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    Gestion des ressources humaines, dveloppement durable et responsabilit socialepar Daniel BEAUPR, Julie CLOUTIER, Corinne GENDRON, Amparo JIMNEZ et Denis MORIN

    | ditions ESKA | Revue internationale de psychosociologie2008/2 - Volume XIVISSN | ISBN 2-7472-1466-7 | pages 77 140

    Pour citer cet article : Beaupr D., Cloutier J., Gendron C., Jimnez A. et Morin D., Gestion des ressources humaines, dveloppement durable et responsabilit sociale, Revue internationale de psychosociologie 2008/2, Volume XIV, p. 77-140.

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    CHAPITRE 1

    GRH, DEVELOPPEMENT DURABLE ET RESPONSABILITE SOCIALE DES ENTREPRISES

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    GESTION DES RESSOURCES HUMAINES, DEVELOPPEMENT DURABLE ET

    RESPONSABILITE SOCIALE

    Daniel Beaupr, Julie Cloutier, Corinne Gendron, Amparo Jimnez, Denis Morin244

    cole des sciences de la gestion Universit du Qubec Montral

    De plus en plus, les entreprises prennent le virage de la responsabilit sociale (RSE) et du dveloppement durable (DD). Cette nouvelle trajectoire les amne rviser en partie les pratiques de gestion des ressources humaines (GRH) afin de les aligner sur les principes de RSE/DD. La communaut scientifique commence galement sintresser larticulation entre la RSE/DD et la GRH. On retrouve

    244 Daniel Beaupr est dtenteur dun Ph.D. en relations industrielles. Il est professeur agrg lcole des sciences de la gestion (ESG) de lUQAM. Son orientation scientifique de carrire se situe principalement au croisement des politiques de gestion des ressources humaines et des stratgies dentreprise. Il est actuellement directeur de lObservatoire de gestion stratgique des ressources humaines de lESG-UQAM. Ses derniers travaux de recherche ont port sur les modles haut rendement dans le secteur public qubcois. Julie Cloutier (Ph.D.) est actuellement professeure agrge au Dpartement dorganisation et ressources humaines de lcole des sciences de la gestion (ESG) de lUQAM. Ses recherches portent principalement sur la justice organisationnelle, la formation en milieu de travail et les questions lies au genre, notamment lquit salariale. Elle sintresse galement aux pratiques de gestion des ressources humaines dites haute performance. Corinne Gendron, voir note 13 Amparo Jimnez, dtenteur dun PhD en Management et stratgie, est professeure l'Universit du Qubec Montral (UQAM) depuis 2001. Elle enseigne dans les domaines de comportement organisationnel, la responsabilit sociale et la gestion internationale. Ses intrts de recherche actuels se situent dans le domaine socio-politique de la gouvernance des multinationales en Amrique latine et dans la comprhension de la relation entre la responsabilit sociale et les pratiques des ressources humaines dans une perspective interculturelle (Canada, Amrique latine, Espagne). Elle a publi un volume sur les meneurs denjeux en 2002: Stakeholders : Una forma de gobernabilidad de empresa. Anlisis de un caso colombiano. Denis Morin est professeur agrg en gestion des ressources humaines lcole des sciences de la gestion (ESG) de lUniversit du Qubec Montral. Il est dtenteur dun Ph.D. en relations industrielles de lUniversit Laval. Il a galement ralis un stage post-doctoral en psychologie industrielle/ organisationnelle au Colorado State University. Il enseigne la gestion du rendement, la psychomtrie et les statistiques. Il est un spcialiste de lvaluation du personnel et de la mesure des diffrences individuelles. Ses recherches actuelles se concentrent sur la gestion du rendement, la psychomtrie, lintelligence motionnelle, lattraction organisationnelle, le recrutement et la slection du personnel ainsi que sur le lien entre la personnalit et le rendement en milieu de travail.

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    quelques travaux portant sur lidentification et la diffusion de pratiques de GRH dans une perspective de RSE/DD, notamment en Amrique latine (Vives, 2006), en Grande-Bretagne (Jones, Comfort & Hillier, 2005), en Finlande (Vuontisjrvi, 2006), et au Pakistan (Ahmad, 2006). Les tudes de cas sont galement peu nombreuses : le cas Wegmans (Ezzedeen, Hyde & Laurin, 2006), Cerromatoso (Davila & Jimenez, 2006), BHP Billinton (Black, 2006) et celui de Chiquita/LS&Co (Radin, 2004) constituent de rares exceptions. Par ailleurs, les retombes que produisent les pratiques de GRH supportant la dmarche de RSE/DD sur la profitabilit des entreprises suscitent un intrt certain (de la Cruz Dniz-Dniz & De Saa-Prez, 2003). Une analyse de la documentation ne permet de retracer que quelques tudes isoles sur la relation entre la GRH et la RSE/DD. Dans ces tudes, cette relation repose sur une conception de la responsabilit sociale qui sapparente un moyen utilitaire ou instrumental afin de mettre en valeur la rationalit sociale de lentreprise. Une telle approche favoriserait lamlioration de limage organisationnelle, lengagement des employs, la rtention du personnel ou une obligation morale doffrir de saines conditions de travail aux employs. Par ailleurs, pour plusieurs auteurs, la relation entre la GRH et la RSE/DD se rapporte exclusivement au domaine de la sant et de la scurit au travail ainsi qu la prvention de la discrimination au travail (Kagnicioglu & Kagnicioglu, 2007). Il nest pas tonnant de constater que les pratiques de GRH qui prtendent supporter une dmarche de RSE/DD soient si clates. Cet article se fonde sur une analyse approfondie de deux rencontres scientifiques (orientes vers un dialogue entre des scientifiques et des praticiens) tenues en France et au Qubec sur la mise en relation de la GRH et de la dmarche de RSE/DD. Cette rflexion est prcde dun rappel des concepts gnraux et des enjeux de la responsabilit sociale, du dveloppement durable et de la gestion des ressources humaines. partir dune analyse exploratoire des tmoignages concernant la mise en place dune dmarche RSE/DD par un groupe dentreprises qubcoises et franaises, provenant de diffrents secteurs industriels, nous entendons explorer larticulation GRH-RSE/DD dans ces deux contextes culturels. Cette approche empirique vise comprendre de quelle manire la dmarche RSE/DD peut contribuer au renouvellement de la GRH dans son essence, son rle et ses pratiques dans le milieu organisationnel. Cet article contribue lavancement des connaissances, la fois dans le champ de la GRH et dans celui de la RSE/DD, en posant les premiers jalons dune rflexion thorique et empirique sur les enjeux concernant la relation entre la RSE/DD et la GRH. En premier lieu, il est appropri de souligner le rle de la RSE/DD dans le renforcement des objectifs de la GRH dintensifier la rationalit sociale de lentreprise sans toutefois ngliger la rationalit conomique. Deuximement, nous dfinissons l'articulation entre GRH et RSE/DD grce une prsentation minutieuse des concepts de responsabilit sociale de dveloppement durable et des enjeux actuels en GRH. Les retombes de la RSE/DD sur la GRH

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    sont exposes par les professionnels en ressources humaines. Ils jettent un premier clairage sur les conditions dmergence et de prennit de lorientation RSE/DD dans les pratiques de GRH. Une telle avenue permet de dfinir davantage les dimensions du concept de RSE/DD qui sappliquent spcifiquement au march du travail et la gestion des personnes en milieu organisationnel. Cette analyse permet vraisemblablement didentifier les pratiques de GRH qui sont associes la RSE/DD. Finalement, il importe de dterminer dans quelle mesure la RSE/DD favorise une nouvelle conceptualisation de la GRH socialement responsable oriente davantage vers une meilleure intgration des rationalits sociale et conomique (Paauwe, 2004). Ce document renferme sept sections. En vue de prciser les frontires de la GRH dans une perspective de RSE/DD et de la situer dans ce champ de connaissances, nous dfinissons dans la premire section les concepts de RSE et de DD, et dans la seconde section les grands enjeux actuels de la GRH, en prcisant leur objet, leurs objectifs et en les confrontant avec les concepts RSE/DD. Cela nous mne dcrire, dans la troisime section, le cadre mthodologique qui a guid la collecte des informations lors dune table ronde qui invite les praticiens et les scientifiques de la France et du Qubec se prononcer sur les enjeux associs au lien entre la RSE/DD et la GRH. La quatrime section prsente les rsultats empiriques qui tmoignent de la manire dont les reprsentants des entreprises franaises conoivent lintgration des politiques et des pratiques de GRH dans la dmarche de RSE/DD. Les rsultats empiriques pour le Qubec sont traits dans la cinquime section. La sixime section porte sur le potentiel de renouvellement ou dinnovation pratique et thorique de la GRH que suscitent les concepts de RSE et DD. Finalement, nous concluons par une synthse des spcificits du lien entre la GRH et la RSE/DD en France et au Qubec. Des recommandations destines orienter de futurs travaux de recherche y seront galement prsentes. 1. DEVELOPPEMENT DURABLE ET RESPONSABILITE SOCIALE. Cette section vise prsenter la dfinition des concepts de responsabilit sociale et de dveloppement durable afin de pouvoir vrifier ultrieurement si ces concepts sont porteurs dun potentiel de renouvellement ou dinnovations thoriques et pratiques pour la GRH. 1.1 Le dveloppement durable. Au cours des dernires annes, le dveloppement durable est devenu incontournable, et ce mme sil est invoqu par les uns et les autres pour soutenir parfois des positions contraires; ceci tmoigne de sa popularit, mais aussi dun contenu flou qui explique certainement la facilit avec laquelle des projets de

