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réunis par Pierre Michel Jésus Aguila – Gilbert Amy – François Bayle – Bruno Bossis – Claude Delangle Jean-Jacques Di T ucci – Beat Föllmi – Bruno Gillet – J ean-François Heisser Daniel Kawka – Franck Krawczyk – Pierre Michel – J ean-Claude Risset Cet ouvrage a bénéficié de la collaboration du LABEX GREAM dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir portant la référence no ANR-10-LBX-27 2015 SYMÉTRIE ISBN 978-2-36485-032-3 Gilbert Amy le temps du souffle textes et essais sur sa musique

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réunis par Pierre Michel

Jésus Aguila – Gilbert Amy – François Bayle – Bruno Bossis – Claude Delangle Jean-Jacques Di Tucci – Beat Föllmi – Bruno Gillet – Jean-François Heisser

Daniel Kawka – Franck Krawczyk – Pierre Michel – Jean-Claude Risset

Cet ouvrage a bénéficié de la collaboration du LABEX GREAM dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir portant la référence no ANR-10-LBX-27

2015

SYMÉTRIE ISBN 978-2-36485-032-3

Gilbert Amy le temps du souffle

textes et essais sur sa musique

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1. L’œuvre 7

Entre textes et prétextesBref parcours des œuvres vocales de Gilbert Amy

Bruno Gillet

Texte ou prétexte ? Texte à communiquer ou texte caché ? Tel est le choix qui s’offre à tout compositeur écrivant pour la voix, aujourd’hui comme tout au long de l’histoire de la musique occidentale : choix entre un texte qui sera prééminent, et dont la « mise en musique » visera essentiellement à le proclamer, à en mettre en lumière les moindres détours – éventuellement même, à en donner une interprétation sémantique person-nelle – et un texte qui ne sera qu’un prétexte, simple support phonétique pour une écriture de type instrumental, la lisibilité du texte devenant alors accessoire. Après les grands exemples du passé (quelques syllabes de latin servant de prétexte aux voca-lises démesurées des grands organums de Pérotin, textes magnifiés des madrigaux de Monteverdi, dialogue entre les deux – récitatifs opposés à airs ou chœurs dans l’opéra baroque ou les cantates de Bach – arioso constant chez Wagner), la génération de compositeurs à laquelle appartient Gilbert Amy a parfaitement pris conscience de la particularité, mais aussi de la complémentarité de ces deux rapports différents à un texte donné.

Mais dans le cas de Gilbert Amy qui nous occupe, le plus important est de considérer d’abord l’abondance de sa production vocale, dans tous les genres, qui en soi est déjà révélatrice d’un mode particulier de communication avec l’auditeur. Écrivain, et pas seulement compositeur, Gilbert Amy, qui a beaucoup écrit sur les œuvres des autres et sur les siennes propres, s’est clairement posé la question : la voix serait-elle de toute façon plus charnelle, plus naturelle et donc plus communicative que les autres instru-ments ? À cette hypothèse, il répond presque par l’affirmative, lorsque, écrivant au milieu de sa carrière (1971) ... D’un désastre obscur à la mémoire de Jean-Pierre Guézec, il

1. L’œuvre

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1. L’œuvre 27

Forme et mise en espace des timbres dans les œuvres

instrumentales et orchestrales de Gilbert Amy

Pierre Michel

Cet essai aborde tout d’abord les questions d’espace et de timbre, la fonction spéci-fique des cadences et les formes en regard des œuvres des années 1960 et 1970, puis quelques évolutions et tendances récentes à propos de l’idée du souffle et de l’hétéro-phonie notamment.

L’espace et le timbreL’un des fils conducteurs de l’œuvre de Gilbert Amy depuis le début des années 1960 jusqu’au milieu des années 1970 dans le domaine de l’orchestre et des ensembles (avec voix parfois) concerne ses recherches avec l’espace et la spatialisation des musiciens ou groupes de musiciens en relation avec divers autres critères musicaux (timbre, harmo-nie, etc.). Plusieurs œuvres en sont représentatives :

− Diaphonies pour double ensemble de 12 instruments (1962) ; − Antiphonies pour 2 orchestres (1965) ; − Triade pour orchestre divisé en 3 groupes (1965) ; − Strophe pour soprano et orchestre (1965-1966) ;

1. L’œuvre

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1. L’œuvre 47

Strahl (rayonnement) à propos d’Une saison en enfer

François Bayle

Il y a ce qu’on appelle musique un certain phénomène...

