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31 GEOCLE : DES CLES POUR DEMONTRER AU COLLEGE Jean-Louis GUILLOT Irem des Pays de la Loire Groupe EIEM REPERES - IREM. N° 56 - juillet 2004 mathématiques — pour faire du sens — chaque individu commence par se forger ses images mentales ; il les stabilise en les asso- ciant, en les décrivant, en les discutant avec ses pairs, pour éventuellement les modifier et les enrichir. Nous pensons également qu’en plus du guidage méthodique des travaux proposés, nous devons aider nos élèves à prendre conscience des moyens qu’ils utilisent pour apprendre les connaissances nouvelles, les ranger dans leur mémoire, les retrouver, les faire fonctionner … Je me propose d’illus- trer ces quelques lignes directrices en vous présentant Géoclé, l’un des envi- ronnements que nous avons conçu, ainsi que quelques idées pour l’utiliser avec les élèves de collège. Depuis plus de dix ans, notre groupe 1 de recherche-action « Environnements Interac- tifs et Enseignement des Mathématiques » pré- pare pour les collégiens des activités qui uti- lisent de façon complémentaire l’ordinateur, le papier, le tableau … Pour des travaux indi- viduels, des travaux en groupe, des moments de cours dialogué ou de cours magistral … En effet, dans notre conception de l’apprentissage, nous cherchons à proposer des environnements de types différents, qui se complètent, sur lesquels l’élève peut agir et qui vont agir sur sa façon de penser. Nous admettons que pour construire ses concepts 1 Alain Bois, Vincent Bois, Pascal Chauvin, Jean-Louis Guillot, Emmanuel Lemaître, Jacques Lucas, Charly Ried- weg et Bernard Soulé-Nan.

GEOCLE : DES CLES POUR DEMONTRER AU COLLEGEnumerisation.irem.univ-mrs.fr/WR/IWR04018/IWR04018.pdf · Le texte affiché et les codages peuvent changer selon les positions des points

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GEOCLE : DES CLES POUR DEMONTRER AU COLLEGE

Jean-Louis GUILLOTIrem des Pays de la Loire

Groupe EIEM

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mathématiques — pour faire du sens —chaque individu commence par se forger sesimages mentales ; il les stabilise en les asso-ciant, en les décrivant, en les discutant avecses pairs, pour éventuellement les modifieret les enrichir.

Nous pensons également qu’en plus duguidage méthodique des travaux proposés,nous devons aider nos élèves à prendreconscience des moyens qu’ils utilisent pourapprendre les connaissances nouvelles, lesranger dans leur mémoire, les retrouver, lesfaire fonctionner … Je me propose d’illus-trer ces quelques lignes directrices envous présentant Géoclé, l’un des envi-ronnements que nous avons conçu, ainsique quelques idées pour l’utiliser avec lesélèves de collège.

Depuis plus de dix ans, notre groupe 1 derecherche-action « Environnements Interac-tifs et Enseignement des Mathématiques » pré-pare pour les collégiens des activités qui uti-lisent de façon complémentaire l’ordinateur,le papier, le tableau … Pour des travaux indi-viduels, des travaux en groupe, des momentsde cours dialogué ou de cours magistral …

En effet, dans notre conception del’apprentissage, nous cherchons à proposerdes environnements de types différents, quise complètent, sur lesquels l’élève peut agiret qui vont agir sur sa façon de penser. Nousadmettons que pour construire ses concepts

1 Alain Bois, Vincent Bois, Pascal Chauvin, Jean-LouisGuillot, Emmanuel Lemaître, Jacques Lucas, Charly Ried-weg et Bernard Soulé-Nan.

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Géoclé est « le micromonde 2 des cartes »construit pour favoriser l’apprentissage dela démonstration, en géométrie, de la 6ème àla 4ème. Dans son développement actuel,c’est d’abord une base de données accessiblesur Internet. Les éléments de la base sont desfigures-clés codées, des mots-clés et desphrases-clés. Ils sont rassemblés sur 80cartes, au format du jeu de cartes tradition-nel pour la belote ou les réussites… Chaquecarte, imprimable sur papier ou carton, pré-sente « physiquement » une définition ou unepropriété avec sa figure-clé, ses mots-clés etune phrase-clé associée. À chaque carte, surl’ordinateur, sont également associées desphrases de reformulation et une figure défor-mable (une applet Cabri Java). Les recherchessont possibles, pour chacun des trois pre-miers niveaux du collège, par leçons, défini-tions, propriétés, mots clés en données ou enconclusions. Avec chaque carte trouvée, Géo-clé fournit des phrases de reformulations, etla figure déformable, si on le souhaite. On peutégalement regrouper dans « le calepin » un choixde cartes pour les consulter ensemble, lessauvegarder ou les imprimer...

Ces « clés pour démontrer » sont cellesd’une boîte à outils bien traditionnelle.La boîte qu’est sensé se construire pro-gressivement le collégien, à partir de laclasse de 6ème. Avec ces fameuses phrasesécrites en rouge dans le cahier de cours,encadrées ou coloriées, ou soigneuse-ment préparées sur ces fiches carton-nées que l’on gardera précieusement. Cesont toutes ces définitions et toutes ces

propriétés de géométrie qu’il faut semettre en tête, bien rangées, avec tousleur liens pleins de sens, en images et enmots, pour savoir les retrouver à lademande. Savoir les tenir disponibles et« vivantes », pour « les plaquer et lesétirer » mentalement sur la figure duproblème à résoudre, afin de sélectionnercelles qui s’y adaptent bien. Savoir les uti-liser comme points fixes pour explorer lesliens avec le problème, et choisir ceux qui« s’accrochent bien ». Réussir alors àpenser, à dire, à écrire chacun de cespas de raisonnement qui construirontprogressivement ce chemin énigmatiquequ’est la démonstration.

1. La boîte à outils« Géoclé » sur Internet.

Dans le site m@ThICE 3, en cliquantsur l’un des liens Géoclé vous accédez àpage de présentation de cette boîte àoutils. Les options vous sont décrites etvous pouvez observer la carte D3 où leshypothèses sont codées en vert et les conclu-sions en rouge, aussi bien dans les motsclés que sur la figure. Hélas, la consultationen noir et blanc perd beaucoup d’informa-tion ! (voir page ci-contre)

Si vous voulez consulter la leçon« Propriété de Pythagore » vous devrezsélectionner le niveau 4ème , pour qu’ellefigure dans les choix possibles. Sinon,vous ne la verrez pas. Vous obtiendrezalors les deux cartes de la page suivan-te et leurs reformulations.

2 Terme emprunté à Seymour Papert, le concepteur deLOGO, pour désigner par exemple l’environnement de la Tor-tue, ou celui des blocs sonores (voir « Jaillissement del’esprit » [1] de cet auteur, chez Flammarion – 1981). Infini-ment plus modeste, Géoclé est un assemblage d’objets géo-métriques de natures différentes, organisés « concrète-ment » autour des « cartes » pour que l’élève se les approprie.

3 Les m@ths au collège avec les TICE [2].http://perso.wanadoo.fr/jean-louis.guillot

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Les couleurs permettent de bien repérerles prémisses des propriétés, avec les mots clésen vert ainsi que la flèche qui les désigne surla figure, et les conclusions avec les mots clésen rouge ainsi que l’astérisque qui les désignesur la figure. Le « carré colorié contenant un2 » désigne le carré du côté correspondant.L’inversion des deux phrases est soulignée parl’inversion des couleurs et celle de la flèche etde l’astérisque.

Les phrases de la carte sont préparées pourfaciliter le « par cœur » : il n’y a jamais de lettres,les reformulations à côté de la carte sont uti-lisées pour favoriser la compréhension verbale,tout comme les codes du dessin avec leur« accroche » visuelle.

C’est en demandant « tester la figuredéformable » qu’on pourra travailler la contex-tualisation, et surtout les invariants dans

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La leçon « Propriété de Pythagore ».

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une fenêtre indépendante, grâce aux défor-mations de l’applet Cabri Java associée à lacarte. Des exemples de ces fenêtres seront pré-sentés plus bas. Si vous avez besoin de faireune recherche à partir des mots clés (ou idées

clés) souhaités en conclusion, vous obtien-drez la proposition de choix ci-dessus ; chaquechoix validé renverra le paquet des cartescorrespondantes, avec la même présentationque pour les leçons.

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Vous pouvez de la même façon faire unerecherche à partir des mots clés (ou idées) quevous voulez en données (hypothèses ou pré-misses).

