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Texte des experts – Risquesmicrobiologiques emergents
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����������Gestion d’une epidemie par un service desante au travail : exemple de la pandemiegrippale
Management of an epidemic by an occupational health service:Example of the influenza pandemic
C. Le Bacle*, M.-C. Bayeux-Dunglas, V. Caron, M.-A. Charlanne
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Disponible en ligne sur
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Departement etudes et assistances medicales, INRS, 30, rue Olivier-Noyer,75680 Paris cedex 14, France�
www.sciencedirect.com
L a gestion du risque de pandemie grippale en entre-prise (obligation ou recommandation selon le secteurd’activite) amene a reflechir plus largement a toute
situation de crise majeure due a un agent infectieux atransmission interhumaine. Les entreprises victimes d’une« alerte au charbon » en 2001 se souviennent encore dudesarroi dans lequel elles se trouvaient lors de la decouvertedans leurs locaux d’une poudre suspecte ainsi que du desor-dre et des consequences financieres et humaines qu’instal-lait la gestion de crise en urgence. Il en a ete de meme pourles alertes au Sras.
Le risque de pandemie
La perennisation de l’epizootie d’influenza aviaire a virusH5N1 hautement pathogene et sa dispersion a la surface duglobe font craindre l’apparition d’un nouveau virus grippaladapte a l’homme. Selon l’Organisation mondiale de la sante(OMS), le monde n’a jamais ete aussi proche d’une nouvellepandemie grippale puisque toutes les conditions prealablesa cette pandemie sont maintenant reunies sauf une : l’eta-blissement d’une transmission interhumaine efficace(Tableau I). Classiquement, l’extension d’une pandemie grip-pale se fait en vagues successives pouvant s’installer en deuxa quatre semaines et durer chacune huit a 12 semaines,separees de quelques mois, voire davantage. Aujourd’hui,en raison de la mondialisation des echanges, une extensionde la pandemie sans vague successive, mais avec des picsassocies a un fond permanent de cas est egalement possible.Et contrairement a la grippe saisonniere en Europe, cette
* Auteur correspondant.e-mail : [email protected]
1775-8785/$ - see front matter � 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.10.1016/j.admp.2008.03.024 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2008;6
pandemie pourrait apparaıtre et evoluer sans lien avec lasaison hivernale [1].Afin de limiter les consequences de la pandemie, l’OMS aelabore un plan de lutte en demandant a chaque nation des’en inspirer pour la redaction d’un plan national adapte ausysteme de sante en place et aux realites locales. Le planfrancais vise avant tout a freiner la diffusion du virus, aumoins dans un premier temps, afin d’organiser l’acces auxsoins et d’assurer les fonctions essentielles de la nation [2].Differentes mesures pourront etre mises en œuvre rapide-ment, parfois pour une duree limitee : notamment la ferme-ture ou le controle des frontieres, l’arret des transportspublics de passagers, la restriction des deplacements, lasuspension des rassemblements de population, la fermeturedes etablissements scolaires et des creches, la limitation detoutes les manifestations culturelles et sportives. . . Leurmise en place progressive ou d’emblee generalisee entraı-nera de profondes perturbations de l’activite des entreprises.Certaines se verront contraintes de fonctionner aussi nor-malement que possible dans le cadre d’une requisition oufaute de pouvoir fermer rapidement. Les autres devronts’organiser pour faire face a un absenteisme importantpouvant aller jusqu’a 40 % des effectifs : absence pourmaladie, pour garder un enfant ou soigner un membre dela famille a la maison, difficultes de deplacement. . .
Plan de continuite des entreprises
Face a ces contraintes, les entreprises devront fonctionner enmode degrade. La fiche G1 du plan gouvernemental rendobligatoire la preparation d’un plan de continuite des acti-vites (PCA) pour les administrations de l’Etat et la recom-
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Tableau ILes trois conditions requises pour la survenue d’une pandemie grippale selon l’OMS (WHO/CDS/2005.29).
