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Gloires et misères de la calligraphie en Chinefrancoiselivinec.com › cspdocs › press › files › wei_ligang_monograph… · E I . d’assurer leur domination: la maîtrise

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L’histoire de l’art est un enjeu social et politique autant que scientifique. N’est-elle pas une force de police ? Elle évalue, classe et assigne à résidence. Elle n’est toujours qu’appauvrissement du foisonnement polymorphe et sémantique des cultures visuelles étudiées, en raison des exigences du raisonnement analytique, du goût de la taxonomie et des liens jamais totalement rompus avec l’esthétique et la critique. Cela est d’autant plus dommageable qu’elle contribue à la constitution d’un imaginaire visuel commun par son action de hiérarchisation et de sélection des expressions légitimes. L’éclatement récent de la discipline, au point qu’elle en frôle la dissolutionI, les valeurs o#iciellement admises du champ académique et l’émulation qui y règne entretiennent toutefois un mouvement d’élargissement des sujets traités et une prise en compte toujours plus grande des di$érents aspects sociologiques, anthropologiques, historiques et formalistes d’une œuvre d’art.

Gloires et misères de la calligraphie en ChineCe résultat est cependant conjoncturel. L’histoire de l’art laissée à la main d’un groupe social précis produit une culture visuelle dominante subordonnée aux intérêts particuliers de ce dernier. C’est ce qui advint en Chine. Nous pratiquons toujours aujourd’hui, dans une large part, une histoire de l’art chinois issue d’une réflexion élaborée pendant des siècles par un corps spécifique, qui a sélectionné les critères de légitimité des expressions plastiques selon ses besoins propres. Constituée par sa participation aux a$aires de l’État et par des préoccupations communes, c’est la classe des lettrés qui définit, depuis l’époque des Song (960-1279), les enjeux des pratiques artistiques en Chine. Les développements de ses membres relèvent à la fois de l’histoire de l’art, et donc d’un choix des formalisations jugées pertinentes, de la théorie picturale et d’une forme d’esthétique. Les discours ne sont pas homogènes et laissent entrevoir des conceptions extrêmement variées. Il est toutefois un domaine dans lequel l’unanimité est de règle : l’importance primordiale de la calligraphie. Dans le cadre d’une définition statutaire de l’activité artistique, ces lettrés se sont tournés vers la valeur qui les séparait de manière évidente des artistes professionnels et permettait

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d’assurer leur domination : la maîtrise de l’écrit. La calligraphie devient le premier des arts et la peinture, qui en est techniquement dépendante, une simple forme particulière de son expressionII. Ce monopole de la calligraphie est d’autant plus valorisant qu’il s’appuie sur la place insigne attribuée à l’écriture : elle est un outil de pouvoir, autorise la gestion ou la participation à la gestion du royaume, comme le rappellent sa réforme et son uniformisation par le premier empereur au IIIe siècle avant notre èreIII. Elle est aussi chargée d’une dimension morale et cosmologique ; elle exprime autant une éthique qu’un rapport au monde, voire le principe même de l’univers. Elle engage en e$et tout l’être du calligraphe. Le bras est ferme, le poignet immobile. Le geste s’amorce dans l’épaule. C’est tout le corps qui participe à l’action. On lit dans le résultat les mouvements, les respirations, les émotions de l’auteur. La calligraphie agit ainsi comme un révélateur. Certains, de tendance plutôt confucéenne, veulent y déceler les qualités morales de l’exécutant. Ils considèrent qu’un artiste éminent est nécessairement d’une grande vertu et sont prompts à tordre les faits, si ceux-ci leur donnent tort, pour les adapter aux catégories préétablies. D’autres, plus proches des idéaux du taoïsme, veulent voir dans cette discipline un outil d’expression personnelle et le moyen d’aboutir, par ce travail sur le corps et sur la respiration, à une identification du calligraphe au cosmosIV. Le caractère chinois lui-même est l’objet d’une véritable vénération. Ce n’est pas un hasard si les plus anciens sinogrammes retrouvés ont été utilisés dans un contexte rituel et si leur utilisation a donné lieu par la suite à de multiples pratiques magiquesV. La nature de cette écriture, qui mêle dessin, idéogramme et éléments phonétiques, la place dans un rapport particulier au monde qu’elle décrit. Dans une culture si fortement structurée par des raisonnements homologiques, il y a, si ce n’est une identité, au moins une correspondance forte entre le signe et son référent. L’écrit devient donc un moyen d’analyser le principe des choses et d’interagir avec elles. De plus, des artistes majeurs tels que Shitao 石濤 ( 1642-1707) élaborent une réflexion qui identifie le maniement du pinceau aux processus cosmologiques de création et de recréation du mondeVI.

