MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS

9, rue Hamelin, 75783 PARIS Cedex 16

S.C.I. LE GRAND CHÊNE

GLISSEMENT DE TERRAIN A VILLENEUVE-SAINT-GEORGES(Val de Marne)

Étude des rapports d'expertise

par

B. BONCOMPAIN

BUREAU DE RECHERCHES GÉOLOGIQUES ET MINIÈRES

SERVICE GÉOLOGIQUE NATIONAL

Département géologie de l'aménagement

Géotechnique

B.P. 6009 - 45018 Orléans Cedex - Tél.: (38) 66.06.60

74 SGN 021 AME Janvier 1974

R E S U M E

A la demande de la Mutuelle des architectes français, ledépartement Géologie de l'aménagement du Bureau de recherches géolo-giques et minières (B. R . G . M . ) a procédé à l'étude de deux rapportsd'expertise concernant le glissement de terrain de Villeneuve-Saint-Georges.

Ces deux rapports d'expertise , portant sur la recherchedes causes du glissement, ont abouti à des conclusions opposées. Leprésent rapport fait l'analyse des points qui ont amené les deux collègesd'experts en opposition et conclut sur l'importance relative des différentsfacteurs ayant pu participer au glissement.

S O M M A I R E

RESUME

1 - INTRODUCTION

2 - E T U D E D U R A P P O R T D U PREMIER C O L L E G E D ' E X P E R T SRôle de l'eau

3 - E T U D E D U R A P P O R T D U SECOND C O L L E G E D ' E X P E R T SRôle de la fouille et des glissements potentiels

4 - C O N C L U S I O N

LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 : Schéma de synthèse

Annexe 2 : Profils PI et P2

1 - INTRODUCTION

A la demande de la Mutuelle des architectes français, nouss o m m e s intervenus pour étudier différents rapports ayant trait au glisse-ment de terrain de Villeneuve-Saint-Georges. E n octobre-novembre 1966,lors de l'ouverture de la fouille pour la construction des bâtiments prévuspar la S. C . I. du Grand Chêne, un glissement de grande ampleur a eu lieu,affectant les travaux de la S. C . I. du Grand Chêne et du chantier de l'hôpitalde Villeneuve-Saint-Georges, situé en amont. Deux collèges d'experts ontété n o m m é s devant les tribunaux, afin de rechercher les causes de ce glis-sement. Le site du glissement était une colline constituée d'argiles glisséset d'éboulis marneux, témoins de glissements anciens, recouvrant le cal-caire de Champigny.

- Le premier collège d'experts (M. M . C O U A R D , B O N P A I Xet M A L L E T ) a attribué le glissement à l'apport d'eau dû au réseau de drai-nage de l'hôpital situé en amont.

- Le second collège d'experts (M. M . C O N N I L L E A U , FILLIATet G U I L L E R M A I N ) , par contre, a attribué le glissement à l'ouverture de lafouille de la S. C . I. du Grand Chêne.

Nous avons essayé, dans le présent rapport, de clarifier lespoints sur lesquels les deux collèges sont en contradiction.

Suite à notre visite, le 9 janvier 1974, Monsieur B A B I N E Tnous a mis à m ê m e de consulter à peu près l'ensemble du dossier concer-nant cette affaire. Ainsi, en dehors des deux rapports d'expertise, nousavons pu avoir connaissance d'un certain nombre de pièces concernant tantl'hôpital de Villeneuve-Saint-Georges que la S. C . I. du Grand Chêne, àsavoir :

- Rapport de sondages de la Société Pierre (27 juillet 1962)Hôpital

- Rapport Ménard d'études de sol de l'hôpital (30 juin 1964)- Rapport Ménard d'études de sol du SCI le Grand Chêne (mars 1966- Rapport d'expertise Ménard du 2 0 novembre 1966 pour le Maire

de Villeneuve-Saint-Georges- Rapport Ménard du 2 0 février 1967- Rapport du cabinet Charpentier sur le système de drainage de

l'hôpital- Dossier du chantier de l'hôpital- Dossier du chantier du S. C . I. le Grand Chêne- Rapport d'expertise de M . C R O S N I E R - L E C O N T E (13 octobre 1967

Les seules pièces dont nous n'ayons pas eu connaissance sont lessondages exécutés après le glissement et repris sur les coupes interprétativesdu rapport du second collège d'experts.