Il est également possible de consulterune définition à partir de la liste correspon-dante. Même chose pour les propriétés. Lescartes apparaissent toujours dans le mêmetype de fenêtre que pour les leçons. Les défi-nitions sont construites avec « est » et les pro-priétés avec « si … alors » à quelques excep-tions près. Sur la figure d’une définition,c’est l’objet défini qui est montré par l’asté-risque et la couleur rouge, alors que les attri-buts sont repérés par la flèche et la couleurverte, sauf sur quelques cartes à reprendre.Le concept défini apparaît ainsi comme le résul-tat de l’assemblage de ses attributs. Il revientau professeur de faire remarquer que l’onaurait pu faire le choix inverse. Une défini-tion correspond en fait à deux propriétésréciproques énonçables en « si … alors ».Pour faire le dessin, c’est l’une d’elles que nousavons choisie.

Le calepin ne permet pas l’affichage d’unefenêtre complète du type précédent. Il rassembleseulement côte à côte les cartes déjà vuesdans les fenêtres précédentes et qui auront étécochées C’est une sorte de résumé sous laforme d’un choix de cartes. Cet outil est trèscommode pour éditer un paquet de cartes enfonction d’un exercice ou d’une leçon donnée,ou mal sue.

Dans toutes les fenêtres d’affichage de cartesautres que le calepin, vous pourrez accéder auxapplets Cabri Java. Un clic sur le bouton« tester la figure déformable » permet deretrouver dans une nouvelle fenêtre une figu-re proche de celle de la carte, déformablecomme sous Cabri. Un nouveau texte l’accom-

pagne, en reformulant de façon contextuali-sée la phrase de la carte, ou en présentant unraisonnement rédigé du type « données …donc … conclusion ». La consigne demande dedéplacer les points rouges pour observer lesmodifications de la figure. Le texte affiché etles codages peuvent changer selon les positionsdes points rouges.

Voici une première applet associée àun texte fixe :

Cette applet affiche une reformulationde la définition du triangle rectangle, avec lesnoms des points, alors que sur la carte, on a noté :

« Un triangle rectangle est un triangle quia un angle droit ».

On peut déplacer les trois points (rouges)A, B et C. Quelles que soient leurs positions,

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le segment [BC] reste perpendiculaire à la droi-te rouge passant par B. La mesure de l’angleABC s’ajuste selon la déformation de la figu-re et la marque de l’angle devient un carré lors-qu’on retrouve l’angle droit.

La deuxième applet affichée ci-dessousest du même type. Elle illustre la propriété sui-vante : « Si un triangle est un triangle isocè-le, alors l’une de ses droites est à la fois hau-teur, médiane, médiatrice et bissectrice. »

Les points mobiles sont A, B, C et P. Letriangle ABC reste isocèle. On déplace le

point P en observant les quatre droites desommet P identifiées sur le dessin. C’estlorsque PBC devient isocèle, et seulementdans ce cas que ces droites sont confondues.Cette observation invite à formuler égale-ment la propriété réciproque.

Dans le troisième exemple d’appletprésenté page suivante, on retrouve une idéefréquemment utilisée : la figure Cabri estune reprise fidèle du dessin codé de la carte.Pour la carte de symétrie axiale de 6ème , ona voulu présenter une maison avec son axe desymétrie. En 5ème, pour la symétrie cen-

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trale, on retrouvera les deux mêmes demi-mai-sons, mais avec cette double inversion gauche-droite et haut-bas qui étonne toujours lesélèves.

Comme pour la carte de 6ème, le texte des-criptif présenté avec la figure déformable estindispensable à la compréhension de la carte.La formulation de la carte a besoin d’êtreexplicitée.

Dans le quatrième exemple d’appletde la carte, « Triangle dans un demi-cercle »,(page suivante) vous observerez le change-

ment de texte de l’applet suivant la positiondu point O, centre du cercle circonscrit.

« Si dans un triangle, le centre du cercle cir-conscrit est le milieu d’un côté, alors c’estun triangle rectangle ».

Cette présentation visuelle est prévuepour favoriser pour plus tard, s’il y a lieu, lacompréhension de l’expression : « conditionnécessaire », ainsi que l’équivalence entreles propriétés « P implique Q » et « non Qimplique non P ». Quelques autres applets sontconstruites sur ce modèle.

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2. Pourquoi avons-nous créé cet environnement ?

L’apprentissage progressif du raisonne-ment déductif est un objectif qui figure dansles programmes officiels du collège, à partirde la classe de 6ème. Toutes les disciplines ycontribuent.

En mathématiques, notre tâche est sansdoute des plus difficiles, puisqu’on abordeassez rapidement des domaines purementabstraits comme l’apprentissage du calcullittéral. C’est aussi le cas lorsqu’on vise la réso-lution effective des problèmes géométriquesjusqu’à la rédaction des démonstrations. Dansce deuxième exemple, la question langagière

est un intérêt et une contrainte supplémen-taires. Ce sont probablement ces difficultésréelles qui ont suscité un grand nombre derecherches et de productions chez nos col-lègues enseignants, aussi bien que chez les cher-cheurs professionnels. La plupart sont forte-ment influencées par le courant constructiviste.Nous continuons à travailler sur ces produc-tions et sur ces recherches depuis plus de vingtans. Elles sont devenues des points d’appuidans nos pratiques de classe. Selon les oppor-tunités, il nous est bien commode de pouvoirnous inspirer de l’une de ces activités struc-turantes finement ciselées : problème ouvert,situation problème, débat pédagogique 4,apprentissage de l’abstraction 5, groupesd’apprentissage 6, projets coopératifs 7…

4 Voir par exemple : « Problème ouvert et situation-problème » [3] -Arsac G., Germain G., Mante M. – brochure n°64 de l’Irem de Lyon.5 Cette méthode de travail est développée par Britt-Mari Barth dansson ouvrage « L’apprentissage de l’abstraction » [4] publié chezRetz en 1988. L’auteur décrit un modèle de construction de conceptsen classe, en « pilotant » les interactions dans le groupe.

6 Cette notion est développée dans la thèse de Philippe Meirieu «outilspour apprendre en groupe» [5] . Nous nous en sommes inspirés, dansnotre groupe IREM d’Angers pour publier « apprendre en groupe oudes élèves actifs en mathématiques » [6] au CDDP du Maine-et-Loire.7 Je pense aux divers projets d’action éducative (PAE), projetsd’actions culturelles, travaux croisés, itinéraires de découverte …

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Ces modèles pédagogiques cherchent à déve-lopper chez nos élèves des compétences indis-pensables au raisonnement déductif : apprendreà observer, réfléchir, évaluer, débattre, argu-menter, justifier, prouver, raisonner … En clas-se, nous les apprécions d’autant plus, quepréparés avec soin, ils vont permettent à cha-cun de s’engager facilement dans le travail etde réussir quelque chose. Dans « l’apprentissagede l’abstraction », Britt Mary Barth justifie ainsice type d’approches : « le bien-être, le plaisir,dus à la motivation intrinsèque — celle quise nourrit par l’activité elle-même — sontdes forces puissantes qui stimulent le poten-tiel pour apprendre ». Nous savons tous com-ment la dynamique des interactions dans un« bon groupe » peut développer cette motiva-tion pour apprendre, ou de la même façoncomment un projet bien conduit en inter-action avec les ordinateurs peut réveillerl’intérêt…

Nous nous accrochons d’autant plus àces idées fortes que nous sommes confrontésà l’absence de volonté d’apprendre, au refusde l’effort, que manifeste une part importan-te de nos élèves ados. Tout particulièrementen mathématiques. Qui n’a jamais entendu cetteremarque déstabilisante : « de toute façon, lesmaths, c’est trop dur et ça sert à rien » ? Nousavons dans chaque classe des élèves en grandesdifficultés voire en refus. Pour eux, les retardsscolaires s’accumulent, les bonnes habitudessociales se perdent, et le goût du travail bienfait disparaît. Alors nous voulons les « remettreen route ». Pour eux et pour toute la classe.Tant mieux si une activité proposée se dérou-le bien ! Tant mieux si quelques échangesconflictuels 8 construisent ou « réparent » desconnaissances. Mais nous savons bien qu’onne peut pas en rester-là. Le reste ne se fera

pas tout seul. Il y aura toujours la leçon àapprendre, les exercices à faire, les futures éva-luations à affronter. Pour y arriver chacun abesoin de construire de bonnes habitudesméthodologiques avec de la confiance, beau-coup de la patience, de la rigueur et desefforts. C’est aussi un travail pour plus tard.Plein d’humilité.

En construisant l’environnement Géo-clé, nous nous sommes sans doute engagés danscette mission impossible de travailler à lafois dans les deux tensions opposées :celle du plaisir de « la motivation intrin-sèque » éprouvé en participant à une activi-té bien construite, mais aussi celle de l’effortet de la rigueur, demandés rituellement pourla construction des savoirs et des méthodes« pour plus tard ». Nous cherchons à assureravec patience et ténacité les tout premiers pas.Nous voulons fixer solidement les premièresbalises, tout en sachant qu’elles devront pou-voir évoluer en cas de besoin. Nous allonsaider l’élève à « initialiser son apprentis-sage de la démonstration ». C’est-à-dire àconstruire la première étape de son pro-gramme personnel d’apprentissage, celle oùil va fixer les constantes, le cadre et les pre-miers outils qu’il utilisera dans la suite. Mêmes’il n’est pas en mesure d’imaginer claire-ment ce « plus tard ». Il va devoir forger sespremières « clés pour démontrer », en accep-tant avec confiance le guidage méthodique quenous allons lui proposer.

