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No 292 — Mercredi 13 décembre 1972 GENÈVE JOURNAL DE GENÈVE — 17 La centrale nucléaire de Verbois un grave danger pour la collectivité La future implantation d'une centrale nucléaire à Russin fait couler beau- coup d'encre. Les réunions d'information se multiplient. Un comité opposé à la construction de cette centrale à Verbois s'est constitué. « Energie Ouest- Suisse » a délégué, à plusieurs reprises, des représentants à Genève afin d'expliquer pourquoi et comment la société comptait édifier la centrale. La presse locale s'est montrée particulièrement loquace en la matière. Aujour- d'hui nous publions la lettre de M. Wuhrmann, ingénieur, qui souligne les dangers que peut représenter, à son avis, la construction d'une centrale nucléaire à Verbois. Dans cette même page nous publions la réponse d'EOS, qui sera chargée de bâtir cette usine, si cette construction était autorisée. Enfin, notre chroniqueur scientifique Xavier Comtesse fait le point de la situation, (b) L'âge nucléaire : un monde d'illusions sur lequel la population mérite d'être informée Les nombreux articles publiés à ce jour au sujet des centrales nucléaires émanent surtout des milieux particulièrement intéressés à la réalisation de ces installations. On s'efforce, par la plume des technocrates, de faire comprendre au profane que les centrales nucléaires actuelles fission) offrent toute garantie quant à leur sécurité. Cependant, il nous paraît opportun, dans l'intérêt de nos enfants qui devront subir le résultat de nos erreurs, d'en- tendre un autre son de cloche. A ce sujet, on nous apprend que la totalité du programme des centrales nucléaires des USA (pays pilote en la matière) est virtuellement arrêtée pour quelque temps à la suite d'une action menée contre AEC par un groupement d'organisation luttant pour la sauvegarde de l'environnement. Une réglemen- tation nouvelle menace d'entraîner la fermeture de cinq centrales actuellement en fonctionnement et d'arrêter la construction de quarante cinq autres centrales. Voilà, semble-t-il, des informations qui ne concordent en aucune manière avec l'optimisme officiel si rassurant (mais totalement dépourvu de justification sur le plan des réalités écologiques...) dont certains auteurs se sont inspirés. Le triom- phalisme de la « belle époque » des illusions de l'âge nucléaire dans le monde (en Suisse, comme en France ou aux USA...) par les défenseurs incondi- tionnels de l'énergie nucléaire, contre les savants qui croient devoir, en conscience, alerter leurs con- citoyens quant à la rapide montée des périls de la contamination croissante de notre environnement, ne serait-ce que pour citer la clarté avec laquelle des savants tels que A. R. Tamplin et J. W. Gofman réfutent méthodiquement tous leurs arguments. Ce qui nous paraît particulièrement inquiétant, ce sont les divergences d'appréciation de certains pseudo-spécialistes qui affirment que les effluents radioactifs de la cheminée d'un réacteur n'excèdent pas quelques millièmes de microcurie à la seconde, alors que les savants parlent de quelques milliers de microcuries à la seconde, ce qui représente une différence de 1 à un million. Dans ces conditions, on peut se demander ce qui reste de valable en fin de compte des arguments avancés par certains pro- moteurs. Citant les travaux du Symposium de 1970 d'Aix- en-Provence, rassemblant sur l'initiative de « l'Agence internationale de l'énergie atomique », des spécialistes de tous les pays nucléaires, M. Daniel Parker, ingénieur ETP nous apprend par son étude très fouillée que même en fonctionne- ment normal, les centrales nucléaires diffusent dans l'environnement des effluents radioactifs ga- zeux et liquides, à raison de 30 curies 1 par méga- watt (MWe 2 ) et par an. C'est ainsi que chaque année, un réacteur nucléaire de 850 MWe, tel que celui envisagé à Verbois, répandrait donc dans.l'en- vironnement 25 500 curies de produits radioactifs 3 , ce qui signifie une contamination radioactive annuelle d'environ 12,7 fois la radioactivité de tout le radium à usage médical existant dans le monde. Ce sont-là des chiffres qui donnent à réfléchir sur les conséquences, cela d'autant plus que certains des isotopes radioactifs rejetés ont des périodes 4 qui varient entre dix et trente ans, voire même no- nante ans, dont les effets cumulatifs présentent un danger de pollution qui n'est certes pas infime, comme d'aucuns le prétendent, une perspective qui laisse prévoir que la contamination radioactive artificielle augmentera dangereusement dans notre canton et les environs. De plus, bien que l'on prétende dans certains milieux que l'éventualité de fuites par accidents est soi-disant minime, il va sans dire qu'elle existe. Comme exemple, il suffit à ce sujet de se rappeler le cas de Lucens. On peut se poser la question de savoir pour quelle raison, à l'aide d'une propagande d'information bien orchestrée, on veut à tout prix, hâtivement, augmenter la production d'énerçie électrique par des systèmes de centrales nucléaires qui, dans une décennie à peine, seront vétustés et condamnées, alors que d'autres sources de produc- tion d'énergie, non polluantes, sont actuellement sur le point de voir le jour ou sont même déjà en