Henri Michaux !

À propos (ou à partir) d’Une saison en enfer, visitons-en les ombres transparentes...

Nous sommes – pour Gilbert Amy – en 1979 (et aussi en 1873... à peine plus d’un siècle auparavant, en ce qui concerne Arthur Rimbaud !). Avec le recul, qu’en est-il du point de vue de la pensée perceptive, des aventures de l’écoute intérieure ?

Ce que je me propose ici ne sera nullement de décrire ni d’analyser en détail cette œuvre singulière, cette double lecture « dont la vérité rayonne à travers ses venues obscures1 »... mais plutôt, me situant comme auditeur (presque l’un des tout premiers !), d’en rendre aujourd’hui compte, en me plaçant selon les trois angles que voici :

− celui du texte, sa distribution, ses condensations ; − celui de la modalité d’écoute, le temps instrumental et son double, projeté ; − celui du milieu de référence, les résonances d’époque, cinéma, poésie.

Commençons par ce simple fait initial : l’adoption du titre Une saison en enfer.

L’éponymie joue ici comme marque délibérée, gage de fidélité, l’annonce d’un mini-mum d’intelligibilité, même voilée, contrariée, déplacée. Et bien que n’apparaissent sur la scène qu’un piano et un attirail considérable d’instruments de percussion, et plus

1. Yves Bonnefoy, Rimbaud, collection Écrivains de toujours, Paris : Seuil, 1991, p. 108.

1. L’œuvre

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1. L’œuvre 57

Une Alchimie du verbe, d’Arthur Rimbaud à Gilbert Amy

Bruno Bossis

Trois projets similaires à Une saison en enfer, mais sur des textes différents, ont été explo-rés puis abandonnés par le compositeur avant 1979. Le premier est commencé en 1964 sur un texte de Jean Thibaudeau, un écrivain lié dans sa jeunesse au groupe littéraire de la revue Tel quel créée en 1960, en pleine guerre d’Algérie, par Fernand Du Boisrouvray, Jean-Edern Hallier et Philippe Sollers dans le sillage de Francis Ponge1. Le deuxième s’appuie sur des textes du poète et écrivain italien Eduardo Sanguinetti à la fin des années 1960, et le dernier s’inspire des poésies d’Ezra Pound.

La première tentative de composition d’une œuvre sur Une saison en enfer de Rimbaud fait suite à une proposition en 1975 de l’Union européenne de radiodiffusion pour une pièce qui devait être jouée par trois ensembles d’interprètes disposés dans trois salles de concert et dont les captations par micros sont transmises simultanément. Trois grandes villes européennes sont alors choisies pour accueillir cette multidiffu-sion originale : Stockholm, Hambourg et Paris. Chaque ensemble est constitué d’un percussionniste, d’un pianiste et d’un chœur. Le dispositif ne comporte pas d’électroa-coustique. Le texte de Rimbaud est alors retenu pour être interprété dans trois langues différentes : l’anglais, l’allemand et le français. Le compositeur commence les premières esquisses en 1977, mais le projet est abandonné face à la difficulté de rendre sensible une triple traduction de la poésie rimbaldienne.

La deuxième tentative fait suite à une commande de la direction nationale de la Musique et de l’INA-G.R.M. Cette fois, le dispositif prévu est mixte avec une bande magnétique

1. La revue est créée aux éditions du Seuil et devient rapidement le refuge des protestataires et des anticonformistes de l’époque. Gilbert Amy y écrit même un article : « Musique pour Misérable miracle » dans le no 17 (printemps 1964). Elle disparaît en 1982.