Les dépositaires de cette riche culture, les lettrés, maintiennent la continuité de l’art calligraphique depuis au moins Wang Xizhi 王羲之 (321 - 379 ou 303 - 361), et ce, jusqu’à la fin de l’empire Qing (1644-1911) fig. 1. Ils étudient les styles anciens, développent et créent des formes nouvelles. Grâce à leur travail, la définition de la calligraphie comme art majeur et autonome ne s’est jamais démentie jusqu’à aujourd’hui. Toutefois, la pratique a décliné en importance dans les milieux artistiques du XXe siècle. Des calligraphes d’exception existent toujours fig. 2, mais ils ne sont plus les dépositaires exclusifs de la culture. Celle-ci s’adapte à l’émergence d’une nouvelle société dans laquelle les lettrés n’ont plus leur place comme classe sociale, aux goûts d’une clientèle bourgeoise et marchande, mais aussi aux nécessités historiques qui contraignent à populariser les pratiques artistiques, voire à les mettre au service d’une force de conviction politique. Dans ce contexte, la calligraphie, nécessairement élitiste, n’est plus le lieu des innovations plastiques les plus influentes.De plus, lorsqu’ils sont confrontés au déclin de la Chine et à l’introduction des cultures occidentales, la réaction des artistes d’avant-garde de la première moitié du XXe siècle consiste en une forme d’assimilation et d’adaptation du vocabulaire étranger. Si cela est aisément possible dans le domaine pictural, puisqu’il su#it de reprendre les modèles déjà élaborés par le Japon ou d’opter pour de nouvelles techniques, la calligraphie est une pratique si spécifique qu’elle ne se prête guère à ces synthèses et reste longtemps à l’écart du bouleversement que connaît la Chine. Ainsi, les plus grands artistes du XXe siècle la pratiquent parfois, mais ils ne sont pas connus pour cette activité et la circonscrivent, pour certains d’entre eux, à la sphère privée.Enfin, la langue chinoise classique, qui avait constitué pendant des millénaires le socle de la culture et le vecteur de sa di$usion à l’échelle d’un continent, est l’objet de multiples attaques au cours du siècle écoulé. L’adoption de la langue parlée au détriment de la langue littéraire doit permettre un meilleur accès de la population au savoir, mais elle coupe aussi une partie non négligeable des Chinois éduqués de l’accès direct aux textes anciens et à un certain nombre de modèles calligraphiques. De même, l’adoption d’une réforme des caractères

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en Chine continentale entre 1956 et 1958 introduit une césure au sein des di$érentes Chine entre utilisateurs du chinois complexe et du chinois simplifié. Il est même plusieurs fois question, avant l’arrivée des outils informatiques et du traitement de texte, d’abandonner cette écriture au profit d’un alphabetVII. Ainsi, le cœur traditionnel de la civilisation chinoise vacille sous les coups de boutoir de la modernité. Cela se confirme également dans le domaine plastique. L’héritage de la peinture ancienne peut être intégré aux essais modernistes des grands maîtres de la première moitié du XXe siècle. Toutefois, la rupture esthétique que constitue l’époque maoïste est telle que la continuité de cette histoire semble a priori définitivement brisée. La peinture à l’huile devient le médium privilégié des institutions et un style issu du réalisme soviétique l’idiome dominant pendant une trentaine d’années. Le relâchement relatif du contrôle étatique sur la création, avec l’arrivée de Deng Xiaoping au pouvoir, ne suscite pas chez les artistes une appétence pour l’art ancien. Leur première réaction consiste en une critique profonde de la période maoïste. Son iconisme est détourné, moqué par l’emploi de symboles issus du pop art, qui ont comme e$et à la fois de ridiculiser les codes de l’époque précédente et de mettre à distance les discours sur la nouvelle économie socialiste de marché. Cette tendance a dominé la scène artistique chinoise jusqu’à aujourd’hui. Toutefois, depuis quelques années, elle semble concurrencée par un retour à la plus haute tradition. La réouverture des universités après l’époque maoïste a permis à de nombreux artistes d’apprendre des techniques anciennes. Ils bénéficient également de l’a#lux d’informations extérieures qui les amène à considérer l’hypothèse d’une nouvelle synthèse entre l’esprit de l’art chinois et les arts occidentaux. Un travail souterrain est ainsi mené par une fraction non négligeable du monde artistique durant ces années 1980 et 1990 pour se réapproprier sa tradition, la renouveler et en faire œuvre contemporaine. Depuis le début des années 2000, les représentants de ce mouvement acquièrent une notoriété de plus en plus grande et ils semblent en passe de détrôner les idoles des vingt dernières années.Parmi eux, figure un artiste dont la position pose de réels problèmes de définition, à la fois éminente par sa célébrité et encore relativement

