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Bilten Enfomasyon n° 21 mars 2016 COMPTE-RENDU SEJOUR AU FOYER NOTRE DAME DE LOURDES Catherine LOGEZ - du 17 au 20 février 2016 Premières impressions Mardi 16 février 2016, Quatre ans après mon premier voyage en Haïti, au foyer Notre Dame de Lourdes à Croix-des-Bouquets, me voici à la tombée de la nuit, dans cette ruelle, face au nouveau foyer. Je vais y retrouver derrière cette énorme porte métallique les enfants installés là depuis bientôt 3 ans. Une autre expérience comparée à la vie « familiale » découverte en 2012 dans la grande maison de Maud Laurent où ils vivaient tous auparavant. Certes à travers les innombrables photos des bénévoles canadiens et américains, je connais déjà ce que mes yeux vont découvrir … mais la nuée d’enfants qui accourt à notre arrivée m’étreint et me lance sans ménagement dans ces nouvelles rencontres. A peine le temps de saluer et remercier les amis de Jacmel qui m’ont accompagné jusqu’ici et me voici installée dans le réfectoire avec les petits sur les genoux. Je reconnais des visages, des prénoms me reviennent. Certains se rappellent bien de Madame Catherine (forcément je prends un coup de vieux !). Tatie Jo et Michèle m’accueillent, Maud Laurent la directrice n’est pas encore rentrée d’une réunion ; cela me laisse le temps de me poser, de redécouvrir ces enfants que je sens déjà à la recherche de contacts. Mes valises sont prestement montées au-dessus du réfectoire dans les chambres des bénévoles. Je dormirai sous les panneaux solaires mais aussi sous la moustiquaire ! La découverte en détail du foyer se fera le lendemain, il fait nuit noire et les enfants disparaissent au lit après la prière et les chants auxquels j’assiste au réfectoire. Les plus grands amènent avec eux un ou deux petits, ils s’occuperont de les coucher … environ 120 enfants sous le même toit oblige forcément à la solidarité et à l’entraide. Je retrouve Maud comme si je l’avais quitté la veille, toujours souriante, les bras prêts à m’accueillir et à retrouver aussi Samuel, l’un des trois petits, qui se languissait de sa maman Maud. Les journées seront chargées, entre les participations aux réunions avec Maud à Port au Prince et donc les interminables trajets dans les blocus de la capitale les visites au Restaurant en plein démarrage, les virées avec Ariane chez les Boss-Métal (quel négociateur !) et les moments plus tranquilles avec les enfants et les jeunes après l’école. Le dialogue avec les plus grands n’est pas toujours évident mais quand il est amorcé, je sens poindre dans leurs paroles de réelles inquiétudes sur leur avenir et beaucoup de questions en tout genre. Mais n’est-ce pas les interrogations de tous les adolescents au monde ? Ils ont la chance et ils en ont conscience d’être scolarisés sur place ou dans les collèges et lycées environnants. Ils mettent beaucoup d’espoir dans leurs études pour se construire un avenir. En revanche, il ne m’a pas été facile de discuter avec les jeunes filles, à part Marie-André que j’ai senti en recherche de contact. Il faut dire aussi et là l’Européenne soucieuse de l’égalité homme/femme pointe le bout de son nez ! qu’après les cours, elles sont très occupées en cuisine, lessive, gestion des petits. Certes, les garçons aident sur d’autres taches mais la répartition selon le « genre » est présente. Il faut le prendre comme une facette de la vie haïtienne et ne pas chercher à le changer avec nos principes d’égalité des sexes. Grandir en Haïti

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Bilten Enfomasyon n° 21 – mars 2016

COMPTE-RENDU SEJOUR AU FOYER NOTRE DAME DE LOURDES

Catherine LOGEZ - du 17 au 20 février 2016

Premières impressions

Mardi 16 février 2016,

Quatre ans après mon premier voyage en Haïti, au foyer Notre Dame de Lourdes à Croix-des-Bouquets, me voici à la tombée de la nuit, dans cette ruelle, face au nouveau foyer. Je vais y retrouver – derrière cette énorme porte métallique – les enfants installés là depuis bientôt 3 ans.