1. L’œuvre

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1. L’œuvre 83

D’un lieu à un autre : les Litanies pour Ronchamp

Beat Föllmi

Les Litanies pour Ronchamp frappent autant par leur simplicité et par l’accessibilité immédiate que par leur structure composite qui rendent l’auditeur – et l’analyste – perplexe : une musique en vingt mouvements ou étapes1, un parcours à travers les styles les plus divers, du latin au français en passant par le grec, avec, comme pierre angulaire au centre, un mouvement entier d’un quatuor de Beethoven.

La chapelle de RonchampLes Litanies ne peuvent être ni écoutées ni analysées sans remémorer le lieu pour lequel elles furent créées : la célèbre chapelle Notre-Dame-du-Haut de Ronchamp conçue par Le Corbusier2. Quelques propos de l’architecte concernant cet édifice sont intégrés à la composition de Gilbert Amy.

La chapelle se tient à la place d’une ancienne église de pèlerinage, incendiée en 1913 puis reconstruite en style néogothique, avant d’être une nouvelle fois lourdement endommagée lors des bombardements de septembre 1944. À l’initiative de François Mathey de la commission d’Art sacré de Besançon, Le Corbusier accepta de construire

1. Le programme du concert du 18 mai 2012 contient 21 numéros, car les mesures 25-82 du no 14 de la seconde partie sont comptées comme un numéro à part (no 15 : « Transition instrumentale »).

2. Parmi l’abondante littérature sur la chapelle de Ronchamp, nous signalons Danièle PauLy, Ronchamp : lecture d’une archi-tecture, Strasbourg : Association des publications près les universités de Strasbourg, Paris : Ophrys, 1980. Voir aussi Yves Bouvier, Ronchamp, une chapelle de lumière, Besançon : C.R.D.P., 2005.

1. L’œuvre

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2. Le musicien en action – témoignages 109

Gilbert Amy : discipline et libertéJean-Claude Risset

Gilbert Amy a compté pour moi depuis le début de ma vocation de compositeur : j’ai été très sensible à ce qu’il ait souhaité ma participation au présent ouvrage.

Mon article est atypique. Longtemps j’ai eu peu de contacts avec le milieu profes-sionnel de la musique : Gilbert Amy, compositeur précoce et important, fut d’abord pour moi un repère lointain. Mes préoccupations personnelles concernaient surtout le vocabulaire sonore, alors qu’il se situait dans une lignée qui cherchait plutôt à faire évoluer la grammaire du langage musical. Mais, tout au long de son développement, sa musique est restée pour moi un modèle de rigueur et d’équilibre. Je ne suis pas musicologue. L’analyse musicale est une discipline importante et difficile : comme tout aspirant compositeur, j’en ai tiré parti, mais je confesse que sa pratique ne m’a pas attiré. Mon texte ne comporte donc pas de contribution analytique : j’évoquerai Gilbert Amy du point de vue subjectif d’un musicien cherchant sa voie. À propos de son œuvre La Variation ajoutée, je parlerai de données qui y interviennent et qui peuvent être quali-fiées d’objet sonore dynamique, une notion qui concerne à la fois syntaxe et matériau.

Je suis venu à la musique par le piano. Mon professeur Robert Trimaille m’a enseigné la musique en actes. Élève de Cortot, il m’a inculqué le souci du phrasé, de l’accent, de la vie du rythme, et un appétit pour les couleurs sonores qui stimulera plus tard mon exploration de la synthèse des sons par ordinateur. Son exigence m’a aidé à oser envi-sager de me consacrer à la musique. J’ai écrit des piécettes influencées par les rares musiques récentes que j’entendais. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la musique se cantonnait – à Besançon mais aussi à la radio – dans un répertoire très traditionnel : même dans les années 1950, on n’entendait presque jamais de musique « dodécapho-nique ». J’ai commandé à Paris l’ouvrage de René Leibowitz Introduction à la musique de

2. Le musicien en action – Témoignages

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2. Le musicien en action – témoignages 119

La transmission d’un savoir : savoir-faire – savoir-être

dans l’activité de compositeurJean-Jacques Di Tucci

Évoquer, presque vingt ans après, mes années d’étude passées au C.N.S.M.D. de Lyon dans la classe de Gilbert Amy m’amène inévitablement à aborder la question de l’ensei-gnement de la composition et plus généralement celle de la transmission du savoir.