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marginale dans le champ artistique par le sujet qui l’occupe tout entier : la calligraphie. Wei Ligang est en e$et l’un des fers de lance du renouveau de cette discipline, après presque un siècle de déclin.

Vers une calligraphie contemporaineNé en 1964, Wei Ligang évolue dans un environnement familial propice au développement d’une vocation plastique. Son père cheminot lui transmet son goût pour la pratique artistique et, en parallèle de quelques expériences précoces de dessin, le jeune Wei Ligang commence son apprentissage de la calligraphie en copiant des œuvres contemporaines qui lui sont présentées par ses parents ou leurs amis. En raison de ses aptitudes intellectuelles exceptionnelles, il est orienté vers des études de mathématiques, qu’il e$ectue à partir de 1981 à l’université Nankai de Tianjin. Il y approfondit et poursuit toutefois cette vocation enfantine, à un moment clé de l’histoire récente de la calligraphie chinoise. Parallèlement à l’ouverture de la Chine sur l’extérieur et à l’arrivée sur les rayons des bibliothèques universitaires d’ouvrages traitant des artistes modernes et contemporains occidentaux, celle-ci retrouve en e$et son prestige parmi les expressions d’une culture nationale ancestrale. Elle suscite l’engouement de nombreux praticiens professionnels et amateurs regroupés dans une association des calligraphes chinois 中国书法家协会, créée par les autorités dès 1981, ou dans de nombreuses structures locales similaires. Wei Ligang intègre l’une d’entre elles au sein de son université et en prend la tête au bout de deux ans. Dans le cadre de cette activité, il lui revient d’organiser des rencontres, des conférences et des expositions. Il rentre ainsi en contact avec les plus grands maîtres locaux de la discipline et bénéficie de leurs conseils ainsi que de leur enseignement. Trois d’entre eux jouent un rôle particulièrement important dans cette formation : Li Henian李鹤年 (1912 - 2000), Sun Boxiang 孙伯翔 (né en 1934) et Wang Xuezhong 王学仲(1925 - 2013)VIII.Li Henian et Sun Boxiang sont tous deux réputés pour leur maîtrise des styles établis. Le premier, aussi bien par sa formation que par l’équilibre classique qui émane de ses calligraphies régulières et sigillaires, perpétue un héritage traditionnel dont sa génération est peut-être