cours d'exploitation à titre expérimental. A part le gaspillage, nous voulons bien croire que les besoins ménagers absorbent une quantité appréciable d'énergie électrique mais, à vrai dire, la centrale nucléaire projetée à Verbois, dont l'exécution paraît si urgente, ne sera-t-elle pas plutôt destinée assurer le moment venu, la consomma- tion supplémentaire du nouveau « supersynchrotron 300 GeV »— du CERN en voie de construction ? Quelle belle aubaine dans ce cas pour Genève. Il s'agit en l'occurrence d'un cas fort discutable, dans lequel nos politiciens, sous l'influence de l'économie, appliquent de manière inconsidérée et ambitieuse la maxime « faites ce que nous vous di- sons, mais ne faites pas ce que nous faisons », c'est- à-dire en d'autre termes, favorisons la consomma- tion dans l'intérêt de l'expansion de l'industrie, cela même au détriment des conditions écologiques tout en stimulant de ce fait la fameuse spirale de l'in- flation et le malaise grandissant qui en résulte. Compte tenu de ce qui précède, il appartient non seulement aux habitants de la commune de Russin, mais également aux électeurs du canton de Genève, qui sont eux aussi exposés à la contamination ra- dioactive, de se prononcer et de dire, avant qu'on les mette devant le fait accompli, si oui ou non ils veulent prendre le risque d'exposer la génération montante au grave danger qui la menace. Encore conviendrait-il auparavant de les informer honnê- tement et objectivement des dangers génétiques si redoutables que comporte la contamination radio- active de l'environnement. Reconnaissons que jus- qu'ici, cette information, qui a fait totalement dé- faut, n'a été remplacée que par une propagande des plus contestables. G. Wuhrmann, ing. 1 Le curie (ci) qui est une unité de mesure énorme correspond à la radioactivité de 1 gr. de radium. Les taux de pollution (de l'air, de l'eau, du lait, des céréales, etc.) sont chiffrés en picocuries (pci) millionièmes de millionième de curie. 2 Million de watts (MWe). 3 Un rapport du groupe d'experts de l'AIEA in- titulé « Le contrôle de la pollution de l'eau due aux installations nucléaires » mentionne les principaux radio-isotopes gazeux produits dans les réacteurs nucléaires (collection « Sécurité », No 17, Vienne, 1967, pp. 11-113). En France, un résumé de ce rap- port a paru dans la revue « PRI », No 34, pp. 1046 et 1047), Grisenoy, 77 — Guignes (France). 4 La « période » d'un corps radioactif est la durée de temps nécessaire pour qu'il perde la moitié de sa radioactivité initiale. « L'envers du décor nucléaire », étude de Daniel Parker, ingénieur ETP, numéro spécial de la re- vue Protection contre les rayonnements ionisants PRI, 1 Grande-Rue, F. Grisenoy, 77 Guignes (France). Voir aussi la magistrale interview du physicien nucléaire J.W. Gofman, publiée dans le numéro spécial de « France Observateur » : « La dernière chance de la terre » — (juin-juillet 1972). Voir aussi, pour une étude plus approfondie : J. W. Gofman : « Poisoned Power », thé case against nuclear power plants. (Edit. Rodale Press-Emmaiis, P. A. 18049, USA, 1971). E. J. Sternglass : « Low-Level Radiation » (Edit. Ballantine Books — New York, 1972). La réponse d'Energie Ouest-Suisse Le programme de construction des centrales nu- cléaires aux Etats-Unis n'a jamais été arrêté, mais momentanément freiné, pour les deux raisons sui- vantes : a) Le NEPA (National Environmental Policy Act) promulgué en 1970, a imposé à l'AEC (Commis- sion américaine de l'énergie atomique) de traiter elle aussi les aspects ne relevant paa unique- ment de la sécurité nucléaire, mais également d'autres aspects intéressant l'environnement, comme par exemple le problème du réchauffe- ment des eaux, qui est commun à toutes les cen- trales thermiques (mazout, gaz, charbon, etc...) Pour plus d'une centaine de cas, il en est résulté Le point par Xavier Comtesse Les compagnies d'électricité suisses ont pris il y a quelques années une option pour l'énergie nu- cléaire, afin de couvrir les besoins énergétiques croissants d'une Suisse industrielle. Cette option déboucha sur plusieurs accords commerciaux in- ternationaux pour la construction de ces centrales (avec les Etats-Unis), pour l'approvisionnement en uranium enrichi (avec certains pays francophones d'Afrique, avec les Etats-Unis), pour le traitement des déchets radioactifs (avec la Belgique). La Suisse se chargeant du stockage et du contrôle des déchets radioactifs (réduits de leur volume après traite- ment). La gestion de ces déchets extrêmement toxi- ques et radioactifs, dont la demi-vie d'activité va d'une centaine à quelques milliers d'années, devra être constante pendant plusieurs milliers d'années, afin de prévenir tout bouleversement géologique et d'éviter tout échauffement catastrophique de ces déchets. Les experts en désaccord M. Wuhrmann, repris dans ses propos par EOS, parle dans le début de son article de l'AEC. Il s'agit d'une commission américaine indépendante des cons- tructeurs et promoteurs, qui jouit de très importants" crédits d'Etat, afin de contrôler les systèmes de sé- curité et d'établir les différentes normes de pollu- tion admissibles. Il n'existe pas d'organisation sem- blable en Suisse. M. Wuhrmann parle ensuite du scandale qui éclata ce