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    toute nature sen rclament (Daly, 1990). Le dveloppement durable a t popularis en 1987 avec la publication du rapport Brundtland duquel on retient la dfinition suivante : le dveloppement durable est un dveloppement qui rpond aux besoins du prsent sans compromettre la capacit des gnrations futures de rpondre aux leurs (Brundtland, 1987). Quelques annes auparavant, lUnion mondiale pour la conservation de la nature a elle aussi propos une dfinition, selon laquelle le dveloppement durable est un dveloppement qui tient compte la fois des dimensions cologiques, conomiques et environnementales (UICN, 1980). Ces deux dfinitions constituent aujourdhui la base de toute interprtation srieuse du dveloppement durable, mais leur formulation gnrale ne permet pas ncessairement den saisir la porte concrte, ni de dceler en quoi le dveloppement durable se distingue du modle de dveloppement industriel traditionnel. Car le dveloppement durable est bel et bien porteur dune autre conception du dveloppement qui, si elle ne soppose pas au dveloppement conomique comme tel, suppose nanmoins une nouvelle perspective de la richesse et de lconomie. En premier lieu, le dveloppement durable exige de tenir compte de limpact de nos activits sur lenvironnement afin de sassurer que lon ne dpasse pas le rythme de rgnration des ressources ni la capacit de charge des cosystmes. Il sagit de prserver les grandes rgulations macrocologiques indispensables notre survie en tenant compte dans notre conomie de ce qui tait autrefois envisag comme de simples externalits. Deuximement, le dveloppement durable nous invite prendre en considration les impacts de nos dcisions sur les gnrations futures de manire sassurer que nous leur lguons un actif, plutt que des passifs environnementaux, sociaux et conomiques. En dautres termes, il faut sassurer que ces dcisions se traduisent par un rel progrs lchelle de la socit de telle sorte que lavenir corresponde vritablement une vie meilleure pour nos enfants et nos petits-enfants. En troisime lieu, le dveloppement durable suppose, non pas darrter toute activit conomique, mais bien de penser une conomie moins intensive sur le plan cologique en rvisant nos modes de production et de consommation. Enfin, le dveloppement durable repose sur une conomie redistributive et inclusive, cest--dire une conomie o tous sont invits bnficier de la plus-value des activits productives. La nouvelle perspective laquelle correspond le dveloppement durable nest pas toujours bien comprise si lon se fie certaines interprtations qui en sont faites (Gendron & Reveret, 2000). En utilisant lexpression croissance durable , une premire interprtation assimile croissance conomique et dveloppement durable. Cette dfinition pose problme dans la mesure o toute croissance conomique nest pas ncessairement porteuse de dveloppement dune part (comme dans les cas de reconstruction aprs accident), et que dautre part certaines dimensions du dveloppement (comme par exemple lducation) ne relvent pas ncessairement de lactivit conomique.

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    Une deuxime interprtation situe le dveloppement durable lintersection des systmes conomiques et cologiques. Or, si le dveloppement durable comporte assurment un exercice de conciliation ou mme de rconciliation entre lconomie et lcologie, cest dans un but bien prcis, soit celui damliorer le sort des individus et des collectivits. Cest pourquoi la troisime interprtation, que lon qualifie de tripolaire, dfinit le dveloppement durable comme une intgration de lconomie, de lenvironnement et du social. Reprise par la plupart des textes officiels, cette dfinition est certainement la plus complte, mais peut perdre tout intrt ds lors quon admet une logique de compensation entre chacun des trois ples. Pour que le dveloppement durable ait un sens, et dsigne rellement un nouveau modle de dveloppement, les trois ples qui le constituent doivent tre hirarchiss. Dune part, dans la mesure o on ne saurait connatre de dveloppement dans un environnement dgrad, la prservation des rgulations macro-cologiques constitue une condition au dveloppement durable. Lconomie, pour sa part, est un moyen et non une fin, dont lobjectif est en fait le dveloppement des individus et des socits. Quant lquit, que certains envisagent comme un quatrime ple, mais que nous proposons denvisager comme une dimension transversale, elle constitue la fois une condition, un moyen et une fin du dveloppement durable (Gendron, 2005). Cette hirarchie entre les ples reflte lide que le dveloppement durable suppose des arbitrages; cest prcisment pour cette raison quil est parfois si difficile mettre en uvre. Comme lillustrent lexploitation forestire ou le secteur des pches, la conciliation des trois ples ne se fait pas toujours dans lharmonie; le dveloppement durable peut impliquer des cots ingalement rpartis entre les acteurs sociaux, ncessiter des investissements et surtout exiger de nouvelles manires de faire, quil sagisse de production, de commercialisation, de consommation, dorganisation ou mme de gouvernance. Au printemps 2006, le Qubec a adopt une nouvelle Loi sur le dveloppement durable qui prcise non seulement la dfinition, mais galement les principes du dveloppement durable. Cette Loi qui ne concerne, il est vrai, que ladministration publique, ne constitue vraisemblablement quun premier pas vers une stratgie de dveloppement durable plus globale pour lensemble du Qubec. Elle exige que chacun des ministres se dote dun plan daction de dveloppement durable en lien avec une stratgie nationale et des indicateurs, dont la ralisation est vrifie par un commissaire au dveloppement durable rattach au bureau du vrificateur gnral. En crant un fonds vert aliment notamment par les amendes, la loi assure une certaine garantie de financement aux groupes et aux municipalits qui oeuvrent la protection de lenvironnement. Enfin, la Loi prvoit un nouveau droit un environnement sain dans la charte des droits qubcoise. En plus darrter une dfinition claire du dveloppement durable, la loi le dcline en seize principes inspirs des principes de Rio, et dont ladministration doit tenir compte dans llaboration de ses politiques et de ses

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    stratgies. La convention de Rio formule pour sa part vingt-sept principes dont certains peuvent nous intresser plus particulirement dans le cadre de cet article (tableau 1). Dune part, les tres humains sont au cur des objectifs du dveloppement durable : ils ont droit une vie saine et productive en harmonie avec la nature (principe 1). Le dveloppement durable suppose galement lquit entre les gnrations quant leurs besoins touchant lenvironnement et le dveloppement (principe 3). Llimination de la pauvret fait partie intgrante du dveloppement durable, de mme que la rduction des diffrences de niveaux de vie (principe 5). Le systme productif (auquel participent les employs) doit tre viable, c'est--dire conu de manire rduire limpact de la production sur lenvironnement (principe 8). Tant les connaissances que les transferts techniques doivent tre intensifis (principe 9). Les individus doivent tre informs et sensibiliss la question environnementale et invits participer aux dcisions (principe 10), tout spcialement les femmes (principe 20), les jeunes (principe 21) et les autochtones (principe 22). Ainsi, le dveloppement durable suppose de nouvelles manires de faire. Il ne sagit pas de condamner toute activit conomique; cest une invitation penser lconomie autrement, en tenant compte la fois des limites de lenvironnement et de laspiration au dveloppement des individus et des collectivits. Passer dun dveloppement industriel intensif sur le plan cologique un dveloppement durable suppose donc une nouvelle faon de faire des affaires, mais aussi de concevoir la richesse.

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    Tableau 1 : Articles de la dclaration de Rio susceptibles dtre considrs dans le cadre de

    la gestion des ressources humaines

    Principe 1 Les tres humains sont au centre des proccupations relatives au dveloppement durable. Ils ont droit une vie saine et productive en harmonie avec la nature.

    Principe 3 Le droit au dveloppement doit tre ralis de faon satisfaire quitablement les besoins relatifs au dveloppement et l'environnement tant pour les gnrations prsentes que futures.

    Principe 5

    Tous les Etats et tous les peuples doivent cooprer la tche essentielle de l'limination de la pauvret, qui constitue une condition indispensable du dveloppement durable, afin de rduire les diffrences de niveaux de vie et de mieux rpondre aux besoins de la majorit des peuples du monde.

    Principe 8

    Afin de parvenir un dveloppement durable et une meilleure qualit de vie pour tous les peuples, les Etats doivent rduire et liminer les modes de production et de consommation non viables et promouvoir des politiques dmographiques appropries.

    Principe 9

    Les Etats doivent cooprer au renforcement des capacits endognes en matire de dveloppement durable, et chercher lintensifier, en amliorant la comprhension scientifique par des changes de connaissances scientifiques et techniques et en facilitant la mise au point, l'adaptation, la diffusion et le transfert de techniques, y compris de techniques nouvelles et novatrices.

    Principe 10

    La meilleure faon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concerns, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dment accs aux informations relatives l'environnement que dtiennent les autorits publiques, y compris les informations relatives aux substances et aux activits dangereuses pour leurs collectivits, et avoir aussi la possibilit de participer aux processus de prise de dcision. Les Etats doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations la disposition de celui-ci. Un accs effectif des actions judiciaires et administratives, notamment des rparations et des recours, doit tre assur.

    Principe 20 Les femmes ont un rle vital dans la gestion de l'environnement et dans le dveloppement. Leur pleine participation est donc essentielle la ralisation d'un dveloppement durable.

    Principe 21 Il faut mobiliser la crativit, les idaux et le courage des jeunes du monde entier afin de forger un partenariat mondial, de manire assurer un dveloppement durable et garantir chacun un avenir meilleur.

    Principe 22

    Les populations et les communauts autochtones ainsi que les autres collectivits locales ont un rle vital jouer dans la gestion de l'environnement et le dveloppement, du fait de leurs connaissances du milieu et de leurs pratiques traditionnelles. Les Etats devraient reconnatre leur identit, leur culture et leurs intrts, leur accorder tout l'appui ncessaire et leur permettre de participer efficacement la ralisation d'un dveloppement durable.

