes de formation dispenses entre le moisde novembre 2003 et le mois de juin 2004 par Emmanuelle DANBLON, Docteure enlinguistique lUniversit Libre de Bruxelles, fervente adepte de largumentation et despossibilits quelle nous donne douvrir le monde et de construire la dmocratie.

    Ces journes font partie dun cursus plus large mis en place par le Service Ethique &Diversit du FOREM comprenant une initiation aux concepts du genre et de lgalit destination des gender blinds , des gender sceptics et des experts et expertes en matire de genre et une initiation lapproche de la diversification deschoix pour les femmes et les hommes et de la mixit dans la formation professionnelle.

    Les solutions aux exercices dargumentation repris dans ce syllabus sont le fruit de larflexion des diffrents groupes en formation. Certains et certaines ne manqueront pasde sy reconnatre

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    1. Un "Muqarnas" est une pice d'architecture arabe, constitue de 7 parties facettes. Imbriqus les uns avec les autres, les muqarnas, permettent de

    passer harmonieusement de la structure carre (au sol) la coupole (plafond/toit). L'objectif attendu par ce projet est une transformation fondamentale(leve des freins tant physiques que mentaux) par rapport l'ingalit que subissent, encore aujourd'hui, les femmes et les hommes dans le domaine del'emploi et de la conciliation de la vie prive avec la vie professionnelle, et ce dans le concept de "transformation harmonieuse".

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    Au menu de la formationDans le cadre dun expos pratique, nous rpondrons aux questions suivantes : Quest-ce quun strotype ? Thorie sur le fonctionnement des strotypes. Comment se comporter vis--vis de cet objet de pense, sachant quil est utilis

    partout et par tout le monde, que lon ne peut sen passer, mais que cela ne veutpas dire quil faille laccepter tel quel, sans rien dire ? Comment le critiquer ? Bilan par rapport ce que peuvent la langue & la linguis-

    tique, ce quelles ne peuvent pas. Prsentation doutils de formalisation pourexpliciter les strotypes, voir o ils se nichent et comment les dbusquer.

    Cet expos sera suivi dexercices pratiques

    Nous nous pencherons ensuite sur le lien entre valeurs et strotypesDans ce chapitre, nous essaierons de comprendre que poser un acte de communicationen matire dgalit hommes/femmes (fminisation, inversion ou neutralisation destrotype, etc.) touche au domaine des motions et des valeurs. Nous montreronsque ces dernires ne sont pas toujours compatibles entre elles, quelles sont hirarchi-ses et nous illustrerons les valeurs fondamentales qui se trouvent derrire les2 grandes options dun fminisme dit en crise .

    Nous ferons le bilan sur les politiques en matire de fminisation dans lensemblede la FrancophonieNous montrerons les limites de la langue et de la linguistique : que peuvent-elles etque ne peuvent-elles pas en matire de fminisation. Nous apprcierons le fait quecest compliqu, que les dcisions sont fondes sur des options idologiques pastoujours compatibles entre elles, que le risque existe de mettre en danger certaineschoses et valeurs essentielles.

    Exercices et illustrationsA partir de documents et de textes, nous verrons les choix qui ont t poss parrapport au traitement des strotypes, neutraliss ou pas, et les avantages etinconvnients de ces choix.

    AnnexesDiffrents textes et documents intressants sous langle du traitement des strotypesde genre nous montrent quel point nous ne pouvons nous passer des strotypes et quel point ils entrent parfois en paradoxe avec des intentions affiches.

    BibliographieGlossaire

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    STEREOTYPES

    PrliminairesLes reprsentations gnrales que lon a des femmes, dans le discours, la publicit, lesmagazines fminins et autres, les fictions en gnral, etc. interviennent 2 niveaux :

    1. les strotypes : vhiculs travers le langage, dans les images et les reprsen-tations non conscientes. Ils sont de lordre du PASSIF, de lINCONSCIENT, delIMPLICITE. Ils ne sont pas le fruit dune production intentionnelle de notre part,sont de lordre du FLOU et du LOINTAIN, de lARCHAQUE. De manire gnrale,on estime que les strotypes sont combattre, quils sont non politiquementcorrects .2. les argumentations, la critique prsente dans les changes verbaux, les dbats,les discussions, dans lesquels il y a un enjeu. Ces aspects sont plus conscients,car formuls. Ce sont donc des prises de position ACTIVES, activement adoptes,reflets de nos intentions de bien faire, de respecter lgalit, dtre correct-e-s et de nos choix idologiques profonds.

    Il sagit plus ou moins du mme objet de pense (la femme), mais dans des sphres dela vie publique trs diffrentes et dans des intentions du langage galement diff-rentes.

    Ces deux niveaux coexistent en permanence, interagissent, mais ne fonctionnent pasde la mme faon dans notre comportement langagier quotidien. un niveau, nouspensons, politiquement, devoir faire dune faon qui entre en contradiction avec notre

    niveau implicite. Les ENJEUX de lutilisation de ces deux types de reprsentation sontvidents par rapport lobjectif dgalit pour les femmes et les hommes.

    Postulats de dpart Les exposs thoriques qui vont suivre, de mme que les exemples et exercices qui

    les illustrent et les appuient, nont pas lobjectif ni lambition de dire quil y a ouaurait de bonnes et de mauvaises options, de bonnes et de mauvaises pratiques.

    Dans nos socits actuelles, tout le monde est daccord sur le QUOI. Il existe unCONSENSUS gnralis ou quasi sur le but atteindre : garantir, promouvoir lgalitpour tous et pour toutes, obtenir une galit de droit et de fait pour les hommes etles femmes, au nom dun principe dmocratique. Il sagit dune valeur afficheofficiellement, mme si les personnes ne les portent pas vraiment, lintrieur.

    Cet accord sur le QUOI est profond et tacite.

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    Si lon nest pas OK avec ce principe, on ose peine le dire, car ce nest pas sociale-ment admis, cest suspect. Celui ou celle qui dirait Je ne suis pas daccord. seraitconsidre comme hors norme, non-frquentable, dans la socit dans laquelle nousvivons.

    Par contre, la question se pose au niveau des COMMENTS ? Cest l, au niveau desactions, des arguments, des moyens, quapparaissent les dsaccords, que commencentles questions, les discussions, les problmes, les conflits. Les motions, tensions,dbats et argumentations difficiles, voire violentes dbouchent sur des positionsparadoxales, reflets de reprsentations incompatibles.

    Les problmes qui se posent au niveau du COMMENT sont en lien direct avec lesstrotypes. Il y a plusieurs couches. Il faut le comprendre, pas forcment laccepter,et mettre en uvre les moyens notre porte, sans dramatiser, pour autant, les para-doxes 2.Toutes ces matires charrient des valeurs, lies des motions, des idaux.Nous devrons donc hirarchiser nos valeurs autour de nos choix, renoncer certainesvaleurs, faire des deuils, plus ou moins douloureux

    Strotype = ?Toute vision du monde, toute reprsentation, est fonde sur des propositions gnrales,objets de pense, reprsentations du monde, produites par des habitudes forges jouraprs jour. Elles se traduisent par des phrases et concernent tout : les gens, le temps,les saisons, les habitudes sociales, les meubles, les chaises, les toiles, les plantes,les choses, les vnements, etc.

    Dans la tradition, on appelle ces propositions gnrales des LIEUX COMMUNS.

    LIEU = quelque chose de fixe auquel on adhre,le sol, un endroit spatial, sans lequel rien neserait possible, notre exprience du monde.Sans lieu, cest le chaos.

    COMMUN nous renvoie la communaut humaine laquelle nous appartenons, ou laquelle noussouhaitons appartenir, notre adaptation len-vironnement, au social. Cest le tissu de notre

    possibilit-mme de vivre ensemble. Sans cela,pas dintgration.

    Sans lieux communs ou topoi du grec signifiant lieux, on ne peut pas vivre, on estinadapt. Grce ces topoi , on peut prvoir les choses, avoir des attentes rai-sonnables par rapport aux choses, aux gens, au temps, etc. Notre corps et notreesprit ne sont pas surpris par le droulement des vnements. Nous sommes rassurs.

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    2. Comme exemple de paradoxe, au cur mme du dbat sur la parit, on remarque la tendance fministe qui revendique la parit au nom de valeurs fmi-nines telles que la crativit, la sensibilit, etc. qui sont des strotypes ports par les plus grands machistes !

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    Il y a diffrents types de lieux communs, parmi lesquels : les vrits gnrales = les choses sur lesquelles tout le monde saccorde

    ex : le soleil brille, la neige est blanche, le printemps vient aprs lhiver, le jouraprs la nuit, etc.Les vrits gnrales sont la base de notre rationalit.

    les habitudes = la structuration du temps, la rgularitex : faire son samedi , on est plus fatigu le soir que le matin, les lgumes sontmeilleurs au printemps, etc.

    les lois physiquesex : loi de la pesanteur, gravitation universelle

    les lois juridiquesex : on ne peut pas tuer

    Les lieux communs sont la base de notre rationalit, commune pour lensemble de lhu-manit. Nous possdons un patrimoine, un socle de lieux communs qui nous servent donner du sens au monde, qui ordonnent nos penses. Ils sont la base de notrecapacit dtre au monde, de survivre. Tout jugement se fait sur base dun lieu

    commun cens tre admis par lensemble de la collectivit laquelle nous appartenons.Il y a des lieux communs propos de tout :des hommes, des femmes, de certaines catgories de la socit, de la nature, des habi-tudes de sant, des comportements attendus des autres, etc.Les lieux communs vont dans tous les sens. Il sagit dun patrimoine commun apparte-nant un groupe humain et grce auquel les individus peuvent communiquer, treadapts la vie sociale, biologique, physique, etc.

    Ainsi, si je ne crois pas la loi sur la gravitation universelle, je me jette par lafentre et je meurs

    Les lieux communs que nous avons intgrs propos de la biologie de notre corps

    nous permettent de formuler certaines attentes par rapport ses ractions. Noussavons ainsi que les lsions physiques dont nous souffrons aurons des consquencessur nos motions.

    La plupart des reprsentations, dont les reprsentations sociales, appartiennent unesocit donne.

    Il y a des lieux communs CULTURELS et des lieux communs INDIVIDUELS.