- 2 -

Dans cette note, nous avons supposé connu l'ensemble des élé-ments tels qu'ils sont présentés dans les différents rapports et nous nouss o m m e s attachés à étudier les points qui, dans chacun des deux rapportsd'expertise, ont permis d'aboutir à des conclusions opposées.

2 - E T U D E D U R A P P O R T D U P R E M I E R C O L L E G E D ' E X P E R T S (rôle de l'eau)

Le rapport du premier collège d'experts attribue la prépondé-rance des causes du glissement au réseau de drainage de l'hôpital, le déclen-chement du glissement à l'époque de l'ouverture de la fouille n'étant qu'unecoincidence. Les principaux arguments sur lesquels sont basées ces conclu-sions sont les suivants :

- des calculs de stabilité des talus montrent que l'exécution dela fouille n'a que peu influencé l'équilibre général de la colline ;

- la direction du mouvement le plus important, celui du 31octobre 1966, est alignée avec l'axe du collecteur drainant du pignon ouestde l'hôpital ;

- la fouille du Grand Chêne n'a été affectée que dans la partieouest.

Si nous faisons des réserves sur les analyses de stabilité pré-sentées par les experts, nous avons examiné l'influence de la perturbationdu régime des eaux apportée par le système de drainage de l'hôpital. Pourcela, nous avons établi un schéma de synthèse sur lequel nous avons figuré,dans la partie ouest, la zone drainée en amont de l'hôpital et le réseau collec-teur véhiculant ces eaux. Il apparaît clairement que l'importance du réseaude drainage en amont de l'hôpital a certainement permis d'assainir la penteprise dans son ensemble. Cependant, nous pensons que, du fait m ê m e decette importance, le volume des eaux véhiculées, m ê m e si une grande partieen est évacuée par collecteur étanche, peut entraîner des concentrations d'eauimportantes dans certaines zones. Or, c o m m e l'ont souligné les premiersexperts, cela a pu être le cas en particulier pour la zone du collecteur drainantsituée dans le tronçon B D , où le collecteur se trouve vers 4 mètres de pro-fondeur environ (voir profil P 2). Dans cette zone, si la tranchée par elle-m ê m e constitue un drain, elle peut cependant permettre une alimentation cons-tante par son fond des terrains sous-jacents.

Les premiers rapports d'études de sols, qui avaient mis en évi-dence le caractère instable du site, avaient souligné le rôle qu'ont pu jouer lesécoulements d'eau dans les anciens glissements ayant affecté cette colline. Cesécoulements s'effectuent par des passages préférentiels dans les éboulis ou lesargiles à passées sableuses permettant l'établissement de pression intersti-tielle qui diminuent la résistance au cisaillement des terrains. L'importancede ce phénomène est particulièrement soulignée par les travaux de drainagepréconisés par le bureau d'études Louis Ménard, lors de l'exécution de lafouille de l'hôpital. Il semble en effet qu'alors que des amorces de mouvementse produisaient, la mise en place d'éperons drainants diminuant les pressionsinterstitielles à l'intérieur des talus ait grandement participé à leur bonne tenue.

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Les photos données en annexe du rapport du premier collège desexperts et leurs comptes-rendus de réunion après le glissement, mettent enévidence que le volume des eaux véhiculées par le réseau de drainage de l'hô-pital est effectivement important. Les conclusions du premier collège d'ex-perts nous paraissent donc tout à fait plausibles quant au caractère détermi-nant de l'apport d'eau dans le terrain sur la stabilité de la pente.

Se basant sur le fait que les venues d'eau n'ont été notées dansla fouille du Grand Chêne qu'à partir du 19 octobre 1966, le second collèged'experts conclut quant à lui que l'apport d'eau n'a eu lieu dans le terrain quelorsque le glissement induit par l'ouverture de la fouille a désorganisé leréseau de drainage de l'hôpital. Nous tenons à souligner à ce sujet que l'onne peut noter de venues d'eau dans ces terrains que si la fouille vient à cou-per un passage plus perméable, ce qui a pu être le cas lors de l'exécutiondes butons P3 et P4. D'autre part, il est aussi bien connu que l'eau et sonrôle dans les glissements de terrains ne se manifestent souvent qu'à partirdu m o m e n t où les mouvements de terrains ont été suffisants pour libérer leseaux retenues et en charge , les surfaces de glissement servant de passagespréférentiels aux eaux.