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la dernière détentrice. Il délivre à Wei Ligang les bases d’une culture lettrée nécessaire à la pratique de son art. Avec lui, Wei Ligang étudie de nombreuses œuvres anciennes originales, apprend l’écriture sigillaire ainsi que la manière de composer et de lire des poèmes en chinois littéraire. Sun Boxiang, marqué par l’étude du style des stèles des Wei du Nord, apparaît beaucoup plus original. Il introduit dans ces formes compactes et robustesIX une fébrilité nouvelle par les oscillations de son trait et son utilisation d’un pinceau peu chargé en encre qui laisse derrière lui de multiples lacunes fig. 3. Il lui arrive en outre de modifier la forme de certains caractères, selon une tendance qui commence à se répandre à partir des dernières années du maoïsme et dont Li Luogong 李駱公 (1917 - 1991) fut par exemple l’un des audacieux interprètes. La relation la plus significative, pour Wei Ligang, est toutefois celle qui le lie à Wang Xuezhong. Celui-ci compte au rang des calligraphes majeurs du XXe siècle, obtient des positions institutionnelles de choix, crée des départements de calligraphie dans de nombreuses universités, notamment à Tianjin en 1985, et est l’un des artisans du premier renouveau post-maoïste de la calligraphie, ce qui explique le respect dont il jouit à la fois en Chine et au Japon, où il enseigne entre 1981 et 1984. Il est particulièrement admiré pour la manière dont, tout en restant à l’intérieur d’un cadre relativement classique, il parvient à introduire une nervosité nouvelle et des équilibres graphiques inédits dans ses compositions fig. 4. Grâce à ces trois maîtres, Wei Ligang acquiert ainsi des bases solides dans l’exercice de son activité de calligraphe et un niveau de compétence technique devenu rare après la Révolution culturelle et l’extinction des générations formées avant la fondation de la République populaire. Cette maîtrise du répertoire classique aboutit rapidement à la formalisation d’un style personnel, marqué dès l’origine par le goût des expérimentations, comme en témoignent par exemple les emplois conjoints du stylo et du pinceauX. La nouveauté de ce travail et le regain d’intérêt public et institutionnel pour la calligraphie lui permettent, dès 1988, de publier, à vingt-quatre ans, une monographie sur son œuvre. Il obtient au même moment, après trois ans passés à enseigner les mathématiques, sa mutation en tant que professeur de calligraphie.

Malgré sa renommée grandissante, Wei Ligang considère que son apprentissage est encore inachevé. Il emploie ses sept années de professorat à approfondir sa connaissance des styles anciens dans un but pédagogique, mais aussi pour améliorer sa propre pratique artistique. Il s’entraîne par exemple longuement à la réalisation de calligraphies dans un style régulier pour améliorer sa pratique de la cursive qui, pour paraître aisée par la simplification qu’elle suppose, nécessite en réalité une maîtrise parfaite du moindre élément du caractère inscrit, afin que chaque mouvement enlevé du pinceau soit conditionné par sa forme originelle et ne constitue pas une superfluité gratuite.Ce travail de perfectionnement aboutit à une forme de crise artistique, lorsque Wei Ligang constate son incapacité à faire progresser et évoluer sa calligraphie autant qu’il le souhaiterait. Afin de continuer à approfondir son travail et d’inscrire celui-ci dans une dimension contemporaine plus marquée, il ressent la nécessité de lui assimiler une dimension picturale. Plusieurs artistes s’y sont déjà essayés, sous l’influence de modèles nippons, par ailleurs relativement répandus à Tianjin. Le Japon bénéficie en e$et, dans la plupart des pratiques artistiques, d’une à deux générations d’avance sur la Chine au début des années 1980. Après 1945, naissent sur son sol de nombreux mouvements d’avant-garde, tandis que plusieurs des courants traditionalistes intègrent des éléments de la modernité occidentale. Ainsi, alors que des artistes issus du mouvement Nihonga 日本画s’inspirent notamment du cubisme au sein de l’association Pan Real パンリアル美術界, de grands maîtres calligraphes revisitent de fond en comble les styles traditionnels, pour parvenir à une audacieuse autonomie plastique de l’écriture et incorporer ces formes nouvellement créées à des œuvres dont la qualité picturale est patente fig. 5XI.

Calligraphies picturales et peintures calligraphiquesAfin de mener à bien cette tâche, Wei Ligang abandonne en 1995 son poste de professeur et rejoint Pékin, où il se lance comme artiste indépendant. Il y entreprend l’étude d’un vocabulaire qui lui est encore largement étranger ; il s’intéresse particulièrement à Picasso, Dubu$et, Miró, De Kooning et Klee. Ce choix éclectique recouvre une cohérence des problèmes plastiques au cœur des nouvelles préoccupations de Wei Ligang. Ces peintres, quoique

