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Dr Martin Luther LE GRAND CATÉCHISME Traduit et annoté par Frédéric Guillaume Horning (1809-1882), Pasteur à l’Église protestante de Saint -Pierre-le-Jeune de Strasbourg. * ** « Il est de première nécessité que tout chrétien sache le Catéchisme, en sorte que celui qui ne le sait pas, ne peut être réputé chrétien, ni participer aux sacrements, de même qu'un ouvrier ignorant et malhabile dans son métier est rejeté comme n'étant propre à rien. » (Luther, 4 e vol. de ses Œuvres, p. 385.) © CONCORDIA LA VOIX DU CHRIST AUX NATIONS Église luthérienne Synode de France http://www.eglise-lutherienne.org/ Révision et mise en page : novembre 2011 Église luthérienne du Canada http://www.egliselutherienne.org/ http://luthmtl.jimdo.com/

Grand Catechisme

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Catecismo mayor de Martin Lutero en Francés

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Page 1: Grand Catechisme

Dr Martin Luther

LE GRAND CATÉCHISME

Traduit et annoté par Frédéric Guillaume Horning (1809-1882),

Pasteur à l’Église protestante de Saint-Pierre-le-Jeune de Strasbourg.

* **

« Il est de première nécessité que tout chrétien sache le Catéchisme, en sorte que celui

qui ne le sait pas, ne peut être réputé chrétien, ni participer aux sacrements, de même

qu'un ouvrier ignorant et malhabile dans son métier est rejeté comme n'étant propre à

rien. » (Luther, 4e vol. de ses Œuvres, p. 385.)

© CONCORDIA – LA VOIX DU CHRIST AUX NATIONS

Église luthérienne – Synode de France

http://www.eglise-lutherienne.org/

Révision et mise en page : novembre 2011 Église luthérienne du Canada

http://www.egliselutherienne.org/ http://luthmtl.jimdo.com/

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 3

PRÉFACE DES TRADUCTEURS

Il n'existe pas en France, que nous sachions, de traduction du Grand Catéchisme de Luther. Celles qui ont

été faites du Petit Catéchisme, et dont on se sert dans des paroisses de confession d'Augsbourg parlant la

langue française, sont loin de reproduire l'œuvre du réformateur. C'est pour remédier à l'un et à l'autre

inconvénient que nous offrons au public religieux de France, et surtout au public luthérien, la traduction

fidèle des deux Catéchismes.

L'Église évangélique-luthérienne ou de confession d'Augsbourg possède deux grands privilèges: le

premier, c'est d'avoir un livre symbolique unique, des confessions universellement reconnues dans cette

Église et dont les articles de doctrine sont tous consignés presque littéralement dans les claires

déclarations de l'Écriture Sainte; l'autre, c'est un riche choix d'excellents manuels de doctrine qui

reproduisent, en les développant et en les popularisant, ses confessions publiques.

Les deux Catéchismes que nous livrons aujourd'hui à l'étude des hommes sérieux et surtout aux

conducteurs spirituels, réunissent les deux avantages. Ils ont à la fois la valeur de livres confessionnels et

sont des manuels de doctrine tellement exquis qu'ils n'ont pas encore été surpassés, et que les

adversaires mêmes en reconnaissent la supériorité incontestable sur tous les ouvrages de ce genre, au

point qu'ils sont un titre de gloire pour l'Église luthérienne.

La branche alsacienne de cette Église, par sa position topographique, a en outre une grande

tâche religieuse à remplir. C'est celle de faire mieux connaître en France l'Église luthérienne de la

confession d'Augsbourg, allemande d'origine, française par la clarté de son enseignement, mais

universelle d'après la destinée qu'elle se reconnaît en vertu de sa conformité scripturaire.

Or, cette Église doit être jugée, non d'après les productions littéraires de tel de ses enfants,

même lorsqu'il serait fidèle, mais d'après ses confessions publiques, dont il importe par conséquent

d'avoir une traduction complète en France. Ce n'est qu'à cette condition qu'elle pourra prétendre à se

répandre et à devenir indigène en France. On a en effet trop considéré jusqu'ici cette Église comme étant

essentiellement allemande et comme ne pouvant pas facilement s'acclimater ailleurs. C'est la faute de ses

propres enfants et surtout des luthériens de France, qui tantôt ont eux-mêmes dénaturé sa doctrine, et

tantôt ont eu honte de sa fidélité même, si notre Église est restée entachée aux yeux de plus d'un de nos

compatriotes d'un cachet de particularisme, dont pourtant il n'y a pas trace dans ses confessions, et que

tous ses fidèles membres et témoins ont devoir et intérêt à repousser au nom de leur Église.

De nos jours surtout, où l'Église évangélique-luthérienne est parvenue, dans plusieurs contrées

du monde et surtout en Allemagne, à se dégager des étreintes du rationalisme et du faux unionisme: de

nos jours, où il y a aussi en France un commencement de réveil dans le sens de la fidélité confessionnelle

luthérienne, réveil que les fusionistes en France ont tout intérêt à dénaturer et à comprimer, il y a devoir

et devoir impérieux de montrer à la face du ciel ce que les membres fidèles de l'Église luthérienne

perdraient en se laissant enrôler sous les drapeaux de l'unionisme. Rarement l'unionisme, pour arriver à

ses fins, a employé d'autres armes que l'indifférence, la ruse et la violence. De nos jours, il a procédé de

préférence par voie administrative, sans négliger pour cela ses anciens moyens. Il n'a pas craint de fouler

ouvertement les grands principes de sincérité, de vérité et de liberté, en dehors desquels il n'y a plus ni

Église sérieuse, ni religion véritable.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 4

Nous voulons que ceux qui sont pour l'unionisme en France sachent au moins ce qu'ils font, et

que, connaissant la doctrine de l'Église luthérienne par la publication successive de toutes ses confessions,

ils n'aient pas lieu de s'étonner en voyant que tous ne sont pas pressés de les suivre.

Il est toujours bon que les positions se dessinent. S'il y avait place pour une Église unioniste en

France, eh bien! qu'une pareille Église se forme, qu'on jette le voile et qu'on se déclare. Mais qu'alors il y

ait place aussi en France pour une Église luthérienne franchement confessionnelle, continuation légitime

de celle que nous ont léguée nos pères. Qu'on permette à cette Église de vivre de sa foi, de s'organiser et

de pratiquer selon ses confessions.

Telles sont les considérations qui justifient à nos yeux la présente publication. Puisse-t-elle servir

à dessiller les yeux de plusieurs, à faire du bien aux âmes attiédies, à fortifier quelques convictions

ébranlées et concourir ainsi à la gloire du Dieu-Trinité et à l'avancement de son règne par le ministère de

sa vraie Église.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 5

AVANT-PROPOS DE MARTIN LUTHER

Contenant une exhortation sérieuse et sincère, adressée à tous les chrétiens et en

particulier à tous les pasteurs et ministres de Dieu dans le but de les engager, dans

l'intérêt de leur propre salut, à étudier journellement le présent Catéchisme, qui

présente un résumé succinct et sommaire de toute l'Écriture-Sainte.

Nous avons plus d'un motif pour nous occuper de la rédaction et de l'impression du présent Catéchisme,

et pour exhorter tous les pasteurs et ministres de Dieu à en faire une étude sérieuse. Hélas, que de

prédicateurs, en effet, qui sont d'une indolence désolante et qui ne se soucient guère ni de leur ministère,

ni de la saine doctrine! C'est leur grande science qui en a égaré plusieurs; d'autres, paresseux d'esprit, ne

s'occupent guère que de leur bien-être terrestre. Quant à ces derniers, on dirait qu'ils ne sont pasteurs

que pour satisfaire leurs appétits charnels. Continuant à vivre, comme ils étaient habitués sous l'empire

du papisme, ils usent des biens de ce monde el ne font que cela.

Nous ne manquons pas de bons livres qu'ils n'auraient qu'à se procurer et à lire pour avoir un

enseignement complet et facile des différentes matières à traiter, soit en chaire, soit dans les

catéchisations. Anciennement, on honorait de pareils livres, ils portaient différents titres: Sermones per se

loquentes, Dormi secure, Paratos et Thesauros (Des sermons prêchant par eux-mêmes, Dors en confiance,

Provisions et trésors). Mais ils ne sont ni assez pieux ni assez consciencieux pour en faire usage. Manger et

boire, bien vivre, c'est là toute leur ambition. Hélas! les gens de la plus vile condition en feraient tout

autant. Ce ne sont, certes, pas des pasteurs, ni des directeurs d'âmes.

Autrefois, quand on était encore sous la papauté, on était astreint aux heures. Sept fois dans la

journée les ministres de Dieu faisaient une dévotion longue et ennuyeuse devant l'autel. Cet usage

n'existe plus aujourd'hui. Mais les pasteurs dont nous parlons pourraient au moins employer le temps qui

leur a été donné à des études privées, lire dans le Catéchisme, dans le livre de prières, dans le Nouveau

Testament ou dans la Bible, et réciter l'Oraison dominicale, soit pour eux, soit pour leurs paroissiens. De

cette manière, l'Évangile serait honoré, et eux-mêmes témoigneraient de leur reconnaissance d'avoir été

délivrés du joug fastidieux qui pesait sur eux. La prière, s'ils s'y habituaient, leur ferait monter le rouge au

front d'avoir abusé de l'Évangile, au point de n'en retirer qu'une liberté oiseuse, nuisible et honteuse, ne

servant qu'à la chair et digne plutôt de la brute immonde que d'un ministre de Dieu. Le peuple, à qui ils

donnent un si fâcheux exemple, est déjà assez enclin par lui-même, hélas! à mépriser l'Évangile, et c'est à

peine si moyennant la plus grande fidélité l'on arrive à exercer sur lui une influence durable; à plus forte

raison, lorsqu'il voit ses conducteurs spirituels s'adonner à la mollesse et vivre dans l'indolence comme

nous étions habitués sous le papisme. L'homme n'est déjà que trop porté par sa méchante nature à vivre

dans une fausse sécurité et à être de suite saturé des meilleures choses. Cette mauvaise pente de notre

nature fait déjà que plusieurs envisagent notre Catéchisme comme n'ayant, par rapport à la doctrine qu'il

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 6

renferme, qu'une médiocre importance. Ils le lisent une fois et puis ils jettent le livre, comme si c'était une

honte de le relire encore.

L'avarice et l'esprit hautain des classes élevées est une autre cause de désordres. Ils s'imaginent,

puisqu'on peut lire l'Évangile dans les livres, qu'il est inutile d'avoir des pasteurs et des ministres. Et alors,

ils ne se soucient guère des pasteurs. Ils les laissent vivre comme ils veulent, même dans l'immoralité; ou

bien encore, ils les exposent à toutes sortes de besoins, au point qu'ils souffrent la faim. Et nous autres,

nous voyons faire et nous sommes tellement insensés, que nous ne nous en inquiétons guère. Quel

odieux peuple que nous sommes! Certes, nous ne méritons pas mieux.

Et remarquez bien, que je ne prêche pas seulement aux autres. Moi, qui suis un docteur en

théologie et un prédicateur, et qui n'ai pas honte de me croire aussi avancé dans la science et dans

l'expérience que tous ces esprits altiers et téméraires, je fais comme les petits enfants. Le matin et dans

les moments libres de la journée, je récite mot par mot mon Catéchisme: les Dix-Commandements, le

Symbole, l'Oraison, les Psaumes. Je fais encore tous les jours d'autres lectures et d'autres études, et

malgré cela je n'ai pas la fermeté que je désirerais. J'ai beau faire, je reste un petit enfant, un pauvre

catéchumène, et je m'y résigne de grand cœur. Mais voici, mes doucereux et dégoûtants détracteurs se

croient docteurs et premiers docteurs à une première et rapide lecture. Hélas! ils ne font que trahir par

leur manière d'agir le mépris qu'ils ont pour leur ministère et pour les âmes, mépris qui remonte jusqu'à

Dieu et dans lequel ils enveloppent aussi sa Parole. C'est là une rechute complète; de pareils hommes

auraient bien besoin de redevenir de petits enfants et de se remettre à l'alphabet qu'ils croient avoir

dépassé depuis longtemps.

Puissent écouter cet avertissement tous les ministres sensuels et paresseux, tous ceux qui

exaltent leur propre sainteté. Puissent-ils croire qu'ils sont bien loin d'avoir autant de science qu'ils

croient. Et qu'alors ils se remettent à ce Catéchisme, qu'ils en fassent une seconde étude, avec le

sentiment de la profonde ignorance dans laquelle ils se trouvent. Et alors même qu'ils sauraient tout de

leur mieux (ce qu'on ne peut admettre), il y aurait encore pour eux une grande utilité à faire de ce

Catéchisme leur nourriture journalière. La pensée et le langage en retirent un grand fruit, et le Saint-

Esprit, qui est présent à ces exercices avec son efficacité, donne toujours plus de lumière et de

recueillement; on prend toujours plus de goût à ces lectures et on en saisit mieux le contenu, suivant

cette promesse du Seigneur, Matth. 18, 20: Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu

d'eux.

Ajoutons qu'il n'est pas au monde d'arme plus puissante contre le diable, le monde, la chair et les

mauvaises pensées, que de s'occuper de la Parole de Dieu, de s'en entretenir dans ses discours, de la

publier dans ses louanges: « Bien heureux, dit le Psalmiste, est l'homme qui prend plaisir à la Loi de

l'Éternel et qui médite jour et nuit en sa Loi. »

C'est le meilleur encens à brûler contre le diable: c'est aussi la meilleure eau bénite et le meilleur

signe de la croix. Il fuit devant ceux qui s'occupent de la Loi et de la Parole de Dieu, qui la méditent et en

font le sujet de leurs discours et de leurs louanges.

N'aurais-tu, en lisant ces points de la doctrine et en t'en occupant par méditations et discours,

que le seul avantage d'y trouver une arme contre le diable et les mauvaises pensées, ce serait déjà une

raison suffisante pour aimer le Catéchisme. Le diable déteste la Parole de Dieu; elle incommode ses

oreilles; c'est qu'elle n'est pas une vaine et sotte jaserie, comme celte histoire du fameux Thierry de Berne

(le héros des Niebelungen), mais plutôt, comme dit saint Paul aux Romains 1, 26: « une puissance de

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 7

Dieu. » Elle est pour le diable une vraie flétrissure, et pour nous qui croyons, elle est un secours des plus

efficaces et une consolation puissante.

Je n'ajouterai plus rien. Car, si je voulais énumérer tous les avantages que procurent la Parole de

Dieu et tous les fruits qu'elle produit, il me faudrait bien du temps et bien du papier. On attribue au diable

mille artifices. Mais quelles ne doivent pas être les vertus de la Parole de Dieu qui anéantit ces artifices

par sa puissance et sa sagesse? La Parole de Dieu est plus de cent mille fois mille fois plus puissante que

toutes les ruses et artifices du diable; raison plus que suffisante pour nous autres pasteurs et ministres de

Dieu, pour ne pas mépriser légèrement cette Parole qui renferme tant de vertus puissantes et procure des

avantages si grands.

De pareils étourdis mériteraient que non-seulement on leur refusât tout manger, mais qu'on les

pourchassât avec une meute enragée et qu'on les vomît de bouche. Car non-seulement la Parole de Dieu

est pour le chrétien une nourriture aussi nécessaire que le pain quotidien, mais il s'en sert aussi comme

d'une arme éprouvée contre les tentations journalières et les attaques du diable. Enfin, si ces raisons ne

suffisaient pas pour recommander le présent Catéchisme et en prescrire la lecture journalière, l'ordre

formel de Dieu, tel qu'il est contenu Deut. 6, 6, pourrait à lui seul nous montrer notre devoir. D'après ce

commandement: « Soit que nous demeurions en notre maison, soit que nous voyagions, soit que nous

nous couchions ou que nous nous levions, les paroles de l'Éternel doivent être un signe sur nos mains et

comme des frontons entre nos yeux. » Cette prescription si formelle de notre Dieu n'a sans doute pas été

faite inutilement dans la Parole de Dieu; mais parce que l'Éternel connaît nos besoins et qu'il sait nos

périls. Il sait que le diable ne cesse pas de nous tenter et qu'il fait des assauts constants contre nous. C'est

pourquoi il veut nous avertir et nous préserver des dards enflammés de Satan en nous armant de ses

saintes armes; et, en même temps, il nous prépare un remède dont nous pouvons nous servir chaque fois

que nous avons reçu de ses blessures empoisonnées.

Et quel est le motif de ce mépris pour l'étude et la lecture du Catéchisme? Pourquoi ces hommes

enflés de leur propre sainteté n'en veulent-ils pas faire l'objet de leurs méditations journalières?

Hélas! c'est que dans leur opinion ils ont plus de savoir que Dieu et que tous les anges et les

saints, que tous les prophètes, tous les apôtres et tous les chrétiens. Dieu lui-même n'ayant pas honte de

nous donner tous les jours les mêmes enseignements et nous faisant connaître par là même qu'il nous

répète toujours les mêmes choses, qu'il n'a rien de meilleur à nous donner, et qu'il ne sait ni varier ni

abolir ses anciens enseignements, les vrais saints devraient se dire qu'eux aussi, de leur côté, ils n'ont rien

de mieux à faire que d'apprendre toujours les mêmes choses, et que jamais une pareille étude ne doit

être considérée comme achevée.

Quel orgueil que de s'imaginer qu'on sait tout après une première lecture, et qu'on est dispensé

à tout jamais de relire et d'entendre de nouveau, quand on a étudié pendant une heure, alors que Dieu ne

discontinue pas ses enseignements depuis le commencement du monde jusqu'à la fin des siècles, et alors

que les prophètes, les apôtres et tous les saints ont persévéré dans cette étude pendant toute leur vie,

étude qui a eu et aura toujours des disciples. Les Dix-Commandements, si quelqu'un les sait à fond,

donnent déjà à eux seuls l'intelligence de toute l'Écriture, au point de rendre apte à donner des conseils,

des secours et des consolations en toute circonstance et situation de la vie.

L'homme qui en fait une élude approfondie sait juger et apprécier les choses, soit de la vie

spirituelle, soit de la vie matérielle; il est compétent en matière de doctrines, sait discerner les esprits,

démêler le droit. Toutes les classes de la société, le monde entier lui est assujetti. Pour n'en citer qu'un

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exemple. Qu'est-ce que les Psaumes? Sont-ils autres choses qu'une étude et une application faites du

premier commandement? Il est vrai, les esprits paresseux, les hommes sensuels dont je parle, ne

comprennent pas même, malgré tout leur orgueil, un seul psaume, comment s'attendrait-on de leur part

qu'ils connussent toute l'Écriture? Mais voilà, ils méprisent l'étude du Catéchisme, dont ils prétendent

connaître le contenu, et le Catéchisme, qu'est-il autre chose qu'une copie en extraits de toute l'Écriture-

Sainte?

Je répète donc la recommandation que je me sens pressé de faire à tous les pasteurs et ministres

du Saint- Évangile. Qu'ils se gardent de vouloir être trop tôt des docteurs et de s'imaginer tout savoir.

L'étoffe trop mince et trop tendue perd beaucoup à être vue de près. Ces chrétiens feraient donc

bien de s'exercer tous les jours sans se lasser jamais, en se défendant du venin de la fausse assurance et

de l'orgueil spirituel qui nous empêchent de persévérer dans l'étude et la lecture des enseignements de

Dieu. Je ne puis les dispenser de méditer sur de pareils sujets que lorsqu'ils m'assureront que le diable ne

peut plus rien contre eux, et qu'ils ont plus de science que Dieu et tous les saints.

Que s'ils consentent à s'appliquer à cette étude avec tout le zèle dont ils sont capables, je puis

leur promettre, de mon côté, une abondante récolte des fruits les plus divers. Avant tout, Dieu en fera des

hommes à tel point consciencieux, qu'ils finiront par reconnaître et par avouer eux-mêmes que plus ils

étudient et approfondissent le Catéchisme, plus ils sentent l'ignorance dans laquelle ils sont plongés

encore et le besoin d'études et de progrès nouveaux. C'est alors seulement, quand une fois la faim et la

soif spirituelles auront été puissamment excitées en eux, qu'ils goûteront ce Catéchisme qui leur inspire

maintenant tant d'aversion.

Que Dieu leur en fasse la grâce. Amen!

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 9

PRÉFACE

Ce genre de prédication, destiné à l'instruction des enfants et des âmes simples, est et a été de toute

antiquité appelé Catéchisme, c'est-à-dire une instruction pour les enfants, que chaque chrétien doit

nécessairement connaître, de sorte que celui qui est dans l'ignorance sur ce sujet ne peut pas être compté

parmi les chrétiens, ni être admis au Sacrement; de même qu'un ouvrier qui ne connaîtrait pas la pratique

ou les usages de sa profession, serait regardé comme incapable et serait laissé ou mis de côté. C'est

pourquoi il faut exercer et exciter les jeunes gens à apprendre à fond et avec persévérance toutes les

parties du Catéchisme.

Chaque père de famille est tenu en outre d'interroger et d'examiner, au moins une fois la

semaine, ses enfants et ses domestiques sur ce qu'ils ont appris; et, s'ils ne savent pas leur Catéchisme, il

doit les exhorter sérieusement à l'étudier. Car le temps où tout le monde fut dans l'ignorance n'est pas

loin, et il arrive encore de nos jours qu'on rencontre des vieillards et des personnes avancées en âge qui

n'ont jamais rien appris de tout cela et qui n'en savent rien encore, et cependant ils sont baptisés, ils

participent au Sacrement et usent de tous les biens que possèdent les chrétiens! Ne devrait-on pas à bon

droit exiger de ceux qui vont au Sacrement, qu'ils aient une connaissance plus étendue et plus complète

de la doctrine chrétienne que les enfants et les jeunes catéchumènes? bien que, pour le commun du

peuple, nous nous contentions de demander qu'ils connaissent bien les trois parties essentielles qui, de

tout temps, sont demeurées dans la chrétienté, mais qui malheureusement ont été rarement bien

enseignées, et cela jusqu'à ce qu'ils les sachent à fond, tant les jeunes que les vieux, en un mot, tous ceux

qui veulent être appelés et être véritablement des chrétiens.

Ces parties sont les suivantes:

PREMIÈRE PARTIE: Les Dix-commandements De Dieu.

1. Tu n'auras point d'autres dieux devant ma face.

2. Tu ne prendras point le nom de l'Éternel ton Dieu en vain.

3. Tu sanctifieras le jour du repos.

4. Honore ton père et ta mère.

5. Tu ne tueras point.

6. Tu ne commettras point adultère.

7. Tu ne déroberas point.

8. Tu ne diras point de faux témoignage contre ton prochain.

9. Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain.

10. Tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bétail, ni aucune chose qui soit à ton prochain.

DEUXIÈME PARTIE: Les Articles De Notre Foi.

1. Je crois en Dieu le Père, tout-puissant Créateur du ciel et de la terre.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 10

2. Et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit, et est né de la vierge Marie; il a souffert sous Ponce Pilate, il a été crucifié, il est mort, il a été enseveli; il est descendu aux enfers; le troisième jour il est ressuscité des morts; il est monté au ciel; il s'est assis à la droite de Dieu, le Père tout-puissant; il viendra de là pour juger tes vivants et les morts.

3. Je crois au Saint-Esprit, la sainte Église chrétienne, la communion des Saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair et la vie éternelle.

TROISIÈME PARTIE: La Prière Que Christ Nous A Enseignée.

1. Notre Père, qui es aux cieux;

2. Ton nom soit sanctifié;

3. Ton règne vienne;

4. Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel;

5. Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien;

6. Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés;

7. Ne nous induis point en tentation;

8. Mais délivre-nous du mal.

9. Car c'est à Toi qu'appartiennent le règne, ta puissance et la gloire, aux siècles des siècles. Amen.

Telles sont les parties les plus essentielles; il faut les apprendre mot pour mot et habituer les enfants à les

réciter journellement, le matin quand ils se lèvent, dans la journée quand ils se mettent à table, le soir

avant de se coucher, et ne pas leur donner à manger ni à boire avant qu'ils les aient récitées. De même

aussi chaque père de famille doit exiger de ses domestiques qu'ils les apprennent, et ne doit pas les

garder dans sa maison s'ils ne peuvent, ou plutôt, s'ils ne veulent pas les apprendre. Car on ne doit

absolument pas souffrir qu'un homme soit grossier et sauvage au point d'ignorer ces choses, parce que le

contenu de la Bible est renfermé dans ces trois articles d'une manière courte, simple et claire. Les pères

de l'Église ou les apôtres n'importe qui des deux1 ont ainsi rassemblé dans cet abrégé la doctrine, la vie, la

sagesse et la science des chrétiens, tout, en un mot, ce dont un chrétien parle et s'occupe sa vie durant.

Lorsqu'on a bien compris ces trois parties, alors il est nécessaire que l'on sache aussi ce que sont

nos sacrements (que Christ lui-même a institués), savoir: le Baptême et le Sacrement du corps et du sang

de Christ, selon le récit qu'en font saint Matthieu et saint Marc à la fin de leurs évangiles. Ces deux

institutions ont eu lieu lorsque notre Seigneur Jésus-Christ prit congé de ses disciples et qu'il les envoya

prêcher aux peuples.

Du Baptême.

Allez et instruisez les nations, et baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé; mais celui qui ne croira pas, sera condamné

(Matth. 28, 19; Marc 16,16).

1 On ne sait pas au juste qui a rédigé tout d’abord ces parties principales.

Page 10: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 11

Ces paroles de l'Écriture touchant le Baptême suffisent pour une âme simple; de même aussi,

pour le second sacrement, il lui suffit de connaître les paroles de saint Paul:

Du Sacrement De La Cène.

Notre Seigneur Jésus-Christ, la nuit qu'il fut trahi, prit le pain, et, ayant rendu grâces, il

le rompit et le donna à ses disciples, disant: Prenez, mangez, ceci est mon corps qui est

livré pour vous; faites ceci en mémoire de moi. De même aussi, il prit la coupe après

qu'il eut soupé et dit: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est répandu

pour vous, en rémission des péchés; faites ceci, toutes les fois que vous en boirez, en

mémoire de moi (1 Cor. 11, 23-25).

La doctrine chrétienne est donc résumée en cinq parties principales, qu'il faut toujours enseigner au

peuple, et exiger de lui qu'il les répète mot pour mot. Car il ne faut pas s'attendre que la jeunesse

apprenne ces choses et les retienne par la prédication seule.

Une fois que ces parties seront bien apprises, on pourra expliquer quelques psaumes ou

cantiques qui s'y rapportent et qui serviront alors de supplément au Catéchisme, et ainsi la jeunesse sera

amenée à connaître de plus en plus l'Écriture et avancera journellement dans cette connaissance. Mais il

ne suffit pas que la jeunesse sache par cœur et puisse réciter couramment le Catéchisme, il faut aussi

qu'elle entende la prédication, principalement pendant le temps qui est consacré au Catéchisme, afin

qu'elle l'entende expliquer et qu'elle apprenne à comprendre ce que renferme chaque article, de manière

que les enfants puissent répéter ce qu'ils ont entendu, et sachent répondre avec justesse quand on les

interroge; de sorte que la prédication ne demeure pas sans utilité et sans fruits.

C'est à cet effet que nous prêchons souvent sur le Catéchisme, non pas dans un style savant et

difficile à comprendre, mais d'une manière simple et précise, afin que les enfants nous comprennent

facilement, qu'ils en soient pénétrés, et que ce qu'ils ont entendu se grave dans leur mémoire. Pour cette

raison aussi, nous allons prendre l'une après l'autre les parties indiquées plus haut, et nous tâcherons de

les développer clairement et autant que cela est nécessaire.

Page 11: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 12

LE GRAND CATÉCHISME

DE MARTIN LUTHER.

PREMIÈRE PARTIE.

LES DIX-COMMANDEMENTS DE LA LOI DE DIEU.

Le Premier Commandement.

Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face.

§ 1er. N'avoir pas d'autres dieux.

Cette parole dans la bouche de l'Éternel signifie: que l'Éternel seul veut être notre Dieu. Mais que veut

dire cette expression: notre Dieu? Qu'est-ce donc que Dieu? Avoir un Dieu, c'est croire et se confier en ce

Dieu. Dieu est l'Être par excellence, l'auteur de tout don et de toute grâce, à qui nous devons avoir

recours dans tous nos besoins. Dieu toutefois n'est notre Dieu que tout juste autant que nous croyons en

lui et que nous lui donnons notre confiance. Encore faut-il que notre foi soit la vraie foi, notre confiance la

vraie confiance. Autrement, nous n'aurons pas l'Éternel pour Dieu, mais notre Dieu sera une idole. Sans la

vraie foi, point de vrai Dieu. Cette vérité est fondamentale.

Notre cœur trouve des idoles partout; or, quel que soit l'objet de notre affection particulière, si

cet objet nous domine et commande à notre confiance, il devient aussitôt notre Dieu ou, pour mieux dire,

notre idole.

§ 2. Contenu du commandement.

Il y a, comme on voit, un double enseignement dans le premier commandement de l'Éternel. Il nous

enseigne d'abord qu'il y a une foi vraie et une foi fausse, et que la vraie foi est celle du cœur, embrassant

le vrai Dieu et ne s'attachant qu'à lui seul. Il nous enseigne ensuite qu'il y a un vrai Dieu et de faux dieux,

et que le vrai Dieu c'est l'Éternel. « Cher enfant, semble-t-il nous dire, je suis le vrai Dieu, ne cherche ton

salut en aucun autre. Pourquoi irais-tu vers les faux dieux, ne suis-je pas l'Éternel? Tu es pauvre,

malheureux, tu manques des objets même les plus nécessaires; ne crains rien, j'ai la puissance et la

volonté de te secourir; viens vers moi, mais viens avec confiance et donne-moi ton cœur. »

§ 3. Sens et portée du premier commandement.

Ce premier commandement, pour être simple, n'en est pas moins fort peu compris dans le monde; on se

trompe et sur son sens et sur sa portée. Je vais en citer des exemples.

Voyez-vous cet avare. L'Éternel lui a donné un riche patrimoine, il possède des biens en

abondance. Je suis riche, s'écrie-t-il, je n'ai besoin de rien, pas même de Dieu. Il se trompe, car il a encore

son dieu, mais ce dieu c'est Mammon. Il se confie en lui, il lui donne son cœur, il lui élève des autels, des

autels, hélas! à la plus misérable de toutes les idoles.

Page 12: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 13

Remarquez qu'on peut être idolâtre des richesses même en étant pauvre. Voyez-vous ce

malheureux? Il ne peut pas dire: Mon ciel, ce sont des pièces d'or; il ne peut pas, comme l'avare,

considérer ses monceaux amoncelés avec un air arrogant et une folle confiance; car l'Éternel lui a

retranché le nécessaire. Quelle est donc son idole? c'est encore Mammon, Mammon qui seul pourrait le

rendre heureux et l'armer de courage et de confiance. Il se voit pauvre, et il désespère comme si l'Éternel

n'était pas Dieu. Elles sont rares les âmes qui ne se laissent pas vaincre par l'adversité et que la pauvreté

n'entraîne jusqu'aux plaintes les plus injustes et jusqu'aux murmures les plus coupables. Pauvre cœur de

l'homme, tu emportes la soif des richesses presque toujours avec toi dans la tombe!...

Voyez-vous toute cette nuée d'hommes, fiers l'un de sa grandeur, l'autre de sa sagesse, d'autres

de l'amitié, de la faveur d'un grand ou de quelque art particulier par lequel ils se distinguent? Croyez-vous

que l'Éternel soit leur Dieu? Non, ils sont idolâtres, car chacun adore l'objet particulier qu'il affectionne.

Tant que leurs idoles subsistent, ils se montrent fiers, arrogants, audacieux; l'avenir se présente à eux

plein de charmes; ils l'attendent sans inquiétude. Leur arrive-t-il de les perdre, on les voit tristes, abattus,

pusillanimes. Nous avions donc raison de dire que tout objet auquel nous donnons notre cœur devient

pour nous un Dieu et remplace l'Éternel.

Il est un autre genre d'idolâtrie que nous devons.au papisme et dont nous étions tous infectés. La

dent faisait-elle mal à quelqu'un, on le voyait dans la prière avoir recours à saint Apollonie; craignait-il que

sa maison ne devînt la proie des flammes, il allait la confier à la tutelle de saint Laurent. La peste exerçait-

elle ses ravages, on avait hâte de recommander son âme à la divine protection d'un saint Sébastien, d'un

saint Roch. Chaque individu avait son saint qu'il choisissait au gré de son besoin particulier; et ce saint, il

l'implorait dans ses prières et le vénérait comme son Dieu. Le scandale augmentait de jour en jour.

On en a vu d'autres faire alliance même avec le diable et lui adresser leurs horribles

supplications. Des jongleurs se sont emparés de ce honteux trafic; il n'y a pas de désirs coupables qu'ils

n'aient osé exprimer dans le culte qu'ils faisaient à leur infernale idole. Quelqu'un avait-il besoin d'argent

ou d'autres objets pour assouvir ses plus viles passions, voulait-il reconquérir un bien perdu, conserver

une bête tombée malade, on le voyait recourir à Satan.

Pourrait-on nier que tous ces hommes ne soient de vrais idolâtres? Est-ce Dieu en qui ils ont mis

leur confiance? est-ce de lui qu'ils attendent les secours que leur situation réclame? Non, ils n'espèrent

qu'en leur idole.

Ajoutons que ce n'est pas une foi et une confiance à demi qu'exige le premier commandement

de Dieu. L'Éternel veut posséder tout notre cœur; il veut que nous n'ayons recours à aucun autre. C'est à

cette condition seulement qu'il est notre Dieu et que nous pouvons dire que nous l’avons, que nous le

possédons pour Dieu. Tout le monde comprend que l'on ne possède pas l'Éternel comme on possède un

objet palpable et visible. Nous ne pouvons pas le toucher des mains, le porter sur nous, ni l'enfermer dans

un secrétaire comme on ferait pour une médaille. On le possède, quand on le porte dans le cœur, quand

on s'attache à lui par la foi comme au plus précieux de tous les trésors. L'amour pour Dieu commande la

confiance. Celui qui aime Dieu croit et espère en lui. Mais pourquoi l'Éternel veut-il être le souverain

absolu de notre cœur? Parce qu'il sait qu'il est le vrai bien et la vie éternelle et que les grâces qu'il accorde

durent à toujours. Tiens, mon enfant, semble-t-il nous dire dans ce premier commandement: Ce que tu as

cherché jusqu'ici auprès des saints et des idoles, cette confiance que tu as mise en Mammon, tout cela et

bien plus, tu le trouves en moi. Je règne seul dans le monde, à moi seul appartiennent la gloire, la

majesté, la magnificence, seul je puis t'enrichir et te combler de biens.

Page 13: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 14

§ 4. Le vrai croyant et l’idolâtrie.

Avoir de tels sentiments, c'est être un vrai croyant, c'est offrir à Dieu le seul culte qui lui soit agréable,

c'est se conformer à un commandement qu'il nous prescrit, sous la sanction de sa colère éternelle. Que ce

soit là notre culte à nous membres de l'Église de Christ. Ayons l'Éternel pour Dieu et pour souverain bien;

donnons-lui notre cœur, et que rien sur la terre n'ébranle jamais la confiance qu'en notre qualité de

chrétiens nous ne devons mettre qu'en Dieu. Car, hélas! elles sont bien vaines les idoles du monde; on n'a

qu'à les considérer pour s'en convaincre. Voyez, par exemple, les faux dieux que se sont donnés les

pauvres païens qui, n'ayant pas voulu vivre absolument sans dieu et ignorant le vrai Dieu, se sont complu

à adorer chacun le dieu qui convenait le mieux à sa passion particulière. Ceux qui avaient soif du pouvoir

et de la grandeur choisissaient pour dieu l'immoral et impuissant Jupiter; d'autres qui convoitaient les

richesses, la force brutale, les jouissances de la chair, les plaisirs, prenaient pour patrons et pour dieux

tutélaires, Hercule, Mercure, Vénus, dont les odieuses turpitudes sont connues; les femmes enceintes

sacrifiaient à Diane ou à Lucine. On le voit, c'était toujours le sentiment prédominant du cœur qui dirigeait

les pauvres idolâtres dans le choix qu'ils faisaient de leurs dieux; de sorte que même, d'après les notions si

imparfaites des nations païennes: Avoir telle divinité pour dieu signifiait qu'il fallait se confier en elle et lui

donner son cœur. Triste confiance, il est vrai, et triste culte aussi qu'on offrait à ces faux dieux; mais,

quelque vaines qu'aient été ces idoles, elles n'en étaient pas moins vénérées par ceux qui les avaient

choisies, parce qu'elles s'accordaient avec les penchants secrets de leur cœur. Remarquons donc que la

vraie idolâtrie ne consiste pas autant dans l'image même ou la statue qu'on peut élever en l'honneur

d'une créature quelconque, que dans la foi et la confiance que cette statue ou cette image inspire au

cœur. Si vos vœux, vos prières, votre adoration, s'adressent à un autre qu'au Dieu-Éternel; si vous

attribuez les biens que vous possédez à l'intercession d'une créature quelconque, fût-elle un saint ou un

diable; si vous doutez, de quelque manière que ce soit, de la bonté de Dieu à votre égard, et que vous

vous imaginez qu'il existe des êtres plus miséricordieux que Dieu et plus prompts à vous exaucer, vous

êtes idolâtres, peut-être sans vous en douter; votre culte particulier est une idolâtrie.

§ 5. La propre justice est une idolâtrie.

Cela me conduit à vous signaler un genre de dévotion qui n'est pas moins erronée, ni moins funeste dans

ses conséquences que les pratiques idolâtres dont nous venons de vous entretenir. Je veux parler des

œuvres de la propre justice auxquelles nous étions autrefois tous assujettis et qui tiennent encore tant de

pauvres âmes captives dans les filets de Satan. Tout l'ordre sacerdotal de l'Église papale est fondé sur

cette malheureuse justification par les œuvres. Une conscience timorée cherche-t-elle des consolations,

des secours spirituels, le salut: on lui impose le joug des œuvres; on lui fait croire qu'elle peut forcer

l'Éternel à la recevoir dans le ciel; on la réduit à compter combien de fois elle a jeûné, prié, assisté à la

messe, combien d'institutions charitables elle a soutenues ou créées; et la pauvre âme que vous avez ainsi

induite en erreur, se fie en ces œuvres; elle en fait un ancre de salut, une échelle pour escalader le ciel; la

grâce de l'Éternel lui devient aussitôt inutile; elle ne la recherche plus; elle veut tout gagner, tout mériter

par elle-même ou par le moyen de ces soi-disant œuvres surérogatoires qu'elle puise clans le prétendu

trésor de l'Église. Voilà où conduit cette coupable idolâtrie. On le voit, avec cette infernale doctrine, nous

cessons d'être les débiteurs de Dieu, c'est Dieu au contraire qui devient le nôtre; il est rabaissé au rang

d'administrateur ou d'économe; nous, au contraire, nous devenons les maîtres et des maîtres d'autant

plus orgueilleux que nous nous imaginons que rien au monde, que Dieu même ne peut pas nous

empêcher de gagner notre salut! Un pareil culte est, je le répète, une idolâtrie, et même une idolâtrie plus

Page 14: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 15

dangereuse que toute autre, puisque, Dieu étant rabaissé au rang d'une idole que nous nous imaginons

manier à notre gré, ou plutôt nous-mêmes, nous mettant à la place de Dieu, nous prononçons sur notre

propre salut.

Toutefois, ce sujet devenant un peu trop difficile pour des enfants dans la foi, je l'abandonne

pour en traiter un autre.

§ 6. Dieu est seul le vrai bien.

Ce que nous venons de dire doit vous montrer combien il est nécessaire que le premier commandement

de la loi de Dieu soit bien compris et bien observé. Espérez tout de la gratuité de Dieu, n'attendez rien de

vous-même. Dieu est seul l'auteur de tout don parfait et de toute grâce excellente, seul aussi il peut nous

rassasier de vrais biens. C'est lui qui nous a donné la vie, c'est lui qui la soutient et la conserve. Il subvient

à tous nos besoins, il nous protège au moment du danger, il nous console dans l'épreuve et nous donne sa

paix lorsque celle du monde vient à nous manquer. Le manger, le boire, les vêtements, toutes les choses

nécessaires à la santé du corps et à celle de l'âme viennent de lui. Le présent, l'avenir, tout est un don de

sa grâce, et toutes ces choses il nous les accorde, si nous avons une pleine confiance en lui. Dans la

faiblesse, il est notre force; dans les périls, notre soutien; toute notre délivrance vient de lui.

§ 7. Les hommes ne sont que les instruments de Dieu.

Il est vrai, nous recevons aussi des bienfaits par la main des hommes; mais les hommes, de qui tiennent-ils

les secours qu'ils nous accordent? N'est-ce pas de Dieu? n'est-ce pas sur son ordre et par ses mystérieuses

dispensations qu'ils nous les distribuent? Nos parents, nos supérieurs, nos magistrats, tous ceux en

général qui nous font quelque bien, ne devons-nous pas les considérer comme les instruments et les

dispensateurs de Dieu, qui nous bénit par leur moyen? Ce que les outils sont à l'ouvrier, les matériaux aux

maçons; ce que les membres sont au corps et le corps à l'âme, les hommes, en tant que bienfaiteurs, le

sont relativement à Dieu. L'Éternel s'en sert comme de canaux de grâces; il leur donne la volonté et les

moyens de nous faire du bien. Il donne à la mère du lait pour alimenter le jeune nourrisson, au père du

travail et assez de tendresse pour se dévouer à l'existence de sa femme et de ses enfants. C'est là l'ordre

de Dieu, ordre qui devrait nous être tellement cher et sacré que nous ne devrions jamais ni recevoir ni

distribuer aucun bien, sans nous être demandé si ce que nous allons faire est conforme à la volonté de

Dieu. Êtes-vous riche, souvenez-vous que c'est à la grâce de Dieu que vous le devez, et que la volonté de

Dieu est que vous donniez de votre superflu aux pauvres. Êtes-vous pauvre, souvenez-vous que vous ne

devez rien prendre, rien accepter que par les moyens approuvés de Dieu. Autrement, ce ne serait plus

Dieu qui serait le dispensateur, ce serait vous-mêmes, et vous seriez encore des idolâtres.

§ 8. Chacun doit sonder son cœur pour savoir si l'Éternel est son Dieu.

Telle étant l'étendue et la haute portée du commandement de Dieu, il importait de le méditer avec une

sérieuse attention. Que chacun maintenant se replie sur lui-même et qu'il sonde son cœur pour savoir si

l'Éternel est en toute vérité son Dieu et s'il n'est point idolâtre. L'insouciance est inexcusable lorsqu'il

s'agit d'un commandement de Dieu; l'illusion est dangereuse et devient aisément mortelle. Soyons vrais

dans notre examen, et répondons chacun devant Dieu et la main sur la conscience à cette sérieuse

question qui résume en quelque sorte ce que nous avons dit sur le premier commandement: Mon cœur

est-il à Dieu? ai-je l'Éternel pour soutien, pour Père et pour Sauveur? est-ce à lui que je m'adresse dans les

bons et dans les mauvais jours? N'ai-je d'amour pour aucun autre? suis-je prêt à tout abandonner pour le

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 16

suivre, à renoncer à tout pour lui complaire? Ou bien me voit-on chancelant, incertain, plus confiant dans

les créatures que dans le Créateur? Suis-je lent à réclamer son secours, prompt à le fuir, lorsque je crois

n'avoir besoin de rien, plus soucieux d'obtenir la faveur et la bienveillance des hommes que celle de Dieu?

Dans le premier cas, je suis serviteur de l'Éternel; dans l'autre, je suis un pauvre idolâtre.

§ 9. La sanction pénale de la loi de Dieu.

Mais, afin que personne ne se méprenne sur le degré de sainteté dont est environnée la loi de l'Éternel,

l'Éternel a eu lui-même soin de la sanctionner par des promesses et par des menaces. Sa bénédiction sera

sur ceux qui s'y conforment; sa malédiction sur ceux qui la négligent ou la rejettent.