Ainsi, nous pensons que les écoulements d'eau induits par leréseau de drainage en amont de la fouille du Grand Chêne ont très bien pudéterminer le glissement de terrain, cependant il est extrêmement difficiled'évaluer l'incidence de ce facteur par rapport à ceux envisagés plus loin.

3 - ETUDE DU RAPPORT DU SECOND COLLEGE D'EXPERT (rôle de la fouilleet des glissements potentiels)

Le rapport du second collège d'experts attribue par contre laprépondérance des causes du glissement à l'ouverture de la fouille du GrandChêne, ceci étant en particulier lié au caractère instable de la colline, l'ap-port d'eau dû au drainage n'étant qu'une conséquence de la désorganisationdu réseau par le glissement et non l'une des causes du glissement. Afin d'a-boutir à ces conclusions, le second collège d'experts s'est basé essentielle-ment sur les points suivants :

- l'analyse des sondages et reconnaissance de sols met en évi-dence l'existence d'un ancien talweg de direction N E - S W dans les marnes c o m -pactes du calcaire de Champigny, dont le tracé peut-être matérialisé ;

- l'analyse plus précise des mouvements lui permet de décom-poser le glissement en deux phases :

. du 7 au 19 octobre 1966, glissement par écailles avecapparition de fissures se développant dans l'axe duvallon ;

. à partir du 19 octobre 1966, réorientation du glissementsuivant l'axe des drains.

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Ainsi, pour le second collège d'experts, c o m m e l'avait soulignépar ailleurs Monsieur C R O S N I E R - L E C O N T E , le caractère de glissement parécailles se trouve être caractéristique d'un glissement induit par une diminutionde butée, d'autre part l'axe de propagation des fissures étant lié au tracé del'ancien talweg, ceci montre, d'après lui, que le glissement a pris son a m -pleur en raison des glissements potentiels et non des apports d'eau dus au ré-seau de drainage. A l'appui de ces points, des coupes interprétatives des son-dages ont été établies, précisant le tracé du vallon dans le calcaire de C h a m -pigny et un plan de synthèse sur lequel a été matérialisée la cohérence entrel'axe du vallon et l'axe de la première phase du mouvement.

A u sujet de l'interprétation des sondages en vue d'établir descoupes figurant l'ancien talweg remblayé par les éboulis, nous avons notél'évolution de cette interprétation dans différents rapports, à partir de ré-sultats pratiquement identiques :

- Le rapport d'étude de sol du Grand Chêne (mars 1966) insistaitsur l'absence de substratum compact reconnu (calcaire de Champigny) au droitdes constructions prévues ; l'idée d'un ancien talweg n'était donc m ê m e pasenvisagée ;

- Le rapport C R O S N I E R - L E C O N T E , à partir d'une observationgéologique de surface et d'une interprétation plus poussée des résultats desondages, conclut à la présence d'un vallon N E - S W dans le calcaire de C h a m -pigny pouvant être à la base de glissements potentiels, mais déclare ne pou-voir en définir l'axe ou le tracé au droit de la S. C . I. du Grand Chêne;

- Le rapport du second collège d'experts, qui a eu connaissancede sondages supplémentaires exécutés après l'accident, précise le tracé selonlui exact du talweg, indiquant qu'à l'extrême, à partir d'une telle analyse, leglissement aurait pu y être prévu. Pour notre part, étant donné la difficultéque présente la reconnaissance de terrains formés d'éboulis ou de terrainsglissés afin d'en déterminer la limite avec le substratum compact avec préci-sion et n'ayant pas les résultats des derniers sondages, nous pensons que, sil'existence d'anciens vallons dans le calcaire de Champigny est plausible, ilnous paraît aventureux d'en fixer le tracé à partir des sondages exécutés.

