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Bulletin Phaethon - Volume 33 (2013) Nouvelles brèves
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Bulletin Phaethon 2013, 33 : 55-56.
L’Émyde de Chine
Mauremys sinensis (Gray, 1834) (Testudines : Geoemydidae), une
tortue aquatique naturalisée à
La Réunion ?
Jean-Michel Probst*,** & Mickaël Sanchez**
* Association Nature et Patrimoine
** Association Nature Océan Indien
En 2003, l’Émyde de Chine, Mauremys sinensis
(Gray, 1834), est observée pour la première fois au
niveau de Deux Bras, dans la Rivière des Galets (Hoarau, 2003). Le 8/05/13, Eric Hoarau nous signale
avoir de nouveau observé cette espèce dans la Rivière
des Galets, quelques mois plus tôt, vers le 15/01/13 :
peu après 8 heures du matin, 6 individus juvéniles en
amont d’un bassin de baignade étaient apparemment en
insolation sur un galet émergé au milieu de l’eau.
À cinq reprises, le 17 et le 24/05/13, puis les 7, 21
et 28/06/13, plusieurs prospections (de 1 à 3 heures)
des différents bras de la rivière du site présumé sont
conduites, mais sans résultat (prospections conduites par J-M.P.). Le lieu de l’observation est peu précis. De
plus, la rivière des galets a changé de place. Des
bassins ont disparu et d’autres se sont formés. Au cours
des différentes prospections, des bras morts
s’assèchent. La zone à prospecter semble très vaste.
Pendant plus de 2 mois de nombreux témoignages sont
récoltés, mais aucun autre informateur du site
(habitants de Mafate, chauffeurs de taxi, pêcheurs,
ramasseurs de bois, randonneurs, baigneurs…) ne
semble connaître l’existence de ces tortues. Le doute
s’installe d’autant plus qu’aucun indice de présence
n’est relevé.
Le 13/07/13, en fin de soirée, une observation
furtive le long d’un herbier aquatique laisse penser à
une tête de tortue émergée (obs. J-M.P.). Une petite
tête arrondie, au-dessus de l’eau, de coloration
blanchâtre se replie prestement et disparaît dans les
plantes aquatiques. La brièveté de l’observation ne
permet pas d’identification précise. L’animal ne
réapparaît pas, malgré une observation immobile de 15
minutes.
Le 20/07/13, revenu sur ce même site (prospections
conduites par J-M.P. & M.S.) et après une prospection
visuelle négative, nous décidons de sonder l’herbier
avec les mains. Alors qu’aucun indice ne laisse
soupçonner la présence d’une tortue, nous capturons
pourtant, une à une, 5 jeunes tortues (ind. 1 à 5,
Tableau 1) !
Tableau 1 : Mesures morphologiques des 11 individus
juvéniles de Mauremys sinensis capturés dans la
Rivière des Galets.
Les fines lignes jaunes le long du cou et de la tête,
les trois carènes sur la carapace (1 vertébrale et 2 latérales), les ocelles noires sur les côtés du plastron et
la longue queue effilée (Bonin et al., 2006) : il s’agit
bien de juvéniles de Mauremys sinensis de la famille
des Geoemydidae (Photo 1).
Photo 1 : Individu juvénile de Mauremys sinensis
capturé dans la Rivière des Galets (Photo : M.S.).
Quatre d’entre-elles étaient totalement invisibles, cachées tout au fond d’un herbier submergé. Une autre,
à proximité, était dissimulée à fleur d’eau, à l’ombre
d’un rocher. Le biotope du site de découverte est
particulier : il s’agit d’un bras mort vaseux à herbier au
courant très faible. La hauteur d’eau varie de 20 à 40
cm. Sa surface estimée à 40m2 est colonisée par des
petites formations de plantes aquatiques et des nappes
d’algues filandreuses.
Le 25/07/13, une nouvelle prospection est
organisée avec du renfort (prospections conduites par
J-M.P., M.S., E. Solier, M. Thevenet, A. Listoir, N. Guillous et Y. Grimaud). Plusieurs bras de rivière, sur
une portion d’environ 3 km de long, sont prospectés. Il
s’agit principalement des bras situés en rive gauche de
la rivière, bien exposés au soleil. Les zones les plus
Longueur
carapace (mm)
Longueur
plastron (mm)Poids (g)
Ind 1 36,62 30,16 8,8
Ind 2 36,34 30,45 9,9
Ind 3 39,21 31,82 10,2
Ind 4 38,23 30,47 8,9
Ind 5 35,55 29,75 7,6
Ind 6 34,88 28,57 9
Ind 7 36,98 30,29 8,9
Ind 8 32,67 27,11 7,3
Ind 9 36,66 30,95 9,4
Ind 10 34,01 29,45 8,9
Ind 11 35,88 30,77 8,7
Moyenne (min-
max) ± SD
36,09 (32,67-
39,21) ± 1,83
29,98 (27,11-
31,82) ± 1,26
8,87(7,3-10,2)
± 0,85
Le 20/07/2013
Le 25/07/2013
Bulletin Phaethon 33 (2013) Nouvelles brèves
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calmes et surtout les zones végétalisées et/ou
constituées d’herbiers et/ou de vases sont
systématiquement fouillées à la main. Deux tortues
juvéniles sont découvertes sur le site des premières
captures (ind. 6 et 7). Quatre autres tortues juvéniles
(ind. 8 à 11) sont découvertes, environ 500 m en
amont, dans un fossé d’eau stagnante isolé et vaseux,
d’environ 15m². Il est intéressant de relever que les
deux sites de capture sont constitués de plantes
aquatiques et d’algues filamenteuses. Ils contiennent également plusieurs petites proies potentielles :
mollusques aquatiques (lymnées, physes, planorbes),
larves d’insectes (libellules), amphibiens (adultes et
juvéniles) et petits poissons (guppys, loches et bouches
rondes).