« Je suis l'Éternel ton Dieu, s'écrie-t-il, le Dieu fort et jaloux, qui punis l'iniquité des pères jusqu'à

la troisième et quatrième génération et qui fais miséricorde jusqu'à mille générations à ceux qui m'aiment

et qui gardent mes commandements. »

Ces paroles, il est vrai, se rapportent à tous les commandements de Dieu; c'est la sanction pénale

de la loi tout entière, et néanmoins nous les plaçons après le premier commandement, parce que ce

commandement est le plus grand et qu'il y a tout à croire que ceux qui s'y conforment sincèrement ne

trouveront guère de difficulté à se conformer aussi aux autres prescriptions du Décalogue.

Mais examinons de plus près le contenu de ces remarquables paroles.

Elles veulent dire que la colère de Dieu est sur tous ceux qui le négligent ou le renient pour

s'attacher à une créature quelconque, et qu'au contraire il y a bénédiction abondante pour quiconque

l'adore avec confiance et l'aime en lui donnant son cœur. Et, pour que l'on sache bien que l'impie se

trompe étrangement en persévérant à vivre dans sa fausse assurance et en se faisant illusion que les

jugements de Dieu ne l'atteindront pas, l'Éternel a expressément étendu les effets de sa colère jusqu'à la

quatrième génération, comme il a promis de bénir jusque dans la millième génération ceux qui l'aiment et

qui gardent ses commandements, malgré les quelques maux passagers et terrestres que leur fidélité

même leur attire souvent.

Qu'on se garde bien de mépriser un Dieu qui a prédit d'une manière si solennelle qu'il ne

laisserait pas impunies les violations de sa loi, et que les châtiments, pour être tardifs, n'en seront que

plus sensibles et plus sévères. Aussi est-ce bien là ce que nous voyons constamment dans les récits de

l'Écriture-Sainte, comme dans l'histoire du monde en général; chacun, du reste, a pu faire sous ce rapport

ses propres expériences. L'idolâtrie, sous quelque forme qu'elle se présente, chez les païens comme chez

les juifs, comme chez nous dans le sein de l'Église chrétienne, a toujours été un objet de haine pour

l'Éternel, et il est constamment intervenu pour l'anéantir. Laissez-les donc se reposer sur leurs trésors

amoncelés, laissez-les braver l'Éternel et le couvrir d'insultes, ces orgueilleux insensés qui nient Dieu et se

moquent de tout pour ne servir que leur ventre; le jour viendra où l'abîme s'ouvrira pour les engloutir eux

et leurs idoles; alors ils s'apercevront, mais trop tard, qu'on ne méprise pas impunément l'Éternel. Leur

ruine sera subite, de sorte qu'ils n'auront pas même le temps de songer à se garantir.

§ 10. Les jugements de Dieu, pour n'être pas toujours prompts, n'en sont pas

moins certains.

Elle n'est pas moins déplorable la folie de ceux qui, voyant l'Éternel retarder le jour de la justice, s'en

rassurent en pensant qu'il ignore leur impiété, ou qu'il ne s'en irrite même pas et la tolérera toujours.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 17

C'est ce monstrueux endurcissement des hommes qui force l'Éternel d'aiguiser souvent ses dards et de

punir sur les enfants mêmes l'iniquité des pères, afin qu'on le craigne et qu'on se convainque que ses

jugements, pour n'être pas toujours prompts, n'en sont pas moins certains, et que l'amendement et le

retour à l'obéissance sont les seuls moyens de s'en préserver; que l'obstination, au contraire, ne fait que

les concentrer davantage. Il est surtout des évêques et des princes qui, dans les temps actuels, auraient

besoin de se pénétrer de cette vérité. On leur prêche l'Évangile, et ils refusent de l'entendre; on les châtie,

et rudement souvent; on les exhorte avant que les jugements arrivent, et ils ne font que s'obstiner

davantage. Que voulez-vous faire de plus pour ces insensés? Ne dirait-on pas que leurs dédains et leur

opiniâtreté viennent de ce qu'ils espèrent ainsi mieux mériter les vengeances divines? Oh! attendez

seulement, ces vengeances viendront; mais elles seront terribles; car l'Éternel a prononcé la sentence

contre ceux qui le haïssent.

Combien sont consolantes, d'un autre côté, les promesses que Dieu, dans sa miséricorde, fait à

ceux qui marchent dans ses statuts et dans ses ordonnances. Il veut les combler de grâces; les

bénédictions sont pour eux et pour leur génération jusqu'à la millième lignée. Un Dieu si puissant, un Dieu

qui accorde de si grands biens pour le temps et pour l'éternité, et qui emploie tant de moyens efficaces

pour nous les faire accepter, ne devrait-il pas se recommander à la confiance de chacun, et comment

peut-il se trouver des hommes assez durs et assez dépourvus de sens pour renier Dieu et pour aller servir

de pauvres idoles?

Mais, prenez-y garde, le commandement que je viens de vous expliquer n'est pas de l'invention

de quelque homme, il vient de Dieu; chaque fois que vous l'aurez entendu, il sera suivi d'efficacité; il vous

sera, si vous vous y conformez, en bénédiction de vie et en salut; si, au contraire, vous le méprisez, il se

tournera contre vous et vous frappera de malédictions.

Et pourquoi, cher lecteur, ne te soumettrais-tu pas aux commandements de ton Dieu? Ne

devrais-tu pas être satisfait de savoir de sa bouche même qu'il veut te bénir et te garantir contre tous les

périls qui menacent ta vie, si tu veux te laisser enrôler dans sa sainte milice et te vouer au service qu'il te

commande? Pourquoi donc être si tiède et si récalcitrant? Oh! ton opposition vient sûrement de ce que tu

ne crois pas. La parole de vérité est à tes yeux une parole fabuleuse et incertaine, tu recules devant le

renoncement auquel sont obligés de se soumettre ceux qui fuient le service du monde et du diable;

l'argent, la faveur, les dignités, les hommes, la vie de ton misérable corps, te sont mille fois plus chers que

le ciel et Dieu. N'est-ce pas là le secret des obstacles que rencontre chez toi l'œuvre de Dieu? Eh bien,

continue, comme tu as fait, à te passionner pour la vie factice du monde, continue à rechercher la terre,

ses vanités et ses joies éphémères; continue, puisque c'est ton goût, ta joie, ton bonheur! Mais rappelle-

toi que la Parole de l'Éternel qui ne se trompe ni ne trompe te dit: « Ton pied se promène parmi ce qui n'a

que de l'apparence, et, de toutes les vanités qui t'entourent, il ne te restera rien qu'une âme vide, prête à

comparaître devant le jugement de Dieu. »

§ 11. Folie de l'homme mondain.

Et n'as-tu pas tous les jours ces tristes réalités devant les yeux. Regarde autour de toi. Voici un homme qui

s'est agité beaucoup, qui s'est donné beaucoup de peine pour amasser des trésors. Que sont devenues

ses richesses? qu'a-t-il obtenu par ses peines, ses angoisses? Et lui-même où est-il? Il est mort! — Et ses

peines? N'ont rien produit! — Et ses richesses? Hélas, elles ont été dilapidées aussi vite qu'il les avait

amassées avec lenteur! — Et où sont-elles? Quelque ingrat héritier les possède, et cet héritier dépense

dans les plaisirs le fruit de ses veilles et de ses sueurs. Il ménageait le sou, il se privait même du

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nécessaire, et l'héritier qu'il a laissé après lui a été le premier à rire aux dépens de ce père idolâtre de ses

trésors. Bientôt il ne restera plus de cette fortune dépensée en vaines prodigalités et en odieuses

jouissances, qu'une honteuse pauvreté et une mémoire flétrie, et cette honte, cette mémoire flétrie, est-

ce le fils prodigue ou le père avare qui en est le premier auteur?

Interrogez l'Écriture-Sainte, lisez l'histoire, demandez à nos vieillards et aux gens qui ont acquis

quelque expérience, et vous verrez combien il arrive souvent que les suites des funestes égarements des

pères ne se font sentir que dans les générations postérieures. Saül, l'élu de Dieu, quand il eut commencé à

devenir idolâtre de son titre de roi et de sa grandeur, au point de renier l'Éternel; fut abandonné par lui,

tomba et entraîna dans sa ruine sa couronne, sa gloire, ses richesses et sa postérité tout entière.

Rapprochez de cet exemple de malédiction les bénédictions dont l'Éternel combla David, le pauvre et

chétif joueur de flûte, qui fui longtemps persécuté par Saül, auquel il succéda comme roi, et vous verrez

combien les paroles de l'Éternel sont infaillibles et combien il est vrai que c'est une folie de ne pas le

craindre et une folie de ne pas se confier en lui.

Ne nous lassons donc pas de nous rappeler ce premier commandement de Dieu, et, nous

détachant de l'idolâtrie, sous quelque forme qu'elle se présente, faisons en sorte de n'être attachés qu'à

Dieu.

§ 12. Usage légitime des biens terrestres.

Cela veut-il dire que nous ne devions faire aucun usage des biens terrestres que l'Éternel nous accorde?

Non, ce serait méconnaître ses bienfaits et supposer que ses grâces puissent jamais nous être nuisibles.

Servons-nous-en, puisque Dieu nous les a donnés, mais sans y attacher notre cœur. Je compare les biens

terrestres aux outils dont se sert l'ouvrier pour confectionner son ouvrage, ou bien encore au gîte et aux

provisions du voyageur qui est obligé de faire son repas et de se délasser pour continuer sa route. Ni l’un

ni l'autre ne seraient assez insensés pour confondre le but qu'ils se proposent avec les moyens qui doivent

les y conduire. De même, le chrétien emploiera les biens de la terre comme un moyen en vue du but

principal de son existence, qui est de servir Dieu et d'être un instrument docile à ses saintes volontés.

Nous nous sommes étendus sur ce premier commandement, parce qu'il est le fondement de tous

les autres. La foi et l'amour produisent l'obéissance. Il n'y a que les cœurs qui se confient en Dieu qui

puissent aussi se soumettre à ses ordonnances.

Le Deuxième Commandement.

Tu ne prendras pas le nom de l'Éternel en vain.

§ 1er. Objet de ce commandement.

Le premier commandement, comme nous avons pu voir, s'adresse essentiellement au cœur et a pour but

spécial d'y déposer les fondements de la foi. En voici un autre par lequel l'Éternel se propose de discipliner

notre langue et de donner une grande sainteté à nos discours. Les discours, personne ne l'ignore, sont

l'expression habituelle des sentiments du cœur; tel qu'est le cœur, tels aussi sont les discours, et l'on

comprend que ce deuxième commandement ait dû être la suite naturelle de l'autre. Appliquons-nous à

l'expliquer avec la docile simplicité qu'exige un sujet si grave et si solennel; c'est d'ailleurs ce que nous

ferons pour chacun des commandements de Dieu.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 19

§ 2. Profanation du saint nom de Dieu.

Si l'on me demande ce que c'est que de profaner ou de prendre en vain le nom de l'Éternel, ma réponse

est celle-ci: On profane le nom de l'Éternel chaque fois qu'on prononce ce nom sacré pour tromper ou

pour mentir. C'est ce que font ceux qui, dans les tribunaux ou dans les affaires ordinaires de la vie,

prennent Dieu à témoin de leurs discours, alors qu'ils savent ou devraient savoir que le témoignage de

leur conscience ne répond pas à celui de leur bouche, mais que leurs assertions sont fausses et pleines de

mensonge. Un pareil abus de la sainteté de Dieu est on ne peut plus coupable, c'est une violation odieuse

du deuxième commandement.

Énumérer les divers cas où il y a profanation du nom de Dieu, c'est chose impossible; chacun fera

lui-même aisément l'application du principe que nous venons de poser. Dans les disputes qui ont lieu

parmi les gens du monde touchant la fortune, l'honneur et d'autres intérêts, les parjures et les

profanations abondent. On en voit sur la place publique, comme dans les tribunaux, comme au sein des

familles. Là, fréquemment les hommes en appellent au nom de l'Éternel, engagent leur vie, leur foi et

jusqu'au salut de leur âme, pour accréditer un mensonge et pour tromper. Mais nulle part peut-être

l'abus n'est plus ordinaire que dans les promesses relatives à la foi conjugale, si rarement observée chez le

commun des hommes, ou bien encore dans les choses spirituelles, dans les intérêts sacrés de la

conscience, où des prophètes de mensonge abusent de la manière la plus grave de la sainteté de Dieu en

couvrant de son égide les fausses doctrines qu'ils annoncent du haut de la chaire de vérité. Cela s'appelle

se parer d'un ornement qui ne vous appartient pas et qu'on ne fait que salir, soit qu'on s'en serve dans les

querelles du monde, soit qu'on l'emploie dans les intérêts plus sérieux et plus élevés de la foi et de la

doctrine. Ajoutons à ces odieuses profanations du nom de Dieu les blasphèmes et les moqueries des

impies, qui nient par méchanceté la vérité de Dieu et appellent sa Parole une invention de Satan.

Mentir à ses semblables et les tromper est déjà en soi-même un péché bien grave, mais combien

la culpabilité de ceux qui le commettent n'est-elle pas augmentée lorsque, pour s'en disculper ou pour

donner le change, ils invoquent le nom de l'Éternel et s'en couvrent artificieusement et de manière à faire

tomber sur le Dieu saint la honte de leur conduite? Or, c'est là la véritable portée de ce deuxième

commandement.

Nous n'exagérons pas, mais nous demandons à tout lecteur impartial, si une pareille violation du

saint nom de Dieu n'est pas le péché le plus grave qu'on puisse commettre extérieurement.

§ 3. Menace particulière contre les profanateurs.

Et n'est-ce pas par la gravité de l'offense que nous nous expliquons cette parole si sérieuse et si

menaçante que l'Éternel a jugé nécessaire d'ajouter comme avertissement à ce deuxième

commandement: « L'Éternel, est-il dit, ne tiendra pas pour innocent (pour exempt de peine) celui qui aura

pris son nom en vain. L'incrédule, l'idolâtre, nous l'avons vu tout à l'heure, seront sévèrement punis de

Dieu, et de même aussi ceux qui profanent son nom et qui s'en couvrent pour tromper les autres. Ce

péché, comme l'autre, crie vengeance, et malheureusement les deux péchés se rencontrent fréquemment

dans le monde.

On trouve autant d'hommes qui par méchanceté, prennent en vain le nom du Dieu saint, qu'on

en trouve qui lui refusent la foi du cœur. Il y a de quoi rougir d'un penchant si universel parmi les

hommes. Quels efforts ne font-ils pas constamment de leur langue pour s'excuser, se blanchir, pour

paraître innocents, pour faire ignorer leurs fautes, alors même qu'ils ont commis les actes les plus

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répréhensibles. Le courage du crime est une des vertus les plus rares dans le monde, triste vertu, il est

vrai, mais qui en devient une par l'excès contraire.

Agir en secret, cacher ses fautes, se vanter alors qu'il faudrait s'accuser, c'est là un vice dont nous

sommes tous plus ou moins entachés. La malice, la fourberie, couvrent l'humanité comme un déluge;

mais on ne veut pas que cela paraisse. De là vient que fréquemment on voit les uns et les autres se servir

du nom de Dieu pour mieux donner le change. On aime, à défaut de probité, donner à ses œuvres et à ses

paroles au moins une teinte de probité qu'elles sont souvent bien loin d'avoir. C'est bien à ce penchant à

la dissimulation qu'il faut tout particulièrement attribuer les nombreuses calamités de notre condition

actuelle. Les guerres, les famines, les inondations, la peste, l'incendie, les désordres de la famille, parmi

les époux et parmi les enfants, chez les maîtres comme chez les domestiques, viennent en grande partie

de ce péché-là. Et certes, si l'Éternel voulait nous traiter comme nous le méritons, depuis longtemps la

terre ne nous porterait plus, tant notre culpabilité est grande et notre conduite odieuse. C'est surtout à la

jeunesse qu'il importe d'inculquer de bonne heure le respect dû au deuxième commandement comme, du

reste, à tous les autres; car c'est à cet âge que les habitudes de désobéissance sont contractées. Pères, ne

ménagez pas la verge, si votre enfant se montre rebelle aux ordonnances de Dieu; dès son jeune âge,

donnez-lui, par vos exhortations comme par vos châtiments, une crainte salutaire du saint nom de

l'Éternel, pour qu'il marche droit devant lui et prenne en horreur toute violation de la loi. En résumé, le

deuxième commandement défend toutes les profanations du saint nom de l'Éternel, le mensonge, la

dissimulation, les jurements, les jongleries; en un mot, tout usage qu'on pourrait faire du nom de Dieu

dans un but irréligieux quelconque.

§ 4. De la sanctification du nom de Dieu.

Non seulement Dieu défend la profanation de son nom, mais il veut encore que son nom soit sanctifié.

Évidemment il y a, à côté de la défense, une partie positive dans ce commandement. A côté de l'abus se

trouve aussi l'usage. Autrement, pourquoi Dieu nous aurait-il révélé son saint nom, si ce nom ne devait

pas nous servir et si nous n'avions pas à en faire un légitime usage. Or, l'abus même nous fait connaître le

vrai emploi que nous devons faire du nom de notre Dieu. Dieu ne veut pas que nous nous en servions

pour le mal et pour couvrir le mensonge, et nous en concluons que nous devons nous en servir pour le

bien et pour défendre la vérité. Le serment fait avec vérité, lorsque le besoin l'exige et que nous sommes

provoqués à le faire, est conforme à l'ordre de Dieu. De même, nous sanctifions le nom de Dieu en

rendant hommage à la vérité et en enseignant selon la vérité. Invoquer Dieu dans les besoins réels de la

vie, lui rendre grâce et le bénir en prononçant son saint nom, tout cela n'est pas contraire à la loi. Elle

commande, au contraire, ces choses, comme on le voit au Psaume 50, v. 15, où il est dit: « Invoque-moi au

jour de la détresse, je t'en délivrerai, et tu me glorifieras. C'est ainsi que, dans toutes les circonstances,

nous devons faire un saint et légitime usage du nom de Dieu, ou, en d'autres termes, nous devons le

sanctifier, comme le fait l'Oraison.

Il y a des gens qui s'appuient sur les paroles de l'Évangile (St Matth. 5, 33, 34) où le Seigneur nous

dit: « Ne jurez point, » pour défendre le serment, et qui se scandalisent de ce que Christ (St Jean 14, 12;

16, 20, 23), saint Paul (2 Cor. 1, 23) et des chrétiens sincères aient prêté serment. Nous leur répondons: Il

nous est défendu de jurer légèrement, sans nécessité et surtout pour accréditer le mensonge; mais nous

pouvons, et même nous devons jurer, quand le besoin l'exige et qu'il s'agit de proclamer là vérité; en

effet, le serment sert à dévoiler le mensonge, à rendre gloire à Dieu, à défendre la vérité et met, en un

mot, fin aux querelles.

Page 20: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 21

Le monde est si rempli d'iniquité et de fourberie, et les hommes sont si portés à dire le

mensonge, que le serment est souvent l'unique moyen pour sauver l'innocent d'entre les mains du

coupable! Dieu intervient lui-même dans le serment et dévoile la vérité, le bien et le droit. Car, soyez sûrs

que ses menaces s'accompliront; ses jugements, pour être ajournés, n'en sont pas moins certains, et, au

moment où il s'y attend le moins, la main de l'Éternel s'appesantit sur le parjure et lui enlève tout le fruit

qu'il a cru retirer du faux serment. Nous pouvons nous en convaincre tous les jours. J'ai vu des gens qui,

après avoir violé la foi conjugale, n'ont plus eu un seul instant de bonheur; les maladies et les tourments

domestiques ont troublé tout le reste de leur vie, et leurs jours se sont écoulés misérablement: c'était là

le châtiment de l'Éternel.

C'est pourquoi, je vous le répète encore, parents, il faut absolument habituer de bonne heure vos

enfants à avoir le mensonge en horreur, et surtout à ne jamais prendre le nom de Dieu en vain. Si vos

paroles et vos exhortations ne suffisent pas, employez les menaces et les punitions; car, si vous n'y mettez

pas une entrave, le mal débordera comme un torrent que rien ne pourra plus arrêter; et l'expérience nous

le prouve assez: Le monde est maintenant plus perverti que jamais; nul ne veut se soumettre; il n'y a plus

ni obéissance, ni foi, ni fidélité; mais les peuples sont audacieux et indomptables, ils ne craignent plus ni

loi ni châtiment, et tout cela découle de la violation du second commandement.

Habituez aussi vos enfants à sanctifier le nom de Dieu dès leur jeune âge, à l'invoquer dans tous

leurs besoins et à le bénir pour tout le bien qui leur arrive; qu'ils se confient en lui et qu'ils confessent la

foi du cœur par leurs paroles: c'est ainsi qu'ils pourront véritablement honorer Dieu.

Car le diable est toujours autour de nous, cherchant à nous faire tomber dans le péché et dans la

misère; mais il ne peut rester là où le nom de Dieu est invoqué du fond du cœur, car il sait bien que

l'Éternel délivre ceux qui se confient en lui. Je l'ai éprouvé bien souvent. Menacé plus d'une fois d'un

grand danger, j'ai invoqué Dieu du fond de mon cœur et me suis confié en lui, et aussitôt, au moment où

je me croyais perdu, il m'a délivré et m'a préservé de tout mal. Si donc nous mettons notre espérance

dans le Seigneur, le diable s'enfuira de nous et ne pourra nous nuire.

C'est pourquoi il est bon de nous habituer à recommander à Dieu notre âme, notre corps, tout ce

que nous possédons, femme, enfants, domestiques, à lui exposer tous nos besoins et à lui rendre grâces

pour tous ses bienfaits; il est bon aussi d'avoir des heures plus particulièrement consacrées à la prière,

comme le matin, le soir, avant et après le repas.

Habituons nos enfants au signe de la croix en présence de tout événement extraordinaire qui

vient frapper leurs oreilles ou leurs regards. Une chose terrible nous épouvante-t-elle? adressons-nous à

Dieu: « Seigneur, protège-nous! aide-nous, Seigneur-Jésus! » Un bonheur inattendu nous arrive-t-il:

« C'est Dieu qui nous l'envoie; le nom de l'Éternel soit béni! » Cela n'est-il pas mille fois préférable à ces

jeûnes et à ces invocations des saints qui faisaient autrefois une partie essentielle de notre culte.

En inculquant ainsi de bonne heure à nos enfants les deux premiers commandements, nous

pourrions les élever dans la crainte et pour la gloire de l'Éternel, et nous aurions le bonheur de voir

grandir une génération dont tout notre pays se réjouirait. Ils apprendraient à obéir avec joie et par amour

pour Dieu, et ils craindraient d'offenser le Seigneur. Tandis que, si nous voulons les élever par nos propres

forces et les rendre bons en les reprenant et en les punissant, ils n'obéiront que tant qu'ils craindront le

châtiment, et bientôt rien ne pourra plus les retenir.

Je dis cela simplement et clairement, afin que la jeunesse le comprenne et en soit pénétrée; car,

prêchant à des enfants dans la foi, il nous faut balbutier avec eux.

Page 21: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 22

Nous avons vu maintenant l'abus et l'usage que nous pouvons faire du nom de Dieu, et comment

nous pouvons le profaner ou le sanctifier, non seulement par nos paroles, mais aussi par nos actions, par

notre vie tout entière. Rappelons-nous que, si Dieu veut bénir ceux qui l'invoquent et se confient en lui, il

a promis aussi de punir d'une manière terrible ceux qui prendront son nom en vain.

Le Troisième Commandement.

Tu sanctifieras le jour du repos.

§ 1er. Sens réel de ce commandement.

Le mot sabbat signifie en hébreu repos, cessation du travail; c'est pourquoi nous aussi nous traduisons ce

mot sabbat par loisir, heure ou jour de repos. Dans l'Ancien Testament, l'Éternel a commandé de

sanctifier le septième jour. Les Israélites devaient s'abstenir ce jour-là de toute œuvre extérieure ou

fatigante, afin que les hommes et les animaux reprissent des forces et ne fussent pas affaiblis par un

travail continuel. Plus tard, ils ont restreint eux-mêmes ce commandement, tout en en abusant

grossièrement, et sont allés jusqu'à injurier Christ de ce qu'il faisait ce jour-là des œuvres que cependant

ils auraient faites eux-mêmes, comme le dit l'Évangile (St Matth. 12, 2, etc.; Luc 13, 10, etc.).

L'interprétation véritable de ce commandement n'est donc pas de ne rien faire du tout, mais de

sanctifier le jour du sabbat. Ce commandement, quant à la forme extérieure, ne concernait que les

Israélites, et, de même que les autres institutions de l'ancienne alliance qui sont liées à des usages, des

personnes, des temps et des lieux particuliers, il a été aboli par Christ. Mais, quant à l'essence de ce

commandement, au sens réel, le Seigneur le maintient et le sanctionne.

§ 2. Pourquoi Dieu commande-t-il le repos?

Nous allons donc, afin que les âmes simples puissent nous comprendre, dire en peu de mots ce que Dieu

demande de nous: Nous devons sanctifier le jour du repos, d'abord pour donner relâche à notre corps

fatigué par six jours de travail. Notre nature l'exige, et c'est surtout pour les classes ouvrières, les

laboureurs, les domestiques, que ce repos est bien nécessaire, afin qu'ils puissent reprendre des forces.

Cependant ce jour ne nous est pas donné seulement pour un repos matériel, mais afin que nous puissions

nous réunir pour le service divin, entendre la prédication de l'Évangile, louer Dieu, chanter et prier en

commun. Nous ne sommes pas, comme les Israélites, liés à certains jours; pour nous, aucun jour n'est en

lui-même meilleur qu'un autre, et nous devrions les sanctifier tous; mais, comme plusieurs ne le

pourraient pas, il faut au moins avoir dans la semaine un jour fixé pour que le peuple sache quand il doit

s'assembler; et le dimanche ayant été destiné de tout temps à cet usage, il faut nous y tenir, afin que

personne ne cause de désordre dans l'Église par une innovation inutile. Puisque donc il nous est permis de

férier des jours, nous devons employer le jour du repos à méditer et à apprendre la Parole de Dieu; ce

jour doit être spécialement consacré à la prédication, à cause de la jeunesse et du peuple; mais ce repos

ne doit pas être restreint au point que tout ouvrage, même celui que nous ne pouvons pas éviter, soit

défendu.

§ 3. Qu'est-ce que sanctifier le jour du repos?

Qu'est-ce donc que sanctifier le jour du repos? Le sanctifier, c'est le regarder comme sacré, c'est-à-dire

que ce jour-là, plus que tout autre, nos paroles, nos actions, notre vie, doivent être consacrées au

Page 22: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 23

Seigneur. Certainement, ce jour, en lui-même, n'a pas besoin d'être rendu saint, ayant été créé tel par

Dieu, mais il doit être sacré pour nous; or, nous le sanctifions ou nous le profanons selon les dispositions

de notre cœur et notre manière de vivre en ce jour-là. Comment donc pouvons-nous sanctifier le jour du

Seigneur? Certes, ce n'est pas en nous livrant à l'oisiveté et en-nous abstenant de tout travail, ou encore

en nous parant de nos plus beaux habits, mais en nous édifiant par la prière et par la Parole de Dieu.

Pour nous, qui sommes chrétiens, tous les jours devraient être sacrés, et nous devrions ne nous

occuper que de choses saintes et méditer journellement la Parole de Dieu; mais, comme nous l'avons dit

plus haut, tous ne le peuvent pas; il nous faut donc destiner chaque semaine quelques heures pour

instruire la jeunesse et avoir au moins un jour fixé pour enseigner le peuple et lui expliquer les Dix-

Commandements, le Symbole, l'Oraison, etc., afin que toute notre vie soit soumise à la Parole de Dieu.

C'est ainsi que nous envisageons le jour du repos, et c'est là véritablement le sabbat chrétien.

§ 4. La Parole de Dieu seule peut sanctifier.

Les infidèles, quand même ils se reposent et suspendent leurs travaux, et le clergé romain, alors même

qu'il se tient journellement dans les églises, chantant et récitant des prières, ne sanctifient pas le jour,

parce qu’ils ne se conforment pas à la Parole de Dieu et qu'ils ne l'enseignent pas, leur doctrine et leur vie

étant en contradiction avec elle.

La Parole de Dieu est le sanctuaire de tous les sanctuaires; c'est le seul que possèdent les

chrétiens.

Qu'est-ce en effet que toutes ces reliques de saints qu'on nous apprenait à honorer comme

pouvant nous protéger et nous sanctifier? Ces choses périssables peuvent-elles donner la vie? Non

certainement. La Parole de Dieu seule peut sanctifier et doit être notre plus grand trésor. Soit donc que

nous la prêchions ou que nous l'écoutions, soit que nous la lisions ou que nous la méditions, elle seule

peut nous rendre saints. Ce n'est pas en tant que nous faisons une œuvre extérieure que nous sommes

sanctifiés, la Parole elle-même nous sanctifie. Il faut absolument, pour que notre vie et nos œuvres soient

agréables à Dieu, qu'elles soient conformes à sa volonté; tandis que toutes celles que nous faisons par

nous-mêmes et sans y être autorisés par la Parole, sont profanes aux yeux de l'Éternel, quelque sublimes

qu'elles paraissent et quel que soit l'éclat ou la sainteté factice dont elles sont entourées; et de ce nombre

sont tous les ordres ecclésiastiques imaginés par les hommes qui, au mépris de la Parole de Dieu,

cherchent la sainteté dans leurs œuvres.

Nous le répétons encore, l'observation de ce commandement ne consiste pas dans le repos, mais

dans la sanctification. Ainsi, le dimanche doit être spécialement consacré à des choses qui concernent le

règne de Dieu; car le travail et nos autres occupations ne peuvent être sanctifiés, si nous ne le sommes

nous-mêmes d'abord; or, nous ne pouvons l'être que par la Parole de Dieu, et c'est pour cet effet que la

prédication et le saint ministère, les lieux et les heures du culte et tout le service divin ont été institués.

Aucun jour ne peut donc être sanctifié sans la Parole de Dieu; le Seigneur punira sévèrement

ceux qui la méprisent et qui ne veulent ni la méditer ni même en écouter la prédication; il punira non

seulement ceux qui abusent grossièrement du sabbat pour alimenter leur soif insatiable de richesses et de

plaisirs, ou qui s'enivrent dans les tavernes comme des êtres dépourvus de raison; mais aussi ceux qui, par

habitude, écoutent la Parole ou vont à l'église pour se conformer à un usage général, et en reviennent le

cœur vide. C'est ce qui a eu lieu jusqu'à présent; on pensait que, pour célébrer le dimanche, il suffisait

Page 23: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 24

d'entendre lire en latin une messe ou l'évangile du jour, bien que le peuple n'y comprît rien; la Parole de

Dieu n'était plus ni recherchée ni enseignée.

Maintenant que nous avons le bonheur de posséder cette Parole, le même abus continue, car

nous l'entendons prêcher et elle nous exhorte, mais nous l'écoutons sans sérieux et sans attention. C'est

pourquoi, remarquez qu'il ne suffit pas d'entendre la Parole, il faut aussi l'apprendre et la retenir; et ne

pensez pas que cela dépende de notre bon plaisir ou que ce soit une chose de peu d'importance: c'est le

commandement de l'Éternel, et il nous demandera compte de la manière dont nous aurons écouté,

étudié et respecté sa Parole.

Il y a des gens qui se rebutent dès le commencement, et qui, après avoir entendu un ou deux

sermons, sont lassés et rassasiés et se croient assez instruits pour n'avoir plus besoin de maître. Cette

paresse et cette satiété ont été jusqu'à présent mises au nombre des péchés mortels. C'est, en effet, une

plaie funeste et pernicieuse, une ruse du diable par laquelle il cherche à entortiller beaucoup d'âmes, afin

de les surprendre et de pouvoir leur retirer la Parole du Seigneur. Et quand même nous aurions une

connaissance approfondie de l'Écriture, nous n'en sommes pas moins exposés à chaque instant aux

embûches du diable, qui ne cesse de nous épier jour et nuit, afin de pouvoir semer dans notre cœur

l'incrédulité et la rébellion contre les commandements de l'Éternel. Il est donc nécessaire que nous

continuions à écouter la prédication de l'Évangile, et qu'elle soit toujours présente à notre cœur. Car, si

nous nous reposons et si nous cessons d'entendre la Parole, l'ennemi de nos âmes profite de ce moment

de relâche, et, avant que nous nous en apercevions, il a déjà gagné du terrain dans notre cœur. Mais, si

nous méditons sérieusement la Parole, si nous l'écoutons et si nous la mettons en pratique, elle ne restera

pas sans fruits; elle réveillera notre intelligence, augmentera notre plaisir et notre recueillement, purifiera

notre cœur et nos pensées, car c'est une Parole créatrice et vivifiante. Et ne fût-ce que pour être fortifiés

contre le diable, notre bonheur ne devrait-il pas être d'observer ce commandement, dont

l'accomplissement est plus agréable à Dieu que toutes les bonnes œuvres inventées par les hommes et

qui sont pleines d'hypocrisie?

Le Quatrième Commandement.

C'est ici que finit la première partie du Décalogue, qui renferme les trois

commandements se rapportant à l'Éternel. Nous avons vu d'abord que nous devons

craindre et aimer Dieu par-dessus toutes choses, et ne mettre notre confiance qu'en lui

seul; en second lieu, que nous ne devons pas profaner son saint nom en nous en servant

pour mentir ou pour tromper, mais que, dans l'intérêt de notre salut et de celui de notre

prochain, nous devons l'invoquer dans tous nos besoins, lui rendre grâce et le bénir, et

enfin, que nous devons sanctifier le jour du repos en étudiant et en enseignant la Parole

de Dieu, afin que nos actions et notre vie entière soient conformes à sa volonté.

Nous allons nous occuper maintenant des sept autres commandements qui se rapportent

plus particulièrement à notre prochain, et parmi lesquels le premier et le plus grand est le

suivant:

Honore ton père et ta mère.

Page 24: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 25

§ 1er. Importance que Dieu attache à la condition de père, de mère.

L'Éternel a attaché une grande importance à la condition de père et de mère, et l'a élevée au-dessus de

toutes les autres positions terrestres. En effet, il nous commande d'aimer notre prochain, nos frères, nos

sœurs; mais, quant à nos parents, il veut non seulement que nous les aimions, il veut aussi que nous les

honorions; car le respect est plus grand que l'amour, il implique une discipline, une soumission, une

crainte devant la majesté paternelle, quoique celle-ci soit cachée à nos yeux. Nous devons donc non

seulement leur parler d'une manière amicale et respectueuse, mais aussi les estimer comme étant la

première autorité après Dieu.

Ainsi, il faut habituer de bonne heure les enfants à regarder leurs parents comme étant à la place

de Dieu; et quand bien même ils seraient pauvres, chétifs, infirmes et même fâcheux, ils n'en sont pas

moins nos parents, et leur conduite ou leurs fautes ne peuvent nous dispenser de les honorer. Il ne faut

donc pas considérer l'individu, mais le commandement de l'Éternel. Car, bien que devant Dieu nous

soyons tous égaux, il a trouvé nécessaire qu'entre nous il y ait de telles inégalités et de telles différences;

c'est lui-même qui les a établies; il veut que les enfants soient soumis à l'autorité paternelle.

Qu'est-ce donc que ce respect que nous devons avoir pour nos parents? Nous devons les

regarder comme le plus grand et le plus précieux trésor que nous possédions sur la terre; leur parler avec

respect et nous garder de les brusquer, de les braver ou de leur parler avec emportement; nous devons

nous taire et nous soumettre, quand même ils nous feraient du tort. De plus, nous devons leur témoigner

notre respect par nos actions, c'est-à-dire les servir, les aider et avoir soin d'eux quand ils sont vieux,

malades, infirmes ou pauvres, et tout cela volontairement et surtout avec humilité et déférence, comme

devant le Seigneur. Car celui qui honore véritablement ses parents, ne les laissera pas dans le besoin, mais

il leur sera soumis et leur fera part de tout ce qu'il possède.

§ 2. Les vraies et les fausses œuvres.

Ce devoir, qui devrait être sacré pour les enfants, combien n'est-il pas méprisé et oublié de nos jours?

Personne n'a égard au commandement de l'Éternel, nul ne pense que cette loi est une loi divine et que ce

respect pour les parents est l'œuvre la plus excellente; car, si on regardait la loi de Dieu comme telle

chacun en conclurait que ceux-là aussi sont des saints qui s'y soumettent, et l'on n'aurait jamais osé

établir de vie monacale ou d'ordres ecclésiastiques. Chaque enfant aurait pu se dire: « En fait de bonnes

œuvres, je n'en connais pas de meilleure que d'honorer mes parents et de leur obéir en toutes choses,

parce que Dieu me l'a commandé, et ce que Dieu commande est beaucoup plus excellent que tout ce que

je pourrais imaginer. Comme il ne peut y avoir de plus grand et meilleur docteur que le Seigneur, il ne

peut pas y avoir non plus de meilleure doctrine que la sienne. Il nous enseigne ce que nous devons faire,

et, sans nul doute, les œuvres qu'il commande lui sont agréables; si donc Dieu les trouve bonnes, je n'en

trouverai certainement pas de meilleures. »

En inculquant de bonne heure ces principes aux enfants, on pourrait les élever dans l'obéissance

envers leurs parents, et ils leur causeraient du bonheur et de la joie. Mais jusqu'à présent on a laissé de

côté le commandement de l'Éternel, ou bien on s'est contenté d'en parler superficiellement, de sorte

qu'un enfant ne pouvait s'y arrêter, ni éprouver aucun besoin de se conformer à ce commandement. Mais

il s'attachait aux œuvres humaines, sans même rendre grâces à Dieu d'avoir prescrit une si bonne œuvre.

C'est pourquoi, pour l'amour de Dieu, apprenons avant toutes choses aux enfants à se soumettre à ce

commandement; car les véritables bonnes œuvres qu'ils peuvent faire pour être agréables à Dieu, c'est

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 26

d'obéir à leurs parents ou à ceux qui les remplacent. L'enfant qui est convaincu de cette vérité et qui la

met en pratique, a une grande consolation, car il peut dire avec joie (en dépit de ceux qui veulent obtenir

la justice par des œuvres imaginées par eux-mêmes): Voici une œuvre qui est agréable à mon Dieu, je le

sais sûrement. Qu'ils s'assemblent donc tous ceux qui se glorifient de faire des œuvres grandes, difficiles

et pénibles; voyons s'ils peuvent en présenter une seule qui soit plus grande et plus belle que l'obéissance

envers les parents, laquelle Dieu nous a commandée. Car, après la volonté de Dieu, ce que nous devons

respecter le plus, c'est la volonté de nos parents, si toutefois elle est soumise à la Parole de Dieu et ne

s'élève pas contre ses commandements.

Combien nous devrions être heureux et remercier Dieu de ce qu'il nous ait choisis et rendus

dignes d'accomplir une œuvre aussi précieuse et qui lui soit aussi agréable; et quoique, aux yeux du

monde, elle soit la moindre et la plus méprisée, regardons-la comme grande et précieuse, non à cause de

notre mérite, mais parce qu'elle est contenue et commandée dans la Parole de Dieu qui est notre plus

précieux trésor.

Oh! combien les chartreux, les moines, les nonnes, ne devraient-ils pas désirer qu'avec toute leur

vie monacale ils puissent présenter à Dieu une seule œuvre qui soit faite d'après ses commandements,

afin de pouvoir dire avec un cœur joyeux: Seigneur, je sais que cette œuvre t'est agréable! Pauvres gens!

quelle ne sera pas leur confusion, quand, devant Dieu et le monde entier, il leur faudra rougir de honte

devant un jeune enfant qui aura observé ce commandement! Ne seront-ils pas obligés d'avouer que,

malgré leur vie de privations et de pénitences, ils ne sont pas seulement dignes de lui tendre un verre

d'eau? Ce sera une juste punition pour cette perversion diabolique, par laquelle ils foulent aux pieds le

commandement de l'Éternel et se martyrisent inutilement par des œuvres inventées par eux-mêmes. Les

fruits qu'ils en recueillent sont l'opprobre et la honte.

De même aussi, lorsque nous nous mettons au travail et que nous faisons ce qui nous est

ordonné, notre cœur ne devrait-il pas déborder de joie en se disant: Le travail vaut mieux que toute la

sainteté, que les jeûnes à mortelles dévotions continuelles des moines; car il est fondé sur une parole

certaine, sur un témoignage divin, c'est Dieu lui-même qui l'a ordonné, tandis qu'il n'a pas dit une seule

parole qui puisse autoriser la vie monacale? Mais, de nos jours, personne ne veut le croire, et c'est là un

aveuglement funeste et déplorable; c'est une ruse du diable, qui veut nous séduire par les apparences

d'une sainteté factice et nous faire croire au mérite de nos propres œuvres.

Oh! je le répète, il est bien nécessaire que nous ouvrions nos yeux et nos oreilles, et que nous

prenions à cœur toutes ces choses, afin de n'être pas de nouveau détournés de la saine doctrine par les

ruses mensongères de Satan. Il en résulterait plus de bonheur et de joie, plus d'amitié et d'union dans les

familles, et les enfants posséderaient l'amour de leurs parents. Quant aux enfants rebelles, qui ne

s'acquittent de leurs devoirs que par la crainte des coups et des punitions, je veux qu'ils sachent qu'ils

offensent le Seigneur en même temps que leurs parents; ils se privent eux-mêmes d'un grand trésor, de la

paix de la conscience, et s'amassent beaucoup de tourments.

Et n'est-ce pas de nos jours une calamité générale? Les jeunes gens, comme les vieillards, sont

indomptables et emportés; rien ne peut les retenir, ni la crainte ni l'honneur; on ne peut rien obtenir

d'eux autrement que par la force, et ils sont toujours prêts à se trahir et à se tromper les uns les autres.

Aussi l'Éternel les châtie et leur envoie toutes sortes d'afflictions et de misères. Les parents n'ont aucune

autorité; insensés eux-mêmes, ils élèvent leurs enfants dans de fâcheuses dispositions; aussi ces derniers

vivent-ils comme ont vécu leurs parents. Tout cela devrait nous engager à aimer et à observer ce

commandement, et, si nous n'avions ni père ni mère, ne devrions-nous pas désirer que Dieu nous donnât

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 27

un autre objet que nous puissions honorer en leur place? Combien plus, parce qu'il nous a donné des

parents, devons-nous être contents de pouvoir leur témoigner du respect et de l'obéissance, parce que

nous savons que cela est agréable à l'Éternel notre Dieu et à tous les anges, tandis que tous les diables en

sont rebutés et fâchés. Car, après le culte divin qui est compris dans les trois premiers commandements,

c'est l'œuvre la plus grande que nous puissions faire; les aumônes et tous nos devoirs envers notre

prochain ne peuvent égaler celui-ci.

Dieu a élevé la condition des parents par-dessus toutes les autres, et il les a établis à sa place sur

la terre. Cette volonté, ce désir de Dieu, doivent être pour nous un motif et un stimulant assez grands

pour que nous fassions avec plaisir et bonne volonté tout ce que nous pouvons à l'égard de nos parents.

§ 3. Ce que nous devons à nos parents.

Aux yeux du monde même, c'est un devoir d'être reconnaissants pour tous les bienfaits que nous

recevons de nos parents; mais, sous ce rapport aussi, on voit que c'est le diable qui règne dans le monde:

les enfants oublient cette reconnaissance envers leurs parents, comme nous tous, nous oublions d'être

reconnaissants envers notre Dieu. Combien peu, en effet, nous souvenons-nous que c'est Dieu qui nous

nourrit, nous garde, nous protège et nous donne tant de biens pour le corps et pour l'âme! et, quand

vient un mauvais jour, combien vite nous sommes prêts à nous plaindre, à murmurer et à oublier tous les

bienfaits que nous avons reçus pendant toute noire vie! Nous en agissons de même envers nos parents, et

il n'y a pas un enfant qui reconnaisse son ingratitude et qui y fasse attention, à moins qu'il n'y soit amené

par le Saint-Esprit. Mais Dieu, qui la connaît, nous avertit et nous stimule par ses commandements, afin

que chacun de nous se souvienne de ce qu'il doit à ses parents; car ils nous ont donné la vie, ils nous ont

nourris et élevés, et, sans eux, nous aurions cent fois été en danger de périr de dénuement et de misère.