    1.2 La responsabilit sociale de lentreprise. La rupture laquelle correspond le dveloppement durable par rapport au modle de dveloppement industriel traditionnel a de lourdes consquences pour les entreprises et leur insertion dans la socit. titre dinstitution sociale prive (Touraine, 1969), lentreprise a toujours t au cur dune tension, soit celle de rpondre des intrts privs tout en se prsentant comme utile et pertinente pour

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    lensemble de la socit. Lpoque du fordisme correspond la forme la plus aboutie du compromis social sous-jacent cette institution : dans une socit o le progrs et le bien-tre sont directement associs la technologie et au niveau de consommation (Lipietz, 1989), lentreprise occupe un statut privilgi garant dune trs haute lgitimit. Perue comme le principal moteur du dveloppement technologique, elle est galement au cur dun projet de socit consumriste productiviste en offrant la fois les emplois rmunrateurs donnant accs la consommation et les produits consommer. Avec le dveloppement durable, lidal du progrs change de faon fondamentale (Waaub, 1991). Mme si la consommation demeure omniprsente dans la vie quotidienne, cest ltre qui est valoris par rapport lavoir . Ladquation entre progrs conomique et progrs social se dissout progressivement alors que les systmes de rpartition de la richesse essentiellement nationaux sont fragiliss par les stratgies capitalistes visant maintenir laccroissement du taux de profit (stratgies qui aboutissent la mondialisation conomique et la financiarisation de lconomie). Par ailleurs, la problmatique cologique fait basculer le primat de la transformation sur la conservation si caractristique non seulement de la priode fordiste mais de toute la pense occidentale moderne. Bref, le projet productif traditionnel de lentreprise parat de plus en plus dcal par rapport au nouveau paradigme socital que traduit le concept de dveloppement durable (Lipietz, 1989; Waaub, 1990). ce dcalage sajoute la contestation croissante dont les entreprises font lobjet ces dernires dcennies, contestation directement corrle lautonomie et la puissance croissantes dont elles bnficient la faveur de la mondialisation, des fusions et des acquisitions. Mais malgr la lecture quen font la plupart des auteurs, les impacts cologiques et les atteintes aux droits humains (en commenant par lapartheid en 1960 jusqu laccointance aujourdhui avec les rgimes totalitaires) ne sont pas lunique cause de la monte dun mouvement pour la responsabilisation sociale des entreprises. Les dnonciations dont les entreprises font lobjet sont nourries par le changement de paradigme socital (et donc les attentes de la population) et le dcalage correspondant du projet productif traditionnel de lentreprise davec lintrt de la socit, tout autant que nourries par les abus de ces entreprises en matire denvironnement et de droits humains. Cest dans cette perspective de lgitimit, c'est--dire de correspondance entre le paradigme socital et le projet productif de lentreprise que lon doit comprendre le mouvement pour la responsabilisation de lentreprise, quil soit port par les entreprises elles-mmes (qui cherchent dmontrer cette correspondance) ou par les acteurs sociaux contestataires (qui sattachent au contraire dnoncer un dcalage croissant). On reconnat ici trs bien la tension au cur de lentreprise institution sociale prive, tension mise au jour par Touraine, et les stratgies des acteurs sociaux. Les acteurs dominants bnficiant de la finalit prive de lentreprise insistent sur la contribution sociale de cette institution conomique,

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    tandis que les autres acteurs mettent en exergue cette finalit prive en la posant en contradiction avec lintrt gnral. Pour les premiers, la responsabilit sociale est prsente comme une posture naturelle sans contradiction avec les finalits prives, pour les seconds, elle se traduit plutt comme un appel une rforme institutionnelle susceptible de limiter lamplitude des finalits privs au bnfice de lintrt gnral. Mais dans les deux cas, la responsabilit sociale correspond lide dune contribution positive de lentreprise la socit, contribution qui est mesure la fois en regard des actions concrtes de lentreprise et des attentes des diffrents acteurs sociaux. On comprend ds lors comment le dveloppement durable vient modifier en profondeur le discours des entreprises et la prsentation quelles font delles-mmes, tant leurs actionnaires qu la socit en gnral (Champion, 2004), donnant corps une vritable dfinition, temporellement situe, de leur responsabilit sociale. On peut analyser ce nouveau discours mais aussi une certaine lecture des attentes sociales et du nouveau paradigme social dans les rapports de responsabilit sociale, de dveloppement durable ou de citoyennet corporative, rapports publis par les entreprises, dont lexistence en soi confirme un positionnement social indit du secteur priv. Mme si ces rapports sont volontaires et leur contenu discrtionnaire, le contexte social de leur laboration nous permet de les envisager comme le fruit dun certain dialogue social. En effet, les rapports ne sont jamais produits en vase clos, et diffrentes parties prenantes sont convies participer diffrentes tapes de leur laboration (Caron & Gendron, 2007). Ils sont de plus sujets des influences (et plus rarement des obligations) institutionnelles (normes, lois) ou organisationnelles (pratiques de rfrencement, classements et prix) qui interdisent notre avis de les considrer exclusivement comme un discours unilatral, autonome et totalement discrtionnaire de lentreprise. Ceci ninterdit pas toutefois une spcificit, une coloration et mme une mise en scne de la part de lentreprise. Bref, travers ltude de ces rapports de dveloppement durable et de responsabilit sociale, nous pouvons constater la construction dune dfinition oprationnelle et opratoire de la responsabilit sociale depuis une dizaine danne, qui concerne tout autant les processus (auxquels se confinent le plus souvent les normes industrielles ou les dfinitions institutionnelles sur le sujet), que le contenu et le niveau de performance. La responsabilit sociale couvre quatre domaines bien dfinis qui recoupent les principales parties prenantes en la matire : le monde du travail (les employs), le monde du march (les clients), la communaut (gnralement les communauts avoisinantes), et lenvironnement (De Serres, Gendron & Ramboarisata, 2005). Les principaux outils de la responsabilit sociale sont lengagement corporatif, la gouvernance, la communication (dialogue et reddition de comptes), le systme de gestion ainsi que les politiques dapprovisionnement (relations et exigences vis--vis les fournisseurs). Il est intressant de noter, et cela nous conforte dans lide que le rapport de dveloppement durable a un statut diffrent du discours unilatral dentreprise. Contrairement au discours

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    patronal (tenu dans les rapports), discours qui circonscrit la responsabilit sociale des initiatives allant au-del (ou ct) de la loi, on observe que la lgislation et son respect sont parties intgrantes de la responsabilit sociale. Si lon sattarde au contenu de la responsabilit sociale vis--vis des employs, on constate que les frontires sont encore floues mais quil existe certains consensus quant aux questions couvrir. Selon deux tudes ralises auprs du secteur financier traditionnel et du secteur de lconomie sociale, on constate une focalisation sur certains enjeux : la formation des employs, la promotion de la diversit, et loffre de conditions de rmunration avantageuses (De Serres, Gendron & Ramboarisata, 2005). La formation permet aux employs dapprendre et de progresser dans leur carrire. Les programmes de formation ainsi que les outils de communication internes, mais aussi le soutien offert pour de la formation externe offerte aux employs et leur famille, sont prsents comme des mesures de responsabilit sociale. La question de la diversit saccompagne dinitiatives pour lquit et concerne tout autant les minorits visibles que les femmes, mais aussi les employs handicaps. Il sagit dans un premier temps que les effectifs refltent la clientle desservie et que la culture organisationnelle soit empreinte de tolrance et de respect. Mais il importe galement de sassurer de lquit entre les divers groupes demploys au chapitre des conditions demplois et des promotions. En ce qui concerne les employs handicaps, il sagira de mettre leur disposition des amnagements facilitant leur travail. Enfin, le dernier lment de responsabilit sociale touchant les ressources humaines concerne la rmunration, laquelle ne se limite pas au salaire et aux avantages sociaux mais stend la reconnaissance et jusqu la participation des employs lactionnariat. Les entreprises financires de lconomie sociale qui sont plus avant-gardistes que leurs homologues traditionnelles ajoutent ces proccupations des thmes prcis : on peut numrer la qualit des emplois offerts (permanents ou temporaires, temps plein ou temps partiel), la rpartition des employs par tranches salariales, la satisfaction au travail, le roulement du personnel ainsi que labsentisme, les questions de harclement, de discrimination et de violence, la sant, la scurit et le bien-tre ainsi que lengagement bnvole. Le tableau 2 prsente le type dindicateurs de responsabilit sociale en matire de ressources humaines les plus frquemment utiliss dans les rapports de responsabilit sociale.

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    Tableau 2 : Indicateurs de responsabilit sociale relatifs aux ressources humaines

    EMPLOI ET EMPLOY Employs avec contrats dure dtermine/indtermine

    Effectifs Taux de satisfaction des employs

    Rmunration et avantages sociaux Anciennet

    Employs temps plein/temps partiel Employs ayant des responsabilits parentales

    Femmes employes Rpartition des employs par groupe d'ge

    Participants l'actionnariat de la banque Licenciement

    Dpenses en formation Heures supplmentaires

    Employs appartenant aux minorits visibles Main d'uvre extrieure

    Employs handicaps Temps de travail

    Accidents en milieu de travail Absentisme Employs couverts par des mesures de sant et de scurit

    Taux de satisfaction des employs

    Participants au rgime de pension de la banque

    2. LES GRANDS ENJEUX DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES. La section prcdente a prsent la dfinition des concepts de responsabilit sociale et de dveloppement durable. Plusieurs dimensions de la RSE/DD traitent de plusieurs proccupations de la gestion des ressources humaines telles que : (1) les relations et les communications avec les employs; (2) le traitement des femmes et des minorits ethniques ou; (3) la qualit des produits. La RSE/DD peut vraisemblablement rinventer des milieux et des processus de travail la fois comptitifs et faits pour lhumain la lumire de plusieurs dfis actuels en gestion des ressources humaines (Burke & Cooper, 2006; Burke & Cooper, 2005; Cooper & Burke, 2002). Dans cette section, nous ferons ressortir ces dfis ainsi que les nouvelles pratiques de gestion des ressources humaines fonds sur la gestion de la relve, la productivit et la qualit du produit/service, le bien-tre des employs, lthique et la justice organisationnelle. Parce quil sagit de dfis qui touchent lensemble des socits industrialises, la RSE/DD ouvre la voie des approches plus humaines dans la gestion de ces nouveaux dfis en gestion des ressources humaines en faisant notamment appel aux principes dautonomie des salaris (diminution des contrles par lemployeur), de soutien social en milieu de travail, de reconnaissance et de charge raisonnable de travail. Il est appropri de raliser un examen critique des principaux dfis de la GRH qui sentrecroisent avec le cadre de rflexion de la RSE/DD.

