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Société québécoise de science politique Grandes villes, nations et empires: une carte politique de la nouvelle société industrielle avancée Author(s): J. E. Havel Source: Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique, Vol. 5, No. 1 (Mar., 1972), pp. 120-134 Published by: Canadian Political Science Association and the Société québécoise de science politique Stable URL: http://www.jstor.org/stable/3231391 . Accessed: 12/06/2014 20:55 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Canadian Political Science Association and Société québécoise de science politique are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.78.144 on Thu, 12 Jun 2014 20:55:16 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Grandes villes, nations et empires: une carte politique de la nouvelle société industrielle avancée

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Société québécoise de science politique

Grandes villes, nations et empires: une carte politique de la nouvelle société industrielleavancéeAuthor(s): J. E. HavelSource: Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique, Vol. 5,No. 1 (Mar., 1972), pp. 120-134Published by: Canadian Political Science Association and the Société québécoise de science politiqueStable URL: http://www.jstor.org/stable/3231391 .

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Grandes villes, nations et empires : une carte politique de la nouvelle soci6t6 industrielle avancee

J. E. HAVEL Universit~ Laurentienne

Autrefois, la gestion communale 6tait mince affaire. Ainsi l'interpr6tation tr&s traditionaliste donn6e ' l'Acte de l'Am6rique britannique du nord en fait une

question locale, et donc de comp6tence provinciale. Pourtant, par leurs superficies et surtout par leurs nombres d'habitants, les

m6galopoles' de la soci6t6 industrielle avanc6e ne sont plus des ph6nomenes d'int6r&t purement local. La carte administrative indique souvent encore des

conglom6rats de municipalit6s 1• oui le d6mographe et l'6conomiste saisissent une vaste agglom6ration urbaine. Mais peu 'a peu les municipalit6s de cette agglom6ra- tion fusionnent ou annexent les territoires des municipalit6s voisines ; il y a amalga- mation administrative, et chaque fois les municipalit6s qui en 6mergent sont un

peu plus fortes. Ii arrive que la tutelle statale glisse par un lent proc6d6 des mains du pouvoir qui l'exergait. Peu d'attention a 6t6 donn6e 'a ce desaisissement.

Mais ce n'est pas tout. Plus ce desaisissement progresse, plus on avance vers un

point de non retour parce que s'est exerc6 un changement qualitatif. L'Etat n'est soudain plus le meme. La grande ville l'6quilibre et le repousse. On aura chemin6 de l'administratif au politique. Ce sont ces deux ph6nomenes qui seront analys6s.

I. L'unification administrative des megalopoles

Quand une agglom6ration urbaine grandit, la question vient a &tre pos6e s'il ne vaudrait pas mieux r6organiser son administration, et en particulier s'il ne faudrait

pas l'amalgamer en une municipalit6 centrale ou en une f6d6ration de municipali- t6s. Sans discuter du point de savoir si r6ellement la gestion des services publics y gagnerait en efficacit6, en 6conomie ou en humanit6, on observe l'affirmation que leur amalgamation sous une administration unifi6e l'am6liorerait. L'approvision- nement en eau et en 6nergie, 1'enlvement et la disposition des rebuts, les com- munications, la sant6 et l'hygiene publiques, le bien-etre social, l'enseignement, la

police, la lutte contre l'incendie, et surtout l'urbanisme exigeraient chacun d'etre consid6r6 et trait6 dans une perspective d'ensemble relevant d'une seule munici-

palit6, ou ' la rigueur d'une f6d6ration de municipalit6s. Il y aurait meme demande

1Le mot de m6galopole est emprunt6 au livre de Jean Gottman, Megalopolis: The Urbanized Northeastern Seaboard (New-York, 196-1), qui d6crit des agglomerations peupl6es de mil- lions d'habitants et s'6tendant sur des dizaines de kilom&tres. Le terme reste cependant flou. Les g6ographes l'emploient tant6t, comme Jean Gottman, pour signifier de vastes r6gions ur- baines telle celle du Saint-Laurent, des Grands Lacs et de la c6te 6tatsunienne de l'Oc6an Atlantique, tant6t pour indiquer de tres grandes villes et leurs banlieues, soit des agglom6ra- tions de un ta vingt millions d'habitants. C'est ce dernier sens qui est retenu ici.

Sur ces definitions, on peut consulter Marie-Andr6e Prost, La hidrarchie des villes en fonction de leurs activites de commerce et de service (Paris, 1965).

Canadian Journal of Political Science/Revue canadienne de science politique, v, no 1 (March/mars 1972). Printed in Canada/Imprim6 au Canada.

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Great Cities, Nations, and Empires: A Political Map of the New Advanced Industrial Society

Urbanization is challenging traditional politics. Forces attempting to stop the growth of the power of the metropolis must abandon the idea. New types of problems, their urgency, new 6lites, an urbanized citizenry, and a new balance of power are calling for a new type of political society. Historically dated nation-states may disappear.

accrue de services collectifs, mais absence de r6forme pour r6pondre 'a ces besoins, d'oti tensions2.

Juridiquement, la constitution de l'unit6 administrative se fait soit par annexion de territoires ou de municipalit6s voisines3, soit par f6d6ration entre municipalit6s4, soit par transfert de l'autorit6 des municipalit6s divis6ees entre elles au niveau administratif sup6rieur r6gional5. Pour que l'un ou l'autre de ces proc6d6s r6ussisse, il faut qu'y coop6rent non seulement les municipalit6s int6ress6es, mais aussi la

soci6t6 locale et plus particulibrement les gouvernants, les administrateurs r6gio- naux 61lus ou nomm6es et les habitants de l'endroit6.

Un 'a un, les freins 'a l'amalgamation des grandes villes cadent : les Etats cessent de diviser l'administration territoriale de leurs villes-capitales, renoncent 'a arr6ter la croissance de leurs grandes cit6s : les autres freins lchent - puis s'acc61ere l'amalgamation des m6galopoles.

A. DESUETUDE DE L'ARGUMENT DES CAPITALES

Presque toutes les capitales des Etats jouissant d'une civilisation industrielle avanc6e sont devenues de grandes villes. Les gouvernants ont consid6r6 avec

appr6hension qu'ils 6taient 'a la merci d'une 6meute et ont cherch6 e s'en prot6ger. Les cas de Paris7 illustre probablement le mieux cette m6fiance dont on trouve

partout la trace. Autrefois la misere ou la famine ou les deux procuraient ' tout