Les 11 tortues capturées ont toutes été extraites du
milieu, puis mesurées (longueur de carapace et de
plastron) et pesées. Elles possèdent toutes à peu près la
même taille et le même poids (Tableau 1).
Nous pouvons nous interroger sur l’origine de ces jeunes tortues. Introduction dans le milieu naturel ?
Individus échappés d’élevage(s) ? Reproduction de
l’espèce dans la nature ? Expertisées par E. Lemagnen,
ces tortues pourraient être âgées de quelques semaines
et leurs caractéristiques morphologiques indiquent une
reproduction in natura et non en captivité (E.
Lemagnen com. pers.). Au regard des éléments dont
nous disposons - observation précédente en 2003,
situation géographique des observations, nombre, âge
et caractéristiques morphologiques des individus
capturés - nous pensons qu’il s’agit de tortues nées dans la nature.
Les connaissances disponibles sur la biologie de la
reproduction de M. sinensis indiquent qu’une ponte
peut contenir 2 à 17 œufs : la plupart des auteurs
signalent 3 œufs par ponte en moyenne (Ferri, 2001 ;
Gurley, 2002 ; Bonin et al., 2006 ; Das, 2010 ; Avanzi
& Millefanti, 2011), alors que certaines sources
signalent 2 à 4 œufs (Moll, 1979), 3 à 14 œufs (Zhou &
Zhou, 1992) ou encore 7 à 17 œufs par ponte (Chen &
Lue, 1998). Au regard des éléments dont nous
disposons, les individus capturés pourraient être issus d’une ou de plusieurs pontes distinctes réalisées dans le
milieu naturel.
Cette découverte fortuite, dix ans après
l’observation d’un adulte (Hoarau, 2003), pourrait
donc indiquer la reproduction de cette espèce dans les
milieux naturels de l’île. Il s’agit de la première espèce
de tortue pour laquelle des indices de reproduction ont
été notés dans la nature à La Réunion. Toutefois,
l’effort de prospection consacré aux tortues aquatiques
sur l’île est très faible.
De nombreuses interrogations sont soulevées par
cette découverte : origine(s), effectif des individus
matures et immatures, nombre de pontes et d’œufs
déposés, distribution exacte dans la rivière (de plus de
15 km de long), incidences de cette espèce exotique sur
la faune aquatique locale… L’espèce est-elle bel et
bien naturalisée et depuis combien de temps ? Nous
nous proposons de poursuivre les recherches afin de
répondre à ces questions.
Remerciements
Nous tenons à remercier Eric Hoarau pour la
communication de ses précieuses observations, mais
aussi Manon Thevenet, Anaïs Listoir, Nicolas
Guillous, Erwan Solier et Yannick Grimaud pour leur
aide indispensable sur le terrain. Merci également à
Pierre Maigrat pour la communication d’informations
réglementaires sur cette espèce. Un remerciement
particulier à Emmanuel Lemagnen pour sa précieuse
expertise sur les tortues capturées et la mise à
disposition de documentation.
Bibliographie
AVANZI, M. & MILLEFANTI, M. 2011. Le grand
livre des tortues terrestres et aquatiques. De
Vecchi Edt. 213 pp.
BONIN, F., DEVAUX, B. & DUPRÉ, A. 2006. Toutes
les Tortues du monde. Les encyclopédies du
Naturaliste. Delachaux et Niestlé SA. 416 pp.
CHEN, T.H. & LUE, K.Y. 1998. Ecology of the
Chinese Stripe-Necked Turtle, Ocadia sinensis
(Testudines: Emydidae), in the Keelung River,
Northern Taiwan. Copeia (4): 944-952.
DAS, I. 2010. A field guide to the reptiles of Thailand
& South-Est Asia. Myanmar, Thailand, Laos,
Cambodia, Vietnam, Peninsular, Malaysia,
Singapore, Sumatra, Borneo, Java, Bali. Asia
Book New Holland Publisher (UK) Ltd. 376 pp.
FERRI, V. 2001. Guide des tortues. 190 espèces du
monde entier. Delachaux et Niestlé. 255 pp.
GURLEY, R. 2002. Keeping and Breeding Freshwater
Turtles. Living Art Pub Edt. 297 pp.