Dès le début de sa 6ème, le nouveau col-légien doit transformer profondément sespremières notions géométriques venues deson milieu culturel et de l’école primaire. Parexemple, il confond fréquemment les mots« parallèle », « perpendiculaire », « horizontale» et « verticale ». C’est la même chose avec «carré », « rectangle », « losange » … Parfois8 Le conflit « socio-cognitif » au sens de Piaget.

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certains de ces termes sont même inconnus.Les activités proposées dans les manuels de6ème et les productions pédagogiques « s’atta-quent » à la construction des concepts atten-dus à partir de toutes les représentations ini-tiales connues. Quelques « bons » élèves en tirentle plus grand profit. Ils s’approprient rapidementles tournures langagières et les méthodesnouvelles. Leur mémoire sait ranger et tenirdisponibles les outils nouveaux. Ils exercentnaturellement leurs capacités de réflexion,compréhension, imagination… Bref, leur pro-gramme personnel d’apprentissage est déjà bieninitialisé ! Il fonctionne de façon autonome.La question se pose bien différemment pourtous ceux qui n’ont pas acquis cette dextéri-té. L’enjeu est alors de faire fonctionnerensemble toutes ces têtes si différentes.

C’est cette tâche ambitieuse que nousvoulons réaliser avec Géoclé pour « initialiserl’apprentissage à la démonstration » pourtous. Le cadre doit être suffisamment fermeet adapté pour que chacun puisse y trouverses points d’appui, et suffisamment ouvert pourdévelopper ses façons d’organiser, ranger,relier, et retrouver à bon escient les outils néces-saires.

Pour que les définitions et les propriétésutilisables dans les raisonnements déductifssoient clairement identifiables par tous, nousnous sommes imposés de les inscrire dansune mise en forme rigide et uniformisée. Ellesauront la même forme sur l’ordinateur et surle papier. Nous avons voulu qu’elles devien-nent familières par leur aspect. Le format« cartes » est bien accueilli. On peut découper,colorier, coller ...

Nous profiterons de ce regard positif pourdemander une mémorisation fidèle. C’estaussi ça, faire des maths ! Nous redirons qu’il

faudra pouvoir abattre la bonne carte au bonmoment, à chaque occasion, pour trouver uneméthode de construction, pour justifier unpas de raisonnement ou proposer une direc-tion pour démontrer une conjecture. Ce sup-port a été pensé pour nous aider à restaurer,à côté des approches plus innovantes, la tra-dition un peu oubliée de l’apprentissage sys-tématique de mots, de phrases et de dessinsavec un maximum de précision, voire parcœur, avec tous les rituels, et tous les effortsque cela peut impliquer. Tout en recherchantau maximum les situations motivantes etporteuses de sens qui peuvent précéder ouaccompagner un tel effort.

Je vais maintenant décrire quelques-unesde mes pratiques de classe, pour suggérerdes utilisations possibles de Géoclé dans lesfinalités que je viens de vous présenter.

3. Comment peut- on utiliser l’environnement Géoclé ?

a. Observer attentivement pour comprendre et mémoriser.

Lorsque le moment de la présentationd’une carte (ou de plusieurs) est arrivé, je peuxm’organiser de différentes façons : distribuerla fiche à découper et la faire coller dans lecours, la construire sur le tableau, l’affi-cher en agrandissement sur papier, ou laconsulter sur l’écran. J’invite mes élèves, sur-tout en début d’année, à relire la phrase età repérer les mots clés écrits gras. Je les guidedans l’observation du dessin, en précisant laplace et le rôle des codages et des couleurs.Je fais imaginer, mimer et décrire les dépla-cements et les déformations, en pensant àCabri, à la tortue, à des objets ou des scènespertinentes. Je propose des reformulations,

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j’en demande d’autres… Ces échanges en clas-se me permettent de réaliser un travail defond sur le vocabulaire à connaître, et surles phrases à savoir construire, dire et écri-re, en les associant aux figures défor-mables, et en les comparant éventuelle-ment à d’autres cartes. Le but est clairementindiqué aux élèves : c’est de favoriser leurcompréhension et leur mémorisationde la propriété (ou de la définition) pourune utilisation ultérieure. En même temps,un deuxième objectif tout aussi importantest visé : l’entraînement réel de chaque élèveau « geste d’attention 9». Même s’ils sontdifficiles à diriger, ces deux objectifs mesemblent incontournables pour l’aide àl’apprentissage en classe. Ils ne gênent enrien ceux qui sont les plus performants, carils se trouvent valorisés lorsqu’ils peuventdépanner un de leurs camarades mis en dif-ficulté par mon questionnement.

b. Comprendre et mémoriser avec méthode.

Lorsque c’est possible dans l’organisa-tion de ma séquence de cours, je continuecette première étape par un travail dirigéplus soutenu de mémorisation. Ce rituel estassez long à installer au début. Lorsque le grou-pe l’accepte bien, il devient vite automatiqueet provoque une activité intense, de deux àcinq ou six minutes, assez dynamisante et effi-cace. Ce n’est pas toujours possible, en pré-sence d’élèves trop agités, impulsifs, anxieuxou instables.

Pour mettre en place cette activité demémorisation, j’explique le plus précisé-

ment possible ce que je veux obtenir, etje décris comment chacun va travailler,pour obtenir le résultat attendu. J’infor-me 10 donc les élèves qu’ils vont devoirmémoriser la (ou les) carte(s), en silence,ici et maintenant, le plus complètementpossible, pour la (les) restituer oralementà la classe, afin de tester ce qui aura étéappris. Je leur précise également que jedemanderai de me décrire le schéma, ou qu’ilfaudra pouvoir le refaire de mémoire sur lebrouillon ou au tableau, avec les codes. Ilfaudra aussi pouvoir répondre à mes ques-tions sur ce qui a été expliqué et mémori-sé, avec le plus de précision possible. Jedemanderai éventuellement de décrire laméthode qui a été utilisée pour faire cetravail dans la tête.

Je demande le premier moment desilence — de une à deux minutes selon ladifficulté — pour que chacun puisse réa-liser le projet décrit. Pendant ce temps,comme convenu dans la présentation de lascène, chacun regarde la carte, le tableauou le cahier avec toutes les informationsprésente. Chacun relit la phrase, se larépète mentalement, ou repense aux expli-cations, pour vérifier que tout est biendans sa mémoire ; on photographie, onredessine dans l’espace la figure avec ledoigt, on refait le film imaginaire, la peti-te histoire, on fait des liens avec d’autrescartes, on invente des moyens pour se sou-venir de certains éléments … J’accepteparfois que certains s’aident du brouillons’ils ne peuvent pas s’en passer. J’interdisque l’on parle, même à voix basse. Ceux quiont besoin du son de leur voix, ou de la voixde quelqu’un d’autre, s’en aideront plus tard,à la maison, ou dans la cour …

9 Terme utilisé par d’Antoine de la Garanderie et décritnotamment dans son ouvrage « les profils pédagogiques »[7]. Je m’inspire de ses propositions dans les formes d’aidesque je présente ici.

10 C’est la « mise en projet de mémoriser ».

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Je demande ensuite un deuxièmemoment de silence 11, après que l’on aitmasqué toutes les informations : les cartes sontcachées, le tableau est effacé… Cette fois cha-cun repasse et vérifie ce qu’il a mis dans satête. C’est un moment de concentration maxi-male, pour se redire mentalement les phrasesavec sa voix, ou les réentendre avec la voix duprof ou celle d’un autre élève, ou pour recons-tituer mentalement les explications. D’autresrevoient mentalement les photos des mots,des phrases, des dessins, ou la carte complè-te ; d’autres retrouvent leurs trucs personnelspour se souvenir. Lorsque la dynamique a« bien pris », tous travaillent !

Dans l’étape suivante, je donne la paro-le à quelques volontaires qui souhaitent tes-ter ce qu’ils ont effectivement mémori-sé. Quelques autres seront sollicités. C’est lemoment de réparer ensemble quelques diffi-cultés. De plus, chacun est invité à détailler,à évaluer, et à échanger surtout lors despremières séances, les méthodes per-sonnelles qu’il a utilisées et qui ont bien réus-si, ou celles qu’il essaiera pour faire mieux. Jedemanderai aussi à quoi cette carte pourraitservir, et s’il y a lieu à laquelle elle ressemble,en quoi elle est différente …

Ces quelques moments d’entraînementrituels dans le cadre très contraignant de laclasse ne suffisent pas, sauf pour une mino-rité 12. Il est important de s’imaginer en trainde reprendre cette activité : où, quand et com-

ment on pourra recommencer à la maison, ens’aidant du brouillon, du magnétophone, dugrand frère, de maman… L’élève qui pro-gresse est celui qui acquiert rapidement laconscience des méthodes qu’il utilise pourapprendre ; il est capable de les décrireavec précision, avec les images mentales qu’ilutilise ; il a intégré le projet de les pratiquerrégulièrement ; il aime dire comment il s’ima-gine en train de réaliser ce travail. L’élève quiréussit déjà est celui qui pratique ces méthodesdepuis longtemps. Il est souvent très fier deles décrire et de les enrichir encore.