agitateur les troupes qui lui permettaient de s'attaquer aux r6gimes comme aux

gouvernants. Les rois Louis xiv, Louis xv et Louis xvi, puis la R6publique8 en

2R. M. Burns, x Government in an Urban Society D, in Administration publique du Canada, xiv, no 3 (automne 1971). 3L'annexion de territoires voisins est fr6quente en p6riode de colonisation, par exemple aux Etats-Unis avant 1900. 4M6thode employ6e pour le Grand Toronto en 1953, puis pour Miami et Winnipeg. 5C'est en fait le cas du canton de Zurich et de la province de Hollande m6ridionale. Le pro- c6d6 de la cr6ation de r6gions englobant un certain nombre de municipalit6s y ressemble. On l'utilise en Ontario, au Qu6bec et en France. Un c White Paper D (Londres, 1970) le propose pour l'Angleterre. 6Pour New-York, voir Wallace S. Sayre et Herbert Kaufman, Governing New York City: Politics in the Metropolis (New-York, 1965), 11-18, et bibliographie p. 36-8. 7Robert Banoux, Paris des origines a nos jours et son role dans l'histoire de la civilisation (Paris, 1951) ; H6ron de Villefosse, Histoire de Paris (Paris, 1970) ; Champigneulle, Paris de Napoleon a nos jours (Paris, date incertaine) ; P. M. Duval, A. Fleury et L. Hautecceur, Paris, croissance d'une capitale (Paris, 1961) ; Maurice F61ix, Paul Beaussier et Frangois D6bidour, Le regime administratif et financier de la ville de Paris et du ddpartement de la Seine, Tome I, Histoire des administrations parisiennes, evolution de l'agglomeration pa- risienne, problemes et solutions (Paris, 1958-61) ; A. Griotteray, L'Etat contre Paris (Paris, date incertaine). 8F. Vincent, Histoire des famines a Paris (Paris, 1946) ; Andre Coutin, Huit siecles de vio- lence au Quartier Latin (Paris, 1971) ; etc. L'6meute grondait souvent. Entre 1355 et 1358,

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1871 pr6f6rerent s'installer ' Versailles, a une vingtaine de kilometres de la capi- tale frangaise.

En 1851, le surgissement de barricades donna ' r6fl6chir '

Louis-Napol6on. Sur le tr6ne, il raisonna qu'il valait beaucoup mieux contr6ler Paris que de se retirer en un Versailles toujours

' la merci d'une insurrection partie de la capitale. Il chargea donc le baron Haussmann, pr6fet du d6partement de la Seine pendant seize ann6e (1853-69), de r6am6nager la ville de telle sorte qu'une arm6e r6guliere y ait l'avantage sur des 6meutiers. Le d6gagement de parcs, la perc6e de grands boulevards rectilignes et la construction de monuments publics9 transform6rent la

physionomie de Paris. Mais pas davantage en 1968 qu'en 1934 ou en 1871 les barricades des 6meutiers ne purent arr&ter les soldats et les policiers d'un gou- vernement d6termin6.

Reprenant l'argument de la n6cessit6 du contr1le de la capitale, Haussmann affirmait que Paris appartenait moins aux Parisiens qu'a la France : e De tous les actes pouvant s'y accomplir, disait-il, il n'en est pas un seul qui ne touche, a cer- tains 6gards, le Gouvernement, la nation meme ou des int6rits de telle importance qu'ils se confondent a peu pres avec l'int6r&t public... L'organisation ind6pendante de Paris, sous quelque forme qu'on la congoive, ne serait donc autre chose que la cr6ation d'un Etat dans l'Etat... >10.

Les documents frangais les plus r6cents perp6tuent le point de vue du baron, lequel en h6ritait de la r6volution de 1789. Divide ut imperes. Au d6coupage mili- taire de Paris fait pendant un d6coupage administratif compliqu6.

Adaptant la loi du 28 Pluviose an viii (17 f6vrier 1800), la loi du ler janvier 1968 organise une r6gion de Paris"1, qui couvre assez bien la zone urbanis6e. La

le pr6v6t des marchands Etienne Marcel tenait tete au dauphin Charles. Entre 1588 et 1594, Henri III 6chappait de justesse a l'6meute pour, un an plus tard, p6rir en tentant de reprendre la ville ; puis la Saint-Ligue appuy6e sur Paris entre autres places refusait le royaume 'a Henri iv. Entre 1648 et 1653, pendant la minorit6 de Louis xiv, le Parlement de Paris entamait contre Mazarin les guerres de la Fronde. A partir de 1789, Paris fut l'6picentre de la R6volu- tion. Il se soulevait en 1830, en 1848, en 1871 (nombreux livres sur la Commune), etc. 9Une charette, quelques tonneaux, un ou deux meubles permettaient de monter en quelques minutes une barricade dans les rues &troites du temps. En plus de l'amenagement d'espaces faciles 'a tenir par la troupe, un peu d'artillerie et les mitrailleuses invent6es vers la fin du r&gne, Haussmann fit construire plusieurs casernes pour maintenir de la force dans Paris. Les ouvriers furent heureux des travaux qui leur donnerent beaucoup d'ouvrage ; pi6tons, cava- liers et cochers se f61iciterent des nouvelles voies ; l'illumination nocturne fit donner 'a Paris le surnom de c Ville-Lumiere > et attira les touristes. Lille, Lyon, Bordeaux et Marseille furent l'objet de soins analogues. Voir J. Deniau, Histoire de Lyon et du lyonnais (Paris, 1951) ; Michel Laferrere, Lyon, ville industrielle (Paris, 1960) ; R. Busquet, Histoire de Marseille (Paris, 1945) ; G. Rambert, Marseille, la formation d'une grande cite moderne (Marseille, 1934). 10Cit6 par le Centre d'6tudes et de recherches 6conomiques c Horizons et conjoncture , L'administration de Paris, in Hommes et Commerce, 14e ann6e, no 83 (f6vrier-mars 1965), 19. La cr6ation d'un Etat dans l'Etat est peut-tre justement ce qui se passe 'a propos d'autres grandes villes. Voir Abbe Friedmann-Mounier et Ch. R.-Samaran, Paris, fonctions d'une capitale (Paris, 1962). 11Le pr6fet de police y maintient l'ordre et le pr6fet de la Seine s'y occupe de planification. Sur la loi de 1968, voir P. H. Chombart de Lauwe, St-Antoine et autres, Paris et l'agglomdra- tion parisienne (Paris, 1952), 2 volumes ; J. Bastie, La croissance de la banlieue parisienne (Paris, date incertaine) ; Documentation frangaise, Les nouvelles structures de la region parisienne (Paris, 1965), et Organisation et amenagement de la region de Paris (Paris, 1962) ; R. Gilles, Probl'mes administratifs de la region et de l'agglomdration parisiennes : le district de Paris (Paris, 1961) ; F61ix, Beaussier et D6bidour, Le regime administratif et financier, tomes II, II et Iv.

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Grandes villes, nations et empires 123

r6gion est d6coup6e en sept d6partementsl2 et en une < ville de Paris >. Chaque d6partement est subdivis6 en communes13. La << ville > comprend la partie cen- trale14. Elle n'a pas de maire 61u. Les vingt e maires , parisiens ne sont que des fonctionnaires relevant du pr6fet de la Seine, lequel dirige le gros de l'administra- tion. La population de la ville est cependant admise a 61ire un conseil municipal aux pouvoirs r6glementaires tres limit6s et qui, A son tour, se choisit un pr6sident aux fonctions d6coratives. Mais l'existence d'un conseil municipal a la tate d'un

noyau urbain aussi gros que la e ville ,> procure aux Parisiens un point d'appui solide pour leurs revendications a l'int6gration de la m6tropole frangaise et a son

auto-gouvernement'5. Les habitants de la capitale des Etats-Unis n'ont pas encore obtenu cet avantage.