Aussi a-ton raison de dire: Deo, parentibus, et magistris non potest satis gratiœ rependi, c'est-à-dire: Nous

ne pourrons jamais témoigner assez de gratitude, ni être assez reconnaissants envers Dieu, nos parents et

ceux qui nous instruisent. Celui qui réfléchit à cela, honorera ses parents, sans avoir besoin d'y être excité

par d'autres moyens; il aura pour eux la plus grande estime, comme étant ceux par lesquels Dieu lui a

donné toutes sortes de biens.

§ 4. Promesse particulière de Dieu.

En outre, nous avons une promesse qui doit être un motif suffisant pour nous encourager à observer ce

commandement; l'Éternel dit: « Afin que tes jours soient prolongés sur la terre que l'Éternel ton Dieu te

donne. » Nous voyons par là que le Seigneur attache une grande importance à l'observation de ce

commandement; car il ne dit pas seulement qu'elle lui est agréable ou qu'il y prend plaisir, mais il veut

aussi qu'elle contribue à notre bonheur, et que par là nous puissions mener une vie douce et tranquille et

jouir de toutes sortes de biens. C'est ce que saint Paul proclame et vante, lorsqu'il dit (Éphés. 6, 2. 3):

« C'est le premier commandement qui ait une promesse, afin que tu sois heureux et que tu vives

longtemps sur la terre; » car, bien que les autres commandements contiennent aussi une promesse, il n'y

en a aucun où elle soit exprimée aussi clairement et aussi positivement. Les fruits donc que nous retirons

de l'obéissance à ce commandement sont le contentement, le bonheur et la prospérité; tandis que le

châtiment de ceux qui le violent est de périr plus tôt et de ne pas jouir de la vie. Car, dans les Écritures,

vivre longtemps veut dire non seulement atteindre un âge avancé, mais encore posséder tout ce qui

appartient à une longue vie: la santé, la famille, la nourriture, la paix, un bon gouvernement, etc., choses

sans lesquelles cette vie ne peut être heureuse et ne peut se prolonger.

Page 27: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 28

Si donc tu ne veux pas obéir à ton père et à ta mère, va, on te fera obéir au bourreau; ou, si cela

ne te suffit pas, tu obéiras au roi des épouvantements, c'est-à-dire à la mort. Car telle est, en un mot, la

volonté de Dieu: Si tu obéis avec amour, il te récompensera en te donnant toutes sortes de biens; mais si

tu es rebelle et que tu provoques sa colère, il t'enverra le bourreau et la mort.

D'où vient, en effet, qu'il y a tant de mauvais garnements, que l'on est journellement obligé de

pendre, de décapiter et de rouer, si ce n'est de ce qu'ils sont rebelles et ne veulent pas se soumettre

quand on emploie, à leur égard, les voies de la douceur? Ils deviennent par là-même une cause de chagrin

et de douleur pour ceux qui les entourent; aussi le châtiment de l'Éternel est-il sur eux, et il arrive

rarement que ces gens meurent d'une mort naturelle.

La bénédiction de l'Éternel repose sur les hommes pieux et obéissants; ils jouissent en paix d'une

longue vie et ont le bonheur de voir leurs arrière-petits-enfants jusqu'à la troisième et la quatrième

génération. L'expérience le prouve: quand nous voyons de ces anciennes familles qui jouissent du bien-

être et de l'aisance et auxquelles Dieu accorde de nombreux enfants, informons-nous, et nous verrons

que cela vient de ce que plusieurs d'entre eux ont été soumis à leurs parents et les ont honorés.

Quant à l'impie, il est écrit (Psaume 109,13): « Sa postérité sera retranchée et son nom sera

effacé dans la race qui suivra. » Remarquez donc combien Dieu attache d'importance à l'obéissance,

puisqu'il la place si haut, et qu'elle lui est si agréable qu'il promet de la récompenser abondamment; et,

par contre, combien il est rigoureux et sévère envers ceux qui ne veulent pas se soumettre.

Je dis tout cela afin d'inculquer ces choses à la jeunesse; car il est d'autant plus nécessaire

d'expliquer le sens de ce commandement, que, jusqu'à présent, sous la papauté, on n'y faisait guère

attention et qu'on ne l'enseignait même pas. On s'imagine, en effet, que ces paroles sont faciles à

observer, on se croit trop éclairé pour s'arrêter à les méditer, on cherche autre chose et on ne sait pas

combien on irrite le Seigneur en négligeant d'obéir à sa volonté, tandis qu'on ferait une œuvre agréable

en s'y conformant.

§ 5. Devoirs envers les autorités découlant de l'autorité paternelle.

Il convient aussi de parler ici de l'obéissance envers les autorités supérieures qui ont le droit de régner et

de commander; car c'est de l'autorité paternelle que découlent toutes les autres. Ainsi, un père de famille

n'est pas en état d'élever lui-même son enfant; que fait-il? il prend un maître pour l'instruire; s'il est trop

faible, il prie ses amis ou ses voisins de l'aider; s'il s'éloigne ou qu'il meure, il confère son autorité à

d'autres personnes qu'il nomme à cet effet et leur confie la direction de sa maison; de plus, il a au-

dessous de lui des domestiques, des serviteurs, des servantes; ainsi, les maîtres tiennent lieu de parents

et en ont l'autorité. Aussi nous voyons que, dans les Écritures, l'on donne le nom de pères à tous ceux qui

ont la charge de diriger et de gouverner, car ils doivent avoir un cœur paternel pour leurs subordonnés.

Les Romains mêmes, et d'autres peuples idolâtres encore, appelaient patres et matres familias, c'est-à-

dire pères et mères de famille, les chefs de maison; de même aussi ils nommaient « pères de la patrie »

les princes et les autorités, et cela à notre honte; car nous, qui voulons être des chrétiens, ne devrions-

nous pas aussi les nommer ainsi, ou au moins les honorer comme tels?

§ 6. Des maîtres.

De même donc que les enfants doivent être soumis à leurs parents, de même aussi tous ceux qui font

partie de la maison. Les domestiques doivent non seulement obéir à leurs maîtres, mais aussi les honorer

Page 28: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 29

comme s'ils étaient leurs propres parents, et s'acquitter de tout ce qu'ils exigent d'eux, non par force ou à

contrecœur, mais avec plaisir et avec joie, et cela (comme nous l'avons dit plus haut) parce que c'est le

commandement de l'Éternel, et que cette œuvre lui est plus agréable que toutes les autres que nous

pourrions faire. Aussi devraient-ils se trouver bien heureux et même désirer d'être au service d'un maître,

afin de pouvoir être soumis et d'avoir ainsi une conscience joyeuse. Mais jusqu'à présent, combien cet

état n'a-t-il pas été méprisé! chacun s'empressait de préférence d'entrer au couvent, de faire des

pèlerinages et d'acheter des indulgences, croyant par là être agréable à Dieu, tandis qu'il obéissait au

diable, et cela au préjudice de sa conscience.

Si l'on pouvait convaincre de cette vérité le pauvre peuple, il s'en trouverait heureux. En effet,

une pauvre servante aurait de quoi être bien joyeuse, elle pourrait louer et bénir Dieu de ce que, par son

ouvrage, pour lequel d'ailleurs elle reçoit des gages et la nourriture, elle peut acquérir ce trésor que tous

ceux que l'on regarde comme des saints ne possèdent pas. N'est-ce pas un grand sujet de joie de pouvoir

dire: Si tu t'acquittes fidèlement de ton ouvrage quotidien, cela vaut mieux que toute la sainteté des

moines et que leur vie stricte et austère? Et, de plus, tu as la promesse de réussir dans toutes tes

entreprises si elles sont justes; comment pourrais-tu être plus heureux et vivre plus saintement? Je dis

cela par rapport aux œuvres, car, devant Dieu, la foi seule nous sanctifie, et par elle seule nous pouvons le

servir; mais par les œuvres nous servons les hommes. Tu as donc, par cette double institution de Dieu, un

abri, une retraite assurée et tout le bien nécessaire, le contentement d'esprit et un Dieu clément qui te

rétribue au centuple; tu es bien heureux, pourvu que tu sois soumis et obéissant; autrement tu attireras

sur toi la colère et la malédiction de Dieu, tu perdras la paix du cœur, et tu seras frappé de calamités et de

malheurs. Ceux donc que ces motifs ne peuvent toucher et rendre dociles, nous les abandonnons au

bourreau et à la mort… car Dieu ne considère pas cela comme un jeu, il te parle sérieusement et veut que

tu obéisses; si tu te soumets à sa volonté, il te regardera comme son enfant bien-aimé; si, au contraire, tu

la méprises, tu recueilleras pour fruits la honte, la douleur et la misère.

§ 7. Des autorités supérieures.

Il est nécessaire aussi de parler ici de l'obéissance envers les puissances supérieures, qui, comme nous

l'avons dit plus haut, découlent de l'autorité paternelle et dont le pouvoir est très étendu; un prince n'est

pas seulement le père d'un petit nombre d'individus, mais il est père de tous les habitants d'un même

pays, de tous ses vassaux et sujets; car c'est par son moyen que Dieu nous donne et nous conserve la

nourriture, la propriété, la protection et la sûreté. Le nom et le titre qu'ils portent sont leur plus grande

gloire; aussi sommes-nous tenus de les honorer et de les considérer comme le plus grand bien et le plus

précieux trésor que nous ayons sur la terre.

Celui donc qui est soumis, respectueux, serviable, et qui s'acquitte avec plaisir des devoirs que

l'honneur lui impose, est agréable à Dieu et aura pour récompense de la joie et du bonheur. Celui, au

contraire, qui ne se soumet pas volontairement, mais qui résiste et se révolte, ne peut attendre ni

miséricorde ni bénédiction; et si c'est dans l'espoir de gagner quelques pièces d'argent qu'il est rebelle,

qu'il sache que, d'un autre côté, il perdra dix fois plus, car il périra misérablement, soit par la main du

bourreau, soit par la guerre, la peste ou la famine; il ne goûtera pas les joies de la famille, ses enfants

seront pour lui une cause de chagrins; ses domestiques, ses voisins, ou bien encore des étrangers et des

tyrans lui feront du tort, et il sera en butte à leurs injustices; c'est là ce qu'il mérite et ce à quoi il doit

s'attendre.

Page 29: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 30

Certes, si nous voulions croire que l'obéissance est si agréable à Dieu et qu'elle reçoit une si

grande récompense, nous nagerions dans l'abondance et nous obtiendrions tout ce que notre cœur

désire. Mais ce commandement de l'Éternel, combien n'est-il pas méprisé et rejeté de nos jours! On n'en

tient pas plus de compte que s'il était privé de toute sanction quelconque. Et comment, avec des cœurs si

désobéissants, pourrons-nous subsister devant Dieu quand il rendra à selon chacun ses œuvres. Voici,

nous avons le choix: d'un côté, la fidélité, la paix et le bonheur; de l'autre, la rébellion, la malédiction et la

misère. Et d'où vient que le monde est si plein d'infidélité, de honte, de misère et de meurtre, si ce n'est

de ce que chacun veut être son propre maître et son propre seigneur et faire tout ce qui lui plaît? C'est

qu'alors Dieu punit un rebelle par un autre: celui qui méprise son souverain sera méprisé à son tour, et

même, dans sa propre maison, par sa femme, ses enfants et ses domestiques.

Nous sentons bien d'où vient notre misère; nous murmurons sans cesse et nous nous plaignons

de l'infidélité, de la violence et de l'injustice des hommes, mais nous ne voulons pas reconnaître que c'est

nous qui sommes les méchants et qui méritons le châtiment; et voilà pourquoi nous ne nous corrigeons

pas. C'est nous qui repoussons la grâce et le bonheur, aussi est-il juste que nous soyons frappés sans

miséricorde de toutes sortes de maux. Certainement il existe encore sur la terre quelques justes, et c'est

probablement à cause d'eux que Dieu nous accorde encore tant de biens; quant à nous, si l'Éternel voulait

nous traiter comme nous le méritons, depuis longtemps la terre nous refuserait la nourriture.

Je me suis exprès étendu sur ce commandement, parce qu'il est nécessaire de le méditer avec

une sérieuse attention, afin que nous soyons délivrés de cet aveuglement et de cette misère dans lesquels

nous sommes si profondément plongés, et qu'enfin nous apprenions à connaître la parole et la volonté de

Dieu; car alors nous pourrions encore goûter du bonheur et de la joie, et jouir de là félicité pour le temps

et pour l'éternité.

§ 8. Des pères spirituels.

Nous n'avons pas tout dit. À côté des parents selon la chair, des maîtres et des autorités supérieures, nous

avons encore des pères spirituels, non pas cependant dans le sens qu'y attachent les papistes; car ceux

auxquels ils donnent ce nom ne remplissent pas leurs fonctions d'une manière paternelle; mais ceux-là

sont des pères spirituels qui usent de leur pouvoir conformément à la Parole de Dieu. Saint Paul se donne

ce titre, lorsqu'il dit (1 Cor. 4, 15): « Je vous ai engendrés en Christ par l'Évangile. » Si donc ils sont pères,

nous devons les vénérer comme tels, et cependant c'est à eux qu'on témoigne le moins de respect et de

vénération; car enfin, comment le monde les honore-t-il? On les persécute et les chasse de leur pays, on

leur souhaite à peine leur pain quotidien, et enfin, comme le dit saint Paul (1 Cor. 4, 13), « ils sont comme

les balayures et comme le rebut de toute la terre. »

Il est donc nécessaire de répéter au peuple que ceux qui veulent s'appeler chrétiens, sont tenus

devant Dieu de regarder ceux qui veillent sur leurs âmes comme dignes d'un double honneur (1 Tim. 5,

17; Héb. 13, 17); « ils doivent leur faire part de leurs biens et pourvoir à leurs besoins; » car Dieu bénit et

ne laisse pas tomber dans la misère ceux qui s'acquittent de ce devoir. Mais ici viennent les soucis:

« Comment, s'écrie-t-on, aurons-nous de quoi vivre, nous et nos enfants, s'il nous faut entretenir un

prédicateur! » Pauvres gens, ils ne se rappellent donc pas que jusqu'à présent ils étaient obligés

d'engraisser une dizaine de moines fainéants! Et en agissant ainsi, ne méritons-nous pas que Dieu nous

prive de sa Parole et de ses bénédictions, et qu'il nous livre de nouveau à de faux docteurs qui nous

conduisent à Satan et qui, de plus, s'emparent de ce que nous avons acquis à la sueur de notre front?

Page 30: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 31

Ceux donc qui observent le commandement et la volonté de Dieu, ont la promesse que le

Seigneur leur rendra abondamment ce qu'ils consacrent à leurs pères terrestres et spirituels et ce qu'ils

font pour les honorer; et non seulement il pourvoira à tous leurs besoins pendant un an ou deux, mais il

leur accordera une longue vie, la nourriture et la paix, et les rendra éternellement riches et heureux.

Acquitte-toi donc fidèlement de tes devoirs et abandonne le reste au Seigneur; il aura soin de toi, car il

n'est pas homme pour mentir, et ce qu'il a promis, il le tiendra. Cette assurance devrait nous transporter

de joie et exciter notre amour pour ceux que nous devons honorer, au point que nous devrions être

heureux et remercier Dieu de nous avoir donné une telle promesse. En effet, quand bien même le monde

entier se réunirait, il ne pourrait pas ajouter une seule heure à la vie d’un homme, ni faire germer un seul

grain de semence. Mais Dieu le peut, et il veut nous combler de biens et nous donner abondamment ce

que nous désirons. Celui donc qui méprise une telle grâce ou qui la jette au vent, en est indigne et mérite

de ne jamais entendre une seule parole de Dieu.

§ 9. Devoirs des supérieurs.

J'ai dit suffisamment pour être compris par tous ceux que ce commandement concerne. Mais il est

nécessaire aussi de rappeler aux parents et à ceux qui les remplacent, comment ils doivent se comporter à

l'égard de ceux qu'ils sont appelés à diriger; ce qui, bien que n'étant pas énoncé dans les Dix-

Commandements, s'y rapporte cependant et est suffisamment enseigné dans plusieurs endroits de

l'Écriture-Sainte. En nommant ici les pères et les mères, Dieu les renferme dans ce commandement; car ce

n'est pas à des écervelés ou à d'impies tyrans qu'il veut donner la puissance et l'honneur, c'est-à-dire le

droit et le pouvoir de commander, mais à des gens qui lui soient soumis eux-mêmes et qui s'acquittent

fidèlement et consciencieusement de leur vocation; car il faut non seulement qu'ils nourrissent et

protègent leurs enfants, leurs domestiques ou leurs sujets pour les choses relatives à la vie terrestre, mais

il faut surtout qu'ils les élèvent pour la gloire et à la louange de l'Éternel. N'allez donc pas vous imaginer

que cela dépende de votre bon vouloir, et que vous puissiez agir selon votre bon plaisir; mais sachez que

Dieu vous a sérieusement imposé ces devoirs et qu'il vous demandera compte de la manière dont vous les

aurez remplis.

Mais qui est-ce qui fait attention à ces choses? et cette indifférence n'est-elle pas une calamité

funeste et générale? Ne dirait-on pas que Dieu nous donne des enfants pour nous divertir et nous

amuser? Les domestiques ne sont-ils pas aux yeux de la plupart, des êtres inférieurs, bons seulement pour

servir leurs intérêts matériels? et ne nous servons-nous pas fort souvent de nos sujets et subordonnés, au

gré de nos caprices, pour satisfaire nos fantaisies, les laissant libres du reste de faire ou d'apprendre ce

qu'ils veulent, comme si cela ne nous regardait pas, sans penser que le Seigneur qui nous a placés au-

dessus d'eux nous demandera un compte rigoureux de notre conduite à leur égard.

Certes, il est bien nécessaire de s'occuper sérieusement de la jeunesse; si nous voulons que nos

enfants soient instruits et qu'ils deviennent des hommes sages et intelligents, capables à leur tour de

gouverner soit pour les choses temporelles, soit pour les choses spirituelles, et de servir par là Dieu et leur

pays, il ne nous faut épargner pour eux ni peines, ni fatigues, ni dépenses; et cela vaudra bien mieux que

si nous ne cherchions qu'à leur amasser une grande fortune; car Dieu peut bien les nourrir et les enrichir

sans nous, et il le fait journellement; mais il nous a donné des enfants afin que nous les élevions selon sa

volonté; c'est là ce qu'il exige des parents. C'est pourquoi sachez que chacun de vous est tenu avant

toutes choses d'élever ses enfants dans la crainte et dans la connaissance de Dieu, et, s'ils en ont les

Page 31: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 32

capacités, il doit les faire instruire, afin qu'ils deviennent des hommes utiles; et cela sous peine de perdre

la grâce et la bénédiction divines.

Si nous agissions ainsi, le Seigneur nous bénirait et nous ferait la grâce d’élever des hommes qui

feraient le bonheur de leur pays; de bons citoyens, d'honnêtes femmes de ménage qui, à leur tour,

élèveraient leurs enfants et leurs domestiques dans la soumission et dans la crainte de l'Éternel.

Parents, vous êtes bien coupables si vous négligez vos enfants et si, par votre propre faute, ils

deviennent de mauvais sujets! vous leur faites et vous faites à la société entière un tort irréparable. En

effet, n'êtes-vous pas en ce cas responsables de leurs fautes, ne méritez-vous pas, par cela seul, les

tourments de l'enfer, quand bien même votre vie serait du reste irréprochable? Et croyez-vous-que Dieu

n'est pas irrité de ce que vous méprisiez ainsi sa volonté? N'est-ce pas un châtiment terrible que cet esprit

de désordre qui règne parmi nous? Il n'y a pas de discipline, pas de paix; c'est noire plainte à tous; mais

nous ne voulons pas reconnaître que c'est notre faute, et que, si nous avons des enfants et des sujets

dépravés et désobéissants, c'est parce que nous les avons élevés ainsi.

Je terminerai ici cette courte exhortation, me réservant de la développer davantage une autre

fois.

Le Cinquième Commandement.

Tu ne tueras point.

§ 1er. Sens du commandement.

Nous avons parlé jusqu'à présent du gouvernement temporel et spirituel, c'est-à-dire de l'autorité divine

et paternelle, ainsi que de l'obéissance que nous lui devons. Maintenant, quittons notre maison pour aller

parmi nos voisins, afin d'apprendre comment chacun de nous doit vivre à l'égard de son prochain.

Remarquez cependant que ce commandement ne concerne pas les autorités, et que le pouvoir d'ôter la

vie ne leur est pas ôté; car Dieu a donné aux magistrats le pouvoir de punir, comme il l'avait donné

autrefois aux parents qui étaient obligés de traduire eux-mêmes leurs enfants en justice et de les

condamner à mort (Deut. 21, 18-21). Cette défense n'est donc pas faite à ceux qui sont appelés à exercer

la justice, mais à chacun de nous en particulier.

Ce commandement a été souvent développé, et on nous l'explique chaque année dans l'Évangile

(St Matth. 5, 21, etc.) où Christ le commente lui-même et nous défend de tuer, soit extérieurement avec

nos mains ou avec notre langue; soit intérieurement avec notre cœur, en nous laissant aller à de mauvais

sentiments, à des haines; soit en donnant d'odieux conseils ou un mauvais exemple, et en contribuant à

quelque scandale par des signes, des gestes, des paroles ou des actions. Par le seul fait que nous nous

mettons en colère, nous péchons déjà contre ce commandement. Mais ici encore, il faut excepter ceux

qui sont à la place de Dieu, c'est-à-dire les parents et les autorités; car il appartient à Dieu seul et à ceux

auxquels il a confié la puissance, de s'irriter et de punir tous ceux qui violent les commandements de

l'Éternel.

Le Seigneur connaît bien le cœur de l'homme et il sait combien il est porté à la haine; C'est

pourquoi il nous a donné ce commandement, afin de mettre un frein à la fureur des méchants. Mais il en

est de cette défense comme de toutes les autres; nous sommes tentés à chaque instant de l'enfreindre;

car, étant en contact avec des gens qui nous offensent, nous sommes très-portés à les haïr. Tel homme

Page 32: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 33

voit que son voisin a une plus grande maison, une plus belle femme, que Dieu lui accorde plus de biens et

de bonheur qu'à lui; aussitôt son cœur est rempli d'envie, et il ne craint pas de médire de lui. C'est ainsi

que nous avons beaucoup d'ennemis, et cela par les instigations du diable qui ne nous souhaite rien de

bien ni pour le corps ni pour l'âme. Quand nous voyons cela, notre cœur s'en indigne, il s'emporte et veut

se venger: nous rendons alors injures pour injures, coups pour coups, jusqu'à ce qu'enfin il en résulte

d'affreux malheurs et quelquefois même un meurtre. L'Éternel agit ici comme notre bon Père; il

s'interpose lui-même entre nous, afin de faire cesser nos querelles, pour qu'il n'en résulte pas de

malheurs et que nous ne nous nuisions pas réciproquement; en un mot, il veut que chacun soit protégé et

garanti contre les attentats et la violence de ses ennemis, et que ce commandement soit comme un

rocher, une forteresse autour de notre prochain, afin que nous ne lui fassions aucun tort quant à sa vie.

Il nous est donc défendu dans ce commandement de faire aucun tort à personne, quand bien

même celui qui nous a offensés le mériterait; car, si le meurtre est défendu, tout ce qui pourrait conduire

à un meurtre est défendu aussi; et quand même nous ne tuerions pas, si nous maudissons ou que nous

souhaitons du mal à un autre, nous violons également ce cinquième commandement. La vengeance est

malheureusement inhérente à notre nature; nous ne voulons rien supporter, et notre cœur est bien vite

aigri contre notre prochain; pour arrêter le mal à sa racine, Dieu donc nous a donné ce commandement,

afin qu'en le méditant nous voyions ce que nous sommes et que nous reconnaissions la volonté de Dieu;

afin aussi que, si nous souffrons injustement, nous nous adressions à lui avec confiance et que nous

invoquions son nom; alors nous ne craindrons plus les attaques de nos ennemis, mais nous les laisserons

s'irriter et se mettre en colère sans en être inquiétés. Par là-même, nous apprendrons à nous contenir et à

être doux et patients, surtout envers ceux qui excitent notre colère, c'est-à-dire envers nos ennemis.

D'après ce que nous venons de dire, qu'est-ce donc: ne pas tuer? Nous allons y répondre en peu

de mots, afin d'être plus facilement compris par tous. Ne pas tuer, c'est d'abord ne faire de mal à

personne, ni par nos actions, ni par nos paroles, ni même en facilitant ou en approuvant des moyens par

lesquels on pourrait faire du tort à quelqu'un; enfin, que notre cœur ne soit ennemi de personne et ne

souhaite pas le mal par colère ou par haine; qu'ainsi notre corps et notre âme soient innocents envers

chacun, et en particulier envers ceux qui nous irritent ou qui nous font du tort; quant à faire du mal à ceux

qui nous souhaitent du bien, cela n'est pas humain, c'est diabolique.

§ 2. Ne pas faire le bien, c'est un meurtre.

En second lieu, tuer, ce n'est pas seulement faire du mal, mais celui-là est aussi coupable à l'égard de ce

commandement qui, pouvant faire du bien à son prochain, l'obliger, le défendre, le protéger et le secourir

dans le danger, ne le fait pas. Admettons que ton prochain soit dans le dénuement et que toi tu aurais les

moyens de le vêtir; si tu ne le fais pas et qu'il périsse, n'es-tu pas coupable de sa mort? Ou bien tu vois un

affamé: tu pourrais le secourir et tu ne le fais pas; il meurt d'inanition; c'est toi encore qui es cause de sa

mort; ou bien encore un homme est condamné injustement à la mort ou se trouve dans un grand danger;

tu pourrais le sauver, mais tu ne cherches pas à le faire, c'est toi encore qui l'as tué, et il ne te servira de

rien de prétexter que tu n'as pas consenti à sa mort ou que tu n'as pas désiré sa perte, car tu n'as pas eu

d'amour pour lui, et tu l'as privé de ton secours par lequel il aurait pu conserver la vie.

Il est donc juste que Dieu regarde comme meurtriers tous ceux qui, voyant un frère en danger, lui

refusent leur assistance ou leurs conseils; et qu'il prononce sur eux une sentence terrible au jour du

jugement. Il leur dira: « J'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne m'avez

pas donné à boire; j'étais étranger, et vous ne m'avez pas recueilli; j'étais nu, et vous ne m'avez pas vêtu;

Page 33: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 34

j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité » (St Matth. 25, 42, 43); c'est-à-dire: « vous

m'auriez bien laissé, moi et les miens, mourir de faim, de soif et de froid, déchirer par les bêtes sauvages,

pourrir dans des cachots et périr dans les dangers, sans vous en inquiéter. » N'est-ce pas là être un

meurtrier? car, si tu n'as pas répandu de sang, tu as cependant laissé périr ton prochain, en tant que cela

dépendait de toi. Si je voyais un malheureux se débattre dans une eau profonde ou tomber dans le feu, et

qu'en lui tendant la main je pusse le retirer et le sauver, et que je ne le fisse pas, ne serais-je pas, même

aux yeux du monde, un lâche et un meurtrier? Dieu veut donc que nous empêchions, autant qu'il est en

notre pouvoir, qu'il n'arrive du mal à notre prochain; il nous commande par contre de lui faire du bien et

de lui témoigner de l'amour; il veut surtout (comme nous l’avons déjà dit) que nous fassions cela à l'égard

de nos ennemis; « car, si nous ne faisons du bien qu'à ceux qui nous aiment, que faisons-nous de plus que

les païens » (St Matth. 5, 46)?

C'est encore par sa Parole que Dieu veut nous stimuler et nous exciter à faire des œuvres justes,

nobles et grandes, c'est-à-dire à montrer de la douceur, de la patience et de l'amour envers nos ennemis;

par cette Parole, il nous rappelle qu'il est notre Dieu, c'est-à-dire (comme nous l'avons vu dans le premier

commandement) qu'il veut nous aider, nous assister et nous protéger, afin de réprimer par là le désir de

nous venger nous-mêmes.

Si l'on enseignait ces choses, nous aurions tous bien des bonnes œuvres à faire; mais cela ne

conviendrait pas aux moines, cela porterait préjudice au clergé romain et ce serait une attaque contre la

sainteté des religieux, qui nous accuseraient de défendre les bonnes œuvres et de faire déserter les

couvents. Car, de cette manière, la position de chaque chrétien aurait autant et même beaucoup plus de

valeur que la vie monacale, et chacun reconnaîtrait comment ces faux saints séduisent le monde et se

jouent des âmes crédules par d'hypocrites dehors de sainteté, jetant au vent comme inutiles les

commandements de l'Éternel, les regardant non comme des commandements, mais comme des conseils

que nous pouvons suivre ou non, selon notre fantaisie. On se persuaderait que, tout en vantant et en

proclamant impudemment leur fausse dévotion et leurs œuvres comme étant parfaites, ils peuvent

néanmoins mener une vie douce et tranquille, sans croix et sans afflictions. Ne sont-ils pas, en effet,

entrés au couvent dans l'espoir d'éviter de cette manière les tribulations du monde et de ne devoir leurs

services à personne?

Quant à toi, sache que les véritables bonnes œuvres sont l'obéissance et la soumission aux

commandements de Dieu; ces œuvres-là sont agréables à Dieu; les anges de Dieu s'en réjouissent; tandis

que toute la sainteté humaine n'est aux yeux de l'Éternel que puanteur et ordure, et ne mérite que la

colère et la condamnation.

Le Sixième Commandement.

Tu ne commettras point adultère.

§ 1er. Toute impudicité est un adultère.

Les commandements qui traitent de nos devoirs envers le prochain et qui, du reste, sont tous faciles à

comprendre, puisqu'ils ont tous pour but de nous empêcher de lui faire du tort, sont, en outre, rangés

dans un ordre excellent. D'abord, ils nous parlent de la personne de notre prochain; puis, allant plus loin,

ils nous montrent sa femme comme son bien le plus précieux, étant avec lui une seule chair. C'est

pourquoi il nous est expressément défendu de déshonorer la femme de notre prochain, et ici il est parlé

Page 34: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 35

particulièrement de l'adultère, parce que, chez les Juifs, il était de rigueur que chacun fût marié; aussi les

jeunes gens étaient-ils unis de bonne heure, de sorte que le célibat n'était pas admis et qu'une vie de

prostitution (comme malheureusement il en existe de nos jours) n'était pas tolérée. Aussi l'adultère, chez

eux, était l'impudicité la plus basse et la plus odieuse.

Mais ce commandement pour nous a une autre portée encore. Il ne se rapporte pas seulement à

l'adultère, il condamne toute impureté, quel que soit le nom qu'on lui donne; il ne défend pas seulement

l'acte extérieur, mais tout ce qui peut disposer l'esprit, le cœur, la volonté et le corps à l'impudicité, et

nous porter à commettre ce péché, soit par nos paroles, soit par nos actions; de plus, il nous est ordonné

de protéger, de secourir notre prochain et de l'aider de nos conseils quand il est en danger de perdre son

honneur. Car, si nous négligeons ce devoir, si nous usons d'indulgence ou que nous fermons les yeux,

comme si cela ne nous regardait pas, nous sommes alors aussi coupables que l'adultère lui-même. Ainsi,

Dieu demande de nous que chacun soit chaste pour lui-même et aide son prochain à l'être; que les époux

soient conservés irréprochables et que le mariage soit considéré comme une chose sacrée que nul ne doit

profaner.

§ 2. Le mariage institué et honoré de Dieu.

Ce commandement se rapportant au mariage et nous donnant l'occasion d'en parler, nous ferons

remarquer d'abord que l'Éternel honore l'état conjugal en ce qu'il le confirme et le garantit par son

commandement. Il le confirme par le quatrième commandement où il dit: Honore ton père et ta mère; et

ici, dans le sixième, il le garantit et le protège. Il veut donc que nous l'honorions et que nous le

considérions comme un état saint, parce que c'est lui qui l'a institué, et même avant tous les autres états.

C'est en vue de cette institution qu'il a créé différemment l'homme et la femme, non pour qu'ils vivent

dans l'impureté, mais afin qu'ils soient unis, qu'ils engendrent des enfants, les nourrissent et les élèvent

pour la gloire de Dieu. L'Éternel a béni cet état plus que tous les autres, et l'a pourvu abondamment de

tous les biens terrestres.

La vie conjugale n'est donc pas un jeu, c'est une chose excellente, sérieuse et divine; et ceux qui

sont unis par le mariage doivent élever leurs enfants dans la crainte du Seigneur, afin qu'ils soient utiles

au monde, qu'ils parviennent à la connaissance de Dieu, jouissent de la félicité et nous aident à combattre

le péché et le diable.

Aussi est-ce pour cette raison que nous enseignons qu'il ne faut pas outrager et mépriser cet

état, comme le font le monde aveugle et le clergé romain, mais qu'il faut considérer la Parole de Dieu par

laquelle il est sanctifié; car non seulement il est égal aux autres états, mais il est encore placé au-dessus

de celui des empereurs, des princes ou des évêques, etc. Nous le verrons bientôt; il faut que tous les

autres états, soit spirituels, soit temporels, s'abaissent devant celui-ci qui les surpasse tous. C'est, en

même temps, l'état le plus répandu et le plus noble; on le retrouve dans toute la chrétienté, oui, dans le

monde entier.

Mais le mariage n'est pas seulement un état honorable, c'est aussi un état nécessaire, qui a été

commandé sérieusement par Dieu, car il veut que, dans toutes les positions, les hommes et les femmes

qu'il a rendus aptes à cet état soient unis par le mariage. Il y a cependant des exceptions, bien qu'elles

soient en petit nombre; il y a des gens qui ne sont pas capables de mariage; d'autres que Dieu a doués de

dons extraordinaires et qui peuvent rester chastes en dehors du mariage; mais ce sont des exceptions. Là

où la nature a son cours, comme Dieu l'a créée, il n'est pas possible de rester chaste en dehors du

mariage; car la chair et le sang restent chair et sang, et les désirs charnels existent sans qu'on puisse les

Page 35: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 36

empêcher, comme chacun le voit et le sent. C'est donc, afin qu'il fût plus facile à l'homme d'éviter

l'impureté, que Dieu a commandé le mariage, et il veut que chacun y ait sa part déterminée et s'en

contente, bien que la grâce de Dieu soit nécessaire pour que notre cœur aussi puisse être chaste.

Il est donc évident que tout le papisme, les prêtres, les moines, les nonnes, résistent au

commandement de Dieu; car ils méprisent et défendent le mariage et se vantent de garder une chasteté

éternelle, trompant ainsi avec leurs paroles mensongères les âmes simples et crédules. En effet, personne

n'a moins d'amour et de désir pour la chasteté que ceux qui, par grande sainteté, évitent le mariage, et

beaucoup d'entre eux vivent ouvertement dans la souillure et dans l'impudicité, ou bien se livrent en

secret à toutes sortes de désordres et à des excès tels qu'on ne peut les nommer; l'expérience nous le

montre malheureusement tous les jours. D'ailleurs, quand bien même ils ne commettraient pas l'action,

leurs cœurs sont cependant pleins de pensées impures, de convoitises, d'un tourment secret qui les

consume, et qu'ils pourraient éviter en contractant le lien du mariage. Ce commandement condamne

donc tous les vœux de chasteté. Il permet, il commande même à toutes les pauvres consciences captives,

qui sont trompées par leurs vœux monastiques, de sortir de cet état d'impureté et d’entrer dans la vie

conjugale, vu que, quand bien même la vie monacale serait divine, il n'est pas dans la force d'un grand

nombre d'entre eux de rester chastes, et que, s'ils y restent, ils pécheront de plus en plus contre ce

commandement.

Je dis cela, afin que l'on apprenne à la jeunesse à aimer le mariage et à le considérer comme un

état qui est agréable à Dieu. Par là, on parviendrait avec le temps à remettre le mariage en honneur, et

nous verrions diminuer cette vie désordonnée, cette impudicité pratiquée à découvert, et tous ces crimes

honteux qui sont tolérés de nos jours dans le monde et qui découlent du mépris de la vie conjugale. C'est

pourquoi les parents et les autorités sont tenus de surveiller la jeunesse, afin qu'elle soit élevée dans la

soumission et l'honneur, et que, quand les jeunes gens en ont l'âge, on les marie honorablement et selon

le Seigneur. La bénédiction et la grâce de Dieu reposeraient ainsi sur eux, et ils nous causeraient de la joie

et du bonheur.

§ 3. Devoirs des époux.

Avant de terminer, il est encore nécessaire de dire que ce commandement ne demande pas seulement

que chacun de nous vive chastement en paroles, en actions et en pensées, soit dans l'état du mariage, soit

hors du mariage, mais qu'il commande aussi aux époux de s'aimer et de s'honorer mutuellement. Car, là

où la chasteté conjugale doit être gardée, il faut avant tout que l'homme et la femme vivent dans l'amour

et dans l'union, qu'ils s'aiment l'un l'autre et soient fidèles du fond du cœur. Ce n'est qu'à cette condition

qu'ils parviendront à aimer et à désirer la chasteté, sans avoir besoin d'y être forcés par un

commandement. Aussi saint Paul recommande-t-il fortement aux époux de s'aimer et de s'honorer

mutuellement (Éphés. 5, 22, etc.; Col. 3, 18, 19).

Nous avons donc encore ici une œuvre grande, bonne et précieuse, que nous pouvons vanter

joyeusement en dépit de tous les ordres ecclésiastiques qui ne sont pas basés sur la Parole et les

commandements de Dieu.

Le Septième Commandement.

Tu ne déroberas point.

Page 36: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 37

§ 1er. Des différentes manières de transgresser ce commandement.

Ce commandement se rapporte aux biens temporels; car, après la famille, c'est ce que nous avons de plus

précieux et l'Éternel nous défend de prendre ou de diminuer ce qui appartient à notre prochain. Dérober,

c'est attirer à soi, par des voies injustes, le bien d'un autre, et cela se rapporte à tout gain qui peut causer

quelque dommage à notre prochain, de quelque manière que ce soit. Le vol est un péché très répandu,

mais l'on n'y fait pas attention; et cependant, si l'on voulait pendre tous les voleurs (et il en est beaucoup

qui le sont sans vouloir l'avouer), le monde serait bientôt un désert, et l'on manquerait de gibets et

d'exécuteurs. Car voler, ce n'est pas seulement s'emparer grossièrement et ouvertement de ce qui

appartient à notre prochain, c'est aussi s'emparer de son bien d'une manière subtile, comme cela arrive

aux marchés, dans les boutiques, dans les auberges, dans les ateliers, partout enfin où l'on échange de

l'argent contre le travail ou contre des marchandises.

Pour être bien compris par le peuple, je vais citer un exemple: Un domestique ne sert pas

fidèlement ses maîtres; il leur fait du tort; il leur en laisse faire par d'autres quand il pourrait l'empêcher;

ou bien, il néglige leurs intérêts par paresse ou par méchanceté, bravant et fâchant ses maîtres, et cela de

propos délibéré (car je ne parle pas de ce que l'on fait par inadvertance); il peut dérober ainsi à ses

maîtres jusqu'à 100 fr. et au delà par an: si un voleur s'était emparé de cette somme, il serait pendu; mais

ce serviteur infidèle peut encore braver les gens, se vanter d'être un honnête homme, et ne souffrirait

jamais qu'on l'appelât voleur. Il en est de même à l'égard des artisans, des ouvriers, des journaliers, qui ne

se font pas de scrupule de demander de grands salaires et qui cependant sont négligents et infidèles dans

le travail qui leur est confié. Ces voleurs domestiques sont bien plus nuisibles que les autres; car on peut

se mettre à l'abri de ces derniers en fermant ses verrous, et, lorsqu'on les surprend, on les punit de

manière qu'ils n'aient plus envie de recommencer; mais, pour les premiers, on ne peut s'en garantir, et

l'on ne peut même pas les convaincre de larcin, quoiqu'ils nous fassent plus de tort que s'ils nous

prenaient une forte somme d'argent. Ce sont d'ordinaire nos voisins, nos amis, nos propres domestiques,

ceux qui possèdent notre confiance et sur lesquels nous croyons pouvoir compter, qui nous trompent le

plus.

Ce péché abonde dans les marchés et dans le commerce journalier, car on se trompe

publiquement l'un l'autre par de mauvaises marchandises, de faux poids et de fausses mesures; par la

ruse, par des banqueroutes; le vendeur demande un prix exagéré; il importune, écorche et tracasse les

acheteurs; et qui pourrait raconter toutes les tricheries qui se commettent? Car tromper et surfaire, c'est

le métier le plus répandu sur la terre; et, si l'on examine avec soin les hommes, quel que soit le rang qu'ils

occupent, on en viendra à conclure que le monde est un immense repaire de voleurs. Nous méprisons et

jugeons dignes de châtiment les brigands, les voleurs de grands chemins, les larrons; mais, pour ceux qui

dupent leur prochain, soit en secret, soit ouvertement, nous les honorons et les appelons de grands

seigneurs, d'honnêtes et pieux bourgeois; car ils dérobent sous l'apparence de la bonne foi.

Nous serions excusables même si nous négligions de parler dans ce livre des voleurs isolés qui

exercent leur métier en petit, en présence de tous ces grands et puissants maîtres larrons avec lesquels

les seigneurs et les princes font plus d'une fois alliance et qui ne se contentent pas de dépouiller une ville

ou deux, mais qui pillent journellement toute l'Allemagne. Et que dire enfin du Saint-Siège et de toute sa

suite qui a trouvé le moyen de s'approprier les biens de tout le monde, et en jouit jusqu'à ce jour? Il en est

ainsi dans le monde: celui qui peut dérober publiquement est libre et demeure en sûreté; il n'a pas à

redouter le châtiment; au contraire, on est même obligé de l'honorer; tandis que les petits voleurs, qui se

sont laissé prendre au moment où ils portaient la main sur le bien d'autrui, sont couverts d'ignominie; ils

Page 37: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 38

ne peuvent échapper à la condamnation et servent ainsi à faire paraître les autres justes et honnêtes.

Cependant ces derniers aussi n'échapperont pas, car, aux yeux de Dieu, ils sont les plus grands voleurs, et

il les punira comme ils le méritent.

§ 2. Ce commandement prescrit de servir le prochain.

Ce commandement ayant une si grande portée, il est nécessaire de le développer davantage et de

l'expliquer clairement au peuple, afin qu'il ne s'imagine pas que chacun est libre de faire ce qui lui plaît,

mais qu'il apprenne à craindre la volonté de l'Éternel. Car ceux auxquels nous prêchons ne sont pas

toujours de vrais chrétiens, mais souvent de fort malhonnêtes gens et de francs coquins qui n'obéissent

que par crainte et qui ne cèdent qu'à la force. Que chacun donc sache qu'il est tenu, sous peine d'encourir

la disgrâce divine, non seulement de ne pas faire du tort à son prochain, de ne pas diminuer son gain et de

ne pas le tromper dans le commerce, mais aussi de travailler à lui conserver son bien et de chercher à

l'augmenter, surtout s'il reçoit pour son travail un salaire ou la nourriture.