Chaque fois que l’occasion se présente, jepratique des « piqûres de rappel » pourl’aide en classe. Pour justifier une étape d’uneconstruction, ou d’un raisonnement, je deman-de de restituer la carte correspondante, leplus fidèlement possible, par son nom lorsqu’ilest « évocateur », par sa phrase, par son des-sin, par ses reformulations, et s’il y a lieuavec les « trucs accrocheurs » qui ont été uti-lisés pour la mémoire. Ce travail gagne à êtreentrepris fréquemment ; devenant une habi-tude, il prend de moins en moins de temps,et l’on obtient des reformulations de meilleu-re qualité, pour ceux qui s’en sont donné lesmoyens.

Ainsi, les cartes fonctionnent simplementet régulièrement, avec tout leur monde. Ellessont consolidées chaque fois que l’occasion seprésente. La précision de toutes les images men-tales avec tous les liens tissés garantit la

11 Ce moment souvent absent de nos cours est appelé« pause évocative» par les praticiens de la « gestion men-tale ». C’est le moment privilégié pendant lequel l’élève – quiaccepte – a une intense activité de concentration, alors qu’ilcherche à retrouver et à stabiliser ses images mentales. Surcette notion voir également [7].12 Je me suis fait piéger récemment dans ma classe de5ème à la suite de la leçon «inégalités triangulaires ». Je vou-lais contrôler si la phrase de synthèse élaborée lors du coursprécédent et copiée dans le cahier de cours, avec son sché-

ma pour comprendre et mémoriser avaient bien été appris.Ce n’est pas une carte de Géoclé, mais c’est construit de lamême façon.À ma surprise, au premier sondage, un tiers de la classe lèvela main reconnaît ne pas avoir appris la leçon. Je prends lesnoms pour … Puis j’interroge quelqu’un qui fièrement « saitbien » sa leçon. Alors des doigts se lèvent parmi les fautifsqui avaient eu le courage de se dénoncer : «mais, monsieur,je peux vous la réciter, cette leçon, je la sais très bien ! ». Etc’était vrai …

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qualité des apprentissages suivants. On gagnebeaucoup lorsqu’on arrive à persuader l’élèveque pour apprendre, cet effort métho-dique et régulier d’attention, de concen-tration, de mémoire et d’organisation, parfoisintense, est nécessaire. Sinon les connais-sances sont volatiles : il manque toutes lesbalises, tous les points de repère qui per-mettent de continuer le chemin prévu. Onest perdu. Au moment d’agir, les idées, les mots,les phrases ne viennent plus. La tête est vide.

c. S’appuyer sur les cartes comme objectifs d’apprentissage.

Lorsque c’est possible dans mon grouped’élèves, je vais proposer ces rituels. Pour cela,je dois penser très précisément les situationsde classe en fonction des outils à construire. Unpeu comme si c’étaient des objectifs-obstacles13

à franchir, comme des ponts qui n’existent pasencore, pour traverser la rivière et continuerle chemin. Par exemple, pour faire une leçonsur les triangles, je me demanderai quellesseront cartes à construire et à fixer en mémoi-re, quelles seront les méthodes pour construi-re des figures ou pour résoudre des problèmesà associer à ces cartes, quels seront les élémentsde cours à organiser en complément sur lecahier… Je me demanderai ensuite par quel-le activité commencer, ou bien, plus rarementpar quelle carte démarrer directement. Enfonction des disponibilités (eh oui, les contraintesmatérielles !) et de la pertinence, j’essaierai Cabriou Logo au début du parcours de préférence,en conclusion sinon, et éventuellement on feraun petit tour en salle multimédia, pour activerles cartes concernées avec leurs applets sur le« Géoclé d’Internet ».

d. Première rencontre avec les cartesen 6ème : parallèles, perpendiculaireset Cabri.

Les premières activités géométriques quenous proposons dans notre collège permettentde retravailler ces deux mots, en principedéjà connus, mais souvent confondus ou mélan-gés avec les notions de verticalité et d’hori-zontalité. Nous avons également à fixer lesconcepts de points, droites, demi-droites et seg-ments. Soit six concepts en tout.

Plusieurs objectifs de travail sont regrou-pés dans la première séquence : — reconnaître ces six mots sur des figuressimples,— distinguer un objet et son nom,— coder les noms des objets et reconnaîtredes codes dans les phrases,— passer d’une consigne écrite en touteslettres (« trace la demi-droite d’origine E pas-sant par F »), à une consigne codée (« trace [EF) »)et à la figure (ou faire les deux autres passagesanalogues).

Lors de l’exploitation orale de ces activi-tés, je demande aux élèves de décrire leurs repré-sentations. Le petit débat qui s’installe per-met de trouver des méthodes pour corrigerles idées qui ne conviennent pas. On rechercheaussi ensemble des moyens efficaces pourmémoriser «à coup sûr» les six concepts. Ons’organise pour associer l’objet ou la proprié-té, avec son nom, son code, et son image oule film de la construction. Comment lire, com-ment écrire les phrases avec ces mots ? Com-ment construire les éléments de figure cor-respondants ?

Après cette installation, c’est le momentde faire réaliser par Cabri la première figu-re : trois points, une droite, une demi-droite

13 Ce concept venu du constructivisme, été développé enmaths par Gérard Vergnaud au début des années 80. Nousl’avons travaillé, dans les « équipes collèges » avec nos for-mateurs en sciences de l’éducation : Jean-Pierre Astolfi,Michel Develay, Philippe Meirieu …

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et un segment avec les noms des objets …etpour les plus malins, avec les couleurs. Cha-cun doit retrouver le vocabulaire précis pourcommander efficacement l’ordinateur ! Il fautpouvoir préparer dans sa tête une phrasecomme « tracer la demi-droite d’origine Apassant par B » ! Ou bien savoir traduire laconsigne plus « visuelle » : tracer [AB) pourretrouver le mot demi-droite ou son icônedans la boîte à outils, puis se souvenir ducrochet comme début du trait et de la paren-thèse que le dessin imaginaire traverse pour« continuer jusqu’à l’infini » …

A la séquence suivante, je vais pouvoir pré-senter les premières cartes en traitant troisnouveaux objectifs :— exécuter un programme de construction,— dire un programme de construction,— résoudre un problème de construction etdire la méthode utilisée.

L’opportunité se présente assez naturel-lement. Je donne par exemple la consigne« construire un rectangle en utilisant l’équer-re et la règle sur une feuille sans quadrilla-ge ».

Après la réalisation de ce travail par lesélèves, nous discutons les méthodes trouvées.La description des étapes successives n’est pasnaturelle. Garder dans la tête le petit film, bienconstruit et complet en mémoire non plus.

La première carte est donnée comme« clé » de construction d’une partie de figure :

« Si deux droites sont perpendiculaires àune autre droite, alors elles sont parallèlesentre elles » (propriété D2).

C’est le moment d’aider les élèves à fixerles caractéristiques de cette première carte :

— construction de la phrase en « si …alors … » ;— début de la phrase (ce qu’on a) avec motclé en vert, « dans le si » ;— fin de la phrase avec mot clé en rouge, « dansle alors » (c’est ce que l’on obtient, ce que l’onremarque) ; cette idée arrive ici comme évi-dence lorsqu’on fait le lien avec la construc-tion des parallèles à partir du glissement del’équerre sur la règle ;— codage du mot perpendiculaires (ou del’angle droit) par le petit carré vert montré parla flèche verte (correspondant au « si ») ;— codage des parallèles désigné par le cercleavec les deux traits obliques et l’astérisque rouge(correspondant au « alors »).

C’est aussi le moment de revoir, redire etrefaire ensemble le glissement de l’équerre surla droite (et la règle) pour mémoriser laconstruction des parallèles. On retrouvera cegeste sur le livre, comme un petit film, et onappliquera tout de suite cette méthode pourtracer la parallèle à une droite passant par unpoint donné.

Il me paraît commode, dès ce début de 6ème,de donner aussi cette deuxième carte :

« Si un quadrilatère a au moins trois anglesdroits, alors c’est un rectangle » (propriétéQR2).

Elle arrive comme réponse globale auproblème précédemment posé, après quel’on ait fait caractériser le rectangle parsa définition angulaire.