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    2.1 La gestion de la relve. Lanalyse des retombes de la performance sociale sur la gestion des ressources humaines tient lvolution rcente des enjeux dmographiques de la socit. Il nest pas facile de mesurer lampleur et la complexit des enjeux dmographiques qui se profilent pour la prochaine dcennie et mme au-del. Malgr le fait que lon soit inond de chiffres alarmistes sur le ralentissement de la croissance dmographique, le vieillissement rapide de la population, les dparts massifs la retraite dans certains secteurs de travail et la pnurie de jeunes ayant les comptences requises pour tel emploi, il existe toujours une certaine confusion quant la nature du problme et ses consquences sur la gestion des ressources humaines. On peut sattendre ce que les entreprises profitent de loccasion pour mettre en place des pratiques de RSE/DD qui humanisent les milieux de travail et pour saisir la possibilit de se dmarquer par de telles actions. La gestion de la relve est projete lavant-plan des priorits dans lordre du jour des spcialistes de la GRH. La gestion de la relve consiste en un ensemble coordonn dactions dattraction, de rtention et de dveloppement du capital humain ainsi que du transfert des connaissances entre les gnrations. On ne peut tudier ni analyser la gestion de la relve en faisant abstraction des paramtres de nature dmographique qui caractrisent les personnes qui oeuvrent sur le march du travail. Parmi ces caractristiques de la dmographie, on retient principalement le genre, les origines ethniques et culturelles, la forme physique et bien entendu lge des individus. Pratiquement toutes les entreprises doivent composer avec des transformations importantes sur le march du travail. Si la rtention des travailleurs expriments devient un enjeu important, il en va certainement de mme pour lattraction des jeunes talents les plus prometteurs. Le dfi de la gestion de la diversit des ges et de lintergnrationnel est au centre du progrs futur de la socit. De nouvelles pratiques pour grer les recrues ainsi que pour btir le pont entre les gnrations sont lordre du jour (Audet, 2004). Les jeunes recrues recherchent notamment des perspectives de carrires intressantes, des dfis relever, la reconnaissance des comptences individuelles, un juste quilibre entre le travail et la vie prive. Ils dsirent galement une rmunration motivante, un horaire de travail souple, la possibilit de bnficier davantages sociaux, une entreprise qui encourage linitiative, la crativit et le travail dquipe ainsi quune entreprise axe sur linnovation et la crativit. Ces dernires annes, on assiste une rduction importante de la main-duvre qualifie au sein dune socit caractrise par une population vieillissante. Certains chercheurs anticipent notamment une pnurie de main-duvre spcialise dans plusieurs secteurs dactivit conomique, tels que les secteurs de la sant, de la finance, de lagroalimentaire, de lindustrie pharmaceutique et de la biotechnologie. La raret de la main-duvre qualifie sobserve galement par les nombreux postes vacants de techniciens, de professionnels ou de cadres. Cette

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    pnurie de main-duvre se manifeste par une difficult pour les entreprises attirer les travailleurs les plus qualifis qui sont ncessaires latteinte des objectifs organisationnels. Le problme de la raret de la main-duvre sintensifiera dans tous les secteurs de lconomie canadienne partir de 2014. Pour pallier ce problme, les entreprises doivent dployer de plus en plus de ressources pour attirer les employs qualifis (Ehrhart & Ziegert, 2005; Lievens & Highhouse, 2003; Lievens, Van Hoye & Schreurs, 2005). La mesure et les consquences de lattraction organisationnelle constituent actuellement un enjeu important en gestion des ressources humaines. Lattraction organisationnelle est un concept relativement nouveau dans le domaine de la recherche sur le recrutement du personnel. Elle se traduit sous la forme dun attrait ou dune attitude positive des chercheurs demploi lgard dune organisation vue comme un employeur potentiel (Highhouse, Lievens & Sinar, 2003). La nature de cette attraction organisationnelle contribue directement lacceptation ou au rejet dune offre demploi. La rtention du personnel constitue galement une proccupation majeure pour les entreprises. En effet, Benimadhu (2006) souligne que prs de 67% des entreprises qubcoises anticipent dans les prochaines annes des difficults importantes recruter et conserver les talents. Au-del de 74% des entreprises canadiennes prvoient des difficults apprciables dans le recrutement et la rtention du personnel moyen terme. Plusieurs chercheurs recommandent aux organisations dimplanter une politique de rtention des employs qualifis et productifs (Griffeth & Hom 2001; Griffeth, Hom & Gaertner, 2000; Mitchell, Holtom & Lee, 2001; Steel, Griffeth & Hom, 2002; Vandenberghe, 2004). Au cours des prochaines dcennies, les entreprises auront grer une main-duvre vieillissante. Les travailleurs gs tendront de plus en plus demeurer plus longtemps au travail. Les auteurs prdisent galement labsence de relve dans les entreprises, et concernant certains mtiers ou certaines professions, la pnurie se manifestera lorsque les travailleurs gs quitteront lentreprise (Saba & Gurin, 2004). Ladaptation au travail reprsente un enjeu de taille. En effet, les capacits et les aptitudes dune personne ge rgressent avec lge : ses ractions physiologiques diffrent de celles des plus jeunes. Par consquent, les entreprises doivent penser restructurer les tches et les emplois, ramnager le temps de travail, les postes et les conditions de travail afin daider les employs gs sadapter au travail. Les entreprises doivent tablir des stratgies de maintien en emploi de ces employs en leur offrant un rle de mentorship (Hedge, Borman & Lammlein, 2006). Une telle approche vise crer un contexte propice la gestion des connaissances, au partage des savoirs tacites qui, par ricochet, favorise le dveloppement des comptences dans une optique intergnrationnelle (Bouhris, Dub & Jacob, 2004; Burke & Ng, 2006). Des transformations dans les rgimes de retraite doivent apparatre galement. Les rgimes actuels tendent dcourager la participation des travailleurs gs au march du travail. Les politiques publiques de retraite doivent favoriser

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    davantage le maintien en emploi des travailleurs gs (Pozzebon, 2004). Par consquent, les entreprises peuvent prvoir des dparts la retraite flexibles, prvoir le rappel des retraits et encourager le maintien en emploi. Une telle orientation en matire de gestion de la main-duvre vieillissante exige au pralable llimination des attitudes discriminatoires lgard de cette catgorie de travailleurs. En effet, les travailleurs gs sont souvent perus comme ayant des caractristiques indsirables telles quune sant fragile, une attitude inflexible, une rsistance au changement et un faible taux demployabilit (Chiu et al, 2001). Le Canada est engag dans un processus de dcroissance naturelle attribuable un faible taux de naissance et laugmentation des dcs. Limmigration internationale joue un rle grandissant afin de combler certaines lacunes dmographiques. Les organisations ont grer une diversit multiethnique et multiculturelle car la population demploys est plus htrogne. Cette diversit amne un processus de changement important dans la philosophie de gestion des entreprises. La gestion de la diversit exige des changements de mentalit. Les organisations doivent valoriser la diversit culturelle et viser lintgration des minorits ethniques. Malgr la pnurie de main-duvre, il subsiste toujours de nombreux obstacles lintgration des minorits ethniques dans les organisations, obstacles qui se traduisent sous forme de discrimination. Les principales raisons qui contribuent aux diverses difficults dans lembauche de minorits ethniques sont, notamment, (1) la faible compatibilit avec lorganisation; (2) les difficults relatives lutilisation de la langue de travail; (3) les valeurs, les croyances, les attitudes et les cultures qui sont diffrentes des travailleurs canadiens; et (4) le peu de reconnaissance lgard de lexprience de travail acquise par les minorits ethniques (Conference Board of Canada, 2004). Par consquent, dans un contexte de pnurie de main-duvre, nous observons une faible utilisation de la force de travail provenant des minorits ethniques. Lintgration de la minorit ethnique dans les milieux de travail doit constituer une exigence conomique. Les organisations ne peuvent plus se permettre dcarter une main-duvre valable cause de pratiques discriminatoires. Pour faciliter cette intgration de la minorit ethnique, la haute direction des entreprises doit participer la sensibilisation des employs ce phnomne de plus en plus prsent. Laugmentation de prjudices ethniques et de strotypes dans les organisations occasionne des tensions dans les milieux de travail. Les gestionnaires doivent accrotre leur comptence en matire de gestion des conflits, dhabilets dencadrement du personnel et de communication. Une telle dmarche semble ncessaire afin que les gestionnaires puissent dvelopper une attitude proactive lgard de la diversit de la main-duvre. La fminisation du march du travail se continue en Amrique du Nord. Nous pouvons noter galement que les exigences nouvelles de disponibilit des salaris empitent sur la vie hors travail. Les organisations nont pas dmontr quelles sont prtes des amnagements significatifs du travail visant favoriser la vie

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    familiale et la vie prive. Plusieurs changements crent des tensions entre les responsabilits professionnelles et familiales des employs. Du ct de lemploi, pensons aux exigences accrues en matire de charge de travail. Du ct de la famille, pensons laugmentation des couples deux emplois, des divorces et des familles monoparentales, la ncessit de prendre soin de parents gs. Les entreprises devront progressivement adopter des pratiques de gestion en vue daider leurs employs mieux concilier travail et vie prive ou vie familiale. Parmi ces pratiques de gestion favorables la famille, nous pouvons noter les congs pour raisons personnelles ou familiales, lamnagement du temps de travail ou le cheminement de carrire adapt aux exigences familiales (St-Onge, 2007). La complexit des enjeux dmographiques, tels que le ralentissement de la croissance dmographique, le vieillissement rapide de la population, les dparts massifs la retraite et la pnurie de jeunes ayant les comptences requises, imposent donc aux entreprises de mettre en place une gestion de la relve (Conference Board of Canada, 2004). Lvolution socioconomique fait de la gestion de la relve un enjeu stratgique en raison de son incidence sur la capacit dajustement de lorganisation un bassin de main-duvre en mutation. Toutefois, pour raliser avec succs une telle dmarche, plusieurs organisations doivent apporter des changements touchant leur culture en matire de gestion des ressources humaines (accent mis sur les droits et les responsabilits des employs, la justice organisationnelle, le dveloppement des nouvelles comptences, la diversit ethnoculturelle, le bien-tre des employs, la reconnaissance). Le choc dmographique et son incidence sur la gestion des ressources humaines constituent une excellente occasion pour les pratiques de responsabilit sociale de promouvoir des changements profonds dans lorganisation du travail et la gestion des personnes. La personnalisation, la flexibilit et lhumanisation des conditions de travail reprsentent une voie fructueuse pour la convergence des diverses pratiques de gestion des ressources humaines et de responsabilit sociale.