Celui qui méconnaît cet autre sens du commandement ou le méprise de propos délibéré, pourra

bien éviter le bourreau, mais il n'échappera pas à la colère et au châtiment de l'Éternel; et, s'il ne veut pas

se soumettre, mais qu'au contraire il persiste dans son opiniâtreté et dans son orgueil, il finira par être

vagabond et mendiant, et sera frappé de toutes sortes de calamités et de malheurs. Tel serviteur est loué

pour surveiller le bien de ses maîtres; il est nourri et reçoit un salaire. Mais, voyez le larron! il accepte le

prix d'un travail dont il ne s'est pas acquitté; il brave ses maîtres, est plein d'exigences et de prétentions,

et cependant ce serait à regret qu'il les préserverait d'une perte. Mais qu'il fasse attention; quand il sera

dans sa propre maison, quand il aura un foyer à lui, alors l'Éternel lui enverra le châtiment qu'il a mérité,

et il arrivera que, s'il n'a pas été fidèle et qu'il a détourné le bien de ses maîtres, il en perdra trente fois

autant.

Il en arrivera de même aux ouvriers et aux journaliers, dont on est obligé de supporter les

caprices comme s'ils étaient seigneurs et maîtres des biens étrangers; car chacun est obligé de leur

donner ce qu'ils désirent et autant qu'ils veulent. Mais, prenons patience, Dieu n'oubliera pas son

commandement et leur rendra selon qu'ils ont mérité, de sorte qu'ils ne réussiront dans aucune de leurs

entreprises et qu'ils ne pourront rien économiser. Certes, s'il y avait dans les différents pays des

gouvernements bien organisés, on pourrait facilement mettre des bornes et résister à tant de caprices;

c'est ce que faisaient autrefois les Romains: ils pendaient ces gens-là, pour servir d'exemple à d'autres.

Il en arrivera de même à ceux qui changent les marchés publics en un rendez-vous de vols et de

vexations, où l'on surfait journellement les pauvres, où on leur impose de nouvelles charges en

augmentant le prix des vivres, car chacun se sert du marché selon son bon plaisir, bravant tout ce qui est

honnête; il croit avoir le droit de vendre ses denrées aussi cher qu'il lui plaît, sans que personne ait le droit

de s'en mêler. Mais laissons-les faire, laissons-les duper, surfaire et être avides, et ayons confiance en

Dieu, car, lorsque tu auras longtemps dupé les autres et amassé par là beaucoup d'argent, Dieu te bénira

de manière que ton grain pourrisse dans ton grenier, que ta bière se gâte dans ta cave, que ton bétail

périsse dans tes écuries; et parce que tu auras trompé les autres et que tu te seras emparé injustement ne

serait-ce que d'une petite somme de leur avoir, ton argent tout entier se rouillera et se perdra, et tu n'en

jouiras jamais.

En effet, l'expérience nous montre journellement que le bien mal acquis ne prospère jamais.

Page 38: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 39

Nous voyons des gens qui se tourmentent jour et nuit pour amasser des trésors et qui cependant

ne possèdent jamais rien; d'autres parviennent à s'enrichir à force d'intrigues, mais ils sont frappés de

tant de revers et de malheurs, qu'ils ne peuvent jouir en paix de leurs richesses et que leur fortune ne

passe pas même à leurs enfants. Mais qui est-ce qui profite de ces exemples? Nul n'y fait attention. Il faut

donc que l'Éternel nous afflige d'une autre manière: n'est-ce pas un châtiment que ces impôts successifs

qui frappent notre pays, que cette foule de soldats étrangers que nous sommes obligés de loger, et qui,

au bout d'une heure, vident nos armoires et nos bourses et ne cessent pas tant que nous possédons un

denier; puis, à titre de remercîment, ils dévastent ou incendient nos maisons et nos fermes, déshonorent

et égorgent nos femmes et nos enfants? Ainsi donc, si tu dérobes, il t'en arrivera autant, et, si tu amasses

des biens injustement et que tu dépouilles un autre, il t'en sera fait de même. Car Dieu punit un voleur

par un autre: sans cela où trouverions-nous assez de gibets et de cordes pour les pendre tous?

§ 3. Ce commandement prescrit de faire du bien.

Sache donc que c'est là un commandement de l'Éternel et qu'il ne veut pas qu'on s'en joue. Si tu nous

méprises, au point de nous tromper et de nous dépouiller, nous le supporterons, nous endurerons ton

orgueil, et, conformément à l'Oraison, nous te pardonnerons et nous aurons pitié de toi; car nous savons

que le Seigneur n'abandonne pas ceux qui se confient en lui, et qu'ils auront toujours de quoi vivre, tandis

que tu te fais à toi-même beaucoup de tort. Prends garde surtout, quand un pauvre, qui est obligé de

vivre du denier quotidien (et il y en a beaucoup maintenant), viendra humblement solliciter ta charité,

qu'au lieu de lui faire l'aumône, tu ne t'emportes, que tu ne l'accables de reproches et que tu ne le

renvoies avec insolence, de sorte qu'il s'en retourne misérable et affligé. Ce pauvre, ne pouvant se

plaindre à personne, criera au Seigneur et lui adressera ses plaintes; prends garde alors (te dis-je), tu as

excité le diable contre toi; ce soupir, cet appel du pauvre n'est pas vain, mais, dans la suite, il sera comme

un fardeau qui s'appesantira sur toi et que tu ne pourras supporter. Le cri du pauvre est, en effet, parvenu

jusqu'à celui qui a soin des cœurs affligés et à qui la vengeance appartient. Maintenant tu en ris et le

braves, mais un temps viendra où tu sauras quel est celui que tu as irrité. Si tu es heureux et que tu vives

dans le bonheur et dans la joie, tu pourras traiter Dieu et moi de menteurs devant le monde entier.

§ 4. Devoirs des supérieurs.

Nous avons assez exhorté et averti; celui donc qui ne veut pas nous écouter, ni croire à la Parole de Dieu,

en fera l'expérience. Cependant ne nous lassons pas de représenter ces choses aux jeunes gens, et de leur

dire qu'ils se gardent d'imiter et de suivre cette foule de gens indomptables et indisciplinés qui perdent de

vue le commandement de Dieu, afin que la colère et le châtiment de Dieu ne retombe pas aussi sur eux.

Nous ne pouvons pas faire plus que d'exhorter et de reprendre par la Parole de Dieu: c'est aux autorités

qu'il appartient de réprimer et de punir le mal; mais pour cela il faut que les gouvernants aient eux-

mêmes des yeux qui voient, et qu'ils aient le courage d'établir et de maintenir l'ordre dans les affaires et

dans le commerce, afin que les pauvres ne soient pas opprimés; car, s'ils ne le font pas, ils participent au

péché des autres.

Nous avons donc vu ce que c'est que dérober, et qu'il ne faut pas restreindre le sens de ce mot,

car il a une grande portée et s'étend à tous les rapports que nous avons avec notre prochain. Ainsi, pour le

dire en résumé, il nous est défendu d'abord de faire du tort à notre prochain dans ses biens, de quelque

manière que ce soit (nous devons éviter de lui causer du dommage, de détruire ou de gâter ce qui lui

appartient, ne pas l'empêcher de s'enrichir ni diminuer son salaire, etc.); en second lieu, il nous est aussi

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 40

défendu d'encourager ou d'autoriser quiconque entreprendrait de léser ses intérêts. Il nous est

commandé au contraire de travailler à conserver à notre prochain ce qu'il a, et même de chercher à

l'augmenter par des moyens légitimes, en nous montrant toujours prêts à l'aider lorsqu'il est dans le

besoin, à lui faire part de nos biens et à assister nos ennemis comme nos amis.

Celui donc qui cherche à faire de bonnes œuvres, en trouvera ici suffisamment qui sont agréables

à Dieu et qu'il a promis de combler d'une bénédiction précieuse, car il nous récompensera abondamment

pour le bien que nous aurons fait à notre prochain, comme le dit le roi Salomon (Prov. 19, il): « Celui qui a

pitié du pauvre prête à l'Éternel, et il lui rendra son bienfait. » Tu as un riche Seigneur qui te donnera

suffisamment et ne te laissera certainement manquer de rien. Ainsi, tu auras la paix de la conscience et tu

goûteras cent fois plus de jouissances que si tu avais cherché à t'amasser des biens par infidélité ou par

injustice. Si donc tu dédaignes la bénédiction de Dieu, tu ne pourras pas échapper à sa colère et à sa

malédiction.

Le Huitième Commandement.

Tu ne diras point de faux témoignage contre ton prochain.

§ 1er. Faux témoignage devant la justice.

Outre notre corps, notre femme et nos biens terrestres, il est encore un trésor dont nous ne pouvons pas

nous passer: l'honneur et une bonne réputation; car il est bien pénible de vivre dans la honte publique et

d'être méprisé par tous. C'est pourquoi Dieu nous défend de nuire à notre prochain en attaquant sa

réputation, sa probité ou sa loyauté, tout autant que de nous emparer de son argent et de ses biens, afin

que chacun puisse subsister honorablement devant sa femme, ses enfants, ses domestiques et ses voisins.

Ce commandement se rapporte tout d'abord au faux témoignage qui a lieu devant la justice, où il

n'est pas rare que l'on opprime injustement le pauvre et où l'on ne craint pas de prêter un faux serment,

afin de faire retomber sur lui le déshonneur et le châtiment. On dira peut-être: les cas sont rares où nous

sommes appelés à tester en justice. Cela ne détruit pas ce que je dis. Chez les Juifs, l'occasion s'en

présentait souvent; car le peuple était placé sous un gouvernement sérieux et régulier; et là où un tel

gouvernement existe et où cette pratique a lieu, le péché du faux témoignage se commet aussi

journellement. La raison en est que, partout où des jugements sont rendus par les juges, les

bourgmestres, les princes ou par une autorité quelconque, il arrive, selon le cours ordinaire du monde,

que les témoins craignent de désobliger quelqu'un; ils prennent alors en considération la fortune, le

crédit, les relations de famille; ils ne veulent pas risquer de perdre la faveur et l'amitié des grands; de

cette manière, le pauvre est opprimé, et, quand même sa cause serait juste, on lui donne tort, et il est

obligé de supporter la punition. Il est malheureusement rare de trouver des gens pieux parmi ceux qui

siègent au tribunal, et cependant un juge devrait avant tout être un homme pieux et de plus un homme

capable et éclairé, qui ait le courage d'agir avec justice, quand bien même il se ferait des ennemis. De

même aussi, on devrait prendre pour témoins des gens pieux et loyaux qui aient le courage de dire la

vérité. Car celui qui veut juger toutes les causes avec droiture et prononcer un jugement juste, fâchera

souvent ses amis, ses frères, ses voisins, les riches et les puissants, tous des hommes qui peuvent lui être

d'un grand secours, et qui peuvent aussi lui nuire beaucoup: c'est pourquoi il faut qu'il ferme ses yeux et

ses oreilles pour ne pas les voir ni les entendre, et qu'il regarde tout droit devant lui sans se détourner ni à

droite ni à gauche, et qu'ainsi il puisse juger avec justice.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 41

Ce commandement demande donc d'abord que nous assistions notre prochain dans son droit, et

que nous veillions à ce qu'il ne soit pas opprimé et à ce qu'on ne lui fasse pas de tort; nous devons donc le

soutenir et persister, Dieu aidant, à dire la vérité, peu importe que nous soyons juges ou témoins. Cela

s'adresse en particulier à nos légistes. Qu'ils soient sur leurs gardes afin d'agir avec droiture et conscience,

laissent juste ce qui est juste: ils ne doivent pas altérer les choses, les tordre, les cacher ou les passer sous

silence, encore moins se laisser guider par des considérations de fortune, d'honneur ou de pouvoir. Ainsi,

ce commandement se rapporte, en premier lieu, à tout ce qui se passe devant la justice.

§ 2. Faux témoignage dans les choses spirituelles.

En second lieu, ce commandement s'étend aussi au jugement ou plutôt au gouvernement spirituel. En cet

endroit surtout, le faux témoignage n'est pas rare; car les prédicateurs les plus pieux et les chrétiens les

plus éprouvés ont aux yeux du monde la réputation d'être des hérétiques et des rebelles; on va même

jusqu'à les traiter de vauriens séditieux et désespérés. On est enveloppé dans ce péché en méprisant, en

persécutant ou en injuriant la Parole de Dieu; en la traitant de mensonge ou en la tordant par une

manière d'interpréter honteuse et pleine de fiel. Cela est toléré de nos jours, nul ne s'y oppose; c'est, en

effet, le propre du monde de condamner et de persécuter la vérité en même temps que les enfants de

Dieu qui la professent, et de ne pas regarder cela comme un péché.

§ 3. Des péchés de langue.

En troisième lieu, et cela nous concerne tous, ce commandement condamne tous les péchés de la langue

par lesquels nous pouvons faire du tort à notre prochain ou porter atteinte à son honneur; car le faux

témoignage est l'œuvre de la langue. Il condamne donc tous ceux qui font du tort à leur prochain par leurs

paroles, que ce soient de faux prédicateurs par leur doctrine et leurs blasphèmes, de faux juges ou de faux

témoins par leurs sentences injustes, et, en dehors de la justice, tous ceux qui emploient le mensonge et

la médisance. La médisance et la calomnie sont des crimes honteux et funestes par lesquels le diable nous

fait bien du mal. Que n'aurions-nous pas à dire à ce sujet. Car, malheureusement, il n'est que trop vrai que

chacun de nous aime mieux entendre dire du mal que du bien sur le compte de son prochain. Nous ne

pouvons souffrir que l'on répète du mal de nous; nous aimerions, au contraire, que tout le monde nous

loue et nous estime, tandis que nous ne pouvons pas supporter qu'on loue et qu'on estime les autres.

Cela montre bien notre profonde corruption.

Sachons donc, afin d'éviter ce péché, que personne ne doit juger ni reprendre publiquement son

prochain, quand même il le verrait pécher, à moins qu'il n'ait reçu la vocation de juger et de punir; car il y

a une énorme différence entre connaître un péché et condamner un péché. Tu peux bien le connaître,

mais tu ne dois pas le condamner. Tu peux certainement voir et entendre les fautes de ton prochain, mais

tu n'as pas le droit de les répéter à d'autres. Si donc tu veux le juger et le censurer, tu tombes dans un

péché plus grand que le sien. Nous devons passer sous silence les fautes de notre prochain, à moins que

nous n'ayons reçu la vocation de le juger.

Les médisants ne se contentent pas de savoir le mal, ils empiètent sur la justice en ce que,

lorsqu'ils ont appris la faute d'un autre, ils s'empressent de la répéter dans tous les coins et éprouvent

souvent un plaisir secret à faire naître contre le coupable la haine dans le cœur de ceux auxquels ils font

des rapports, et se complaisent dans cette noirceur, comme les animaux immondes aiment à se vautrer

dans la fange. Car juger et punir aussi sévèrement, c'est empiéter sur la justice de Dieu; en effet, aucun

juge ne peut prononcer une sentence plus forte que celle-ci: « Cet homme est un voleur, un meurtrier, un

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 42

traître, etc. C'est pourquoi celui qui se permet de juger ainsi son prochain, s'empare d'un droit qui

n'appartient qu'aux autorités; car, bien qu'il ne manie pas le glaive, il se sert cependant de sa langue

empoisonnée pour la honte et au détriment de son prochain.

Ainsi, Dieu nous défend de dire du mal sur le compte de notre prochain, quand même nous

serions sûrs de sa culpabilité, combien plus devons-nous garder le silence quand nous ne connaissons ses

fautes que par ouï-dire? — Mais, dis-tu, ne puis-je donc pas dire ce qui est la vérité? — Oui, tu le peux, si

tu t'adresses au juge compétent. — Mais, ajoutes-tu, je ne puis affirmer ces choses publiquement; on

trouverait que j'agis très mal, et je n'en retirerais que la honte. — Eh bien, mon ami, ne vois-tu pas que si

tu n'oses pas te présenter devant la justice et que tu ne peux justifier cette accusation, ton devoir est de

te taire? C'est bien assez que tu connaisses la faute, il n'est pas nécessaire qu'un autre la sache; et

d'ailleurs, si tu fais des rapports, quand même ils seraient vrais, tu seras cependant regardé comme un

menteur, parce que tu ne peux pas justifier ce que tu avances; tu agis de plus comme un scélérat, car on

ne doit pas ôter l'honneur ni flétrir la réputation de son semblable, à moins que la justice ne l'ait fait

d'abord publiquement.

Ainsi, tout ce que l'on ne peut prouver suffisamment est un faux témoignage; c'est pourquoi nul

ne doit révéler ce qui n'est pas évident, encore moins le dire comme une vérité; en un mot, si tu vois

pécher ton frère en secret, garde le silence, ou bien (comme nous le verrons plus tard) reprends-le en

particulier. Si donc un homme qui prend plaisir à médire sur le compte des autres et à les calomnier, vient

te faire des rapports, reprends-le avec fermeté et ne l'écoute pas, afin qu'il soit obligé de rougir de honte;

de cette manière, tu feras taire plus d'un médisant qui aurait décrié un pauvre homme et qui lui aurait fait

par là beaucoup de mal. L'honneur et la réputation sont bientôt ôtés, mais c'est un mal presque

irréparable.

§ 4. Les jugements ne sont permis qu'aux autorités compétentes.

Tu vois donc qu'il est défendu de dire du mal de notre prochain; cependant il faut excepter l'autorité

temporelle, les prédicateurs, les parents; car il ne faut pas s'imaginer que ce commandement défende de

punir ceux qui font le mal. Comme donc le cinquième commandement nous défend de tuer et que le

bourreau, dont la fonction est d'ôter la vie à ses semblables, ne pèche pas contre le commandement de

Dieu, par la raison que Dieu, qui s'est réservé le châtiment, comme il le dit dans le premier

commandement, l'a établi pour cela; de même aussi, bien qu'il soit défendu de juger et de condamner,

cela n'en est pas moins permis à ceux qui en ont reçu la mission, et, s'ils ne le font pas, ils pèchent autant

que ceux qui le feraient sans y être appelés. Dans ce cas, il est nécessaire qu'ils connaissent le mal, qu'ils

écoutent les plaintes, qu'ils exigent le témoignage, afin de découvrir la vérité; de même qu'un médecin est

obligé d'avoir une connaissance approfondie de l'état d'un malade et même de tous les secrets de son mal

pour pouvoir prescrire des remèdes efficaces. Ainsi, le devoir de l'autorité, des parents, des frères, des

sœurs, des amis, est de reprendre et même de punir, si cela est nécessaire, ceux qui font le mal.

§ 5. Discipline fraternelle.

En cela, nous devrions agir d'après l'Évangile où Christ dit (Matth. 18, 15): « Si ton frère a péché contre toi,

va et reprends-le entre toi et lui seul. » C'est un précepte excellent et précieux qui doit nous apprendre à

gouverner notre langue et arrêter notre funeste penchant à la médisance. Conforme-toi à cet ordre du

Seigneur, et ne divulgue pas les fautes de ton prochain, mais reprends-le en secret, afin qu'il se corrige. Et

Page 42: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 43

si un autre vient te répéter en confidence les torts de son frère, dis-lui d'aller le trouver et de le reprendre

lui-même, s'il a été témoin de la faute; sinon, dis-lui de se taire.

C'est là aussi ce qu'on pratique journellement dans le gouvernement de la maison: Quand un

serviteur ne fait pas ce qui lui est commandé, son maître le reprend et lui parle à lui-même. Que si, au lieu

d'en agir de la sorte, il négligeait de parler à son serviteur à la maison et qu'il sortît pour se plaindre à ses

voisins, ne mériterait-il pas qu'on lui dise: « Insensé, est-ce que cela nous regarde? pourquoi ne le lui dis-

tu pas à lui-même? » Ainsi, c'est agir fraternellement que de reprendre son prochain, afin qu'il conserve

son honneur, et Christ nous dit: « S'il t'écoute, tu as gagné ton frère. » Or, gagner un frère est une œuvre

bien précieuse; ou crois-tu que ce soit peu de chose? Que les moines et tous les ordres sacrés

s'assemblent, ils ne pourront pas revendiquer la gloire d'avoir gagné un frère.

Plus loin, le Seigneur ajoute: « S'il ne t'écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin

que tout soit confirmé sur la parole de deux ou trois témoins. » Ainsi, tu dois t'adresser au coupable lui-

même et ne pas médire de lui; si cela ne sert à rien, alors dis-le publiquement devant la justice temporelle

ou ecclésiastique; car alors tu n'es plus seul, mais tu as avec toi des témoins par lesquels tu peux

convaincre le coupable, et le juge peut se fonder là-dessus pour juger et punir; de cette manière, l'on

pourrait arriver à résister au méchant et à le corriger avec bonté et justice, tandis que les insultes et la

médisance servent plutôt à endurcir qu'à corriger, et, quand il lui faut comparaître devant le tribunal et

rendre témoignage, le médisant voudrait pouvoir bien souvent nier les rapports qu'il a faits. Mais il est

bon que les faiseurs de faux rapports soient humiliés. Ils expient par là cette envie de bavarder qui est si

nuisible, et servent ainsi d'exemple aux autres. En vérité, s'ils étaient mus par l'espoir de convenir leur

prochain et par le désir de dire la vérité, ils n'agiraient pas en secret et ne craindraient pas la lumière.

§ 6. Le témoignage est permis en présence d'une chose jugée.

Remarquez cependant que ce que nous venons de dire se rapporte aux péchés secrets; car, quand le

péché a été commis publiquement, quand il est connu par le juge et par tout le monde, alors on peut

bien, sans pécher, abandonner le coupable, le fuir et l'éviter comme un homme qui s'est avili lui-même,

et, dans ce cas aussi, on peut témoigner ouvertement contre lui; car il ne peut y avoir de médisance à

parler de ce qui est manifeste, et celui qui en rend témoignage et censure le crime, ne pèche point contre

le huitième commandement. Nous pouvons donc attaquer la doctrine du pape, qui est enseignée

publiquement et répandue dans le monde entier par une quantité de livres et d'écrits. Car, là où le péché

est public, il est juste qu'il soit suivi d'un châtiment public, afin que chacun sache s'en garder.

§ 7. La langue doit refléter la bienveillance du cœur.

Ainsi, la signification de ce commandement est que nul ne doit nuire à son prochain, ami ou ennemi, ni

dire du mal de lui, quand bien même ce serait la vérité, à moins toutefois que ce soit par devoir ou pour

son bien; mais nous devons parler avantageusement de lui, passer sous silence ses péchés et ses

faiblesses, les excuser et interpréter ses actions de la manière la plus favorable. Car notre Seigneur nous

dit dans l'Évangile (St Matth. 7, 12): « Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le-leur

aussi de même; » et dans ces paroles sont compris tous les commandements qui se rapportent à notre

prochain.

La nature même nous enseigne cela, comme le dit saint Paul (1 Cor. 12, 22, 23): « Les membres

du corps qui paraissent les plus faibles sont les plus nécessaires, et ceux que nous estimons les moins

Page 43: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 44

honorables sont ceux auxquels nous faisons le plus d'honneur; de sorte que ceux qui sont les moins

honnêtes sont les plus honorés. » Nous ne nous couvrons pas le visage, les yeux, le nez, la bouche, car

cela n'est pas nécessaire, puisque ce sont les membres les plus honorables que nous ayons; mais nous

couvrons les membres plus faibles desquels nous avons honte; et, pour cela, il faut que nos mains et nos

yeux nous aident à les cacher. De même, nous devons aussi couvrir et cacher la honte et les faiblesses de

notre prochain, afin de lui conserver son honneur, en tant que cela dépend de nous; l'aider et chercher à

lui être utiles, tandis que nous devons empêcher et éviter ce qui peut tourner à son déshonneur. C'est une

noble vertu que d'interpréter en bonne part les paroles et les actions de notre prochain, toutes les fois

qu'elles ne s'ont pas évidemment mauvaises, en dépit des langues empoisonnées qui s'appliquent à

découvrir les fautes des autres, afin de pouvoir les blâmer, et qui interprètent leurs intentions de la

manière la plus odieuse: comme on fait à l'égard de la Parole de Dieu et de ceux qui la prêchent.

Ce commandement, comme tous les autres, nous donne encore l'occasion de faire beaucoup de

bonnes œuvres qui sont agréables à Dieu, nous attirent sa bénédiction et sont pour nous une cause de

bonheur. Mais malheureusement le monde aveugle et tous ceux qui s'appuient sur une fausse sainteté ne

veulent pas le reconnaître. Car il n'y a rien au dedans de l'homme qui soit susceptible de faire autant de

bien et en même temps autant de mal, tant pour les choses spirituelles que pour les choses terrestres,

que la langue, qui cependant est le membre le plus petit et le plus faible, comme le dit saint Jacques,

chap. 3, 5, etc.

Le Neuvième et le Dixième Commandement.

Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de

ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bétail, ni aucune chose qui soit à ton

prochain.

§ 1er. Portée historique de ces deux commandements.

On serait tenté de croire que ces deux commandements concernent spécialement les Juifs; ils se

rapportent cependant aussi à nous. Ils n'attaquent pas l'impureté et le vol dans le sens ordinaire, parce

que, dans les commandements précédents, ces choses sont déjà défendues; mais, comme nous serions

bien vite portés à nous imaginer que nous avons gardé toute la loi, tant que nous ne l'aurions pas violée

extérieurement, Dieu a ajouté ces deux commandements, afin que nous regardions aussi comme un

péché de convoiter la femme ou les biens de notre prochain, et d'y prétendre de quelque manière que ce

soit. Voici dans quel sens cela s'adressait plus spécialement aux Juifs: Chez eux, les serviteurs et les

servantes n'étaient pas, comme de nos jours, libres de travailler pour leur salaire aussi longtemps qu'ils

voulaient, mais ils appartenaient à leur maître corps et biens, comme le bétail ou une autre propriété; de

plus, chacun avait le pouvoir de répudier publiquement sa femme et d'en prendre une autre. Il arrivait

donc souvent que, lorsqu'un homme aimait la femme d'un autre, il cherchait un motif quelconque pour

répudier la sienne, et tâchait de faire perdre à l'autre l'affection de son mari, afin de pouvoir l'épouser

d'une manière légitime. Car ils ne regardaient pas cela comme un péché, ni comme une honte, pas plus

que maintenant nous ne trouverions mal de congédier un domestique.

Les Juifs ont donc interprété, et avec raison, ce commandement de la manière suivante (quoique

la signification en soit encore plus étendue): Il est défendu de chercher à attirer à soi la femme, les

domestiques, la maison, les champs, les prés, le bétail de son prochain, même sous une bonne apparence

et sous un prétexte honnête, quand cela peut lui causer du dommage. Plus haut, dans le septième

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 45

commandement, il est défendu de s'emparer du bien étranger ou de le retenir injustement, mais ici il est

défendu de dépouiller notre prochain de quoi que ce soit, quand même, aux yeux du monde, nous

agirions avec probité, et que personne ne pourrait nous blâmer et nous accuser de l'avoir acquis

injustement.

§ 2. Leur portée actuelle et durable.

C'est là notre nature: nul ne souhaite à un autre autant qu'à lui-même, et chacun amasse autant qu'il peut

sans s'inquiéter des autres. Avec cela, nous voulons paraître pieux, et nous savons cacher et dissimuler

notre ruse de la manière la plus subtile; nous trouvons promptement des excuses; nous imaginons toutes

sortes d'expédients afin de paraître nous appuyer sur notre bon droit, et nous osons nous fonder là-

dessus avec audace, ne souffrant pas que l'on appelle notre ruse de la fourberie, mais, au contraire, nous

la qualifions de bon sens et de prévoyance. Et, en cela, nous sommes aidés par les juges et les avocats, car

ils ne se font pas de scrupule d'étendre et de tordre le droit, autant que cela est nécessaire à la cause

qu'ils veulent faire triompher; pour parvenir à leur but, ils emploient toutes sortes de moyens et ne

craignent pas de dénaturer les faits, d'embrouiller les témoins, afin de leur arracher des paroles qu'ils

n'auraient pas dites, sans faire attention à l'équité et à la défense du prochain. En un mot, celui qui est le

plus habile et le plus prudent gagne d'ordinaire le procès, comme il est dit: Vigilantibus jura subveniunt,

c'est-à-dire: La justice vient en aide aux habiles.

C'est pourquoi ce dernier commandement ne concerne pas seulement ceux qui sont méchants

aux yeux du monde, mais surtout ceux qui sont honorés, loués, qui ont la réputation d'être des gens

honnêtes et loyaux, et qui s'imaginent n'être pas coupables à l'égard des commandements précédents.

Tels étaient les Juifs, et tels sont encore de nos jours beaucoup de gens comme il faut, de seigneurs et de

princes. Quant à cette foule d'hommes qui tâchent de s'enrichir aux dépens des autres, de quelque

manière que ce soit, ils sont condamnés déjà par le septième commandement.

Cela arrive principalement dans les procès où l'on cherche à dépouiller un autre de ce qui lui

appartient. Par exemple, il s'agit de partager un grand héritage, des terres, des immeubles, etc.: les

héritiers ne sont pas d'accord, chacun aspire à posséder la même propriété. Il en résulte un procès. Que

font-ils alors? Chacun cherche et prend en aide ce qui peut avoir l'apparence du droit, et d'ordinaire la

propriété échoit à celui qui a été le plus habile; dès lors, nul ne peut lui contester ses titres, ni faire valoir

de prétentions à l'héritage. Tel autre aimerait posséder un château, une ville, un comté, ou quelque autre

chose semblable; que fait-il? Il n'a pas honte de chercher à corrompre les juges, à suborner des témoins; il

a recours à ses amis et emploie tous les moyens possibles jusqu'à ce qu'enfin la possession soit refusée à

un autre et lui soit adjugée à lui; et, pourvu qu'elle soit confirmée par des titres et par le sceau de la

justice, il se donnera l'air de l'avoir acquise loyalement.

De même aussi, dans le commerce ordinaire, on cherche à acheter à bon compte, quelquefois

même à moitié prix; et à cette fin, on tâche de surprendre adroitement le marchand, ou bien on le

tourmente jusqu'à ce qu'il cède ses marchandises au prix voulu. On lui ravit ainsi son gain, et quelquefois

même il n'a pu vendre sans perte; si cela lui arrive souvent, il est obligé de contracter des dettes et tombe

ainsi peu à peu dans la misère; et cela s'appelle acheter honnêtement, tandis que c'est véritablement

détourner et voler. L'on dit ordinairement: Charité bien ordonnée commence par soi-même, et: Mon

intérêt d'abord, celui des autres après; ainsi, le monde ne regarde pas comme un péché de ruiner son

prochain, pourvu que ce soit d'une manière polie et convenable. Cependant nul ne voudrait que l'on

Page 45: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 46

agisse de même à son égard, et par là il est aisé de remarquer combien les prétextes sur lesquels ils se

fondent sont dénués de justice et de vérité.

C'est ainsi que l'on agissait autrefois à l'égard des femmes: Quand un homme désirait posséder la

femme de son prochain, il employait toutes sortes de moyens et de détours, jusqu'à ce qu'il fût parvenu à

exciter la colère de son mari contre elle, ou bien il cherchait à noircir le mari aux yeux de la femme, et

l'excitait à ne pas se soumettre à sa volonté, jusqu'à ce qu'enfin ce dernier la répudiât, et qu'ainsi il pût

l'épouser. Cela arrivait très-souvent, et nous lisons dans l'Évangile que le roi Hérode, qui pourtant passait

pour être un homme honnête et pieux, d'après le témoignage de saint Marc (ch. 6, 20), épousa la femme

de son frère pendant la vie de celui-ci. Des faits semblables n'ont pas lieu parmi nous, parce que, dans le

Nouveau Testament, il est défendu aux époux de se séparer; mais il arrive quelquefois qu'un homme

emploie la ruse pour enlever à un autre une riche fiancée, et il n'est pas rare qu'on débauche et qu'on

cherche à attirer à soi par de bonnes paroles le serviteur ou la servante de son prochain.

Ainsi, il nous est défendu de dépouiller notre prochain, de quelque manière que ce soit. Tu ne

dois donc pas le priver d'une chose pour satisfaire ton avarice, quand même tu pourrais la conserver

honorablement devant le monde; car c'est une fourberie que de chercher à nuire sous l'apparence de la

loyauté, et quand même tu aurais la réputation de n'avoir fait de tort à personne, tu n'en es pas moins

coupable. Tu n'as pas, il est vrai, volé ou trompé ouvertement, mais tu as convoité le bien de ton

prochain, c'est-à-dire tu as cherché à t'en emparer sans qu'il le sache; tu ne lui as pas souhaité ce que

Dieu lui a donné; et, si le juge et tout le monde te déclarent innocent, tu ne pourras cependant pas te

justifier devant l'Éternel, car il connaît la fausseté du cœur et les perfidies du monde, qui, lorsqu'on lui

donne un doigt, veut avoir toute la main, et emploie l'injustice et la force pour parvenir à ses fins.

§ 3. Différence entre les deux commandements.

Ainsi, l'acception de ces deux commandements est d'abord que nous ne devons pas désirer le dommage

de notre prochain, ni aider les autres à lui nuire, et leur en fournir l'occasion; nous devons, au contraire,

lui souhaiter du bien et, de plus, l'aider à conserver ce qu'il a; en un mot, agir à son égard comme nous

voudrions qu'on agisse envers nous. Ils condamnent surtout l'avarice, qui est la racine et la source de tous

les maux, et qui nous porte à envier les biens de notre prochain et à lui faire du tort.

Enfin, par ces mots: Tu ne convoiteras pas, etc., Dieu veut surtout nous indiquer clairement qu'il

veut que notre cœur soit pur. Mais nous ne pourrons jamais parvenir à cette pureté tant que nous

vivrons, de sorte que, comme tous les autres commandements, celui-ci nous accuse sans cesse et nous

fait connaître ce que nous sommes aux yeux de l'Éternel.

La Conclusion des Dix-Commandements.

§ 1er. Excellence des commandements de Dieu.

Les Dix-Commandements, qui forment le plus bel assemblage des préceptes divins, nous enseignent ce

que nous devons faire, afin que notre vie entière soit agréable à Dieu; ils sont tout à la fois la source d'où

doivent jaillir et les canaux d'où découlent toutes les bonnes œuvres; de sorte qu'en dehors des Dix-

Commandements, aucune œuvre ne peut être bonne et agréable à Dieu, quand même elle serait grande

et précieuse aux yeux du monde. Examinons les œuvres grandes et difficiles de nos saints, et celles des

moines et de tous les ordres ecclésiastiques dont on fait si grand cas; que sont-elles? Des œuvres

Page 46: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 47

imaginées par eux-mêmes, des inventions humaines, qu'ils ont élevées au-dessus des œuvres

commandées de Dieu, regardant celles-ci comme très peu importantes, ou bien comme les ayant

accomplies depuis longtemps. Et cependant je crois que nous aurions assez à faire pendant toute notre

vie, si nous voulions accomplir ces dernières, qui sont: la douceur, la patience et l'amour envers nos

ennemis, la chasteté, la bienfaisance, etc. Mais de telles œuvres ne luisent pas aux yeux du monde, parce

qu'elles ne sont pas présomptueuses et extraordinaires, et qu'elles ne sont pas liées à des temps, à des

lieux, à des usages particuliers. Ce sont des œuvres domestiques et quotidiennes, dont un voisin peut

s'acquitter à l'égard de l'autre, c'est pourquoi elles sont méprisées.

Il n'en est pas de même des œuvres humaines; celles-ci, on sait très-bien les faire valoir aux yeux

du peuple; tout leur vient en aide: le luxe, la splendeur, la magnificence, la bonne chère, de superbes

édifices; en un mot, tout brille et se couvre de splendeur pour rehausser l'éclat d'œuvres pareilles: on

encense, on chante, on fait retentir les cloches, on allume des cierges et des lustres, on fait grand bruit, de

sorte que l'on ne peut ni voir ni entendre autre chose. En effet, quand un prêtre se tient debout, revêtu

d'une soutane dorée, ou qu'un laïque reste tout le jour prosterné sur ses genoux, au milieu d'une église,

cela s'appelle une œuvre précieuse que nul ne peut assez exalter. Mais, si une pauvre et chétive servante

veille sur un jeune enfant et qu'elle s'acquitte fidèlement de ce qui lui est commandé, cela n'a aucune

valeur: qu'iraient faire sans cela les moines et les nonnes dans leurs couvents?

C'est encore cette même maudite présomption de nos prétendus saints qui les porte à oser

mener une vie qu'ils prétendent être plus belle et meilleure que celle qui nous est enseignée dans le

Décalogue; cette dernière, disent-ils, est bonne pour les gens ordinaires, pour le peuple, mais la nôtre est

pour les saints. Ils ne voient pas, pauvres aveugles, qu'aucun homme ne peut arriver à accomplir

parfaitement un seul des Dix-Commandements, mais que nous avons besoin du Symbole et de l'Oraison,

par lesquels (comme nous le verrons plus tard) nous pouvons implorer et obtenir le secours de la grâce du

Seigneur. Ils me font l'effet d'un insensé qui dirait: Je ne possède pas même un denier, mais je puis bien

payer un louis.

Je dis cela pour qu'on soit délivré, après l'avoir reconnu, de ce fatal abus qui est si profondément

enraciné dans notre cœur, et qui est encore attaché à chacun de nous. Il faut que l'on s'habitue, dans

toutes les positions terrestres, à se soumettre avant tout à la loi de Dieu. Car jamais l'on ne trouvera de

préceptes qui égalent les Dix-Commandements, ni d'ordres et d'états surpassant ceux qu'ils établissent; ils

sont si élevés, que nul homme ne peut les accomplir par ses propres forces; celui qui y parvient est un

homme céleste et angélique, élevé bien au-dessus de toute la sainteté humaine. Essaie de les accomplir,

mais essaie véritablement, mets-y toute ta volonté, toute ta force, et tu auras tant à faire que tu ne

chercheras plus d'autres œuvres ni d'autre sainteté.

§ 2. Portée de la conclusion.

Voilà ce qu'il est nécessaire d'enseigner, par rapport à la première partie de la doctrine chrétienne. Pour

terminer, nous répéterons le texte de la conclusion qui s'y rapporte et que nous avons déjà traitée plus

haut, lorsque nous avons développé le premier commandement, afin que nous apprenions par là

comment Dieu veut que l'on enseigne et que l'on mette en pratique ses commandements:

« Je suis le Seigneur ton Dieu, un Dieu fort et jaloux, qui punis l'iniquité des pères sur les enfants

jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, et qui fais miséricorde jusqu'en

mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements. »

Page 47: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 48

Cette conclusion, bien qu'elle soit ajoutée au premier commandement, se rapporte cependant à

tous les autres. Il est donc nécessaire de la rappeler et de l'inculquer à la jeunesse, afin qu'elle sache ce

qui doit nous porter à observer la loi; nous devons considérer ces paroles comme étant ajoutées

particulièrement à chacun des Dix-Commandements.

Ces paroles renferment d'une part une menace de malédiction, de l'autre une promesse de

bénédiction; elles doivent nous effrayer et nous avertir, et, en même temps, nous préparer et nous exciter

à recevoir et à honorer cette parole comme une parole sérieuse et divine. L'Éternel lui-même y attache

une très grande importance; il veut l'observer strictement, c'est-à-dire qu'il punira d'une manière terrible

tous ceux qui méprisent et violent ses commandements, tandis qu'au contraire il récompensera

abondamment, bénira et comblera de toutes sortes de biens ceux qui les honorent, et qui veulent s'y

conformer et s y soumettre. Mais il veut que cette obéissance vienne d'un cœur qui craigne Dieu seul et

se soumette en sa volonté de peur de l'irriter; en même temps, il veut que ce cœur se confie à lui, parce

qu'il est un père miséricordieux qui nous offre sa grâce et sa bénédiction.

§ 3. Rapport du premier commandement avec les autres.

Telle est aussi la signification et la vraie interprétation du premier, du plus grand commandement, duquel

tous les autres dérivent. Ainsi, ce commandement: Tu n'auras point d'autres dieux, ne veut dire rien autre

que ce qui est demandé ici: Tu dois me craindre, m'aimer et te confier en moi, comme au seul vrai Dieu.

Celui qui a accompli ce commandement, a accompli tous les autres, tandis que celui qui a quelque chose

dans le ciel ou sur la terre qu'il craint ou qu'il aime plus que Dieu, n'a gardé ni le premier, ni aucun autre

commandement. Donc, tout ce que l'Écriture enseigne se rapporte à ces deux choses: la crainte et la

confiance en l'Éternel; et le prophète David, lorsqu'il dit dans les Psaumes: « L'Éternel met son affection

en ceux qui le craignent et qui s'attendent en sa bonté » (Psaume 147, 11), résume tous les

commandements dans ce verset, qui signifie que l'Éternel met son affection en ceux qui n'ont point

d'autre Dieu que lui. Le premier commandement doit donc répandre sa clarté sur tous les autres; il est,

pour ainsi dire, le cercle sur lequel on attache les fleurs d'une couronne; ce commandement sert à joindre

le commencement à la fin; il les contient tous ensemble. Ainsi, d'après le deuxième commandement, nous

devons craindre Dieu et ne point profaner son saint nom en l'employant pour jurer, pour mentir, pour

tromper ou pour d'autres fourberies et d'autres méchancetés; mais nous devons nous en servir pour

l'invoquer, le prier, le louer et lui rendre grâces, et cela avec la confiance et l'amour puisés dans le premier

commandement. De même, cette crainte, cet amour, cette confiance, doivent nous porter à ne point

mépriser sa Parole, mais à la méditer, à l'écouter avec joie, à la recevoir avec un saint respect et à

l'honorer.

Il en est de même pour tous les commandements suivants qui se rapportent au prochain. Nous

devons honorer nos parents et les autorités, leur être soumis et leur obéir, non à cause d'eux-mêmes,

mais par amour pour le Seigneur; car tu ne dois pas agir par amour ou par crainte de ton père ou de ta

mère, mais tu dois considérer la volonté de Dieu, c'est à lui que tu auras à rendre compte: si tu es rebelle,

tu as un juge irrité; si, au contraire, tu te soumets, tu as un père miséricordieux. De même, tu ne dois pas

chercher à nuire à ton prochain, ni lui causer du dommage ou attenter à sa vie; tu ne dois lui faire aucun

tort quant à son corps, à sa femme, à ses biens, à son honneur ou à son droit, comme cela est défendu

dans le Décalogue, quand même tu en aurais les moyens, qu'il t'aurait offensé et qu'aucun homme ne te

punirait pour cela; mais tu dois faire du bien à tous, les aider et les secourir autant que tu le peux, et cela

par amour pour Dieu, et en te confiant en lui, car il te le rendra abondamment. Tu vois donc que le

Page 48: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 49

premier commandement doit être le mobile de toutes nos actions, la source d'où découle l'observance de

toute la loi, et qu'ainsi tous les autres commandements se rattachent au premier et forment un tout qui a

pour base et pour fondement ce premier commandement.

Il est donc bien nécessaire de représenter sans cesse ces choses aux enfants, de les exhorter et

de les leur rappeler, afin qu'ils ne soient pas comme le bétail que l'on élève par les coups et par la force,

mais qu'ils grandissent dans la crainte et pour la gloire de Dieu. Ceux donc qui se soumettent à ces

commandements, comme étant la volonté du Dieu tout-puissant, et non pas une doctrine humaine, et qui

croient à la parole de l'Éternel lorsqu'il menace de punir sévèrement ceux qui les méprisent, et que, par

contre, il promet de récompenser abondamment ceux qui s'y soumettent; ceux-là, dis-je, seront portés

d'eux-mêmes à aimer Dieu et à faire sa volonté.

§ 4. Comment on doit se servir des Dix-Commandements.

Ce n'est pas en vain que, dans l'Ancien Testament, l'Éternel a commandé aux Juifs d'écrire le Décalogue

sur tous les murs et sur les poteaux de leurs maisons, même sur leurs habits (Deut. 6, 8. 9). Ce n'était pas

seulement pour qu'il fût écrit ou qu'ils le portassent sur eux, comme le faisaient les pharisiens (Matth. 23,

5), mais afin qu'ils l'eussent sans cesse devant les yeux, et qu'ainsi il fût la règle de leur conduite. De

même, nous devons toujours consulter sans relâche la loi de l'Éternel et en faire notre étude journalière;

elle doit être toujours présente à notre mémoire, comme si elle était écrite en tous lieux, partout où nous

nous trouvons, et qu'ainsi elle dirige toutes nos actions. Nous trouverions alors bien assez d'occasions,

tant dans notre maison qu'envers nos voisins, pour pratiquer les Dix-Commandements, sans avoir besoin

d'inventer d'autres bonnes œuvres.