printemps à l'AEC et qui fut relaté dans toute la presse américaine avant d'aboutir à l'arrêt provi- soire de certaines centrales. Ce scandale porte sur deux points distincts : 1. Le système ECCS (thé emergency core cooling system) ; 2. le système de refroidissement par immersion du coeur du réacteur (solution de dernier ressort). Des calculs effectués, entre autres par l'AEC, sur des ordinateurs montrèrent, dès 1970, que lors d'une fuite grave dans le cœur d'un grand réacteur, le système ECCS doit entrer en fonctionnement im- médiatement, sinon le cœur du réacteur fond rapi- dement. Si le système ECCS fonctionne et que la température est excessive ou qu'il s'agisse d'un gros réacteur, l'injection d'eau pressurisée s'évapore dans une grande explosion de vapeur. Dans les deux cas de vastes régions seraient contaminées l . Le se- cond point du scandale dura deux ans pendant les- quels les experts de l'AEC se disputèrent sur les conclusions qu'il fallait tirer de cette analyse du système ECCS, avant de prendre les mesures ur- gentes et encore provisoires relatées par EOS. L'opi- nion publique américaine n'a pas admis cette sous- information concernant sa sécurité. Concernant l'énergie électrique qu'utilisera le CERN II, il est vrai que le réseau de l'Electricité de France (EDF) l'alimentera, mais afin que l'informa- tion soit plus complète, nous rappelons que l'EDF a pris une participation d'environ 30 °/o dans la cen- trale de Verbois. Les risques courus par tous Les experts maintiennent le débat au niveau des spécialistes alors que les risques sont supportés par tous. Ces risques courus sont de trois onlres : a) les accidents (le point important est décrit dans les deux lettres mentionnées ci-dessous). Ils peu- vent survenir : à la centrale lors du mal fonc- tionnement ou de l'usure d'un appareil, lors du transport des déchets (accident de la route), lors du stockage de ces mêmes déchets aux alentours de la centrale ou au stockage final. Sans parler des sabotages, des chutes d'avion, de météori- tes sur la centrale ou sur les stocks de déchets radioactifs. b) L'impact permanent d'une centrale sur l'environ- nement. A travers l'irradiation, même minime, qu'elle rayonne, pouvant provoquer des mutations génétiques chez l'homme et les êtres vivants. A travers la perturbation du micro-climat, elle provoque un changement des conditions de vie pour la faune et la flore, et des nuisances pour les habitants (brouillard). c) Le calcul des normes (acceptables) de l'impact d'une centrale sur la population est contesté par les experts eux-mêmes. Ils ont varié ces normes dans des proportions considérables ces dernières années. Les nouvelles formes d'énergie Aux Etats-Unis, 99,8 »/» des crédits alloués à la recherche d'énergies nouvelles sont consacrés à l'énergie nucléaire (fission, breeder, fusion), le reste à l'énergie solaire pour les expériences de la NASA. La Suisse va connaître, à partir de 1973, un grand développement dans l'utilisation du gaz naturel (utilisation peu polluante) qui pourra servir aussi bien à remplacer le gaz de ville qu'à approvisionner les centrales thermiques. Les schistes bitumeux, dont le pétrole lié représente plusieurs fois les réserves actuelles de pétrole, seront une solution prochaine aussi bien que l'utilisation plus généralisée de l'éner- gie géothermique. L'Italie est le principal produc- teur européen de cette énergie. La seule solution, à long terme, qui ne soit pas polluante reste l'utili- sation de l'énergie solaire. La France a déjà cons- truit dans les Pyrénées une centrale solaire. Xavier Comtesse 1 L'avarie survenue à Lucens, considérée comme grave, a vu le parfait fonctionnement du système de secours. Cependant, Lucens avec ses sept Mégawatts était un laboratoire expérimental et non une grande centrale (plus de 800 Mégawatts). un certain retard (allant de quelques semaines à plusieurs mois) dans la construction de centrales nouvelles, ou dans la procédure d'approbation en vue de la mise en exploitation de centrales achevées. Certaines centràfés en chantier ont m^ne rje- noncer au refroidissement direct et prévoir l'édification de tours de réfrigération, b) La controverse au sujet de l'efficacité des sys- tèmes de refroidissement de secours du cœur du réacteur (1970) a conduit l'AEC à réexaminer la puissance maximum des centrales en exploita- tion à l'époque. Seules deux centrales ont dû la réduire temporairement, en attendant un exa- men plus approfondi. Le rapport intérimaire de l'AEC n'envisageait pas de modification à appor- ter, à ce stade, aux quarante cinq autres cen- trales qui étaient alors dans un état de construc- tion assez avancé. Les critères définitifs sont en voie d'élaboration. En résumé, à l'heure actuelle, plus de vingt cen- trales nucléaires de puissance sont en exploitation aux Etats-Unis. De janvier 1972 jusqu'à aujourd'hui, la principale firme qui construit le réacteur à eau pressurisée (PWR) a reçu dix nou- velles commandes aux Etats-Unis, ce qui porte le nombre total de centrales du ty::e PWR construites ou commandées dans le monde à plus de quatre- vingts unités. Quant à la principale firme construisant le réac- teur à eau bouillante (BWR), elle annonce des chif- fres similaires. Enfin, en ce qui concerne