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G raeme Allwright est né le 7 novembre 1926 à Lyall Bay (Nouvelle-Zélande) et son papa est chef de gare. Alors Graeme voyage, non pas dans les trains que papa fait partir mais parce que celui-ci est muté de temps en temps. Puis la famille se fixe à Wellington, la capitale. Il écoute beaucoup la radio : Frank Sinatra, Bing Crosby et la découverte du jazz. A 15 ans, le jeune Graeme com- mence à faire du théâtre, en amateur, dans les petites troupes paroissiales. Mais il ne sait pas bien quel avenir choisir. Etudiant en lettres, il voudrait bien continuer le théâtre, mais à Londres, car en Nouvelle-Zélande person- ne ne peut gagner sa vie avec ça. Il obtient une bourse pour le fameux Old Vic Theatre de Londres. Cette noble institution est dirigée par un Français, Michel Saint Denis, neveu de Jacques Copeau. Mais, au cours de l’an- née 48-49, Graeme et plusieurs élèves se rebellent contre l’autorité et les injustices de l’institution. Et en 1950, devant les reproches du directeur, il abandonne, dégoûté (provisoirement) du théâtre. Il épouse Catherine Dasté, une camarade de cours et petite fille de Jacques Copeau. Ils ont ensemble trois enfants, dont deux accompagneront plus tard sur scène leur papa chanteur. Bien qu’il parle mal le français, il vient en France où il est machiniste et constructeur de décors à la comédie de Saint-Etienne, dirigée par Jean Dasté, le père de Catheri- ne. Puis, de figurations en petits rôles il redevient comé- dien au fur et à mesure qu’il maîtrise mieux le français. Il y reste peu de temps : il a l’impression qu’en interprétant les autres il n’est pas tout à fait lui-même. Il s’installe dans la maison de Copeau où il devient paysan : il élève des abeilles, cultive le potager, pétrit son pain et, occa- sionnellement, se loue comme ouvrier agricole. Puis le voilà plâtrier à Paris sur le toit du Moulin-Rouge, où il sym- pathise avec l’habitant des lieux, Jacques Prévert. Mais… il rencontre le metteur en scène Jean-Marie Serreau qui lui fait jouer Beckett et Ionesco. Le revoilà dans le théâtre : il revient à la Comédie de Saint-Etienne où il crée une troupe iti- nérante, Les Tréteaux, avec un ami, Jean-Marie Lancelot. Comme ils trou- vent que la pièce qu’ils jouent est trop courte, en premiè- re partie ils présentent un tour de chant. Et comme Lan- celot joue de la guitare, Graeme s’y met aussi. Dans une école pour adolescents en difficulté de la Drôme, ils montent un spectacle musical : Graeme y joue un clown. Il reste quelque temps dans l’école pour y enseigner l’anglais puis devient moniteur dans un hôpital psychiatrique près de Blois. C’est sa dernière activité avant la chanson. Enfin, il s’installe en famille à Saint-Cloud. Encouragé par ses amis, il va auditionner dans les cabarets du Quar- tier Latin avec un copain qui l’accompagne à la guitare. Il chante les vieilles chansons traditionnelles de l’ouest américain ou celles qu’il adapte de John et Alan Lomax ou de Woody Guthrie. Et en 1965, le duo décroche enfin un engagement à la Contrescarpe. Graeme a près de qua- rante ans ! Là, il rencontre Colette Magny, qui lui présen- te Mouloudji. Celui-ci est producteur depuis peu et lui propose d’enregistrer un disque. Graeme n’a même pas douze chansons en français à son répertoire. Alors, le disque est complété par deux chansons en américain (Well Met et Venezuela). Les versions originales sont signées Woody Guthrie, Oscar Brand, John et Alan Lomax, Koulak Sezian Paul. Et toutes sont suivies de la mention : adaptation Graeme Allwright. Il est accompa- gné par deux guitares, un banjo, un violon, une basse et une autoharp. On entendra assez peu les chansons de ce premier disque, pourtant remarquable à bien des points. Le ton est nouveau, les thèmes également, la voix immé- diatement reconnaissable. Mais la place est déjà occupée, avec des thèmes voisins, par Hugues Aufray qui vient "d’éclater". Ce disque vaut tout de même à Graeme de passer en lever de rideau de Barbara. Il plaît à Louis Hazan, PDG de Philips venu là pour écouter la vedette. Il envoie un des directeurs artistiques, André Chapelle, écouter Graeme All- wright. Chapelle lui propose d’enregis- trer. Il faut alors dédommager Mou- loudji avec qui Graeme avait signé pour cinq ans. VINYL n°63 • Mars - Avril 2008 20 Question : Combien pouvez-vous citer de chanteurs Néo-zélandais ? Un ? Moi aussi. Et encore, il ne voulait pas spécialement devenir chanteur. D’ailleurs, avant, il a fait tous les métiers. Avec tout de même une prédilection pour le théâtre, avec lequel il s’est fâché plusieurs fois, pour toujours y revenir... Graeme ALLWRIGHT ... / ...

