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G OOD BYE LENIN !, film de la nostalgie de la R DA ? Conclusion rapide, si l’on ne retient que les rabâchages d’un vieil homme sur un hier mieux qu’aujourd’hui, l’évo- cation des bons moments par les uns, les diffi- cultés des autres à trouver un emploi. L’essentiel est ailleurs. Prise par hasard à Berlin-Est dans une mani- festation durement réprimée, jetée brutalement à terre, une femme tombe dans un coma profond. Lorsque, un an plus tard, elle reprend connaissance, tout a changé: il n’y a plus de mur, plus de frontière séparant les deux Allemagnes, plus de RDA. Son fils, effrayé par le choc que va subir sa mère, militante communiste ardente (et cependant critique), réussit à convaincre sa sœur de lui cacher la vérité en fabriquant un énorme simulacre. Ce ne sera pas facile. Comme, dans l’ivresse du renouveau, les enfants ont complète- ment transformé l’appartement, il faut retrouver les meubles éliminés et reconstituer la chambre de la mère à qui le médecin interdit désormais de sortir. Il va falloir aussi retrouver les anciens produits, alimentaires et autres, que le commerce ne fournit plus, et, plus difficile encore, réaliser aussi bien de faux journaux télé- visés qu’une fête d’anniversaire avec de faux pionniers. 118 JANVIER 2010 histoire & liberté Good bye Lenin ! de Wolfgang Becker par Charles-Michel Cintrat

Good bye Lenin! - est-et-ouest.frest-et-ouest.fr/revue/HL040_articles/040_118.pdf · Depuis la chute du Mur, les Allemands de l’Est sont entrés dans un ... Musique: Yann Tiersen

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G OOD BYE LENIN !, film de la nostalgie de laRDA ? Conclusion rapide, si l’on neretient que les rabâchages d’un vieil

homme sur un hier mieux qu’aujourd’hui, l’évo-cation des bons moments par les uns, les diffi-cultés des autres à trouver un emploi. L’essentielest ailleurs.

Prise par hasard à Berlin-Est dans une mani-festation durement réprimée, jetée brutalementà terre, une femme tombe dans un comaprofond. Lorsque, un an plus tard, elle reprendconnaissance, tout a changé : il n’y a plus de mur,plus de frontière séparant les deux Allemagnes,plus de RDA. Son fils, effrayé par le choc que vasubir sa mère, militante communiste ardente (etcependant critique), réussit à convaincre sa sœurde lui cacher la vérité en fabriquant un énormesimulacre. Ce ne sera pas facile. Comme, dansl’ivresse du renouveau, les enfants ont complète-ment transformé l’appartement, il faut retrouverles meubles éliminés et reconstituer la chambrede la mère à qui le médecin interdit désormaisde sortir. Il va falloir aussi retrouver les anciensproduits, alimentaires et autres, que lecommerce ne fournit plus, et, plus difficileencore, réaliser aussi bien de faux journaux télé-visés qu’une fête d’anniversaire avec de fauxpionniers.

118 JANVIER 2010

h i s t o i r e & l i b e r t é

Good bye Lenin!

de Wolfgang Becker

par Charles-Michel Cintrat

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N° 40 119

On imagine le caractère cocasse des acrobaties qu’exigent ces situations menson-gères. Pourtant, derrière cette cocasserie, le propos est sérieux. Les fausses informa-tions sont-elles plus mensongères que n’étaient les informations fournies par lerégime défunt? La convalescente croit à ces mensonges. Elle s’étonne même que laTrabant, commandée et payée il y a trois ans, soit déjà livrée. Les choses vont plusloin encore lorsqu’elle révèle à ses enfants qu’elle leur avait menti, que leur père,passé à l’Ouest, ne les avait pas abandonnés comme elle le leur avait fait croire. Enréalité ils devaient tous le rejoindre, mais elle n’avait pu y parvenir. Son militantismeétait donc lui-même un mensonge, destiné à les défendre, elle et ses enfants, en écar-tant tout soupçon de complicité avec un traître à la patrie socialiste. Peut-être s’était-elle prise au jeu? Faisant les gestes de la foi, la foi lui était peut-être venue? Foi en cesocialisme qui apporterait une vie meilleure…

Au moment même où elle va s’éteindre, ses enfants lui font croire à une RDA

ouverte, accueillant des Allemands de l’Ouest à la recherche d’autres idéaux que celuide la consommation. Ambiguïté du film, que la voix off tempère : « C’est l’imaged’un pays qui n’a sans doute jamais existé ». Il est vrai que le film évoque les défautsdu système capitaliste (consommation à-tout-va, tromperie publicitaire, libertédébridée) et les difficultés d’une population qui en a rêvé et y entre de plain-pied,sans cependant s’y être préparée.

Qu’un tel discours puisse être tenu ne signifie-t-il pas que la dictature totalitaire,qui ne saurait admettre qu’un discours unique, celui d’une idéologie légiférante, estbien liquidée? Depuis la chute du Mur, les Allemands de l’Est sont entrés dans unsystème où la liberté n’est pas toujours facile à assumer, mais où des voix discor-dantes ont le droit de se faire entendre.

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Réalisateur : Wolfgang BeckerActeurs : Daniel Brühl, Kathrin Sass, ChulpanKhamatova, Maria Simon, Lukas Florian,Alexander Beyer, Burghart Klaussner, MichaelGwisdek

Scénario : Wolfgang Becker, Bernd LichtenbergMusique : Yann TiersenProduction : Stefan ArndtDurée : 121 minutesSortie en DVD : 22 avril 2004

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