    Ainsi, lors du tremblement de terre de 1995 en Belgique, plusieurs personnes ontassimil le bruit et le tremblement quelles ont perus au passage dun groscamion ou dun tram, vnements qui existaient dans leur stock de lieux com-

    muns. Le lieu commun, en loccurrence, rassure. Par contre, un habitant dunpays o il y a beaucoup de tremblements de terre et pas de tram ni de camionva relier le passage dun tram ou dun camion un tremblement de terre

    Avant la colonisation, en Afrique centrale, le lieu commun Tous les hommessont noirs tait universellement reconnu et non remis en question. Noussommes ici en prsence dun lieu commun culturel (J.S. MILL). Cette vrit admi-se en Afrique rpond bien lobjectif du lieu commun : cela a du sens (jusqupreuve du contraire) cela est utile et cela aide tre adapt au monde. Unhomme qui nest pas noir, sur base de cette vrit admise, est une exception.

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    Plus les socits voluent et plus les topoi se spcialisent dans des disciplines particu-lires. Ainsi se construisent des lieux communs

    sur des habitudes : Souvent, les genspartent en vacances en juillet

    sur les lois : Lenfant conu pendantle mariage a pour pre le mari de la mre. partant du principe quune femme marie na derelations sexuelles quavec son mari

    du domaine des proverbes : Les voyagesforment la jeunesse.

    Il y a de luniversel dans les lieux communs. Ils constituent un sol, un socle commun,un patrimoine qui nous permet de relier des situations entre elles, des faits entre eux,qui nous permet de dire que lon est daccord ou pas daccord avec ce qui se passe

    autour de nous, dmettre des jugements sur les choses, les vnements et les gens.

    Les lieux communs sont des objets de pense tellement fondamentaux que nous ne lesvoyons plus du tout. Ils sont de lordre de lvidence, du trivial, et nous ne pensonsplus les expliciter. Notre corps sattend certaines choses. Sil ne sy attend pas,nous sommes inadapts. Cette image forte sapplique aussi aux lieux communs surles rapports entre les femmes et les hommes, entre les groupes sociaux, etc.Nous devons bien faire, ici, la diffrence entre ce qui est vrai et ce qui donne du sensaux choses, vnements, etc. et est utile notre adaptation au monde.

    Origine et formation des lieux communsLes lieux communs sont en nous, mme si nous nen sommes pas conscient-e-s.On ne nat pas avec nos lieux communs. Toutefois, certains semblent apparatre austade ftal.

    Les lieux communs se forment par INDUCTION, partir de lobservation dvnementsrcurrents, une srie de cas particuliers qui, en se rptant, deviennent des gnralits,des lieux communs. Il sagit dun mode de raisonnement tout fait naturel, dunefaon dtre adapt au monde.

    On ne peut, nanmoins, tout observer. Il existe donc toute une srie de reprsenta-tions gnrales que lon a formes par OU-DIRE. Ces dernires fonctionnent en nousexactement comme les lieux communs que nous avons forms par notre exprience.

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    Exemples : Le soleil se lve tous les matins. En hiver, il fait froid. Lherbe estverte. La neige est blanche. Les corbeaux sont noirs. Le matin, quand je melve, jai soif. Chaque jour, vers 18 heures, il y a des embouteillages dans lesgrandes villes.

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    Fonctionnement : quand on voit une situation X et quon en conclut une situation Y,on tablit un lien, qui repose sur une vrit gnrale, sur un lieu commun.

    On peut aussi former les lieux communs par EXTRAPOLATION. On extrapole sur unepartie du monde que lon ne connat pas, que lon na pas observe.

    La plupart du temps, quand nous parlons entre nous, nous nnonons pas ces vritsgnrales, qui existent en nous et sont partages par notre communaut, car cestinutile. Cest trivial, a ne sert rien

    Elles sont vitales, ncessaires, indispensables, mais elles sont tellement communesquil est irrationnel de les exprimer, car elles sont de lordre de lvidence.

    Ces vrits nous permettent de faire des liens explicatifs.

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    Exemple 1Hier, jai mang des fraises et jai des boutons aujourdhui.Le lieu commun qui se cache derrire le lien est que, souvent, les fraises donnentde lurticaire Nous convoquons, loccasion, dans notre discours, nos vrits etnos lieux communs : Fraise = allergie = boutons. Il se peut que jaie la varicelle,mais je suis rassur-e ! Le lieu commun donne du sens, mais nest pas infaillible.

    Exemples : Tous les Hollandais sont grands, les Chinois sont petits, et ce mme si jene les ai jamais observs

    Exemples :Tous les corbeaux sont noirs. Je nai pas observ tous les corbeaux du monde, maiscela me parat raisonnable de dire cela, mme si le monde est ouvert et quil y aune grande part dinfini. On arrive ainsi dire des choses peut-tre tout faitfausses !Ainsi, en Afrique centrale, pendant trs longtemps, le lieu commun Tous leshommes sont noirs. 3 a permis de donner du sens au monde dans lequel vivaientles populations et leur a permis de se rassurer, de faire des prdictions sur leschoses et les situations, de sadapter.

    Ainsi, sans habiter en ville, on sait, par ou-dire, quil y a des embouteillages vers18 h. On trouve une explication logique cet tat de fait et on sadapte la situa-tion. On se contente, sans avoir fait personnellement lexprience de la situation,dajouter un lieu commun notre stock, notre tissu personnel de lieux communs.

    3. Exemple cit par Stuart MILL

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    Il sagit dun puissant mcanisme de pense, dun puissant donneur de sens, que nousavons tous et toutes et qui se met en marche ds la naissance. Il est si fort quilfonctionne mme si nous ne sommes pas au courant de la vrit gnrale. Il permetde procder par allusions.

    Ce mcanisme naturel et inconscient nous permet dtre adapt-e-s aux situations, maissans certitude formelle que les choses vont se passer comme nous nous y attendons.Cela nous rassure, cela donne du sens, une explication aux vnements. Cest aussiquelque chose dimparfait, derron, qui nous livre une reprsentation floue, grossireet dformante du monde.

    Nous ne sommes pas coupables de raisonner comme cela, car nous ne pouvons faireautrement, faute dtre inadapt-e-s. Nous produisons ces raisonnements, toutes ettous, tout le temps. cest le principe de rationalit.

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    Exemple 2Cest mercredi, donc, Pierre va sans doute venir.Le lien : Pierre vient tous les mercredis ou Dhabitude, Pierre vient les mercredis.(Sauf siPierre ma dit dimanche quil viendrait au milieu de la semaine.)Nous convoquons, naturellement, un raisonnement logique qui va donner du sens

    aux choses. Mme si nous ne connaissons pas Pierre, nous mettons tout en uvrepour que le lien fonctionne et nous laissons libre cours notre tendance, tout faitnaturelle et normale , la GNRALISATION. Cest un PARI que nous faisonssur lexprience de la personne qui fait le lien. Nous faisons confiance lacohrence du lien.

    Il serait trop lourd, redondant, de dire : Cest mercredi. Or, Pierre vient tous lesmercredis. Donc, Pierre va arriver bientt. Celui ou celle qui formulerait le mes-sage tel quel serait linadapt ou linadapte Si, par contre, en tant que rcep-teur ou rceptrice du message, je naccepte pas le lien, cest moi qui suis inadapt-e. Remettre tout en cause et douter de tout mne linadaptation et la mort.

    Si la priori est la contradiction, on ne peut rien faire : toute communication estbase sur un principe de coopration (voir plus loin) qui suppose que lautre veuttre compris.

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    Lieux communs et garantieToutefois, bien quessentiels notre adaptation au monde, les lieuxcommuns noffrent aucune garantie absolue. Ce ne sont que desPARIS SUR LE MONDE : on peut se tromper. Il se peut que la rali-

    t soit autre.

    A partir des lieux communs, nous pouvons formuler des attentesraisonnables sur le monde et les choses. Ces attentes raisonnablessont le fruit de notre exprience et de nos habitudes. Elles peu-vent ne pas se vrifier, tre remises en cause. Chaque conclusionpeut-tre invalide par une situation particulire, qui ne met pasen pril la vrit admise, la gnralit. Lexception ne remet pasen cause le lieu commun gnral, preuve sil en est que celui-ci estsolidement ancr en nous.

    La possibilit peut tre galement envisage que la person-ne qui parle ne soit pas rationnelle. Le principe decoopration qui postule que les gens ont des attentes sur

    ce que fait quelquun quand il parle (thorie de GRICE4) estdonc rompu. Il existe diffrentes faons de rompre cesattentes, parmi lesquelles le mensonge, lomission (on faitcomme si on avait tout dit), la transgression par lhumour,lironie, la posie, la rhtorique, etc.

    Le lieu commun ou topos na pas le statut de loi universel-le, loin de l. Il sagit bien seulement de lexpressiondune attente raisonnable. Tant quil nest pas remis en question de faon extrmementrptitive par une srie dobservations contradictoires, on le garde, car il contribue donner du sens au monde.

    Les strotypesLes strotypes sont une catgorie de lieux communs.

    A ce titre, ils prsentent une double face, une ambivalence : il est impossible de sen passer. Ils appartiennent au domaine du quasi-idolo-

    gique et sont une source dadaptation.

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    4. Grice, Herbert Paul - Grice est n en 1913 et mort en 1988. Titulaire de plusieurs chaires lUniversit dOxford puis, aprs 1967, lUniversit de Berkeleyen Californie, Grice est principalement connu pour son travail sur la philosophie du langage et plus particulirement pour son analyse de lintention du locu-teur.

    Ainsi, le fait que jai mang des fraises nest peut-tre pas la source de mes bou-tons : Je commence peut-tre une rubole ou une rougeoleouPierre ne viendra pas, bien que ce soit mercredi, parce quil est malade, quil a eu unaccident, etc.

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    ils offrent une reprsentation du monde, des gens et des choses, si gnrale, com-mune, rductrice, grossire quelle est fige et constitue un miroir grossier, dfor-mant dune ralit que lon ne peut analyser ou voir seulement travers eux. Ilsnoffrent aucune garantie totale, et nous pouvons les remettre en question.

    Nous vivons dans une socit qui voudrait se dbarrasser des strotypes, mais qui nepeut sen passer Les strotypes aident toutefois donner du sens et trouvent leurorigine dans lhabitude de typifier le monde qui existe au cur des SOCITSORALES. Nous pourrions les rsumer comme suit : Tout les ceci sont comme a, etc.

    Les socits oralesLes socits orales sont les socits SANS ARGUMENTATION, sans dbat contradictoire,sans critique de point de vue, tout au moins de manire institutionnalise. Elles nuti-

    lisent pas lcrit, et il est prouv que lon ne pense pas de la mme faon quand onutilise ou pas lcriture.

