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GÉOGRAPHIE DES COURS DE RÉCRÉATION À Trappes-en-Yvelines, les élèves de l’école maternelle Michel de Montaigne ont débuté l’année dans une cour de récréation flambant neuve : c’est sur un sol violet, au milieu de toboggans, de marelles et d’espaces verts que les enfants ont fait leur rentrée, ce lundi 3 septembre. Un espace plus coloré, plus aéré, et plus inclusif, qui tranche avec la séparation invisible qui régnait dans l’ancienne cour : les filles d’un côté, les garçons de l’autre, ces derniers s’étant naturellement appropriés le terrain central. Cette initiative de réaménagement a été pensée par Thomas Urdy, maire adjoint de la ville. « Les cours d’école sont souvent conçues de telle façon que le terrain de sport est central. Les garçons sont au milieu, et les filles restent sur les côtés, dans l’espace qu’on leur laisse », explique-t-il. Elles sont en fait à l’image de l’espace public en règle générale : un lieu créé par et pour les hommes. Au fil des rentrées scolaires, Thomas Urdy en a eu marre de reproduire un système de pensée qui n’évoluait pas avec le temps. Alors, aidé d’équipes d’enseignants et de parents, il a lancé un projet de réaménagement des cours d’école en espaces non-genrés afin de redonner aux filles leur place dans l’espace urbain. « On ne va pas supprimer les terrains de foot, parce qu’on ne va tout simplement pas genrer le football, les filles aussi y jouent. En revanche, nous ne le placerons pas au milieu de la cour, et mettrons ainsi un terme à la prédominance masculine au centre », explique-t-il. Mais attention, penser que les filles en sont les seules victimes serait une erreur. Les enfants qui grandissent au milieu des stéréotypes s’en imprègnent et les appliquent au quotidien : de nombreux petits garçons disent avoir peur de se faire ‘‘traiter’’ de fille. La construction de l’identité masculine est en effet toujours ancrée dans le sexisme et l’homophobie. « La récréation, c’est avant tout le moment des enfants. C’est à eux de prendre le pouvoir » indique la géographe Edith Maruéjouls. Et pour prendre le pouvoir, il faut déjà s’approprier son espace… et l’occuper légitimement : « Prendre sa place, ça s’apprend. Si vous ne la prenez pas dès le départ, vous êtes disqualifié » dit-elle. Sur les 36 écoles maternelles et élémentaires que compte la ville, un tiers des cours de récréation a été réaménagé. « Nous nous donnons maintenant deux à trois ans pour transformer l’ensemble des autres cours » explique le maire-adjoint de Trappes. Et peut-être inspirer d’autres communes... D’après Louise Guibert, www. tetu.com , le 4 septembre 2018 3/3 CHAPITRE 2. LES HOMMES ET LES FEMMES SONT-ILS ÉGAUX DANS L’ESPACE PUBLIC ?

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G É O G R A P H I E D E S C O U R S D E R É C R É A T I O N

À Trappes-en-Yvelines, les élèves de l’école maternelle Michel de Montaigne ont débuté l’année dans une cour de récréation flambant neuve : c’est sur un sol violet, au milieu de toboggans, de marelles et d’espaces verts que les enfants ont fait leur rentrée, ce lundi 3 septembre. Un espace plus coloré, plus aéré, et plus inclusif, qui tranche avec la séparation invisible qui régnait dans l’ancienne cour : les filles d’un côté, les garçons de l’autre, ces derniers s’étant naturellement appropriés le terrain central.

Cette initiative de réaménagement a été pensée par Thomas Urdy, maire adjoint de la ville. « Les cours d’école sont souvent conçues de telle façon que le terrain de sport est central. Les garçons sont au milieu, et les filles restent sur les côtés, dans l’espace qu’on leur laisse », explique-t-il. Elles sont en fait à l’image de l’espace public en règle générale : un lieu créé par et pour les hommes.

Au fil des rentrées scolaires, Thomas Urdy en a eu marre de reproduire un système de pensée qui n’évoluait pas avec le temps. Alors, aidé d’équipes d’enseignants et de parents, il a lancé un projet de réaménagement des cours d’école en espaces non-genrés afin de redonner aux filles leur place dans l’espace urbain. « On ne va pas supprimer les terrains de foot, parce qu’on ne va tout simplement pas genrer le football, les filles aussi y jouent. En revanche, nous ne le placerons pas au milieu de la cour, et mettrons ainsi un terme à la prédominance masculine au centre », explique-t-il.

Mais attention, penser que les filles en sont les seules victimes serait une erreur. Les enfants qui grandissent au milieu des stéréotypes s’en imprègnent et les appliquent au quotidien : de nombreux petits garçons disent avoir peur de se faire ‘‘traiter’’ de fille. La construction de l’identité masculine est en effet toujours ancrée dans le sexisme et l’homophobie.

« La récréation, c’est avant tout le moment des enfants. C’est à eux de prendre le pouvoir » indique la géographe Edith Maruéjouls. Et pour prendre le pouvoir, il faut déjà s’approprier son espace… et l’occuper légitimement : « Prendre sa place, ça s’apprend. Si vous ne la prenez pas dès le départ, vous êtes disqualifié » dit-elle.

Sur les 36 écoles maternelles et élémentaires que compte la ville, un tiers des cours de récréation a été réaménagé. « Nous nous donnons maintenant deux à trois ans pour transformer l’ensemble des autres cours » explique le maire-adjoint de Trappes. Et peut-être inspirer d’autres communes...

D’après Louise Guibert, www. tetu.com, le 4 septembre 2018

3/3CHAPITRE 2. LES HOMMES ET LES FEMMES SONT-ILS ÉGAUX DANS L’ESPACE PUBLIC ?