le réacteur à gaz à haute température (HTGR), dont la mise au point est plus récente, six commandes américaines ont été passées au constructeur au cours des quinze derniers mois. £ Milliers ou millièmes de curies La curie est une unité mesurant le nombre de désintégrations nucléaires par seconde. Aucune confusion ne devrait être faite entre l'activité re- lâchée par une centrale nucléaire (qui s'exprime en milliers de curies par an), et l'influence biologique que les radiations émises par ces désintégrations peuvent avoir sur l'être humain. Cette influence, qui seule importe, s'exprime par une unité appelée le Rem, ou plus ordinairement par son sous-multi- ple, le millième de Rem, ou millirem (mrem). Or, les milliers de curies émis annuellement par une centrale nucléaire entraînent une irradiation supplémentaire de 1 millième de rem (1 millirem) au voisinage d'une centrale nucléaire, alors que l'irradiation naturelle, due principalement aux rayons cosmiques et à la nature des roches, s'élève en Suisse à 122 mrem en moyenne. Selon les en- droits, et aussi selon le genre d'habitations (bois, béton, briques), la radioactivité naturelle varie entre 70 et 300 mrem. Enfin, toute comparaison entre l'activité d'une centrale nucléaire exprimée en curies, et l'activité d'une masse quelconque de radium est dénuée de sens. Cela revient en effet à comparer le nombre de véhicules traversant chaque heure deux ponts, sans préciser si ces véhicules sont des vélos, des autos, des camions ou des tanks de 50 tonnes. C'est- à-dire sans tenir compte des sollicitations respec- tives entraînées pour chacun des ponts par les poids bien différents de ces divers types de véhi- cules. Au contraire, la science nucléaire envisage les ef- fets sur l'homme des différents isotopes en cause (il y en a environ 200 dans le cœur d'un réacteur, mais on n'y trouve pas le radium), en tenant compte des cheminements critiques d'enrichissement biologique dans les chaînes alimentaires. © Fuites par accidents L'éventualité de fuites et leur importance res- pective pour la population constituent la base des études de sécurité. Ces deux éléments sont envisa- gés pour un échantillonnage représentatif des diverses défectuosités possibles et cumulées. L'avarie survenue à Lucens a confirmé l'exacti- tude de ces calculs. Etant donné qu'il s'agissait d'un réacteur expérimental sur lequel on testait des sys- tèmes nouveaux, l'éventualité d'une rupture d'un élément combustible avait une certaine probabilité. En revanche, dans un réacteur de puissance du type courant, donc de conception plus simple, cette éventualité est à peine imaginable. Relevons aussi que l'avarie de Lucens, pourtant sérieuse, n'a pas conduit à une irradiation du per- sonnel d'exploitation, et à plus forte raison de la population. © Sources d'énergie non polluantes II est erroné de croire que des sources abon- dantes d'énergie non-polluantes seront technique- ment au point dans une dizaine d'années. La fusion de l'atome ne semble pas devoir être opérationnelle avant la fin du XXe siècle. L'effort de recherche nécessaire à la mise au point d'un système permettant d'utiliser l'énergie solaire en quantités industirelles pourrait bien être encore plus important que pour la fusion de l'atome, et requérir encore beaucoup de temps. Il est donc utopique de penser que l'énergie solaire pourra être abondamment utilisée avant le siècle prochain... pour autant qu'elle puisse jamais l'être à l'échelon industriel. © Alimentation du CERN L'accélérateur du CERN II, situé en grande partie sur territoire français, sera alimenté par le réseau d'Electricité de France. La production de la centrale nucléaire de Verbois ne servira donc pas du tout à alimenter ce centre de recherche, mais contribuera avec l'équipement actuel situé prin- cipalement en Valais, à couvrir la consommation croissante de courant dans les réseaux de la Suisse romande. Au reste, s'élever contre la consommation de courant d'un centre de recherche revient à con- tester l'utilité même de ce centre. Cette politique à courte vue va à rencontre du but souhaité, car c'est précisément d'un élargissement de nos con- naissances scientifiques que dépend la solution dé- finitive des problèmes d'approvisionnement en énergie du monde entier. Information du public L'information relative à l'énergie nucléaire ne fait pas défaut. En fait, à Genève, elle a vraiment commencé en 1955, lors de la Ire Conférence inter- nationale pour l'utilisation pacifique de l'énergie atomique. A cette époque, un réacteur en exploi- tation a été visité par plus de 60 000 personnes. Les ingénieurs chargés de cette présentation répon- daient à toutes les questions qui pouvaient être posées. Depuis lors, l'effort d'information n'a pas été in- terrompu, et il est injuste de prétendre qu'il s'agit de propagande, puisqu'aucune question relative aux points délicats que suscite l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire n'est éludée. Si chaque secteur de l'activité humaine (notam- ment la circulation routière : 120 000 morts en Europe en 1970!), était régi par des règles de sécu- rité aussi rigoureuses que l'énergie nucléaire, le monde présenterait certainement un visage moins inquiétant. S.A. L'énergie de l'Ouest-Sulsse