Une autre expérience comparée à la vie « familiale » découverte en 2012 dans la grande maison de Maud Laurent où ils vivaient tous auparavant. Certes à travers les innombrables photos des bénévoles canadiens et américains, je connais déjà ce que mes yeux vont découvrir … mais la nuée d’enfants qui accourt à notre arrivée m’étreint et me lance sans ménagement dans ces nouvelles rencontres. A peine le temps de saluer et remercier les amis de Jacmel qui m’ont accompagné jusqu’ici et me voici installée dans le réfectoire avec les petits sur les genoux.

Je reconnais des visages, des prénoms me reviennent. Certains se rappellent bien de Madame Catherine (forcément je prends un coup de vieux !). Tatie Jo et Michèle m’accueillent, Maud Laurent la directrice n’est pas encore rentrée d’une réunion ; cela me laisse le temps de me poser, de redécouvrir ces enfants que je sens déjà à la recherche de contacts.

Mes valises sont prestement montées au-dessus du réfectoire dans les chambres des bénévoles. Je dormirai sous les panneaux solaires mais aussi sous la moustiquaire !

La découverte en détail du foyer se fera le lendemain, il fait nuit noire et les enfants disparaissent au lit après la prière et les chants auxquels j’assiste au réfectoire. Les plus grands amènent avec eux un ou deux petits, ils s’occuperont de les coucher … environ 120 enfants sous le même toit oblige forcément à la solidarité et à l’entraide.

Je retrouve Maud comme si je l’avais quitté la veille, toujours souriante, les bras prêts à m’accueillir et à retrouver aussi Samuel, l’un des trois petits, qui se languissait de sa maman Maud.

Les journées seront chargées, entre les participations aux réunions avec Maud à Port au Prince – et donc les interminables trajets dans les blocus de la capitale – les visites au Restaurant en plein démarrage, les virées avec Ariane chez les Boss-Métal (quel négociateur !) et les moments plus tranquilles avec les enfants et les jeunes après l’école.

Le dialogue avec les plus grands n’est pas toujours évident mais quand il est amorcé, je sens poindre dans leurs paroles de réelles inquiétudes sur leur avenir et beaucoup de questions en tout genre. Mais n’est-ce pas les interrogations de tous les adolescents au monde ? Ils ont la chance – et ils en ont conscience – d’être scolarisés sur place ou dans les collèges et lycées environnants. Ils mettent beaucoup d’espoir dans leurs études pour se construire un avenir.

En revanche, il ne m’a pas été facile de discuter avec les jeunes filles, à part Marie-André que j’ai senti en recherche de contact. Il faut dire aussi – et là l’Européenne soucieuse de l’égalité homme/femme pointe le bout de son nez ! – qu’après les cours, elles sont très occupées en cuisine, lessive, gestion des petits. Certes, les garçons aident sur d’autres taches mais la répartition selon le « genre » est présente. Il faut le prendre comme une facette de la vie haïtienne et ne pas chercher à le changer avec nos principes d’égalité des sexes.

Grandir en Haïti

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Dans le vif du sujet

L’école fondamentale et le Kindergarten :

J’ai assisté avec Jean Claude Ernest, le frère de Maud et directeur de l’école, à l’entrée en classe des élèves. Nous visiterons ensuite chacune des classes, où les enfants à chaque fois me souhaiteront la bienvenue et me chanteront la chanson composée au foyer sur les risques naturels (séisme, cyclone, …) et les comportements à adopter – ils sont prêts en espérant ne pas avoir à mettre en œuvre ces gestes.

Entre le Kindergarten et l’école Fondamentale, le foyer compte 7 classes, toutes avec des doubles niveaux. Michèle, qui vit durant la semaine au foyer, gère le Kindergarten. Il y a 6 professeurs salariés dont actuellement 2 jeunes hommes du foyer, Frandy Deshommes et Felendo Lorema, dit Bebeto qui enseignent depuis quelques mois ici en attendant de reprendre une formation professionnelle fin février.

Frandy et Bebeto sont parrainés par des adhérents de Grandir en Haïti depuis l’époque du foyer Kay Pa Nou en 2004. Nous les suivons depuis leur jeune âge et c’est une grande fierté et un aboutissement pour notre association de voir ces jeunes travailler, qui plus est au sein du foyer. C’est pour eux l’occasion de mettre un premier pied dans le monde du travail, après une formation d’enseignant dispensée par l’ONG Terre des Hommes.

