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Extrait des Actes de la Ve édition du Congrès africain des juristes d’affaires (COJA 2012) Douala, Cameroun, juin 2012 Grands enjeux juridiques des investissements miniers et pétroliers en Afrique Francophone 1 _____________________ Florent Lager Directeur Juridique MPD Congo, Représentant de la « Dispute Resolution Board Foundation » (DRBF) au Congo 2 Stéphane Essaga Directeur du Centre Africain de Recherche sur les Politiques Energétiques et Minières (CARPEM) 3 Ludovic Bernet Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine Fidal Direction Internationale 4 [email protected] www.cadevafrique.org ___________________ 1 Les propos tenus par les intervenants sont propres à leurs auteurs et n’engagent pas les sociétés, cabinets, administrations et associations auxquelles ils appartiennent. 2 Monsieur Lager est toujours Directeur juridique de MPD Congo, et poursuit avec ténacité ses activités dans le cadre de la « DRBF » Congo. 3 Depuis la rédaction du présent article, Monsieur ESSAGA a publié « Droit des Hydrocarbures en Afrique – Recueil commenté des Textes », L’Harmattan, 2013. 4 Au moment où nous mettons sous presse, Monsieur BERNET a cessé d’officier chez Fidal International. Il est désormais avocat chez Salans FMC SNR Denton Europe, AARP

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Extrait des Actes de la Ve édition du Congrès africain des juristes d’affaires (COJA 2012)

Douala, Cameroun, juin 2012

Grands enjeux juridiques des investissements miniers et pétroliers en Afrique Francophone1

_____________________

Florent Lager

Directeur Juridique MPD Congo, Représentant de la « Dispute Resolution Board Foundation » (DRBF) au Congo2

Stéphane Essaga

Directeur du Centre Africain de Recherche sur les Politiques Energétiques et Minières (CARPEM)3

Ludovic Bernet

Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine Fidal Direction Internationale4

[email protected] www.cadevafrique.org ___________________

1 Les propos tenus par les intervenants sont propres à leurs auteurs et n’engagent pas les sociétés, cabinets, administrations et associations auxquelles ils appartiennent. 2 Monsieur Lager est toujours Directeur juridique de MPD Congo, et poursuit avec ténacité ses activités dans le cadre de la « DRBF » Congo. 3 Depuis la rédaction du présent article, Monsieur ESSAGA a publié « Droit des Hydrocarbures en Afrique – Recueil commenté des Textes », L’Harmattan, 2013. 4 Au moment où nous mettons sous presse, Monsieur BERNET a cessé d’officier chez Fidal International. Il est désormais avocat chez Salans FMC SNR Denton Europe, AARP

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COJA 2012 - Grands enjeux juridiques des investissements miniers et pétroliers en Afrique

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Présenter en quelques pages et dans le cadre d’une session unique les opérations d’audits

juridiques des investissements miniers et pétroliers est un défi que le Dr. Sadjo Ousmanou,

fondateur du Congrès Africain des Juristes d’Affaires qui nous réunit ce jour, a lancé aux

auteurs. C’est pourquoi, nous avons dû unir nos forces pour produire un texte collectif, en

espérant que cette union nous aura permis de relever le défi lancé.

La matière étant vaste et, souvent, complexe, nous nous sommes focalisés sur certaines

problématiques, et en simplifiant de nombreux aspects. C’est ainsi que notre champ de

réflexion a été opportunément limité à l’analyse des investissements directs dans le secteur

pétrolier et minier. Il est rappelé que les investissements directs sont, par opposition aux

investissements indirects, une forme d’investissement qui ne se limite pas à un placement

financier, mais qui entraîne aussi le contrôle par l’investisseur des activités d’une entreprise,

ou un pouvoir de décision dans les organes d’une société5. Ainsi le développement d’un

projet dans le domaine minier ou pétrolier constitue l’archétype de l’investissement, par

nature à long terme. En raison de son caractère économique, il est difficile de donner une

définition de l’investissement. Les rédacteurs de la Convention de Washington du 18 mars

1965 n’ont pas définit cette notion6 (voir notamment l’article 25 de cette convention), les

Traités Bilatéraux d’Investissement se contentent souvent d’énumérer une liste très large de

type d’investissements possibles et pour les codes d’investissement pratiquement tout est

investissement. Ainsi, il est revenu à la doctrine la tâche de définir cette notion.

Certains auteurs affirment que la notion d’investissement est par nature dynamique, « en

mouvement », et qu’ainsi elle doit être considérée au regard de l’objectif poursuivi et des

instruments utilisés. Ainsi, le professeur Juillard7 souligne que « la notion d’investissement est

une notion dynamique, en ce sens qu’elle ne peut se concevoir que dans la durée et dans le mouvement ».