Les campagnes pour l'auto-gouvernement du district de Columbia sont rest6es sans grand succes. Encore davantage que la frangaise, la capitale 6tatsunienne

marque du retard par rapport aux autres grandes villes vers son 6mancipation. Le Congres des Etats-Unis est la seule autorit6 16gislative et financiere de la

ville. Depuis le ler janvier 1878, l'autorit6 administrative 6tait exerc6e par un conseil de trois commissaires dont deux 6taient nomm6s sur une liste e civile >> par le Pr6sident des Etats-Unis et confirm6s dans leurs fonctions par le S6nat des Etats-Unis. Le troisieme commissaire 6tait d6tach6 par le Pr6sident du corps des

ing6nieurs militaires. Cette nomination est a rapprocher du fait que 43 pour cent de la superficie de Washington est en rues larges et en espaces d6couverts, ce qui au reste procure une grande beaut6 a la capitale.

En 1961, un vingt-troisieme amendement 't la constitution des Etats-Unis con- f6ra le droit de vote aux 61lections f6d6rales aux habitant du district de Columbia. Ce succes obtenu, les habitants du district firent approuver le principe d'une certaine

repr6sentation. En 1967, le Pr6sident gagna que le Congres passe un plan de

r6organisation num6ro trois, remplagant le conseil des trois commissaires par un maire et un conseil municipal de neuf membres. En principe, les membres de cette

municipalit6 repr6sentent les divers int6rets de la population. Mais le maire qui a le titre de commissaire est nomm6 sur avis et autorisation du S6nat par le Pr6sident, et les conseillers sont 6galement nomm6s par le Pr6sident.

Faut-il voir dans la r6pugnance du gouvernement des Etats-Unis ' donner l'auto-d6termination au district de Columbia le reflet d'une crainte des autorit6s expos6es aux manifestations dont la ville est souvent le th6Atre ?

Au Danemark, l'agglom6ration de Copenhague est si importante qu'il ne reste

pas beaucoup du pays 'a l'ext6rieur. L'agglom6ration reste donc divis6e en plu- sieurs communes. Mais, malgr6 cette politique administrative, il est arriv6 que la Cit6 de Copenhague"1 forme un gros noyau urbain qu'habite une portion consi- d6rable17 de la population de la r6gion et qu'elle a ' sa tete un conseil 61u qui peut parler, en fait sinon en droit, au nom des int6rets du grand Copenhague.

12Le d6partement est administr6 par un fonctionnaire de 1'Etat, le pr6fet. Un conseil 61u et dot6 d'un certain pouvoir r6glementaire l'assiste. 13La commune est g6ree par une municipalit6 lue. 14Soit une superficie de 87 km2, 'a laquelle il convient d'ajouter celle des bois de Boulogne et de Vincennes, soit 13 km2. 15Centre d'6tudes et de recherches 6conomiques, c Horizons et conjoncture

,, in extenso.

16Superficie : 84 km2. 17721,381 habitants en 1960 ; 678,072 en 1967.

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A en juger par les 16gislations au Canada, en Norvege, en Suede, aux Pays-Bas, en Belgique, en Autriche, en Italie ou au Japon, pour ne nommer que ces Etats, l'argument selon lequel une capitale nationale devrait &tre divis6e et soumise a un

contr6le strict est tomb6 en d6su6tudels ailleurs qu'en France, aux Etats-Unis et au Danemark. Les capitales sont de plus en plus soumises au r6gime administratif commun aux grandes villes de 1'Etat ofi elles se situent - quand ce n'est pas a un

r6gime de faveur.

B. ECHEC DES TENTATIVES DE LIMITATION DE CROISSANCE DES AGGLOMERATIONS Pendant de siecles et malgr6 les exemples offerts en diff6rentes r6gions du globe, les Europ6ens semblerent consid6rer qu'une ville ne saurait depasser une popula- tion de sept cent mille habitants. Lorsque certaines agglomerations allerent au delk de ce nombre, ils en tirerent de la gloire, mais aussi de l'effroi. Des urbanistes

pr6tendirent qu'il y avait une taille optimum des cit6s, mais les nombres d'habi- tants qu'ils proposaient se trouvaient toujours d6pass6s par la croissance des villes.

En Angleterre, Ebenezer Howard19, s'inspirant des tentatives d'industriels de

regroupement de leurs entreprises ' la campagne, exigea qu'on cr6e des cit6s-

jardins oi0 les employ6s pourraient travailler et se reposer loin des vastes centres

surpeupl6s et malsains. Le succes relatif de deux villages construits selon ses

principes, Letchworth et Welwyn Garden City, induisit Sir Patrick Abercrombie20 a proposer qu'on 6difie des villes neuves Ba une quarantaine de kilometres de l'ag- glom6ration de Londres et qu'on d6gageit cette derniere. 11 eut imm6diatement des imitateurs et en 1946 le Parlement britannique vota un acte sur les villes neuves.

Vingt furent fond6es qui, en 1964, absorbaient un total de 650,000 personnes21. En fait, ces soi-disant villes neuves et leurs imitatrices d'autres pays ne sont, A

regarder la carte, que les avant-postes du d6veloppement de grandes agglom6ra- tions dans le tissue desquelles elles s'ins6rent bient6t22. Leur succes d6pend en effet de la proximit6 de la grande ville23. I1 exige en outre que le gouvernement se livre a une politique impopulaire de blocage de la construction des logements dans les

grandes villes. R6sumant l'exp6rience su6doise, Eva Hamrin et Erik Wiren notent :

, Ces efforts n'ont... d'autre r6sultat que d'entrainer une aggravation continuelle

de la crise du logement dans les grandes villes, tandis que cette meme crise est pra- tiquement enrayee dans les petites agglomerations ,24.

C. DISPARITION DES AUTRES FREINS A L'AMALGAMATION Les habitants de certaines zones urbaines r6sistent ' l'amalgamation. Ils craignent que ne disparaissent la physionomie particulibre de leur municipalit6, certaines traditions ou certains genres de vie25.

18La division en quartiers et en arrondissements permettant la d6centralisation municipale et 1'expression locale n'est pas mise ici en cause. 19A Peaceful Path to Real Reform (1898); 6dition r6vis6e en 1902 sous le nom de Garden Cities of Tomorrow; r66dit6

' Londres en 1945. 20Greater London Plan (Londres, 1944). 21British Information Services in Canada, The New Towns of Britain (Londres, 1964), 4. 2211 y a de vraies villes neuves, mais elles restent rares, Chandigarh en Inde et surtout Brasilia au Br6sil. 23Voir l'attaque contre les villes satellites de Jane Jacobs, The Death and Life of Great American Cities (New-York, 1961). 24L'urbanisme en Sudde (Stockholm, 1964), p. 3. 25Certaine municipalit6 s'est meme prot6g6e d'une grille.