    Il en reste quelques unes dans le monde, mais il subsiste, mme dans nos socitsdmocratiques, des parcelles dhabitudes orales (les religions, le thtre, le mime, lesarts, etc.)

    Dans ces socits, le patrimoine commun, les lieux communs ne sont jamais remis enquestion. Ils sont transmis par voie orale, utilisent les proverbes, les histoires, lescontes, les fables et paraboles, etc. et ne sont jamais discuts, car ce sont les privil-gis, les potes, les sages au coin du feu, la veille, la mre au bord du lit, les sor-ciers, les religieux, etc. qui sont les vecteurs de leur transmission, purement ORALE.On raconte des histoires exemplaires dans lesquelles on se projette. Elles sont lesreprsentations culturelles de lieux communs et fonctionnent comme tant la rfrenceabsolue des reprsentations du monde.

    Tout ce qui fait le tissu explicatif du monde est transmis de faon orale, reproduitdune gnration lautre, de faon orale et rpte, sans distance critique.

    Les strotypes constituent la condition de la rationalit et de lappartenance lacommunaut. Ils ont FORCE DE LOI, dEXPLICATION DU MONDE, de VRIT GNRALE. Ilny a pas de science, pas de critique. Le MYTHE a statut de science et le PROVERBE devrit scientifique. On ne les remet pas en question, on ne pose pas la question de leur

    origine. Ils sont incritiquables, inattaquables. Les critiquer quivaudrait une inadap-tation, qui serait suivie dun rejet par la socit.

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    Exemple : En avril, ne te dcouvre pas dun fil. Cette recommandation sous forme de proverbe fonctionne encore trs bien dans nossocits, mais avec un changement de statut.

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    Dans la socit et la transmission orales, une dimension dela langue nest pas ou plus accessible, celle delARGUMENTATION et de la possibilit de remettre en questionles lieux communs et les strotypes5. On peut discuter : Daccord, MAIS

    Le statut des lieux communs et strotypes a chang au coursde lhistoire. Bien quvoluant, pour la plupart dentre nous6,dans une socit crite, nous venons tous et toutes dun mondestructur par le MYTHE, qui nest autre quun stock de proverbes,dides reues, dhistoires, de paraboles, de contes, de lgendes,etc. sur les choses, les animaux, les gens, les vnements, etc.transmis sous des formes potiques qui ont tendance figer lesreprsentations, prcisment par leur cadence, leur rythme, leursrimes, les jeux de sons et de mots, etc. Pensons notamment auxcomptines

    LautreQuand nous observons les reprsentations du monde, le stock de strotypes et de pro-verbes notre disposition, la plupart du temps, ce qui est reprsent, cest lAUTRE,celui ou celle qui nest PAS MOI, que je ne CONNAIS PAS, que je ne COMPRENDS PAS,que je ne CONTRLE PAS, qui me FAIT PEUR par sa DIFFRENCE, sa MONSTRUOSIT.Pour toutes ces raisons, je le cerne dans une catgorie typifiante. JE ME RASSURE ETJE NE LE REJETTE PAS en le mettant en scne dans des proverbes.

    Cest une des raisons pour lesquelles il y a tant de strotypes de tous genres sur descatgories ethniques, sur leurs habitudes alimentaires, leurs coutumes, leur faon deshabiller, de jouerau football, etc.ex. Les Allemands sont les plus grand buveurs de bire.

    Les Italiens mangent des spaghettis.Les cossais sont avares.Les Belges mangent des frites.Les Vikings sont grands, blonds et forts.

    Ce foisonnement de proverbes et de lieux communs de type ethnique nous permet,

    lorsque nous croisons quelquun de diffrent, de ne pas avoir peur, de donner du sens la situation.

    Il y a un niveau o tous et toutes, mme les plus rudits et rudites, vhiculent desstrotypes. Il ne faut pas nous culpabiliser lorsque nous participons un strotypeou une vrit universelle. Le seul danger du strotype est de lui confrer un statutde rationalit scientifique ou juridique.

    Les terrains les plus frquents des strotypes= TRANGERS + FEMMES

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    5. Lorsque lon considre que, dans certains pays et dans certaines religions, la condition fminine est telle que le droit lapprentissage de la lecture, entreautres barbaries, est ni aux femmes, on mesure bien le pouvoir qui est pris par le sexe dominant.6. Mme les analphabtes, que lon peut dfinir comme des oraux - ou orales - de fait , puisquils et elles ne matrisent ni la lecture ni lcriture, pensentcomme la majorit de la socit crite dans laquelle ils et elles voluent.

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    Le fait que les femmes constituent lun des terrains les plusfertiles des strotypes est lindice mme que nous avonshrit dune socit construite cognitivement, y compris entermes de reprsentations du monde, partir dun modlemasculin, pour lequel FEMME=AUTRE. Lhomme est la base, lafemme est la diffrence.

    La femme tant lautre, le mystre, quen tant quhomme, jene comprends ni ne mexplique, il sagit de la typifier, de lastrotyper, pour me rassurer, pour quelle fasse moins peurpar sa diffrence.

    Ce quil est important nest pas ici de confirmer ce que lonsait sur les socits occidentales machistes ou patriarcales,mais de savoir que les ides (sur les femmes) taient parta-ges et vhicules par les femmes et par les hommes, dansune socit o femmes et hommes taient daccord sur les

    ides portes par les proverbes. Les reprsentations stroty-pes des femmes et des hommes ont t construites par lesfemmes autant que par les hommes.

    Il ny a pas de symtrique7, pas de proverbes ni dhistoires sur les hommes, saufquelques petites choses. Cest normal, il sagit dun hritage du pass. Ce nest pascondamnable : cest comme a.

    On distingue donc des strotypes dont les intentions sont positives, dans le regard de la socit qui a

    mis ces reprsentations des strotypes qui sont de vritables monstruosits, rvlatrices dun degr de

    haine, de rancur et de ressentiment, qui voquent des conflits ancestraux, ancrsdans de trs lointaines traditions.

    Ils sont le rsultat dune tentative de typifier sur base de lobservation et de linduc-

    tion.

    Remarquons, au passage, que les femmes creusent elles-mmes le sillon de la misogy-nie et participent la typification des femmes via lducation quelles donnent leursenfants, garons et filles.

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    7. Il serait intressant de raliser une tude sur le sujet dans une socit purement matriarcale, mais cela na pas t fait ce jour.

    Ce qui est rassurant : toutes les reprsentations des femmes ne sont pas forcmentngatives, elles aident juste les faire comprendre.

    Ce qui est moins rassurant : celles qui sont ngatives sont vraiment trs trsngatives !!

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    On constate donc, dans les strotypes fminins, une coexistencede deux grands archtypes de la femme : la femme mre, symbolede vie et la femme fatale, destructrice, symbole de mort.

    Il sagit bien la de strotypes sur les femmes, mis en place parune socit patriarcale, mais ils ne sont pas forcment tous dva-lorisants.

    Nous sommes en prsence dune scission manichenne : le bienoppos au mal, le positif au ngatif. Tantt cratrice, inspiratri-ce, immacule conception, soumise, en retrait, tantt fatale,mante religieuse, mangeuse dhommes, sorcire, destructrice du

    lien social et de la chose politique, la femme symbolise la VIE ou la MORT. Rceptacle,

    rassurante, consolatrice, elle contient la vie, la donne, elle est la condition de la vie,sans pour autant la vivre elle-mme Par ailleurs, elle est fatale, mortifre, destruc-trice, mne lhomme a sa perte et menace les bases de la socit. Tout se passecomme si, chaque fois quelle a loccasion de sexprimer, le monde courait a sa perte.

    Genres, Strotypes et Communication - 14

    Reprsentations positives(orientes Hommes)

    toutes les reprsentations qui met-tent en exergue le rle positif desfemmes sur la carrire des hommes La femme est la moiti dunhomme, les femmes font les hommes

    les reprsentations positives de lafemme dans son rle dducationdes enfants, dans la conduite dufoyer, dans la protection, le rcon-fort, la douceur, la maternit( repos du guerrier ), la patience,les dons pour les travaux daiguille

    dans son habilet manier le langa-ge, dans la fameuse intuition

    fminine , dans ses comptencesen matire de conseil coutetoujours le premier conseil deta femme.

    dans son intelligence

    Reprsentations ngatives

    femme mchante, mgre, jalouse,rouleau tarte

    femme adultre, lgre, volage,putain

    femme versatile, girouette, incons-tante Souvent femme varie,bien fol est qui sy fie

    femme dpensire, panier perc,indigne de confiance

    femme chtier : Tous lesmatins, bats ta femme.Si tu ne sais pas pourquoi,elle le sait. (Proverbe arabe)

    femme bavarde, commre, incapablede garder un secret, menteuse +

    tous les proverbes et lieux communsconcernant lattitude dune femmepar rapport au secret : ne pasconfier un secret une femme !

    femme fatale, mante religieuse,mangeuse dhommes, sorcire,castratrice

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    Genres, Strotypes et Communication - 15

    8. Un des rares loges de femme est celui de Turia, Rome. Turia avait pris en charge les tches des hommes pendant une guerre, avait eu un couragedhomme, mais sa plus grande vertu avait t de revenir sa place aprs ses exploits et, au retour des hommes, de retourner dans lombre. Elle avait

    fait preuve de bravoure, mais lloge porte bien sur son humilit, sur le fait quelle tait retourne sa place . Dans le registre bravoure au champdhonneur , Jeanne dArc a t galement loue, mais lanalyse, on constate que son statut est diffrent : elle se situe plutt borderline , ni femme nihomme, pucelle

    La Vierge Marie et Pnlope sont des exemples suivre. Pandora, femme fatale,porte tous les malheurs du monde. Les gorgones sont fminines et le sphynx a unvisage de femme. Hlne de Troie est mettre dans le panier des mangeusesdhommes, dangereuses mantes religieuses et veuves noires qui menacent lquilibredu monde et apportent la guerre. Eve, quant elle, exprime tout le paradoxe de

    la condition fminine, entre mre de lHumanit et femme fatale, source du pchoriginel, signe que dans notre culture judo-chrtienne, ce serait une erreur deminimiser le poids des archtypes culturels.