Je donne donc cette troisième carte pourla comprendre et la mémoriser :

« Un rectangle est un quadrilatère ayantquatre angles droits » (définition QR1).

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On discute le mot « quadrilatère », on trou-ve d’autres exemples que le rectangle, descontre-exemples, parmi ceux que l’on avaitdécrits auparavant en observant des figuresdu livre. On commence à se faire une idée surles mots « définition » et « propriété » descartes. Pourquoi faut-il apprendre ces mots,ces phrases, ces dessins ? Comment faire ? Àquoi serviront-ils ? On cherche à comprendrepourquoi trois angles droits suffisent pourfaire ce rectangle. En repensant à l’histoirede la figure, on réalise assez rapidement cettequatrième carte :

« Si deux droites sont parallèles, alors toutedroite perpendiculaire à l’une est perpen-diculaire à l’autre » (propriété D3).

C’est celle que vous avez vue plus haut, dansla fenêtre de présentation de l’applicationGéoclé sur Internet. Les élèves viennent dereconnaître leurs quatre premières cartes ! Pourfaire de nombreuses figures sur papier et surécran, avec interprétations, reformulations …

Faire réaliser le rectangle par Cabrirenforce cet apprentissage du sens, en obli-geant à travailler mécaniquement les phrasescompliquées comme « tracer la perpendicu-laire à la droite (AB) passant par B » 14. Onréalise également que la figure continued’exister lorsqu’on déplace les points, lors-qu’on la met de travers, lorsqu’on l’étire,lorsqu’on la rétrécit. Elle se déforme, mais

les propriétés sont fixes. Ce n’est plus laforme perçue qui prime.

Lorsque les élèves reçoivent ces cartes, ilsles colorient selon mes consignes. Ils les col-lent dans le cahier de cours. Puis je guide letravail d’attention, de compréhension et demémorisation comme je l’ai décrit plus haut.Au moins pour une ou deux cartes. Pour com-mencer. Chacun doit apprendre la totalité(dessin, mots, phrases, codes, couleurs …). Aprèsl’étape d’apprentissage, on peut demanderde tester sa mémorisation en classe. On s’écou-te. Je sollicite aussi ceux qui n’osent pas semanifester. Il est nécessaire de rappeler qu’ilfaut réapprendre plus tard la leçon complè-te, avec tous ses détails. Comme on l’a fait enclasse, il faudra réactiver la mémoire à lamaison avec les cahiers, en écrivant, en par-lant, en racontant à maman ou papa aumoment de se coucher lorsque c’est possible.On n’oubliera pas non plus d’y repenser toutseul, en voiture, à bicyclette … en imagi-nant 15 qu’on sera interrogé en classe à unmoment ou à un autre !

e. Somme des angles d’un triangle et LOGO en 6ème.

Le micromonde16 Logo permet une approcheprogressive et motivante de la notion d’angle.

14 J’ai rencontré des élèves qui n’ont compris cette phraseen français, qu’après avoir réussi à en articuler tous les motsgrâce au logiciel. C’est un point fort que nous avons obser-vé assez souvent en mettant des élèves en activité sur l’ordi-nateur avec Cabri et Logo. Nous l’avons également utilisé dansla réalisation de notre logiciel « équations ». Dans cescontextes, les mots sont identifiés avec des commandeseffectives à l’ordinateur : ajouter, diviser, factoriser, avancer,tourner … Lorsque l’élève teste une action, ou une suited’actions (une phrase), le résultat est tout de suite évalué parl’effet produit. Corriger, c’est alors changer une action, plu-sieurs actions, ou l’ordre des actions.

15 Ce véritable travail de projection dans la scène future quiconsiste à s’imaginer le plus précisément possible commeacteur lors de la restitution en classe a été souvent suggé-ré pour éviter que l’élève ne soit bloqué, la tête vide, alorsqu’il savait tout la veille au soir … pour réciter à sa maman.Que signifie être prêt pour le devoir ? L’examen ? La com-pétition ?16 Seymour Pappert, en s’inspirant notamment des travauxde Piaget, a développé avec son équipe du M.I.T. cet envi-ronnement dans les années soixante-dix. L’idée de base étaitd’observer comment les enfants s’approprient un langage infor-matique conçu pour eux pour programmer les ordinateursen construisant leur monde mathématique, « la mathématie »(voir [1] pour cette notion). C’était au sein du Laboratoire d’Intel-ligence Artificielle ! Peut-être pourrions-nous garder quelquesidées pour développer l’intelligence naturelle …

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La plupart de mes élèves pilotent avec plai-sir la « tortue » de l’ordinateur après unecourte présentation. Le petit triangle aumilieu de l’écran avance, recule, tourne àdroite, à gauche… Il suffit de lui écrire lesphrases qu’il sait reconnaître. On parle au petitrobot presque comme on parle à un camara-de 17 « avance de 100 pas, recule de 100 pas,tourne à droite de 90 degrés18 » et voilà le pre-mier dessin d’angle droit qui apparaît 19 ! Enlangage tortue, on écrit :

AV 100 RE 100 TD 90 AV 100

Pour faire un angle de 1 degré avec retour ausommet :

AV 100 RE 100 TD 1 AV 100 RE 100

Et pour peindre une part de 50 degrés en fai-sant gigoter la tortue :

REPETE 50[AV 100 RE 100 TD 1 AV 100 RE 100]

Les notions d’angle et de mesure d’anglese construisent assez facilement avec LOGO,à condition de faire le lien avec les activitéstraditionnelles tableau-papier-crayon pourapprendre le vocabulaire habituel et l’écrituredes noms. C’est aussi un bon modèle pourapprendre à faire les constructions avec le rap-porteur. Dans la tête, un angle est modélisépar le compas avec ses deux jambes, les deuxaiguilles d’un cadran, ou les deux demi-droitesde même origine de Cabri … L’attribut prin-cipal du concept d’angle est sa grandeur. Non,pas celle des côtés perçus, plus ou moinsgrands, ni celle de la surface approximativeenfermée entre ces deux « barres », ni cettelongueur qui sépare les deux extrémités. Peuimporte le côté que l’on ramène sur l’autre pourpenser cette grandeur. On remarque qu’il estinutile, sur le papier, de distinguer si on a tour-né à droite ou à gauche. Il est inutile de comp-ter le nombre de tours tant qu’on n’en a pas

17 Le pilotage de la tortue, au-delà des avantages d’une géo-métrie décrite par un langage de mouvements et de nombres,permet de travailler une forme de pensée intéressante : la« décentration ». L’élève est invité à s’imaginer à la place durobot sur l’écran, en ressentant les positions, les mouvementsproduits successivement et en anticipant les suivants. Il tra-vaille ainsi les mots et les phrases en même temps que sa

propre psychomotricité.18 Il y a toujours quelqu’un dans la classe qui sait que l’angledroit - celui de l’équerre - mesure 90 degrés. Tout commel’eau bout à 100 degrés !19 Pour utiliser la tortue, on peut télécharger gratuitement lejLogo d’Emmanuel Guillot, ou utiliser son applet en ligne àl’adresse suivante http://guillot.emmanuel.free.fr/jLogo/ [8].

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besoin ! Ce qui importe, c’est de savoir si« ça » tourne un peu, beaucoup, à peu près deuxfois plus, trois fois plus …

Avec un peu d’entraînement au pilotagede la tortue, et en liaison avec le tableau etle papier, ces quelques idées clés favorisentune reconnaissance intuitive de la mesuredes angles utile pour l’auto-évaluation. En « pen-sant tortue », on arrive aussi à faire des petitsraisonnements déductifs : somme d’angles,mesures d’angles avec des bissectrices, mesuresde complémentaires, de supplémentaires …Etsans même s’en rendre compte, on s’habitueà additionner les nombres relatifs 20 ! Le plussimplement du monde …

Pour aller un peu plus loin, notammentpour faire raisonner les élèves avec les anglesdes triangles isocèles, équilatéraux et rec-tangles, ou pour vérifier par le calcul lesmesures des angles trouvées dans un tri-angle, ou pour trouver celle qui manque, il meparaît important de m’appuyer sur uneconstruction solide de la « carte de Géoclé »qui est nécessaire :

« Dans un triangle, la somme des angles est180 degrés ».

Pour la tortue, l’angle droit, c’est celui de90 degrés, c’est un quart de tour. L’angle platfait le double soit 180 degrés ; c’est un demi-tour. Enfin, 360 degrés correspondent à un tour

complet ou deux demi-tours. Pour ce dernier,c’est comme si on n’avait pas bougé !