GENÈVE La centrale nucléaire de Verbois un grave danger ...xcomtesse.blog.tdg.ch/media/01/00/3046274605.pdfradioactifs (réduits de leur volume après traite-ment). La gestion de

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  • No 292 — Mercredi 13 décembre 1972 GENÈVE JOURNAL DE GENÈVE — 17

    La centrale nucléaire de Verboisun grave danger pour la collectivité

    La future implantation d'une centrale nucléaire à Russin fait couler beau-coup d'encre. Les réunions d'information se multiplient. Un comité opposéà la construction de cette centrale à Verbois s'est constitué. « Energie Ouest-Suisse » a délégué, à plusieurs reprises, des représentants à Genève afind'expliquer pourquoi et comment la société comptait édifier la centrale. Lapresse locale s'est montrée particulièrement loquace en la matière. Aujour-d'hui nous publions la lettre de M. Wuhrmann, ingénieur, qui souligne lesdangers que peut représenter, à son avis, la construction d'une centralenucléaire à Verbois. Dans cette même page nous publions la réponse d'EOS,qui sera chargée de bâtir cette usine, si cette construction était autorisée.Enfin, notre chroniqueur scientifique Xavier Comtesse fait le point de lasituation, (b)

    L'âge nucléaire : un monded'illusions sur lequel la populationmérite d'être informée

    Les nombreux articles publiés à ce jour au sujetdes centrales nucléaires émanent surtout desmilieux particulièrement intéressés à la réalisationde ces installations. On s'efforce, par la plume destechnocrates, de faire comprendre au profane queles centrales nucléaires actuelles (à fission) offrenttoute garantie quant à leur sécurité. Cependant, ilnous paraît opportun, dans l'intérêt de nos enfantsqui devront subir le résultat de nos erreurs, d'en-tendre un autre son de cloche.

    A ce sujet, on nous apprend que la totalité duprogramme des centrales nucléaires des USA (payspilote en la matière) est virtuellement arrêtée pourquelque temps à la suite d'une action menée contreAEC par un groupement d'organisation luttant pourla sauvegarde de l'environnement. Une réglemen-tation nouvelle menace d'entraîner la fermeture decinq centrales actuellement en fonctionnement etd'arrêter la construction de quarante cinq autrescentrales. Voilà, semble-t-il, des informations quine concordent en aucune manière avec l'optimismeofficiel si rassurant (mais totalement dépourvu dejustification sur le plan des réalités écologiques...)dont certains auteurs se sont inspirés. Le triom-phalisme de la « belle époque » des illusions del'âge nucléaire dans le monde (en Suisse, comme enFrance ou aux USA...) par les défenseurs incondi-tionnels de l'énergie nucléaire, contre les savantsqui croient devoir, en conscience, alerter leurs con-citoyens quant à la rapide montée des périls de lacontamination croissante de notre environnement,ne serait-ce que pour citer la clarté avec laquelledes savants tels que A. R. Tamplin et J. W. Gofmanréfutent méthodiquement tous leurs arguments.

    Ce qui nous paraît particulièrement inquiétant, cesont les divergences d'appréciation de certainspseudo-spécialistes qui affirment que les effluents

    radioactifs de la cheminée d'un réacteur n'excèdentpas quelques millièmes de microcurie à la seconde,alors que les savants parlent de quelques milliersde microcuries à la seconde, ce qui représente unedifférence de 1 à un million. Dans ces conditions,on peut se demander ce qui reste de valable en finde compte des arguments avancés par certains pro-moteurs.

    Citant les travaux du Symposium de 1970 d'Aix-en-Provence, rassemblant sur l'initiative de« l'Agence internationale de l'énergie atomique »,des spécialistes de tous les pays nucléaires, M.Daniel Parker, ingénieur ETP nous apprend parson étude très fouillée que même en fonctionne-ment normal, les centrales nucléaires diffusentdans l'environnement des effluents radioactifs ga-

    zeux et liquides, à raison de 30 curies 1 par méga-watt (MWe2) et par an. C'est ainsi que chaqueannée, un réacteur nucléaire de 850 MWe, tel quecelui envisagé à Verbois, répandrait donc dans.l'en-vironnement 25 500 curies de produits radioactifs 3,ce qui signifie une contamination radioactiveannuelle d'environ 12,7 fois la radioactivité de toutle radium à usage médical existant dans le monde.Ce sont-là des chiffres qui donnent à réfléchir surles conséquences, cela d'autant plus que certainsdes isotopes radioactifs rejetés ont des périodes4qui varient entre dix et trente ans, voire même no-nante ans, dont les effets cumulatifs présentent undanger de pollution qui n'est certes pas infime,comme d'aucuns le prétendent, une perspective quilaisse prévoir que la contamination radioactiveartificielle augmentera dangereusement dans notrecanton et les environs.

    De plus, bien que l'on prétende dans certainsmilieux que l'éventualité de fuites par accidents estsoi-disant minime, il va sans dire qu'elle existe.Comme exemple, il suffit à ce sujet de se rappelerle cas de Lucens. On peut se poser la question desavoir pour quelle raison, à l'aide d'une propaganded'information bien orchestrée, on veut à tout prix,hâtivement, augmenter la production d'énerçieélectrique par des systèmes de centrales nucléairesqui, dans une décennie à peine, seront vétustés etcondamnées, alors que d'autres sources de produc-tion d'énergie, non polluantes, sont actuellementsur le point de voir le jour ou sont même déjà encours d'exploitation à titre expérimental. A part legaspillage, nous voulons bien croire que les besoinsménagers absorbent une quantité appréciabled'énergie électrique mais, à vrai dire, la centralenucléaire projetée à Verbois, dont l'exécutionparaît si urgente, ne sera-t-elle pas plutôtdestinée 'à assurer le moment venu, la consomma-tion supplémentaire du nouveau « supersynchrotron300 GeV »— du CERN en voie de construction ?Quelle belle aubaine dans ce cas pour Genève.