    2.2 LE DEFI DE LA PRODUCTIVITE ET DE LA QUALITE DES PRODUITS ET DES SERVICES. Perdre du personnel prcieux ou ne pouvoir attirer des personnes qui possdent les comptences recherches reprsentent un cot considrable pour les entreprises, quil est parfois difficile de chiffrer. Lautre partie du problme est de sassurer que les employs que lon retient sont aussi les plus productifs. La comptition accrue cre par la mondialisation force de nombreuses organisations augmenter la productivit et crotre, entre autres par des fusions et des acquisitions, afin de conserver ou de conqurir une position avantageuse sur leur march. Un des dfis que ces entreprises doivent relever est de se doter dune main-doeuvre adapte aux exigences de leur orientation stratgique.

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    Lvolution rapide, notamment des besoins de la clientle et des technologies, ncessite une plus grande capacit dadaptation des organisations et, en consquence, leur demande une plus grande flexibilit. Cette transformation exige que le personnel ait les talents requis pour faire davantage preuve de polyvalence, dautonomie et dadaptabilit (Foucher & Gosselin, 2004). La gestion des comptences se dveloppe sous leffet de plusieurs forces conjugues, soit (1) la conviction face des environnement daffaires beaucoup plus turbulents et incertains, que la comptence du personnel est dsormais au cur de lavancement concurrentiel de la firme (qualit, service la clientle) et (2) lurgence, sous la pression combine des pnuries de main-duvre, du manque de polyvalence, de la mobilit linterne et des niveaux levs de roulement de personnel, de repenser la place de la comptence au sein de la gestion des ressources humaines (Bouteiller & Gilbert, 2005). La proccupation des directions pour la qualit de la grance et du personnel dencadrement renforce limportance des pratiques de dveloppement des leaders (Caligiuri, 2006). Confrontes une concurrence plus forte, les organisations doivent miser sur la gestion des talents afin dtre plus productives. La gestion des talents reprsente un levier privilgi afin de rpondre la ncessit accrue de se doter, de conserver et de motiver un personnel comptent (Lewis & Heckman, 2006). Lintensification de la concurrence internationale ainsi que la ncessit pour les entreprises daccrotre la performance organisationnelle contribuent lengouement pour la mobilisation des ressources humaines. Tremblay (2006) ainsi que Tremblay & Wils (2005) soulignent que les organisations comptent plus que jamais sur la mobilisation des employs pour assurer et lgitimer leur existence et pour bnficier dun avantage concurrentiel. Tremblay & Wils (2005) proposent le concept de mobilisation afin de rendre compte des contributions positives des individus en milieu organisationnel. Ces auteurs dfinissent la mobilisation comme une masse critique demploys qui accomplissent des actions (faisant partie ou non de leur contrat de travail, rmunres ou non) bnfiques au bien-tre des autres, de leur organisation et laccomplissement dune uvre collective (p. 38). La principale consquence de la mobilisation des employs est donc la performance suprieure. Une analyse approfondie des transformations organisationnelles montre comment limprovisation successive de multiples changements organisationnels constitue une menace pour la sant des travailleurs. Ces changements organisationnels dpassent souvent les capacits dadaptation de ces derniers. Les organisations ne prennent pas suffisamment la peine de mobiliser les personnes susceptibles dtre affectes par le changement. Lamlioration de la performance organisationnelle exige lengagement accru des employs face aux enjeux quotidiens de lentreprise. La qualit de lengagement organisationnel garantit une rentabilit plus leve. Lengagement organisationnel rfre lattachement quun employ manifeste lgard de son organisation. On

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    peut sattendre ce que les individus qui prouvent un engagement lgard dune entreprise dveloppent une attitude trs positive envers celle-ci et se montrent dsireux de contribuer spontanment son bon fonctionnement (Cartwright & Holmes, 2006). Lengagement organisationnel influence la nature des comportements au travail. Plus spcifiquement, les travaux empiriques dmontrent que les niveaux dengagement affectif, calcul et normatif, sont frquemment relis ngativement au roulement du personnel et lintention de quitter de la part de lemploy. Toutefois, lengagement affectif est associ un grand nombre de consquences organisationnelles favorables dont une meilleure performance individuelle et collective, une propension plus forte adopter des comportements de citoyennet organisationnelle, de mme qu une rduction du nombre de retards et de la frquence de labsentisme (Bentein, Stinglhamber & Vandenbergue, 2000; Par & Tremblay, 2007; Simard, Doucet & Bernard, 2005). Lorganisation dont le niveau dengagement affectif de ses employs est lev bnficie donc dun avantage concurrentiel important. Les adaptations multiples auxquelles les employs se prtent ainsi que les efforts additionnels quils dploient pour sacquitter de tches qui se complexifient et salourdissent ont pour consquence damplifier chez eux le besoin de recevoir une vritable reconnaissance au travail. Ce dfi de la reconnaissance est un lment essentiel pour donner un sens au travail, favoriser le dveloppement professionnel et contribuer la sant et au bien-tre des employs (Brun & Dugas, 2005; St-Onge et al., 2005). Dans le contexte de la mondialisation des activits des socits canadiennes, notamment en raison de fusions et dacquisitions transnationales, la gestion internationale des ressources humaines devient un enjeu important pour la russite des oprations ce niveau international. La fonction ressources humaines assume, dans un contexte international, un rle de catalyseur. En effet, elle est responsable du dveloppement et de la mobilisation des capacits individuelles et organisationnelles afin de permettre lorganisation de sadapter aux contraintes environnementales qui diffrent dune rgion lautre. Face au contexte de linternationalisation, la gestion des employs internationaux (ou des expatris) correspond la capacit de fournir des employs expriments au moment opportun pour contribuer au dveloppement des marchs externes. Les pratiques de rmunration adaptes diverses cultures ou valeurs, les pratiques dadaptation interculturelle, la connaissance de la rglementation en matire de relations de travail ainsi que la gestion de la mobilit internationale ne sont que quelques approches de gestion qui jouent un rle crucial dans le succs de lexprience internationale (Saba & Haines, 2003; St-Onge et al. 2003; Waxin & Chandon, 2003). La gestion des ressources humaines contribue faonner le capital humain de manire ce quil contribue la performance de lentreprise. Si lnonc est simple, la dmonstration en est par contre fort complexe. Pour dmontrer la proposition ci-dessus, il faut prouver que la gestion des ressources humaines

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    influence positivement les attitudes et les comportements au travail. En second lieu, il importe dtablir le lien entre la gestion des ressources humaines et lefficacit organisationnelle. Si les employeurs justifient toutes les transformations actuelles par limpratif dune plus grande performance, il est certainement de saison de grer les ressources humaines avec plus de rigueur en justifiant par des faits lefficacit des grappes de pratiques de gestion des ressources humaines (Barrette & Carrire, 2003; Carrire & Barrette, 2005; Colakoglu, Lepak & Hong, 2006; Le Louarn & Wils, 2001). Devant lampleur des transformations et des dfis de la gestion des ressources humaines, limpratif de la mesure et de lvaluation en ressources humaines devient plus pressant. Plusieurs recherches montrent que les entreprises ayant fait dimportants investissements dans la gestion de leurs ressources humaines obtiennent des rsultats nettement suprieurs ceux des entreprises ayant beaucoup moins investi dans ces ressources (Le Louarn & Wils, 2001). 2.3 LE DEFI DU BIEN-ETRE DES EMPLOYES Nous observons depuis la dernire dcennie que la demande de temps et la demande dnergie accorder au travail augmentent sans cesse. Les pressions nouvelles exerces par le travail dans la vie quotidienne se traduisent par des expressions comme intensification du travail , responsabilisation des employs , engagement organisationnel et, comportements discrtionnaires . Certaines exigences des employeurs dpassent les capacits dadaptation des salaris. Tandis quil subsiste de bons milieux de travail ainsi que des employeurs renomms pour les qualits humaines de leur gestion, force est de constater que dans la majorit des cas, les pratiques actuelles de gestion ont une incidence ngative sur la qualit de vie et le bien-tre des salaris. Les problmes de sant au travail, notamment de sant mentale, qui se manifestent sous la forme de dpression, dpuisement professionnel, de dtresse psychologique et dabsences pour maladie, tmoignent dune crise relle dans la relation entre la personne et son travail. Les cots levs des problmes de sant au travail doivent inciter les acteurs sociaux rviser lorganisation du travail et valoriser la responsabilit sociale de lentreprise de manire inflchir cette volution nfaste des milieux de travail. Les entreprises sont bouscules par la concurrence, pousses par lavidit des actionnaires et proccupes par lincertitude de leur survie. Par consquent, elles accroissent leurs exigences en matire de normes de rendement et exercent une pression soutenue sur les salaris sans rien offrir dautre que des rductions deffectifs, des restructurations brutales et des rumeurs de ventes. Les entreprises sengagent dans une dmarche de flexibilit qui ne comporte aucune garantie quant lemploi des salaris. Les organisations en mal de flexibilit ont russi transfrer leur souci de performance leurs employs et obtenir de ceux-ci un engagement personnel poursuivre la mission corporative.

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    Conscient de la fragilit financire de son employeur, le salari se consacre la russite de lentreprise au point daccepter de ne pas compter ses heures ou de ne pas trop mesurer ses efforts afin de prserver son emploi. Cet engagement organisationnel nest pas obtenu grce une amlioration des conditions de travail mais plutt par une fragilisation de la relation demploi. Lemploy sengage fond parce quil craint de perdre son emploi et non parce quil est reconnaissant envers un employeur qui le valorise et enrichit ses tches. Laugmentation inquitante dans notre socit de lincidence des troubles caractre psychologique reflte une acclration des changements et des conditions de vie et de travail de plus en plus stressantes. Face cette augmentation dramatique des troubles psychologiques, tels que lpuisement professionnel, la dpression ou la dtresse psychologique, et des cots qui y sont rattachs, les problmes de sant mentale sont devenus un enjeu majeur pour les entreprises en raison des lourdes consquences sur laugmentation du taux dabsentisme et la baisse du moral et du rendement des employs (Cooper, 2006). Lintensification du travail ainsi que le dsquilibre entre le temps de travail et le temps de vie prive affectent ngativement le bien-tre et la sant des travailleurs. Lorganisation doit implanter des pratiques de sant et de bien-tre dans le milieu de travail. Ces pratiques de bien-tre des employs visent maintenir les employs satisfaits, productifs et lemploi de lentreprise et viter ainsi quils ne dveloppent de srieux problmes de sant mentale. La sant des travailleurs doit plus que jamais constituer une responsabilit sociale de lentreprise.