Si le contenu de l’enseignement et la manière de le transmettre sont dissociables en théorie, il est pourtant évident que la forme peut soit surdéterminer le contenu, soit le dévaluer.

Mes années d’étudiant, mes activités de compositeur et de pédagogue m’ont permis, au fil du temps, de bien comprendre la difficulté d’enseigner la composition et de quelle manière, au point de susciter une question nécessaire : peut-on transmettre un savoir tout entier inclus dans la création et laisser encore de la liberté au disciple ?

Que souhaitait transmettre Gilbert Amy à ses élèves ? Plus personnellement, les notions essentielles qu’il souhaitait m’enseigner sont-elles celles que j’ai acquises dans ces années d’apprentissage ? N’y aurait-il pas autre chose qui m’aurait échappé ? Autrement dit, le savoir acquis par le disciple est-il celui que souhaitait lui transmettre le maître ?

Dans une société où Internet et les nouvelles technologies ont créé des pratiques nouvelles d’accès à la connaissance, il est intéressant de resituer ce que sont les actes directs d’enseigner et d’apprendre, ou encore de se poser la question de la nature de l’éveil chez le disciple.

2. Le musicien en action – Témoignages

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2. Le musicien en action – témoignages 127

« L’instrument caché ». Souvenirs d’une classe de composition

Franck Krawczyk

Qu’il est difficile de parler ici devant vous d’une personne qui compte autant pour moi quand celle-ci est dans la salle, face à moi. Si je le composais musicalement, alors ce drôle d’échange prendrait la forme d’un concerto étrange où le soliste dialoguerait sans cesse, tout au long de l’œuvre, avec un instrument muet, caché dans l’orchestre – (l’orchestre ignorant cette relation). En faisant un saut dans le temps de vingt ans en arrière, je pourrais fort bien arriver en cours, dans cette classe de composition avec une telle proposition (moi exalté, lui patient).

Nous voici donc à Lyon, au C.N.S.M. (salle C 211 !), vers 15 heures en 1991. Un piano à queue, des tables, un tableau – les fenêtres donnent sur le jardin où l’on peut devi-ner une sculpture contemporaine. À travers les murs, de partout, tous les instruments possibles se font entendre – (déjà l’orchestre ?). Les présentations sont rapides, puis nous regardons les travaux anciens de chacun d’entre nous... finalement plus effi-cace que les présentations pour se connaître. Toutes les questions soulevées sont ancrées en moi. Si réelles, pragmatiques qu’il suffirait d’ouvrir la porte d’une salle voisine pour vérifier instantanément le bien-fondé d’une impression. Les problèmes quasi insolubles d’hier disparaissent, laissant place à d’autres plus coriaces. En quelques minutes, tout s’actualise. Le piano devient l’allié indispensable de la classe, une forme de bibliothèque subjective à la disposition des idées naissantes – (tiens, le soliste !) – et le tableau (comme une page que l’on ne peut tourner) où les « exercices » vont s’inscrire un à un avec soin. Je vois encore très précisément les crochets supérieurs et inférieurs

2. Le musicien en action – Témoignages

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2. Le musicien en action – témoignages 131

Gilbert Amy et le Domaine musical. Continuité, ouverture

et contradictions structurellesJésus Aguila

1967 : une « succession délicate », entre ouverture et fidélité

Pour mieux saisir les contraintes qui ont pesé sur Gilbert Amy dès sa prise de fonctions, il est nécessaire d’identifier les principales raisons qui conduisirent son prédécesseur, Pierre Boulez, à quitter le Domaine musical au cours de la saison 1966-1967.

Après le violent contentieux qui l’avait opposé à André Malraux – suite à la décision de ce dernier de nommer Marcel Landowski à la tête de la toute nouvelle Direction de la musique – Pierre Boulez comprit très vite que le rapport des forces avait changé et que la bataille pour prendre la tête des grandes réformes du système musical français était momentanément perdue.