Le foyer fait aussi appel à des professeurs de dessin, musique et couture.

Bebeto Frandy

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La formation professionnelle :

Certains jeunes ont bénéficié de formations professionnelles dispensées par l’ENAM de Port-au-Prince – Ecole Nationale des Arts et Métiers – en mécanique, maçonnerie, plomberie ou hôtellerie. Certains ont terminé leurs cursus et ont trouvé un travail, c’est le cas d’Adina d’Or qui travaille comme maçon sur un chantier à Port-au-Prince.

Le secteur de la construction est en plein essor à Port au Prince et des formations comme la Structure métallique ou la Maçonnerie chainée sont porteuses de débouchés. Le foyer Notre Dame de Lourdes a pu intégrer un nouveau dispositif de l’ONG Terre des Hommes qui s’est engagée à financer une formation accélérée sur environ 7 mois dans ces disciplines pour 18 jeunes gens du foyer (coût 2000 USD/jeune).

La durée de la formation n’est pas figée mais devrait se terminer courant novembre. En effet, l’école prévoit des arrêts forcés dans l’enseignement durant la période électorale en avril et un arrêt au mois d’août.

Ces formations ont débuté lundi 22 février 2016 à l’ENAM. Les élèves, dont Edouardson, Frandy, Bebeto, Farah et Sébastien, logent dans la maison louée par le foyer depuis plus d’un an déjà et située dans le quartier de Delmas à Port-au-Prince, plus commode pour eux pour se rendre en cours et pour leur prise d’autonomie.

Mais – il y a toujours un mais ! – seuls les coûts des formations sont pris en charge. Les autres frais obligatoires - uniformes, matériel scolaire, outils - sont à la charge des élèves, et donc du foyer. Maud va devoir encore jouer les virtuoses pour trouver l’argent nécessaire ; à nous aussi de réfléchir à un moyen d’aider à ce financement !

Ces formations seront validées par deux semaines de stage que les élèves devront effectuer en entreprise. Le foyer a déjà des contacts avec la Congrégation de l’Ecole Charles Borromé de Croix-des-Bouquets qui pourraient déboucher sur des embauches. Une communauté de prêtres mène un projet de construction de « villages » gérés par la Congrégation de religieuses, afin de permettre la réinsertion des jeunes. Cinq villages ont déjà vu le jour, un est en projet dans cette école et d’autres pourraient suivre.

Les partenaires en Haïti : Un des parrains de Grandir en Haïti qui habite en

Terres des Hommes est un partenaire important du foyer : Ils financement les formations professionnelles et surtout ils croient au projet et veulent aider le foyer. L’accompagnatrice, Lovely, mandatée pour NDL travaille actuellement pour octroyer des fonds au foyer pour l’amélioration de la cour. Le plus important actuellement est son remblai avec du sable et du gravier pour éviter l’immense mare qui se forme

après chaque grosse pluie.

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Un des parrains de Grandir en Haïti qui habite en Guadeloupe, se rend régulièrement au foyer et a entrepris un travail de réflexion sur les améliorations à apporter dans la cour, couplé à une recherche de financement. Maud est en lien avec lui pour le suivi.

L’ONG Food for the Poor aide aussi le foyer depuis de longues années, essentiellement avec des dons en nature comme la nourriture sèche et le lait en poudre. Il faut tout de même noter qu’ils ne donnent pas de ration pour les plus de 18 ans encore au foyer. Durant mon séjour, ils sont venus rencontrer les enseignants dans le but de prendre en charge financièrement une partie de leurs salaires. Finalement, ils proposeront plutôt d’affecter leur aide financière à la construction d’un local Bureau pour la directrice qui lui fait cruellement défaut pour un travail de direction de qualité.

Les activités économiques du foyer :

La production de Mamba a démarré avec une utilisation pour les besoins du foyer uniquement pour le moment. La commercialisation commencera à la réception des étiquettes.