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Grandes villes, nations et empires 125

Nombreuses sont dans l'Ancien et meme le Nouveau Monde les villes-mus6es. Certaines semblent d61aiss6es des hommes hormis des touristes. Il y en a beaucoup et leur population varie de quelques milliers ta quelques dizaines de milliers d'habi- tants. Certaines sont arret6es dans leur progres par une lente catastrophe naturelle, comme Venise assi6g6e des eaux. D'autres souffrent des changements du commerce et des techniques, comme Visby, Avila, Carcassonne, encore corset6es dans leurs

remparts; ou comme Tolede la wisigothe, les petites villes f6odales du Achterhoek hollandais, les ports d6sert6s, les gares de chemin de fer et les a6roports26 aban-

donn6s; ou encore comme les villes fig6es depuis la Guerre de S6cession, ou comme Central City au Colorado et ces villes aux mines 6puis6es.

Mais bien d'autres villes-mus6es sont le coeur d'une grande agglom6ration, qu'il s'agisse de Kyoto27, de Qu6bec28 ou d'Anvers. A Londres, la Cit629 forme une unit6 e maints 6gards ind6pendante du Conseil du Grand Londres. Un effort a 6t6 accompli pour lui conserver jusqu'a aujourd'hui son ancienne constitution en

meme temps que ses pouvoirs en matiere de police, de justice, d'hygi&ne, de com- munications et en d'autres domaines. Les douze quartiers de la Cit6 forment l'au- torit6 scolaire de Londres-ville, ind6pendante des administrations scolaires locale du reste du Grand Londres30.

Ce dernier s'efforce de respecter les frontieres historiques des vingt bourgs parlementaires du comt6 de Londres31 et s'alourdit peu t peu des nombreuses

municipalit6s incorpor6es au < cercle externe ,> croissant32. I1 n'est pas question de modifier une seule des limites administratives historiques. Mais du mal vient le rem'de. Comme les petites unit6s administratives ind6pendantes les unes des autres ne peuvent r6soudre les problemes g6n6raux de l'agglom6ration, le gouvernement central qui se garde bien de toucher ' leurs existences et 't leurs limites, transfert

peu a peu les grands services au Conseil du Grand Londres. Celui-ci a ainsi requ comp6tence en matiere de planification a grande 6chelle, de grande infrastructure des voies, d'6gofits principaux, de grande collecte des d6chets et de leur disposition, de lutte contre les incendies et de service ambulancier.

Le cas anglais montre qu'il s'agit bien moins de d6fendre des fragments de villes

anciennes, que d'une attitude g6n6rale de refus du changement particulier ' une

soci6t6. L'Italie, pour sa part, ne craint pas de confier les restes d'un pass6 civique prestigieux

' de puissantes municipalit6s unifi6es comme Rome, Milan, Genes ou Florence. Il est vrai que le pr6fet provincial italien, arm6 du droit de veto et du droit de suspension, surveille 6troitement ses municipalit6s. La municipalit6 d'une ville comme Naples a elle-meme 6t6 suspendue de 1957 ' 1960. Mais les grandes

26Gander, a Terre-Neuve, par exemple, qui permettait le vol le plus court au dessus de 1'Oc6an Atlantique vers l'Europe. 27Y6fime, Japon (Paris, date incertaine). 28Louise Quesnel-Ouellet, 4 Regionalisation et conscience politique regionale : la communaut6 urbaine de Quebec v, in cette REVUE, IV, no 2 (juin 1971), 191-205. G. Morisset, Quebec et son evolution (Quebec, 1952). Aussi P. G. Roy, La ville de Qudbec sous le regime frangais (Que- bec, 1930). 29Superficie : 2,7 km2. 3soReprenant un certain nombre de recommandations de la 4 Royal Commission on Local Government D, Report (Londres, 1969), le c White Paper D (n 5 supra) propose d'organiser en Angleterre cinq zones metropolitaines charg6es de la planification, du transport et de l'ins- truction publique. Ces zones qui remplaceraient les divisions presentes seraient elles-m^mes divisees en districts. 81Le comt6 couvre une superficie de 30,3 km2, tr's inf6rieure a celle de la y ville de Paris . 32En 1961, le Grand Londres couvrait 187,000 km2.

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villes du nord et du centre savent comment s'en d6fendre et aussi comment passer par-dessus la tate de leur pr6fet33. En Suede, oii il n'y a plus de gouverneur pour surveiller la capitale, le municipalit6 stockholmoise unique choye sa vieille ville34 Au Japon, le vieux Kyoto et le vieux Tokyo 35ne semblent pas souffrir d'avoir 6t6 inclus dans de vastes juridictions m6tropolitaines. Les exemples abondent qui montrent qu'il n'existe aucune raison de vouloir prot6ger les r6gions historiques des villes par des administrations s6par6es. Mais il reste d'autres raisons pour lesquelles les habitants de certaines parties des m6galopoles refusent l'amalgama- tion administrative.

On peut penser que les citoyens des municipalit6s riches r6sistent ' 1'amalgama- tion. Ils risquent en effet d'etre impos6s plus lourdement et de ne retirer au con- traire que des services plus m6diocres. Mais il semblerait que les municipalit6s riches soient d'ordinaire pretes

' la fusion ou h l'incorporation. Les habitants d'une petite municipalit6 unilingue acceptent mal de passer dans

un plus grand ensemble oti ils auront a se servir d'une seconde langue officielle.

Montr6al36 pr6sente le cas d'une ville oti ces deux dernibres causes de refus

d'int6gration peuvent jouer simultan6ment. Mais Montr6al dont la cit6 rassemble le quart des 1lecteurs de la province de Qu6bec y est une puissance relativement consid6rable. A Bruxelles37, le poids des partis nationaux belges est venu peser dans le reglement de la question linguistique.

Enfin les 1lus des divers conseils et comit6s municipaux et les fonctionnaires des diverses municipalit6s savent qu'une r6organisation administrative unificatrice fait disparaitre un certain nombre de sieges et de postes et menace donc leur statut

personnel ou leur gagne-pain, quand il ne s'agit pas des deux ensemble. Graeme C. Moodie observe que c'est parce que le gouvernement britannique craint trop d'offenser les nombreuses personnes et organisations dont le prestige et l'amour- propre sont li6s ' 1'existence de petits bourgs vieillots ou de comt6s surann6s qu'il se refuse 'a supprimer ces subdivisions administratives encombrantes38.