    2.4 LE DEFI DE LETHIQUE ET DE LA JUSTICE ORGANISATIONNELLE Les mutations de lemploi convergent vers une dtrioration et une prcarit accrues des conditions de travail. Le recours des travailleurs statut prcaire est li des motifs de gestion des cots de main-duvre. Les femmes et les jeunes vivent de plus en plus dans linscurit et la prcarit. Les travailleurs qui occupent des emplois atypiques ou permanents font face des conditions de travail plus svres et se dbattent davantage pour garder leur emploi. La prcarit des emplois suscite la fatigue, lanxit et la dpression. La cration des emplois atypiques, lexternalisation de la main-duvre ainsi que la sous-traitance dune portion importante des activits des entreprises mnent celles-ci se dlester de leurs responsabilits sociales. Les effets malsains de lvolution rcente des conditions du travail sont si importants quil est urgent dintervenir. Il faut admettre que la voix des actionnaires est mieux entendue que celle des travailleurs, alors que dans les services publics, la voix des contribuables prdomine. Dans le contexte des restructurations organisationnelles, la main-duvre subit les contrecoups. Les dcideurs grent les budgets et non les personnes. Les gestionnaires oublient que

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    la prennit dune organisation repose sur une interaction fructueuse entre le systme conomique et le systme social des relations humaines. Il est urgent que la gestion des ressources humaines redevienne une question sociale plutt quune simple rponse au march conomique. Les gestionnaires doivent faire la preuve dune bonne conduite thique et de reconnaissance envers les salaris. Les organisations doivent adopter des comportements et des attitudes responsables en matire de gestion des ressources humaines, telles que la dnonciation des pratiques illgales ou non thiques, la valorisation du droit la vie prive des employs, limportance de lapplication des principes de justice organisationnelle, le respect de lintgrit et du bien-tre des employs, la rdaction dun code dthique ainsi que la dtermination de conditions de travail convenables (Lefkowitz, 2006). Les rcents scandales financiers (e.g. Enron et WorldCom aux tats-Unis) remettent en question la viabilit des mesures financires court terme en tant quindicateurs crdibles du succs organisationnel. Au-del des ventes, des profits ou de laction boursire, la justice organisationnelle, la marge de confiance entre les employs et la direction, la participation des employs, les bonnes conditions de travail ou le bien-tre des employs constituent des rsultats organisationnels pertinents dans lapprciation de la prennit organisationnelle (Boxall & Purcell, 2003). Lapproche des actionnaires semble ngliger limportance des autres acteurs de lorganisation tels que les employs qui peuvent potentiellement sintresser au contenu des pratiques en ressources humaines (Paauwe, 2004). En somme, les entreprises qui cherchent se crer un avantage concurrentiel durable doivent sappuyer sur la protection du bien-tre en milieu de travail ainsi que sur le dveloppement et lutilisation optimale des comptences de leurs employs. Une telle orientation de la responsabilit sociale contribue donc cette nouvelle conception de la gestion des ressources humaines qui vise accorder un visage plus humain lentreprise sans pour autant dlaisser limportance de la rentabilit et de linnovation organisationnelle.

    3. METHODOLOGIE. Cette recherche de nature exploratoire tente de mieux comprendre la nature du lien entre la dmarche de RSE/DD et les pratiques de GRH au Qubec et en France. Ltude permet de dterminer dans quelle mesure la dmarche de RSE/DD pourrait contribuer au renouvellement de la GRH. Les principales questions souleves par notre dmarche empirique sont les suivantes : Quelles sont les pratiques GRH qui appuient la dmarche de RSE/DD ? Quelles sont les dimensions de lenvironnement organisationnel qui justifient la mise en place de telles pratiques ? Nous avons eu l'opportunit de participer comme observateurs aux deux tables rondes organises dabord Paris, le 19 avril 2007 et ensuite Montral, le 23

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    mai 2007. Nous avons utilis lobservation passive et participante en tant que technique de collecte des donnes, puis lanalyse du discours comme technique danalyse. Une telle stratgie de recherche favorise une connaissance approfondie du sujet. Des reprsentants de huit entreprises provenant de divers secteurs245 ont tmoign de leur exprience sur la mise en uvre des stratgies intgrant plusieurs pratiques de GRH et de RSE/DD. La premire table ronde ralise dans un htel de Paris a t organise par le Mouvement Gnration RH qui regroupe prs de 400 membres, professionnels de la fonction GRH, avec un noyau dur de directeurs GRH. Le Mouvement permet ses membres de se retrouver autour de petits djeuners dbats, dans des groupes thmatiques de travail, pour partager diffrentes problmatiques daffaires et changer propos denjeux en ressources humaines. Le Mouvement fait partie du rseau GLOBAL RH qui rassemble plus de 1 300 membres, runis lors dvnements majeurs pour les ressources humaines en France (GLOBAL RH, les trophes des binmes PDG/DRH de lanne, la semaine Portes Ouvertes sur les ressources humaines). Au moment de la table ronde Paris, prs de 60 gestionnaires ont particip aux discussions. La collecte des donnes empiriques sappuie sur des notes dtailles portant sur les enjeux de RSE/DD ainsi que de GRH. Ces notes ont t prises par un professionnel du GROUPE RH&M ainsi que par lun des chercheurs afin de raliser une synthse des propos tenus Paris. Les notes se concentrent sur diffrents thmes dbattus en table ronde (qui parle? de quel enjeu? nature du sujet?). Le rle du chercheur ainsi que du professionnel se limite la prise de notes, sans interventions dans les nombreux dbats. Au Qubec, la table ronde a t organise conjointement par la Chaire de responsabilit sociale, lObservatoire de gestion stratgique des ressources humaines et la Chaire de gestion des comptences de lcole des sciences de la gestion de lUniversit du Qubec Montral (ESG-UQAM). Cette table ronde runissait la fois des acadmiciens et des praticiens. Le milieu de la pratique est reprsent par des cadres suprieurs et des consultants provenant de quatre secteurs : (1) lindustrie extractive; (2) les tlcommunications; (3) les entreprises coopratives et; (4) la consultation en gestion des ressources humaines. Le volet acadmique est incarn par les chercheurs de lESG qui sont galement les auteurs de cet article. Les prsentations et les discussions tenues au cours de cette table ronde, dune dure de trois heures, ont t intgralement enregistres et transcrites. Contrairement la table ronde mene Paris, les chercheurs et les praticiens invits la table du Qubec ont activement particip la discussion.

    245 Conseil en management et services informatiques; fabrication et distribution de parfums sur les

    marchs mondiaux; consultation en GRH; organismes qui grent les politiques publiques; prestation de services publics; fabrication de camions; entreprises du secteur hydrolectrique.

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    4. LARTICULATION GRH-RSE/DD EN FRANCE. Des reprsentants de huit entreprises franaises ont tmoign de la mise en uvre de stratgies qui conjuguent les pratiques de GRH et les principes de RSE/DD. Les objectifs de la discussion taient de : (1) connatre les rsultats obtenus en matire de RSE/DD tout en apprciant la contribution des pratiques de GRH dans la mise en uvre de ces actions et (2) mettre en vidence la faisabilit et les retombes court et long termes dune telle dmarche. Nous dcrivons dabord les pratiques de GRH qui supportent la dmarche de RSE/DD dans un groupe dentreprises franaises. Nous retraons galement les caractristiques du discours relatif au lien entre la RSE/DD et la GRH. Enfin, nous analysons la nature des pratiques de RSE/DD-GRH dans les entreprises en France.

    4.1 Reprsentations et pratiques de GRH supportant la dmarche RSE/DD. Le tableau 3 consigne quelques extraits des interventions de praticiens franais relativement leurs conceptions de la relation entre la RSE/DD et la GRH. Ils prsentent galement les pratiques de GRH qui appuient la mise en place dune dmarche de ce type. Les participants conceptualisent la relation entre la GRH et la RSE/DD partir de quatre fondements : (1) la relation GRH-RSE/DD constitue un levier damlioration, defficacit conomique et dinnovation pour lentreprise; (2) lapplication de la dmarche de RSE/DD constitue une responsabilit du service des ressources humaines : la GRH doit diffuser les principes dthique au travail; (3) la RSE/DD est un moyen de vhiculer les valeurs de justice, dgalit des chances, de respect et de droit des conditions acceptables de travail. La communication de ces valeurs est ralise laide de la fonction ressources humaines et; (4) les pratiques de RSE/DD engendrent des bnfices organisationnels, financiers et socitaux.

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    Tableau 3 : Reprsentations et pratiques de GRH supportant la dmarche RSE/DD : les cas des huit entreprises franaises