D'après cela, nous voyons combien les Dix-Commandements sont grands et élevés au-dessus de

tous les états, de tous les commandements et de toutes les œuvres terrestres. Ici nous avons la force de

notre côté et nous pouvons dire: Que tous les savants et tous les saints paraissent, voyons s'ils peuvent

présenter une seule œuvre qui égale ces commandements, que Dieu commande d'observer

sérieusement, sous peine d'encourir sa colère et un châtiment terrible, et auxquels il a attaché une

promesse si précieuse, promettant de combler de biens et de bénédictions ceux qui s'y soumettent. C'est

pourquoi nous devons les regarder comme un grand et précieux trésor que Dieu nous a accordé, en

comparaison duquel toutes les doctrines humaines n'ont aucune valeur.

Page 49: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 50

SECONDE PARTIE.

DES ARTICLES DE LA FOI CHRÉTIENNE

OU DU SYMBOLE DES APÔTRES.

Introduction.

Nous avons traité la première partie de la doctrine chrétienne, la loi, qui nous montre tout ce que Dieu

nous commande et ce qu'il nous défend. Nous allons développer maintenant la seconde partie, la foi, qui

nous enseigne tout ce que nous pouvons attendre et recevoir de Dieu, en d'autres termes, qui nous

apprend à le connaître entièrement. Par elle, nous pouvons accomplir ce que nous devons faire d'après la

loi; car cette dernière est si élevée et si étendue que toute la puissance humaine est insuffisante pour

l'observer. Il est donc nécessaire et indispensable d'enseigner la foi, pour que l'on sache comment nous

pouvons parvenir à garder la loi. Car, si, par nos propres forces, nous pouvions accomplir les Dix-

Commandements comme la sainteté de Dieu l'exige, nous n'aurions besoin ni du Symbole ni de l'Oraison.

Cependant, avant de parler de l'utilité et de la nécessité de la foi, il faut d'abord que nous apprenions ce

que c'est que la foi.

Jusqu'à présent on a partagé le Symbole en douze articles, bien que, si l'on devait exprimer

séparément tous les articles de foi qui se trouvent dans l'Écriture, il y en aurait beaucoup plus, et même

on ne pourrait pas les énoncer clairement en si peu de mots. Mais, afin d'être compris plus facilement par

les enfants, nous diviserons le Symbole en trois articles principaux, d'après les trois personnes de la

Sainte-Trinité qui résument et auxquelles se rapporte tout ce que nous croyons. Ainsi, le premier article,

qui parle du Père, comprendra la création; le second, qui nous fait connaître le Fils, la rédemption; et le

troisième, qui nous parle du Saint-Esprit, la sanctification. La foi est donc sommairement contenue dans

ce peu de mots: Je crois en Dieu le Père qui m'a créé; je crois en Dieu le Fils qui m'a racheté; je crois en

Dieu le Saint-Esprit qui me sanctifie; un Dieu, une foi, mais trois personnes; de même aussi trois articles

de foi. Nous allons les parcourir rapidement.

Le Premier Article.

Je crois en Dieu le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre.

Cet article nous dépeint en peu de mots l'être, la volonté et les œuvres de Dieu le Père. Les Dix-

Commandements nous ayant prescrit de n'avoir pas d'autre Dieu devant notre face que l'Éternel, il s'agit

pour nous maintenant de savoir: Qui est l'Éternel? ce qu'il fait? comment on peut le glorifier et comment

on peut apprendre à le connaître? Or, tout cela nous est enseigné par cet article, de sorte que le Symbole

est, pour ainsi dire, la réponse du chrétien au premier commandement. Si donc l'on demande à un jeune

enfant: Mon ami, quel est ton Dieu, que sais-tu de lui? — il peut dire: Mon Dieu, c'est d'abord Dieu le

Père, qui a créé le ciel et la terre; je n'ai pas d'autre Dieu, car nul autre n'aurait pu créer le ciel et la terre.

§ 1er. Sens du mot « Créateur. »

Pour les gens instruits et ceux qui ont plus de connaissances, on peut diviser tous les trois articles en

autant de parties qu'ils renferment de mots. Mais, pour les jeunes catéchumènes, il suffit que nous

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 51

indiquions ce qui est le plus nécessaire, c'est-à-dire, cet article se rapportant à la création, nous ferions

bien de nous en tenir à ces mots: Créateur du ciel et de la terre. Or, que veulent dire ces mois: Je crois en

Dieu le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre? Cela signifie: Je crois que Dieu m'a créé comme

toutes les autres créatures, qu'il m'a donné et me conserve à tout moment un corps pourvu de ses

membres et facultés, une âme douée de raison et de sens; qu'il me donne tous les jours abondamment

toutes les choses nécessaires pour l'entretien de cette vie, telles que la nourriture, les vêtements, la

famille, l'habitation, etc.; de plus, il fait servir toutes ses créatures à l'utilité et aux besoins de notre vie; le

soleil, la lune et les étoiles du ciel, le jour et la nuit; l'air, le feu, l'eau, la terre et tout ce qu'elle produit; les

oiseaux, les poissons, les animaux, etc.; il nous accorde aussi toutes sortes de biens temporels, tels qu'un

bon gouvernement, la paix, la sécurité. Ainsi, cet article nous enseigne qu'aucun homme n'a par lui-même

et ne peut se conserver la vie, ni aucune autre chose, quelque petite qu'elle soit. Tout cela est compris

dans le mot: Créateur.

Nous reconnaissons aussi que Dieu le Père ne nous a pas seulement donné tout ce que nous

possédons et tout ce que nous voyons, mais qu'il nous préserve et nous garde journellement de tout mal,

nous protège contre tous les dangers, et tout cela par sa pure bonté et miséricorde, car nous ne méritons

aucun de ses bienfaits, et cependant il nous les accorde et prend soin de nous comme le meilleur des

Pères. Mais cela fera l'objet de la seconde partie de cet article, qui parle du Père tout-puissant.

§ 2. Sens du mot « Père tout-puissant. »

D'après ce que nous venons de dire, il résulte naturellement que tout ce que nous possédons et ce que

nous sommes nous est donné et conservé journellement par Dieu; nous devons, par conséquent, l'aimer,

le louer et lui rendre des actions de grâces perpétuelles; le servir de toutes nos forces et lui obéir

entièrement, comme il le demande dans les Dix-Commandements. Et ici nous aurions beaucoup à dire, si

nous voulions démontrer combien il y en a peu qui croient cet article, car nous nous contentons de

l'entendre superficiellement et de le répéter, mais nous ne reconnaissons et ne méditons pas ce que ces

paroles nous enseignent. Car, si nous le croyions du fond de notre cœur, nous agirions aussi en

conséquence, et nous ne serions ni si effrontés, ni si hautains; l'on ne nous entendrait pas nous vanter si

orgueilleusement, comme si nous avions par nous-mêmes la vie, les biens, la puissance, l'honneur, etc.; et

comme s'il fallait nous craindre et nous servir. Or, le monde, perverti et aveuglé, abuse de tous les biens

et de tous les dons de Dieu pour satisfaire son orgueil, son avarice, ses convoitises; il ne pense pas même

à remercier Dieu et à reconnaître en lui le Seigneur et le Créateur.

Cet article serait donc tout de nature à nous humilier et à nous effrayer; car nous péchons

journellement avec nos yeux, nos oreilles, nos mains, notre corps et notre âme; avec notre argent, nos

biens et tout ce que nous possédons; et, en particulier, ceux d'entre nous qui combattent contre la Parole

de Dieu. C'est ici encore que les chrétiens ont sur le monde un grand avantage: c'est qu'ils se

reconnaissent redevables de servir Dieu et de lui obéir.

Nous avons donc besoin d'apprendre et de méditer journellement cet article. Dans tout ce que

nous voyons par nos yeux, dans le bien qui nous arrive, comme lorsque nous échappons à un danger ou à

la misère, nous devons nous rappeler que c'est de Dieu que cela nous vient, afin que, par là, nous

reconnaissions son cœur paternel et sa bonté infinie envers nous; cela nous porterait à être

reconnaissants et à user pour sa gloire et son honneur de tous les biens qu'il nous accorde.

Voilà donc, en peu de mots, l'interprétation de cet article. Il suffit, en effet, pour les âmes simples

de savoir ce que nous recevons de Dieu, et ce que nous lui devons. Non- seulement, c'est là une

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 52

connaissance grande et précieuse, mais c'est encore un bien plus grand trésor. Cet article nous apprend

comment Dieu le Père s'est donné à nous avec toutes ses créatures, et nous comble de biens dans cette

vie. Mais ce n'est pas tout; Dieu nous accorde encore des biens éternels et ineffables par son Fils et par le

Saint-Esprit, comme nous allons le voir.

Le Second Article.

Je crois en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit et

qui est né de la vierge Marie; il a souffert sous Ponce Pilate; il a été crucifié, il est mort, il

a été enseveli; il est descendu aux enfers; le troisième jour, il est ressuscité des morts; il

est monté au ciel; il s'est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant; il viendra de là

pour juger les vivants et les morts.

Ce second article nous apprend à connaître la seconde personne de la Divinité et nous enseigne qu'outre

les biens temporels, Dieu nous en a accordé d'autres infiniment plus précieux, c'est-à-dire qu'il s'est

donné lui-même entièrement à nous, et n'a rien retenu qu'il ne nous ait donné. Bien qu'il soit fort étendu,

nous tâcherons de traiter simplement cet article, comme cela convient pour des enfants; et, à cet effet,

nous allons prendre pour texte une parole qui renferme l'article dans son ensemble, c'est-à-dire qui nous

apprenne de quelle manière nous avons été rachetés; tout cela est exprimé dans ces paroles: Je crois en

Jésus-Christ, notre Seigneur.

§ 3. Que croire par rapport à Jésus-Christ.

Si l'on te demande: Que crois-tu par rapport à Jésus- Christ? réponds simplement: Je crois que Jésus-

Christ, vrai Fils de Dieu, est devenu mon Seigneur. — Et qu'est-ce que cela veut dire: il est devenu mon

Seigneur? Cela veut dire qu'il m'a délivré de tout péché, delà mort et de l'esclavage du démon; car

auparavant je n'avais pas de Seigneur, mais j'étais assujetti à la puissance du diable, condamné à mort et

retenu dans les liens du péché et de l'aveuglement.

Et voici comment: Après que Dieu le Père eut créé les hommes et leur eut donné toutes sortes de

biens, le diable excita Adam et Ève à désobéir et les plongea, eux et leur postérité, dans le péché, le mal et

la misère; il a attiré ainsi sur nous la colère de Dieu et la malédiction éternelle. Dès lors, il n'y avait plus

pour nous ni aide ni consolation, car aucune créature ne pouvait nous tirer de cet état de misère. Mais le

Fils unique et éternel du Père, par un insondable amour, eut pitié de nous, et quitta le ciel pour nous

secourir. Nous n'avons donc plus à craindre de tyran, car notre roi est Jésus-Christ, le Seigneur de la vie,

de la justice, de la félicité et de tous les biens, qui nous a sauvés, nous qui étions perdus, pauvres et

misérables, nous a arrachés du gouffre de l'enfer, nous a délivrés du péché et nous a fait rentrer dans la

grâce du Père, afin que nous soyons entièrement à lui et qu'il nous protège et nous gouverne par sa

justice, sa sagesse, sa puissance, et nous donne la vie et la félicité.

Le mot Seigneur signifie donc Sauveur, Rédempteur, c'est-à-dire celui qui nous a amenés du

diable à Dieu, de la mort à la vie, du péché à la justice, et qui nous y maintient. Quant au reste de cet

article, il nous fait connaître comment a été opérée l'œuvre de notre rédemption, et combien il en a coûté

au Fils de Dieu pour nous gagner et nous amener sous sa domination, c'est-à-dire qu'il est devenu

homme, conçu du Saint-Esprit et né sans péché de la vierge Marie, afin qu'il fût le Seigneur du péché;

puis, qu'il a souffert, est mort, a été enseveli, afin de satisfaire pour nous la justice de Dieu et de payer ce

que nous devions, non point par or ni par argent, mais par son précieux sang et par sa mort innocente; et,

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tout cela, afin que nous soyons entièrement à lui, et qu'il fût notre Seigneur, car, pour lui, il n'en aurait

jamais eu besoin. De plus, il est ressuscité, il a englouti la mort, il est monté au ciel et s'est assis à la droite

du Père, a assujetti le diable et toute puissance, et enfin, au dernier jour, il nous séparera du monde impie

et nous délivrera de tout mal, du péché, du diable et de la mort.

Nous ne développerons pas séparément chacune de ces parties, parce que nous prêchons à des

enfants et que, d'ailleurs, ces choses doivent être traitées dans les sermons de toute l'année, surtout lors

des époques qui rappellent plus particulièrement la naissance, les souffrances, la résurrection et

l'ascension de Christ, etc. Tout l'Évangile que nous annonçons se rapporte à cet article, car c'est celui

duquel dépendent notre salut et notre félicité; et il est si riche et si étendu qu'il ne sera jamais épuisé.

Le Troisième Article.

Je crois au Saint-Esprit, la sainte Église chrétienne, la communion des saints, la rémission

des péchés, la résurrection de la chair et la vie éternelle.

§ 4. Qu'est-ce que le Saint-Esprit?

Le troisième article traite de l'œuvre de la sanctification, car la fonction du Saint-Esprit est de nous

sanctifier. Le mot Saint-Esprit servira de base à tout ce que nous enseignerons par rapport à cet article; il

exprime, en effet, à lui seul tout le contenu de l'article. Il y a plusieurs sortes d'esprits: l'Écriture parle de

l'esprit de l'homme, des esprits célestes, des mauvais esprits; mais l'esprit de Dieu est nommé seul un

Saint-Esprit, c'est-à-dire un esprit qui nous a sanctifiés et nous sanctifie encore tous les jours. Comme

donc Dieu le Père est appelé le Créateur, Dieu le Fils, le Rédempteur, de même Dieu le Saint-Esprit doit

être appelé Saint ou Sanctificateur. — De quelle manière s'opère cette sanctification? Réponse: De même

que le Fils a reçu la domination, par là-même qu'il nous a sauvés et nous a gagnés par sa naissance, sa

mort et sa résurrection, etc., de même le Saint-Esprit opère notre sanctification par le moyen de la

communauté des saints qui est l'Église chrétienne, par le pardon des péchés, la résurrection de la chair et

la vie éternelle; c'est-à-dire qu'il nous conduit d'abord dans sa sainte communauté, nous place dans le

sein de l'Église et nous amène à Christ; c'est là sa première prédication.

Car, ni toi, ni moi, nous ne pourrions jamais connaître Christ, ni croire en lui, et le regarder

comme notre Seigneur, si le Saint-Esprit n'ouvrait pas notre cœur à la prédication de l'Évangile. L'œuvre

de notre rédemption est accomplie: Christ nous a acquis et nous a gagné ce trésor par ses souffrances, sa

mort et sa résurrection, etc.; mais, si cette œuvre restait cachée et ignorée, elle aurait été accomplie en

vain, elle serait perdue. C'est donc pour que ce trésor ne restât pas enfoui, mais qu'il fût connu et goûté,

que Dieu a donné et nous fait annoncer sa Parole; par elle, il nous communique son Saint-Esprit avec la

mission de nous faire connaître et de nous approprier le grand trésor de la rédemption. L'œuvre du Saint-

Esprit est donc de nous amener au Seigneur Jésus, auprès duquel nous ne pourrions pas arriver par nos

propres forces.

§ 5. Qu'est-ce que croire au Saint-Esprit?

Ainsi donc, si l'on te demande: Qu'entends-tu par ces paroles: je crois au Saint-Esprit? réponds: Je crois

que le Saint-Esprit me sanctifie, comme son nom l'indique. — Comment? et quels sont les moyens et les

voies dont il se sert? Ces moyens sont: L'Église chrétienne, la rémission des péchés, la résurrection de la

chair et la vie éternelle. Car le Saint-Esprit a sur la terre une Église qui est notre mère spirituelle; c'est elle

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qui engendre chaque chrétien et le guide par la Parole de Dieu que nous révèle et nous enseigne le Saint-

Esprit, et le Saint-Esprit éclaire nos cœurs, afin que nous la comprenions, que nous nous y attachions et y

persévérions.

En effet, sans la prédication de la Parole et sans le secours du Saint-Esprit qui la grave dans nos

cœurs, cette Parole serait perdue. Cela est arrivé sous la papauté, où la foi était, pour ainsi dire, anéantie,

et où nul ne reconnaissait Christ pour un Seigneur, ni le Saint-Esprit pour Celui qui nous sanctifie, c'est-à-

dire où personne ne croyait que c'est Christ qui nous a acquis le grand trésor de la grâce, et qu'il nous a

rendus agréables au Père, sans notre mérite et sans nos œuvres. A quoi cela tenait-il? Cela venait, sans

contredit, de l'absence du Saint-Esprit qui, certes, aurait révélé ces choses; il y avait en sa place des

hommes dont l'esprit perverti nous a enseigné à vouloir être sauvés et à obtenir la grâce par nos propres

œuvres. Aussi la papauté n'est pas l'Église chrétienne; car, là où l'on ne prêche pas le vrai Christ, il n'y a

pas de Saint-Esprit qui appelle, édifie et assemble l'Église chrétienne, en dehors de laquelle nul ne peut

arriver à Christ. Telle est la signification de cet article. Mais, comme les différentes parties qui s'y

rapportent ne sont pas très-claires pour le peuple, nous allons les parcourir l’une après l'autre.

§ 6. L'Église est la communion des saints.

Le Symbole appelle la sainte Église chrétienne (communionem sanctorum) la communion des saints. Ces

deux mots sont identiques; il fut même un temps où, pour désigner cette dernière, l'on ne se servait que

de la première dénomination. Le mot communion, en effet, ne rend pas le sens. Pour parler plus

correctement, il faudrait dire: l'assemblée des saints, car le mot Ecclesia veut dire une assemblée. Le

peuple est habitué au mot église; mais, par ce mot, il ne comprend pas l'assemblée des fidèles, mais

plutôt le bâtiment extérieur et consacré. Ce bâtiment ne devrait, il est vrai, pas s'appeler église, à moins

que ce ne soit par la raison que l'assemblée s'y réunit. Car il faut bien que nous ayons un lieu particulier

pour nous assembler, et nous donnons à ce lieu le nom de l'assemblée elle-même.

Le mot église veut donc dire proprement une assemblée générale et vient du mot grec ecclesia.

Elle doit s'appeler véritablement une communauté ou une assemblée chrétienne, ou, pour parler plus

clairement encore, une sainte chrétienté.

Le mot communio, qui y est ajouté, ne doit donc pas être traduit par communion, mais par

communauté; il n'est autre chose qu'un commentaire que l'on a ajouté pour définir plus particulièrement

l'Église chrétienne. Ne traduisons donc plus par communion des saints, puisque cela est inexact, mais

disons: l'assemblée ou la communauté des saints, c'est-à-dire une assemblée dans laquelle il n'y a que des

saints, ou plutôt une sainte assemblée. Je dis cela, afin que l'on comprenne bien le sens de ces paroles,

car nous ne pouvons pas toujours les changer, puisque l'habitude de dire ainsi est trop profondément

enracinée, et que l'on crie à l'hérésie dès que l'on veut changer un mot.

Le sens donc de ces paroles est: Je crois qu'il y a sur la terre une sainte assemblée, composée

uniquement de saints, dont le seul chef est Christ. Appelés tous par le Saint-Esprit, ils sont unis dans la

même foi, sans sectes, sans divisions, ayant des dons différents, mais cependant unis dans l'amour. Je

suis, moi aussi, un membre de cette Église, participant à tous les biens qu'elle possède; et j'y ai été amené

par le Saint-Esprit, qui m'a appelé et guidé au moyen de la Parole de Dieu que j'ai reçue et que je reçois

encore. Or, avant d'être membres de l'Église du Christ, nous étions sous l'empire du diable, ne

connaissant pas l'Éternel et notre Seigneur Jésus-Christ.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 55

C'est ainsi que le Saint-Esprit reste au sein de la chrétienté et la conservera jusqu'au dernier jour,

qui est celui de notre délivrance; par elle, il propage la Parole de Dieu au moyen de la prédication; par

cette Parole encore, il sanctifie journellement l'Église et la fortifie dans la foi, afin qu'elle puisse porter des

fruits.

§ 7. Dans l'Église chrétienne il y a rémission des péchés.

Nous croyons aussi que, dans la chrétienté, nous avons la rémission des péchés qui est opérée par les

saints Sacrements et par l'absolution; de plus, nous avons dans l'Évangile beaucoup de versets de

consolation qui fortifient notre foi. Ainsi, les Sacrements, tout l'Évangile et toutes les fonctions du saint

ministère font partie intégrante de cet article qui est très important; car, bien que la grâce de Dieu nous

soit acquise par Christ, et que la sanctification soit opérée par le Saint-Esprit au moyen de la Parole de

Dieu et de la communion avec l'Église chrétienne, nous ne sommes cependant pas exempts de péché et

nous ne le serons jamais tant que nous vivrons sur la terre.

Dans la chrétienté, Dieu le Saint-Esprit nous accorde journellement et aussi longtemps que nous

vivons ici-bas le pardon des péchés par la Parole et par les Sacrements pour consoler et relever notre

conscience; ainsi, bien que nous ayons des péchés, ils ne peuvent cependant pas nous nuire, parce que

nous sommes dans la chrétienté où il n'y a que pardon; Dieu nous pardonne, et nous nous pardonnons

entre nous, nous nous supportons et nous nous aidons mutuellement.

Mais, en dehors de la chrétienté, là où l'Évangile n'est pas annoncé, il n'y a pas de rémission des

péchés, comme aussi il ne peut y avoir de sanctification. C'est pourquoi tous ceux qui cherchent la

sanctification, non par l'Évangile et par la rémission des péchés, mais par leurs propres œuvres, se

séparent et s'excluent eux-mêmes de l'Église chrétienne.

La sanctification commence déjà sur cette terre et augmente de jour en jour; mais nous

attendons que notre chair périsse avec toutes ses souillures et soit ensevelie, afin que nous ressuscitions

saints et incorruptibles pour une vie nouvelle et éternelle. Car, tant que nous vivrons, nous ne serons

jamais entièrement purs et saints; mais le Saint-Esprit est toujours occupé à nous sanctifier par la Parole

et par la rémission des péchés qu'il nous accorde journellement jusqu'à ce que nous parvenions à la vie à

venir, où il n'y aura plus de pardon, parce qu'alors nous serons entièrement purs et saints, pleins de piété

et de justice, délivrés du péché, affranchis de la mort et de tout mal, ayant un corps nouveau, immortel et

glorifié. Tout cela est l'œuvre du Saint-Esprit; il commence à opérer la sanctification sur la terre et

l'augmente journellement par ces deux choses: l'Église chrétienne et la rémission des péchés; mais, quand

nous quitterons ce monde, il l'accomplira entièrement en un instant, et nous y maintiendra éternellement

au moyen de la résurrection de la chair et de la vie éternelle.

§ 8. De la résurrection de la chair et de la vie éternelle.

Il est dit ici: la résurrection de la chair, mais cette expression n'est pas très-bien choisie; car, quand on

parle de la chair, la pensée se reporte facilement aux échoppes des bouchers. On devrait dire ici: la

résurrection du corps ou du cadavre; cependant cela n'est pas d'une grande importance; il suffit que l'on

comprenne bien le sens des paroles.

Le troisième article parle donc d'une œuvre qui n'est pas encore entièrement accomplie; la

création est terminée, la rédemption est accomplie; mais le Saint-Esprit poursuit son œuvre sans

interruption jusqu'au dernier jour; et, à cet effet, il a fondé sur la terre une communauté par laquelle il

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 56

agit et nous parle; car il n'a pas encore rassemblé toute sa chrétienté, ni distribué à tous la rémission des

péchés. C'est pourquoi nous croyons en Celui qui cherche à nous gagner journellement par la Parole, qui

nous donne la foi, l'augmente et la fortifie par cette Parole et par la rémission des péchés; et cette œuvre

il la fait, afin que, lorsque tout sera accompli, lorsque nous serons morts au monde et que nous aurons

persévéré jusqu'à la fin, il nous rende entièrement et éternellement saints et heureux; ce que nous

attendons maintenant dans la foi, en vertu des promesses de la Parole.

§ 9. Importance des trois articles du Symbole de la foi.

Tous les trois articles du Symbole nous dépeignent avec des paroles courtes et simples, il est vrai, mais

riches de sens et de profondeur, la volonté et les œuvres de Dieu qui sont élevées bien au-dessus de toute

la sagesse, l'intelligence et la raison humaines. Les hommes savants et les philosophes ont cherché

souvent avec ardeur et persévérance à savoir qui est Dieu et à approfondir ses œuvres; mais ils n'y sont

jamais parvenus. Pourquoi? parce qu'ils s'appuyaient sur leur propre raison. Mais, pour toi, tu peux

facilement apprendre à connaître Dieu, car il s'est révélé lui-même à nous, et les trois articles du Symbole

nous découvrent son cœur paternel et les profondeurs de son inexprimable amour; il nous a accordé non

seulement tout ce qui est dans le ciel et sur la terre, mais il nous a donné encore ce qu'il a de plus

précieux: son Fils et le Saint-Esprit, par lesquels il veut nous attirer à lui. Car nous ne pourrions jamais

parvenir à connaître l'amour et la grâce de Dieu sans notre Seigneur Jésus-Christ, qui est une image de

son cœur paternel à notre égard, et en dehors duquel nous ne voyons qu'un juge sévère et irrité; de

même aussi, nous ne pourrions pas non plus connaître Christ, sans le Saint-Esprit qui nous le révèle.

C'est pourquoi ces articles de foi nous séparent, nous autres chrétiens, du reste des peuples de la

terre. Car, pour ceux qui sont en dehors de la chrétienté, qu'ils soient païens, Turcs, Juifs, ou hypocrites et

mauvais chrétiens, quand même ils ne croient et n'adorent qu'un seul vrai Dieu, ils ne savent cependant

pas comment ce Dieu est disposé envers eux, et ne peuvent, par conséquent, attendre de lui ni amour ni

aucun bien. Ils restent sous la colère et la malédiction éternelles, car ils n'ont pas le Seigneur Jésus et ne

sont pas éclairés ni gratifiés par aucun des dons du Saint-Esprit.

§ 10. Différence entre la doctrine de la foi et celle de la loi.

La doctrine de la foi est donc toute différente de celle de la loi; car la loi nous apprend ce que nous devons

faire, mais la foi nous montre ce que Dieu a fait pour nous et ce qu'il nous donne. La loi est, en outre,

écrite dans le cœur de tous les hommes; la foi ne peut pas être saisie par la sagesse humaine, il faut

qu'elle soit opérée par le Saint-Esprit. La loi ne peut faire de nous des chrétiens, mais elle laisse planer sur

nous la colère et le châtiment de Dieu, parce que nous ne pouvons pas accomplir les commandements de

l'Éternel; par la foi, au contraire, nous obtenons grâces sur grâces, nous sommes agréables à Dieu et nous

parvenons à aimer les commandements de l'Éternel, parce que nous voyons comment Dieu se donne

entièrement à nous avec tout ce qu'il a, afin de nous aider à garder ses commandements: le Père nous

donne toutes ses créatures, Christ toutes ses œuvres, le Saint-Esprit tous ses dons.

Nous avons posé maintenant le fondement de notre foi; cela suffit pour les âmes simples, car il

ne faut pas les surcharger de doctrines. Une fois qu'elles auront bien compris le contenu du Symbole, elles

chercheront d'elles-mêmes à s'instruire sur ce point et y appliqueront tout ce que l'Écriture enseigne sur

la foi, de sorte que leur intelligence se développera et que leur foi se fortifiera de plus en plus. Car, aussi

longtemps que nous vivrons, nous aurons à apprendre et à enseigner journellement cette doctrine.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 57

TROISIÈME PARTIE.

L'ORAISON DOMINICALE.

§ 1er. Nécessité de prier.

Les deux premiers chapitres nous ont montré ce que nous devons faire et ce que nous devons croire; en

quoi consiste la vie la meilleure et, par conséquent, la plus heureuse; le troisième chapitre nous

enseignera comment nous devons prier.

Il est évident qu'aucun homme ne peut garder parfaitement la loi, quand même il aurait

commencé à croire, parce que le diable, le monde et notre propre chair s'y opposent avec puissance; il n'y

a donc rien de si nécessaire que d'invoquer et de prier sans cesse le Seigneur de nous accorder, de nous

conserver et de nous augmenter la foi; de nous aider à observer ses commandements, et d'aplanir tous

les obstacles qui se trouvent sur notre chemin. Ici encore le Seigneur Jésus nous vient en aide: il nous a

enseigné comment nous devons prier et ce que nous devons demander à Dieu.

Cependant, avant d'expliquer l'Oraison, il est nécessaire d'exhorter et d'encourager le peuple à

prier; comme aussi l'ont fait Christ et les apôtres2. La première chose est de savoir que, d'après le

commandement de Dieu, nous sommes redevables de prier; car le second commandement, qui nous dit:

Tu ne prendras point le nom de l'Éternel en vain, demande aussi que nous louions son saint nom, que

nous le priions et l'invoquions dans tous nos besoins; il nous est donc commandé sévèrement et

sérieusement de prier, tout autant que de n'avoir point d'autre Dieu, de ne pas tuer, de ne pas voler, etc.

Ne t'imagine donc pas qu'il est bien égal que tu pries ou que lu ne pries pas, comme le font tant de gens

grossiers et incrédules qui vivent dans cette illusion. « Pourquoi devrais-je prier? disent-ils; qui sait si Dieu

fait attention à ma requête ou s'il veut l'exaucer? Si je ne prie pas, un autre priera. » De cette manière, ils

contractent l'habitude de ne jamais prier, et prennent pour excuse que nous enseignons qu'il est inutile et

qu'il n'est pas commandé de prier, parce que nous rejetons les prières fausses et hypocrites.

§ 2. La fausse prière.

Sans doute, les prières que l'on a jusqu'à présent récitées ou plutôt criaillées dans les églises, n'étaient pas

des prières. De semblables récitations, purement de bouche, peuvent être tout au plus considérées

comme des exercices utiles pour apprendre à chanter et à lire aux petits enfants et aux écoliers, ce ne

sont pas des prières. Prier, c'est, d'après le second commandement, invoquer Dieu dans tous ses besoins.

Dieu exige de nous la prière; elle ne dépend pas de notre bon, plaisir. Nous devons prier, si nous voulons

être des chrétiens, aussi bien que nous devons obéir à nos parents et à l'autorité; car nous honorons le

nom de Dieu en l'invoquant. C'est en prenant le commandement de Dieu à cœur que tu réussiras à faire

taire et à repousser toutes les tentations qui t'enlèvent le désir ou qui t'empêchent de prier. Si un fils

disait à son père: « Qu'importe mon obéissance? je veux faire ce que bon me semble, cela reviendra au

même! » serait-il dispensé par là d'obéir? Non certainement, car le commandement dit: il faut que tu

obéisses. Or, la prière aussi ne dépend pas de ta volonté; mais il faut que tu pries!

2 St Luc 18, 1; Matth. 7, 7; 1 Thess. 5, 17; 1 Pierre 4, 8; Jacq. 1, 6.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 58

Tu peux conclure de là que nous ne devons pas mépriser la prière qui nous est commandée si

formellement; mais qu'au contraire nous devons la regarder comme une chose grande et importante. Il

en est de la prière comme de tout autre commandement. Un enfant doit bien se garder de mépriser

l'obéissance envers son père et sa mère; il doit se dire: « Je veux être soumis pour obéir au

commandement de Dieu, sur lequel je puis me fonder et m'ancrer, et je dois regarder la soumission

comme très importante, non à cause du mérite que je pourrais en tirer, mais à cause du commandement

de l'Éternel. » De même aussi, nous devons prier, parce que Dieu nous l'a commandé; nous devons dire:

« À cause de moi, cette prière n'aurait aucun mérite et ne servirait de rien; mais elle est valable, parce que

c'est Dieu qui l'a commandée. » Ainsi, quelle que soit la chose pour laquelle nous prions, nous devons

nous adresser à Dieu par obéissance à son commandement.

C'est pourquoi nous exhortons chacun, avec instances, à prendre ces choses à cœur, et à ne

mépriser la prière d'aucune manière. L'on peut dire que l'enseignement qu'on a donné jusqu'à présent sur

la prière a bien servi le diable, car tout le monde a méconnu le véritable caractère de la prière. Nous nous

imaginions qu'il suffisait de nous acquitter de l'œuvre extérieure de la prière, sans nous inquiéter si Dieu

nous entendait et nous exauçait. N'était-ce pas se faire un jeu de la prière que de la débiter ainsi? Aussi

nos prières étaient-elles vaines. Nous ne devons pas non plus nous laisser ébranler par des scrupules et

des doutes, tels que ceux-ci: « Je ne suis pas assez saint pour prier; si j'étais un saint Pierre ou un saint

Paul, alors je prierais. » Loin de toi cette pensée! car le commandement qui s'applique à saint Paul

s'applique aussi à toi, et est donné tout aussi bien pour toi que pour lui, de sorte qu'il ne peut se glorifier

d'avoir reçu un commandement plus saint et plus parfait que toi. Dis plutôt: « Ma prière est tout aussi

précieuse, aussi sainte et aussi agréable à Dieu, que celle de saint Paul et de tous les saints; car, bien que,

quant à leur personne, ils fussent plus saints, ils ne le sont cependant pas davantage par rapport au

commandement; car Dieu ne considère pas la prière à cause de la personne, mais à cause de sa Parole et

de l'obéissance à son commandement. Ma prière est fondée sur le même commandement que celles des

saints, et je demande à Dieu les mêmes choses qu'ils ont demandées tous. J'y attache la même

importance, et j'en ai plus besoin qu'eux.

§ 3. D'où provient l'efficace de la prière.

Toutes nos prières doivent donc être fondées sur l'obéissance envers Dieu, sans acception de notre

personne, et peu importe que nous soyons pécheurs ou justes, dignes ou indignes; nous devons savoir

que Dieu ne regarde pas la prière comme si c'était un jeu, mais qu'il s'irrite contre ceux qui ne prient pas,

et qu'il les punit tout autant qu'il punit toute autre désobéissance.

De plus, il ne veut pas que notre prière soit vaine; car, s'il ne voulait pas nous exaucer, il ne nous

commanderait pas aussi sévèrement de prier.

En second lieu, ce qui doit encore plus nous encourager à la prière, c'est que Dieu y a attaché une

promesse; il veut nous exaucer et nous accorder ce que nous lui demandons, comme il le dit au Psaume

50, 15: Invoque-moi au jour de ta détresse, je te délivrerai; et Christ nous dit dans l'Évangile3: Demandez,

et vous recevrez, etc., car celui qui demande reçoit4. Notre cœur ne devrait-il pas être transporté de joie,

et ne devrions-nous pas être portés à prier avec amour, par cela seul que le Seigneur affirme dans sa

Parole que notre prière lui est agréable et qu'il promet de nous exaucer et de nous accorder ce que nous

3 Matth. 7, 8. 4 Luc 11, 9.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 59

lui demandons? Rappelons-nous qu'il ne veut pas que nous la méprisions et la jetions au vent, ni que nous

priions en hésitant. Tu peux donc lui dire avec confiance: « Je viens ici, mon Père, et je te prie, non que je

sois digne de me présenter devant toi, mais à cause de ton commandement et de ta promesse qui ne peut

me tromper. » Celui donc qui ne croit pas à cette promesse, doit savoir encore une fois qu'il irrite Dieu au

plus haut degré, parce qu'il le déshonore et le traite de menteur.

Mais ce qui, plus que toute autre chose, doit nous encourager à prier, c'est qu'à côté du

commandement et de la promesse, Dieu vient encore au devant de nous, en nous enseignant lui-même ce

que nous devons lui demander, et l'ordre dans lequel nous devons le demander; afin qu'en voyant avec

quelle bonté il s'intéresse à nos besoins, nous ne doutions pas qu’une telle prière lui soit agréable, mais

que nous soyons sûrs d'être exaucés. Quel avantage sur toutes les autres prières que nous pouvons

imaginer nous-mêmes! En effet, elles pourraient toutes nous laisser dans le doute; nous pourrions nous

dire: « J'ai prié, mais ma requête est-elle agréable au Seigneur? ai-je employé des paroles et une forme

convenables? » Il n'y a donc pas sur la terre de plus belle prière: elle a le témoignage que Dieu l'entend

avec plaisir, ce qui est plus précieux que tous les biens du monde.

Le Seigneur nous a prescrit, en outre, cette formule de prière, pour que nous reconnaissions

quels sont les besoins qui doivent nous porter à prier sans cesse. Car il est naturel que celui qui prie

demande quelque chose; sinon, ce n'est pas une prière. Nous avons donc rejeté avec raison les prières

que les moines et les prêtres murmurent et débitent jour et nuit, sans penser le moins du monde à rien

demander; et vraiment, si l'on rassemblait les moines et tout le clergé, il faudrait à la fin qu'ils confessent

qu'ils n'ont jamais prié du fond du cœur pour obtenir la plus petite chose; car aucun d'eux ne s'est jamais

proposé de prier par obéissance pour Dieu et par la foi en sa promesse; aucun d'eux ne faisait ses prières

en vue d'un besoin senti et reconnu; mais ils ont voulu, tout au plus, accomplir par là une œuvre

extérieure et s'acquitter envers Dieu, ne voulant rien accepter de lui, mais, au contraire, lui donner.

Une véritable prière doit être faite avec sérieux; il faut, avant tout, reconnaître sa misère, une

misère telle qu'elle nous pousse et nous excite à prier et à invoquer Dieu. Alors la prière vient

naturellement, sans qu'on soit obligé d'apprendre comment l'on doit s'y préparer et comment on arrive

au recueillement. L'Oraison dominicale renferme tout ce que nous pouvons désirer et demander à Dieu;

elle est la règle sur laquelle nous devons former nos sentiments et nos désirs, et avec laquelle nous

devons stimuler notre prière. Car nous avons tous beaucoup de besoins, mais le mal est que nous ne les

sentions et ne les voyions pas. Dieu veut que tu déplores et que tu lui exposes ta misère; non qu'il

l'ignore, mais afin que ton cœur soit disposé à demander avec plus d'ardeur les biens qu'il veut t’accorder,

et que tu te prépares à les recevoir en ouvrant largement ton cœur et tes mains.

Nous devrions nous habituer, dès notre jeunesse, à prier journellement, d'abord pour nos

propres besoins, quand nous sommes dans la peine, et puis aussi pour ceux parmi lesquels nous vivons,

pour nos pasteurs, pour l'autorité, pour nos voisins, pour nos domestiques, etc.; nous devons rappeler à

Dieu son commandement et sa promesse, et savoir qu'il ne veut pas qu'on les méprise. Il est bien à

désirer que l'habitude de la prière renaisse parmi nous, car, sans cela, les gens s'abrutiront de plus en plus

et deviendront chaque jour plus incapables de prier; ce qui est le but vers lequel le diable aspire de toutes

ses forces; en effet, il sent bien le tort immense que lui fait la prière.

La prière est notre ressource, notre abri contre le diable et toute s'a puissance; car nous sommes

beaucoup trop faibles pour lui résister quand il nous attaque, et il nous aurait bientôt foulés aux pieds, si

nous voulions nous défendre par nos propres forces. Saisissons donc les armes dont les chrétiens doivent

toujours être munis, afin de pouvoir lui tenir tête. Comment, en effet, aurions-nous pu accomplir jusqu'à

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 60

présent de si grandes choses? comment aurions-nous pu étouffer et combattre les entreprises, les

meurtres et les séditions de nos ennemis, par lesquels le diable a voulu nous détruire, ainsi que l'Évangile?

Comment aurions-nous pu y parvenir, si la prière ne s'était pas élevée comme une forteresse et un

rempart d'airain entre nous et eux. Sans la prière, nous aurions été témoins de choses bien plus terribles

encore, et le diable aurait mis tout notre pays à feu et à sang. Il est facile maintenant à nos adversaires de

rire de nous et de tourner nos appréhensions en ridicule; quant à nous, nous resterons fermes contre le

diable et le monde entier, et cela par la force de la prière, pourvu que nous y persévérions avec zèle et

que nous ne nous lassions point; nous savons bien que lorsqu'un chrétien prie avec confiance: « Mon

Père, que ta volonté soit faite, » le Seigneur lui répond du haut des cieux: Oui, cher enfant, elle se fera en

dépit du diable et du monde entier.

Nous exhortons donc encore une fois à regarder, avant tout, ce commandement comme grand et

précieux, et à faire une grande différence entre rabâcher une prière et demander quelque chose au

Seigneur. Car nous n'anéantissons pas la prière, mais nous rejetons les vaines redites et les gémissements

inutiles, comme aussi Christ lui-même les défend et les rejette (Matth. 6, 7; 23, 14).

Maintenant nous allons développer d'une manière courte et simple les différentes parties de

l'Oraison. Elle se compose de sept articles ou demandes qui comprennent tous nos besoins journaliers et

continuels, et dont chacun est si grand qu'il pourrait nous occuper déjà pendant toute notre vie et devenir

un objet constant de notre prière.

La Première Demande.

Que ton nom soit sanctifié.

Cette expression n'est pas très-claire; pour parler plus correctement, nous devrions dire: Père céleste, que

ton nom seul soit saint. Quel est le sens de ces paroles: que ton nom soit sanctifié? le nom de Dieu n'est-il

pas saint auparavant? Oui, sans doute, le nom de Dieu est saint en lui-même, mais il ne l'est pas pour

nous qui le déshonorons constamment par nos discours et par nos œuvres. Le saint nom de Dieu nous a

été donné quand nous sommes devenus chrétiens et que nous avons été baptisés; c'est en vertu de ce

don que nous sommes appelés enfants de Dieu et que nous jouissons des Sacrements, par lesquels nous

entrons dans l'unité de Dieu, de sorte que tout l'héritage de Dieu devient entièrement notre patrimoine.

Notre plus grand désir devrait donc être que ce saint nom, qui est notre plus grand trésor, notre

sanctuaire, soit honoré et glorifié; nous devons donc prier, avec la confiance d'un enfant, que ce nom, qui,

d'ailleurs, est sanctifié dans le ciel, le soit aussi sur la terre, parmi nous et par le monde entier.

De quelle manière le nom de Dieu est-il sanctifié parmi nous? Il est sanctifié parmi nous, lorsque

la Parole de Dieu est enseignée purement et que nous vivons conformément à cette Parole; et, puisque

dans cette prière nous nommons Dieu notre Père, nous devons vivre comme il convient à des enfants de

Dieu, et chercher avant tout l'honneur et la gloire de notre Père.

Le nom de Dieu est, au contraire, profané parmi nous par nos discours ou notre conduite, lorsque

l'on enseigne de fausses doctrines, contraires à sa Parole, et que l'on se sert de son nom pour parer et

couvrir le mensonge; c'est-là la plus grande profanation du nom divin. Il est profané encore par les

jurements, les blasphèmes, les enchantements, etc.

Il est profané, en outre, par une vie contraire à la loi de Dieu. Ainsi, ceux qui veulent être appelés

chrétiens et qui cependant sont adultères, buveurs, mangeurs, avares, envieux et calomniateurs,

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 61

outragent le nom de l'Éternel, et, à cause d'eux, ce saint nom est blasphémé par les impies. Nous voyons

cela déjà dans les choses terrestres: N'est-ce pas une honte pour un père d'avoir un enfant méchant et

dépravé, qui se révolte contre l'autorité paternelle et qui, au lieu de le respecter, cherche à faire retomber

sur lui le mépris et le déshonneur? Il en est de même ici: nous déshonorons notre Dieu, nous, qui portons

son nom et qui recevons de lui tant de biens, lorsque nous enseignons, conversons ou vivons autrement

qu'il ne convient à des enfants de Dieu, de sorte que l'on ne peut pas dire de nous: ce sont des enfants de

Dieu, mais, bien au contraire, ce sont des enfants du diable.