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de manière diverse, ont en commun, à di$érentes périodes de leur carrière, la volonté de faire coexister sur une même surface un travail de dessin et de structuration des formes par la ligne, avec un emploi extensif de couleurs vives, dont les contrastes et les valeurs tonales conditionnent la perception spatiale. Il s’agit là de l’enjeu majeur auquel Wei Ligang, formé à la bidimensionnalité stricte du signe monochrome sur fond uni, doit dorénavant se confronter. Les premières œuvres produites à Pékin témoignent de cette immersion complète au sein de nouvelles problématiques. La rupture est manifeste en leur nature même. Elles évacuent dans un premier temps presque complètement la question calligraphique, pour ne se réclamer que peinture fig. 6. S’inscrivant dans la lignée de l’expressionnisme abstrait et de son équivalent pictural français, elles en retiennent le goût pour l’expressivité de la couleur et pour l’importance de la gestuelle, visible autant dans la réduction des plans à d’uniques coups de pinceau que dans les e$ets de matière. De ces modèles proviennent aussi la tension entre planéité du support, soulignée par la pratique du all-over, et perception de la profondeur, induite par la superposition des touches et leurs nuances chromatiques, ainsi que l’emploi de traits noirs dont l’interaction avec les plans colorés est toutefois encore mal maîtrisée, tant les uns et les autres semblent répondre à des logiques indépendantes. Parmi les artistes dont l’influence est revendiquée par Wei Ligang, Klee est probablement celui qui permet le mieux de comprendre sa progression ultérieure. Il devient sa référence la plus importante et évidente. L’œuvre de Klee constitue en e$et un point d’accès particulièrement adapté à la résolution des problèmes plastiques rencontrés. D’une part, l’intérêt de l’artiste suisse pour la calligraphie orientale et les paysages aussi bien japonais que chinois o$re aux praticiens asiatiques une proximité intellectuelle et esthétique qui explique partiellement sa popularité en Extrême-OrientXII. D’autre part, Klee retient de ces deux sources plastiques l’expressivité du trait pour l’une et la construction d’un espace par plans colorés juxtaposés pour l’autreXIII. Il unit ces deux axes de création dans des compositions systématiques au sein desquelles ils interagissent harmonieusement, l’un constituant l’ossature des œuvres, l’autre y introduisant la profondeur.

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À partir de 1997, Wei Ligang fait sien ce principe au sein de la série intitulée Squares : la répétition d’un module quadrangulaire sert de support autant que de cadre au déploiement des tracés et des jeux sur les valeurs spatiales des couleurs. Cette armature manifeste la nature profondément calligraphique de cette production. En e$et, le carré est l’un des éléments de base d’un caractère, en ce qu’il en est la limite au sein de laquelle celui-ci se déploie et en ce qu’il évoque instantanément un écho familier chez tous les écoliers ou anciens écoliers qui ont appris à le remplir de manière équilibrée. Par ce biais, la structure des œuvres est toujours celle à la base d’un travail d’écriture. Les premiers Squares se ressentent toutefois encore des essais antérieurs : la pâte est relativement épaisse, les couleurs s’inscrivent dans des limites mal définies, au point de se mêler les unes aux autres sur leurs marges, et les traits calligraphiques noirs se caractérisent par une position ambiguë au sein de ce système. Ils concourent, certes, à matérialiser partiellement l’ossature de l’œuvre, mais ils se fondent tout aussi régulièrement dans des taches d’encre et des lavis qui semblent participer de plain-pied à son organisation picturale par juxtaposition de plans fig. 7. Ce n’est que petit à petit qu’ils se voient dotés d’une présence plus a#irmée et en viennent soit à prendre leur autonomie par rapport au fond coloré, reproduisant alors les rapports traditionnels entre le signe calligraphique et son support bidimensionnel, soit, plus souvent, à encadrer totalement les aplats de couleur et asseoir la composition. Dans le second cas, leur disposition et leur forme rappellent vaguement des sinogrammes. Ils délimitent alors des surfaces qui, par leur chromatisme di$érencié, introduisent une troisième dimension et complexifient la compréhension globale de l’œuvre. Est ainsi générée une perception en profondeur de plusieurs niveaux de formes scripturales qui, alliée à de forts appels visuels générés par le choix des couleurs, dément un ordre usuel de lecture fig. 8.Ce retour du trait amène dès 1999 l’apparition de nouvelles productions singularisées par la discrétion ou l’absence des couleurs, la modification des sens de lecture, induite par exemple par une disposition en bandes horizontales, ou la constitution de formes plastiques par l’agglomération