    F1 (CONSEIL EN MANAGEMENT ET SERVICES INFORMATIQUES) se consacrer des projets de solidaritde lutter contre la pauvret grce des exprimentations sociales soutien des organisations humanitaires : mcnat de comptence.. Faire vivre les valeurs sous jacentes dans le DD, somme de petites actionscoordonnes par le DRH Vrification de lapplication de ces rgles du jeu : accompagnement du changement, travail sur les perceptions, travail faire avec le management pour faire appliquer DRH est acteur important par sa contribution : prparer, adapter, faire voluer les RH du groupe avec le risque de prise en dfaut entre ce qui est annonc et ce qui est fait. Dclinaison : communication semaine du DD, confrences, site intranet Mise en place de distributeurs de caf et de th du commerce quitable, imprimantes en R/V, bilan carbone, charte co attitude, pollution (voyagent beaucoup), staffer les gens dans leur bassin demploi . F2 (CONCEPTION, FABRICATION ET DISTRIBUTION DE PARFUMS SUR LES MARCHES MONDIAUX) Respecter ce qui est obligatoire dans le cadre dune multinationale: CSR thique... code de dontologie, cadre obligatoire, engagement sur utilisation des produits, protocoles de tests Mettre en place cogestes . F3 (CONSEIL EN GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ET DEVELOPPEMENT DURABLE) DRH et DD doivent marcher la main dans la main. Si les collaborateurs ne sont pas au minimum forms et sensibiliss, la structure de reporting ne fonctionne pas. Simpliquer : pousser dj plus loin les frontires classiques du mtier du DRH. Pression croissante : attentes des salaris, ONG, agences de notation, investisseurs media observent de manire plus attentive les pratiques de RH. Thmes de lentreprise au niveau management et leadership, engagement citoyen, mesure des volutions danne en anne Quel lien entre mtier (conseil) et axes dengagement ? Emploi, formation, talents (mcnat musical). Accs lducation, la culture parce quon est une population qui a pu en bnficier. On touche des changements de comportements, de pratiques : besoin daccompagnement du changement, pour amener faire faire des choses nouvelles, besoin dexplication des enjeux. Programmes dquilibre vie prive / vie professionnelle . F4 (FABRICATION DE CAMIONS) Responsable du dveloppement de lemploi Indicateurs et bonus. Audit chaque mois pour matrise des produits chimiques : respect des listes de produits interdits3 valeurs : Le client, la qualit, le respect des personnes Respect des personnes = accorder une rmunration quitable, scurit de lemploi et dveloppement des comptences. On lcrit et on le fait ; les partenaires sociaux restent vigilants. F5 (PRESTATION DES SERVICES PUBLICS) Engager lentreprise dans le DD, cest dabord un levier damlioration de son efficacit conomique. Le DD permet de rduire notre consommation nergtique et donc nos cots. La prvention et la sant au travail permettent damliorer la performance de nos quipes et de diminuer les cots collectifs de lassurance-maladie. Le DD-RSE sont des vecteurs dinnovation, comme en tmoigne le programme R&D que nous dveloppons avec des partenaires industriels pour concevoir et produire des vhicules lectriques ou les progrs technologiques raliss dans le matriel ergonomique de transport du courrier par les facteurs. Lentreprise dfend les valeurs de proximit, dintimit et daccessibilit lcriture. La Fondation soutient lcriture pistolaire et la parole sous toutes ses formes, crite, lue ou chante. En 2005, nous soutenons ldition de correspondances de Franoise Dolto et Mmoires de la mer, cinq sicles daventures sauvs des archives franaises de la marine. Notre site Internet ouvre laccs au patrimoine et connat un trafic record avec 874 000 pages

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    vues en 2005. F6 (MARKETING, CONSULTATION ET IMAGE) Bon cas dcole : ces valeurs servent dans lvaluation des collaborateurs et doivent tre prouves vis--vis des clients. Pari de prendre des valeurs identiques au plan personnel et collectif Passion, agilit, engagement, (5 valeurs) Coordination par la DRH et la communication . Le statut de collaborateur citoyen donne des RTT supplmentaires pour les salaris engags lextrieur la motivation globale de ces salaris et ce qui augmente leur productivit . Le devoir de lentreprise est de mettre des moyens pour dvelopper lemploi ici ou ailleurs. Ex : nous avons mis en place une GPEC (gestion des emplois et des comptences) . Nous avons bnfici involontairement du contexte social. Les thmes emploi et galit des chances intressent. Nous sommes interrogs par les journalistes sur les raisons de cet engagement. Nous allons avoir une pnurie de talents et le DD est un critre montant. F7 (GROUPE DE CONSEIL EN GRH/DD) En France, 60% des DRH ont une responsabilit RSE dans leur fonction et seulement 30% dans la dfinition de leurs tches La discrimination, la diversit, sont dans le scope du DRH La RSE est un moyen de remettre les salaris en harmonie : pdagogie, explication, communication interne, grand nombre dactions ont un cho particulier Le DRH est au cur de la problmatique du code dthique valider entre partenaires sociaux La formation est un bon moyen de faire connatre la stratgie Le dveloppement de lintelligence de la tchetre un acteur efficient, cest sautoriser repenser ses pratiques. DRH associs la mise en uvre des consquences des dcisions prises. Processus daudit mis en place avec les sous traitants / conditions de travail et rmunration. F8 (PRODUCTION DE SOLUTIONS TECHNOLOGIQUES POUR PRODUIRE L'ENERGIE NUCLEAIRE ET ACHEMINER L'ELECTRICITE) La fonction DD doit dpendre de la DG, cest une matire suffisamment importante pour ne pas risquer la dilution entre dautres sujets et fonctions. Depuis 2002, la communication fait partie des valeurs (leadership, implication sociale, client, prvention SS, dialogue, progrs continu, gouvernance respect de lenvironnement) dclines en 30 comportements et 100 critres Un travail de diffusion de valeurs sur le terrain . Gestion prvisionnelle. Bassins demploi: je dois tre capable de trouver des jobs intressants au sein de chaque rgion . Je retiens : capacit pouvoir mobiliser en interne les salaris sur autre chose que sur la production de biens matriels Nous sommes l pour grer des paradoxes en permanence. Nous devons au sein de la fonction RH tre la croise des chemins (juridique, fiscal, communication, dveloppement,). Le DD: la fonction RH doit tre un support dans lensemble de nos marges de manuvres. Notre systme DRH consiste : Identifier 10 engagements, mettre en place des valeurs; Faire une auto-valuation annuelle de lensemble des critres; Faire lidentification de Best Practices; Discuter au Comit gnral lautovaluation et sa mthodologie; Intgrer lautovaluation dans la rflexion sur le budget; Redfinir des indicateurs; Mettre en place des actions de formation qui en dcoulent.

    Les pratiques de GRH les plus frquemment appliques afin de renforcer la responsabilit sociale sont: (1) la gestion du changement dans les diffrents paliers de lorganisation. Cette dmarche permet dorienter les comportements des collaborateurs (employs, cadres) vers ladoption dactions concernant les projets de solidarit avec les communauts, la mise en place de distributeurs de produits de commerce quitable et la valorisation des comportements de consommation respectant lenvironnement. Les collaborateurs endossent

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    galement le rle de citoyen dans un tel contexte; (2) les programmes de formation ainsi que les approches de communication et de relations avec les employs afin de se sensibiliser aux nouvelles valeurs et actions de RSE/DD; (3) les programmes de conciliation travail/vie familiale/vie prive; (4) les programmes de prvention de sant au travail; (5) les pratiques de rmunration quitable et le dveloppement des ressources humaines (scurit demploi et dveloppement des comptences) et (6) lapprciation des consquences de limpartition et la sous-traitance sur les emplois et les conditions de travail. Une telle valuation saccompagne de la mise en uvre de pratiques de GRH qui rduisent lincidence ngative des activits dimpartition et de sous-traitance sur les employs. Peu de participants ont approfondi le thme de limplantation dun systme de gestion de la RSE/DD. Une seule entreprise a expos les caractristiques de son systme de gestion de responsabilit sociale. Malheureusement, lentreprise na pas trait des cots financiers ou des retombes organisationnelles de son systme de gestion de la RSE/DD. 4.2 Concepts et liens qui articulent les reprsentations concernant la relation entre la GRH et la RSE/DD. Dans cette section, nous rsumons les concepts et les discours sous-jacents aux discussions de la table ronde en fonction des questions suivantes : (1) Quest-ce que le dveloppement durable? (2) Quelles sont les innovations possibles pour consolider le dveloppement durable des entreprises? (3) Pourquoi la gestion des pratiques de RSE/DD doit-elle se rattacher au service des ressources humaines ? (4) Quelles sont les comptences requises par les employs et les cadres pour grer les enjeux de RSE/DD? (5) Quels sont les moyens de diffusion de la RSE/DD dans lentreprise? (6) Comment les pratiques de RSE/DD renforcent limage de marque? (7) Comment implanter un systme de gestion de la RSE/DD? (8) Quelles sont les pratiques de GRH qui supportent une politique de RSE/DD?

    4.2.1 La connotation de la RSE/DD en France.

    Les gestionnaires franais semblent plutt utiliser les termes dveloppement durable que lexpression responsabilit sociale de lentreprise . Le dveloppement durable intensifie limage favorable ainsi que la rputation de lentreprise. Il savre galement tre une composante de la stratgie dentreprise, selon lentreprise F2 du secteur des cosmtiques. La responsabilit sociale de lentreprise se concrtise au moyen dun dialogue rgulier avec les parties prenantes, limplantation de stratgies de communication et de formation dans le secteur de la RSE/DD, llaboration dindicateurs de mesure afin dapprcier les rsultats dune dmarche RSE/DD et limplantation de la norme ISO 14001.

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    Les principes du Pacte mondial des Nations unies reprsentent le modle qui guide les entreprises franaises dans ladoption des principes et valeurs dune dmarche de RSE/DD et limplantation des pratiques de GRH. Ces principes ont t noncs en janvier 1999 au World Economic Forum de Davos et lancs officiellement le 26 juillet 2000. Ces principes incluent notamment le respect de la personne, la libert dassociation, laccord pour une rmunration quitable, la scurit demploi, la sant et scurit au travail ainsi que les multiples pratiques de protection de lenvironnement. La dmarche de RSE/DD semble augmenter lefficacit managriale des entreprises franaises. En effet, les pratiques de RSE/DD permettent une gestion transparente avec les parties prenantes (PP) ainsi que lutilisation rigoureuse des ressources organisationnelles dans un contexte socital particulier.

    4.2.2. Les innovations du dveloppement durable pour des entreprises.

    Les participants cette table ronde laborent des stratgies long terme reposant sur une profonde connaissance du mtier et de ses finalits. Cette vision claire semble indispensable llaboration dune interaction constructive entre les principes de dveloppement durable et les exigences organisationnelles. Selon les praticiens, le dveloppement durable est un sujet dordre stratgique; il doit donc pntrer lentreprise tous ses niveaux. La recherche de points de convergence entre les principes de dveloppement durable et les exigences de lentreprise est un processus long et complexe. En procdant cette conciliation, les entreprises parviennent dgager des opportunits qui amliorent leur performance globale. Pour conduire le changement vers une dmarche de dveloppement durable, il faut mettre laccent sur lanticipation, la recherche et linnovation. La place importante du dialogue avec les parties prenantes stablit progressivement dans ce processus. Lanalyse des entreprises F3 et F4 illustre la capacit des organisations conjuguer la mission stratgique avec lapplication des principes de RSE/DD. Lentreprise F3 a adhr aux principes de RSE/DD loccasion dune crise managriale. Cette crise, survenue durant la fin des annes 90, se caractrise par de srieux problmes de lgitimit du pouvoir managrial ainsi que des difficults dans les multiples contrles des activits de gestion. Un tel vnement a contribu la rvision complte des processus de gestion. Pour rgler en partie les divers problmes de gestion, lentreprise a labor un tableau de bord en matire de dveloppement durable. Actuellement, lentreprise F3 accompagne les entreprises dans lapplication de la dmarche de RSE/DD. Les principaux dfis relever consistent mesurer leurs performances, optimiser leurs procds, attirer et retenir les collaborateurs les plus comptents ainsi qu protger leur rputation et leur marque. Lentreprise F1 a adopt une charte qui guide les comportements thiques en

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    milieu de travail tout en demeurant comptitive au plan conomique. Cette entreprise a labor une varit de pratiques de RSE/DD telles que : (1) un programme dactions pour appuyer les uvres de charit. Les membres de lorganisation sont au cur de cette initiative; (2) la cration dune fondation qui coordonne laction humanitaire et culturelle; (3) des engagements concernant la valorisation des comportements de bons citoyens parmi les membres de lorganisation et (5) un programme de parrainage cibl dans la communaut.