Dans 1'ensemble, tous ces freins qui s'opposent '

l'amalgamation des m6galo- poles sont condamn6s ' c6der au bout de durees plus ou moins longues. Leur sup- pression acquise, il n'y a pas de retour en arribre. Les conseils municipaux des villes amalgam6es sont alors devenus de trop grands pouvoirs pour que les gou- vernements nationaux puissent normalement les r6duire. Au contraire, il y a

acc616ration de l'amalgamation. 33Norman Kogan, The Government of Italy (New-York, 1962), 158 et 159. 34D. Briindstrbm, B. Grimlund et L. Ricknell, Liin, landsting, kommun (Stockholm, 1970). 38N. Nouet, Histoire de Tokyo (Paris, 1961). 36Abb6 Norbert Lacoste, Les caracteristiques sociales de la population du Grand Montreal (Montreal, 1958) ; Department of Geography, McGill University, Montreal Population (Ottawa, 1961) ; S. Lieberson, Linguistic and Ethnic Segregation in Montreal (Ottawa, 1961) ; J. Henripin, Etude demographique des groupes ethniques et linguistiques au Canada (Ottawa, 1961) ; John Porter, The Vertical Mosaic : An Analysis of Social Class and Power in Canada (Toronto, 1965). C. Bertrand, Histoire de Montreal (Paris, 1935), 2 volumes ; R. Blanchard, L'ouest du Canada frangais, tome 1 : Montreal et sa region (Montr6al, 1953). Voir aussi L. Marchal, Les origines de Montreal-Ville-Marie, 1642-1665 (Montreal, 1942), et G. Lanctot, Montreal au temps de la Nouvelle-France, 1642-1760 (Montreal 1942). 37M. Gottschalk et autres, Bruxelles et son agglomeration (Bruxelles, 1959) ; A. Herme et A. Wauters, Histoire de la ville de Bruxelles (Bruxelles, 1958) ; L. Verniers, Bruxelles et son

agglomdration de 1830 a nos jours (Bruxelles, 1958) ; J. Brazeau, Essai sur la question linguistique en Belgique (Ottawa, 1961), et Centre de recherche et d'information socio-poli- tique, Le bilinguisme et le biculturalisme en Belgique (Ottawa, 1961). 38The Government of Great Britain (New-York, 1961), 154.

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Grandes villes, nations et empires 127

D. L'ACCELERATION DE L'AMALGAMATION DES MEGALOPOLES Aussit6t que la grande ville a obtenu de s'exprimer par le truchement d'un conseil 61u, elle intervient activement pour obtenir le rattachement 'a son territoire de toute la zone urbaine qui 1'entoure et pour accroitre ses comp6tences et son acti- vit6. Elle y est pouss6e pour des raisons financieres : le contribuable qui utilise les services du centre urbain 6tait tax6 par une municipalit6-dortoir et ne lui apportait done pas son obole39. Elle y est pouss6e par les avantages pratiques qu'elle d6couvre 'a l'amalgamation, et par l'accroissement en prestige et en pouvoir que son gouvernement retire de l'augmentation de sa puissance40.

A l'exception de Washington, DC, toutes les grandes villes disposent d'un conseil 61u. Leurs agglom6rations peuvent &tre hach6es en municipalit6s distinctes, en arrondissements, en quartiers. Toutes disposent d'un coeur historique, certain de sa mission, appuy6 d'un nombreux 61lectorat, et stir de parler au nom de l'agglom6- ration toute entiere.

Les interlocuteurs du conseil municipal 61u d'une < cit6 > de m6galopole, ou du conseil r6gional, provincial, de pays ou cantonal 61u par une grande agglom6ra- tion, sont de plus en plus dispos6s a faire droit ' ses demandes. De nos jours, en effet, un nombre grandissant de parlementaires provient de circonscriptions ur- baines. Bient6t, ce sera le cas de presque tous. Les ministres travaillent avec des fonctionnaires 6lev•s dans les villes et y vivant. Les ~1Pcteurs sont des citadins. Il en r6sulte que les gouvernements deviennent de plus en plus aptes

' comprendre

les besoins des habitants des villes et de plus en plus prats a satisfaire leurs deman- des. Ils prendront les initiatives de r6organisation municipale eux-memes et 6cou- teront de moins en moins ceux qui chercheront 'a les 6carter des solutions de

r6gionalisation. La Norvege offre le cas d'un pays d6ji entirement conquis au point de vue des

villes. La raison en est que les Norv6giens se battirent d'abord pour leur ind6-

pendance municipale qu'ils obtinrent apres des luttes acerbes en 1837, bien avant leur ind6pendance nationale qui ne fut conquise qu'en 1905. Tout comme les Italiens, ils ne mettent aucun frein a la taille de leurs municipalit6s. En outre, ils

proc6dent avec vigueur a l'amalgamation41 afin de constituer des municipalit6s bien desservies et vigoureuses. Une telle attitude, fond6e encore pour partie sur une tradition historique inverse de la frangaise ou de l'anglaise, mais de plus en

plus bas6e sur l'urbanisation, grandit dans les soci6t6s industrielles avanc6es. Des 1919, la Suede s'est dot6e d'une loi permettant les changements de limites

entre municipalit6s et en particulier les incorporations. La condition exig6e au

changement est soit un avantage substantiel pour l'administration locale, soit une r6duction ou une 6galisation des charges locales, soit la promotion 6conomique du district, soit tout autre motif d'utilit6. Le cabinet national ou les habitants du secteur int6ress6 demandent ' un conseil 6tabli ' cet effet une enquete. Celle-ci achev6e, le cabinet se prononce par d6cret. Il n'est plus besoin d'appel au 16gisla-

39R. M. Burns, c Government in an Urban Society v. 40Comparer Montesquieu, L'esprit des lois (1748) sur le pouvoir. Pour des cas particuliers, lire : Robert Rumilly, Histoire de Montreal (Montreal, 1970) ; Sayre et Kaufman, Governing New York City; H. M. Mayer et R. C. Wade, Chicago: Growth of a Metropolis (Chicago, 1970) ; J. Bastie, Paris en l'an 2000 (Paris, 1964) ; G. Chevallier, Lyon 2000 (Paris, 1958), etc., et surtout C. Moindrot, Villes et campagnes britanniques (Paris, 1967). 41De 1960 ' 1966, le nombre des municipalit6s a 6t6 r6duit de 750 ' 460. Egil Tveteras, direc- teur, The Norway Year Book 1967 (Oslo, 1966), 78.

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teur comme il est encore tres courant en Amerique du Nord et en autres endroits. La reconnaissance de l'unit6 de l'ensemble urbain, quels qu'en soient les d6cou-

pages administratifs, pousse '

simplifier les procedures d'amalgamation. II arrive maintenant que des gouvernements comme ceux de l'Ontario42, du Qu6bec43 ou de la France provoquent I'unification administrative de territoires urbanis6s et de territoires promis A l'urbanisation en cr6ant des r6gions.

En de nombreux pays, l'unit6 urbaine ne connait plus d'interm6diaire dans ses

rapports avec les gouvernements. Il est mal pratique qu'une unit6 administrative interm6diaire s'immisce entre une grande ville et un gouvernement national. Les

questions a regler sont ' la fois trop importantes et trop nombreuses. Les circuits

trop longs irritent les habitants. Au Japon, Tokyo, Osaka et Kyoto ont rang de

d6partement. En Allemagne de 1'Ouest, Berlin-Ouest, Hambourg et Breme sont des 6tats feddr6s ; aussi la r6gion urbanis6e de la Rurh sous le nom de Rh6nanie-

Westphalie44. Aux Pays-Bas, la province de Hollande m6ridionale n'est aussi

qu'une seule m6galopole malgr6 ses villes historiques45. En Autriche, Vienne a le statut d'une province. En Angleterre, le Grand Londres 6merge avec un statut

unique. En Suede, Stockholm est la premiere des pays. Au Canada, la population de la province de Colombie-Britannique correspond largement 'a celle des agglom6- rations de Vancouver et Victoria ; 1'immigration s'est faite et continue 'a se faire directement vers ces deux villes sans ou presque sans &tape rurale. En ce sens, cette province est une grande ville.