Je dessine au tableau un grand triangle,avec un côté qui monte. Je m’identifie à la tor-tue. Je vais faire le tour complet du triangle,en partant du bas. Je ne m’occupe que demes rotations à chaque sommet. Je dis ce queje fais « en me déplaçant » :— Je pars du premier sommet, je monte versle Nord sur le premier côté.— Au deuxième sommet, je fais un demi-tourà droite pour revoir le premier côté, puis je tour-ne à gauche de « l’angle 1 » pour partir sur ledeuxième côté et continuer mon chemin.— Je continue jusqu’au troisième sommet,puis je fais un demi-tour à droite pour regar-der derrière, puis je tourne à gauche de« l’angle 2 », pour continuer mon chemin surle triangle jusqu’au sommet du départ.— Lorsque je suis sur ce sommet, je fais enco-re un demi-tour à droite pour regarder der-rière, puis je tourne à gauche de « l’angle 3 »pour retrouver ma direction vers le Nord.

En repensant au petit film que je viensde décrire, avec sa petite histoire, je com-prends que j’ai fait exactement un tour com-plet à droite autour du grand triangle, pourretrouver ma position et mon orientation ini-tiale. C’est la même chose que de faire deuxdemi-tours successifs à droite. Pourtant, j’aifait réellement trois demi-tours à droite ettrois angles à gauche, pour obtenir le mêmerésultat. Le demi-tour à droite en trop estdonc annulé par les trois rotations à gauche.

Ce qui signifie que dans ce triangle, ou dansn’importe quel autre :

« l’angle 1 » + « l’angle 2 » + « l’angle 3 » = 180°

(un demi-tour).

20 Remarquez par exemple que si vous faites :AV 100 RE 50 AV 120 RE 50Vous obtenez le même déplacement qu’avec :AV 220 RE 100Ou même tout simplement :AV 120.C’est exactement la même idée lorsque vous pensez :« Je gagne 100 points, puis j’en perds 50, puis j’en gagne

120 puis j’en perds 50 ».C’est comme :« Je gagne 100 + 120 et je perds 50 + 50 » donc finale-ment « je gagne 120 » …

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Ce modèle de pensée est bien commode pourcomprendre que pour le tour d’un triangleéquilatéral on fait trois fois 120° à l’extérieur.Chaque angle intérieur fait donc 180° – 120°.Voilà de bonnes idées pour entreprendre le tourdes polygones réguliers et autres étoiles …

f. Trouver la médiatrice pour avoir unpoint équidistant … en début de 5ème.

Cette petite situation-problème vise àréutiliser certaines des propriétés des quatredroites des triangles, avant le rappel en clas-se ou après le rappel.

C’est l’histoire classique des deux vil-lages A et B qui doivent construire ensembleun pont sur la rivière qui les sépare. Ce pont

doit être situé à égale distance des deux vil-lages « pour éviter tout conflit » …

L’idée de la médiatrice est très rarementtrouvée « spontanément » en classe, mêmelorsque les élèves ont déjà cherché des pointséquidistants des deux extrémités d’un segmentdonné…

Même si on les a amenés à réaliser et àmémoriser la propriété caractéristique despoints, en travaillant les phrases suivantes.

A

B

Angle 1

Angle 2

Angle 3

Nord

Départ

L’angle droit

AV 100 RE 100 TD 90AV 100

« Demande à la tortue defaire un angle droit. »

L’angle de 50°

REPETE 50 [AV 100RE 100 TD 1 AV 100

RE 100]

« Mets ton doigt sur l’écranà l’endroit où tu penses que

la tortue va arriver. »

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« Si un point est équidistant des deux extré-mités d’un segment, alors il est sur la média-trice de ce segment ».« Si un point appartient à la médiatriced’un segment, alors il est équidistant des deuxextrémités de ce segment ».

Il est clair que l’habillage du problème fait obs-tacle : le segment n’apparaît plus, alors qu’ilest dans le cours, ou l’exercice antérieur et lacourbe bizarre détourne toute l’attention.

Trois habitudes de pensée que l’on tra-vaille dans le micromonde Géoclé aidentquelques élèves à franchir ces deux obstacles.Les premiers exploitent le travail systématiquefait sur les mots clés : « égale distance » ren-voie à « équidistance » puis à « médiatrice ».Ce sont ceux qui pratiquent volontiers lesreformulations. L’une des expressions fonctionnecomme terme inducteur, et le tour est joué.

Pour quelques autres, c’est le travail ima-ginaire21 qui a été fait lors de la description del’icône à apprendre qui devient un bon cata-lyseur. « Je suis sur le point vert, et je me dépla-ce en regardant les deux extrémités du segment.J’observe les deux distances qui me relient àchacun des deux points. Je m’oblige à les gar-der égales, sans dévier… Je sais que je nedois pas m’éloigner de la médiatrice ».

Enfin les autres évoquent Cabri et untravail que nous faisons parfois en classe : deuxpoints fixes sont donnés, prendre un troisiè-me point mobile, mesurer ses deux distancesaux points fixes, déplacer le point mobile avecla souris, en essayant de garder les distanceségales. L’exercice est difficile. Pour aider, oninvite les élèves à anticiper la forme de latrace du point mobile ! Ce mode de pensée estdifférent du voyage imaginaire. Cette métho-de pour fixer la mémoire est choisie par ceuxqui ne parviennent pas à s’impliquer dans unescène à mémoriser et qui se souviennent faci-lement d’une image mobile vue sur un écran.

Dans ces deux derniers cas, où ce sont lesimages qui dominent, je peux demander àquelques élèves de raconter ce qu’ils ont ima-giné ou fait et vu pour renforcer les acquisi-tions. Certains souhaitent préciser leurs idéespour mémoriser le maximum d’informationssur les propriétés. Je conseille également à ceuxqui travaillent d’abord avec les mots et lesphrases, d’imaginer visuellement, la figure avecses marques, ses couleurs, le film de saconstruction ou de son animation …

g. Trouver le centre du cercle circonscrit en début de 5ème pour l’utiliser en 4ème.

Après la découverte « du pont », on peutproposer la recherche du centre du cercle cir-conscrit à un triangle en enchaînant la situa-tion-problème suivante tout aussi classique :« trouver à quel endroit il faut percer un puitspour qu’il soit à égale distance de trois villagesnon-alignés ».

Le plus difficile est d’oser « sortir » de lafigure vue globalement pour fixer l’attentionsur deux villages parmi les trois, puis d’inven-

21 C’est le procédé du « voyage imaginaire » décrit parLinda V. Williams dans son livre « Deux cerveaux pourapprendre » [9]. C’est celui du tour du triangle « enTortue » !

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ter une première médiatrice, en évoquant lacarte correspondante ou la réponse au « pro-blème du pont », puis de faire la mêmedémarche pour deux autres villages, en trou-vant une deuxième médiatrice … puis enfinde réaliser que le problème est résolu pour ledernier couple de villages avec le point qu’ona déjà trouvé. Pour trouver, il a fallu déciderd’utiliser une pensée « linéaire » en troistemps successifs. Elle est particulièrement dif-ficile à inventer ici, car quand on commencece chemin par un bout, on ne voit pas du toutcomment il va pouvoir aboutir. On retrou-ve souvent cette grande difficulté pour ladécouverte d’un « chemin de démonstration ».Pour trouver, il faut décider de faire un pre-mier pas, à partir du possible, sans être sûr,puis d’en enchaîner un deuxième, sans êtresûr, et ainsi de suite jusqu’à l’arrivée ; sinon,on recommence …

Inciter à utiliser les cartes pour démar-rer débloque parfois quelques élèves surtout

ceux qui se raccrochent à l’idée clé d’« équi-distance » en premier ; évoquer « le pont » enaide quelques autres qui gardent bien lesimages.

Une fois que chacun est bien convaincuqu’une bonne méthode permet de trouver laposition du puits, on redit étape par étape cequ’il faut faire et comprendre. Après quelquesreformulations, on peut donner pour mémo-riser la carte construite. Elle apparaît commeune réponse synthétique au « problème dupuits ».

Voici un autre exercice pour provoquerl’application de la carte précédemment trou-vée, associée à quelques autres plus fami-lières, puis pour réaliser une nouvelle fois ceque peut signifier pour l’élève de 5ème « faireune démonstration ».

« Tracer un triangle, puis deux de seshauteurs. Construire les milieux des côtés

Le « problème du puits » La réponse synthétique L’exercice d’application

Le puits ?

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« où arrivent » chacune de ces deux hauteurs.A chaque hauteur correspond ainsi un milieude côté. Construire la droite parallèle à chaquehauteur passant par le milieu associé. Trou-ver la propriété du point d’intersection de cesdeux droites.»

L’utilisation de Cabri favorise la décou-verte de la réponse grâce à la mobilité. Les inva-riants apparaissent plus facilement. Le texteest volontairement proposé sans mesures,pour éviter la contrainte de penser à un tri-angle fixe. Cet obstacle est réel sur le papier.Une fois la figure faite et l’idée trouvée en clas-se, on nomme les points de la figure. On iden-tifie, puis on reformule les cartes qui inter-viennent, en les contextualisant. Faire ladémonstration, ce sera enchaîner dans une peti-te histoire les objets de l’énoncé, avec d’autresque l’on a rangés dans la mémoire : « défini-tion de la hauteur », « deux parallèles par unpoint », « définition de la médiatrice », « cerclecirconscrit ». On s’entraîne à dire un textedémonstration avec l’aide du prof, avantd’essayer d’en écrire quelques lignes sur lebrouillon, pour les tester à nouveau dans laclasse. Et le puzzle s’assemble lentement.