    Tantt saintes, tantt dmons : il est difficile de sortir de l

    Une des vertus suprme, pour la femme, est de se faire oublier, de se gommer, dene pas exister, cest la vertu du retrait, comme en tmoignent le proverbe chinois La femme la plus loue est celle dont on parle le moins. et sa version europen-ne La femme la plus honnte est celle dont on parle le moins. On retrouve peudloges de femmes, mme dans les socits matrilinaires8.

    On peut aussi voquer les reprsentations ngatives sur les femmes, la limite dusupportable, installes entre le XVI et le XIX sicle dans notre patrimoine de lieuxcommuns sur les femmes. La femme est diabolise, est infidle et constitue undanger ou elle est efface, acceptable, ne se fait pas remarquer, reste discrte etse laisse oublier.

    On ne peut sempcher de penser galement aux reprsentations fmininesvhicules au XVIIme sicle, au lien Eve ou aux sorcires, brles au bcherde lInquisition. Si les hommes sont alls jusque l, cest bien quilsavaient peur

    Au XIXme sicle, la femme occupe 3 sphres : celle de la femme-pou-se, celle de la femme-matresse et celle de la femme prostitue( fille de joie ). Nous ne parlerons pas de la gouvernante, qui na pasdexistence propre et semble asexue. La femme est fatale ou gardiennedu foyer. Pour la famille bourgeoise, la norme est la femme au foyer.Lhomme se rend au bordel et a une matresse, qui est une demi-mondaine et jouit dun statut particulier dans les reprsentationsfminines.

    Au XIXme sicle, les diffrentes reprsentations des femmes sont struc-tures, tous milieux confondus, par des lieux communs. La femme doit russir sa

    vie de famille, avoir un mari, une maison, des enfants. Son rle est priv, elle esttourne vers lintrieur. Par contre, lhomme doit avoir un travail qui lui permettede faire vivre sa famille. Son rle est public, il est tourn vers lextrieur.

    Il sagit l dun modle mental, ce vers quoi chacun et chacune doivent tendre.Il nexiste, cette poque, pas de conscience, chez les femmes, quelles puissentse raliser autrement, sans transgresser lordre tabli.

    Cf. Les livrets bleus, qui taient les premiers romans-photos.

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    Cette scission manichenne est-elle universelle ou non ? Globalement, a peu prs danstoutes les cultures, on retrouve le mme clivage la mamma la putain .Les hommes, comme les femmes, ont tendance a utiliser ces reprsentations de mani-re intuitive, et ce malgr les diffrences culturelles.

    De nos jours, un dcalage sest install depuis 1968 entre ce que lon fait et lesocle de nos reprsentations et strotypes. Nous jouons sur deux niveaux.

    Disposons-nous de suffisamment de reprsentations fminines positives dans lesquellesnous puissions nous projeter, nous, femmes ? Wonderwoman ? Femme daffaires ?

    Bonne pouse ? Bonne mre ?Actuellement, une tentative se dessine de produire une reprsentation positive de lafemme active dans la socit, et ce via les diffrents mdias, les fictions, etc. Cettetentative se heurte a lambivalence de la condition fminine et le portrait commencsous forme dloge se termine par un blme : Oui, mais quadvient-il de sa famille, deses enfants, etc. . Ces reproches sont mis tant par les femmes que par les hommesComment vivre cette ambivalence9 ?

    Il est intressant danalyser comment nos habitudes et attitudes renforcent les stro-types ou les combattent. Souvent, force est de constater que les femmes reproduisent benotement ce que faisaient leur mre et - parfois - leur grand-mre.

    Ne les entend-on pas aussi vhiculer des blagues sexistes, que lon pourrait verser dansla catgorie des strotypes, comme avatars modernes du strotype ?

    Les strotypes sont donc trs vivants, ils sont ancrs en nous (niveau implicite,inconscient, archaque), mais nous dveloppons sur eux notre esprit critique pour reve-nir au politiquement correct (niveau argumentatif).

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    9. cf films : Dans la peau dun homme , Working girl - cf aussi le livre Conte leau de bleu dIsabelle ALONSO

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    Quen est-il, ici et maintenant ?Notre socit utilise largement lcrit, qui a modifi notre faon de penser, et largu-mentation, donc la capacit de critiquer les strotypes.

    De plus, les nouveaux outils technologiques disponibles actuellement nous sommestrs loin de la tradition orale nous permettent dutiliser, notamment, limage commemode de communication.

    Le statut du strotype et des vrits universelles a chang : ce sont des choses qui font partie de nous, que nous transmettons, qui continuenta nous aider a donner du sens . Nous fonctionnons toutes et tous avec lesstrotypes et linduction. Ils font partie de nous,

    MAIS

    nous les tenons a distance, car nous avons pris conscience quils sont CRITI-QUABLES. Nous prenons ainsi nos distances par rapport aux clichs. Nous avonsconscience que cette typification est grossire et peut tre critique, remise enquestion, quelle noffre aucun type de garantie. Le strotype a perdu la vertude vrit scientifique que lui confrait la socit orale,

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    Il nous arrive de pratiquer une inversion de certains strotypes. Ainsi commencent se multiplier les blagues sexistes sur les hommes.

    Prenons garde, lors de linversion dun strotype, ne pas en gnrer un autre :

    en inversant les strotypes prsents dans les blagues racistes, nous avons ainsicr les strotypes autour de la blonde stupide Paradoxe !!!

  • 8/6/2019 Genre, strotypes et communication partie 1

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    avec, pour consquence, un mode de fonctionnement souple utilisant des reprsen-tations du monde qui ne sont pas toujours compatibles entre elles. On sait que lonpourrait trouver, sans doute, un proverbe, un strotype, un lieu commun, qui ditexactement le contraire que le premier. Le monde est ouvert.

    La critique par argumentation soprera donc toujours a partir du patrimoine communconstitu par le stock de lieux communs dont nous disposons. Tout se passe a lint-rieur : le locuteur parle, je lcoute, je prends position.

    Dans nos socits modernes, crites, les lieux communs, les clichs, les strotypessont prsents et exploits, utiliss, dans limage et dans le texte, a tous les niveauxde la communication : publicit, cinma, tlvision, nouvelles, etc. Nous sommes dansune socit dmocratique, cest a nous de mettre en uvre les techniques dargumen-tation et notre esprit critique.

    La critique et largumentation ne sont pas suffisamment a lhonneur dans notre systmeducatif. La pratique de la critique et de largumentation est pourtant essentielle, car

    cest seulement a travers elles que les reprsentations pourront voluer, et que lesgnrations futures pourront prendre une distance critique par rapport au matraquagedimages auquel elles seront soumises.

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    Modle de TOULMIN :premier outil pour largumentation

    Un moyen technique de critiquer les strotypes : le CADRE ou MODLE de StephenTOULMIN10, outil qui permet de dceler, de dbusquer, dexpliciter limplicite, en partantdu principe que limplicite nest tu ni par intention ni par manipulation.

    Dans notre socit, les habitudes de rhtorique et dargumentation ont t progressive-ment gommes.

    Nous devons prendre garde a cette tendance, qui se confirme en ce dbut de XXImesicle : nous perdons lhabitude de critiquer et de participer a la dmocratie citoyenne.Les raisons sont multiples, et lon doit sans doute y mettre la plthore dinformationset de supports de communication engendre par la monte en puissance des tlcom-munications.

    Or, la critique est saine et doit tre encourage comme principe de base de toutedmocratie. Nous avons le droit et le devoir de dire que nous ne sommes pas daccordavec la reprsentation du monde qui nous est livre, et nous le dirons en utilisant lestock de vrits gnrales, le patrimoine commun, critiquable aussi, sans doute, mais ilne suffit pas de jeter les strotypes on ne peut pas sen passer : il faut les prendrea bras le corps et les critiquer.

    Le modle de Toulmin nous montre comment se construit une induction, comment,mme si lon na pas, en soi, la vrit ou le lieu commun, on le reconstruit via largu-mentation de la personne qui parle (ou locuteur/trice) : le mcanisme de linductionnous permet de donner un sens a des situations prcises du quotidien et de produire denouvelles conclusions, de nouvelles hypothses.

    Voici un exemple de raisonnement modlis par Toulmin dans sa prsentation linaire : Petersen est Sudois. Donc, probablement, il nest pas catholique.

    Modle ou cadre de Toulmin

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    10. Les Usages de largumentation, 1958. Stephen TOULMIN, n en 1922 Londres, est lun des leaders modernes de la thorie rhtorique. Diplm enmathmatique et sciences naturelles, il est aussi Docteur en Philosophie (Cambridge). Auteur des Usages de lArgumentation (Uses of Argument), il participe la renaissance des thories de largumentation. Contemporain de Cham PERELMAN (Universit Libre de Bruxelles - pre de la nouvelle rhtorique ),Toulmin soppose aux thories rductrices de la logique. Pour lui, tout ne peut se rsumer la logique : il y a des valeurs, des motions, des nuances, qui nepeuvent tre codifies par la logique.

    Donne D Petersen est sudoisdonc

    Qualificateur modal Q probablement

    Conclusion C Petersen nest pas catholiquepuisque

    Garantie G moins de 2% des Sudois sont catholiquestant donn

    Support S les statistiques disponibles moins que

    Restriction R Petersen ait fait un plerinage Lourdes

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    Au dpart dune donne D, on arrive a une conclusion C, en utilisant une garantie G.

    Donne Conclusion

    Garantie

    Ce cadre nous permet de formaliser le double statut des vrits gnrales : elles sont toujours la comme nous sommes dans une socit dargumentation, nous pouvons les remettre

    en question, en utilisant la RESTRICTION R. Il faut savoir que, la plupart du temps,la garantie G est implicite, nest pas exprime et que lon na pas toujours conscien-ce du support S de la garantie, qui est pourtant rvlateur du lieu idologique olon se situe et auquel on adhre.

    Ce modle montre comment un simple raisonnement inductif peut tre formalis.

    La DONNE est llment observ et sur la base duquel on va rflchir, ce dont il estquestion, le premier lment de la discussion. Nous avons connaissance dun fait a pro-pos du monde. La donne est quelque chose que lon sait et qui se pose la.

    La GARANTIE est ce qui fournit le lien de pertinence et donne du sens au lien que lonfait entre la DONNEE et la CONCLUSION. Elle nest normalement pas (expli)cite dansle texte, tellement elle est de lordre de LVIDENCE. Le simple fait de relier la donnea la conclusion induit, cre le strotype et prouve notre adaptation au monde.

    Dans le modle de Toulmin, la flche symbolise le lien, le chemin inductif.