    4.2.3. Pourquoi la RSE/DD doit-elle dpendre du service des ressources humaines?

    Les participants la table ronde de Paris soulignent le rle essentiel du service des ressources humaines dans limplantation des politiques et des pratiques de RSE/DD dans lentreprise. Les professionnels en ressources humaines doivent adopter ce rle de leader dans lorientation de cette dmarche de RSE/DD. Lentreprise F1 met en vidence limportance de lengagement de la direction gnrale de lentreprise lors de la dtermination des plans daction qui assurent la prennit des pratiques de RSE/DD. Le service des ressources humaines savre tre un acteur cl dans la valorisation dune culture de responsabilit sociale dans lentreprise. Selon les participants de la table ronde de Paris, les services de ressources humaines sinvestissent dans les actions de RSE/DD telles que : (1) lapplication des principes thiques en milieu de travail; (2) les pratiques de communication des valeurs de RSE/DD; (3) lapprciation de lefficacit des pratiques de RSE/DD; (4) le renforcement des pratiques de dveloppement des comptences, de flexibilit au travail et de sant et de scurit au travail ; et (5) la gestion du changement afin dintgrer les valeurs de RSE/DD la culture organisationnelle. Il est intressant de constater que lensemble de la dmarche de RSE/DD contribue accrotre limage de marque des entreprises franaises. Dans plusieurs cas, elle favorise une amlioration du chiffre daffaires.

    4.2.4. Pour un mouvement durable: la communication.

    La grande appropriation de la dmarche de RSE-DD laisse penser quil ne sagit pas l dune mode transitoire, mais bien dun mouvement de fond centr sur la prennit et le dialogue comme valeurs centrales de la culture dentreprise, tant publique que priv. La culture dentreprise est constitue de lensemble des valeurs partages, des principes, des rgles et des reprsentations o les collaborateurs tirent un sentiment dappartenance. La culture dpend de lhistoire de lentreprise, de la nature de ses activits, des caractristiques de la socit dans laquelle elle sest initialement tablie. Les entreprises qui participant ce projet partagent un certain nombre de valeurs caractristiques : (1) une ambition sociale explicite associe au souci de lenvironnement; et (2) une solide confiance dans le

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    dialogue avec les parties prenantes. Une ambition sociale explicite associe au souci de lenvironnement. Lentreprise F5 prsente une culture propice limplantation dune dmarche RSE/DD. Cette entreprise a mis en vidence la ncessit dune politique globale de dveloppement durable et dactions concrtes permettant le renforcement des comptences ncessaires chez les collaborateurs. Elle croit fermement que le succs de la dmarche de RSE/DD rside dans un changement de culture o les employs deviennent des crateurs de confiance. Le 2 avril 2007, F5 a sign une convention pour crer une chaire pour le dveloppement durable. Ce partenariat lui donne un accs prfrentiel aux travaux des chercheurs, des enseignants et des professeurs experts dans les domaines connexes au dveloppement durable ainsi qu des formations et des conseils spcifiques pour son personnel. De leur ct, les tudiants, les chercheurs et les enseignants bnficieront de lexpertise de F5 dans la mise en uvre des projets oprationnels de RSE/DD. Lcole se verra galement proposer des stages et des sujets dtudes pour ses tudiants avec un suivi particulier effectu par des responsables de F5. Par cet engagement, F5 met en uvre une approche globale du management et veut ainsi devenir une rfrence pour les autres coles afin quelles puissent associer efficacit et responsabilit dans la formation des dcideurs de demain. Une solide confiance dans le dialogue avec les parties prenantes. Lengagement de F5 dans la RSE/DD est un levier damlioration de son efficacit conomique et de son implication sociale. Lentreprise a tabli un dialogue permanent avec ses clients et consommateurs, permettant dengager des recherches et dintroduire des innovations quelle naurait pu concevoir seule. Par exemple : ce dialogue a amen une rduction de la consommation nergtique; les clients et collaborateurs ont profit des investissements trs importants en R&D et en matire de prvention et de sant au travail; le programme de R&D avec des partenaires industriels, pour concevoir et produire des vhicules lectriques ergonomiques, a conduit des progrs technologiques remarquables. La RSE/DD a galement contribu ladjonction de nouveaux marchs et laugmentation des chiffres daffaires (ce que dmontrent notamment la progression des encours de leur gamme de produits financiers ou les potentiels dactivit pour la collecte et le transport des dchets dquipements lectriques et lectroniques). Pour une entreprise comme F5, qui ralise plus de 60 % de son chiffre daffaires en totale concurrence, la RSE/DD devient donc un vritable atout concurrentiel. F5 est galement cratrice de lien social : elle le maintient et le renforce, en particulier dans les zones rurales et dans les zones urbaines sensibles, en vertu du programme ACCESIBLE. Elle dfend galement les valeurs de proximit et daccessibilit lcriture. La fondation mise sur pied par F5 soutient lcriture pistolaire et la parole sous toutes ses formes, crite, lue ou chante. En 2005, elle soutient ldition de Une vie de correspondances, de Franoise Dolto et Mmoires de la mer, cinq sicles daventures sauvs des archives franaises de la

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    marine. Son site Internet ouvre largement laccs au patrimoine et connat un trafic record, avec 874 000 pages consultes en 2005.

    4.2.5. Rputation

    Les entreprises franaises accordent une place fondamentale au rle de la haute direction et de limage de marque dans lavancement de la dmarche RSE/DD. Pour mousser cette image, elles entretiennent des relations de partenariat avec des units organisationnelles responsables de la communication ou du marketing organisationnel. Dune part, la stabilit des dirigeants est considre pour la plupart des entreprises comme un facteur dcisif dans la construction et le maintien du sens de la dmarche de RSE/DD long terme. Ce rapport entre le rle des dirigeants et la RSE/DD met en lumire la richesse des ressources quune entreprise peut trouver dans sa propre culture et dans la connaissance de ses mtiers, ds lors quelle cherche intgrer les principes de la RSE/DD sa stratgie. Le leadership sexerce pleinement lorsquun prsident a une vision de lavenir qui donne du sens (dans la double acception de signification et orientation ) toute lentreprise, et quil parvient la faire partager tous les niveaux de lorganisation. Les reprsentants des entreprises participantes la table ronde ont tabli la liste des comptences souhaitables que devrait possder un dirigeant : (1) une vision long terme assortie dune forte capacit danticipation; (2) un sens aigu du mtier de lentreprise et une profonde comprhension de sa culture; (3) la facult de faire partager une vision porteuse de sens tous les niveaux de lentreprise; (4) une curiosit qui engage observer, couter, sintresser aux points de vue des autres; (5) une forte capacit de remise en question, qui peut conduire transformer le cours des choses et le reprendre dune autre faon; (6) laptitude la prise de risques matriss; (7) lhumilit indispensable aux pionniers; (8) le courage dentreprendre un parcours difficile, dans la cohrence entre les convictions personnelles et la vision davenir de lentreprise. Dautre part, le rle de limage de marque dans lavancement de la RSE/DD semble tre trs particulier en France. Il semble que les Franais ne croient gure aux grandes russites des entreprises. Laccent mis sur des rsultats ou succs spectaculaires des entreprises entranerait le soupon et une acceptation sociale mitige. Des entreprises comme F7 ont dvelopp une grande expertise dans le domaine de la communication des dmarches de RSE/DD. F7 croit fermement lengagement stratgique de la direction gnrale qui agit comme responsable de la communication transversale des valeurs et politiques RSE/DD. Pour communiquer ces valeurs, il ne suffit plus de les crire, il faut les communiquer de faon simple et complte, de sorte que leur contenu soit accessible tous les individus. Le dfi est celui de construire un message qui porte une signification, puis de lanimer.

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    4.2.6. La mise en place dun systme de management de RSE/DD.

    En plaant la RSE/DD au cur de la stratgie industrielle, le groupe F7 a pu dvelopper des technologies pour produire l'nergie nuclaire et acheminer l'lectricit en toute fiabilit ainsi quengager ses 61 000 collaborateurs dans une dmarche damlioration continue. Son systme dengagement lui a permis de devenir leader dans la dmarche de RSE/DD tout en conciliant efficacit conomique et principes de dveloppement durable. Ce systme inclut : (1) la mise en place des valeurs cls comme leadership, implication, client, prvention SS, dialogue, progrs continu; (2) autovaluation annuelle de lensemble des critres, (3) identification des meilleures pratiques, (4) un comit gnral qui parle de lvaluation de cette mthodologie, (5) comit qui intgre cette valuation la rflexion sur le budget, (6) redfinition des indicateurs et (7) actions de formation qui en dcoulent.

    4.3 Les pratiques de GRH qui supportent une dmarche de RSE/DD

    Les intervenants ont manifest la conviction que la GRH doit se situer au centre de limplantation des pratiques de RSE/DD. tant donn le rle transversal jou par la GRH dans lentreprise, elle est la seule fonction de lorganisation capable de donner sens et cohrence, de communiquer et dinnover dans le but de mettre en place les principes de la RSE/DD. Parmi les pratiques quont adoptes les entreprises franaises en la matire, figurent notamment : (1) les pratiques de communication et de formation sur les politiques de RSE/DD (reppo