Ainsi, par cette prière, nous demandons à Dieu de nous aider à accomplir ce qu'il exige de nous

dans le second commandement, où il nous est défendu de profaner son saint nom par jurements ou par

imprécations, en mentant ou en trompant, etc.; et où il nous est commandé aussi de nous en servir pour

la gloire et à la louange de Dieu; car celui qui se sert du nom de Dieu pour couvrir un péché, quel qu'il soit,

profane et déshonore ce saint nom. Autrefois, l'on disait d'une église qu'elle était profanée lorsqu'un

meurtre ou un autre crime y avait été commis; que l'on déshonorait un ostensoir ou un autre objet sacré;

car, bien que ces choses fussent saintes en elles-mêmes, elles étaient profanées par l'usage que l'on en

avait fait. Ainsi, sanctifier le nom de Dieu veut dire le louer, le glorifier et l'honorer par nos paroles et par

nos actions.

Tu vois donc que cette prière est bien nécessaire, car le monde est plein de sectes et de faux

docteurs qui tous emploient le saint nom de l'Éternel pour couvrir leur doctrine diabolique; elle s'élève

contre tous ceux qui enseignent de fausses doctrines et qui s'appuient sur une fausse foi; contre tous ceux

encore qui attaquent, qui persécutent et voudraient étouffer l'Évangile et la saine doctrine, tels que les

évêques, les tyrans, les visionnaires, etc.; elle s'élève aussi contre nous qui avons la Parole de Dieu, mais

qui n'en sommes pas reconnaissants, et qui ne réglons pas notre vie d'après elle, comme nous le devrions.

Si donc tu adresses à Dieu cette prière du fond de ton cœur, tu peux être certain qu'elle est

agréable à Dieu; car il désire que nous cherchions avant toutes choses son honneur et sa gloire, et que sa

Parole, étant enseignée purement, nous soit chère et précieuse.

La Seconde Demande.

Que ton règne vienne.

Nous avons demandé dans la première partie que le nom de Dieu soit sanctifié, c'est-à-dire nous avons

prié Dieu d'empêcher le monde de se servir de son nom pour couvrir sa méchanceté et ses mensonges,

afin qu'il soit obligé de le considérer comme grand et saint, et pour nous, de nous faire la grâce de nous

aider à le glorifier par notre doctrine et par notre vie. Ici nous demandons que son règne arrive; mais, de

même que le nom de Dieu est saint en lui-même, et que cependant nous demandons qu'il soit sanctifié

parmi nous, de même aussi son règne arrive sans notre prière; mais nous demandons qu'il vienne parmi

nous et qu'ainsi nous ayons part aux biens de ce règne, et qu'aussi nous contribuions pour notre part à la

gloire de son nom et à la prospérité de son règne.

Qu'est-ce que le règne de Dieu? Réponse: c'est ce que nous avons appris dans le Symbole des

apôtres, où il est dit que Dieu a envoyé dans le monde son Fils Jésus-Christ, notre Seigneur, afin qu'il nous

sauvât et nous affranchît de la puissance du diable, qu'il nous attirât à lui et régnât sur nous, lui qui est le

roi de la justice, de la vie et de la félicité, en nous délivrant du péché, de la mort et des craintes d'une

conscience troublée. Avec cela il nous a donné son Saint-Esprit, qui nous annonce ces choses par la sainte

Parole, qui nous éclaire et nous fortifie dans la foi. Nous prions donc ici que son règne s'accroisse et se

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maintienne parmi nous, que son nom soit glorifié par la prédication de sa sainte Parole et par la vie

chrétienne; et que nous, qui avons reçu tous ces bienfaits, y persévérions jusqu'à la fin; nous demandons

encore que son règne s'étende de plus en plus sur la terre, et que beaucoup d'âmes soient amenées par le

Saint-Esprit à ce règne de grâce et participent à la rédemption; enfin que tous, nous restions

éternellement dans son royaume dont nous faisons déjà partie ici-bas.

Le règne de Dieu vient parmi nous de deux manières: la première, ici-bas, temporellement, par la

Parole et par la foi; la seconde, éternellement, par la manifestation. Nous prions donc que ce règne

s'établisse dans les cœurs de ceux qui n'y sont pas encore parvenus, et, pour nous qui l'avons reçu, que ce

règne de grâce s'augmente journellement au dedans de nous et que nous ayons part dans les cieux à la

vie éternelle.

C'est comme si nous disions: Père céleste, donne-nous ta sainte Parole et fais que l'Évangile soit

prêché purement par toute la terre, qu'il soit reçu avec foi, qu'il opère et qu'il vive en nous; qu'ainsi ton

règne subsiste au milieu de nous par ta Parole et par la puissance du Saint-Esprit, afin que le règne du

diable soit affaibli et n'ait aucune puissance sur nous, jusqu'à ce qu'enfin il soit entièrement détruit; que le

péché, la mort et l'enfer soient anéantis, et que nous vivions éternellement dans une entière justice et

dans une félicité sans fin.

Tu vois donc que nous ne prions pas ici pour un bien temporel et périssable, mais pour un trésor

éternel, inépuisable, infini, c'est-à-dire pour la puissance de Dieu; ce qu'aucun homme n'aurait jamais osé

demander, si Dieu lui-même ne nous l'avait pas commandé. Mais, parce qu'il est Dieu, il veut aussi avoir la

gloire de donner abondamment et beaucoup plus qu'aucun homme ne peut comprendre, comme étant la

source éternelle et intarissable qui, plus on y puise, plus elle donne. Il désire, il veut que nous lui

demandions beaucoup et de grandes choses; tandis qu'il s'irrite lorsque nous ne demandons pas avec

confiance.

Admettons qu'un riche et puissant empereur fasse appeler un pauvre mendiant et lui dise de

demander tout ce qu'il désire, étant prêt à lui accorder de grands biens, et que cet insensé ne demande

qu'une soupe à l'eau, ne serait-il pas pris avec raison pour un méchant et un vaurien, qui se fait un jeu et

se moque de la majesté impériale, et qui n'est pas digne de paraître devant ses yeux? Combien plus

n'offensons et n'outrageons-nous pas le Seigneur, lui, qui nous offre des biens si grands et si

inexprimables, quand nous les méprisons ou que nous n'ajoutons pas foi en ses promesses, et osons à

peine lui demander avec confiance un morceau de pain? Cela vient de notre déplorable et funeste

incrédulité, qui nous porte à n'attendre de Dieu aucun bien, pas même notre nourriture quotidienne,

encore bien moins de semblables biens éternels. Pour nous fortifier contre l'incrédulité, nous devons donc

désirer, avant toutes choses, que le règne de Dieu vienne parmi nous; et nous recevrons en même temps

abondamment tout le reste; comme Christ nous le dit (Matth. 6, 33): Cherchez premièrement le royaume

de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par dessus. En effet, comment nous

laisserait-il périr ou manquer des choses temporelles, quand il nous promet des biens éternels et

impérissables.

La Troisième Demande.

Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

Jusqu'à présent nous avons prié pour la sanctification du nom de Dieu et pour l'établissement de son

règne parmi nous: choses qui concernent l'honneur de Dieu et notre félicité, et par lesquelles nous

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recevons Dieu avec tous ses biens; mais il est très nécessaire que nous restions fermes et que nous

persévérions dans la prière. Dans un royaume bien organisé, il ne suffit pas qu'il y ait des gens qui

gouvernent et qui dirigent, il en faut aussi d'autres qui défendent et protègent le pays; de même ici:

quand nous avons demandé à Dieu le plus grand bienfait, l'Évangile et la foi, quand nous avons prié pour

que le Saint-Esprit nous guide et nous délivre de la puissance du diable, il faut aussi que nous demandions

au Seigneur que sa volonté soit faite. Car, si nous voulons rester fidèles, nous aurons à surmonter

beaucoup de difficultés et à supporter beaucoup de tribulations et de taquineries de la part de ceux qui

voudraient empêcher l'accomplissement des deux premières demandes.

Le diable s'oppose et résiste de toutes ses forces à la volonté de Dieu; il ne peut pas souffrir que

l'on enseigne purement l'Évangile et que l'on avance dans la foi véritable; c'est une chose terrible pour lui

de voir dévoiler ses abominations et ses mensonges qu'il a revêtus et honorés du nom de l'Éternel; d'être

couvert de honte et chassé des cœurs; c'est une atteinte à son pouvoir, un coup qui ébranle son royaume;

il en est furieux, il s'emporte et se déchaîne comme un ennemi terrible, et cherche tous les moyens

d'augmenter ses forces et sa puissance; pour cela, il prend en aide le monde et notre propre chair: car

notre chair est naturellement paresseuse et portée au mal, même lorsque nous avons commencé à croire;

et le monde est méchant et pervers. Ce sont donc de puissants auxiliaires pour l'ennemi de nos âmes; il

les anime, les excite, et, d'accord avec eux, il nous attaque afin de nous faire retomber et de nous

ramener sous sa puissance. C'est là tout son désir, le sujet de toutes ses pensées, le but vers lequel il

aspire; et il est occupé jour et nuit à combiner les ruses et les artifices, les voies et les moyens qu'il

pourrait employer pour arriver à ses fins.

Nous devons donc, si nous voulons être des chrétiens, nous attendre à avoir pour ennemis le

diable avec tous ses anges et le monde entier, qui nous suggéreront toutes sortes de malheurs et de

chagrins. Car la Parole de Dieu, quand elle est annoncée et reçue avec foi, de sorte qu'elle devient la règle

de la vie, le mobile de toutes les actions, apporte aussi avec elle la chère et sainte croix. Ne nous

imaginons donc pas que nous pouvons avoir la paix, mais, au contraire, soyons prêts à renoncer à tout ce

que nous aimons sur la terre: l'honneur et les biens, notre femme et nos enfants, notre corps et notre vie.

Cela fait mal à notre chair, à notre vieil Adam; il lui en coûte de souffrir avec patience, quand il est

attaqué, de ne pas résister à ceux qui veulent le dépouiller. C'est pourquoi il est bien nécessaire que nous

priions sans cesse: Père céleste, que ta volonté soit faite, et non celle du diable et de nos ennemis qui

veulent persécuter et étouffer ta sainte Parole, et qui s'opposent à la venue de ton règne. Donne-nous

aussi d'être soumis et obéissants et de conformer toute notre vie à ta sainte volonté; de supporter

patiemment tout ce que nous sommes obligés de souffrir de la part de ceux qui sont tes ennemis, et

fortifie-nous, afin que notre pauvre chair ne cède pas et ne retombe pas par faiblesse ou par paresse.

Ainsi, ces trois premières demandes, qui se rapportent plus particulièrement à Dieu, nous

concernent cependant au plus haut degré, car nous prions non seulement pour que ces choses arrivent,

mais aussi pour qu'elles s'accomplissent parmi nous. Sans notre prière, son nom est sanctifié, son règne

arrive et sa volonté se fait, en dépit du diable et de toute sa suite qui se révoltent, s'irritent, s'emportent

et voudraient anéantir l'Évangile; mais nous devons prier pour nous, que sa volonté soit faite sans

obstacles parmi nous, malgré leur fureur; que nous restions fermes malgré leur puissance et leurs

persécutions, et que nous nous soumettions avec joie et amour à la volonté de Dieu.

Cette prière est notre abri et notre défense contre toutes les attaques du diable, du pape, des

évêques, des tyrans et des hérétiques. Qu'ils se mettent donc en colère, qu'ils se consultent et délibèrent

entre eux comment ils veulent nous comprimer et nous extirper! Nous ne les craignons pas; car la prière

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d'un ou de deux chrétiens est un rocher, un écueil contre lequel ils se briseront. C'est pour nous une

grande consolation et une forte assurance de savoir que la volonté et les entreprises du diable et de nos

ennemis seront détruites et anéanties, quelque fiers et quelque puissants qu'ils se croient; car, sans cela,

le règne de Dieu ne pourrait pas subsister sur la terre, et son nom ne pourrait pas être sanctifié.

La Quatrième Demande.

Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien.

Après les trois premières demandes qui regardent la gloire de Dieu, nous demandons à notre Père céleste

ce qui nous est nécessaire chaque jour pour les besoins de notre corps et l'entretien de notre vie

temporelle. Car, en priant ici pour notre pain quotidien, nous demandons aussi tout ce qui est nécessaire

pour en jouir, et, par contre, nous prions le Seigneur de nous délivrer de tout ce qui pourrait nous en

empêcher. C'est pourquoi nos pensées ne doivent pas seulement se reporter à la farine dont on pétrit le

pain, ou bien au four du boulanger, mais à tout le pays, aux champs qui produisent et nous fournissent

notre nourriture, car, si Dieu ne bénissait pas les productions de la terre et ne nous les conservait pas,

nous n'aurions pas de quoi nous rassasier un seul jour.

Cette prière comprend donc tous les besoins de la vie terrestre, car ce n'est que pour la

conserver que nous demandons notre pain quotidien. Nous ne prions pas seulement pour la nourriture,

les vêlements et les autres besoins de notre corps, mais nous demandons en même temps le repos et la

paix avec ceux qui nous entourent et avec lesquels nous sommes en relation; en un mot, nous demandons

tout ce qui concerne la vie domestique et la vie publique; car, si ces choses sont entravées par des

obstacles continuels, alors les besoins de la vie ne peuvent pas être satisfaits, et elle ne peut être

conservée longtemps. Nous devons surtout prier pour les autorités et pour le gouvernement temporel,

car c'est par eux que Dieu nous donne notre pain quotidien, et qu'il pourvoit à tous les besoins de cette

vie; car, quand même nous aurions reçu de Dieu la plénitude de tous les biens, nous ne pourrions

cependant pas en conserver un seul, ni en jouir avec sécurité, s'il ne nous donnait pas un gouvernement

stable et paisible; car, là où règnent la discorde, les contestations ou la guerre, on ne peut manger

tranquillement le pain quotidien.

Ce serait avec raison que l'on remplacerait par un pain, dans l'écusson de tout prince pieux, le

lion ou le crancelin, et qu'on le graverait sur la monnaie, pour rappeler au prince comme au peuple que

les rois doivent maintenir la paix et la tranquillité, sans lesquelles nous ne pouvons ni manger ni conserver

notre cher pain quotidien. C'est pourquoi aussi les princes sont dignes de toutes sortes d'honneurs; nous

devons nous soumettre à leurs lois et leur donner non seulement ce qui nous est commandé, mais autant

que nous pouvons; car, par eux, nous jouissons en paix de tout ce que nous possédons; tandis que, sans

eux, nous ne pourrions pas conserver un seul denier; nous devons prier aussi Dieu d'accorder à noire pays

beaucoup de bénédictions et de biens par leur moyen.

Ainsi, cette prière concerne toutes les positions terrestres. On peut donc la développer et,

énumérant avec beaucoup de paroles toutes les choses qui s'y rapportent, demander à Dieu la nourriture,

les vêtements, la demeure, la santé, des saisons fertiles; le prier de bénir nos travaux et l'œuvre de nos

mains; de nous aider à bien diriger notre ménage; de nous donner et de nous conserver une femme

pieuse, des enfants dociles, des domestiques fidèles et soumis, de bons voisins, des amis sincères, etc.;

d'accorder aux empereurs, aux rois, à toutes les autorités et, en particulier, à notre prince et à tous ceux

qui sont placés au-dessus de nous, de la sagesse, de la force et du bonheur, afin qu'ils nous gouvernent

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selon sa volonté et triomphent contre tous nos ennemis; aux subordonnés et au peuple, l'obéissance, la

paix, la concorde; et enfin on peut lui demander de nous préserver de tout mal, tel que: les ouragans, la

grêle, le feu, l'eau, le poison, la peste, les épizooties, la guerre, les révolutions, la disette, les animaux

nuisibles et les méchantes gens, etc.; car c'est Dieu qui nous accorde tous ces biens et nous garantit

contre tous ces maux; mais il veut que nous le lui demandions.

Cette prière est surtout tournée contre notre plus grand ennemi, le diable. En effet, tous ses

efforts tendent à nous ravir ce que Dieu nous accorde, et il ne lui suffit pas d'entraver et de détruire le

gouvernement spirituel, en séduisant les âmes par ses mensonges, mais il cherche encore à entraver et à

détruire tout gouvernement et toute vie honnête et paisible; pour cela, il suscite des querelles, des

meurtres, des rebellions et des guerres; il cherche à détruire les productions de la terre par les ouragans

et la grêle; les animaux, par les contagions; en un mot, il ne peut souffrir que quelqu'un mange en paix

une bouchée de pain, et vraiment, si cela était en son pouvoir, et si notre prière (après Dieu) ne l'en

empêchait pas, nous n'aurions pas un épi dans les champs, pas un denier dans la maison; nous ne

conserverions la vie pas seulement pendant une heure, et en particulier ceux d'entre nous qui se

soumettent à la Parole de Dieu et qui veulent vivre en chrétiens.

Tu vois par là avec quelle bonté le Seigneur se charge de tous nos besoins et avec quelle fidélité il

pourvoit à notre nourriture temporelle. Mais, bien qu'il accorde ces biens même aux impies et aux

méchants, il veut que nous l'en priions, afin que nous reconnaissions que c'est de lui que nous recevons

toutes ces choses, et que nous voyions à cela sa bonté paternelle envers nous. Quand il retire sa main,

rien ne peut prospérer, ni être conservé, comme nous pouvons le voir tous les jours. En effet, quelle

misère n'y a-t-il pas maintenant dans le monde, seulement à cause de l'usure, et quelles difficultés ne sont

pas suscitées dans le commerce et dans les travaux journaliers par ceux qui oppriment les pauvres, selon

leur bon plaisir, et leur ravissent ainsi leur pain quotidien? Nous devons, il est vrai, le supporter paiement,

mais que ceux qui font de telles choses prennent garde que cette partie de l'Oraison ne soit tournée

contre eux.

La Cinquième Demande.

Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.

Dans ces paroles, nous confessons que nous sommes coupables envers Dieu; car, lors même que nous

croyons à la Parole de Dieu, lors même que nous voulons faire sa volonté, et bien qu'il nous accorde tant

de biens et de bénédictions, nous péchons cependant et nous l'offensons tous les jours; car nous vivons

dans le monde parmi des gens qui nous font souvent beaucoup de torts et de chagrins; nous nous laissons

aller à l'impatience, à la colère et au désir de nous venger; de plus, le diable nous attaque de tous les

côtés, de sorte qu'il n'est pas possible de soutenir toujours avec fermeté ce combat continuel. Il est donc

nécessaire que nous priions tous les jours: « Seigneur, notre Père, pardonne-nous nos péchés. » Nous

savons que Dieu veut nous pardonner, même avant que nous l'en priions (car il nous a donné l'Évangile,

dans lequel il n'y a que pardon, bien avant que nous ayons pu le lui demander); mais il veut aussi que nous

reconnaissions et que nous acceptions ce pardon. Notre chair ne croit pas en Dieu et n'a pas de confiance

en lui, mais elle est pleine de mauvais désirs et de perfidies, de sorte que nous péchons journellement par

nos paroles et par nos actions, en faisant le mal, ou en négligeant de faire le bien. Notre conscience, qui

s'en trouble, redoute la colère et la justice de Dieu, et laisse ainsi échapper la consolation de l'Évangile; il

est donc nécessaire que nous ayons recours à cette oraison pour chercher la consolation et la paix de la

conscience.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 66

Dieu veut briser notre orgueil et nous maintenir dans l'humilité. Si quelqu'un veut se prévaloir de

sa piété et mépriser les autres, qu'il s'éprouve lui-même, qu'il médite cette prière, et il trouvera qu'il n'est

pas plus pieux que les autres, mais que, comme tous les autres, il faut qu'il s'humilie devant Dieu, afin

d'obtenir le pardon. Ne t'imagines donc pas que, pendant que tu vis ici-bas, tu peux parvenir à n'avoir plus

besoin de cette rémission; car, si Dieu ne nous pardonne pas toujours, nous sommes perdus.

Ainsi, dans cette prière, nous demandons à Dieu de vouloir, par sa bonté, ne point avoir égard à

nos péchés, comme nous le mériterions, mais de nous pardonner par grâce, selon sa promesse, et de nous

donner ainsi une conscience joyeuse, afin que nous puissions nous approcher de lui avec confiance. Car, si

nous ne sommes pas justifiés devant Dieu, nous n'oserons jamais prier; et cette confiance, cette joie du

cœur ne peut venir que par l'assurance de la rémission de nos péchés.

Cette oraison a un complément nécessaire et très consolant qui s'y rattache. Ce sont les mots:

Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Dieu nous assure qu'il nous accorde sa

miséricorde, qu'il nous a tout pardonné; mais il veut aussi qu'à notre tour nous pardonnions à notre

prochain. Nous offensons Dieu tous les jours de beaucoup de manières et cependant il nous pardonne

tout gratuitement; de même aussi nous devons pardonner toujours à notre prochain, quand il nous fait du

tort, nous cause du dommage, nous opprime ou bien nous joue de mauvais tours, etc. Si tu ne pardonnes

pas de tout ton cœur, tu n'obtiendras pas non plus le pardon de tes propres péchés; mais, si tu

pardonnes, tu as la consolation et la certitude que Dieu te pardonne dans le ciel: non que tu l'aies mérité

en pardonnant aux autres, car il le fait gratuitement, par pure grâce, à cause de sa promesse, comme

l'Évangile nous l'enseigne; mais pour te fortifier dans la foi en sa promesse (Luc 6, 37). S'il dit: Pardonnez,

et il vous sera pardonné, c'est pour te donner, à côté de la promesse qu'il a faite, chaque fois que tu

pardonnes une preuve de plus de sa bonne volonté de te pardonner. C'est pourquoi aussi Christ répète de

suite après l'Oraison (Matth. 6, 14): Car, si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste

vous pardonnera aussi les vôtres.

Ces paroles sont donc ajoutées à cette prière, afin que, quand nous prions, nous nous rappelions

la promesse du Seigneur, et que nous puissions dire: « Mon Père, je t'en prie, pardonne-moi mes péchés,

non que je puisse satisfaire ta justice par mes œuvres, mais parce que tu l'as promis; je puis donc être

aussi certain de ton pardon, en pardonnant à mon prochain, que si j'entendais ta voix prononcer mon

absolution. » Cette promesse doit fortifier notre conscience et la rendre joyeuse, tout autant que le

Baptême et le Sacrement de la Cène; et, ce qui surtout doit nous rendre heureux, c'est que nous pouvons

en user à toute heure, quand nous le désirons.

La Sixième Demande.

Ne nous induis point en tentation.

Ce n'est pas assez que Dieu nous accorde ses dons, nous aide à les conserver et nous pardonne tous nos

péchés; nous avons besoin aussi de sa grâce pour rester fermes et pour persévérer; car celui qui est

debout aujourd'hui peut tomber demain. Il faut donc, après que nous avons été justifiés devant Dieu, que

nous le priions encore de nous empêcher de retomber et, par conséquent, de ne pas nous abandonner à

la tentation.

La tentation au péché est triple: elle vient de la chair, du monde et du diable. Nous habitons dans

la chair, nous portons encore avec nous le vieil Adam qui, chaque jour, se réveille et se remue; qui nous

excite à l'impudicité, à la paresse, à la gourmandise, à l'ivrognerie, à l'avarice, à la tromperie envers le

Page 66: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 67

prochain, et généralement à toutes sortes de mauvais désirs attachés à notre nature corrompue; ces

mauvais désirs ou convoitises se développent encore par les compagnies au milieu desquelles nous

vivons, par les exemples pernicieux et par tant de choses que nous voyons, que nous entendons ou que

nous lisons, et qui peuvent si facilement blesser et corrompre un cœur innocent.

Le monde nous offense par ses paroles et ses actions, et nous pousse à la colère et à

l'impatience; on n'y rencontre que haines, envies, inimitiés, violences, injustices, infidélités, vengeances,

malédictions, querelles, médisances, calomnies, orgueil, vanité, frivolités superflues, amour du luxe et des

honneurs, de la puissance et de la gloire humaine; nul ne veut être le plus petit, mais chacun veut, au

contraire, être le premier et le plus considéré parmi les autres. Avec cela, le diable vient aussi et nous

tente surtout pour ce qui concerne la conscience et les choses spirituelles; il nous pousse à mépriser et à

rejeter la Parole de Dieu et les œuvres de Dieu; à nous détacher de la foi, de l'espérance et de la charité, à

tomber dans la défiance, dans l'incrédulité, dans un orgueil téméraire et dans l'endurcissement; enfin, il

nous jette dans le désespoir, il nous amène à renier Dieu et à blasphémer; il nous entraîne, en un mot,

dans toutes sortes d'horribles péchés. Tels sont les pièges que nous tend l'ennemi de nos âmes, les traits

enflammés et empoisonnés qu'il lance dans notre cœur.

Ces dangers et ces tentations que chaque chrétien est obligé de supporter dans cette vie, où

nous sommes assaillis et attaqués de tous les côtés, doivent nous exciter à prier et à invoquer sans cesse

le Seigneur, afin que nous ne succombions pas de tiédeur et de relâchement, et que nous ne retombions

pas dans le péché, la honte et l'incrédulité; car, autrement, nous ne pourrions pas résister même à la plus

petite tentation.

Nous ne demandons pas à Dieu de nous affranchir de toute tentation, mais de daigner nous

soutenir et nous donner la force d'en sortir victorieux. Car, tant que nous vivrons dans la chair et que nous

aurons le diable autour de nous, il n'est pas possible que nous évitions la tentation; mais nous devons

prier pour que nous ne succombions pas. Il y a donc une grande différence entre être tenté et consentir à

la tentation. Chacun de nous est tenté plus ou moins; les jeunes gens sont tentés par la chair; les adultes

et les vieillards par le monde; d'autres encore, et surtout les chrétiens plus avancés qui s'occupent de

choses spirituelles, par le diable. Mais, quelque excités que nous soyons par une tentation, si nous lui

résistons et que nous désirons en être délivrés, elle ne peut pas nous nuire; par contre, une tentation, qui

ne nous excite et que nous ne sentons pas, ne peut être appelée une tentation; mais gardons-nous de

céder, résistons plutôt et prions pour en être délivrés.

Nous autres chrétiens surtout, nous devons toujours veiller et être préparés au combat, et bien

nous garder de vivre dans l'insouciance ou dans une fausse sécurité, comme si le diable était bien loin de

nous. Tu es maintenant chaste, patient, affable; tu es ferme dans la foi; mais prends garde, le diable rôde

à cette heure même autour de toi, et il cherche à lancer dans ton cœur un de ses dards envenimés, de

sorte que tu pourras à peine subsister; car il est un ennemi terrible qui ne se lasse et ne se fatigue jamais;

dès qu'une tentation est vaincue, il en crée une nouvelle. C'est pourquoi notre unique appui et notre

seule consolation, c'est de nous prosterner devant le Seigneur et de nous servir des paroles de l'Oraison,

en lui disant: « Mon Père, je viens à toi, parce que tu m'as dit de t'invoquer; assiste-moi et ne me laisse

pas succomber à la tentation. » Fais cela, et tu verras que bientôt tu seras délivré de la tentation; tandis

que, si tu veux résister par tes propres forces, le diable aura toujours plus de pouvoir sur toi; il est

semblable au serpent qui, lorsqu'il trouve une ouverture assez large pour y introduire sa tête, s'y glisse et

y rampe sans qu'on puisse l'arrêter. Mais la prière est une barrière qui peut lui résister et le repousser.

Page 67: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 68

La Septième et Dernière Demande.

Délivre-nous du mal. Amen.

D'après le texte grec, nous devrions dire: Garde-nous du malin, et, sous ce mot, nous pouvons

comprendre le diable, de sorte que cette dernière demande semble être dirigée contre notre principal

ennemi; car le diable est l'auteur de tout mal, c'est lui qui veut nous empêcher de sanctifier le nom de

Dieu, de nous soumettre à son règne et de faire sa volonté; c'est lui aussi qui cherche à détruire notre

pain quotidien et à troubler notre conscience, etc.

Nous renfermons donc toutes ces choses dans ce peu de mots, et nous disons: « Père céleste,

délivre-nous de tout mal. » Et dans ces paroles sont compris tous les maux dont le diable nous frappe, tels

que: la pauvreté, l'opprobre, les infirmités, la mort; en un mot, toute la misère et toutes les douleurs que

nous éprouvons sur la terre.

Le diable n'est pas seulement un menteur, mais il est aussi un meurtrier (Jean 8, 44); aussi il

attente sans cesse à notre vie, et il assouvit sur nous sa vengeance quand il peut nous faire tomber dans le

malheur, ou nous faire du tort quant à notre corps. Son plaisir est de nous nuire de toutes les manières:

les uns font des chutes terribles et mortelles, les autres se noient, d'autres perdent la raison, d'autres

enfin se suicident; tout cela est l'œuvre du diable. Il en résulte que, tant que nous sommes sur la terre, il

nous faut prier sans cesse le Seigneur de nous protéger contre ce terrible ennemi; car, si Dieu ne nous

gardait pas, nous ne serions pas en sûreté devant lui, pas même pendant une heure.

Tu vois donc que le Seigneur veut que nous nous adressions à lui dans tous les maux qui nous

affligent, et que nous ne cherchions de secours qu'auprès de lui. Mais il a placé cette prière à la fin de

l'Oraison, parce que, si nous voulons être gardés et délivrés de tout mal, il faut d'abord que son nom soit

sanctifié en nous, que son règne subsiste parmi nous et que sa volonté se fasse; alors il veut nous garder

du péché, de l'opprobre et de tout ce qui pourrait nous nuire.

Ainsi, le Seigneur nous a fait voir dans l'Oraison tout ce que nous devons désirer et demander à

Dieu. Mais il importe aussi que nous apprenions à terminer notre prière par un joyeux amen, c'est-à-dire

que nous ne doutions pas qu'elle ne soit exaucée; car celui qui peut dire amen du fond de son âme ne prie

pas au hasard, mais il sait que Dieu exaucera sa prière, parce qu'il l'a promis et qu'il ne peut mentir. Où

cette foi manque, il ne peut pas non plus y avoir de véritable prière, et c'est une funeste illusion que celle

dans laquelle vivent beaucoup de gens qui n'osent pas dire amen du fond du cœur, ni conclure avec

assurance que Dieu veut les exaucer, mais qui restent dans le doute et disent: « Comment pourrais-je être

assez audacieux pour me vanter que Dieu exauce ma prière, moi qui suis un pauvre et misérable

pécheur? » Cela vient de ce qu'ils ne se fondent pas sur la promesse du Seigneur, mais sur leurs propres

œuvres et sur leur propre dignité; et, en cela, ils méprisent Dieu et le traitent de menteur. De là vient

qu'ils ne reçoivent rien, car saint Jacques nous dit (chap. 1, 6, 7): Que celui qui prie, prie avec foi, sans

hésiter; car celui qui hésite est semblable au flot de la mer qui est agité et poussé ça et là par le vent. Que

cet homme-là ne s'attende pas à recevoir aucune chose du Seigneur. —Tu vois donc que Dieu veut que

nous soyons sûrs d'être exaucés; nous ne devons pas douter, ni mépriser la prière en aucune manière.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 69

QUATRIÈME PARTIE.

DU SAINT SACREMENT DU BAPTÊME.

Nous avons développé les trois premiers articles de la doctrine chrétienne; il nous reste encore à parler

des deux sacrements institués par notre Seigneur Jésus-Christ et que chacun de nous doit nécessairement

connaître, puisque, sans eux, il ne peut y avoir de chrétiens; et cependant jusqu'à présent on en a peu ou

point du tout parlé au peuple.

Nous allons examiner d'abord le Baptême qui est le sacrement par lequel nous sommes reçus

dans la chrétienté; mais, afin d'être compris plus facilement, nous nous en tiendrons à ce qu'il nous est

indispensable de savoir, laissant aux savants le soin de soutenir et de défendre cet article contre les

hérétiques et contre les sectes.

Avant toutes choses, il nous faut connaître les paroles du Seigneur sur lesquelles le Baptême est

fondé, et auxquelles se rapporte tout ce que nous allons dire.

Aux derniers chapitres de St Matthieu (28, 19) et de St Marc (16, 16), Jésus dit à ses disciples:

Allez par tout le monde, instruisez toutes les nations et baptisez-les au nom du Père et du

Fils et du Saint-Esprit. Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé; mais celui qui ne

croira pas sera condamné.

§ 1er. Importance du Baptême.

Nous voyons par ces paroles que c'est Dieu qui a commandé et institué le Baptême; c'est donc une

institution divine, et non une simple cérémonie imaginée et inventée par les hommes; car, de même que

les Dix-Commandements, le Symbole des apôtres et l'Oraison dominicale nous ont été révélés et donnés

non par un homme, mais par Dieu; de même aussi le Baptême n'est pas une institution humaine, mais

une institution divine, que Dieu a établie et qui est nécessaire au salut. D'où il suit que nous ne devons pas

considérer le Baptême comme une chose de peu d'importance, mais, au contraire, comme une chose

grande, excellente et précieuse.

La doctrine du Baptême est une de celles qui ont été le plus souvent attaquées, parce que le

monde est plein de sectes. Or, les sectes prétendent communément que le Baptême est une cérémonie

extérieure, et que les cérémonies extérieures ne peuvent être d'aucune utilité. Mais nous avons la Parole

et le commandement de Dieu, qui instituent et sanctionnent le Baptême; et ce que Dieu institue et

ordonne n'est pas une chose vaine, mais, au contraire, une chose précieuse, quand même elle n'a qu'une

chétive apparence et semble, aux yeux du monde, n'avoir aucune valeur. Si l'on a honoré jusqu'à présent

les lettres et les bulles par lesquelles le pape distribuait les indulgences, confirmait les autels ou les

églises, et cela à cause du sceau qui y était apposé, combien plus ne devons-nous pas regarder le Baptême

comme grand et précieux, parce qu'il est commandé par Dieu et administré en son nom? car il est écrit:

Allez et baptisez (non: « en votre nom, » mais:) au nom de Dieu.

Être baptisé au nom de Dieu, ce n'est pas être baptisé par les hommes, mais par Dieu lui-même;

car, bien que ce soit par la main des hommes, c'est véritablement l'œuvre de Dieu, et chacun peut

conclure lui-même qu'une œuvre de Dieu est beaucoup plus grande que toute œuvre accomplie par un

homme, serait-il même un saint. Mais ici le diable est occupé à nous éblouir par de fausses apparences et

à nous faire croire que nos propres œuvres valent plus que celles de Dieu; nous admirons la vie de

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 70

privations et de macérations d'un chartreux; nous ajoutons une grande valeur à nos propres actions et à

notre propre mérite; mais, qu'en dit l'Écriture?... Et quand bien même on entasserait toutes les bonnes

œuvres des moines, quelque précieuses qu'elles paraissent, elles ne vaudraient pas la moindre œuvre de

Dieu, quelque petite ou insignifiante qu'elle nous semble. Pourquoi? parce que Dieu seul est

véritablement saint; car ici il ne faut pas considérer les œuvres, mais la personne, de laquelle seulement

les œuvres reçoivent leur valeur. Cela scandalise notre raison insensée qui est toujours portée à

considérer pour rien tout ce qui n'a pas une apparence brillante.

§ 2. Nature et valeur du Baptême.

D'après ce que nous venons de dire, nous pouvons nous faire une idée juste du Baptême. Qu'est-ce donc

que le Baptême? Le Baptême consiste dans de l'eau administrée par ordre de Dieu et accompagnée de la

Parole de Dieu. L'eau baptismale est donc par cela même sanctifiée et devient sacrée; non qu'elle soit plus

précieuse en elle-même que l'eau ordinaire, mais à cause du commandement et de la Parole de Dieu qui

l'accompagnent. C'est donc par une dérision diabolique que certains esprits blasphèment le Baptême en

laissant de côté la Parole et le commandement de Dieu, et que, ne considérant que l'eau que l'on va

puiser à la fontaine, ils s'écrient: Comment est-il possible qu'un peu d'eau soit utile au salut de l'âme!

Certainement l'eau, sans la Parole de Dieu, n'est qu'une simple eau; mais comment osez-vous vous

attaquer ainsi au commandement de Dieu en le dépouillant du plus grand trésor que Dieu y ait joint, alors

que vous n'avez pas le droit de l'en séparer? car la partie essentielle dans le Baptême c'est la Parole ou le

commandement de Dieu et le nom de Dieu; et ce trésor est plus grand et plus élevé que le ciel et la terre.

Ainsi, la différence entre l'eau ordinaire et le Baptême, c'est que, dans ce dernier, Dieu a joint à

l'élément son nom, son honneur, sa force et sa puissance. Ce n'est donc pas une eau naturelle, mais une

eau divine, céleste et sainte, à cause de la Parole divine elle-même, céleste et sainte, qui y est jointe. Or,

cette Parole est toute-puissante, elle possède et elle exerce la toute-puissance de Dieu. C'est donc à cause

de la Parole qui y est jointe que le Baptême est un sacrement. C'est ainsi que l'a enseigné saint Augustin; il

dit: « Quand la Parole est jointe à l'élément, c'est-à-dire à la substance naturelle, il en résulte un

sacrement, c'est-à-dire un acte saint et divin. »

Nous le répétons encore, il ne faut pas considérer les Sacrements et toutes les choses extérieures

que Dieu a ordonnés et institués, d'après leur enveloppe terrestre et grossière, mais d'après la Parole de

Dieu qui y est contenue.

Il en est de même de la dignité des parents et des autorités temporelles. Si on les considère dans

leurs qualités et traits extérieurs, ce sont des hommes semblables à nous, qui ne se distinguent pas des

Turcs et des païens; et, si alors on se prenait à dire: Pourquoi devons-nous honorer ces gens-là plus que

d'autres? il nous faudrait répondre: Le commandement de Dieu nous dit: Honore ton père et ta mère.

C'est à cause de ce commandement que je vois en eux de tout autres hommes, des hommes parés et

revêtus de la majesté et de la gloire de Dieu; ce commandement, dis-je, est une chaîne d'or autour du cou

d'un père, une couronne sur sa tête; cette chaîne, cette couronne, me montrent pourquoi je dois honorer

cet homme. Combien plus dois-tu considérer comme une chose précieuse le Baptême que Dieu a honoré

de sa Parole, et qu'il a confirmé par des miracles du ciel. Crois-tu, en effet, que ce fut une vaine cérémonie

lorsque Christ se fit baptiser et qu'alors le ciel s'ouvrit et que le Saint-Esprit descendit visiblement et qu'il

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n'y eut que gloire et majesté divine5? Ah! gardons-nous bien de séparer ces deux choses: la Parole et

l'eau; car, si nous retranchons la Parole, l'eau n'est plus qu'une eau ordinaire, nous n'avons plus qu'une

aspersion extérieure; tandis que, si la Parole y est jointe d'après l'ordre de Dieu, c'est un sacrement, c'est

je Baptême de Christ.

Telles sont donc la nature et la valeur de ce saint sacrement.

§ 3. Utilité du saint Baptême.

En second lieu, maintenant que nous savons ce que c'est que le Baptême et comment nous devons le

considérer, il nous faut apprendre aussi pourquoi il est institué, c'est-à-dire à quoi il sert, ce qu'il confère

et ce qu'il opère.

Les paroles de Christ, déjà citées plus haut, nous le disent: Celui qui croira et qui sera baptisé sera

sauvé. Ainsi, nous croyons que la puissance, l'utilité, le fruit et le but du Baptême, c'est notre salut; car on

ne baptise pas un homme pour l'élever à la dignité de prince, mais, comme le disent les paroles du

Seigneur, afin qu'il soit sauvé. Être sauvé n'est autre chose qu'être délivré du péché, de la mort et du

diable, entrer dans le royaume de Christ et vivre éternellement avec lui.

Nous voyons par là combien le Baptême doit nous être cher et précieux, parce que, par lui, nous

obtenons ce trésor inexprimable. N'est-ce pas une preuve de plus que ce ne peut être une eau ordinaire?

car l'eau ordinaire ne pourrait jamais opérer ces choses; mais, comme nous l'avons dit plus haut, c'est la

Parole et le nom de Dieu qui le font. Là où est le nom de Dieu, là il faut qu'il y ait aussi la vie et la félicité;

c'est donc une eau divine, précieuse, féconde, pleine de grâces, qui, par la Parole, reçoit la puissance de

devenir un bain de régénération, comme le dit saint Paul (Tite 3, 5).

Quant aux esprits subtils et présomptueux qui disent: « La foi seule nous sauve; les œuvres et les

choses extérieures ne nous servent de rien; » nous leur répondrons: Certainement c'est par la foi seule

que nous sommes sauvés (comme nous le verrons plus tard). Mais ces conducteurs aveugles ne veulent

pas voir que la foi a besoin de quelque chose qu'elle puisse croire, c'est-à-dire à quoi elle puisse se tenir et

sur quoi elle se fonde. Ainsi, la foi s'en tient à l'eau et croit que, par le Baptême, nous avons la vie et la

félicité, non à cause de l'eau (comme nous l'avons répété suffisamment), mais parce que la Parole, le

commandement et le nom de Dieu y sont joints.

Croire cela n'est autre chose que de croire en Dieu, comme en celui qui a mis sa Parole dans le

Baptême et qui nous offre cette eau extérieure, afin que, par elle, nous puissions recevoir un pareil trésor.

Mais ils sont assez insensés pour séparer la foi de l'objet extérieur auquel la foi est liée, pour le

seul motif que cet objet est extérieur. Certes, il faut bien que ce soit un objet extérieur, afin que nous

puissions le comprendre et le saisir avec nos sens, et qu'ainsi la foi pénètre dans notre cœur; comme aussi

tout l'Évangile est une chose extérieure, une prédication orale.

En somme, ce que Dieu fait et opère en nous, il l'opère au moyen de choses extérieures. Quand

donc il parle, quel que soit son but, quel que soit le moyen ou l'organe dont il se serve, nous devons croire

simplement et nous en tenir à ses paroles. Et ici il dit: Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé. Ces

paroles se rapportent naturellement au Baptême, c'est-à-dire à l'eau comprise dans le commandement de

5 Matth 3, 16.

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Dieu; d'où il suit que celui qui rejette le Baptême rejette la Parole de Dieu, la foi et Christ qui nous lie au

Baptême et nous le commande.

§ 4. Rapport entre la foi et le Baptême.

En troisième lieu, maintenant que nous connaissons l'utilité et la puissance du Baptême, voyons quels

sont ceux qui obtiennent les grâces attachées au Baptême. Cela aussi est exprimé de la manière la plus

claire dans ces paroles: Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé; c'est-à-dire que la foi seule rend la

personne capable de recevoir utilement l'eau divine; car ce qui est énoncé et promis dans les paroles qui

accompagnent l'eau, ne peut être reçu autrement que par la foi du cœur, et quoique, par lui-même, ce

trésor soit divin et inépuisable, sans la foi il ne nous sert de rien. C'est pourquoi cette seule parole: Celui

qui croit, exclut et repousse toutes les œuvres que nous pouvons faire dans l'intention d'acquérir et de

mériter la félicité; car il est certain que, sans la foi, nous ne pouvons rien obtenir et que l'œuvre n'y fait

rien.