    Quelquun peut demander au locuteur ou a la locutrice dexpliciter ce lien et de citer sagarantie pour justifier son passage de la donne a la conclusion. La plupart du temps,lon nexige pas que soit formule la garantie, sauf si lon ne comprend pas du tout lelien, par navet, sauf aussi dans un jeu rhtorique, pour rendre la garantie vulnrableet pour lattaquer, si lon a envie de polmiquer.

    Les garanties, de manire gnrale, sont le refuge des lieux communs. Nous les pui-sons dans les diffrents champs des reprsentations du monde. Elles peuvent tre aussides lois scientifiques, juridiques, des statistiques, des articles de la DclarationUniverselle des Droits de lHomme, des proverbes, etc.

    La garantie est llment fondamental du jeu de largumentation.

    Le lien entre la donne D et la conclusion C est galement appel LIEN DINFRENCE etla garantie G le TICKET DINFRENCE (RYLE).

    Ce nest quau cours dun ventuel dbat, dune discussion, que nous pouvons treamen-e-s a formuler la garantie. Ds que celle-ci est exprime, elle est vulnrable,critiquable. La garantie peut tre discute, remise en question. Elle est ainsi livre au

    jeu de la critique et de largumentation. Dans les textes, nous trouverons donc beau-coup de donnes et de conclusions, mais peu de garanties, car leur expression peutremettre en question une vrit admise.

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    Dans une argumentation bien conue, nous devons cependant nous prparer a fournirles garanties : nous ne sommes pas du bon ct une fois pour toutes . Le pensercorrespondrait a une attitude non-dmocratique (paradoxe !), qui affaiblit tout qui seplace du ct de lvidence, mme si, dans certains dbats, lvidence est souvent utili-se comme effet rhtorique. Nous devons pouvoir mettre nos lieux communs au dfi.

    La garantie ne prsente donc aucun caractre dinfaillibilit. Si une garantie estinfaillible, nous entrons dans le mcanisme de la dduction11. Lutilisation des toujours , jamais , tout-e, tou-te-s , aucun-e , dans ltablissement dunlien logique entre une donne et une conclusion, est de lordre du discours politique,mais personne nest dupe de cette reprsentation rhtorique qui vise leffet de manche.Par ailleurs, une garantie peut tre tout simplement fausse ou pas applicable .

    Nous devons avoir conscience que le monde est ouvert, que lon peut aller jusqualinfini, que les garanties ne sont pas dfinitives et quelles ne nous scurisent pasa 100%. Il faut donc que nous restions optimistes et fassions le travail dargumenta-tion, car rien nest fix.

    Le modle de Toulmin permet dexpliciter la garantie et de nommer le SUPPORT.Le support est le champ du savoir humain dans lequel nous sommes all-e-s chercherla garantie. Ce ne sera pas toujours la valeur scientifique qui sera la plus persuasive.Lautorit de la garantie et du support doit tre construite et mise en scne.

    A noter que la possibilit existe de critiquer le statut pistmologique12 du support,concrtement, a se poser la question de savoir si ce champ est vraiment valable.Par rapport aux statistiques, on pourrait dire quon leur fait dire ce que lon veut,par exemple.

    Si nous reprenons lexemple des fraises et de lurticaire, le support pourrait tre la

    sagesse populaire, ou encore les livres de mdecine. Nous sommes en droit de critiquerle statut pistmologique de ces deux supports.

    On peut donc critiquer une garantie et son support. Cest vertigineux, nous ne sommesjamais sr-e-s de rien, mais cela reprsente, en mme temps, une superbe possibilit,pour chacun et chacune, de faire avancer la socit et le domaine de la connaissance.

    Ainsi, la gravitation universelle, qui est une loi physique, est-elle galement lobjetdune remise en question.

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    11. Exemple de dduction : Tous les hommes sont mortels. Socrate est un homme. Donc, Socrate est mortel. 12. Epistmologique = du mot pistmologie (thorie de la connaissance) - lorsque lon parle du statut pistmologique dun support, on parlera de salgitimit scientifique.

    Exemple :Dans les campagnes lectorales du Front National, les tracts annoncent 3 millions dechmeurs et 3 millions dimmigrs et en conclut quil faut renvoyer les immigrsdans leur pays dorigine.

    Le choix des supports et des garanties dpendra de qui parle et de lauditoire convaincre.

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    La plupart du temps, largumentation porte sur des vnements, des faits ou desthmes qui impliquent une forte charge motionnelle chez nous. Ainsi, lgalit,thme fortement charg motionnellement, doit-elle tre argumente.

    La RESTRICTION est un lment important de largumentation. Elle sme le doute etnous permet de ne pas prendre de risque par rapport a la vrit gnrale. Elle nousmet a labri de la remise en question du lien par lautre.

    Notons enfin que, dans le modle de Toulmin, les connecteurs sont les mots liens amoins que , puisque , donc et tant donn . Le qualificateur modal ( cer-tainement , sans doute , probablement , etc.) indique le degr de confiance quelon a par rapport a laccomplissement de la conclusion. Chaque lien na pas la mmeforce. Le qualificateur modal permet de nuancer le lien.

    Quest-ce qui va nous servir dans largumentation ? le support S: Il est dterminant des valeurs auxquelles on adhre.

    par exemple : La Bible dit que Nous devons pouvoir identifier le support pour largumentation.

    la critique via la restriction R = lexpression du cas particulier qui pourrait faire,qui illustrerait que justement, cette fois-ci, le strotype ou la garantie pourrait nepas tre dapplication. Leffet est dstabilisant, inscurisant.

    = A MOINS QUE On formule une restriction, mais qui nest que lexception qui CONFIRME LA RGLE(autre lieu commun !!!).La garantie est sauve ! Le lieu commun, la proposition gnrale nest pas remise encause. Cest rassurant.

    Le SUPPORT S sera choisi dans un champ culturel ou cognitif, thmatique, prsent dansla communaut a laquelle nous appartenons ou souhaitons appartenir. Les supportsappartiennent a des domaines de la pense, a des champs (le champ juridique, celui delexprience quotidienne, de lhabitude, le champ scientifique, thique, institutionnel,la tradition orale, la sagesse des nations, les statistiques, etc.)

    Nous avons des lieux communs a linfini et irons y puiser nos garanties. Le choix dusupport, tiquette qui situe le champ do est issue notre garantie, dpend dulocuteur/ de la locutrice, mais aussi du public auquel il ou elle sadresse. On ne choisi-

    ra pas le mme type de support dans un dbat politique ou dans une discussion defamille.Trs souvent, la Dclaration Universelle des Droits de lHomme est donnecomme support :la plupart du temps, mme sans connatre le texte exact de cette Dclaration, nousfonctionnons avec un stock de lieu communs sur les droits de lHomme, sur le respectde lautre, sur la justice, etc.

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    La restriction R peut a son tour devenir une donne15, que nous appellerons donne D 2.

    La restriction 2 peut devenir une donne 3, et ainsi de suite. Bote de Pandore oupoupes russes, largumentation est ouverte a linfini, avec, chaque fois, la particulari-t que les conclusions, de situation en situation, prennent alternativement les valeursC1 et C216.

    Cest toute la richesse du dbat, avec, souvent, la remise en question des garanties,

    qui sont le sige des strotypes, le lieu de toutes les croyances, des motions.Le support nest pas non plus a labri dune remise en question. Les seules17 vritsabsolues sont de lordre des vrits physiques (pas toutes) et mathmatiques. Avecelles, on sort de largumentation pour entrer dans la DMONSTRATION.

    Le monde est ouvert par largumentation, qui est lessence mme de la dmocratie :rien nest jamais certain, tout peut tre remis en question par lexprience, par la rali-t. La socit est ouverte a la critique, a la rflexion, a lincertitude, a la remise enquestion. Cest inscurisant, mais plus responsabilisant et dlicieusement dmocra-tique : on ouvre le monde et la possibilit de le faire changer. Cest a nous quil appar-tient dagir pour faire voluer le monde, via largumentation et la mise en doute.

    Il y a des socits qui encouragent l'argumentation, dautres qui la condamnent ou larendent impossible (socits orales). Lexprience nous recommande toutefois de nepas en faire un usage constant : cest trs fatigant

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    13. La plupart du temps, on cite la donne D et la conclusion C. On ne cite ni la garantie G, ni le support S, que si linterlocuteur ou interlocutrice le deman-de, dans un esprit souvent de polmique et de critique. Dans les conflits, plus le dbat charrie de valeurs, plus la charge en motion augmente, unpoint tel que la violence peut tre choisie comme alternative largumentation, tout simplement parce que, en labsence de socle commun, le dialogue estdevenu impossible.14. Les argumentations fministes vont parfois chercher leurs garanties dans les articles de la Dclaration Universelle des Droits de lHomme.15. La restriction ne sera jamais formule sous forme de proverbe !

    16. Exprimer toutes les restrictions revient se mettre dans la position de ladversaire ou des adversaires, qui entendent lautre exprimer ses propres restric-tions. Cest tout lart de la rhtorique, qui renforce la garantie, dune part, et revt, dautre part, un caractre machiavlique et manipulatoire.17. On a tendance dire quelles sont absolues, mais elles sont rgulirement remises en cause.

    Rvler son support, cest rvler ses positions, ses valeurs13, cest, galement, rv-ler la confiance que lon a par rapport au support (donc, la manire dont on fonc-tionne)14. Il y a toujours un arrire-plan motionnel : nous voudrions croire quenos valeurs sont absolues et partages par tous et toutes, mais elle ne le sont pas.

    Donne D 2 : Petersen a fait un plerinage Lourdes

    Conclusion C 2 : donc, il est catholique(la conclusion 2 correspond linverse de la premire conclusion)

    Garantie G 2 : Ceux qui vont en plerinage Lourdes sont catholiques.

    Support S 2 : les statistiques, les ou-dire, etc.

    Restriction R 2 : moins que Petersen pratique une autre religion qui reconnat leculte de la Vierge

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    Le modle de Toulmin existe dans notre tte, et les lments ne sont pas toujoursrendus visibles dans le discours, qui utilise des raccourcis, sur base de la confianceque chacun et chacune ont en la capacit dinduction de ses interlocuteurs et interlo-cutrices.

    Argumentation et valeursChanger davis, se poser des questions rsultent simplement dune prise de conscienceque lon a t pig par des valeurs, qui parfois ntaient pas les ntres, mais cellesdune majorit ou dun groupe et que lon dsigne sous lexpression de valeursfusionnelles .

    Via la restriction, je me mets en danger et je mets lautre en danger dans ses valeurs.

