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Goutte et arthrose : un lien pathogénique ?

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Page 1: Goutte et arthrose : un lien pathogénique ?

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Revue du rhumatisme 79 (2012) 493–495

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ditorial

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ots clés :outterthrose

. Introduction

Une association entre la goutte et l’arthrose est reconnue depuisongtemps et a été suggérée pour expliquer la distribution desrticulations touchées par la goutte, en particulier, la prédilectionarquée pour la première articulation métatarso-phalangienne

MTP) [1]. Dans cet éditorial, nous avons examiné les preuvesu’une association existe entre la goutte et l’arthrose et discutonses possibles mécanismes sous-jacents d’une telle association, ceue nous raconte la pathogénie de la goutte et les cristaux d’urateonosodique (MSU) associés aux dommages articulaires et leurs

mplications pour la pratique clinique et les recherches futures.La survenue des crises de goutte et les dépôts tophacés dans les

rticulations qui sont aussi touchées par l’arthrose est une obser-ation clinique bien connue [2]. De grandes études contrôlées ontontré que les articulations qui ont été touchées par la goutte

ont plus susceptibles de présenter des caractéristiques cliniquesu radiographiques de l’arthrose que les articulations qui n’ont pasté le siège de goutte aiguë [3,4]. Cela semble être particulière-ent vrai pour la première articulation MTP, les articulations duédio-pied, du genou et des interphalangiennes distales des doigts.’autres études ont observé directement des dépôts de cristaux deSU dans le cartilage articulaire. La croissance et l’organisation

pitaxiale des cristaux de MSU ont été observées sur des frag-ents de cartilage articulaire [5]. Une étude récente effectuée sur

es talus humains issus de 7855 cadavres adultes a montré qu’ilxistait une forte corrélation entre la localisation des dépôts de cris-aux de MSU, de pyrophosphate de calcium, et les sites de lésionsrthrosiques du cartilage articulaire [6]. Les lésions cartilagineusesendent à être localisées dans les sites de stress biomécanique

omme l’articulation trochléenne avec le tibia ou le péroné ouu site où le talus était opposé aux ostéophytes tibiaux anté-ieurs. Cependant, le dommage cartilagineux ne paraît pas être un

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2012.03.013.� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais la réfé-ence anglaise de Joint Bone Spine avec le doi ci-dessus.

169-8330/$ – see front matter © 2012 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsttp://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2012.07.010

prérequis essentiel pour les dépôts cristallins puisque 8 % des talusavec des dépôts de cristaux n’avaient aucune lésion cartilagineuse.

Les résultats de ces études cliniques, radiographiques et histopa-thologiques suggèrent fortement une association entre les dépôtsde cristaux de MSU et l’arthrose. Cependant, la nature et la direc-tion causale de cette association n’est pas claire, comme les étudesexistantes sont limitées par leur profil transversal et, dans la plu-part des cas, ne différencient pas clairement les arthroses desdommages articulaires associés à l’arthropathie goutteuse chro-nique. Compte tenu de ces importantes mises en garde, l’associationentre goutte et arthrose peut être interprétée de plusieurs facons(Fig. 1). Il est possible que cette association témoigne d’un rap-port entre les pathogénies de la goutte et de l’arthrose généralisée,toutes deux partageant des facteurs de risque communs commele vieillissement et l’obésité (Fig. 1) [7,8]. Dans l’étude transversaled’Ulm sur l’arthrose, des hyperuricémies ont été associées avec unearthrose généralisée chez les personnes subissant une arthroplas-tie de hanche, mais pas pour ceux subissant une arthroplastie dugenou [9]. En revanche, dans une petite étude cas-témoins effec-tuée en médecine générale, l’arthrose nodale généralisée n’était pasplus fréquente chez les personnes atteintes de goutte que chez lestémoins d’âge et de genre correspondant, après ajustement tenantcompte de l’indice de masse corporelle et la prise de diurétiques[10]. Cela ne soutient pas l’association entre l’état pathologiquegoutteux et l’arthrose généralisée, bien que cette étude manquede puissance statistique. Cependant, l’hallux valgus et les dou-leurs chroniques du genou et du gros orteil étaient plus fréquenteschez les patients goutteux, apportant des éléments suggérant quel’association entre les dépôts d’urate et l’arthrose résidait plutôtau niveau des articulations touchées individuellement. Le lien decausalité qui sous-tend cette hypothèse a deux interprétationspossibles : premièrement, les cristaux de MSU se déposent plusfacilement dans le cartilage arthrosique ou, secondement, que ilsconduisent à une altération progressive de l’articulation (Fig. 1). Lapremière théorie est supportée par l’observation que l’associationentre la goutte et les signes cliniques d’arthrose aux sites articu-laires pris individuellement n’est pas affectée par la chronicité de lagoutte [3] : une association plus forte aurait été attendue avec unegoutte de plus longue durée si les dommages articulaires étaientinitiés et progressaient avec les cristaux de MSU. Une étude plusapprofondie a évalué les relations entre les taux d’acide urique dansle liquide synovial et la sévérité et la progression radiographique del’arthrose [11]. Les niveaux d’acide urique dans le liquide synovial