« Mais, disent encore ceux qui s'appuient sur leurs œuvres, le Baptême lui-même est une œuvre,

comment donc dis-tu que nos œuvres ne sont rien? » — Oui, je le répète, nos œuvres ne nous servent de

rien pour obtenir la félicité; le Baptême est une œuvre, c'est vrai, mais non pas la nôtre, c'est l'œuvre de

Dieu. Ce n'est pas un bain extérieur; ce n'est point l'homme, c'est Christ qui le fait, et les œuvres de Dieu

sont toutes, sans exception, salutaires et nécessaires pour la félicité. Loin d'exclure la foi, elles la

commandent, puisque, sans la foi, nous ne pouvons pas les saisir. Ce n'est donc pas à cause de l'aspersion

extérieure seulement que le Baptême nous est utile, il faut encore que tu t'y soumettes par obéissance au

commandement de Dieu; et, si c'est en son nom que tu te fais baptiser, afin de recevoir la félicité promise,

on ne pourra pas dire que c'est l'aspersion extérieure qui te sauve. Ajoutons que ce n'est pas avec la main

ou avec le corps que tu pourras saisir le Baptême, c'est avec le cœur, par la foi. Tu vois donc clairement

qu'il n'y a là aucune œuvre faite par nous; le Baptême est un trésor que Dieu nous donne gratuitement et

que nous recevons par la foi; de même aussi que le Seigneur Jésus crucifié n'est pas notre œuvre, c'est

encore un trésor préparé et donné par Dieu, qu'il a renfermé et qu'il annonce dans sa Parole; ce trésor, la

foi seule peut le recevoir. Ils nous outragent donc injustement ceux qui s'écrient que nous voulons

détruire la foi, tandis que nous ne cessons de répéter que la foi est nécessaire et que sans elle nous ne

pouvons rien recevoir.

Voilà les trois points essentiels qu'il était nécessaire de connaître tout d'abord pour nous faire

une idée de l'importance de ce sacrement. La Parole de Dieu que nous devons honorer devrait suffire à

nous faire apprécier le Baptême, quand même il ne serait qu'une chose extérieure; car, de même que le

commandement: Honore ton père et ta mère, se rapporte à des êtres extérieurs et charnels, et que nous

ne devons pas considérer la chair et le sang de ces êtres, mais bien la volonté de Dieu qui nous commande

de les honorer, de même aussi, n'eussions-nous que ces paroles: Allez et baptisez, nous devrions accepter

l'institution du Baptême et l'administrer d'après l'ordre de Dieu. Or, ici nous n'avons pas seulement un

commandement, mais aussi une promesse. C'est par elle surtout que le Baptême est une chose précieuse,

bien plus précieuse encore que toutes les autres œuvres que Dieu a commandées et instituées; car le

Baptême est si plein de consolations et de grâces, que même nous ne pouvons en comprendre l'étendue.

L'essentiel, c'est que nous croyions à la grâce du saint Baptême; car ici ce n'est pas le trésor qui fait

défaut, mais ce qui communément nous manque, c'est la foi, c'est-à-dire l'organe qui le reçoit et le garde.

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§ 5. Promesses attachées au saint Baptême.

Chaque chrétien a donc besoin de lutter contre l'incrédulité, c'est pourquoi il doit journellement méditer

sur le Baptême et s'exercer dans cette foi qui en est le gardien, afin de pouvoir croire fermement ce que

ce sacrement nous promet et nous donne, savoir: la délivrance du diable et de la mort, le pardon des

péchés, la grâce de Dieu, Christ tout entier et le Saint-Esprit avec tous ses dons; en un mot, il est d'une

excellence si grande et si ineffable que notre faible raison, quand elle veut s'en rendre compte et le

comprendre, sent naître les doutes et se demande comment cela est possible. Admettons, en effet, qu'un

médecin ait trouvé la science d'empêcher les hommes de mourir, ou, après la mort, de les faire revivre

éternellement, oh! comme nous verrions le monde l'accabler d'honneurs et combien les riches

s'empresseraient-ils autour de lui! Eh bien, dans le Baptême, chacun de nous reçoit gratuitement ce

remède contre la mort, ce bienfait qui donne la vie.

C'est sous ce point de vue qu'il faut considérer le Baptême, et alors il sera pour nous une retraite

et une consolation quand notre conscience et nos péchés nous accusent. En effet, il nous autorise à dire:

« Je suis baptisé, et parce que je le suis, j'ai la promesse de jouir de la félicité et de la vie éternelle, et

quant à l'âme et quant au corps. » C'est à cet effet que, dans le Baptême, l'eau est répandue sur le corps

qui ne peut recevoir que l'eau, et que la Parole est prononcée, afin que l'âme puisse la saisir. Comme donc

l'eau et la Parole ne sont qu'un seul Baptême, de même aussi il faut que le corps et l'âme soient sauvés et

vivent éternellement: l'âme par la Parole à laquelle elle croit, le corps, parce qu'il est uni à l'âme et qu'il

reçoit le Baptême comme il le peut. Il n'y a pas pour nous au monde de plus grand trésor, et pour l'âme et

pour le corps, que le Baptême; car, par là, nous devenons saints et heureux, ce qu'aucune justice propre,

aucune œuvre terrestre ne peut acquérir.

Tels sont donc la nature, l'utilité, l'usage et les promesses du Baptême.

§ 6. Du Baptême des enfants.

Le Baptême des enfants a été quelquefois attaqué par une objection par laquelle le diable et les sectes

troublent le monde: « Les enfants, a-t-on demandé, peuvent-ils avoir la foi et reçoivent-ils le véritable

Baptême? » — Cette question, sans doute, peut être faite; mais je conseille à tout homme simple dans la

foi de la repousser aussitôt qu'elle est faite, il faut la renvoyer aux savants. Toutefois, si quelqu'un veut

répondre, voilà ce qu'il peut dire: Le Baptême des enfants est agréable au Seigneur; cela est démontré

suffisamment par ses propres œuvres, car Dieu a sanctifié et donné le Saint-Esprit à beaucoup d'entre

ceux qui ont été baptisés dans leur enfance; et, de nos jours, il existe encore beaucoup de gens dont nous

pouvons dire, et par rapport à leur doctrine et par rapport à leur vie, qu'ils ont le Saint-Esprit. Or, le don

du Saint-Esprit par la grâce de Dieu nous a été donné aussi à nous, car, sans le Saint-Esprit, nous ne

pourrions pas interpréter les Écritures ni connaître Christ. Si donc Dieu n'admettait pas le Baptême des

enfants, il ne donnerait pas le Saint-Esprit à ceux qui ont été baptisés dans leur enfance, d'où il faudrait

conclure que, depuis les premiers temps de l'Église jusque maintenant, aucun homme sur la terre n'a été

chrétien. Parce que donc Dieu sanctionne le Baptême par le don du Saint-Esprit (et nous le voyous par les

pères de l'Église, tels que saint Bernard, Gerson, Jean Huss et autres, qui tous ont été baptisés dans leur

enfance), et parce que la sainte Église chrétienne a toujours subsisté et subsistera jusqu'à la fin du monde,

il faut donc que le Baptême des enfants soit agréable à Dieu: car Dieu ne peut être en contradiction avec

lui-même, ni soutenir le mensonge et la fourberie par les dons dé sa grâce et de son Esprit. Cela doit être

une preuve suffisante pour ceux qui croient simplement, car jamais on ne pourra renverser cet article: Je

crois une sainte Église chrétienne, la communauté des saints, etc.

Page 73: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 74

De plus, nous ajoutons que le plus important à nos yeux, ce n'est pas que celui que nous

baptisons possède ou non la foi; car le Baptême ne dépend pas de notre foi, mais de la Parole et du

commandement de Dieu. Cette opinion scandalisera peut-être quelques-uns, mais elle résulte

naturellement de ce que nous venons de voir, le Baptême n'étant pas autre chose que de l'eau unie à la

Parole de Dieu. Si donc la Parole est jointe à l'eau, le Baptême est réel, quand même la foi n'y est pas; car

la foi ne fait pas le Baptême, mais elle le reçoit. Ainsi, le Baptême ne peut être mauvais, parce que nous

ne le recevons pas dans des dispositions convenables, ou que nous n'en faisons pas un bon usage, n'étant

pas (comme nous l'avons dit) lié à notre foi, mais à la Parole de Dieu. Admettons qu'un juif vienne avec

hypocrisie et dans une mauvaise intention nous demander le Baptême, et que nous le baptisions

sérieusement, ce Baptême n'en serait pas moins valable, étant administré d'après le commandement du

Seigneur, bien qu'il ne l'eût pas reçu dans les dispositions convenables; de même que ceux qui participent

indignement au Sacrement de la Cène, reçoivent véritablement le corps elle sang de Christ, quand bien

même ils ne croient pas.

Tu vois donc que les raisonnements de ces esprits incrédules ne valent rien. Car, comme nous

l'avons dit, quand bien même les enfants ne croiraient pas (ce qui cependant n'est pas), le Baptême n'en

serait pas moins valable, et personne ne devrait les rebaptiser; de même que le Sacrement de l'autel ne

perd pas de sa valeur, quand même un hypocrite y participerait dans un mauvais dessein; on ne pourrait

donc pas lui permettre de le recevoir à la même heure une seconde fois, sous prétexte qu'il en a abusé la

première fois, car il a reçu le véritable Sacrement; ce serait blasphémer et violer au plus haut degré le

Saint-Sacrement. Comment, en effet, serait-il possible que la Parole et les commandements de Dieu

perdissent de leur valeur à cause de l'abus que nous pouvons en faire?

Si tu n'as pas cru jusqu'à présent, crois maintenant et dis: J'ai été baptisé du véritable Baptême,

mais, hélas! je l'ai reçu indignement; car, comme tous ceux qui se font baptiser, je suis obligé de dire

devant Dieu: Je viens au Baptême avec ma foi et soutenu par celle des autres; mais je ne puis m'appuyer

ni sur ma foi, ni sur les prières que d'autres font pour moi; mais seulement sur ta Parole et sur ton

commandement. De même, en allant à la Sainte-Cène, je ne puis me confier en ma foi, mais seulement en

la parole de Christ; il me dit de venir, de manger et de boire, il me donne son corps et son sang; je viens

donc, que ma foi soit forte ou faible, car je sais qu'il ne peut ni mentir ni me tromper.

Nous en agissons ainsi à l'égard du Baptême des enfants; nous apportons l'enfant, pensant et

espérant qu'il croit, et nous prions le Seigneur de lui donner la foi; toutefois ce n'est pas à cause de cela

que nous le baptisons, mais parce que nous savons que Dieu ne se dément point. Moi, mon prochain, tous

les hommes enfin, nous pouvons pécher et tromper, mais la Parole de Dieu ne peut faillir.

Ce sont des esprits présomptueux et subtils qui tirent cette conclusion: là où la foi est fausse, le

Baptême ne peut compter. N'est-ce pas comme si je disais: « parce que je suis incrédule, Christ n'est

rien; » ou bien encore: « parce que je suis désobéissant, mon père, ma mère, l'autorité n'est rien. » Est-ce

là faire une bonne conclusion? Comment donc, parce que je n'obéis pas aux commandements de Dieu, les

commandements ne devraient pas compter! Soyons sincères et disons plutôt: « parce que l'on peut

recevoir le Baptême indignement, c'est une preuve de plus que ce Sacrement est en lui même une chose

bonne et sainte; car, s'il n'était pas bon en lui, on ne pourrait en abuser, et il n'y aurait point de péchés

contre le Baptême. Le principe ici en vigueur est donc le suivant: Abusus non tollit usum, sed confirmet

substantiam. L'abus n'enlève pas l'usage, mais il confirme l'essence. En effet, l'or continue à être de l'or,

quand bien même il serait manié par une personne de mœurs corrompues et couverte de honte.

Page 74: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 75

Je conclus donc en disant: Le Baptême est valable et conserve toute la plénitude de sa puissance,

alors même qu'il n'aurait jamais été administré qu'à un seul homme, encore que ce dernier n’aurait

jamais eu la vraie foi. C'est que la Parole et les institutions de Dieu ne sont pas sujettes à être altérées par

les hommes. Mais voilà, les esprits illuminés ont le sens tellement ébloui, qu'ils n'envisagent pas la Parole

et le commandement de Dieu, ni la Souveraine Majesté qui a institué le Baptême. Ils ne voient dans le

Sacrement que l'eau contenue dans le vase et prise dans la rivière, ou l'homme qui l'administre; et,

comme ils n'ont pas la foi et qu'ils ne savent pas obéir au commandement de Dieu, ils en concluent que le

Baptême n’a point de vertu ni de valeur. C'est ainsi que le diable a été de tout temps un esprit rebelle,

usant de toute sorte de subterfuges pour enlever aux autorités supérieures leur couronne et la faire

fouler aux pieds. Il ne demande pas mieux que d'intervertir l'ordre de Dieu et d'anéantir toutes ses

œuvres. Soyons donc vigilants, ayons pour armes la Parole de Dieu, dont personne ne doit nous

détourner. Cela nous prémunira contre les rêveries des sectaires qui ne voudraient voir dans le Baptême

qu'une figure et un acte symboliques.

§ 7. De la signification du Baptême.

Enfin, il nous reste à parler de la signification du Baptême. Pourquoi Dieu a-t-il ordonné le signe extérieur

et les cérémonies qui l'accompagnent, et en dehors desquels le Sacrement, par lequel nous sommes reçus

dans la chrétienté, n'existerait pas? Pourquoi l'eau, pourquoi cette action de plonger ou cette aspersion

qui nous fait passer l'eau par dessus la tête et d'où nous nous relevons un instant après. Ces deux actes, la

descente dans l'eau et le relèvement, représentent la vertu et l'efficace du Baptême. Cette dernière

consiste dans l'anéantissement du vieil Adam et dans la résurrection de l'homme nouveau.

Ces deux opérations du Baptême sont l'œuvre de la vie tout entière. En effet, la vie chrétienne

qu'est-elle autre chose qu'un Baptême journellement répété. Ce Baptême prend son origine un certain

jour de la vie et se continue tous les autres, en ce sens que nous avons à rentrer journellement dans notre

Baptême. Nous avons à nous nettoyer sans relâche des souillures du vieil Adam, afin de faciliter

l'accroissement de l'homme nouveau. Et qu'est-ce que donc que le vieil Adam? C'est la nature d'Adam qui

nous est transmise par nos patents dans la naissance, nature emportée, haineuse, envieuse, impudique,

avare, paresseuse, orgueilleuse, incrédule, remplie de tous les vices et n'ayant rien de bon en elle. Ces

vices de notre nature doivent diminuer journellement, une fois que nous sommes entrés dans le royaume

de Jésus-Christ, et faire place aux vertus contraires, à la douceur, à la patience, à la charité, et enfin nous

devons cesser entièrement de nous adonner à l'incrédulité, à l'avarice, à la haine, à l'envie, à l'orgueil.

C'est là l'usage que nous devons faire du Baptême et la signification des signes et cérémonies

extérieures qui l'accompagnent. Si vous négligez de vous servir ainsi de votre Baptême, si vous lâchez les

brides à votre vieil homme et que vous le laissez reprendre force et se développer, sachez qu'alors vous

résistez à votre Baptême et que vous n'en faites pas l'usage prescrit. Quiconque est en dehors de Christ,

ne peut qu'empirer de jour en jour. Il ira de mal en pis, comme dit le proverbe; le lendemain il sera plus

pervers que la veille. Si, l'année dernière, il était avare et hautain, il sera plus hautain et plus avare l'année

présente; ces vices, contractés dans la jeunesse, ne feront qu'augmenter avec l'âge. Regardez cet enfant,

il n'a point encore de vices particuliers; mais laissez le cours à son penchant naturel, vous verrez qu'il sera

voluptueux, impudique, et, à l'âge adulte, il n'y a pas de péchés honteux qu'il ne contractera

insensiblement. Le vieil homme prendra de plus en plus un accroissement rapide chaque fois que vous

négligerez de lui résister et de le maîtriser, par les vertus pleines d'efficace du Baptême, et, par contre,

plus vous avancerez dans le sens du vrai chrétien, plus le vieil homme perdra de ses forces et finira par

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 76

s'éclipser et par disparaître entièrement. C'est là se retremper journellement dans le saint Baptême, c'est

là la renaissance prescrite pour tous les jours. Le signe du Baptême a donc pour objet non seulement

d'opérer par ses vertus ce renouvellement, mais aussi de le signifier. Si donc la foi s'empare de ce signe et

le laisse opérer et porter ses fruits, alors le Baptême cesse aussitôt d'être une cérémonie purement

extérieure; si, au contraire, la foi manque, il est stérile, l'incrédulité le rendant inefficace.

Le Baptême, considéré sous ce point de vue, eu égard aux vertus qui lui sont inhérentes et au

renouvellement qu'il signifie, constitue ce qu'on a longtemps appelé le troisième Sacrement, dit de la

Pénitence et qui n'est autre chose que le Baptême lui-même. En effet, faire pénitence qu'est-ce autre

chose que de combattre le vieil Adam avec tout le sérieux d'un homme qui veut, à tout prix, en triompher

et, partant, entrer dans une vie nouvelle. Si donc tu mènes une vie de vrai pénitent, que feras-tu autre

chose, sinon que tu donneras cours à ton Baptême, à ce Baptême qui non seulement signifie la vie

nouvelle, mais qui l'opère du commencement à la fin. Il renferme en lui la grâce, l'esprit et la force

nécessaires pour venir à bout du vieil homme et pour manifester et affermir l'homme nouveau.

Le Baptême demeure donc et ne s'altère point, quand bien même tu en serais entièrement

déchu, étant rentré dans la voie du péché; c'est une porte de salut perpétuellement ouverte à toute âme

pénitente, tu pourras y revenir quand tu voudras et triompher de ton vieil homme en l'assujettissant à

l'homme nouveau. Mais l'aspersion d'eau n'est plus nécessaire; car, lors même que tu te replongerais cent

fois dans l'eau baptismale, ce serait toujours le même et unique Baptême dont les vertus et la signification

ne s'altèrent et ne discontinuent point. La pénitence est donc tout simplement un retour au Baptême, une

reprise, au point où on l'avait laissée, de l'œuvre de renaissance et de renouvellement antérieurement

commencée et depuis abandonnée. Je m'étends à dessein sur ce point important, afin de ne pas prêter à

une erreur dans laquelle nous nous sommes trouvés longtemps et à laquelle malheureusement on nous

avait habitués, quand on nous faisait accroire que c'en était fait de notre Baptême et que, dans nos

rechutes, il ne pouvait plus nous être d'aucun usage. À la suite de cette erreur, le Baptême n'avait plus

pour nous que l'importance d'un fait historique, dont les effets étaient à jamais passés.

Cette dépréciation du saint Sacrement du Baptême a sans doute sa source dans une assertion de

saint Jérôme, qui dit dans un de ses écrits: « La pénitence, c'est la planche de salut sur laquelle nous

gagnons la rive salutaire, alors que le navire qui nous avait reçus lors de notre entrée dans l'Église

chrétienne, a fait naufrage. » Ce navire ne peut pas faire naufrage, car il n'est pas notre œuvre; il est

l'œuvre de Dieu. Jérôme n'a donc pas bien compris, ou il ne s'est pas bien exprimé. À quoi servirait alors le

Baptême, son efficace serait anéantie. Ce père de l'Église aurait dû dire qu'on peut chanceler et tomber

hors du navire. Mais alors le malheureux doit faire ses meilleurs efforts pour regagner le navire à la nage;

il doit s'y cramponner jusqu'à ce qu'il soit parvenu à rentrer dans le navire et y vivre comme il faisait

auparavant.

Il en résulte que le Baptême est une grâce des plus précieuses. Il nous arrache aux dents du

diable et fait de nous des enfants de Dieu; il maîtrise et ôte le péché, fortifie journellement le nouvel

homme en nous et continue à faire son œuvre et à exercer ses vertus salutaires jusqu'à ce qu'il nous ait

fait parvenir de notre état de misère à l'état de gloire. Vous devez donc considérer votre Baptême comme

un vêtement nouveau, dont vous devez vous revêtir tous les jours, afin de vous maintenir dans la foi et

d'en produire les fruits salutaires, dont les principaux sont: l'affaiblissement et la mort du vieil homme, le

raffermissement de l'homme nouveau. Car, si nous voulons être des chrétiens, il faut aussi que nous

donnions cours à cette œuvre de grâce par laquelle nous le sommes devenus, et qu'après chaque rechute,

nous fassions de sérieux efforts pour renouer avec notre Baptême par un sincère retour. Il en est du

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 77

Baptême comme de notre Seigneur Jésus-Christ lui-même. Il demeure assis sur le trône de la grâce, quand

même nous retombons dans le péché et que nous lui tournons le dos. Mais aussi il nous permet de

revenir à lui, quelque indignes que nous soyons. Il en est de même de la grâce et des dons de la grâce. La

rémission des péchés que nous avons obtenue dans le Baptême se transmet à toute notre vie; nous

pouvons nous l'approprier tous les jours par la foi, aussi longtemps que nous avons à lutter contre le vieil

homme.

Page 77: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 78

CINQUIÈME PARTIE.

DU SAINT SACREMENT DE LA CÈNE

OU DU SACREMENT DE L'AUTEL.

En parlant du Baptême, nous avons traité successivement de la nature, de l'utilité et de l'usage de ce

Sacrement. Nous suivrons à peu près la même marche dans cette partie qui traite du saint Sacrement de

la Cène. Dans le développement de ces différents points, nous nous fonderons sur les paroles de

l'institution de notre Sauveur, lesquelles il faut nécessairement connaître si l'on veut être chrétien et avoir

part au Sacrement. Notre intention n'est pas, en effet, de laisser approcher de la table sainte des

personnes qui ne savent pas ce qu'elles font, qui ne savent ni pourquoi elles viennent, ni ce qu'elles

viennent y chercher.

Voici les paroles de l'institution:

« Notre Seigneur Jésus-Christ, dans la nuit où il fut livré, prit le pain, rendit grâces, le

rompit, le donna à ses disciples et dit: prenez, mangez, ceci est mon corps qui est livré

pour vous; faites ceci en mémoire de moi.

De même, après le repas, il prit aussi la coupe, rendit grâces, la leur donna et dit: prenez

et buvez-en tous; cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est répandu pour

vous en rémission des péchés. Faites ceci aussi souvent que vous en boirez en mémoire

de moi. »

Gardons-nous bien d'entamer ici la dispute et de nous quereller avec les détracteurs du Saint-Sacrement.

Ce qu'il importe de savoir avant tout, c'est que la puissance du Sacrement de la Cène réside (comme aussi

nous avions vu pour le Baptême), dans la Parole, dans l'Institution, dans le Commandement de Dieu. La

Sainte-Cène n'est, en effet, pas une invention ou une institution d'hommes; c'est Jésus-Christ seul qui l'a

instituée, indépendamment des conseils et de la coopération d'aucun homme.

De même donc que les Dix-Commandements, l'Oraison, le Symbole, conservent leur essence et

leur dignité, que tu les observes ou non, que tu pries ou non, que tu croies ou non, de même aussi la Cène

du Seigneur conserve toute son efficace et toute sa dignité, quand bien même nous en faisons un usage

indigne ou que nous le déprécions. Dieu, en effet, ne se laisse pas déterminer par notre foi ou par notre

manière d'agir, ses institutions une fois faites ne varient ni ne s'altèrent au gré de nos caprices et de nos

fluctuations. Même dans l'ordre des choses extérieures, Dieu maintient ses lois et son économie, que

nous en usions ou que nous en abusions, que nous soyons dans l'ordre ou dans le désordre. Ce sont là des

vérités qu'on ne peut assez répéter. Elles ferment de prime-abord la bouche aux sectaires qui s'obstinent

à considérer les Sacrements en dehors de la Parole de Dieu et les traitent comme des œuvres d'hommes.

§ 1er. Nature et essence du saint Sacrement de la Cène.

Qu'est-ce donc que le Sacrement de l'autel? Nous répondrons: C'est le vrai corps et le vrai sang du

Seigneur Jésus-Christ dans et sous les espèces du pain et du vin que Jésus-Christ, dans sa Parole, nous a

ordonné à nous chrétiens de manger et de boire.

Nous avons dit tout à l'heure que l'eau baptismale n'est pas une eau ordinaire. Nous répétons la

même chose ici où il est question de la Cène. Ce Sacrement, en effet, nous donne à manger du pain et à

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boire du vin; mais ce n'est pas du pain et du vin ordinaires et semblables à ce qu'on nous présente à nos

repas de tous les jours. C'est un pain et un vin administrés par ordre de Dieu et accompagnés de sa Parole.

La Parole de Dieu, c'est ce qui fait l'essence du Sacrement. C'est par elle que le pain et le vin sont

sanctifiés au point de n'être plus seulement du pain et du vin, mais le corps et le sang du Seigneur

(accedat Verbum ad elementum et fit Sacramentum): La Parole, venant se joindre aux espèces, institue le

Sacrement. On aurait de la peine à trouver dans saint Augustin une maxime plus vraie et mieux exprimée.

Si la Parole ne vient pas se joindre aux espèces, elles demeurent pain et vin. Mais, si elle vient s'y joindre,

c'est alors un vrai Sacrement, attendu que cette Parole n'est pas celle d'un empereur ou d'un roi, mais

c'est la Parole et le commandement de Dieu, et devant sa majesté souveraine s'inclinent et se prosternent

toutes les choses créées, disant leur Oui et leur Amen à tous ses commandements, et s'apprêtant avec

humilité, crainte et respect à subir ses volontés, afin que tout ce qu'il dit soit et demeure éternellement.

C'est avec la Parole de Dieu que tu pourras raffermir ton âme en présence de cent mille

objections du diable et de tous les esprits présomptueux et sectaires; c'est par elle que tu feras réponse à

ceux qui viendraient te dire: Comment puis-je croire que je reçoive le corps et le sang de Christ avec le

pain et le vin? Je sais, leur répondrez-vous, que les intelligences des esprits les plus savants, si elles étaient

rassemblées en concile, n'auraient point toutes ensemble la sagesse que la majesté divine enseigne dans

la moindre de ses paroles. Pour moi, je m'en tiens à cette parole de Jésus-Christ: Prenez, mangez, ceci est

mon corps. Buvez-en tous, ceci est la nouvelle alliance en mon sang. C'est là mon bouclier et ma retraite,

et voyons si quelqu'un de vous est assez fort pour me les arracher. Dieu a parlé, voyons qui de vous

altérera sa Parole.

Oh! sans doute, si quelqu'un retranche du Sacrement la Parole ou qu'il le considère en dehors de

la Parole, il n'en restera rien, si ce n'est le pain et le vin; mais laissez-y la Parole toute-puissante, et

aussitôt vous aurez, par l'efficace de cette Parole, véritablement le corps et le sang de notre Seigneur

Jésus-Christ. Selon que sa bouche parle, il faut que toutes choses soient; car il ne peut ni mentir ni

tromper.

Ce point fondamental établi, chacun trouvera par lui-même les réponses à faire à certaines

questions qui agitent les cœurs et qu'on entend faire de nos jours. On a demandé, entre autres, si un

méchant prêtre peut fonctionner à l'autel et administrer le Sacrement. Je réponds que l'homme n'y fait

rien. Le Seigneur, quand il institue le Sacrement, ne considère ni la personne qui l'administre, ni celle qui

le reçoit; quand même ce serait l'être le plus immoral, il donne et il reçoit le corps et le sang de Christ,

absolument comme si c'était l'homme le plus digne et le plus saint. Le Sacrement n'est pas fondé sur la

sainteté de l'homme, mais sur la Parole de Dieu. Pas un saint sur la terre, pas un ange dans le ciel ne

pourrait opérer le mystère de la Cène et faire que le pain soit le corps et que la coupe soit le sang de notre

Seigneur Jésus; de même aussi il n'est donné à personne d'y rien changer, l'abus ne l'altérant pas. Pourvu

que la Parole qui fait l'essence du Sacrement y soit comprise, l'indignité des personnes, leur incrédulité,

ne sauraient infirmer la Parole qui en a fait un Sacrement. Car le Seigneur n'a pas dit: Si vous croyez et que

vous en êtes dignes, vous recevrez mon corps; mais voici ce qu'il dit: Prenez, mangez, ceci est mon corps,

ceci est mon sang. Faites ceci, c'est-à-dire faites ce que je fais, ce que j’institue, ce que je vous commande

de donner et de recevoir. Que vous soyez donc dignes ou indignes, Jésus-Christ, par la puissante efficace

de sa Parole, vous donne ici son corps et son sang à manger et à boire avec le pain et le vin. Rappelez-vous

bien que le fondement de nos espérances se trouve dans les paroles de l'Institution. Ce sont elles qui nous

préservent et nous rendent forts contre toutes les erreurs et séductions passées et à venir qui viendraient

nous troubler.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 80

§ 2. Utilité et vertus du Sacrement de l'autel.

Le second point qu'il convient de traiter, après avoir parlé de la nature et de l'essence du Sacrement, c'est

son utilité et ses vertus salutaires. C'est même là le point le plus nécessaire, afin que chacun sache ce qu'il

doit chercher et ce qu'il peut espérer trouver à cette table. Les paroles de l'institution répondent elles-

mêmes à cette question: « Ceci est mon corps et mon sang, donnés et répandus pour vous. » Ces paroles

veulent dire que nous nous approchons de la sainte table pour y recevoir un précieux trésor à la

jouissance duquel est attachée la rémission des péchés qui est contenue dans ce trésor même. Et quelle

raison avons-nous de le croire? Ce sont encore les paroles de l'institution qui nous en donnent la garantie.

Elles opèrent tout ce qu'elles annoncent. Elles m’ordonnent de manger et de boire le corps et le sang de

Jésus-Christ, afin que je puisse les considérer comme m'appartenant et que je puisse m'en servir comme

de gages et de signes manifestes de mon pardon. C'est, en quelque sorte, le remède expressément

ordonné pour me guérir du péché et de la mort, et pour me délivrer de tous mes malheurs.

Ce Sacrement est donc appelé avec raison l'aliment spirituel qui nourrit et fortifie le nouvel

homme; par le Baptême, nous naissons de nouveau, mais, comme nous l'avons dit, nous portons encore

en nous le vieil homme et nous sommes entourés de tant d'obstacles et de tentations provenant du

monde et du diable, que nous finissons par en être fatigués et affaiblis, au point de chanceler. C'est à

cause de cela qu'il nous est donné ici une nourriture quotidienne, qui fortifie notre foi, afin qu'elle ne

succombe pas dans le combat, mais qu'au contraire elle s'affermisse de plus en plus; car la vie nouvelle

doit s'augmenter et s'étendre journellement; mais elle a beaucoup d'obstacles à surmonter, attendu que

le diable est un ennemi acharné: quand il voit qu'on lui résiste, qu'on attaque le vieil homme et qu'il ne

peut pas nous assujettir par la force, alors il cherche d'autres moyens pour nous faire retomber; il rôde

autour de nous, il nous espionne de tous côtés, il emploie toutes sortes de ruses et ne cesse pas de nous

tenter, jusqu'à ce qu'enfin il nous ait abattus, au point de nous faire perdre la foi ou bien de nous rendre

las, ennuyés et impatients. Mais ne perdons pas courage; nous avons ici dans le Sacrement un trésor

infini, une grande consolation. Quand nous aurons le cœur oppressé, quand le combat nous paraîtra trop

pénible, allons avec confiance à la table du Seigneur, et nous y recevrons de nouvelles forces et de

nouvelles consolations.

Mais ici encore, ceux qui s'appuient sur leur sagesse et sur leur raison se scandalisent et s'écrient:

Comment le pain et le vin peuvent-ils pardonner les péchés ou fortifier la foi? et cependant ils savent

parfaitement que nous ne disons pas cela du pain et du vin en général, mais d'un pain et d'un vin qui sont

le corps et le sang de Christ. C'est par ce trésor et par aucun autre, que cette rémission nous est acquise.

Elle ne peut nous être octroyée ni appropriée autrement que par les paroles: Qui a été livré, qui a été

répandu pour vous. Ces paroles non seulement indiquent que c'est le corps et le sang de Christ qui nous

sont donnés, mais encore que ce précieux trésor nous appartient, nous ayant été donné et approprié dans

le Sacrement. Or, n'est-il pas évident que le corps de Christ ne peut pas être une chose inefficace et

inutile? Cependant, quelque grand que soit ce trésor en lui-même, il faut qu'il soit inclus et compris dans

la Parole et qu'il nous soit approprié de cette manière, sans cela nous ne pourrions ni le connaître ni le

chercher.

Ce sont donc de vaines objections lorsqu'on dit: « Le corps et le sang de Christ ont été donnés et

répandus pour nous, mais non dans la Sainte-Cène; le Sacrement ne peut pas nous conférer la rémission

des péchés; » car, bien que l'œuvre de la croix soit accomplie et que le pardon des péchés nous ait été

acquis par la mort du Seigneur, nous ne pouvons en avoir connaissance autrement que par la Parole.

Comment saurions-nous sans la prédication que ces choses ont été accomplies, et qu'elles ont été

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accomplies pour nous? D'où nos adversaires le savent-ils eux-mêmes? et comment peuvent-ils saisir le

pardon et se l'approprier, si ce n'est par l'Écriture et par l'Évangile? Eh bien! qu'on sache donc que ce

même Évangile et l'article du Symbole: Je crois une sainte Église chrétienne, la rémission des péchés, etc.,

sont compris et nous sont appropriés dans le Sacrement. Pourquoi nous laisserions-nous arracher un si

grand trésor, quand eux-mêmes sont obligés de confesser que ce sont les paroles mêmes de l'Évangile? et

ils ne peuvent pas dire que ces paroles dans le Sacrement ne sont d'aucune utilité, à moins d'ajouter aussi

que tout l'Évangile n'est rien, ou qu'il est sans utilité en dehors comme au dedans du Sacrement.

§ 3. Rapport entre la foi et le saint Sacrement de la Cène.

Nous avons vu maintenant la nature et l'utilité de ce Sacrement; il nous reste encore à voir quels sont

ceux qui reçoivent les bénédictions qui y sont attachées. Nous répétons ici ce que nous avons dit à l'égard

du Baptême, que celui qui croit aux paroles qui y sont jointes, obtient ce qu'elles disent et ce qu'elles

promettent; car ces paroles ne s'adressent pas à des pierres ou à du bois, mais à nous qui les entendons

et auxquels le Seigneur dit: Prenez, mangez, etc.; et la rémission des péchés ne peut pas être reçue

autrement que par la foi. Cette foi, Dieu l'exige dans ces mots: livré et répandu pour vous; c'est comme s'il

disait: Je vous donne ce trésor et vous commande de manger et de boire, afin que vous le receviez et que

vous en jouissiez. Celui donc qui croit avec confiance à ces paroles, obtient le trésor de la rémission des

péchés; mais celui qui ne croit pas ne le reçoit pas, car il méprise et repousse ce bien salutaire par son

incrédulité. Le trésor est offert à chacun; tout ce que Dieu exige de nous, c'est que nous l'acceptions et le

recevions avec foi, comme les paroles nous le commandent.

§ 4. Préparation de ceux qui demandent à communier.

Il s'agit maintenant de savoir comment il faut se préparer pour recevoir dignement ce saint Sacrement; ce

trésor étant présenté par des paroles, on ne peut le saisir et le recevoir autrement qu'avec le cœur. La

main n'y peut rien faire. D'un autre côté, le jeûne est certainement une bonne discipline extérieure, car

nous devons préparer notre corps à recevoir avec respect et humilité le corps et le sang de Christ; mais,

pour que le communiant soit vraiment digne et bien préparé, il faut, non une préparation du corps, mais

la foi du cœur. Instruit dans les paroles du Seigneur, il faut les croire et être désireux de recevoir ce

qu'elles annoncent. Voilà, en peu de mots, ce qu'il est indispensable de savoir sur la nature, la valeur et

l'usage de ce Sacrement; cela suffit pour le moment, mais nous nous réservons de développer une autre

fois plus complètement ces différents points.

§ 5. Sur le devoir de communier.

Après avoir développé la doctrine et la véritable signification de ce Sacrement, il nous parait utile

d'ajouter une courte exhortation, afin que ce ne soit pas en vain que l’on distribue journellement ce grand

trésor des chrétiens, c'est-à-dire il nous faut encourager ceux qui veulent être des chrétiens à participer

souvent au saint Sacrement; car nous voyons que plusieurs deviennent paresseux et qu'ils s'en lassent;

qu'un grand nombre de ceux qui entendent l'Évangile, se voyant affranchis et délivrés de la contrainte et

du commandement du pape, se passent du Sacrement un an, deux ans et même plus, comme s'ils étaient

tellement avancés et fermes dans la foi, qu'ils n'en aient plus besoin. D'autres n'osent pas venir, parce que

nous avons dit que nul ne doit y participer sans sentir une faim et une soif qui l'y poussent; d'autres

encore prétextent que ce n'est pas de rigueur, qu'il suffit qu'ils aient la foi; et ainsi ils s'abrutissent de plus

en plus et finissent par mépriser le Sacrement et la Parole de Dieu.

Page 81: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 82

Nous avons dit, il est vrai, que l'on ne doit absolument forcer personne, afin de ne pas

recommencer l'ancien meurtre d'âmes; néanmoins nous ne considérons pas comme étant des chrétiens

ceux qui se passent si longtemps du Sacrement; car Christ ne l'a pas institué pour qu'on se contente de le

regarder, mais il a commandé aux chrétiens de manger et de boire, en mémoire de lui. Certes, ceux qui

sont de véritables chrétiens et qui regardent le Sacrement comme une chose chère et précieuse, ont

d'eux-mêmes le désir d'y participer; mais il est des âmes simples et faibles qui, tout en demandant à être

chrétiennes, ont besoin d'être attirées vers le Sacrement. Pour porter ces dernières à méditer sur le

besoin qui doit les y pousser, nous en parlerons encore en peu de mots. Il en est du Sacrement comme de

la foi, de la charité, de la patience; il ne suffit pas d'enseigner ces choses, il faut encore exhorter

journellement d'en faire usage par le moyen de la prédication, afin qu'on ne s'en lasse pas et qu'on n'y

prenne pas dégoût; car, malheureusement, nous savons et aussi nous sentons tous les jours combien le

diable s'oppose à tout ce qui peut nous rapprocher de Christ, et combien il a de moyens pour nous

repousser et nous faire tomber.

Pour nous y exhorter, nous avons en premier lieu ces paroles de Christ: Faites ceci en mémoire de

moi. Paroles claires et formelles qui commandent à tous les chrétiens de participer à ce Sacrement. Celui

donc qui veut être du nombre de ceux auxquels Christ adresse ces paroles, doit venir non par force,

comme étant poussé par les hommes, mais spontanément pour obéir et pour plaire au Seigneur Jésus.

Mais, dis-tu, Christ ajoute: toutes les fois que vous le ferez; il ne force donc personne, il en laisse la liberté

à chacun. Tu dis vrai; mais il ne dit pas non plus que l'on ne doit jamais le faire, et justement parce qu'il

dit: toutes les fois que vous le ferez, il est évident que l'on doit y participer souvent; et c'est pour cette

raison qu'il veut que le Sacrement soit libre et non pas lié à un temps particulier, comme l'agneau pascal

des juifs qu'on ne mangeait qu'une fois dans l'année, au quatorzième jour du premier mois, sans même

dépasser cette époque d'un seul jour (Nombres 9, 5). C'est comme s'il nous disait: J'institue pour vous une

fête de Pâques ou un repas sacré, dont vous devez jouir non pas un certain soir fixé d'avance ou une seule

fois dans l'année, mais aussi souvent que vous voudrez, et partout où vous voudrez. Cette Cène n'est donc

liée ni à un lieu, ni à un temps particulier; et cependant le pape a dénaturé plus tard cette institution et en

a fait de nouveau une fête judaïque.

Tu vois donc que la liberté que nous avons ne s'étend pas jusqu'à mépriser le Sacrement. Or,

c'est le mépriser que de rester si longtemps sans en faire usage, quand rien ne nous empêcherait d'y

participer. Si tu désires jouir d'une telle liberté, pourquoi n'en demandes-tu pas de suite une plus grande

encore, celle d'être retranché du nombre des chrétiens? car alors tu n'aurais besoin ni de croire ni de

prier; ces choses étant aussi commandées par Christ. Mais, si tu veux être un chrétien, alors il faut que tu

obéisses et que tu te soumettes à la volonté du Seigneur. Un tel commandement devrait te porter à

rentrer en toi-même et à te dire: Que je suis loin d'être un véritable chrétien! si je l'étais, tout mon désir

ne serait-il pas de faire ce que mon Seigneur m'a commandé?

On voit d'après cela ce que nous étions sous la papauté: obéissant à la force et par crainte pour

des lois humaines, nous participions à ce saint Sacrement sans en éprouver même le besoin, sans amour

pour Christ et sans avoir égard à son commandement. Quant à nous, nous ne forçons personne, et nul ne

doit venir à cause de nous ni pour nous plaire; ce qui doit attirer et exciter chacun, c'est que le Seigneur le

veut et le commande. Jamais on ne doit se laisser forcer par des hommes, ni se laisser déterminer par des

considérations humaines, quand il s'agit des intérêts de la foi ou de bonnes œuvres. Nous exhortons et

nous donnons nos enseignements, non à cause de nous, mais a cause de ceux auxquels nous nous

adressons; le Seigneur appelle par nous: veux-tu le mépriser?... c'est à toi d'y répondre

Page 82: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 83

Les motifs de cette première exhortation sont surtout pour Ceux qui sont froids et négligents; en

méditant sur ces choses, ils trouveront de quoi se réveiller de leur apathie. J'en ai fait l'expérience, et

chacun peut se convaincre par lui-même jusqu'à l'évidence que, dès qu'on néglige l'usage du Sacrement,

l'on devient de jour en jour plus froid et plus abruti, et que l'on finit par le mépriser entièrement; tandis

que, si l'on y participe souvent, on est par cela même porté à interroger souvent son cœur et sa

conscience, et à vivre comme un homme qui veut se soumettre au Seigneur, de sorte que notre cœur ne

se refroidit pas entièrement.

Tu dis encore: Que faire si je sens que je ne suis pas préparé? — Cela aussi est souvent pour moi

une cause d'inquiétude, et elle provient encore de la doctrine de l'Église du pape, où nous nous

martyrisions avant de paraître à l'autel pour être dans un état de sainteté parfaite, afin que Dieu n'eût

rien à nous reprocher. Qu'en résultait-il? Nos pauvres âmes devenaient craintives et s'écriaient: Malheur à

moi, je ne suis pas digne! Notre nature corrompue et le simple bon sens nous démontraient sans cesse

notre indignité par rapport à ce bien si grand et si précieux. Nos meilleures préparations étaient comme

une sombre lanterne à l'égard de l'éclatante lumière du soleil, ou comme un vil fumier à l'égard de

diamants reluisants; aussi le pécheur conscient de ses péchés n'osait-il pas s'avancer; il attendait qu'il s'en

fût rendu digne, de sorte qu'une semaine se passait après l'autre, un semestre succédait à un autre, et il

n'en était pas plus avancé. Si tu veux, en effet, considérer ta piété et ta sainteté, si tu veux travailler à ta

sanctification jusqu'à ce que tu n'aies plus rien à te reprocher, alors tu ne pourras jamais t'approcher de la

table du Seigneur.

Il faut nécessairement faire une différence entre les pécheurs. Il faut dire à ceux qui sont

insolents et endurcis: N'approchez pas. De pareils gens, en effet, ne sont pas aptes à recevoir la rémission

de leurs péchés, puisqu'ils ne la demandent pas et qu'ils ne désirent pas être convertis. Quant à ceux qui

aimeraient bien être pieux, mais qui sont encore faibles dans la foi, ils ne doivent pas s'éloigner du

Sacrement. Quand un pécheur, dit saint Hilaire, n'est pas endurci au point que l'on puisse avec justice le

repousser de l'Église et le regarder comme un impie, il ne doit pas se passer du Sacrement, afin qu'il ne se

prive pas de la vie. Car, tant que nous vivrons dans ce corps charnel, nous ne parviendrons jamais à un

point de perfection tel, que nous ne péchions pas journellement.