Un nouveau virus emerge et la population generale n’a pas ou peu d’immunite vis-a-vis de ce nouveau virusIl doit pouvoir se repliquer chez l’homme et provoquer une maladie graveIl existe une transmission interhumaine efficace provoquant des flambees a l’echelle des populations
mande pour les collectivites territoriales et les entreprisesquelle que soit leur taille, y compris pour les services de santeau travail. Une circulaire de la Direction generale du travailinsiste sur cette necessaire preparation et, dans son annexe13, attribue aux medecins du travail et aux services de santeau travail « un role determinant d’accompagnement desentreprises » [3].Un PCA ne peut etre realise qu’au sein meme de l’entrepriseen fonction de son type d’activite, sa taille, son organisationet son environnement. Il doit etre mis a jour regulierement etprevoir une reponse pour differents scenarios. Il est pilote parune cellule de crise. Il s’organise autour de trois volets :securite de l’entreprise, ressources humaines et sante autravail.
La cellule de crise
Sa taille et sa composition sont propres a la taille et a lastructure de l’entreprise. Elle doit permettre la mise enœuvre du PCA autorisant la poursuite des activites en modedegrade tout en assurant la protection des personnels.
Le volet securite de l’entreprise
Il concerne la protection de l’outil de production en situationde crise. Certaines entreprises ne peuvent etre brutalementarretees et doivent, si cela n’est deja fait, s’organiser pouravoir un fonctionnement en mode degrade : installation ahaut risque (type Seveso), entreprise a « feu continu », travailavec des animaux, laboratoire de recherche. . . Pourl’ensemble des entreprises, il faut prevoir l’inventaire desinstallations critiques (chauffage, systeme informatique,
Tableau IIPistes d’action du PCA.
Recenser Les personnels, les fournisseurs et les activites de sopour l’entreprise
Explorer Les possibilites de travail a distancePrevoir Le partage des connaissances sur les fonctions strate
Des delegations (pouvoir, signature. . .)La restauration des personnels dans ce contexte de c
Anticiper Un recours limite a des ressources externes (absenteOrganiser Un soutien aux personnels indispensables (garde d’e
La vie de l’entreprise tout en limitant les contacts raLe maintien du lien social entre les personnes
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atelier a risque. . .), un entretien minimum des locaux etmachines et le stockage des produits necessaires, le traite-ment des dechets et enfin prevoir, en cas de fortes contrain-tes, les modalites d’une fermeture rapide du site.
Le volet ressources humaines
Il s’agit de prevoir la mise en place d’une organisationspecifique pour maintenir l’activite au niveau le plus elevepossible. Des priorites doivent etre affichees et l’organisationdu travail revue en tenant compte des modes de transmis-sion de la maladie (Tableau II).
Le volet sante au travail
Le maintien d’une activite au niveau le plus eleve possible nepeut que s’accompagner d’une protection adaptee de lasante des personnels de l’entreprise, des entreprises exte-rieures, des sous-traitants et de la clientele. Differentesactions sont a envisager :� identification des postes et activites a risque ;� reevaluation des moyens de protection organisationnelset collectifs vis-a-vis de ce risque ;� estimation des besoins complementaires en materiels deprotection individuelle, produits d’hygiene. . . et modalitesde stockage ;� redaction de consignes limitant le risque de propagationde la maladie a l’interieur de l’entreprise ;� organisation des deplacements en dehors de l’entreprise ;� mise en place d’une formation specifique si necessaire, enparticulier pour le port d’un appareil de protectionrespiratoire.
us-traitance indispensables au maintien des activites vitales
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riseisme, surcroıt d’activite)nfants, transport. . .)pproches (telephone, videoconference, courrier electronique. . .)
Gestion d’une epidemie par un service de sante au travail
Tableau IIIParticipation du medecin du travail a la gestion du risque epidemique en entreprise.