    Il s'agit en l'occurrence d'un cas fort discutable,dans lequel nos politiciens, sous l'influence del'économie, appliquent de manière inconsidérée etambitieuse la maxime « faites ce que nous vous di-sons, mais ne faites pas ce que nous faisons », c'est-à-dire en d'autre termes, favorisons la consomma-tion dans l'intérêt de l'expansion de l'industrie, celamême au détriment des conditions écologiques tout

    en stimulant de ce fait la fameuse spirale de l'in-flation et le malaise grandissant qui en résulte.Compte tenu de ce qui précède, il appartient nonseulement aux habitants de la commune de Russin,mais également aux électeurs du canton de Genève,qui sont eux aussi exposés à la contamination ra-dioactive, de se prononcer et de dire, avant qu'onles mette devant le fait accompli, si oui ou non ilsveulent prendre le risque d'exposer la générationmontante au grave danger qui la menace. Encoreconviendrait-il auparavant de les informer honnê-tement et objectivement des dangers génétiques siredoutables que comporte la contamination radio-active de l'environnement. Reconnaissons que jus-qu'ici, cette information, qui a fait totalement dé-faut, n'a été remplacée que par une propagande desplus contestables.

    G. Wuhrmann, ing.

    1 Le curie (ci) qui est une unité de mesureénorme correspond à la radioactivité de 1 gr. deradium. Les taux de pollution (de l'air, de l'eau, dulait, des céréales, etc.) sont chiffrés en picocuries(pci) — millionièmes de millionième de curie.

    2 Million de watts (MWe).3 Un rapport du groupe d'experts de l'AIEA in-titulé « Le contrôle de la pollution de l'eau due auxinstallations nucléaires » mentionne les principauxradio-isotopes gazeux produits dans les réacteursnucléaires (collection « Sécurité », No 17, Vienne,1967, pp. 11-113). En France, un résumé de ce rap-port a paru dans la revue « PRI », No 34, pp. 1046 et1047), Grisenoy, 77 — Guignes (France).

    4 La « période » d'un corps radioactif est ladurée de temps nécessaire pour qu'il perde lamoitié de sa radioactivité initiale.— « L'envers du décor nucléaire », étude de Daniel

    Parker, ingénieur ETP, numéro spécial de la re-vue Protection contre les rayonnements ionisantsPRI, 1 Grande-Rue, F. Grisenoy, 77 Guignes(France).Voir aussi la magistrale interview du physiciennucléaire J.W. Gofman, publiée dans le numérospécial de « France Observateur » : « La dernièrechance de la terre » — (juin-juillet 1972).Voir aussi, pour une étude plus approfondie :

    — J. W. Gofman : « Poisoned Power », thé caseagainst nuclear power plants. (Edit. RodalePress-Emmaiis, P. A. 18 049, USA, 1971).

    — E. J. Sternglass : « Low-Level Radiation » (Edit.Ballantine Books — New York, 1972).

    La réponse d'Energie Ouest-SuisseLe programme de construction des centrales nu-

    cléaires aux Etats-Unis n'a jamais été arrêté, maismomentanément freiné, pour les deux raisons sui-vantes :a) Le NEPA (National Environmental Policy Act)

    promulgué en 1970, a imposé à l'AEC (Commis-sion américaine de l'énergie atomique) de traiterelle aussi les aspects ne relevant paa unique-ment de la sécurité nucléaire, mais égalementd'autres aspects intéressant l'environnement,comme par exemple le problème du réchauffe-ment des eaux, qui est commun à toutes les cen-trales thermiques (mazout, gaz, charbon, etc...)Pour plus d'une centaine de cas, il en est résulté

    Le point par Xavier ComtesseLes compagnies d'électricité suisses ont pris il y

    a quelques années une option pour l'énergie nu-cléaire, afin de couvrir les besoins énergétiquescroissants d'une Suisse industrielle. Cette optiondéboucha sur plusieurs accords commerciaux in-ternationaux pour la construction de ces centrales(avec les Etats-Unis), pour l'approvisionnement enuranium enrichi (avec certains pays francophonesd'Afrique, avec les Etats-Unis), pour le traitementdes déchets radioactifs (avec la Belgique). La Suissese chargeant du stockage et du contrôle des déchetsradioactifs (réduits de leur volume après traite-ment). La gestion de ces déchets extrêmement toxi-ques et radioactifs, dont la demi-vie d'activité vad'une centaine à quelques milliers d'années, devraêtre constante pendant plusieurs milliers d'années,afin de prévenir tout bouleversement géologique etd'éviter tout échauffement catastrophique de cesdéchets.

    Les experts en désaccordM. Wuhrmann, repris dans ses propos par EOS,

    parle dans le début de son article de l'AEC. Il s'agitd'une commission américaine indépendante des cons-tructeurs et promoteurs, qui jouit de très importants"crédits d'Etat, afin de contrôler les systèmes de sé-curité et d'établir les différentes normes de pollu-tion admissibles. Il n'existe pas d'organisation sem-blable en Suisse.