Quant à cette dernière catégorie de pécheurs, ce qu'il y a de plus important à leur dire, c'est que

le Sacrement ne repose pas sur notre dignité: nous ne sommes pas baptisés comme étant dignes et saints;

nous n'allons pas non plus à la confession comme étant purs et sans péchés; mais, au contraire, comme

de pauvres et de misérables pécheurs, indignes des biens que le Seigneur nous accorde; excepté toutefois

ceux qui sont endurcis au point qu'ils ne désirent ni la grâce accordée dans le Sacrement, ni l'absolution,

et qui ne veulent pas non plus s'amender. Celui, au contraire, qui désire sincèrement obtenir les arrhes de

la grâce, doit se pousser lui-même au Sacrement et ne se laisser rebuter par personne; il doit dire: « Je

voudrais bien être plus digne; aussi je ne me fonde pas sur ce que je suis, mais sur ta Parole et sur ton

commandement; que je sois digne ou indigne, tout mon désir est d'être ton disciple. » Cela est difficile;

car ce qui obstrue toujours notre chemin et nous empêche d'avancer, c'est que nous regardons plus à

nous-mêmes qu'à la parole du Christ, et que notre nature voudrait bien pouvoir se reposer et s'ancrer sur

elle-même.

§ 6. Promesse faite à ceux qui communient dignement.

Nous l'avons vu plus haut, les paroles de l'institution, outre le commandement, renferment encore une

promesse qui doit nous exciter et nous porter à aimer le Sacrement; ce sont, en effet, des promesses bien

Page 83: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 84

douces et bien affectueuses que ces paroles de Christ: Ceci est mon corps, livré pour vous; ceci est mon

sang, répandu pour vous en rémission des péchés6. Ces paroles, disions-nous, ne s'adressent pas à des

pierres ou à du bois, mais à nous, à toi, à moi; si elles ne s'appliquaient pas à nos personnes, le Seigneur

aurait mieux fait de ne pas instituer de Sacrement. Ainsi donc place-toi hardiment et avec foi parmi ceux

auxquels il est dit: pour vous, afin que cette parole ne te soit pas adressée en vain.

Ici il nous offre à tous le trésor qu'il nous a apporté du ciel, et en vue duquel il nous appelle avec

tant de bonté quand il dit (Matth. 11, 28): Venez à moi, vous tous qui êtes travaillés et chargés, et je vous

soulagerai. Eh bien, n'est-il pas honteux, n'est-ce pas un péché, quand il nous exhorte avec tant

d'affection et nous appelle avec tant de fidélité pour nous donner le plus précieux de tous les biens, que

nous agissions comme si cela ne nous regardait pas; et même que nous repoussions ce bien avec tant de

persévérance qu'à la fin nous nous refroidissons et nous endurcissons au point que nous n'avons plus ni

envie de communier, ni amour pour le Sacrement? Ne dirait-on pas souvent, d'après notre manière d'agir,

que le Sacrement est une chose nuisible et rebutante, tandis que nous devrions le regarder comme un

remède salutaire et consolant, qui nous donne la vie et pour l'âme et pour le corps; car, si l'âme est

guérie, le corps s'en ressent; comment est-il donc possible que nous ayons tant de répugnance,

absolument comme si c'était un poison qui pourrait nous donner la mort?

Il est vrai que ceux qui méprisent le Sacrement et qui, en outre, ne vivent pas chrétiennement,

mangent et boivent leur condamnation; car, pour de telles gens, rien ne leur est ni utile ni salutaire; de

même que l'état d'un malade s'aggrave s'il se nourrit par caprice d'aliments que le médecin lui a

défendus, quoique ces aliments, en eux-mêmes, ne soient pas nuisibles. Quant à ceux qui sentent leur

faiblesse, qui voudraient en être débarrassés et qui demandent au Seigneur de les aider, ils doivent

considérer le Sacrement comme un précieux contrepoison pour le poison qu'ils ont en eux. Car, ici, tu

reçois de la bouche même du Christ la rémission de tes péchés, et cette rémission t'apporte la grâce de

Dieu, le Saint-Esprit avec tous ses dons; elle t'apporte protection, abri et puissance contre la mort, le

diable et tout mal.

§ 7. Moyen de reconnaître son indignité.

Ainsi, du côté de Dieu, tu as le commandement du Seigneur Jésus et sa promesse; de ton côté, tu dois être

poussé par ton propre besoin, en vue duquel ce commandement, cet appel, cette promesse, te sont

adressés. Car le Seigneur dit lui-même (Matth. 9, 12): Ce ne sont pas ceux qui sont en santé qui ont besoin

du médecin, ce sont ceux qui se portent mal, c'est-à-dire ceux qui sont travaillés et chargés par le péché, la

crainte de la mort, les tentations de la chair et du diable. Es-tu travaillé et chargé? sens-tu ta faiblesse? va

alors joyeusement à lui, afin d'être vivifié, consolé et fortifié. Car, si tu veux attendre, pour participer au

Sacrement, que tu sois délivré de toutes ces choses, et que tu puisses venir sans péché, alors il faudra que

tu en restes éloigné éternellement. Le jugement dont tu seras frappé de par le Seigneur sera celui-ci: « Si

tu es pur et saint, te dira le Seigneur, tu n'as pas besoin de moi, et moi je n'ai que faire de toi. » Ainsi donc

ceux-là seuls sont indignes qui ne sentent pas leurs infirmités et qui ne veulent pas se reconnaître

pécheurs.

Mais si tu dis: Que dois-je faire, si je ne puis sentir cette misère, et si je n'ai ni faim ni soif pour le

Sacrement? Si tu es dans cet état, je ne puis te donner de meilleur conseil que la règle de conduite que

6 Voir la note à la fin de l’ouvrage.

Page 84: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 85

voici: Vois avec tes yeux, tâte avec tes mains, et dis-moi si tu as de la chair et du sang. Si tu en es

convaincu, prends ta Bible et lis dans l'épître de saint Paul aux Galates (ch. 5, 19-21) quels sont les fruits

de la chair: Or, les œuvres de la chair sont manifestes, savoir: l'adultère, la fornication, l'impureté, la

dissolution, l'idolâtrie, l'empoisonnement, les inimitiés, les querelles, les jalousies, les animosités, les

disputes, les divisions, les sectes, les envies, les meurtres, l'ivrognerie, les débauches et les choses

semblables. — C'est pourquoi, si tu ne peux pas sentir ta misère, crois au moins à l'Écriture; celle-là ne te

trompera pas, car elle te connaît mieux que tu ne te connais toi-même. Saint Paul dit encore dans un

autre endroit (Rom. 7, 18): Je sais que le bien n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair. Si saint Paul

peut dire cela de sa chair, ne prétendons pas être meilleurs ou plus saints que lui. Si nous ne sentons pas

notre état, il est d'autant plus alarmant; c'est alors un signe que nous avons une chair lépreuse qui ne

ressent rien, bien que le mal ravage et ronge tout autour. Si tu es engourdi à ce point, crois à l'Écriture et

au jugement qu'elle prononce sur toi, et sois persuadé que moins tu sens tes péchés et ta misère, plus tu

as sujet de venir, afin d'obtenir le remède qui peut te guérir.

De plus, regarde autour de toi si tu es dans le monde, ou, si tu n'en es pas sûr, interroge ton

voisin, il te le dira. Et, si tu es dans le monde, ne t'imagine pas que tu manqueras de péchés et de misère.

En effet, essaie seulement de vivre en chrétien et de rester fidèle à l'Évangile, et tu auras bientôt des

ennemis qui te feront du tort, des injustices et des violences; alors tu verras combien tu as constamment

occasion de pécher et de faire le mal; si tu ne l'as pas éprouvé encore, crois à l'Écriture qui donne ce

témoignage au monde.

Il y a plus; le diable lui-même rôde autour de toi; tu ne pourras pas entièrement l'éviter, puisque

notre Seigneur Jésus lui-même ne l'a pas pu. Qu'est-ce-donc que le diable? L'Écriture l'appelle un menteur

et un meurtrier (Jean 8, 44): un menteur qui cherche à séduire ton cœur, à te faire abandonner la Parole

de Dieu, à t'éblouir pour que tu ne sentes pas ta misère et, par conséquent, que tu n'ailles pas à Christ; un

meurtrier qui ne te souhaite pas la vie, pas même pendant une seconde. Oh! si tu pouvais voir combien

d'épées, de dards et de flèches il pointe sur toi, tu serais heureux chaque fois que tu pourrais venir au

Sacrement. Certes, notre indifférence et notre fausse sécurité viennent de ce que nous ne pensons ou ne

croyons pas que nous sommes dans la chair, au milieu du monde pervers, et sous l'empire du diable.

C'est pourquoi rentre en toi-même, regarde autour de toi et tiens-t-en à l'Écriture. Si tu ne sens

rien encore, ton état est d'autant plus alarmant, et tu as d'autant plus sujet de gémir et de confesser ta

misère à Dieu et à tes frères. Réclame alors les conseils et les prières des disciples de Christ, et ne cesse

pas jusqu'à ce que cette pierre soit ôtée de ton cœur, et alors tu trouveras que tu es tombé deux fois plus

bas que ceux qui viennent comme de pauvres pécheurs, et que tu as d'autant plus besoin du Sacrement

pour remédier à ta misère que malheureusement tu ne vois pas. Que Dieu te fasse la grâce de la sentir

davantage et qu'il te donne la véritable faim et la véritable soif, surtout dans ces moments où le diable

t'assaille de tous côtés et te garde sans cesse à vue, cherchant où il pourra te surprendre, afin de faire

périr ton âme et ton corps, de sorte que tu ne peux pas être une seule heure en sûreté devant lui!

Combien vite il peut le plonger dans la désolation et la misère, quand tu t'y attends le moins!

Cette exhortation s'adresse non seulement à nous qui sommes plus ou moins avancés en âge,

mais surtout aux jeunes gens qui doivent être élevés dans la doctrine chrétienne. En comprenant

l'importance des Sacrements, ils arriveraient à aimer aussi et à apprendre avec joie les Dix-

Commandements, le Symbole et l'Oraison, et, dès leur enfance, ils s'habitueraient à soumettre leur vie à

la Parole de Dieu. Il est bien difficile de rien obtenir des vieillards; c'est donc la génération qui nous

succédera qu'il faut élever de telle manière qu'à son tour elle élève ses descendants dans la crainte du

Page 85: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 86

Seigneur, et qu'ainsi la Parole de Dieu et la chrétienté soient conservées. C'est pourquoi chaque père de

famille est redevable, d'après l'ordre et le commandement de Dieu, d'enseigner ou de faire enseigner ces

choses à ses enfants. Car, étant baptisés et reçus dans la chrétienté, ils doivent aussi participer à cette

communion du Sacrement, afin qu'ils puissent nous servir et nous devenir utiles; que tous ensemble ils

nous aident à croire, à aimer, à prier et à combattre contre le diable.

Page 86: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 87

SIXIÈME PARTIE.

COURTE EXHORTATION À LA CONFESSION7.

§ 1er. De l'utilité de la confession.

Nous avons toujours enseigné par rapport à la confession qu'elle doit être libre et délivrée de la

contrainte et de la tyrannie du pape, qui en a fait une charge et un fardeau insupportables en l'imposant à

la chrétienté.

Nous en avons tous fait l'expérience; il n'y avait rien de plus pénible que cette confession exigée

sous peine de péché mortel. Les consciences étaient tourmentées et martyrisées par cette énumération

de tous les péchés; chacun craignait de ne pas avoir confessé assez scrupuleusement, et, ce qui était le

pis, c'est que personne n'enseignait, ni même ne savait ce que c'est que la confession, et combien elle est

utile et consolante; elle était plutôt pour nous un sujet d'angoisses, une espèce de torture infernale; on s'y

soumettait tout en la détestant au plus haut degré.

Ces abus, nous en sommes délivrés maintenant; ce n'est plus par contrainte que nous allons

confesser; nous sommes exempts du tourment de détailler aussi minutieusement tous nos péchés, et de

plus nous avons l'avantage de connaître la grande consolation qui y est attachée et qui doit fortifier notre

conscience.

Cette liberté que nous prêchons a été accueillie avec joie, mais malheureusement beaucoup de

gens en abusent pour faire ce qui leur plaît, et s'appuient sur cette liberté pour ne jamais confesser. Un

joug pénible est bientôt secoué, et l'on aime l'Évangile quand il est doux et facile. Mais ces êtres

immondes ne devraient pas jouir des bienfaits de l'Évangile; ils devraient rester, au contraire, sous

l'autorité du pape, où ils seraient plus que jamais tourmentés et forcés de confesser, de jeûner, etc. Car

ceux qui ne veulent pas croire à l'Évangile, ni vivre et agir en chrétiens, ceux-là ne doivent pas non plus

jouir de la liberté des chrétiens. Ils aimeraient bien avoir la jouissance, mais sans faire ce qui doit la leur

procurer, et sans subir les obligations du chrétien. C'est pourquoi notre prédication ne s'adresse pas à

eux, et nous ne voulons pas les laisser jouir de notre liberté. Qu'ils restent donc sous l'empire du pape qui

saura les contraindre par la force comme un véritable tyran; car, pour ceux qui ne veulent pas obéir à

l'Évangile, il leur faut un geôlier qui soit pour eux le bourreau de l'Éternel.

Quant aux âmes simples qui écoutent la Parole avec joie, nous ne cesserons de leur prêcher, de

les instruire et de les exhorter, afin qu'elles ne négligent pas un trésor si cher et si consolant. Et, à cet

effet, nous allons expliquer en peu de mots ce que c'est que la confession.

§ 2. Des différentes espèces de confession.

Il y a trois sortes de confessions: les deux premières peuvent être appelées générales; elles sont

communes à tous les chrétiens; l'une consiste à confier ses péchés à Dieu seul, l'autre, à demander

pardon à son prochain que l'on a offensé; c'est ce qui est compris dans l'Oraison quand nous disons:

Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Il y a plus; l'Oraison

7 Cette partie manque dans la 1" édition de 1526 (in-4°); mais Luther lui-même l'ajouta aux éditions subséquentes de 1529 et 1531 (in-8°).

Page 87: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 88

dominicale tout entière n'est autre chose qu'une confession. Qu'est-ce, en effet, que notre prière, si ce

n'est que nous confessons ce qui nous manque, que nous avouons que nous restons en arrière de nos

devoirs, et que nous demandons la grâce du Seigneur et la paix de la conscience? Une telle confession

doit avoir lieu sans cesse, aussi longtemps que nous vivons; car c'est là l'essence du christianisme, que

nous nous reconnaissions pécheurs et que nous demandions grâce.

De même aussi la seconde confession, celle que chacun doit à son prochain, est contenue dans

l'Oraison dominicale; nous devons confesser et nous pardonner les uns aux autres nos offenses, ayant de

nous présenter devant Dieu pour le prier de nous pardonner. Nous sommes tous coupables les uns envers

les autres; nous pouvons donc et même nous devons confesser notre culpabilité devant tous, et ne pas

nous en laisser empêcher par une fausse honte; car aucun homme n'est exempt de péché; nul ne fait ce

qu'il devrait, ni envers Dieu, ni envers son prochain. Le premier qui voudrait faire exception et se poser

comme innocent ou infaillible, empêcherait les autres de s'avouer pécheurs et de s'acquitter selon le

commandement envers Dieu et les hommes.

À côté de l'offense générale, il en est d'autres qui sont particulières: Nous devons, quand nous

avons irrité l'un de nos frères, lui demander pardon. Ainsi, nous avons dans l'Oraison deux absolutions:

nous recevons la rémission des péchés commis envers Dieu et celle des péchés commis envers notre

prochain, pourvu qu'à notre tour nous pardonnions à celui qui nous a offensés et que nous nous

réconcilions avec lui.

Outre cette confession publique, quotidienne et nécessaire, il y a la confession privée qui a lieu

devant un frère. Si nous avons quelque chose de particulier qui pèse sur notre cœur, que nous en sommes

tourmentés et que nous ne pouvons avoir la paix, mais que nous nous trouvons faibles dans la foi, alors

nous pouvons nous en découvrir à un frère, afin de recevoir de lui des conseils et des consolations, et

qu'ainsi nous soyons fortifiés, à quelque heure et aussi souvent que nous en sentons le besoin. Christ lui-

même a placé l'absolution dans la bouche de sa chrétienté et lui a commandé de nous délier de nos

péchés. Quand donc un cœur sent ses péchés et soupire après la grâce, il a ici un témoignage assuré,

lorsqu'il entend la parole de l'absolution de Dieu de la bouche d'un frère, que le Seigneur veut le délier et

l'absoudre de ses péchés.

§ 3. Des éléments dont se compose la confession.

La confession se compose de deux parties: la première est notre œuvre; nous gémissons de nos péchés et

nous demandons la grâce et la consolation pour notre âme; la seconde est l'œuvre de Dieu: il nous absout

de nos péchés par la parole qu'il a placée dans la bouche de l'homme; c'est la partie principale, ce qui

rend la confession douce et consolante.

Eh bien, qu'a-t-on fait jusqu'à présent? On s'est contenté de provoquer notre œuvre propre, on

exigeait avant tout que nous confessions scrupuleusement tous nos péchés, et l'on ne nous parlait pas du

tout de l'importance de l'absolution qui cependant est la chose principale. On agissait comme si la

confession était une bonne œuvre par laquelle nous pouvons payer Dieu, et l'on nous disait que, si nous

n'énumérions pas minutieusement tous nos péchés, l'absolution ne compterait pas, et que Dieu ne nous

pardonnerait pas. Il y avait de quoi se désespérer; car il n'est pas possible d'énumérer ainsi tous ses

péchés, et aucune conscience ne pouvait être tranquille, ni se fonder sur l'absolution. Aussi, la confession

était devenue non seulement inutile, mais encore difficile et pénible, au détriment et pour la perte des

âmes.

Page 88: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 89

Lorsqu'il s'agit de confession, nous devons considérer notre œuvre comme petite; celle de Dieu,

au contraire, comme grande et précieuse; nous ne devons pas venir dans l'intention de faire une œuvre

méritoire, ou de donner quelque chose au Seigneur, mais seulement pour recevoir gratuitement sa grâce.

Tu ne dois pas te présenter pour faire l’énumération de tous tes péchés et méchancetés; si tu es chrétien,

je le saurai bien; si tu ne l'es pas, je le saurai encore bien plus; mais tu dois gémir de ta misère et

reconnaître ton état de péché, afin que le Seigneur t'aide et te donne le repos de la conscience et la paix

du cœur.

Pour cela, il n'est pas nécessaire de te forcer par des commandements; nous disons plutôt: Que

celui qui est chrétien ou qui, du moins, voudrait l'être, vienne pour recevoir le trésor précieux de

l'absolution. Quant à ceux qui ne sont pas chrétiens et qui ne désirent pas une telle consolation, qu'ils

restent sous la tyrannie du pape. Ainsi, nous abolissons la contrainte et le commandement du pape, n'en

ayant pas besoin, et nous disons: Si tu ne confesses pas de plein gré et à cause de l'absolution, ou bien si

tu veux t'appuyer sur ton œuvre et te faire un mérite d'avoir confessé scrupuleusement, alors tu feras

mieux de ne pas venir du tout.

Nous le répétons, tu dois confesser et avouer ta misère, non pour en faire une œuvre méritoire,

mais pour que tu entendes les paroles que le Seigneur te fait adresser; tu dois regarder l'absolution

comme une chose grande et précieuse, comme un trésor excellent, et la recevoir avec respect et

reconnaissance.

Si l'on enseignait ces choses et si l'on nous montrait la misère qui devrait nous pousser à user du

secours de l'absolution, on n'aurait pas besoin de force ni de contrainte; la conscience se réveillant

rendrait le pécheur assez inquiet pour qu'il vînt de lui-même avec joie. Prenons un exemple: Si l'on disait à

un pauvre et misérable mendiant que, dans un certain endroit, on distribue de riches aumônes, de

l'argent, des vêtements, etc., serait-il nécessaire qu'un sergent de police l'y conduisît? ne courrait-il pas de

lui-même aussi vite qu'il le pourrait, afin de ne pas arriver trop tard? Mais, si l'on ordonnait à tous les

mendiants de se réunir dans tel ou tel endroit, sans leur dire pourquoi, n'iraient- ils pas à contrecœur,

sans penser à recevoir quelque chose, répugnant au contraire à laisser voir leur pauvreté et leur misère?

De même ici, si l'on veut faire une loi de la confession, sans dire un mot du trésor qui y est joint, on arrive

seulement à rendre le peuple plus acharné et plus mal disposé contre cette loi.

Et c'est ce qu'ont fait jusqu'à présent les prédicateurs du pape; ils ont tu ce trésor inexprimable,

cette aumône riche et abondante, et ont exigé seulement que chacun fît voir combien il était impur et

mauvais. Comment était-il possible alors d'aimer la confession?

Quant à nous, nous ne te disons pas de nous raconter combien tu es plein d'ordures, afin que

nous puissions nous comparer à toi, mais nous te disons: Si tu es pauvre et misérable, va et use de ce

remède salutaire. Car celui qui sent ses péchés et sa misère en éprouve le désir et y accourt avec joie.

Quant à ceux qui sont indifférents et ne viennent pas d'eux-mêmes, nous les laissons aller. Mais qu'ils

sachent que nous ne les regardons pas comme des chrétiens.

§ 4. Disposition d'âme du vrai pénitent.

La confession est donc une chose excellente et précieuse, une grande consolation pour les pauvres

pécheurs; c'est pourquoi nous exhortons à ne pas mépriser un bien qui doit nous être précieux, à cause de

notre grande misère. Si tu es chrétien, tu n'as besoin d'être excité ni par moi, ni par le commandement du

pape, mais tu viendras de toi-même pour demander de participer à ce trésor.

Page 89: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 90

Si, au contraire, tu le méprises, et que tu es trop orgueilleux pour t'humilier et confesser tes

péchés, alors nous prononçons sur toi le jugement que tu n'es pas un chrétien, et que, par conséquent, tu

ne dois pas non plus participer au Sacrement. Car tu méprises ce qu'aucun chrétien ne doit mépriser, et tu

es cause toi-même que tu ne peux pas obtenir la rémission de tes péchés; de plus, c'est un signe que tu

méprises aussi l'Évangile.

Encore une fois, nous ne voulons pas de contrainte. Si tu ne veux pas écouter, ni accepter notre

prédication, nous ne voulons rien avoir de commun avec toi, et tu ne dois pas non plus jouir de la liberté

de l'Évangile. Car, si tu étais un vrai chrétien, tu serais heureux et tu ferais plutôt cent lieues pour obtenir

ce trésor; ce ne serait pas nous qui te contraindrions, mais toi plutôt qui nous forcerais. C'est tout

l'opposé de ce qui a eu lieu jusqu'à présent. Nous qui avons à prononcer l'absolution, nous sommes

contraints par le commandement de Dieu; et toi, tu viens en pleine liberté. Nous ne forçons personne,

mais nous souffrons que l'on nous force; de même que nous sommes forcés de prêcher et d'administrer

les Sacrements.

Quand donc j'exhorte à la confession, je ne fais rien autre que de t'exhorter à être un chrétien. Si

je parviens à t'amener là, je t'ai aussitôt amené à la confession. Car ceux qui veulent être de pieux

chrétiens et qui désirent ardemment être délivrés de leurs péchés, afin d'avoir une conscience joyeuse,

ceux-là ont la véritable faim et la véritable soif et recherchent avidement le pain qui peut les rassasier, de

même qu'un cerf poursuivi qui est dévoré par la faim et par la soif recherche une source rafraîchissante.

C'est ce qu'exprime David dans le Psaume 42, 2: « Comme un cerf brame après des eaux courantes, ainsi

mon âme soupire après toi, ô mon Dieu! » c'est-à-dire, comme le cerf altéré cherche avidement une

source fraîche, ainsi j'ai soif de la Parole de Dieu, de l'absolution et du Sacrement.

Si l'on considérait ainsi la confession, on en viendrait à l'aimer, et les gens arriveraient en foule

pour nous demander l'absolution, plus même que nous ne le voudrions. Quant aux papistes, nous les

laissons se martyriser, car, en méprisant ce trésor, ils s'en excluent eux-mêmes. Pour nous, élevons nos

mains pour louer et bénir le Seigneur de ce que nous soyons parvenus à une telle connaissance et à une

telle grâce! Amen.

Page 90: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 91

NOTE SUR L’UNIONISME

Les Églises évangéliques réformées8, quelle que soit leur dénomination, n'admettent pas que le vrai corps

et le vrai sang de Notre Seigneur Jésus-Christ soient distribués dans la Sainte-Cène sous les espèces du

pain et du vin. L'autel réformé ne distribue que du pain et du vin, bien qu'on enseigne qu'à l'occasion de la

cérémonie, et pendant qu'elle se célèbre, toutes sortes de biens célestes soient donnés au communiant

croyant.

Le chrétien luthérien croit fermement, et l'Église confesse que tout communiant, qu'il soit dans la

foi ou qu'il ne le soit pas, reçoit à l'autel de l'Église fidèle le vrai corps et le vrai sang de Jésus-Christ.

Le pain sans levain, — et dans ce pain et avec ce pain la chair de Celui qui est mort et ressuscité

pour nous, et qui est monté au ciel à la droite du Père, où les bienheureux trouvent dans sa

contemplation d'éternelles béatitudes.

Le vin, — et dans ce vin et avec ce vin le sang de Celui qui nous a rachetés et qui, en vertu de ce

qui est écrit (Héb. 9, 23, etc.), purifie toutes choses en son sang par le sacrifice de lui-même en la

consommation des siècles; voilà l'essence du dogme luthérien.

Cette différence entre les deux rites n'est pas de médiocre importance. Entre le rite et le dogme

évangélique réformé d'une part, et le rite et le dogme évangélique luthérien de l'autre, il y a une distance

énorme. Ici un repas réel, mystérieux et céleste, là un repas figuratif, matériel et terrestre.

La différence serait-elle rendue moins sensible par le moyen du rite et du dogme de l’unionisme?

L'unionisme, qui n'est au fond qu'un christianisme attiédi et abâtardi, professe ouvertement l'indifférence

dans tout point où le protestantisme de diverse dénomination n'est pas tombé d'accord. Les fondements

de cette prétendue « Église de l'avenir, » au dire de l'unionisme, ce sont les « points communs. » Mais le

fidèle communiant qui sait ce que l'autel de l'Église évangélique luthérienne lui présente, qui en connaît

les dons ineffables, pourrait-il jamais s’accommoder d'un système d'Église posée sur de pareils

fondements? Mieux vaut le rite réformé; au moins on sait ce qu'il veut et ce qu'il présente; mais le rite uni

ne donne ni n'enseigne rien, il reste dans le vague et ne donne que de l'équivoque. Le rite uni laisse sans

réponse la question essentielle et enveloppe de ténèbres épaisses l'autel où le corps et le sang du Seigneur

doivent être distribués. L'unionisme, c'est là son stigmate, n'est qu'une feinte. Il se donne l'air d'unir ce

qu'au fond il n'unit pas; il n'indique pas même les points où il faudrait tomber d'accord.

Est-ce là une question indifférente?... La fontaine d'eaux vives de l'Église terrestre n'est-ce pas

surtout aussi le Sacrement de l'autel? et n'est-ce pas manquer de cœur que d'environner cette fontaine

d'impénétrables obscurités?

Et puis, quel chrétien fidèle, sachant d'avance qu'il n'y pas « unité de foi » parmi les

communiants, pourrait consentir à s'approcher de l'autel sous un dehors d'union et de conformité? Mais

une pareille pratique est l’atteinte la plus grave portée à la sincérité; et, certes, il n'y a rien de plus indigne

que le « oui et le non » au même autel, la désunion dans les cœurs quant à l'essence du Sacrement,

portée devant l'autel au moment de la célébration: c'est plus qu'une indignité, — C'EST UN PÉCHÉ!

Cette fausse union est un péché contre la Parole de Dieu;

8 N.Éd. : Ce chapitre constitue un ajout au texte de Martin Luther de la part du Pasteur Horning. Cependant, il est toujours d’actualité.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 92

Un péché contre le Sacrement;

Un péché contre l'Église, qui, à la suite même des débats qui ont eu lieu sur l'essence du

Sacrement, est entrée dans une nouvelle phase de son développement. Ces débats l'ont mise dans la

possession consciente de son plus grand trésor que l'unionisme tend à lui faire perdre. Et que lui resterait-

il après la perte de ce trésor?...

L'unionisme est, en outre, un péché contre le symbole confessionnel de l'Église. Ce symbole pose

en thèse d'une part qu'il ne peut y avoir de communion avec les autels dissidents, et de l'autre que l'unité

de l'Église réside essentiellement dans la communion d'autel. Où l'autel est le même, là l'Église aussi est la

même. Cette déclaration est sacrée et ne souffre pas contradiction.

L'unionisme est un péché contre ta pratique constante de nos pères, qui, de tout temps, ont

protesté contre la communion avec les réformés et les unionistes (neutres), qui ne professent aucun des

deux rites et ne confessent aucun des deux autels, en les indifférenciant tous les deux.

L'unionisme est un péché contre les paroisses, qui, par les voies dans lesquelles il pousse, ne

peuvent pas arriver à apprécier le bienfait du Sacrement, ni à le distinguer même d'autres rites qui ne

seraient pas des Sacrements.

L'unionisme est un péché contre ceux qui ont une foi dissidente. En effet, il leur enlève le moyen

de connaître la Cène de la vraie Église de Dieu et d'en recevoir le témoignage.

L'unionisme est enfin un péché commis envers nos pauvres âmes; car il nous fait persévérer dans

le reniement d'une vérité que nous sommes parvenus à discerner, ce qui porte, certes, le plus grand

préjudice à l'âme.

Et quels seraient les moyens à employer pour faire disparaître l'unionisme là où il est parvenu à

s'introduire dans l'Église ou même à la supplanter. Il suffit que l'autorité ecclésiastique se prononce contre

et qu'elle défende la communion d'autel avec les communautés dissidentes; il suffit qu'elle fasse un appel

aux agglomérations religieuses qui se seraient formées d'éléments unis et qu'elle leur déclare qu'elles

aient à se prononcer pour une confession. Qu'ensuite l'autorité ecclésiastique rappelle aux fidèles et aux

pasteurs luthériens leur devoir de soutenir de leur concours leurs coreligionnaires.

Et quand bien même on verrait se dissoudre des agglomérations unies à la suite de ces appels et

de ces exhortations, le mal serait-il si grand? Mais le mal actuel résultant de ces unions feintes et bâtardes

qu'on a faites dans le présent siècle, n'est-il donc pas infiniment plus grand?

La Parole de Dieu défend la communion d'autel avec ceux qui ont une doctrine et une profession

de foi différentes; elle défend même toute communion plus intime avec eux. On n'a qu'à lire sans préjugé

les passages que voici: Rom. 16, 17; 1 Tim. 6, 3, 5, etc.; 2 Jean 10.

Qu'on ne dise pas 2 Jean 10 ne se rapporte qu'à la doctrine sur la personne de Christ; et lors

même qu'il en serait ainsi, qui ne sait les rapports étroits qui existent entre cette doctrine et celle sur la

Cène du Seigneur. Nos pères n'ont-ils pas mis sur la même ligne l'erreur nestorienne et celle des réformés

sur la Cène?

Et, si nos conclusions sont exactes, qu'on cesse de prétexter les cas de nécessités; mais ces cas

eux-mêmes sont des péchés; qu'on ne parle pas de cas exceptionnels, ce sont autant de cas de péchés!

Ces cas ne méritent pas les ménagements qu'on a pour eux. Les pasteurs et les fidèles qui aiment

Page 92: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 93

véritablement le Seigneur, l'Église et les âmes, doivent, au contraire, unir leur témoignage pour protester

contre un pareil état de choses.

En nous sauvegardant contre les faux principes et les procédés de l'unionisme, nous ne faisons

rien que les docteurs les plus fidèles de notre Église n'aient fait avant nous.

Nous en prenons pour témoin SPENER que personne certainement n'accusera de raideur, ni

d'avoir manqué de charité. Voici comment il s'exprime au sujet de l'unionisme (voy. Theol. Bedenken, t.

IV, p. 53; Waisenhaus, édit. 1702):

« On me demande si le salut est possible en dehors de l'Église luthérienne (!!!), ou bien en

dehors de la chrétienté prise dans son ensemble.

Voici ma réponse:

Nous rendons grâces à notre grand Dieu et Sauveur de la bienveillance qu'il a témoignée

à notre Église, en lui confiant le dépôt sacré de sa sainte Parole, de telle manière qu'elle

la possède pure cette Parole et lui est demeurée fidèle jusqu'à ce jour. C'est là le grand

avantage que notre Église a sur toutes les sectes et sur toutes les fausses religions. Aussi

AVONS-NOUS PLEIN DROIT pour cette raison de la reconnaître comme étant ELLE SEULE LA VRAIE

ÉGLISE VISIBLE DE DIEU.»

Pour cette raison encore, nous n'hésitons pas à dire que tous ceux à qui Dieu a fait la

grâce de leur faire RECONNAÎTRE les erreurs de leurs Églises respectives et LA VÉRITÉ DE NOTRE

DOCTRINE À NOUS, ont pour devoir de se rallier à l'assemblée de ceux qui confessent cette

vérité.

S'ils font violence à leur conscience et s'ils demeurent au milieu d'une communauté dont

la doctrine est erronée, ils s'exposent à être rejetés par Dieu. »

Ces paroles de Spener repoussent avec une grande énergie tous les essais faits de nos jours pour

unir les Églises dans l'Indifférence en se servant d'expressions équivoques et à double sens; il veut qu'on

se rallie à l'Église évangélique luthérienne.

L'amour fraternel, la charité chrétienne, quelque ardente qu'elle puisse être, ne peuvent donc

jamais être un motif pour un chrétien confessant les vérités doctrinales de l'Église évangélique

luthérienne, pour un membre fidèle de l'Église de la confession d'Augsbourg, d'entrer en communion

d'autel avec des Églises, soit réformées, soit équivoques, unies ou unionistes.

Ce sont surtout ces dernières qui sont un véritable danger pour une Église, qu'elle soit

luthérienne ou réformée. Elles l'exploitent, l'épuisent et l'absorbent au profit d'une existence religieuse

tronquée et bâtarde.

Ce n'est pas seulement l'incrédulité manifeste et déclarée qu'il importe à une Église sérieuse de

combattre, ce sont aussi toutes les fausses tendances; il faut les combattre en nous et hors de nous.

Mais, qu'on s'en persuade bien, nous n'avons pas de lance à briser contre les Églises réformées et

les vrais membres de ces Églises. Nous désirons, au contraire, que, sur leur domaine, ils aient tous les

succès qu'ils peuvent désirer, et que, dans la mesure de vérité dont elles disposent, elles aient à se réjouir

d'abondantes bénédictions. Notre lutte est contre l'unionisme, contre l'équivoque en fait de foi, de

doctrine et d'œuvres. Nous ne voulons pas que, dans aucune des deux Églises, on jette le voile sur les

Page 93: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 94

différences qui nous séparent; mais que, de part et d'autre, il y ait sincérité et conscience de ce qu'on a et

de ce qu'on n'a pas.

C'est donc une condition sine qua non de fidélité et de sincérité ecclésiastique de rompre toute

communion d'autel ou de table sainte avec les communautés unies dans le mépris ou dans l'oubli des

différences et même avec les simples membres de ces communautés, à moins que ces derniers ne

renoncent sincèrement et publiquement à leurs erreurs et aux communautés qui les professent et se

fassent recevoir membres de l'Église.

Ce n'est qu'à ce prix qu'on mettra fin à l'unionisme et qu'on sauvegardera contre les étreintes de

la charité anti-scripturaire de l'unionisme l'Église évangélique luthérienne, qui se fait reconnaître par la

conformité biblique de ses confessions comme étant présentement l'Église visible de Dieu à laquelle les

croyants de toutes les autres communions devront se rattacher.

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Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 95

Table des matières PRÉFACE DES TRADUCTEURS ........................................................................................................... 3

AVANT-PROPOS DE MARTIN LUTHER .............................................................................................. 5

PRÉFACE ................................................................................................................................................ 9

PREMIÈRE PARTIE. LES DIX-COMMANDEMENTS DE LA LOI DE DIEU..................................... 12

Le Premier Commandement. ............................................................................................................... 12

§ 1er. N'avoir pas d'autres dieux. ...................................................................................................... 12

§ 2. Contenu du commandement. ..................................................................................................... 12

§ 3. Sens et portée du premier commandement................................................................................. 12

§ 4. Le vrai croyant et l’idolâtrie. ..................................................................................................... 14

§ 5. La propre justice est une idolâtrie. ............................................................................................. 14

§ 6. Dieu est seul le vrai bien. .......................................................................................................... 15

§ 7. Les hommes ne sont que les instruments de Dieu. ..................................................................... 15

§ 8. Chacun doit sonder son cœur pour savoir si l'Éternel est son Dieu. ............................................ 15

§ 9. La sanction pénale de la loi de Dieu. ......................................................................................... 16

§ 10. Les jugements de Dieu, pour n'être pas toujours prompts, n'en sont pas moins certains. ............ 16

§ 11. Folie de l'homme mondain. ..................................................................................................... 17

§ 12. Usage légitime des biens terrestres. ......................................................................................... 18

Le Deuxième Commandement. ........................................................................................................... 18

§ 1er. Objet de ce commandement. ................................................................................................... 18

§ 2. Profanation du saint nom de Dieu. ............................................................................................ 19

§ 3. Menace particulière contre les profanateurs. .............................................................................. 19

§ 4. De la sanctification du nom de Dieu. ......................................................................................... 20

Le Troisième Commandement............................................................................................................. 22

§ 1er. Sens réel de ce commandement. .............................................................................................. 22

§ 2. Pourquoi Dieu commande-t-il le repos? .................................................................................... 22

§ 3. Qu'est-ce que sanctifier le jour du repos? .................................................................................. 22

§ 4. La Parole de Dieu seule peut sanctifier. ..................................................................................... 23

Le Quatrième Commandement. ........................................................................................................... 24

§ 1er. Importance que Dieu attache à la condition de père, de mère. .................................................. 25

§ 2. Les vraies et les fausses œuvres. ............................................................................................... 25

§ 3. Ce que nous devons à nos parents. ............................................................................................ 27

§ 4. Promesse particulière de Dieu. .................................................................................................. 27

§ 5. Devoirs envers les autorités découlant de l'autorité paternelle. ................................................... 28

§ 6. Des maîtres. ............................................................................................................................. 28

§ 7. Des autorités supérieures. ......................................................................................................... 29

§ 8. Des pères spirituels. .................................................................................................................. 30

§ 9. Devoirs des supérieurs. ............................................................................................................. 31

Le Cinquième Commandement. .......................................................................................................... 32

§ 1er. Sens du commandement. ........................................................................................................ 32

§ 2. Ne pas faire le bien, c'est un meurtre. ........................................................................................ 33

Le Sixième Commandement. .............................................................................................................. 34

§ 1er. Toute impudicité est un adultère.............................................................................................. 34

§ 2. Le mariage institué et honoré de Dieu. ...................................................................................... 35

Page 95: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 96

§ 3. Devoirs des époux. ................................................................................................................... 36

Le Septième Commandement. ............................................................................................................. 36

§ 1er. Des différentes manières de transgresser ce commandement. ................................................... 37

§ 2. Ce commandement prescrit de servir le prochain. ...................................................................... 38

§ 3. Ce commandement prescrit de faire du bien. ............................................................................. 39

§ 4. Devoirs des supérieurs. ............................................................................................................. 39

Le Huitième Commandement. ............................................................................................................. 40

§ 1er. Faux témoignage devant la justice. .......................................................................................... 40

§ 2. Faux témoignage dans les choses spirituelles............................................................................. 41

§ 3. Des péchés de langue. ............................................................................................................... 41

§ 4. Les jugements ne sont permis qu'aux autorités compétentes. ...................................................... 42

§ 5. Discipline fraternelle. ............................................................................................................... 42

§ 6. Le témoignage est permis en présence d'une chose jugée. .......................................................... 43

§ 7. La langue doit refléter la bienveillance du cœur. ........................................................................ 43

Le Neuvième et le Dixième Commandement. ...................................................................................... 44

§ 1er. Portée historique de ces deux commandements........................................................................ 44

§ 2. Leur portée actuelle et durable. ................................................................................................. 45

§ 3. Différence entre les deux commandements. ............................................................................... 46

La Conclusion des Dix-Commandements. ........................................................................................... 46

§ 1er. Excellence des commandements de Dieu. ............................................................................... 46

§ 2. Portée de la conclusion. ............................................................................................................ 47

§ 3. Rapport du premier commandement avec les autres. .................................................................. 48

§ 4. Comment on doit se servir des Dix-Commandements. ............................................................... 49 SECONDE PARTIE. DES ARTICLES DE LA FOI CHRÉTIENNE OU DU SYMBOLE DES

APÔTRES. ............................................................................................................................................. 50

Introduction. ....................................................................................................................................... 50

Le Premier Article. ............................................................................................................................. 50

§ 1er. Sens du mot « Créateur. » ....................................................................................................... 50

§ 2. Sens du mot « Père tout-puissant. » ........................................................................................... 51

Le Second Article. .............................................................................................................................. 52

§ 3. Que croire par rapport à Jésus-Christ......................................................................................... 52

Le Troisième Article. .......................................................................................................................... 53

§ 4. Qu'est-ce que le Saint-Esprit? ................................................................................................... 53

§ 5. Qu'est-ce que croire au Saint-Esprit? ......................................................................................... 53

§ 6. L'Église est la communion des saints......................................................................................... 54

§ 7. Dans l'Église chrétienne il y a rémission des péchés. ................................................................. 55

§ 8. De la résurrection de la chair et de la vie éternelle. .................................................................... 55

§ 9. Importance des trois articles du Symbole de la foi. .................................................................... 56

§ 10. Différence entre la doctrine de la foi et celle de la loi............................................................... 56

TROISIÈME PARTIE. L'ORAISON DOMINICALE. ............................................................................ 57

§ 1er. Nécessité de prier. ................................................................................................................... 57

§ 2. La fausse prière. ....................................................................................................................... 57

§ 3. D'où provient l'efficace de la prière. .......................................................................................... 58

La Première Demande. ........................................................................................................................ 60

La Seconde Demande.......................................................................................................................... 61

Page 96: Grand Catechisme

Le Grand Catéchisme de Martin Luther, p. 97

La Troisième Demande. ...................................................................................................................... 62

La Quatrième Demande. ..................................................................................................................... 64

La Cinquième Demande. ..................................................................................................................... 65

La Sixième Demande. ......................................................................................................................... 66

La Septième et Dernière Demande. ..................................................................................................... 68

QUATRIÈME PARTIE. DU SAINT SACREMENT DU BAPTÊME. .................................................... 69

§ 1er. Importance du Baptême. ......................................................................................................... 69

§ 2. Nature et valeur du Baptême. .................................................................................................... 70

§ 3. Utilité du saint Baptême............................................................................................................ 71

§ 4. Rapport entre la foi et le Baptême. ............................................................................................ 72

§ 5. Promesses attachées au saint Baptême....................................................................................... 73

§ 6. Du Baptême des enfants............................................................................................................ 73

§ 7. De la signification du Baptême. ................................................................................................ 75 CINQUIÈME PARTIE. DU SAINT SACREMENT DE LA CÈNE OU DU SACREMENT DE L'AUTEL.

............................................................................................................................................................... 78

§ 1er. Nature et essence du saint Sacrement de la Cène. .................................................................... 78

§ 2. Utilité et vertus du Sacrement de l'autel. .................................................................................... 80

§ 3. Rapport entre la foi et le saint Sacrement de la Cène.................................................................. 81

§ 4. Préparation de ceux qui demandent à communier. ..................................................................... 81

§ 5. Sur le devoir de communier. ..................................................................................................... 81

§ 6. Promesse faite à ceux qui communient dignement. .................................................................... 83

§ 7. Moyen de reconnaître son indignité........................................................................................... 84

SIXIÈME PARTIE. COURTE EXHORTATION À LA CONFESSION. ................................................ 87

§ 1er. De l'utilité de la confession. .................................................................................................... 87

§ 2. Des différentes espèces de confession. ...................................................................................... 87

§ 3. Des éléments dont se compose la confession. ............................................................................ 88

§ 4. Disposition d'âme du vrai pénitent. ........................................................................................... 89

NOTE SUR L’UNIONISME .................................................................................................................. 91