    Aucune de nos valeurs les plus chres nest a labri dun choix ou de lattribution dundegr de priorit, expression de notre hirarchie de valeurs, de notre chelle devaleurs.

    Le modle de Toulmin permet un droulement de largumentation a linfini, mais nousne pouvons perdre de vue le fait quune ngociation doit mener a une fin, a un accord,et quelle sera le fruit dune dcision prise en fin de parcours, de commun accord.Cette dcision, ces accords se retrouveront au cur des chartes, des dclarations,des traits, etc. au sein desquels un rassemblement sopre autour de notions sur les-quelles tout le monde est daccord.

    Beaucoup de valeurs, bien quelles soient relies a des motions, seront exprimes viaces notions floues (Cham PERELMAN18), grandes valeurs formules a un certainniveau, pour rcolter ladhsion du plus grand nombre. Ce sont, par exemple, lesnotions de libert, galit, dignit, que lon retrouvera dans la Dclaration Universelledes Droits de lHomme. Dune personne ou dun groupe a lautre, les reprsentationsrsultant de ces notions floues divergent.A nouveau, on est daccord sur le quoi (qui est flou), mais pas sur le comment.

    Restriction et strotype

    Introduite par a moins que , la RESTRICTION R exprime une situation qui ferait que,cette fois-ci, la garantie G ne serait pas dapplication. Mme si la restriction est la,la loi, le strotype, la vrit, reste intacte. La restriction ne remet pas en cause lestrotype, elle NE DSTRUCTURE PAS.

    Il y a un travail de critique a faire, qui va soprer a partir de la restriction, sachantque le point de dpart reste le lieu commun signe-mme du fait que lon ne peutsen passer

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    18. Ch. PERELMAN, autant quinventeur dune Nouvelle rhtorique, est philosophe du droit. Lune des profondes originalits de son uvre est davoir int-gr la thorie de largumentation une philosophie de la connaissance et une philosophie de la dcision et de laction, profondment explicites. Le Trait

    de lArgumentation de Ch. PERELMAN et L. OLBRECHTS-TYTECA (Bruxelles 1958) soccupe des moyens discursifs employs pour obtenir ladhsion des esprits.On y examine les techniques quutilise le langage pour persuader et pour convaincre lauditoire. Cest que largumentation vise, grce au discours, obtenirune action efficace sur les esprits.

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    Exercices dentranement au modle de ToulminExercice 1

    Donne D = Pierre est (encore) parti en voyage

    Conclusion C = Marie va (finir par) prendre un amant.

    Consigne 1 : formaliser la situation en utilisant toutes les composantes du modle deToulmin.Consigne 2 : la garantie G doit tre exprime sous forme dun proverbe.

    Pensez au qualificateur modal et aux diffrentes restrictions.

    Vous trouverez en page 43 les rsultats de ce premier exercice, tels quils ont t livrspar 4 groupes en formation.

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    Exercice 2

    Donne D : Cest une femme qui prside la runion.Conclusion C : On aura fini avant 16 heures.

    Consigne : reconstituer le modle en utilisant un qualificateur modal, une garantie etun support au choix.

    Vous trouverez quelques rponses possibles cet exercice en page 47.

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  • 8/6/2019 Genre, strotypes et communication partie 1

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    Il est important de prendre conscience du fait que, quand on se bat pour une cause,plus on passe par une phase dhonntet intellectuelle par rapport cette cause, pluson sera fort pour la dfendre.

    Nous trouvons normal daller chercher des supports forts, et nous serions choqus parlinverse de ce quils nous disent. Face des groupes ou des personnes qui ontdautres opinions que les ntres, nous entrons parfois dans linversion du strotype.

    Aucun argument nest dfinitif. Il y a toujours une contre-argumentation. Nous devonsgarder en mmoire, avoir conscience du fait que lon peut faire deux poids, deuxmesures et avoir galement conscience du STATUT des garanties et de leur support :

    le choix de la garantie et du support rsulte dun choix motionnel qui reflte nosvaleurs

    plus nous apprenons quitter leffet, la conviction dvidence, plus nous renforonsnotre pouvoir dargumentation.

    Genres, Strotypes et Communication - 27

    En rsum

    Contrairement ce qui se passe dans les socits orales, nous pouvons prendrenos distances par rapport aux et nos strotypes.

    Toutefois, notre socit fonctionne beaucoup par strotypes. Ceux-ci sont vhi-culs par la presse, par limage, la presse fminine, la tl, les bandes dessineset les dessins anims, les livres denfants, dadolescents et adolescentes, lapublicit. Nous sommes au dbut du 21me sicle, mais la reprsentationpublique de la femme repose sur plusieurs couches de strotypes solidement

    ancrs et trs diversifis, autour des thmes femme battante au boulot (thme en construction), bonne mre et femme fatale .

    Nous vivons dans une socit deux vitesses, tmoin1. du rejet des strotypes, objets de pense discriminatoires. Dans la pense

    et la rflexion, on les remet en question et on choisirait plus vite la censureque largumentation

    2. du fait que nous baignons dans une socit qui utilise les strotypes et nousles met sous le nez, avec des images parfois incompatibles entre elles et quialimentent un chaudron de lieux communs et de strotypes. Nous les subis-sons, nous les vivons, de manire passive.

    Cette situation est gnratrice de paradoxes sur le statut de la femme et sur lesreprsentations de la femme par la femme elle-mme et par la socit. Uneillustration en est la cration de jouets, comme Barbie famille heureuse , quiinclut Barbie enceinte, Ken papa et Barbie pdiatre. Nous assistons ici uneconjonction de deux strotypes, lun trs ancien femme mre heureuse et un nouveau, en construction femme mdecin gale de lhomme .

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    TRAITEMENT DES STROTYPES &VALEURS : 2 GRANDES OPTIONS

    Le CONFLIT IDOLOGIQUE qui abrite la plupart des dbats sur le COMMENT faire lgalit

    entre les hommes et les femmes rvle lambivalence existant autour de la recherche delgalit et nous confronte des paradoxes et des difficults venant du fait que nousfonctionnons en plusieurs couches et que les situations sont complexes.

    Dans les grands dbats sur le fminisme mergent deux faons de se positionner.Dune part, nous trouvons la position UNIVERSALISTE et, dautre part, la positionPARTICULARISTE. Chacune cherche faire le ncessaire pour la dfense de lgalit(OK sur le quoi ), mais les moyens et les stratgies mis en place pour lutter contreles strotypes sont diffrents.

    1. Pour lUNIVERSALISTE, cest simple : lgalit doit tre garantie au nom de la

    Dclaration Universelle des Droits de lHomme19

    . Pas de spcificit, quels quesoient les diffrences de nature. Tous les citoyens et les citoyennes ont droit la mme chose, quelle que soient leur sexe, genre, origine ethnique, nationalit,couleur de peau, apparence physique, etc. Le fait de crer une dclaration oucharte des Droits de la Femme serait une forme de particularisation qui lesexclurait de luniversel, ce qui est inacceptable.

    Le strotype est ni : la diversit est prsente comme non problmatique, commenon strotype. La volont de montrer une certaine forme de diversit existe, maiscette diversit nest pas problmatique.

    Les femmes sont des hommes comme les autres. La femme est lgale de lhommeen droit. Tous les hommes sont gaux, y compris les femmes. Il ne sagit pas dequelque chose qui existe dans la nature, mais dune dclaration de droits.

    LHumanit se donne un droit pour elle-mme. gaux nest pas synonyme de pareils .

    Il ne sagit pas dune ngation de la diffrence : on ne nie pas les diffrences biolo-giques, psychologiques, organiques entre les hommes et les femmes, mais cesdiffrences ne sont pas pertinentes dans la vie politique ou publique pour dfinir etdfendre le principe dgalit : chaque individu est ce quil est, avec ses diffrences,mais a droit la mme chose.

    Cette position saccompagne dune exigence forte de la reconnaissance de la diversit,au nom de lUNIVERSALIT des droits de lHomme, de lgalit de droit (en anglais :Human Rights). Il faut se battre pour lgalit des hommes et des femmes, maissans faire des femmes une minorit.

    De faon schmatique : pas de quotas - pas de discrimination positive

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    19. Lors de la parution de la Dclaration des Droits de lhomme, en 1789, il sagit bien de mettre un petit h homme . Elle ne vise et concerne, lpoque, que les hommes et pas les femmes. Olympe de Gouges, connue pour sa Dclaration des Droits de la femme, revendiquant le droit de vote pourles femmes, en vertu du fait quelles ont le droit la guillotine, trouvera la mort sur lchafaud Toutefois, en 1948, les pendules sont remises lheure :

    il sagit bien des Droits de lHomme, cette fois avec un grand H. La Dclaration concerne aussi les femmes. Dans ce cas, on pourrait peut-tre la rebaptiser Dclaration Universelle des Droits Humains , traduction littrale de Human Rights , Derechos Humanos , etc. On ne le fait pas en Europe maisbien au Qubec ...

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    Dans les formulations, on aura recours aux termes picnes ou englobants : la per-sonne , lindividu , etc.

    La position universaliste se voit reprocher, par les particularistes, le statut-mme de laDclaration des Droits de lHomme, dclaration dun idal commun bas sur des notionsfloues et vers lequel on doit tendre, qui est son principal support et nest pas appliqu lensemble de lHumanit. Sans tre naf, il apparat comme tel dans les dbats.

    Par ailleurs, dans luniversalisme pouss lextrme, on ne tient pas compte des diff-rences biologiques entre les femmes et les hommes.Dans les faits, il existe une relle difficult grer les diffrences.

    Beaucoup de fministes rtorquent galement aux adeptes de cette position quela socit nest pas prte et quil est ncessaire davoir recours des options dures,lgifrantes (quotas, actions positives, etc.), qui sont les instruments-mmes duparticularisme.

    2. Pour ladepte de la position PARTICULARISTE, en effet, laccent est mis surles minorits20 protger. On parle d essence du fminin .Chaque communaut a le droit de revendiquer ses spcificits.

    Linversion du strotype est un outil : on le reconnat et on le combat,on le retourne.

    Il y a une spcificit du fminin, et cest au nom de cette spcificit que londoit adapter la vie politique et publique. Les diffrences entre les hommes etles femmes sont donc juges importantes et pertinentes pour gagner le com-bat de lgalit entre les hommes et les femmes dans les diffrentes politiqueset la sphre publique.