Identifier Les activites professionnelles les plus exposees a un risque de contaminationEvaluer Le risque pour les postes concernesInformer Le responsable d’entreprise et les membres du comite d’hygiene et de securite ou les delegues
du personnel des resultats de l’evaluation et des mesures a prendreConseiller Le responsable d’entreprise pour etablir la liste des travailleurs concernes et mettre en place
les moyens de prevention organisationnels, collectifs et individuels, l’information et lesformations necessaires
Conseiller/proteger Les travailleurs par :– une information adaptee a l’evolution de la situation– le rappel de l’importance du respect des mesures barrieres par tous et partout– eventuellement, une decision d’aptitude (ou de contre indication) dans le cadre de l’organisation
de la polyvalence et pour le port d’un appareil de protection respiratoireOrganiser – La prise en charge sur place d’un malade (travailleur, client, visiteur. . .)
Developpement de la polyvalence, du port de masques,modification des conditions de travail, horaires atypiques,suivi de l’epidemie. . . les entreprises ont de multiples raisonsd’associer leur medecin du travail a la preparation de leurPCA.
Place du medecin du travail et desservices de sante au travail dans lapreparation d’un plan de continuite desactivites
Compte tenu des differents domaines auxquels touche lePCA, le medecin du travail ne pourra donc qu’etre associe asa preparation en tant que conseiller de l’entreprise(Tableau III), a moins qu’il ne soit, en particulier dans lespetites entreprises, a l’origine de la sensibilisation a lanecessite de se preparer. Il est l’expert en maladies infec-tieuses, capable de retranscrire les informations officiellesen termes simples et de commenter les annonces mediati-ques, ce qui l’amene a organiser ses sources d’information etson reseau de correspondants afin de se tenir informe del’evolution de la situation epidemique. Face a la publicite quia ete faite autour de la protection individuelle (masques,antiviraux et futur vaccin), le medecin du travail devrarappeler l’importance des autres mesures (protection col-lective, organisationnelle, hygiene des mains, mesures bar-rieres) indispensables tant au travail que dans les transportset a domicile.
Masques respiratoires
Deux types de protection sont envisageables et il est impor-tant d’expliquer le choix de ces differents types de masque
afin que leurs utilisateurs comprennent le sens de leurprescription [2,4] :� « masques antiprojections » encore appeles masqueschirurgicaux. Ils doivent etre portes par les malades pourproteger leur entourage.Bien que leur efficacite n’ait pas ete formellementdemontree, les masques medicaux pourront egalement etreportes lors des deplacements et en presence rapprochee decollegues de travail, afin de limiter le risque d’exposition lorsde la toux ou de l’eternuement d’une autre personne ;� « appareils de protection respiratoire (APR) de type FFP2 ».Ils sont destines a proteger en priorite les personnes aucontact rapproche et repete des malades ou de leursprelevements biologiques, notamment les professionnelsde sante et assimiles. La formation des utilisateurs d’APR estdeterminante. Quel que soit son niveau de protection, unAPR n’apporte pas une protection superieure a celle d’unmasque chirurgical si la piece faciale n’est pas adaptee a lamorphologie de l’utilisateur et correctement portee apresajustement au visage.
Les antiviraux
Les medicaments antiviraux sont destines en priorite autraitement des malades des l’apparition des premiers symp-tomes. Dans l’etat actuel des recommandations, ils ne doi-vent pas etre pris a titre preventif, notamment en raison deseffets secondaires et du developpement possible d’uneresistance.
Vaccinations
Il faut bien distinguer trois categories de vaccins : le vaccincontre la grippe saisonniere, le vaccin prepandemique (deve-loppe actuellement afin d’etre en mesure de lancer rapide-
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ment la fabrication du vaccin contre la souche pandemique)et le vaccin contre le virus pandemique. Ce dernier ne seradisponible que plusieurs mois apres l’identification du viruspandemique par les laboratoires de reference de l’OMS. Despriorites vaccinales seront definies par les autoritessanitaires : personnels des secteurs de soins, de securite,requisitionnes, sujets a risque. . .