    M. Wuhrmann parle ensuite du scandale qui éclatace printemps à l'AEC et qui fut relaté dans toute lapresse américaine avant d'aboutir à l'arrêt provi-soire de certaines centrales. Ce scandale porte surdeux points distincts :1. Le système ECCS (thé emergency core cooling

    system) ;2. le système de refroidissement par immersion du

    coeur du réacteur (solution de dernier ressort).Des calculs effectués, entre autres par l'AEC, sur

    des ordinateurs montrèrent, dès 1970, que lors d'unefuite grave dans le cœur d'un grand réacteur, lesystème ECCS doit entrer en fonctionnement im-médiatement, sinon le cœur du réacteur fond rapi-dement. Si le système ECCS fonctionne et que latempérature est excessive ou qu'il s'agisse d'ungros réacteur, l'injection d'eau pressurisée s'évaporedans une grande explosion de vapeur. Dans les deuxcas de vastes régions seraient contaminées l. Le se-cond point du scandale dura deux ans pendant les-quels les experts de l'AEC se disputèrent sur lesconclusions qu'il fallait tirer de cette analyse dusystème ECCS, avant de prendre les mesures ur-gentes et encore provisoires relatées par EOS. L'opi-nion publique américaine n'a pas admis cette sous-information concernant sa sécurité.

    Concernant l'énergie électrique qu'utilisera leCERN II, il est vrai que le réseau de l'Electricité deFrance (EDF) l'alimentera, mais afin que l'informa-

    tion soit plus complète, nous rappelons que l'EDF apris une participation d'environ 30 °/o dans la cen-trale de Verbois.

    Les risques courus par tousLes experts maintiennent le débat au niveau des

    spécialistes alors que les risques sont supportés partous. Ces risques courus sont de trois onlres :a) les accidents (le point important est décrit dans

    les deux lettres mentionnées ci-dessous). Ils peu-vent survenir : à la centrale lors du mal fonc-tionnement ou de l'usure d'un appareil, lors dutransport des déchets (accident de la route), lorsdu stockage de ces mêmes déchets aux alentoursde la centrale ou au stockage final. Sans parlerdes sabotages, des chutes d'avion, de météori-tes sur la centrale ou sur les stocks de déchetsradioactifs.

    b) L'impact permanent d'une centrale sur l'environ-nement. A travers l'irradiation, même minime,qu'elle rayonne, pouvant provoquer des mutationsgénétiques chez l'homme et les êtres vivants.A travers la perturbation du micro-climat, elleprovoque un changement des conditions de viepour la faune et la flore, et des nuisances pourles habitants (brouillard).

    c) Le calcul des normes (acceptables) de l'impactd'une centrale sur la population est contesté parles experts eux-mêmes. Ils ont varié ces normesdans des proportions considérables ces dernièresannées.

    Les nouvelles formes d'énergieAux Etats-Unis, 99,8 »/» des crédits alloués à la

    recherche d'énergies nouvelles sont consacrés àl'énergie nucléaire (fission, breeder, fusion), le resteà l'énergie solaire pour les expériences de la NASA.

    La Suisse va connaître, à partir de 1973, un granddéveloppement dans l'utilisation du gaz naturel(utilisation peu polluante) qui pourra servir aussibien à remplacer le gaz de ville qu'à approvisionnerles centrales thermiques. Les schistes bitumeux, dontle pétrole lié représente plusieurs fois les réservesactuelles de pétrole, seront une solution prochaineaussi bien que l'utilisation plus généralisée de l'éner-gie géothermique. L'Italie est le principal produc-teur européen de cette énergie. La seule solution, àlong terme, qui ne soit pas polluante reste l'utili-sation de l'énergie solaire. La France a déjà cons-truit dans les Pyrénées une centrale solaire.

    Xavier Comtesse1 L'avarie survenue à Lucens, considérée comme

    grave, a vu le parfait fonctionnement du système desecours. Cependant, Lucens avec ses sept Mégawattsétait un laboratoire expérimental et non une grandecentrale (plus de 800 Mégawatts).

    un certain retard (allant de quelques semaines àplusieurs mois) dans la construction de centralesnouvelles, ou dans la procédure d'approbation envue de la mise en exploitation de centralesachevées.Certaines centràfés en chantier ont m^ne dû rje-noncer au refroidissement direct et prévoirl'édification de tours de réfrigération,

    b) La controverse au sujet de l'efficacité des sys-tèmes de refroidissement de secours du cœur duréacteur (1970) a conduit l'AEC à réexaminer lapuissance maximum des centrales en exploita-tion à l'époque. Seules deux centrales ont dûla réduire temporairement, en attendant un exa-men plus approfondi. Le rapport intérimaire del'AEC n'envisageait pas de modification à appor-ter, à ce stade, aux quarante cinq autres cen-trales qui étaient alors dans un état de construc-tion assez avancé. Les critères définitifs sont envoie d'élaboration.

    En résumé, à l'heure actuelle, plus de vingt cen-trales nucléaires de puissance sont en exploitationaux Etats-Unis. De janvier 1972 jusqu'àaujourd'hui, la principale firme qui construit leréacteur à eau pressurisée (PWR) a reçu dix nou-velles commandes aux Etats-Unis, ce qui porte lenombre total de centrales du ty::e PWR construitesou commandées dans le monde à plus de quatre-vingts unités.

    Quant à la principale firme construisant le réac-teur à eau bouillante (BWR), elle annonce des chif-fres similaires.