ont été associés à la sévérité des arthroses à l’inclusion, tandis quede hauts niveaux à l’inclusion ne permettent pas de prédire la pro-gression des arthroses. Bien que cette étude se focalise sur les tauxd’acide urique dans le liquide synovial et n’a pas évalué la présence

evier Masson SAS. Tous droits réservés.

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ig. 1. Possibles explications causales pour l’association transversale entre gouttet arthrose.

e cristaux de MSU, la mise en évidence que les taux dans le liquideynovial n’étaient pas prédictifs de la progression de l’arthrose four-it une preuve supplémentaire que l’association entre goutte etrthrose localement au niveau de l’articulation n’est pas due auxommages articulaires induits par les cristaux de MSU. Cepen-ant, plus d’études sont nécessaires pour évaluer ces questionsinsi qu’une possible hypothèse unifiée selon laquelle les cristauxe MSU se déposeraient plus facilement dans le cartilage arthro-ique où ils initieraient ensuite et feraient progresser les dommagesrticulaires (Fig. 1). Cette dernière ressemble à l’hypothèse de laboucle d’amplification » qui a été suggérée pour l’association com-une entre arthrose et les dépôts de cristaux de pyrophosphate de

alcium et de phosphate de calcium basique [12].Nombre de mécanismes peuvent potentiellement expliquer

’apparente prédilection des cristaux de MSU pour les articulationsrthrosiques. La première articulation MTP qui est une articula-ion ciblée à la fois dans la goutte et l’arthrose a recu une attentionarticulière. Simkin a émis l’hypothèse que durant la marche nor-ale la petite surface de la première articulation MTP est exposéedes forces de compression longitudinales dépassant le point totalu corps, aggravé par la déformation de l’hallux valgus [1] qui,ous l’avons montré depuis, est communément associé avec laoutte [10]. Il a été montré que les pressions plantaires sous le grosrteil sont plus élevées chez les patients souffrant d’arthrose de laremière articulation MTP [13]. En revanche, une étude récentetrouvé que les patients souffrant de goutte chronique avaient

es pics de pressions plantaires moins élevés sous l’orteil et unentégrale-temps de pressions du mi-pieds plus élevée en compa-aison avec des témoins d’âge et de sexe correspondant, laquelleelon les auteurs, refléterait une tentative de se décharger de laouleur de la première articulation MTP durant la marche [14].imkin a démontré que la membrane synoviale est plus perméablel’eau qu’à l’urate, postulant qu’un épanchement de synovie se

éveloppe dans la première articulation MTP arthrosique durante jour, puis se résorbe quand l’articulation est au repos durant lauit. L’eau quittant l’articulation plus rapidement que l’urate, celaonduit à une augmentation localisée de la concentration d’uratentra-articulaire et prédispose à la nucléation et la précipitationes cristaux de MSU [1]. Cette théorie pourrait potentiellementxpliquer l’observation clinique selon laquelle les crises de goutteurviennent plus communément la nuit et après un traumatismehysique. Il est probable que l’arthrose résulte de changementsans des facteurs tissulaires, soit une augmentation de facteursromoteurs, soit une réduction de facteurs inhibant la nucléationt la croissance des cristaux, ce qui prédispose aux dépôts de cris-aux d’urate. Des taux augmentés de chondroïtine-4-sulfate et laégradation de complexes protéines-polysaccharides, comme oneut l’observer dans le cartilage arthrosique, vont réduire la solu-ilité de l’urate et renforcer la précipitation et la croissance desristaux [15–17]. Ces observations se rapportent toutes à l’arthrose

ans des sites articulaires locaux prédisposant aux dépôts de cris-aux de MSU. Cependant, des développements récents dans notreompréhension des mécanismes d’induction de l’inflammation