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quasi organique de caractères à peu près illisibles. La transformation de certains sinogrammes en pictogrammes plus ou moins identifiables et l’introduction de symboles, d’acronymes et de lettres occidentales perturbent complètement la perception de ces œuvres et en soulignent l’ambiguïté, entre figuration et abstraction, calligraphie et dessin fig. 9. Elles témoignent également de la volonté de s’approprier un vocabulaire contemporain globalisé et de la richesse des expérimentations formelles de Wei Ligang tout au long de sa carrière, ce qui réduit toute tentative de les retracer au statut de simple schéma directeur. Ce travail aboutit en 2004 à la réalisation d’œuvres monochromes dans lesquelles les nuances des teintes matérialisent un espace central plus sombre, au sein duquel sont disposés rigoureusement des caractères traités sur un mode quasi pictographique et rappelant les recherches sur les rapports entre signes et images d’artistes tels que A. R. Penck, Keith Haring ou Ungno Lee. Wei Ligang souligne ces ambiguïtés dans la structure même de l’œuvre. L’encadrement rigide de la calligraphie par un cerne quadrangulaire gravé dans le support, son occupation complète de l’espace ainsi délimité et la couleur plus soutenue du fond sur lequel elle se déploie donnent le sentiment d’être face non plus à des formes scripturales disposées au sein d’un espace indéfini et théoriquement infini, mais à une image mise en valeur comme telle au moyen de ce que Louis Marin considérerait comme un signe d’énonciation. Ces sinogrammes ne se définissent ainsi plus par leurs liens sémantiques et graphiques les uns avec les autres, mais par le rapport de leur ensemble à un schème pictural fig. 10.Au même moment, dans la plupart des Squares, les limites entre écriture et peinture redeviennent floues. C’est cette dernière qui est dorénavant subordonnée à celle-là fig. 11. Tandis que l’armature globale de l’œuvre reste calquée sur la succession normale des caractères, les tracés à l’encre sont entourés d’un halo de couleur et l’acrylique devient elle-même moins une étendue qu’un simple trait, qui participe alors pleinement à la composition calligraphique. Lorsque toute la surface est recouverte de peinture, celle-ci constitue uniquement un fond qui reproduit le rapport ancien qui pouvait exister entre le signe scriptural et son support papier, sans contredire les caractéristiques décrites

ci-dessus. Au terme de près de dix ans d’expérimentations, Wei Ligang parvient ainsi enfin à une synthèse aboutie entre les deux domaines de création dans lesquels il évolue.Ce travail sur les Squares est accompagné de la production de nombreuses autres séries. Si celles-ci présentent des structures moins rigides, leur évolution suit globalement la même trajectoire. L’une des innovations les plus intéressantes dans certaines œuvres est, à partir de 2004, l’autonomisation complète du trait par rapport au caractère écrit. Dans un style marqué de toute évidence par le minimalisme américain, Wei Ligang réduit le rapport du signe à son référent à sa plus simple expression, d’une unique notation de couleurs au vague profil d’une montagne fig. 12. Il parvient ainsi à transformer sa calligraphie en l’équivalent d’une sorte de pictogramme à l’extrême limite de l’abstraction. Cela aboutit au nouveau développement de créations purement picturales. Celles-ci sont toutefois toujours marquées par l’exploration du vocabulaire plastique à la base des recherches de Wei Ligang : le trait, la ligne et le carré.Parallèlement, il continue évidemment de s’adonner à la calligraphie, au sein d’un cadre technique et stylistique plus traditionnel. Cette production ne constitue pas un aspect secondaire de son travail d’avant-garde, mais au contraire sa base et son inspiration. C’est elle qui fournit les formes originelles, qui sont ensuite malmenées dans les autres compositions. Elle est, de plus, elle aussi le témoin de l’originalité et du goût de l’expérimentation de Wei Ligang. Ce travail trouve sa source dans l’œuvre de Fu Shan傅山 (1607 - 1684), maître de la calligraphie cursive de la fin de l’époque Ming (1368 - 1644) et du début des Qing (1644 - 1911). Le changement de dynastie amène cet artiste à abandonner son style inspiré par Zhao Mengfu 趙孟頫 (1254 - 1322), pour se tourner vers l’étude de Yan Zhenqing 顏真卿 (709 - 785), grand calligraphe de l’époque Tang (618 - 907) réputé pour sa cursive et la manière dont il renouvelle l’écriture régulière par son refus de l’élégance et des canons préétablis. C’est cet esprit d’indépendance plastique et morale que lui emprunte Fu ShanXIV. Contemporain de quelques-uns des peintres les plus singuliers de l’histoire de l’art chinois, tels Shitao 石濤 (1642-1707) ou Bada Shanren 八大山人 (1626 - 1705), Fu Shan baigne dans