Les structures f6d6rales peuvent gener ces processus. Ainsi la population du canton de Zurich commence ' se r6pandre dans des cantons voisins jaloux de leur

ind6pendance. Ainsi en Amerique du Nord oti les municipalit6s sont du ressort des provinces ou des 6tats locaux, les besoins en argent des grandes villes les ont conduits ' chercher a lier des rapports de plus en plus 6troits avec les gouverne- ments f6d6raux et ceux-ci ont r6pondu a ces avances en cr6ant des ministeres du

logement et du d6veloppement urbain46. Les carrieres d'administrateurs municipaux gagnent en prestige. Elles avaient

toujours servi de tremplin aux carrieres proprement politiques47. Mais il est frap- pant qu'en Europe continentale les d6put6s s'enorgueillissent du titre de maire d'une grande ville. Le maire de New-York est aussi naturellement candidat a la

42Voir les chapitres redig6s par N. H. Lithwick, Gilles Paquet, Harold Kaplan et D. C. Rowat in N. H. Lithwick et Gilles Paquet, Urban Studies: A Canadian Perspective (Toronto, 1968), et ceux redig6s par D. DelGuidice et S. M. Zacks, A. Rose, F. Smallwood, The Ontario Com- mittee on Taxation et J. S. Dupre in Lionel D. Feldman et Michael D. Goldrick, Politics and Government of Urban Canada (Toronto, 1969). 43Quesnel-Ouellet, c R6gionalisation et conscience politique r6gionale . 44D'une superficie de 34,039 km2, ce pays comptait en 1968 une population de 17 millions d'habitants. Munich d6pend encore d'un pays. Jean Peynichou, L'administration d'une grande ville allemande : Munich depuis 1945 (Paris, 1961), these dactylographiee. 45D'une superficie de 2,840 km2, la Hollande meridionale comptait 2,9 millions d'habitants en 1968, autour des agglomerations de Rotterdam et de La Haye. 46Feldman et Goldrick, Politics and Government of Urban Canada, 172 et 173. Aussi Ad-

visory Commission on Intergovernmental Relations, Metropolitan America Challenge to Federalism (Washington, DC, 1966); Roscoe E. Martin, The Cities and the Federal System (New York, 1965) ; Robert H. Connery et Richard H. Leach, The Federal Government and

Metropolitan Areas (Cambridge, Mass., 1960). 47Voir par exemple Guy Bourassa, c Les e1ites politiques de Montreal : de l'aristocratie

' la d6mocratie

,, in Revue canadienne d'economique et de science politique, xxxI, no 1 (fev.

1965), 35-51.

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pr6sidence des Etats-Unis que le maire de Montr6al h la chefferie d'un des princi- paux partis politiques du Canada. Bien plus, les administrateurs municipaux ar- rivent a consid6rer qu'ils sont arriv6s au sommet de la carriere politique. Le gouverneur 61u de Tokyo prend rang imm6diatement derriere le cabinet nippon.

Le prestige n'est d'ailleurs pas le seul gain d'une victoire municipale. Les traite- ments et les prestations accord6es aux 61us des grandes villes se comparent de mieux en mieux 'a ceux attribu6s aux d6put6s et aux ministres48. Etre maire, gou- verneur, 6chevin ou conseiller ne comporte pas les obligations astreignantes de multiples voyages entre une circonscription et la capitale, ni les frais de deux r6sidences.

Les taches elles-memes ont un double aspect de d6fi et de concret que les taches parlementaires ne comportent pas toujours, ni avec la meme intensit6.

Prestige, prestations, taches attirent a la direction des m6galopoles des hommes de premier plan.

Atteignant le seuil de la puissance, bien dirig6s et ayant des problmes consid6- rables insusceptibles d'attendre une solution trop longtemps, les m6galopoles disposent de toutes les armes de pouvoirs politiques jeunes.

II. La resurrection des cites

A. CARACTERE RURAL DES CARTES POLITIQUES

Lorsque l'on regarde une carte politique ou administrative, l'on y distingue des surfaces limit6es par des traits ou des pointill6s, et souvent recouvertes de couleurs unies. On dirait des petits champs plac6s les uns a c6t6 des autres. Et ce sont bien des champs, mais un peu plus grand que ceux des agriculteurs. C6te 'a c6te, on peut s6parer sur la carte le champ d'une commune du champ d'une autre, le champ d'une province du champ d'une autre, le champ d'un Etat du champ d'un autre. Autrement dit, les cartes administratives et politiques sont de conception rurale.

Toute autre carte des activit6s humaines contemporaines pr6sente l'aspect de gros nceuds ramifi6s solidement a des r6seaux de noeuds secondaires. En dehors de ces amas, l'humanit6 se fait rare. L'occupation continue du sol, encore la regle au d6but du vingtieme siecle, a c6d6 le pas ti des concentrations d'hommes, entou- r6es d'6tendues vides. Autrement dit, la carte administrative et politique est d6mod6e.

L'urbanisation des soci6t6s industrielles avanc6es est maintenant un fait accom- pli. Entre de vastes m6galopoles oui les hommes s'agglutinent a des densit6s vari6es, s'6tendent des d6serts oii jadis se cotoyaient villages, hameaux et fermes. La trame humaine continue des nations traditionnelles n'existe plus. Des vides s6parent les communaut6s.

II peut sembler 6trange que la carte politique n'enregistre pas encore ce passage de la vie rurale a la vie citadine que le d6mographe ou le tacticien militaire con- siderent comme accompli. La raison en est sans doute, comme l'expliquait Walter Bagehot, que les hommes et les groupes d'hommes vivent simultan6ment i plu- sieurs &ges diff6rents. Le d6placement physique des hommes au cours des dernibres d6cennies ne signifie pas n6cessairement l'adaptation ou le renouvellement des insti-

48Les membres du conseil de ville de Stockholm ont des traitements sup6rieurs a ceux des ministres de la couronne.

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tutions, des concepts, des mythes et des symboles de la politique. Il1 existe toujours un retard d'adaptation, bien connu des anthropologues et des psychologues, lors- que des changements de mode de vie surviennent.

Il est difficile de dire quelle sera la soci6t6 de demain. En politique, les visions d'un Karl Marx et d'un Alexis de Tocqueville, puis d'un Aldous Huxley et d'un Georges Orwell ont servi ou servent encore pour les uns de guides, pour les autres de cauchemars a 6carter. La m6thode de ces 6crivains a consist6 ' faire des pro- jections dans le futur a partir de l'exp6rience du pass6 et de ce qu'ils connaissaient dans le pr6sent. Sans doute, beaucoup de ce qui existe dans la soci6t6 industrielle avanc6e pr6sente demeurera, ainsi qu'il en fut dans le pass6. La nature de l'homme reste identique. Institutions et symboles conserveront leur utilit6, meme si "

l'avenir cette utilit6 devenait diff6rente de ce qu'elle est aujourd'hui.