Graeme ALLWRIGHT - Friendship First · G raeme Allwright est né le 7 novembre 1926 à Lyall Bay (Nouvelle-Zélande) et son papa est chef de gare. Alors Graeme voyage, non pas dans

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Graeme Allwright est né le 7 novembre 1926 à LyallBay (Nouvelle-Zélande) et son papa est chef de gare.

Alors Graeme voyage, non pas dans les trains que papafait partir mais parce que celui-ci est muté de temps entemps. Puis la famille se fixe à Wellington, la capitale. Ilécoute beaucoup la radio : Frank Sinatra, Bing Crosby etla découverte du jazz. A 15 ans, le jeune Graeme com-mence à faire du théâtre, en amateur, dans les petitestroupes paroissiales. Mais il ne sait pas bien quel avenirchoisir. Etudiant en lettres, il voudrait bien continuer lethéâtre, mais à Londres, car en Nouvelle-Zélande person-ne ne peut gagner sa vie avec ça. Il obtient une boursepour le fameux Old Vic Theatre de Londres. Cette nobleinstitution est dirigée par un Français, Michel SaintDenis, neveu de Jacques Copeau. Mais, au cours de l’an-née 48-49, Graeme et plusieurs élèves se rebellent contrel’autorité et les injustices de l’institution. Et en 1950,devant les reproches du directeur, il abandonne, dégoûté(provisoirement) du théâtre. Il épouse Catherine Dasté,une camarade de cours et petite fille de Jacques Copeau.Ils ont ensemble trois enfants, dont deux accompagnerontplus tard sur scène leur papa chanteur.

Bien qu’il parle mal le français, il vient en France où il estmachiniste et constructeur de décors à la comédie deSaint-Etienne, dirigée par Jean Dasté, le père de Catheri-ne. Puis, de figurations en petits rôles il redevient comé-dien au fur et à mesure qu’il maîtrise mieux le français. Ily reste peu de temps : il a l’impression qu’en interprétantles autres il n’est pas tout à fait lui-même. Il s’installedans la maison de Copeau où il devient paysan : il élèvedes abeilles, cultive le potager, pétrit son pain et, occa-sionnellement, se loue comme ouvrieragricole. Puis le voilà plâtrier à Parissur le toit du Moulin-Rouge, où il sym-pathise avec l’habitant des lieux,Jacques Prévert.

Mais… il rencontre le metteur en scèneJean-Marie Serreau qui lui fait jouerBeckett et Ionesco. Le revoilà dans lethéâtre : il revient à la Comédie deSaint-Etienne où il crée une troupe iti-nérante, Les Tréteaux, avec un ami,Jean-Marie Lancelot. Comme ils trou-

vent que la pièce qu’ils jouent est trop courte, en premiè-re partie ils présentent un tour de chant. Et comme Lan-celot joue de la guitare, Graeme s’y met aussi.

Dans une école pour adolescents en difficulté de laDrôme, ils montent un spectacle musical : Graeme y joueun clown. Il reste quelque temps dans l’école pour yenseigner l’anglais puis devient moniteur dans un hôpitalpsychiatrique près de Blois. C’est sa dernière activitéavant la chanson.Enfin, il s’installe en famille à Saint-Cloud. Encouragépar ses amis, il va auditionner dans les cabarets du Quar-tier Latin avec un copain qui l’accompagne à la guitare. Ilchante les vieilles chansons traditionnelles de l’ouestaméricain ou celles qu’il adapte de John et Alan Lomaxou de Woody Guthrie. Et en 1965, le duo décroche enfinun engagement à la Contrescarpe. Graeme a près de qua-rante ans ! Là, il rencontre Colette Magny, qui lui présen-te Mouloudji. Celui-ci est producteur depuis peu et luipropose d’enregistrer un disque. Graeme n’a même pasdouze chansons en français à son répertoire. Alors, ledisque est complété par deux chansons en américain(Well Met et Venezuela). Les versions originales sontsignées Woody Guthrie, Oscar Brand, John et AlanLomax, Koulak Sezian Paul. Et toutes sont suivies de lamention : adaptation Graeme Allwright. Il est accompa-gné par deux guitares, un banjo, un violon, une basse etune autoharp. On entendra assez peu les chansons de cepremier disque, pourtant remarquable à bien des points.Le ton est nouveau, les thèmes également, la voix immé-diatement reconnaissable. Mais la place est déjà occupée,avec des thèmes voisins, par Hugues Aufray qui vient

"d’éclater".

Ce disque vaut tout de même à Graemede passer en lever de rideau de Barbara.Il plaît à Louis Hazan, PDG de Philipsvenu là pour écouter la vedette. Ilenvoie un des directeurs artistiques,André Chapelle, écouter Graeme All-wright. Chapelle lui propose d’enregis-trer. Il faut alors dédommager Mou-loudji avec qui Graeme avait signé pourcinq ans.

VINYL n°63 • Mars - Avril 2008

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Question : Combien pouvez-vous citer de chanteurs Néo-zélandais ? Un ? Moi aussi. Et encore, il ne voulait pas spécialement devenir chanteur.

D’ailleurs, avant, il a fait tous les métiers. Avec tout de même une prédilection pour le théâtre,

avec lequel il s’est fâché plusieurs fois,pour toujours y revenir...

Graeme ALLWRIGHT

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