A propos de cercle circonscrit, j’ai étéagréablement surpris de retrouver récem-ment deux souvenirs de 5ème d’une nettetéexceptionnelle et immédiatement disponiblesen début de 4ème ! Je profite d’un bon momentd’écoute pour griffonner au tableau un sché-ma de triangle rectangle et je demande à laclasse : « comment trouver le centre du cerclecirconscrit ? ».

Une première élève demande tout desuite la parole. Un autre doigt se lève. Aprèsquelques instants, on écoute les idées : lapremière élève propose la méthode de la cartede 5ème reformulée étape par étape. Je trace

donc à main levée une médiatrice, puis uneautre médiatrice qui se coupent dans lebrouillard… Mais où donc ?

Le deuxième élève nous explique qu’il adans sa tête un rectangle qui complète lafigure, avec ses deux diagonales, donc lecentre est …

L’affaire est vite close : les cartes corres-pondantes pour le triangle rectangle sontdonnées. A reformuler, à mémoriser…Unmoment qui a « bien tourné » pour aider à oubliertous ceux où l’on s’enlise tous ensemble !

h. Choisir les cartes pourdémontrer en 5ème (ou début de 4ème).

La construction progressive de Géocléen classe (voir sa « petite histoire » au cha-pitre suivant) nous incite à proposer dès la5ème les activités que je vais présenter main-tenant. Les années d’avant Géoclé, elles appa-raissaient plutôt en 4ème, avec une approchemoins structurée. En effet, un jeu importantde cartes est maintenant disponible beau-coup plus tôt, et il devient intéressant àl’issue de certains chapitres d’en forcer ladiscrimination fine chez les élèves. La formede l’exercice est simple, accessible à chacun.Ce qui est complexe, c’est de s’organiser dansun nombre important de choix possibles,mais proches.

L’occasion se présente par exemple avecle travail sur les angles et les droites (cor-respondants, alternes-internes et parallèles,complémentaires, angles des triangles …) ouplus nettement lors de l’étude des quadrila-tères avec les propriétés qui les relient : 26 cartessont disponibles pour cette famille. Impos-sible de s’en sortir simplement si on n’a pasacquis des idées claires sur ces concepts et tra-

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vaillé leurs liens de parenté multiples. Parexemple, redresser un parallélogramme 22

articulé pour lui faire un angle droit donne unrectangle, ou bien si on imagine un parallé-logramme avec des diagonales étirables, dèsqu’elles ont la même longueur, on passe au rec-tangle, et si on les redresse pour faire unangle droit, on arrive au carré !

Pour traiter cet objectif, nous faisonscompléter des séries de schémas du type sui-vant : une hypothèse, une carte, une conclu-sion. Deux informations sont connues sur lestrois.

Chacun doit compléter les schémas entravail individuel, au moins dans un premiertemps. Les difficultés les plus importantess’observent lorsque c’est la carte qui manque.C’est le fameux obstacle de la « justification »élémentaire des raisonnements. Quand ilsera franchi, on pourra s’en affranchir, et secontenter d’un raisonnement bien contex-tualisé où hypothèses et conclusions se trou-vent reliées avec rigueur. Ce qui nécessited’avoir la bonne propriété en tête, sous quelqueforme que ce soit.

Pour aller un peu plus loin dans ces exer-cices d’entraînement, nous proposons de tra-vailler le passage des mini-démonstrations trou-vées à l’aide d’un organigramme avec cartescomme ci-contre à l’écriture d’un texte assez

normalisé, pour que chacun puisse commen-cer à s’approprier une méthode d’écriture.

Les élèves ont eu connaissance de textesplus élaborés auparavant. Mais ici, il s’agit depréparer des productions individuelles commecelles que l’on peut évaluer en devoir. Mêmeavec ce travail de guidage fort, un nombre impor-tant d’élèves de 5ème sont très perturbés parleurs difficultés langagières. Raison de pluspour s’y attaquer une nouvelle fois !

Ce travail sur les fiches-papier 23 gagne-rait sans doute à être prolongé par une rédac-tion complète sur machine avec un traitementde texte, en s’aidant éventuellement du col-lage des phrases de Géoclé. On peut égalementfournir des organigrammes de démonstra-tion plus complexes pour les traduire entexte, ou réorganiser les morceaux d’un texted’une démonstration déjà rédigée, et mélan-gés. Un puzzle sur papier ou carton à recons-tituer en petits groupes nous aide égalementdans cette approche de la rédaction desdémonstrations.

22 Cette façon de penser est vite acquise avec Cabri, ou enredressant la figure en barres de mécano . Il y a quelquesannées, quand c’était la mode, certains apprenaient à la tor-tue la procédure suivante pour faire un parallélogramme :

POUR PARA :COTE1 :COTE2 :ANGLEREPETE 2

[AV :COTE1 TD :ANGLE AV :COTE2 TD 180 - :ANGLE]FIN

Les mêmes voyaient vite que PARA 100 50 90 donnait unrectangle, et que pour avoir un carré il suffisait d’écrire PARA150 150 90. Faut-il vraiment un IDD pour oser le refaire à nou-veau ?

(AD) // (BC) et AD = BC

ABCD est un parallèlogramme

23 Les extraits présentés proviennent de deux docu-ments que nous avons mis en ligne sur le site m@ThICEtéléchargeables au format pdf : « trouver la carte »et « démontrer » [2].

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4. Petite histoire de la construction de Géoclé.

Dans les années quatre-vingt-dix unenvironnement basé sur une interface graphique,un hypertexte et un langage orienté objetapparaît sur Mac (Hypercard avec ses scriptsHypertalk). Notre groupe Irem a commencéaussitôt à réaliser un paquet de cartes-problèmessur lesquels l’hypertexte renvoyait à une basede données de connaissances, elle-même reliéeà des images Cabri. Le but était de favoriserla mise en relation des problèmes, des connais-sances et des images.

La non-portabilité de nos cartes sur desmatériels PC nous a obligés à repenser ceproblème. Nous avons alors développé avecl’équipe de professeurs de maths du collège deConnerré un travail papier-crayon pour nousrendre compte de la validité de notre approche.Le premier cahier de charges et les premierschoix pour la réalisation de la base de donnée

Internet se précisent progressivement, enmême temps que les premières introductionsdes cartes en classe.

En 1998-1999, les 24 premières cartes-papier sont terminées et utilisées dans plu-sieurs classes de 4ème . Quelques introduc-tions sont également proposées en 5ème. EnJuin, la première version de « Géoclé » pro-grammée en HTML et Javascript est mise enligne sur Internet sur le site m@ThICE. Ellefonctionne avec les navigateurs Netscape 4et IE4. Les requêtes par leçons et à partir dela liste des premiers mots clés sont déjàpossibles.

En 1999-2000, les premières cartes sontaméliorées ; 56 cartes sont maintenant dis-ponibles sur l’ordinateur. Les tris par mots-clés sont complétés et améliorés. Des refor-mulations pour chaque phrase apparaissent.Les applets Cabri Java sont implantés pourles 20 premières cartes.

D3.[AC] et [BD] sont deux diamètres d'un même cercle.

Quelle est la nature du quadrilatère ABCD ?

Puisque [AC] et [BD] sont des diamètres, je sais que [AC] et [BD] ont le .................

Or si ...............................................................................................................................alors ...........................................................

Donc ABCD............................................................................................

De plus, je sais que [AC] et [BD] sont de la ......................................

Or si .......................................................................................................alors ......................................................................................................

Donc ABCD...........................................................................................

A

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B

D

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A Connerré, des cartes papier ont étéintégrées à diverses activités de 6ème, par tousles professeurs de maths de l’équipe. Quelquesélèves utilisent Géoclé lors d’accès « person-nels » à Internet, chez eux, à la bibliothèquemunicipale, ou au CDI, pour s’aider dansleurs leçons. Une classe de 3ème du collègedu Lude a testé le logiciel lors d’un accès à lasalle info. Ces travaux ont été discutés avecune équipe d’une quinzaine de profs de mathsau Mans lors d’un stage collège en Mai, ainsique lors d’un atelier organisé pour le colloqueInter-Irem 1er cycle en Juin.