Par ailleurs, sur le schéma de synthèse, en annexe de ce rapport,nous avons reporté :

- la géométrie des talus amont des fouilles du Grand-Chêne etle positionnement des 5 butons, tels qu'ils sont donnés dans le plan 62-84-0(plan du terrain et état des fouilles au 30/l0/l966) de l'architecte du GrandChêne ;

- les fissures décrites dans le rapport du second collège d'experts(A, B , C , D , E ) positionnées suivant le schéma joint au procès-verbal du 28octobre 1966 établi par le cabinet C H A R P E N T I E R (seule la fissure A n'étaitpas reportée sur ce schéma) ;

- le tracé du fond de l'ancien talweg présumé tel que présenté surle plan donné en annexe du rapport du second collège d'experts.

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II apparaît alors clairement que, contrairement à ce qui estaffirmé dans le rapport du second collège d'experts, il n'y a pas alignemententre le tracé du talweg présumé et le schéma de progression des fissures du7 au 30 octobre 1966 et ceci m ê m e pour la première phase du mouvement du7 au 19 octobre 1966.

D'autre part, nous tenons à indiquer que lorsque le talus de lafouille du Grand Chêne a pu acquérir un certain degré d'instabilité, il nousparaft normal, étant donné la géométrie de la fouille, que la propagationdes fissures se fasse en phase initiale, suivant une direction à peu prèsN E - S W , cette direction étant la bissectrice du coin formé par le talus présen-tant un caractère de faiblesse évident. Ainsi, si l'existence d'un ancien tal-weg remblayé, ayant prédéterminé le site du glissement est possible, il nenous paraît pas que son tracé puisse en être fixé avec certitude.

Par ailleurs, si la redistribution des contraintes,liée à l'ouver-ture de la fouille , nous paraît bien s'adapter au mode de mouvement initial(apparition de fissures) tel que décrit par M . C R O S N I E R - L E C O N T E , nouspensons qu'il sera toujours hypothétique d'en évaluer l'influence sur la stabi-lité des pentes par des méthodes de calcul, trop d'incertitudes subsistant surla connaissance des caractéristiques mécaniques des terrains et des lignes deglissement probables.

Il existe un point sur lequel les rapports d'expertise n'ont quepeu attiré l'attention, c'est l'épaisseur du remblai mis en place au droit dela voie haute d'accès à l'hôpital (atteignant 3 mètres par endroit). Nousl'avons figuré sur le profil P2 donné en annexe et il est alors visible, aprèspositionnement sur le m ê m e profil des fissures figurées sur le schéma desynthèse, que si ce remblai n'a pas influencé les premiers mouvements,il a pu cependant participer à l'aggravation du glissement du 30 octobre par lamodification du profil naturel des pentes.

4 - C O N C L U S I O N

Nous pensons, quant à nous, qu'aucune preuve formelle n'apparaîtclairement pour déterminer la prépondérance de l'un ou l'autre des trois fac-teurs qui ont dû participer au glissement :

- ouverture de la fouille du Granel Chêne- apport d'eau par le réseau de drainage de l'hôpital- existence de glissements potentiels

Si les premiers mouvements sont vraisemblablement liés à l'ou-verture de la fouille et à la diminution de la butée, nous pensons que, en plusde la présence de glissements potentiels, le glissement du 31 octobre 1966n'a pu avoir toute sa gravité qu'en raison des apports d'eau permanents dusau réseau de drainage de l'hôpital.

60.NGF

-PROFIL R 2 .

Route d accèshaute

vFissure du260ctobre 66

Affaissementdu 31 Octobre 66

Fissure du 19 Octobre(D] agrandie au

26 Octobre 66

PROFIL P. 1.

Fouille SCI Le Grand ChêneFissure du 12 Octobre66

(C

Fissure du 10 Octobre 66 \(B) N

Route d'accès

Affaissement du 31 Octobre 66

Fouille SCI Le Grand Chêne

Profils établis d'après releves de géomètre

terrain naturel avant travaux

limite du terrain après terrassement

avant le glissement du X Octobre 66

Mutuelle des Architectes Français

S C I Le Grand ChêneGlissement de terrain a Villeneuve St Georges

Profils R1 . P . 2

B R G MSERVICE GEOTECHNIQUE

ET GEOMECANIQUEBP.6009 . ¿5018 O R L E A N S . Cedex

DATE. 16 01 IL

DESS -¿7kN° 7Ü.5U.02

ECHELLE. 1 /2S0

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