Si notre civilisation est devenue de rurale urbaine, si le pouvoir monte vers des municipalit6s m6tropolitaines, n'est-il pas permis de tenter une extrapolation politique au fond toute semblable a celle du statisticien qui 6tudie une courbe et ses variables ? De la carte, certains traits nouveaux semblent se d6tacher. Sans sous- estimer le risque de se tromper, on peut tenter de les r6unir pour se repr6senter ce qui pourrait bien devenir l'image politique de la soci6t6 des grandes villes g6antes.

Pour formuler correctement l'hypothese qui traverse l'esprit, il convient de se souvenir que ce qui est aujourd'hui consid6r6 comme du donn6 social ne l'a pas toujours 6t6 n6cessairement. Les auteurs qui ont 6tudi6 les concepts de nation et de nationalisme s'accordent a les consid6rer comme des ph6nomenes historiques et non comme des attributs permanents de la soci6t6. Or un regard neuf sur ces con- cepts dominants aux moments des balbutiements de la soci6t6 industrielle peut peut-etre aider a comprendre ce qui arrive " la carte de cette soci6t6 dans son stade avanc6.

B. RECUL DE LA NATION-ETAT ET DU NATIONALISME

Nation et nationalisme sont apparus en Europe de l'Ouest sur les d6bris d'une universalit6 chr6tienne achevant de contenir l'expansion de l'empire musulman. Ces deux concepts ont triomph6 au dix-huitieme et dix-neuvibme siecles, princi- palement dans les soci6t6s de souche europ6enne. Au vingtieme siecle, la r6sistance opiniatre des Vietnamiens, la cr6ation d'Israel, la multiplication d'autres nouveaux Etats, d'autres exemples encore, prouvent la force de ces concepts dans les r6gions encore relativement peu industrialis6es et urbanis6es. Mais la contre-6preuve existe-t-elle 1l oui urbanisation g6ante et industrialisation avanc6e sont pr6sentes ? On peut en douter.

Nations-Etats et nationalisme n'on jamais 6t6 les seuls acteurs de la scene poli- tique. En 1871, en pleine Europe des nationalismes, Bismarck renvoya

' Thiers

les soldats frangais faits prisonniers, afin d'6craser au plus vite le mouvement de la Commune qui pouvait s'6tendre de Paris. Dans la meme Europe, Henri Dunant et la Croix-Rouge obtinrent l'humanisation des guerres. En 1917, a l'instigation des marxistes, les troupes du tsar refusbrent de continuer le combat et entrainbrent les r6giments des Empires centraux, provoquant le trait6 de Brest. En 1918, la r6volution communiste se r6pandant vers l'ouest, les gouvernements signbrent l'armistice sans attendre l'issue d6finitive des batailles. En 1941, alors que les

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Allemands envahissaient l'Union Sovi6tique, les communistes de tous les ter- ritoires qu'ils occupaient passerent a la r6sistance.

Sur un autre plan, la plupart des nations-Etats de l'Europe avaient 6galement 6t6 des m6tropoles coloniales jusqu'aux annees cinquante. L'Europe est rest6e flan- qude A l'est de l'hMritiere de l'Empire Romain d'Orient, la Russie devenue l'Union Sovi6tique. A partir de 1949, rebiti par des communistes, l'empire chinois regit une fraction consid6rable de l'humanit6. Enfin, a l'ouest, beaucoup considerent les Etats-Unis d'Amerique comme un autre empire. Or seuls peuvent aujourd'hui exiger l'inviolabilit6 de leur souverainet6 les trois Etats dont beaucoup doutent qu'ils soient des nations au sens traditionnel, les Etats-Unis, l'Union Sovi6tique et la Chine. C'est pourquoi les habitants d'Etats de l'Europe occidentale cherchent a sortir du nationalisme pour trouver une unit6 europeenne. A leur instar, d'autres peuples ont 6veill6 ou reveill6 des mouvements comme le pan-islamisme et le pan- arabisme, le pan-africanisme ou l'hispanit6, ce qui montre l'importance de la question.

La nation-Etat demeure le cadre de nombreuses activit6s politiques, mais la souverainet6 tend a lui 6chapper, le pouvoir grandissant des m6galopoles la mine, et son existence est en question principalement chez les peuples techniquement les plus avanc6s.

L'int6rrt th6orique et pratique de l'6tude des f6d6rations, des conf6d6rations et des empires augmente de maniere significative49.

Si le cadre de la nation-Etat peut &tre mis en doute en ce qui concerne les peuples industriellement avanc6s, il y aurait interet ' examiner non seulement les cadres de la f6d6ration, de la conf6d6ration et de l'empire, mais encore celui de la grande ville5o. Le premier argument pour ce faire est le caractere urbain de notre civilisa- tion. Mais il n'est pas le seul.

Ni la nation-Etat ni 1'empire ne paraissent capables de procurer aux citoyens la s6curit6. Ils ne peuvent plus fournir la s6curit6 militaire. Les pr6sidents Ken- nedy, Johnson et Nixon ont carrement d6clar6 au peuple des Etats-Unis, la plus grande puissance nucl6aire au monde, qu'ils ne pouvaient pas le d6fendre contre une attaque provenant de l'Union Sovi6tique. Et la r6ciproque est vraie pour le peuple sovi6tique. L'issue d'une grand guerre serait le g6nocide universel. Les hommes et les ressources affect6es "a ce qu'on nomme euph6miquement la d6fense nationale le sont en pure perte. Seules restent de quelque utilit6 de petites forces de police internationale du type canadien. Point n'est besoin d'un Etat, encore moins d'un empire, pour entretenir de telles forces.

Les grandes armees doivent convaincre constamment leurs gouvernements de leur n6cessit6 afin d'en obtenir des ressources. Ceci les force "a brandir le spectre des forces menagantes d'un ennemi, et donc a entretenir le risque de conflagration mondiale. Mais la compr6hension grandissante de l'inutilit6 des vastes arm6es et la pression populaire grandissante minent l'obligation du service militaire. Or la conscription est a la base de la propagande nationale ou imp6riale car elle met

49Le principal sujet de discussion au congres de 1'Association internationale de science politique a Geneve en 1964 fut le federalisme. Le nombre des ouvrages traitant du fed&- ralisme, du conf6d&ralisme et de 1'empire croit. 50Ce n'est probablement pas un hasard que les 6tudes urbaines aient pris leur place dans les 6coles et d6partements de science politique, et y prosperent.

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entre les mains des militaires la jeunesse. Abolie la grande arm6e permanente, le gouvernement perd l'une de ses fonctions principales.

C. LA MONTEE DU POUVOIR URBAIN

Le v6ritable problme de la s6curit6 se trouve dans les grandes villes. Comme Hobbes jadis, le citoyen d'aujourd'hui se sent menac6 dans ses biens et dans sa vie. II a un urgent besoin de protection. Ce besoin se situe 1l meme oh il habite. Son probleme est imm6diat, au niveau municipal. II 61it ceux qui lui promettent l'ordre. Ces derniers, soutenus et pouss6s par leurs commettants, doivent exiger plus de ressources et donc plus de pouvoirs, plus d'argent et plus d'hommes pour r6tablir la s6curit6 dans la rue et les maisons.