    Enfin, en ce qui concerne le réacteur à gaz àhaute température (HTGR), dont la mise au pointest plus récente, six commandes américaines ontété passées au constructeur au cours des quinzederniers mois.

    £ Milliers ou millièmes de curiesLa curie est une unité mesurant le nombre de

    désintégrations nucléaires par seconde. Aucuneconfusion ne devrait être faite entre l'activité re-lâchée par une centrale nucléaire (qui s'exprime enmilliers de curies par an), et l'influence biologiqueque les radiations émises par ces désintégrationspeuvent avoir sur l'être humain. Cette influence,qui seule importe, s'exprime par une unité appeléele Rem, ou plus ordinairement par son sous-multi-ple, le millième de Rem, ou millirem (mrem).

    Or, les milliers de curies émis annuellement parune centrale nucléaire entraînent une irradiationsupplémentaire de 1 millième de rem (1 millirem)au voisinage d'une centrale nucléaire, alors quel'irradiation naturelle, due principalement auxrayons cosmiques et à la nature des roches, s'élèveen Suisse à 122 mrem en moyenne. Selon les en-droits, et aussi selon le genre d'habitations (bois,béton, briques), la radioactivité naturelle varieentre 70 et 300 mrem.

    Enfin, toute comparaison entre l'activité d'unecentrale nucléaire exprimée en curies, et l'activitéd'une masse quelconque de radium est dénuée desens. Cela revient en effet à comparer le nombrede véhicules traversant chaque heure deux ponts,sans préciser si ces véhicules sont des vélos, desautos, des camions ou des tanks de 50 tonnes. C'est-à-dire sans tenir compte des sollicitations respec-tives entraînées pour chacun des ponts par lespoids bien différents de ces divers types de véhi-cules.

    Au contraire, la science nucléaire envisage les ef-fets sur l'homme des différents isotopes en cause (ily en a environ 200 dans le cœur d'un réacteur, maison n'y trouve pas le radium), en tenant compte descheminements critiques d'enrichissement biologiquedans les chaînes alimentaires.

    © Fuites par accidentsL'éventualité de fuites et leur importance res-

    pective pour la population constituent la base desétudes de sécurité. Ces deux éléments sont envisa-gés pour un échantillonnage représentatif desdiverses défectuosités possibles et cumulées.

    L'avarie survenue à Lucens a confirmé l'exacti-tude de ces calculs. Etant donné qu'il s'agissait d'unréacteur expérimental sur lequel on testait des sys-tèmes nouveaux, l'éventualité d'une rupture d'unélément combustible avait une certaine probabilité.En revanche, dans un réacteur de puissance dutype courant, donc de conception plus simple, cetteéventualité est à peine imaginable.

    Relevons aussi que l'avarie de Lucens, pourtantsérieuse, n'a pas conduit à une irradiation du per-sonnel d'exploitation, et à plus forte raison de lapopulation.

    © Sources d'énergie non polluantesII est erroné de croire que des sources abon-

    dantes d'énergie non-polluantes seront technique-ment au point dans une dizaine d'années.

    La fusion de l'atome ne semble pas devoir êtreopérationnelle avant la fin du XXe siècle.

    L'effort de recherche nécessaire à la mise aupoint d'un système permettant d'utiliser l'énergiesolaire en quantités industirelles pourrait bien êtreencore plus important que pour la fusion del'atome, et requérir encore beaucoup de temps. Ilest donc utopique de penser que l'énergie solairepourra être abondamment utilisée avant le siècleprochain... pour autant qu'elle puisse jamais l'être àl'échelon industriel.

    © Alimentation du CERNL'accélérateur du CERN II, situé en grande

    partie sur territoire français, sera alimenté par leréseau d'Electricité de France. La production de lacentrale nucléaire de Verbois ne servira donc pasdu tout à alimenter ce centre de recherche, maiscontribuera avec l'équipement actuel situé prin-cipalement en Valais, à couvrir la consommationcroissante de courant dans les réseaux de la Suisseromande.

    Au reste, s'élever contre la consommation decourant d'un centre de recherche revient à con-tester l'utilité même de ce centre. Cette politiqueà courte vue va à rencontre du but souhaité, carc'est précisément d'un élargissement de nos con-naissances scientifiques que dépend la solution dé-finitive des problèmes d'approvisionnement enénergie du monde entier.

    • Information du publicL'information relative à l'énergie nucléaire ne

    fait pas défaut. En fait, à Genève, elle a vraimentcommencé en 1955, lors de la Ire Conférence inter-nationale pour l'utilisation pacifique de l'énergieatomique. A cette époque, un réacteur en exploi-tation a été visité par plus de 60 000 personnes. Lesingénieurs chargés de cette présentation répon-daient à toutes les questions qui pouvaient êtreposées.

    Depuis lors, l'effort d'information n'a pas été in-terrompu, et il est injuste de prétendre qu'il s'agitde propagande, puisqu'aucune question relative auxpoints délicats que suscite l'utilisation pacifique del'énergie nucléaire n'est éludée.

    Si chaque secteur de l'activité humaine (notam-ment la circulation routière : 120 000 morts enEurope en 1970 !), était régi par des règles de sécu-rité aussi rigoureuses que l'énergie nucléaire, lemonde présenterait certainement un visage moinsinquiétant.

    S.A. L'énergie de l'Ouest-Sulsse