Le Restaurant : Catherine Savell (Association Rendez-vous Haïti) a donné l’opportunité financière à deux jeunes qu’elle soutient de se lancer dans cette activité. Elle a loué un local et financé les transformations et équipements nécessaires. Le restaurant propose des plats et boissons, midi et soir. La cuisine se fait au foyer le matin et le service est assuré par des jeunes filles du foyer à tour de rôle. L’activité venait tout juste de démarrer, ils sont donc en rodage dans tous les domaines : horaires ouverture, quantités, gestion, comptabilité.

Néanmoins les premiers jours d’ouverture n’ont pas été rentables car beaucoup de nourriture est restée, le générateur a dû être utilisé en journée d’où un surcoût en carburant. Mais les jeunes entrepreneurs semblent volontaires et désireux d’améliorer et/ou modifier le mode de fonctionnement. Il n’empêche que pour le moment, cette activité demande de la disponibilité et du suivi pour Maud. A suivre …

Corvée de vaisselle

Le repas est en route Il en faut des litres de lait !

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Mais encore …

Acte de naissance :

Le foyer a entrepris de procurer un acte de naissance à tous les enfants hébergés. En effet, beaucoup d’entre eux n’ont pas de papiers d’identité car il faut un acte de naissance pour les faire établir. Bien souvent, à leur naissance, cette formalité n’a pas été accomplie ou l’acte a été perdu.

Il faut savoir que pour établir un acte de naissance, il faut au moins connaître un des deux parents ou une personne connaissant sa filiation. Cette contrainte oblige la directrice à lancer des démarches longues et onéreuses (environ 300 USD par dossier).

Mais, sans ce document, les enfants du foyer ne peuvent pas obtenir de carte d’identité. Ce sont donc des démarches importantes pour leur avenir pour lesquelles Grandir en Haïti devrait entamer des actions pour aider à leur financement.

Parmi les enfants parrainés, on peut déjà citer Douby Lorema et Moïse Louis.

La culture du Moringo Olifeira :

Le foyer Notre Dame de Lourdes cultive aussi cette plante aux propriétés nutritionnelles importantes et a partagé cette expérience lors d’une journée Portes ouvertes organisée le 24 décembre 2015.

Lors de cette journée, les jeunes du foyer ont présenté leurs travaux et chansons sur la Gestion des risques aux désastres (GRD). Ce sont aussi succédés des ateliers Chants, Sport et Danse ainsi qu’une sensibilisation au respect de l’environnement.

Environ 250 participants ont bénéficié de cette manifestation et 15 écoles des environs se sont déplacées. Les jeunes du foyer ont aimé partager leurs connaissances et expériences et ont émis le souhait de proposer ces animations au sein même des écoles intéressées. Encore une belle expérience à suivre.

Et des instants de vie ….

Ce matin, petit pain et verre de lait avec l’école Que de jeux inventés dans cette cour

Prêts pour l’école un des dortoirs des filles

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Sages avant d’entrer en classe Ah les interminables parties de billes dans la terre et la poussière !

Dilettante pour les plus grands, ou ennui …

On fait la queue pour avoir du dentifrice. 4 tubes sont utilisés chaque matin

Samuel adore les bras, j’en profite !!

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Le foot, au foyer c’est un jeu où le ballon est mis à rude épreuve. L’un des deux que j’ai achetés a duré 48 h sur un tel terrain !

C’est donc une denrée rare toujours très recherchée et appréciée !

Les filles aiment prendre la pose Tous les matins, levée du Drapeau

Delcamme, Marie-Flore et Béatrice prêtes à partir pour le Collège

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La Fanfare s’apprête à jouer

Mackenzia et Samuel ont déjà le rythme et ils adorent Vous serez toujours les bienvenus au Foyer

Abelardo et des copains Le coloriage est apprécié à tout âge

Amanda, la joie de vivre Cours avec le professeur de Dessin

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Pour peu qu’ils soient guidés dans leurs apprentissages, leurs talents prennent vie.

Les Léos en délire

Mackenzia, « oubliée » après l’école et pas récupérée ensuite Maud et Michèle Elle ne parle quasiment pas depuis.

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Michèle aide les plus jeunes à faire leurs devoirs

Sabrina Sammy lave les gobelets Samuel, la mascotte

Séance lavage pour une des jeunes femmes salariées du foyer

Notes, compte-rendu et photos Catherine Logez