    Le droit la diffrence est revendiqu (alors que la diffrence nest pas un droit, cestun fait).

    On fait tat de lensemble des reprsentations du fminin pour en tirer un argumentairepolitique. On met en avant les traits fminins, et on valorise la diffrence entre lesfemmes et les hommes. cette fin sont utilises les reprsentations et les strotypesde la femme plus intuitive, plus douce, plus mticuleuse, plus apte grer des conflits,etc.

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    20. Le terme minorit ne dsigne pas un ensemble de personnes infrieures en nombre, mais bien un ensemble de personnes, quelle que soit son impor-tance numrique, victimes dingalits et de discriminations.

    Ainsi, daucuns et daucunes reprochent luniversalisme davoir conduit, enBelgique, autoriser les femmes travailler la nuit, alors que peut-tre, dans lesouci du bien-tre de tous et de toutes, il aurait fallu linterdire aux hommes, saufdrogations trs spcifiques comme le travail hospitalier. De mme, luniversalisme

    a t point du doigt lors de luniformisation de la lgislation belge en matire depension, lorsque lge de la retraite est pass de 60 65 ans pour les femmes.Peut-tre aurait-il fallu penser linverse et abaisser lge de la retraite 60 anspour les hommes

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    Les hommes et les femmes sont complmentaires. (Notion floue : tout le mondeest plus ou moins OK, sauf quand on la met en pratique)

    Si lon insiste sur les diffrences, on insiste sur les strotypes Donc, au dpart deprincipes dgalit, on utilise des qualits fminines strotypes comme outils dgali-t, et on entre dans le paradoxe.

    En effet, on recre par l-mme des sources dingalit. Dire que les femmes sont plusdoues pour le social, sont plus minutieuses, plus soignes, plus diplmes, etc.(autant de clichs) sous-entend que les hommes ne le sont pas ou le sont moinsOn les carte de ces qualits et on les exclut !

    Revanche normale, diront certaines - voire certains. Danger surtout : sil y a des diff-rences entre les sexes, il y en a entre les races, etc. On forge l un outil dexclusionGare au relativisme !

    Les vieux strotypes machistes sont aujourdhui relays par les fministes particula-

    ristes avec une inversion des valeurs qui glorifie les particularits fminines et lesdonne pour suprieures celles des hommes.

    Le premier danger de cette position particulariste se situe donc dans le relativisme quien dcoule. Chacun, chacune peut proclamer son droit individuel sans prendre enconsidration le droit de lautre, ce qui apporte une justification tous les excs lisaux cultures, religions, etc. Nous prendrons pour seul exemple la coutume de lex-cision.

    Le risque de cette position est que les femmes se confrent des droits particuliers qui,en mme temps, les enferme. Nous assistons une forme de ghettosation invo-

    lontaire et une perte duniversalit.

    Autre danger : celui de la gnralisation. Ainsi, dans une argumentation visant ladsgrgation professionnelle, on entend souvent dire que les femmes sont plusminutieuses . Cela est vrai pour certaines dentre elles, mais pas pour toutes. Parailleurs, il y a des hommes qui sont trs minutieux. La gnralisation, de mme que le

    relativisme, mne lexclusion.

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    Ainsi, dans le dbat sur le voile, en France, deux lieux communs sacrs saffrontent :celui de la libert du culte et celui de la lacit de la Rpublique.

    Expression dun particularisme fministe lextrme, il existe un courant, aux tats-Unis, qui estime que les femmes sont la race suprieure, car donneuses de vie, etquelles doivent, ce titre, dominer les hommes.

    Cette notion de race suprieure , que lon retrouve dans le nazisme, illustre ledanger du fminisme particulariste, qui en vient nier la Dclaration des DroitsHumains, en niant lintgrit de la personne et sa dignit.

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    Tout en restant dans une approche fministe, on peut faire vivre les deux strates enmme temps, mais si lon fait un choix strict pour lune des deux stratgies, selon quelon choisisse la position universaliste ou la particulariste, on construira son argumen-tation partir du droit ou partir des faits.

    La stratgie du gender mainstreaming se rapproche davantage de la position universa-liste, alors que celle des discriminations positives est le reflet clair dune position par-ticulariste.

    Il ny a pas une bonne et une mauvaise position. Chacune se trouve, un moment ou un autre, confronte ses paradoxes Souvent, dans les dbats, on fera usage dunpatchwork darguments tantt universalistes, tantt particularistes, pas toujours coh-rent et gnrateur de nombreuses contradictions internes.

    Les supports de communication sont le reflet des choix, des options prises, qui seretrouvent dans les textes et dans les images. Dans la plupart des documents, onconstate un consensus clair sur le quoi (galit hommes/femmes

    autochtones/allochtones etc.), mais le choix du comment sera le reflet dune ten-dance universaliste ou particulariste, et chaque position saccompagne dun traitementspcifique des strotypes.

    Rdiger un document, quel quil soit, implique un choix. Il ny a pas doption neutre.Il faut savoir ce que lon fait.

    Ces choix se feront sans ngliger le fond permanent de strotypes de genres et desexes, qui ont la vie dure et ont trs peu volu depuis que la socit existe, dautantquils ont t mis en place ou intgrs aussi bien par les femmes que par les hommes.

    Ce fond permanent est constitu de deux images fortement ancres, valables pour len-semble de la socit, hommes et femmes :

    femme = mre, sainte, condition de possibilit de vie pour les hommes et pour lesfemmeset

    femme = putain, femme fatale, sorcire, mort, destructrice du lien social.

    Nous irons puiser consciemment dans les vertus fminines : empathie, douceur, etc.Toutefois, malgr lintention consciente et affiche de mettre en exergue les imagespositives de la femme, inconsciemment, nous laisserons parler des reprsentations de lafemme que nous aurions voulu officiellement mettre entre parenthses.

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    Le matriel des strotypes est un matriel archaque, qui se trouve en contradictionavec la position quil faut prendre (cf. la chanson de Renaud sur Madame Tatcher).

    On a tendance chercher des excuses aux femmes violentes, parce quelles sortent denos lieux communs. Si elles se sont rendues coupables de violence, cest parce quellesont t manipules par un homme, quelles taient sous influence dun homme,quelles ont obi aux ordres dun homme.

    Universalisme et neutralisation du strotypeDans la position universaliste, on gomme le strotype, on le neutralise. On traite les

    reprsentations de la manire la plus neutre possible : les diffrences ne sont pas per-tinentes. On se situe dans un cadre universel qui reconnat tout le monde et danslequel tout le monde doit pouvoir se reconnatre. Lingalit nexiste pas, elle nest pasreprsente.

    Les diffrences entre hommes et femmes sont dordre biologique, psychologique, etc.,mais il nest pas lgitime que ces diffrences se traduisent au niveau des droits.

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    En illustration de ces paradoxes, nous prendrons le cas de Lynndie England, cettejeune femme soldat amricaine, photographie par ses collgues alors quelle tienten laisse un prisonnier iraquien (avril-mai 2004) dans la prison dAbou Ghrab,en Irak.

    En une photo, la socit se trouve en porte--faux. On ne comprend plus rien :a part dans tous les sens ! Cette femme appartient larme. Elle est OK sociale-ment, et on ne peut pas la mettre dans la colonne MORT . Elle devrait tre dansla colonne VIE . Or, elle ny est pas !

    On ne sattend pas, de la part dune femme, une telle expression de violence et un non-respect des droits humains (cf. galement, en illustration de ce paradoxe,le problme qua pos la condamnation de Michle MARTIN, pouse de MarcDUTROUX). Si cest un homme, on est rvolt, mais la socit nest pas en danger,car cest une chose laquelle on peut sattendre.

    Or, cette photo, qui a suscit un toll gnral, a t utilise par certains magazinesfminins comme argument pour conclure un progrs voire une victoire - verslgalit : les femmes aussi ont enfin - le droit dexprimer leur violence !

    Nous sommes en plein paradoxe : au nom de lgalit, il y a revendication du droit,pour les femmes, de violer le premier article de la Dclaration universelle des DroitsHumains.

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    Ainsi, le rapport dactivits du FOREM 2002 neutralise le strotype. La diversit estreprsente, elle est l, de fait. On vite de choquer. Lintention est de doser afinde donner une image harmonieuse de la diversit, comme un monde idal auquel onaspire.

    Particularisme et inversion du strotypeDans la position particulariste, on inverse le strotype, on travaille sur les mentalitsen les prenant rebours. On tire argument des faits pour agir sur le droit.

    Lessentialisme, qui revendique le dterminisme biologique entre les hommes et lesfemmes, est une forme de particularisme.

    En exemple, la campagne daffichage du FOREM : Il ny a pas de mtiers de femmes,il y a des femmes de mtiers. . On inverse le strotype, on dtourne lide reue quidit que, justement, il y a des mtiers de femmes et des mtiers dhommes pour direque, tout compte fait, il y a des femmes capables de faire tous les mtiers.

    On part du principe, sur lune des 4 affiches, que tout le monde a ancr en soi le st-rotype conduire un camion = mtier dhomme et on joue avec les mots.

    Le choix de limage de la jeune femme avec un casque rose est elle-mme une inver-sion de strotype. Cest une femme qui exerce un mtier dhomme, elle est jeune,

    jolie, habille en rose du casque la pince en passant par la carrosserie de son vhicu-le Il y a un jeu au niveau du slogan et au niveau de la photo, donc provocation,donc prise de risque

    Il est important, lorsque lon conoit un produit de communication, de connatre oudvaluer, avant sa diffusion, leffet quil va engendrer. Va-t-il choquer, va-t-il dplaire,va-t-il renforcer le strotype21 ?

    Chaque option comporte ses risques. Les fministes qui prennent loption universalistecourent le risque de se faire traiter en tratres ou tratresses (le plus souvent), ceux et

    celles qui prennent loption particulariste celui de ne pas tre entendus de tous et detoutes Le problme du comment nest pas mince : il y a un ct archaque, diffi-cile remettre en cause, et des garanties prsentes comme videntes, sans support.

    On se retrouve avec des objets qui viennent des socits orales : si tu nes pas daccordavec moi, tu es un monstre. Les garanties sont rduites des slogans, qui finissentpar se comporter comme des proverbes et ne sont que difficilement critiquables, souspeine, en transgressant un strotype ou en refusant de sy conformer, de devenir a-topos , hors des lieux communs, synonyme, dans la Grce antique, dabsurde, hors delhumanit22.