De même, le développement spectaculaire de sa carrière internationale de chef d’ orchestre lui demandait d’être de plus en plus fréquemment absent de Paris, donc de moins en moins disponible pour l’organisation matérielle des concerts du Domaine. Or, l’essentiel de l’activité de cette association reposait sur ses épaules : conception des programmes, relations avec les compositeurs, choix des interprètes, suivi des répéti-tions, communication, régie et organisation matérielle, présentation des œuvres devant le public, etc.

2. Le musicien en action – Témoignages

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3. Des interprètes à l’œuvre 141

Propos d’interprèteDaniel Kawka

Après... D’un désastre obscur« Large, espacé » : ainsi est posé le cadre poétique et temporel du champ interprétatif d’Après... D’un désastre obscur, à l’image du vers de Mallarmé1. Ce vers diffracté, brouillé, réparti dans un espace temporel lui-même dilaté, perd sa valeur sémantique pour devenir sonorité, timbre, source de toute une gamme d’effets : exclamations, interjec-tions, projections des phonèmes, suspensions, chocs, souffles, le tout organisé, tendu, et d’une rare puissance expressive. Afin de renforcer l’idée d’une instrumentalisation de la voix sur le mode voix-timbre, voix-matière, voix-texture, le compositeur ajoute à l’interprète un fouet, un claquement de mains, deux gongs qui viennent à l’appui des projections de consonnes, des résonances de voyelles selon le cas, renforcer le jeu puis conclure théâtralement, là où la voix semble avoir épuisé ses ressources et son poten-tiel expressifs. L’effet de brouillage et de diffraction est superbement mis en œuvre par l’adjonc tion de sonorités vocales initiales, interjections « jetées », projetées par le pianiste qui déroule un tapis de phonèmes : Ka blo ka sa ba d’un dé, za, kür, ob, si (à dominante de consonnes explosives sonores labiales [b], sourdes palatale-vélaires [k], et consonnes constrictives [s], [z]), phonèmes doublés par des sforzati en notes harmo-niques au piano d’une teneur expressive saisissante. L’œuvre débute par un double phénomène de diaphonie, avec l’interférence des attaques vocales et des sforzandi instrumentaux et de contrastes avec une très subtile opposition entre les attaques brèves, incisives et l’opposition de longues résonances s’inscrivant dans des durées relativement égales : périodes respectives de 27, 9, 18 secondes (ajoutons à cela la très subtile variation de couleur-timbre de la note si au piano et au violoncelle selon un

1. Voir Stéphane MallarMé, Le Tombeau d’Edgar Poe. Dans Edgar Allan poe, A memorial volume, sous la direction de Sara sigourney rice, Baltimore : Tumbell Bros, 1877.

3. Des interprètes à l’œuvre

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Table des matières

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1Pierre Michel

1. L’œuvreEntre textes et prétextes . Bref parcours des œuvres vocales de Gilbert Amy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Bruno Gillet

Forme et mise en espace des timbres dans les œuvres instrumentales et orchestrales de Gilbert Amy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

Pierre Michel

Strahl (rayonnement) à propos d’Une saison en enfer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47François Bayle

Une Alchimie du verbe, d’Arthur Rimbaud à Gilbert Amy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57Bruno Bossis

D’un lieu à un autre : les Litanies pour Ronchamp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83Beat Föllmi

Concept et performance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97Gilbert Amy

2. Le musicien en action. TémoignagesGilbert Amy : discipline et liberté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

Jean-Claude Risset

La transmission d’un savoir : savoir-faire – savoir-être dans l’activité de compositeur . . . . . . . . 119Jean-Jacques Di Tucci

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« L’instrument caché » . Souvenirs d’une classe de composition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127Franck Krawczyk

Gilbert Amy et le Domaine musical . Continuité, ouverture et contradictions structurelles . . . 131Jésus Aguila

3. Des interprètes à l’œuvrePropos d’interprète . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141

Daniel Kawka

Entretien avec Jean-François Heisser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157

Entretien avec Claude Delangle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161

AnnexesBibliographie sélective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165

Biographies des auteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167

Index des œuvres de Gilbert Amy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175

Index des œuvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177

Index des personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179