5 Nimrod Roger TAFOTIE YOUMSI, « L’encadrement contractuel des investissements (Grands projets) », mémoire de DEA, Université Libre de Bruxelles, Année académique 2004/2005 http://blog.wikimemoires.com/2012/05/encadrement-contractuel-des-investissements-grands-projets/ 6 On aurait pu attendre de la Convention de Washington du 18 mars 1965 pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements entre Etats et Ressortissants d'autres Etats qu'elle définisse le terme « investissement » mais elle reste silencieuse sur cette notion. Cette omission traduit la volonté des rédacteurs de concilier deux objectifs. Le premier consistait à ne pas réduire le champ de compétence du CIRDI (Centre International de Règlement des Différends liés à l'Investissement), organisme exclusivement dédié au règlement des différends relatifs aux investissements entre États et investisseurs étrangers. Une définition exhaustive aurait en effet interdit toute prise en compte d’une évolution du contenu de la notion d’investissement. Le second visait à ouvrir la Convention au plus grand nombre d’États possible, en permettant aux plus réticents d’entre eux d’y adhérer avec une réserve, notifiée au CIRDI, qui réduit la compétence de celui-ci sur le contenu de l’investissement. En effet, conformément à l’article 25-4 de la Convention, « tout État contractant, peut, lors de la ratification de son acceptation ou de son approbation de la Convention, ou à toute date ultérieure, faire connaître au Centre la ou les catégories de différends qu’il considérerait comme pouvant être soumis au CIRDI, réduisant la compétence de celui-ci ». À ce jour, cinq États font usage de cette faculté : l’Arabie saoudite, qui exclut toutes les questions ayant trait au pétrole notamment, la Chine, qui ne reconnaît la compétence du Centre que pour les différends concernant la compensation due en cas d’expropriation ou de nationalisation, la Jamaïque, la Papouasie-Nouvelle Guinée et la Turquie. L’absence de définition de la notion d’investissement a généré très peu de contentieux parasitaire. Parmi les affaires connues, seules quatre ont conduit les tribunaux à se prononcer sur la nature de l’opération économique à l’origine du différend qui leur était soumis. 7 D. Carreau et P. Juillard, Droit international économique, Paris, Dalloz, 2ème éd., 2005.Dans le même sens, Nicolas Angelet, Cours de droit international public appliqué aux affaires, ULB, 2005.

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COJA 2012 - Grands enjeux juridiques des investissements miniers et pétroliers en Afrique

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Telle est également l’opinion de Wolfgang Peter8 qui affirme que « the concept of investment is a

notion in motion ». Néanmoins, et malgré les commentaires abondants autour de cette notion,

on ne saurait affirmer qu’elle s’est dégagée de sa nébulosité originelle. Néanmoins la

jurisprudence internationale et notamment les sentences CIRDI précisent petit à petit cette

notion9. Ainsi l’affaire Fedax10, au cours de laquelle la question de la définition de

l’investissement a été posée, a retenu les critères suivants : un apport d’une certaine durée,

une certaine prise de risque et le développement économique du pays d’accueil.

D’un point de vue macroéconomique, il est généralement admis que la croissance

économique d’un pays nécessite un taux d’investissement qui soit supérieur au taux

d’amortissement et d’obsolescence du capital productif existant11. Ainsi, l’investissement à

long terme est généralement moteur de croissance et il peut être un facteur de rééquilibrage

économique et générer de nombreuses externalités positives12. Ces externalités peuvent être

particulièrement importantes dans les projets miniers13, pétroliers et ou gaziers14 même si

souvent une partie de l’opinion publique tend à douter de ces externalités positives. Il est en

effet courant d’entendre parler de « malédiction des ressources » qui renvoie au paradoxe

selon lequel l’exploitation des ressources minérales semble créer plus de pauvreté que de

richesses, plus de conflits que de prospérité15.