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    21. cf. lutilisation de la femme dans la publicit. Dans une publicit pour une entreprise de distribution de chaussures succursales multiples, la femme est

    reprsente dans un rapport dominante/domin. Dans une publicit pour un tlphone portable, la femme porte une queue de billard. Dans une annoncepour une ONG, la femme est reprsente sans tte De mme, limage de lhomme dans la publicit est le reflet de certains strotypes et valeurs.22. Voir le livre de Nathalie HEINICH, Les ambivalences de lmancipation fminine

    Il y a neutralisation du strotype : le monde qui est reprsent est un monde danslequel le strotype nexiste plus.

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    Mnager la chvre et le chou ?Il y a, bien entendu, des positions plus nuances. Il ny a pas dobligation de choisirun camp . La dfense de lgalit peut se faire lappui des deux options idolo-giques, sachant que faire le choix dune option par rapport lautre implique le rejet

    de certaines valeurs que lon ne souhaite pas rejeter Il faut pouvoir hirarchiser sesvaleurs en toute connaissance de cause.

    Ainsi, prenons lexemple dun ancien triptyque du Rseau galit des Chances du FOREM(voir annexes).

    La phrase Vous vivez une situation de discrimination dans votre recherche demploi. sous-entend : ce nest pas normal , ce nest pas lgitime . On est tous gaux(option universaliste). tre victime de discrimination dans la vie politique ou publiquene doit pas exister.

    La phrase suivante : Vous souhaitez pouvoir valoriser votre diffrence sur le marchdelemploi ? suggre, par contre, que nous sommes tous et toutes diffrents (optionparticulariste) = Je reconnais vos diffrences et je vous apprends les valoriser surle march de lemploi, en tirer argument lembauche.

    Il y a donc coexistence de deux comments diffrents, refltant deux options diff-rentes,sur le mme support, sur la mme page, lun aprs lautre. Cela peut tre le rsultatdun choix, qui vise interpeller aussi bien les universalistes (phrase 1), que les parti-cularistes (phrase 2). Il convient den tre conscient-e.

    la page suivante, on trouvera la phrase Toutes les formations sont accessibles auxhommes comme aux femmes plutt que aux femmes comme aux hommes . Noussommes ici en prsence dune inversion flagrante de strotype.

    Notons que la formule choisie respecte lordre de prsance fix par la rhtorique( Mesdames, Messieurs, ) ...

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    En conclusion

    Chaque choix prsente des avantages et des inconvnients, il faut faire ces choixde faon consciente, lucide et cohrente, en fonction des priorits atteindre.Cette recommandation sera particulirement importante dans le cadre de lardaction dune charte de communication.

    On constate, par ailleurs, une importante volution dans les positions et le vcudes femmes, partages entre deux reprsentations que nous pourrions schmatisercomme suit :1. femme = aide = accueil des enfants (allaitement, ducation des enfants,

    cong de maternit) = soins2. femme = homme comme un autre, qui peut, voire doit faire carrire

    Dans le particularisme, on est dans limage traditionnelle de la femme, dans lareconnaissance de ses diffrences et des particularismes (femme plus soigneuse,mticuleuse, maternelle, studieuse, etc.).Dans luniversalisme, on sinscrit dans le renoncement des femmes leurs diff-rences par rapport un modle masculin.

    Chaque option, nous lavons dit, comporte ses paradoxes et ses difficults. Ainsi,dans Fausse route , Elisabeth BADINTER, partisane de loption universaliste, for-mule des comments la limite de ladmissible et est contestable dans certainspassages de son argumentation. Les Chiennes de garde , en France, partisanes

    de loption particulariste, ont dfini un grand principe de non-agression et denon-dvalorisation des femmes publiques. En contradiction totale avec ce principe,autorisation a t donne, dans le forum de discussion, un homme chienne degarde , dinsulter publiquement Elisabeth BADINTER. Paradoxe !?

    Parmi les grands paradoxes : en demandant lgalit au nom de la diffrence, on renforce la diffrence si on parle de la diffrence, cest quelle existe et argumenter la diffrence, cestprouver quelle existe le/la fministe ne peut exister que dans un monde machiste

    Les options universaliste et particulariste en matire de fminisme possdent leurspropres consquences et effets, quaccompagnent dinvitables incompatibilits etparadoxes :le fminisme volue en parallle dune socit vhiculant des valeurs parfoisparadoxales et incompatibles.

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    BILAN DES POLITIQUES EN MATIREDE FMINISATION DES NOMS ETDES TITRES EN FRANCOPHONIE

    Derrire ces positions politiques, il y a des enjeux, politiques eux aussi, et diffrentesfaons dargumenter la parit.

    Politiques de fminisation des noms,des fonctions et des mtiersPostulat de dpart : globalement, tout le monde est daccord sur le FAIT quil faut

    fminiser les noms de mtiers (= faire en sorte que les femmes et les hommes puissentsy reconnatre), mais il existe un dsquilibre maintenant connu entre le QUOI(par rapport auquel on est OK) et le COMMENT (non OK). Les diffrentes politiquesexistant en Francophonie (Qubec, France, Belgique, Suisse Romande) sont le rsultatde querelles de spcialistes.

    Prambule : le statut du langage

    1. Quest-ce que le langage ? Que peut-il ? Que ne peut-il pas ?

    Il existe une vrit gnrale par rapport la linguistique, une ralit scientifique :lvolution des langues ne se fait pas par des lois.

    UNE LANGUE = un organisme qui volue son propre rythme, comme toute espce, enfonction de lenvironnement. Cette volution, ce rythme dpendent de toutes sortes defacteurs dont, principalement, lUSAGE que les locuteurs, hommes et femmes, en font,de manire, la plupart du temps, inconsciente. Cest lusage qui fait apparatre et dis-paratre les mots et les rgles. Cela prend du temps, parfois des gnrations. Unelangue se construit partir des habitudes de parole des locuteurs et locutrices, du faitquils adoptent, rejettent ou modifient mots, expressions, rgles, etc.

    Cette ralit scientifique entre en contradiction avec le fait de LGIFRER sur unelangue, le fait de lgifrer impliquant un EFFET IMMDIAT, contrlable, valuable.Lgifrer sur une langue relve pratiquement de labsurdit et les lois nont quuneinfluence, toute proportion garde, trs relative sur lvolution de la langue. Agir surla langue via des dcrets et rglementations est louable, mais pas forcment efficace.

    Le langage nest ni raciste, ni sexiste.

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    Lvolution des mentalits fait en sorte que, de plus en plus, on joue sur les connota-tions. Par souci dviter les connotations ngatives, on vite les mots car la dnotationest venue se confondre avec une connotation pjorative.

    Par exemple, on utilisera le terme technicien-ne de sur-face , car on nose plus nommer la chose, elle devientquelque chose de sale. On ne sait plus ce que lon peut

    dire pour tre politiquement correct.

    Un autre exemple : comment nommer le produit de lafcondation dun ovule par un spermatozode avant deprendre la dcision de le garder ou non ? Ftus,embryon, enfant, bb ?Le choix du terme nest pas neutre, il est le fait du locu-teur, de la locutrice, et sera le reflet de leurs valeurs.

    Le langage est un outil puissant qui participe la structuration de la socit et laprdominance de lhomme sur la femme, et ce malgr son arbitraire apparent.

    2. Paradoxe du FRANAIS

    FRANAIS = langue particulire, institutionnalise depuis la cration, au XVIImesicle, de lAcadmie Franaise, qui dcide de RFORMES, censes exercer un POUVOIRSUR LUSAGE24.

    Le franais fait, effectivement, politiquement lobjet dune NORME, de RGLES. Il exis-te donc un rapport normatif entre les locuteurs et la langue25.

    En Francophonie, il existe, de la part des locuteurs et locutrices, un rapport idolo-

    gique, politique et motionnel la norme. Lambition tait donc, ds le dpart, detrouver une thorie gnrale sur la fminisation des noms de mtiers, mais cette ambi-tion de dpart va se heurter aux cadres institutionnels, diffrents dun pays lautre.

    Genres, Strotypes et Communication - 37

    23. On appelle sens dnot, ou dnotation, le sens le plus objectif ou neutre d'un mot. On appelle sens connot, ou connotation, les significations beaucoupplus nombreuses et subjectives qui correspondent plutt des aspects affectifs du signifi.24. Le mme souci dunification sest prsent en Italie (Dante), en Espagne, en Grande-Bretagne, mais pas avec la mme fonction de norme, notamment auniveau de lorthographe et de son volution.Dans les autres langues, il ny a pas le mme rapport normatif entre la langue et le locuteur. Mme si toutes leslangues ont une grammaire cela fait partie de la dfinition-mme de la langue, dans la plupart dentre elles, la langue crite est trs proche de la langueparle. En franais, lorthographe loigne lusager de la langue crite, qui ressemble parfois une langue morte, fige dans le bon usage.

    25. Ainsi, il y a quelques annes, la loi Toubon dcrte linterdiction de lutilisation des anglicismes, au mpris du fait que les langues voluent en fonctiondes apports des autres langues. Cette tentative de lgifrer, totalement absurde, ne donnera pas les rsultats voulus et sera contredite par lusage des locu-teurs et locutrices. Cette tendance lgifrer vient de la peur du gouvernement franais que la langue leur chappe, quelle ne soit plus le reflet des valeurs transmettre.

    dnotation23

    mot choseconnotations

    dans les mots eux-mmesdans le choix des mots

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    Des obligations institutionnelles vont donc apparatre dans chacun des pays de laFrancophonie en matire de fminisation des noms de mtiers et de fonctions. Il y aobligation dy adhrer dans le cadre institutionnel, mais, dans la rue, on fait ce quonveut : cest le POUVOIR DE LUSAGE !

    Si lon se rfre au franais parl en Belgique, on ne peut sempcher de constater uncertain complexe par rapport la France. Le Belge a le souci dtre le bon lve .

    Cest lusage qui prside, mais les francophones ont une ide forte du bien parler et du pas bien parler . Le rapport nest pas neutre. Nous vivons, en Francophonie,dans une sphre politique et linguistique o la langue existe POLITIQUEMENT etNORMATIVEMENT.

    Dans les autres langues, on simplifie tout naturellement. En franais, toute rformeou modification de lorthographe, de la grammaire ou de tout autre aspect de lalangue, provoque des leves de boucliers. Il semble que toute rforme porte atteinte un processus identitaire ou un sentiment dappartenance une lite gagne dans

    la souffrance et la douleur.

    La fminisation des noms de mtiers et de fonctionset