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par les cristaux a fait renaître l’intérêt sur les dommages arti-culaires induits par les cristaux de MSU et l’arthrite goutteusechronique érosive. Les cristaux de MSU stimulent la sécrétiond’interleukine-1� (IL-1�) via l’activation de l’inflammasome desmonocytes [18]. Cela initie une puissante réponse inflammatoire,qui conduit vraisemblablement aux érosions osseuses et aux dom-mages articulaires, mais a aussi été impliqué dans la pathogéniede l’arthrose [19,20]. Des études futures sur les dommages arti-culaires induits par les cristaux de MSU devraient donc faire ladifférence entre arthrose vraie, érosions osseuses et dommage arti-culaire associés l’arthropathie goutteuse chronique.

Bien que la description plus détaillée des relations entre goutteet arthrose renforcera notre compréhension de la pathogénie dela goutte et des dommages articulaires associés, ses implicationssont de plus grande portée avec des bénéfices potentiels pour lessoins cliniques. Compte tenu du succès récent du blocage de l’IL-1�dans le traitement de l’inflammation aigüe induite par des cristauxde MSU [21], il est plausible qu’un traitement similaire puisse pré-venir ou traiter les érosions osseuses et les dommages articulairesinduits par les cristaux de MSU. En outre, la goutte est souvent fai-blement diagnostiquée et traitée, particulièrement en soin primaire[22]. Notre expérience clinique suggère que l’arthrose de la pre-mière articulation MTP peut être diagnostiquée à tort comme unegoutte et que la douleur articulaire chronique de l’arthrose chezdes patients ayant une goutte établie est souvent mal interprétéecomme étant due à la goutte, ce qui conduit à une prise en chargeinappropriée. Une meilleure compréhension des interactions entrela goutte et l’arthrose et leur capacité à influencer le tableau cli-nique permettra d’améliorer le diagnostic et la prise en charge despatients.

En conclusion, il y a des preuves manifestes d’une associationentre goutte et arthrose bien que la nature du lien de causalitésous-jacent à cette association reste encore incertaine. La prépon-dérance des preuves disponibles suggère que la présence d’arthroseaux sites articulaires individuels prédispose aux dépôts locaux decristaux de MSU aux mêmes sites. De nouvelles études prospectivesplus larges qui différencieront clairement les arthroses des arthritesgoutteuses chroniques sont requises pour mieux comprendre lesrelations causales de cette association et les mécanismes sous-jacents, et pour renforcer le diagnostic et le traitement de cetteaffection commune, mais fréquemment mal gérée.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

Remerciements

E.R. est soutenu par un financement du « Arthritis Research UKPrimary Care Centre » (18139). Cette revue correspond en partieà une communication orale donnée dans le cadre du « 3rd Euro-pean Workshop on inflammation and crystal-induced diseases inhumans » qui s’est tenu à Paris, les 8 et 9 mars 2012. E.R. et M.D.sont membres du « European Crystal Network », mis en place aprèsle « 1st European Workshop on inflammation and crystal-induceddiseases in humans », Paris 2010 (Organisateurs : Pr. Frédéric Lioté,université Paris Diderot, Inserm, Paris, France ; Pr. Alexander So,université de Lausanne, CHUV, Suisse).

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Éditorial / Revue du rhu

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Edward Roddy a,∗

Michael Doherty b

a Arthritis Research UK Primary Care Centre, PrimaryCare Sciences, Keele University, Keele, Staffordshire,

ST5 5BG, Royaume-Unib Academic Rheumatology, University of Nottingham,Clinical Sciences Building, Nottingham City Hospital,Hucknall Road, Nottingham, NG5 1PB, Royaume-Uni

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected]

(E. Roddy)

Accepté le 19 juin 2012

Disponible sur Internet le 26 octobre 2012