Un autre 616ment important de la nouvelle soci6t6 est le maintien de la pros- p6rit6. Mais la prosp6rit6 de Toronto n'est pas celle de Montr6al, ni celle de Zurich celle de Munich. Des questions comme celles de la promotion industrielle et com- merciale sont locales. Les chambres de commerce et les bourses du travail ne le laissent pas ignorer.

En revanche, les grandes corporations transcendent les Etats. Communications, circulation, transport public, urbanisme, logement, avitaille-

ment, hygiene publique, pour ne nommer que quelques problimes, ne se traitent pas dans l'abstrait, mais sur place, la oui peut agir une municipalit6. Et pour agir, il lui faut obtenir les pouvoirs et les ressources dont elle ne dispose pas encore.

RI en est de meme pour l'organisation des grands services comme les h6pitaux ou l'instruction publique. Leur base est territoriale, la grande ville. Les raisons pour transf6rer aux grandes villes les services de s6curit6 sociale et de bien-etre ne

manquent pas et d6ji des pressions existent en ce sens. Les int6rets des 6diles et des citoyens poussent donc a renforcer davantage les

pouvoir de la grande ville, au d6triment de ceux du gouvernement. De plus, ils sont fiers d'appartenir

' la Ville. Sans attendre un nouveau trac6 des limites du grand Paris, I'habitant de Neuilly, de Montreuil ou de Pontoise se proclame parisien. II en est de meme 't Toronto, Philadelphie ou Copenhague. I1 n'a pas fallu attendre les cartes des compagnies de transport aerien pour que les references donn6es par les gens deviennent une s6rie de points sur le globe, les grandes villes, au lieu des territoires du temps d'une civilisation rurale. La chanson, la po6sie, le film, le livre, les revues et les journaux, les monuments, les symboles glorifient la Ville.

Chacune des grandes cites a une physionomie particulikre que ses habitants cul- tivent avec d6lice. Cette fiert6 s'appelle le civisme. Elle s'alimente exactement aux memes sources psycho-sociales que le nationalisme51. Elle peut donc atteindre B la meme force.

Pour proclamer son civisme, mais aussi pour exprimer ses revendications, chaque grande ville a sa presse, sa radio et sa t616vision. Ces moyens a vocation universelle n'ont jamais oubli6 qu'ils avaient des racines locales. En r6alit6, les

grands journaux sont lus 1t oix ils sont imprim6s ; les 6missions de radio et de

t616vision sont capt6es aupris des postes d'6mission. Ces racines locales pourraient bien devenir plus profondes encore. La diminu-

51Henri de Man, Au deld du nationalisme (Geneve, 1946), 143-55; Robert Ardrey, The Territorial Imperative (New York, 1966).

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tion de la n6cessit6 de d6m6nager pour trouver un salaire52 ou pour accroitre un salaire existant53 et les tendances sociales nouvelles oppos6es

' la limitation de la

famille au pere, ta la mare et aux jeunes enfants encore non autonomes, devraient stimuler la fixation des individus issus d'une meme souche dans la meme m6ga- lopole.

Des 61lites urbaines sont constitu6es, fonctionnaires, politiciens, hommes d'af- faires, syndicalistes et autres, dont le poids et donc l'int6ret augmentent de pair avec la taille et les pr6rogatives de la municipalit6. Plus elle contr6lera de banlieues, plus elle taxera, plus elle emploiera de fonctionnaires, plus grandes seront la gloire et la puissance de ces 61lites.

L'unification administrative est donc en train de conf6rer aux 61us de la m6galo- pole une puissance consid6rable par le nombre d'hommes et de moyens rassembl6s sous leur autorit6. Il n'existe qu'une quarantaine d'Etats qui d6passent en popula- tion les m6galopoles d'une dizaine de millions d'habitants. Encore moins d'Etats rivalisent avec leurs moyens financiers, intellectuels et techniques.

Il est probable que l'achevement du mouvement d'urbanisation conjugu6 avec le freinage de la natalit6 entraineront bient6t un arr&t de la croissance des m6galo- poles. Mais un monde politique diff6rent en ressortira, domin6 par les grandes villes.

Le pouvoir politique traditionnel des pays hautement industrialis6s a de moins en moins le contr6le des grandes villes et certaines de cellks-ci, sinon toutes, pour- raient lui 6chapper. Toutes proportions gard6es, la relation entre les gouverne- ments et les municipalit6s d'aujourd'hui ressemble ta celle de la fin du Moyen Age en Europe. Les villes retrouvaient alors leur prosp6rit6. Les seigneurs et les rois qui y voyaient un profit ne purent pas toujours maintenir les villes sous leur con- tr61le. En t6moignent les quatre siecles d'ind6pendance de la Ligue hans6atique, la gloire de Genes54 et celle de Venise55 jusqu'en plein dix-huitieme siecle et la r6sistance des cantons suisses. Les princes qui r6ussirent le mieux dans leurs rela- tions avec les villes furent ceux qui avaient trouv6 exp6dient de d616guer aux bour- geois l'administration d61icate de leurs communaut6s et qui coop6rerent avec eux ' leur prosp6rit6 dont ' leur tour ils tiraient un b6n6fice non exag6r6. Des paral- lles semblables peuvent 6tre tir6s en d'autres parties du monde. Les empires de l'histoire qui se montrerent b6nins envers leurs villes furent ceux qui en tirerent le meilleur avantage.

Conclusion

Il ne faudrait sans doute pas tirer argument de l'ind6pendance de la ville de Singa- poure56 depuis 1965. Des circonstances particulieres ont jou6. Les grandes villes d'Am6rique du Nord commencent ' demander at tre parties ta une r6vision des

52Existence de revenus de compensation. 53lmportance sociale diminuee du salaire dans la soci&t6 d'abondance. 54J. Heers, Genes au 15e siecle (Paris, 1961); M. A. Brigadin, Histoire des republiques mari- times italiennes, Venise, Amalfi, Pise, Genes (Paris, 1955). 55F. Thiriet, Histoire de Venise (Paris, 1960); A. Bailly, La Serednissime RWpublique de Venise (Paris, 1946); P. Monnier, Venise au 18e siecle (Paris, 1907 et 1960); Brigadin, ibid. 56P. Fisti6, Singapour et la Malaisie (Paris, 1960).

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134 J.E. HAVEL

constitutions f6derales et a vouloir d6placer des limites qui ne sont plus simple- ment administratives. Dans quelle mesure le nationalisme queb6cois ne d6bou- chera-t-il pas sur un civisme grand-queb6cois ou grand-montr6alais ? Jusqu'oii en Am6rique du Nord ira la % National League of Cities >? L'Europe des nations semble sur le point de c6der le pas a une Europe des cit6s. Qu'adviendra-t-il lorsque la population sovi6tique aura achev6 sa r6volution urbaine ? Ce ne sont que quel- ques-unes des questions qui se posent devant un nouveau type d'acteur politique qui promet de devenir fort important. En tout 6tat de cause, les Etats auront A c6der du pouvoir aux grandes villes.

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