HOARAU, E. 2003. Observation d’une tortue
aquatique à la Rivière des Galets. Bull.
Phaethon, 18 : 111.
MOLL, E.O. 1979. Reproductive cycles and adaptations, p. 305-331. In : Turtles :
perspectives and research. M. Harless and H.
Morloch (eds.). John Wiley and Sons, New
York.
ZHOU, J.F. & ZHOU, T. 1992. Chinese chelonians
illustrated. Jiansu Science and Technology
Publishing House, Nanjing, People’s Republic
of China. 89 pp.
Bulletin Phaethon - Volume 33 (2013) Nouvelles brèves
Page 111
Bulletin Phaethon, 2013, 33 : 111.
Nouveau record d'altitude pour le
Petit Molosse,
Mormopterus francoismoutoui (Goodman et al., 2008)
(Chiroptera : Molossidae) sur l'île de La Réunion
Mickaël SANCHEZ* &
Jean-Michel PROBST**
* Association Nature Océan Indien,
97410 Saint-Pierre, Ile de La Réunion, France
** Parc national de La Réunion, 112 rue Sainte-Marie,
97400 Saint-Denis, Ile de La Réunion, France
Le Petit molosse Mormopterus francoismoutoui est
un micro-chiroptère de la famille des Molossidae. C’est
l’unique mammifère qui est endémique stricte de La
Réunion (Goodman et al., 2008). Il s’agit d’une espèce assez commune sur l’île et, si des contacts d’individus
en chasse ont été jusqu’alors répertoriés jusqu’à 2500
mètres d’altitude, ses gîtes de repos diurne ou ses
colonies de reproduction ont été recensés bien plus bas,
entre 0 et 1800 m d’altitude (Probst, 2002, Barataud &
Giosa, 2009, Héré, 2009).
Cette petite chauve-souris affectionne généralement
les profondes ravines à parois rocheuses dans les Bas
de l’île. Dans ces milieux, on la remarque
principalement dans les fissures et sous les abris sous-
roche. Elle occupe également les zones urbanisées. On la trouve ainsi dans les maisons en bois, les kiosques,
souvent sous les toits ou derrière les volets, dans les
fissures des immeubles ou des ponts (Probst, 2002).
Ses populations sont favorisées par les éclairages
artificiels qui permettent l’agrégation de ses proies
favorites (lépidoptères, orthoptères, diptères) autours
des éclairages artificiels (Probst, 2003).
Le 27 octobre 2012, lors d’une mission de
recherche du Gecko vert de Bourbon (Phelsuma
borbonica) sur le site du Dimitile (Commune de l’Entre Deux), nous avons découvert un gîte de repos
diurne situé à 2070 m d’altitude.
Cet abri se trouvait sur une crête recouverte d’une
formation végétale de type « forêt de montagne
éricoïde », composée principalement de branle vert
(Erica reunionensis) et de tamarin des Hauts (Acacia
heterophylla). Plus précisément, ce gîte a été identifié
au niveau d’un ressaut constitué par une petite paroi
rocheuse d’environ 3,5 m de haut. Essentiellement
minérale, cette plaque rocheuse était parcourue de
plusieurs fissures d’environ 2 cm de large. C’est en
recherchant les geckos que nous avons remarqué
l’odeur caractéristique de cette chauve-souris, puis son
guano, disséminé le long d’une faille d’environ 3
mètres de long.
Gîte diurne de Mormopterus francoismoutoui découvert au Dimitile, à 2070 mètres d’altitude
(Photo : M. S. & J-M. P).
Cette observation d’un gîte de Petit molosse dans
les Hauts de l’île constitue le nouveau record d'altitude pour cette espèce. En outre, cette donnée laisse
présager l’occurrence d’autres gîtes à des altitudes
similaires dans d’autres remparts de l’île.
Bibliographie
BARATAUD, M. & GIOSA, S. 2009. Identification et
écologie acoustique des chiroptères de La
Réunion. Rapport de mission. Parc national de La
Réunion. 1-62.
GOODMAN, S.M., VAN VUUREN, B.J.,
RATRIMOMANARIVO, F., PROBST, J-M. &
BOWIE, R.C.K. 2008. Specific status of
populations in the Mascarene Islands referred to Mormopterus acetabulosus (Chiroptera:
Molossidae), with description of a new species.
Journal of Mammalogy, 89(5): 1316-1327.
HERE, L. 2009. Contribution à l’étude des chiroptères
de l’île de La Réunion Répartition et habitats
prioritaires en matière de conservation. Rapport
de stage de Master II. Université de La Réunion.
1-30.
PROBST, J-M. 2002. Faune indigène protégée de l’île
de La Réunion - Un patrimoine naturel à préserver avec une description des oiseaux, des
mammifères, des reptiles et des papillons inscrits
sur la liste des espèces protégées. Edt. Nature &
Patrimoine. 1-110.
PROBST, J-M. 2003. Fiche « patrimoine naturel à
protéger ». Le Petit molosse Mormopterus
acetabulosus. Bulletin Phaethon, 17 : 19-21.