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une culture lettrée qui revendique de plus en plus souvent l’originalité extrême, voire la maladresse, en tant que signe d’autonomie et d’authenticité morale jalouse fig. 13. Y répondent son refus de la séduction décorative des tracés et la création d’un style hautement personnel, notamment par l’emploi d’une sigillaire traitée dans un mode cursifXV. On retrouve chez Wei Ligang la nervosité du trait, la capacité à mêler des styles calligraphiques variés et l’emploi de sinogrammes à l’aspect très particulier. Il maîtrise en e$et un large éventail de styles et aime notamment dériver la forme de ses caractères de la gravure de sceaux et des jiaguwen 甲骨文, écriture de la dynastie Shang (vers 1600 - 1050 avant notre ère) retrouvée sur des os de bovidés et des carapaces de tortue. Son maniement presque fébrile du pinceau ainsi que la manière dont il le presse sur le papier pour en écarter les poils et le frotte pour laisser derrière lui des traits lacunaires concourent également à maximiser l’e$et graphique, au détriment de la dimension décorative et de la lisibilité fig. 14. Cette production n’est par ailleurs pas exempte d’expérimentations formelles étrangères au cadre classique de la calligraphie. Il lui arrive en e$et d’employer le collage. Le travail e$ectué sur l’introduction de la profondeur par la couleur est ainsi transposé physiquement par l’écriture sur des papiers blancs, découpés et collés sur un support d’une teinte plus foncée.À partir de 2008, cette pratique de la calligraphie, relativement plus respectueuse des schèmes traditionnels, est régulièrement intégrée dans plusieurs styles à la dimension picturale a#irmée que Wei Ligang a élaborés dans les années précédentes. Elle donne également naissance à un nouveau type de production. Celui-ci adoucit la rugosité nerveuse de ses calligraphies. Les lignes épaisses et régulières deviennent continues et dessinent en cursive les caractères sur un fond doré fig. 15. Leur qualité quasiment abstraite s’accentue petit à petit, au point que le trait semble faussement prendre une autonomie complète et s’a$ranchir de son rapport à l’écriture. S’il en vient à matérialiser directement des formes figuratives telles que des oiseaux, il reste toujours possible cependant, lorsqu’on en possède la clé, de lire les sinogrammes représentés. Quoique le fond doré et la liberté de la ligne rappellent l’audace et

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l’aspect décoratif des œuvres japonaises, il s’agit ici chez Wei Ligang de l’aboutissement de recherches personnelles et perpétuelles sur la calligraphie cursive, qui irriguent une part importante de sa production et témoignent de sa capacité constante à inventer des formes nouvelles.

Dans les yeux du paonLes dernières années de son travail sont d’ailleurs marquées par un foisonnement de styles, impossible à résumer, qui voit coexister la quasi-totalité des formes créées précédemment ainsi qu’un large éventail de recherches picturales et scripturaires. Les écritures à l’encre voisinent avec leur transposition dans des créations pleines de couleurs, tandis que les œuvres minimalistes oscillent entre des compositions systématiquement ordonnées et des gestes puissants imprimés sur le papier. Cette e$ervescence créatrice laisse supposer bientôt de nouvelles synthèses et la poursuite future des recherches entamées il y a au moins vingt ans. Elle témoigne aussi de la capacité de la calligraphie à constituer d’une part le nouveau foyer d’expérimentation et de fusion entre la grande tradition chinoise et des vocabulaires occidentaux contemporains, à réunir d’autre part en elle un faisceau de problématiques plastiques qu’on pensait lui être partiellement étrangères : tension entre planéité du support et illusion tridimensionnelle, ambiguïtés du signe plastique oscillant entre autonomie formelle, signifiant arbitraire et figuration, nécessité de renouveler un héritage autochtone sans refuser une dimension cosmopolite et contemporaine. Chacune des œuvres de Wei Ligang témoigne de ce pari réussi, du renouvellement de ces interrogations, même si leur aboutissement n’est pas encore connu, et d’une volonté fascinante de démonstration de la puissance plastique de la calligraphie. Ainsi, une œuvre récente telle que celle issue de la série Peacock fig. 16, parmi de nombreux autres exemples, démontre la manière dont Wei Ligang traduit, dans un langage pictural relativement simple et universel, des questionnements profonds sur la nature de cette pratique. La structure de l’œuvre est issue de la série des Squares : des cercles enchaînés de manière continue sont disposés en colonnes verticales et reproduisent l’agencement usuel des sinogrammes.