En 2000-2001, les cartes ont été revueset codées pour une meilleure utilisation en clas-se. Les codes suggèrent la classification enleçons. Une même carte peut appartenir à deuxleçons. La production de cartes a continué :il y en a maintenant 76. Il a fallu repensercomplètement le mode de tri : le nombre demots-clé est devenu important (62), et lesrecherches se complexifient. La même listeest utilisée pour faire les requêtes par motsclés en données ou en conclusions. Pour faci-liter les recherches, nous avons dû reclasserces mots en 6 rubriques, car le parcours d’uneliste si longue n’avait plus de sens. Nousavons abandonné la recherche par méthodes :« comment obtenir … », que nous avionsimplantée lorsque les cartes étaient peu nom-breuses.

Cette option faisait double emploi avecla recherche par mots-clés en conclusion, àquelques reformulations près. La nouvelleliste des mots clés a été reconstruite en consé-quence, et nous avons redéfini leur attribu-tion à chaque carte. La recherche se faitmaintenant par « idée proche », en plus uni-quement par les mots coloriés des cartes(exemple :droites perpendiculaires et angledroit sont synonymes).

La présentation générale a été améliorée,et le nouveau bouton « calepin » a été créé pourafficher ensemble les cartes choisies.

De nouvelles utilisations des cartes en clas-se sont travaillées à Connerré. Certainessont proposées sur le site m@ThICE asso-ciées à des fiches d’activités Cabri et Logo.

En Juin 2002, les 80 cartes projetéessont en ligne, avec les 80 applets CabriJava,« les cartes vivantes », en plus des «cartes pho-tos ». De nombreuses corrections et mises àjour ont été effectuées, proposées par de nou-veaux utilisateurs du site m@ThICE, et parnos derniers stagiaires 2001-2002.

5. Comment a été développé le logiciel « Géoclé » ?

Les données nécessaires à la réalisationde Géoclé sont structurées à l’aide d’un ges-tionnaire de données multi fichiers. Dans lefichier principal, chaque fiche correspond à unecarte, avec toutes les informations qui l’accom-pagnent. Les fichiers reliés sont celui des 64mots clés, celui des 6 rubriques clés pour clas-ser les mots clés, celui des leçons et le dos-sier d’images « .gif ». Un dossier d’images cabri« .fig » est également préparé pour les applets.Les dessins des cartes sont réalisés par un édi-teur graphique, ajustés au point par point.

Cette méthode permet une mise à jour detoutes les données nécessaires pour les tris deGéoclé sur Internet. Ces données sont codéesautomatiquement dans chaque fiche du ges-tionnaire pour être envoyées et utilisées direc-tement dans des tableaux de constantes deJavascript. Les pages HTML visibles sontgénérées de façon dynamique à partir detoutes ces données par des scripts Javas-

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cript selon les choix faits. Les scripts sontécrits dans les divers documents HTML hié-rarchisés entre eux.

6. Pour faire le point …

En quelques mots, à propos d’un travailincertain, jamais fini …

Pour nos jeunes ados du collège, avecGéoclé, commençons-nous réellement ce che-min vers l’apprentissage de la démonstra-tion ? Le micromonde construit est-il suffi-samment stable pour bien s’y appuyer ? Est-ilsuffisamment modifiable pour bien le réor-ganiser ? Chacun peut-il trouver sa façon d’yentrer ?

Pour nous, les profs, c’est comme pourchaque cours : le guidage proposé sera-t-ilsuffisamment fort pour ne pas abandonner cer-tains au bord du chemin ? sera-t-il suffisam-ment souple pour permettre à d’autres dedécouvrir librement des idées nouvelles ?

Abordons-nous l’essentiel ? Avons-nous desévaluations positives ?

Bien sûr, il n’y aura pas de problèmepour Aurélie qui en 4ème sait trouver sesméthodes et les dire clairement, et qui saitconstruire et écrire ses démonstrations avecune précision d’horlogerie. Par contre onsera plus modeste pour son camarade Mic-kaël, en échec sévère. Il n’a apparemmentjamais été capable de prononcer une phra-se explicative en maths, ne connaissantni le vocabulaire, ni les structures langa-gières. Il sera satisfait quand il restitue-ra à la classe une définition comme cellede la médiatrice, en entier, et en compre-nant tous les mots utilisés ! Charles en 5èmequi a de gros problèmes de lecture et d’écri-ture aime développer ses qualités d’écou-te, de mémoire, de réflexion et d’expressionorale. Il en profite pour donner à ses cama-rades, ses façons de penser et ses méthodespour aboutir au résultat. D’autres élèvesexpliquent volontiers comment ils utili-sent pour penser les images déformables,les mouvements de la tortue, les pièces dumécano, ou bien d’autres inventions…

Je voudrais bien rencontrer et préservercette dynamique le plus souvent possible !

Bibliographie.

[1] Pappert Seymour - Jaillissement de l’esprit - Flammarion 1981[2] Guillot Jean-Louis - Les m@ths au collège avec les TICE - http://perso.wanadoo.fr/jean-louis.guillot/[3] Arsac G., Germain G., Mante M. - Problème ouvert et situation-problème - brochure n° 64- Irem de Lyon [4] Barth Britt-Mari - L’apprentissage de l’abstraction - Retz 1992[5] Meirieu Philippe - Outils pour apprendre en groupe - Chronique sociale 1989[6] Irem des Pays de la Loire, groupe d’Angers - Apprendre en groupe - CDDP de Maine-et-Loire 1997

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[7] De la Garanderie Antoine - Les profils pédagogiques - Le Centurion 1980[8] Guillot Emmanuel - jLogo - http://guillot.emmanuel.free.fr/jLogo/[9] Williams Linda V. - Deux cerveaux pour apprendre - Les Editions d’Organisation 1988

Le lecteur pourra également consulter quelques publications sur des thèmes mathématiquesproches de notre sujet :

• Duval Raymond, Egret Marie-Agnès - Introduction à la démonstration et apprentissagedu raisonnement déductif - repères n° 12, Juillet 1993• Massot Annick et Jaffrot Michel - Quelques outils et quelques activités pour l’apprentis-sage de la démonstration - repères n° 12, Juillet 1993• Massot Annick ; Poulain Brigitte - Dire, lire et écrire des mathématiques au collège - repèresn° 37, Octobre1999• Marot Madeleine - Une approche de la démonstration au collège - repères n° 39, avril 2000• Capponi Bernard - De la géométrie de traitement aux constructions dans Cabri-géomètreII au collège - repères n° 40, Juillet 2000• Barbin Évelyne - Qu’est-ce que faire de la géométrie ? - repères n°43, Avril 2001• Duperret Jean-Claude - Le geste géométrique ou l’acte de démontrer - repères n°43, Avril2001• Bkouche Rudolf - Du raisonnement à la démonstration - repères n° 47, Avril 2002• Barbin Evelyne, Duval Raymond, Houdebine Jean, Laborde Colette - Produire et lire destextes de démonstration - Ellipses Paris 2001• Houdebine Jean (sous la direction de) - La démonstration, écrire des mathématiques aucollège et au lycée - Hachette Education 1998• Arsac Gilbert, Chapiron Gisèle, Colonna Alain, Germain Gilles, Guichard Yves, ManteMichel - Initiation au raisonnement déductif au collège - Presses Universitaires de Lyon 1992

Pour aller un peu plus loin en précisant quelques idées fortes qui ont inspiré le travail pré-senté, le lecteur pourra consulter les publications de pédagogie, de recherche ou plus géné-ralement de Sciences Humaines suivantes :

• De la Garanderie Antoine - Pédagogie des moyens d’apprendre - Le Centurion 1987• De la Garanderie Antoine - Le dialogue pédagogique avec l’élève - Le Centurion 1987• De la Garanderie Antoine - Comprendre et imaginer - Le Centurion 1987• De la Garanderie Antoine - La motivation : son éveil, son développement - Le Centurion1996• Geninet Armelle - La Gestion Mentale en Mathématiques - Retz 1993• Taurisson Alain - Pensée mathématique et gestion mentale - Bayard Editions 1993• Debray Rosine - Apprendre à penser : le programme d’enrichissement instrumental de R.

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Feuerstein : une issue à l’échec scolaire et professionnel - Eshel Paris 1989• Trocmé-Fabre Hélène - J’apprends, donc je suis - Les Editions d’Organisation 1990• Richard Jean-François - Les activités mentales : comprendre, raisonner, trouver des solu-tions - A Colin 1990• Meirieu Philippe - Apprendre... oui, mais comment - Editions ESF 1988 • Astolfi Jean-Pierre - A propos des styles d’apprentissage - Cahiers pédagogiques n° 336,1995• Lieury Alain - Mémoire et réussite scolaire - Dunod 1997• Nimier Jacques - Mathématique et affectivité - Stock 1976• Moyne Albert - Relation d’aide et tutorat - Editions Fleurus 1983• Rogers Carl - Le développement de la personne - Editions Dunod 1991• Bandler R. et Grinder J. - Les secrets de la communication - Editions le Jour 1982• Cayrol A. et Saint Paul J. - De derrière la magie - Inter éditions 1982