Mesures barrieres
Quel que soit l’agent biologique en cause, lors de touteepidemie, il est necessaire de prendre en compte les mesuresbarrieres suivantes :� le lavage des mains a l’eau et au savon. Il faut insister surson utilisation systematique apres chaque mouchage oueternuement, apres tout usage d’un mode de transport encommun, apres tout contact avec une personne malade. . . Ilpeut etre remplace par l’utilisation d’une solution hydro-alcoolique si les mains ne sont pas visiblement salies [5] ;� les mouchoirs. Ils seront de preference a usage unique etjetes apres usage dans une poubelle equipee d’un couverclea commande au pied et d’un sac plastique, sac syste-matiquement jete chaque fois que le menage est fait afin delimiter l’exposition du personnel de nettoyage ;� les comportements securitaires. Il sera fait appel aucivisme de chacun pour respecter les consignes suivantes : nepas cracher a terre, limiter les deplacements, les visites auxpersonnes malades et eviter les lieux de rassemblement,porter un masque chirurgical lors des deplacements et sur leslieux de travail en presence des autres collegues ;� la distanciation sociale. L’OMS recommande de conserverune distance d’au moins un metre entre les personnes durantune epidemie. Il faudra donc modifier les habitudes socialeset ne pas embrasser ni serrer la main quel que soit le lieu, lemotif et les personnes ;� les ecrans. Associe a l’obligation de porter un masquechirurgical, la pose de cloisons ou d’un ecran sur certainspostes de travail (accueil du public, bureaux en open space)devrait permettre de limiter le recours aux appareils deprotection respiratoire.En l’attente d’un vaccin efficace et disponible pour toute lapopulation, la mise en œuvre de ces mesures barrieres par leplus grand nombre, au travail, dans les transports, les lieux
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publics et a domicile, doit permettre de limiter l’impact d’unepandemie grippale comme cela a pu etre verifie lors d’autresepidemies de maladies infectieuses, en particulier lors del’epidemie de Sras.Par ailleurs, comme toute autre entreprise, les servicesinterentreprises de sante au travail ont a organiser leurpropre PCA. Ils ont a prevoir l’absenteisme du a la pandemieet a soulever la question de l’equilibre a realiser entre leseffectifs de medecins du travail volontaires ou eventuelle-ment requisitionnes, pour aider a la prise en charge desmalades ou les campagnes de vaccination, et les effectifsnecessaires aux actions en entreprises et au suivi des tra-vailleurs dans le contexte de la pandemie.
Conclusion
Nul ne peut dire aujourd’hui ni ou ni quand demarrera laprochaine pandemie grippale, mais l’OMS et le plan nationalinvitent a s’y preparer des maintenant. Les services de santeau travail ont a prevoir leur propre plan de continuited’activite. Ils ont surtout, en tant que conseillers de l’entre-prise, a participer activement a la preparation du plan desentreprises qu’ils ont en charge. Au-dela du seul risque depandemie grippale, la preparation de ce plan doit permettrede reflechir a la mise en place d’un plan de prevention enentreprise des consequences de toute maladie infectieuseevoluant sur un mode epidemique.
References
1. Preparation a la lutte contre une pandemie grippale. RapportInVS, juin 2005, 27 p. Disponible sur le site www.invs.sante.frdossier Grippe-Grippe aviaire.
2. Plan national de prevention et de lutte « Pandemie grippale » -Secretariat general de la defense nationale, 9 janvier 2007, 3eedition, 82 pages, et ses 42 fiches techniques. Disponible sur lesite www.grippeaviaire.gouv.fr.
3. Circulaire DGT 2007/18 du 18 decembre 2007 relative a lacontinuite de l’activite des entreprises et aux conditions detravail et d’emploi des salaries du secteur prive en cas depandemie grippale. Disponible sur www.travail.gouv.fr.
4. Masques medicaux ou appareils de protection respiratoire : quelmateriel choisir ? INRS, ED 4136, 2005, 2 pages.
5. Pandemie grippale. Dossier disponible sur www.inrs.fr, janvier2008.