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Le choix d’un module circulaire et la manière dont ses répétitions sont imbriquées les unes dans les autres reproduisent la structure d’une écriture cursive dans laquelle le dernier trait d’un caractère se poursuit sans discontinuer dans le premier du caractère suivant. La présence d’un fond vert omniprésent reconduit également le rapport traditionnel du signe scriptural à son support bidimensionnel. Toutefois, l’encre est directement mélangée à de l’acrylique. Chaque trait devient ainsi peinture et se fond dans une composition marquée par de vifs équilibres de couleurs, renforcés par l’opposition entre les complémentaires vertes et rouges, et par un travail sur le plan et l’espace. Si Wei Ligang n’échappera pas au pouvoir de l’histoire de l’art de réduction et de raréfaction a posteriori des formes plastiques légitimes – mais il a de grandes chances d’en sortir grandi –, il semble probable qu’il déjouera en revanche longtemps son goût pour la taxonomie par le foisonnement stylistique et la complexité plastique autant que statutaire de ses productions, mais aussi par la fascination visuelle qu’exercent nombre de ses créations. Telles la roue du paon, celles-ci subjuguent et paralysent un instant l’analyse.

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I Cf. l’ouvrage de Hans Belting, L’histoire de l’art est-elle finie ?, Nîmes, éditions Jacqueline Chambon, 1989, 147 p., ou ceux de Georges Didi-Huberman, dont les positions autant que le style d’écriture dissolvent une partie des outils analytiques traditionnels de la discipline.

II Cf. par exemple les commentaires de Guo Xi 郭熙 (après 1000 - vers 1090) cités in Early Chinese texts on painting, États-Unis, Harvard-Yenching Institute, 1985, p. 179.

III Nathalie Monnet, Chine, l’Empire du trait : calligraphies et dessins du V e au XIX e siècle, [Paris, Bibliothèque nationale de France, 16 mars-20 juin 2004], Paris, Bibliothèque nationale de France, 2004, pp. 17-18.

IV Jean-François Billeter, L’art chinois

de l’écriture : essai sur la calligraphie, Milan, Skira, 2005, p. 237-246.

V La voie du Tao : un autre chemin de l’être, [Paris, Galeries nationales, Grand Palais, 29 mars-5 juillet 2010], Paris, RMN, 2010, cat. 60.1.

VI Cf. les premières lignes du traité de Shitao in Pierre Ryckmans, Traduction et commentaire de Shitao : « Les propos sur la peinture du moine Citrouille-Amère », Paris,Plon, 2007, p. 17. Les comparer à de multiples pages du Daodejing attribué à Laozi, notamment au chapitre XLII.

VII Viviane Alleton, « Les territoires de la langue », in Pierre Gentelle (dir.), Chine, peuples et civilisation, Paris, La Découverte, 2004, pp. 47-52.

VIII Gordon S. Barass, The art of calligraphy in modern China, Londres, The British Museum Press, 2002, p. 245.

IX Hua Rende, « The history and revival of northern Wei Stele-style calligraphy », in Character & Context in Chinese calligraphy [Princeton, Symposium, 27 mars 1999], Princeton, The Trustees of Princeton University, 1999, pp. 104-131.

X Gordon S. Barass, op. cit., p. 246.

XI Louise Boudonnat, Harumi Kushizaki, Au fil du pinceau : la calligraphie japonaise, Paris, éditions du Seuil, 2002, pp. 89-95.

XII Voir notamment Vom Japonismus zu Zen : Paul Klee und der Ferne Osten [Berne, Zentrum Paul Klee, 19 janvier-12 mai 2013], Zürich, Scheidegger & Spiess, 2012, 152 p. : ill.

XIII Ibid., pp. 46-53 et 64-81.

XIV Jean-François Billeter, op. cit., pp. 122-124.

XV Wei Ligang, Wei Zhou junxieku 魏立刚, 魏州军械库 : Chengdu, Sichuan Publishing Group, 2006, pp. 6-9.

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