8 Wolfgang Peter, Arbitration and Renegociation of International Investment Agreements, Second Revised and enlarged Edition, Kluwer Law international, 1990, p.18. 9 E. Gaillard, « reconnaître ou définir ? Réflexion sur l’évolution de la notion d’investissement dans la jurisprudence du CIRDI » : in Le droit international économique à l’aube du XXIe siècle, sous la direction de J-M SOREL, Paris, Pedone, 2009. 10 Fedax NV c/ Venezuela, sentence du 11 juillet 1997. Dans cette affaire le paiement d’un effet de commerce a été assimilé à un investissement. Dans une autre sentence CSOB c/ la République Slovaque en date du 24 mai 1999 un prêt a été assimilé à un investissement. Dans la sentence Salini Costruttori c/ Royaume du Maroc en date du 23 juillet 2001 un contrat de marché public (construction d’une portion d’autoroute) a été qualifié d’investissement. Enfin la sentence rendue le 6 août 2003 Société Générale de Surveillance SA c/ République Islamique du Pakistan une activité d’inspection dont la réalisation dépassait « le territoire » d’accueil constitue un investissement. 11 OCDE, « International Investment law : Understanding concept and tracking innovation » 2008, http://www.oecd.org/daf/internationalinvestment/internationalinvestmentagreements/internationalinvestmentlawunderstandingconceptsandtrackinginnovations.htm 12 Les économistes désignent par « externalité » ou « effet externe » le fait que l'activité de production ou de transport affecte un tiers sans que les tiers reçoivent ou payent une compensation pour cet effet. Une externalité présente ainsi deux traits caractéristiques. D'une part, elle concerne un effet secondaire, une retombée extérieure d'une activité principale de production. D'autre part, l'interaction entre l'émetteur et le récepteur de cet effet ne s'accompagne d'aucune contrepartie marchande. Une externalité peut être positive ou négative selon que sa conséquence sur le bien-être est favorable ou défavorable. 13 Voir par exemple : « Le secteur minier un levier de croissance pour l’Afrique ? », Secteur privé et développement Revue de Proparco, numéro 8 janvier 2011 http://www.proparco.fr/Accueil_PROPARCO/Publications-Proparco/secteur-prive-et-developpement/Les-derniers-numeros/Issue-8-mining-sector ICMM, « the role of mining in national economy”, Octobre 2012 14 Banque Africaine de Développement et Union Africaine, « Oil and Gas in Africa », rapport 29 juillet 2009 15 Cette « malédiction » apparente présente plusieurs aspects. De nombreux auteurs se sont employés à montrer que les pays bénéficiant le plus de l'exportation des ressources connaissent une croissance économique plus faible. Ils évoquent en particulier le « syndrome hollandais» (« dutch disease » en anglais), qui concerne l'effet négatif des revenus issus des industries extractives sur les autres exportations. Bien que touchant principalement les pays pétroliers, le phénomène peut toucher les pays miniers et entraîner une surévaluation du taux de change liée à l’entrée massive de devises. Les pays riches en matières premières se spécialisent donc dans l'exploitation de ces ressources, au détriment de leur secteur manufacturier. C'est en poussant à la hausse la monnaie et les salaires et en accaparant les investissements que la production de minéraux affecterait les autres industries. Un autre aspect de cette « malédiction » se comprend par le fait qu’une économie trop dépendante des exportations de minéraux s’expose au risque de change et à la volatilité des prix des commodités.

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COJA 2012 - Grands enjeux juridiques des investissements miniers et pétroliers en Afrique

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Bien que souvent cette appréhension des projets miniers et pétroliers soit générée par une

méconnaissance du cycle de développement du projet ou des accords conclus, elle se fonde

encore sur quelques exemples de projets mal gérés, mal développés ou manquant de

transparence ou de bonne gouvernance qui ont pu avoir des effets catastrophiques pour

certains pays et ont conduit à forger cette image négative ou suspicieuse. Une des

particularités des projets miniers et pétroliers est leur ampleur en termes financiers étant

donné que les investissements minimaux dans ces secteurs sont de quelques dizaines de

millions et peuvent s’élever à plusieurs milliards de Dollars US16. Ces projets sont également

marqués par un grand aléa dans la phase de recherche puisqu’en moyenne un projet au stade

de la prospection sur trois cents atteint le stade du développement. De plus, leur durée de

réalisation est extrêmement longue : il est courant que dix à quinze ans séparent la

découverte des indices de la ressource recherchée de la mise en exploitation effective d’un

gisement17, qui elle-même a vocation à s’inscrire dans la durée, d’autant que les dépenses

d’investissement sont importantes18.

Ceci a souvent pour effet que les principaux revenus fiscaux sont souvent générés très tard

dans le cycle du projet minier ou pétrolier : la taxe ad valorem n’est payée que lorsque

l’opérateur est entré en production, généralement après des années d’exploration puis de

développement, et l’impôt sur les sociétés lorsqu’il a atteint le point de profitabilité.

Cette longue attente peut faire douter du contrat minier ou pétrolier qui a scellé l’accord avec

l’opérateur et fait craindre que l’Etat n’ait bradé le patrimoine géologique national. Le

caractère non renouvelable des ressources minérales et la nature « destructrice » de l’activité

extractive suscitent par ailleurs une défiance compréhensible à l’égard de la contribution du

secteur à un développement véritablement durable19.

Toutefois les bailleurs de fonds20 et les Etats commencent également à se rendre compte que

l'exploitation minière ou pétrolière notamment lorsqu’elle est « on shore » (sur terre) est un

outil clé dans la mise en place des infrastructures (transports, énergie et eau) nécessaires au

développement d'autres secteurs, tels que l'agriculture et l'exploitation forestière. Cette prise

16 Voir par exemple : « Le secteur minier en Afrique subsaharienne : Problématiques Enjeux et Perspectives », rapport de Performances Management Consulting 2007. 17Il est rappelé que la vie des projets miniers et pétroliers est marquée par quatre grandes étapes qui sont la phase de prospection / d’exploration (étude conceptuelle, phase de préfaisabilité puis phase de faisabilité), la phase d’investissement et de construction (de développement), la phase d’exploitation et la phase de réhabilitation des sites. 18 Rappelons la théorie économique qui part du postulat qu’avec le temps le pouvoir de négociation de l’Etat augmente de façon disproportionné par rapport à celui de l’investisseur par l’effet « d’otage ». En effet compte tenu des importants montants investis notamment dans des infrastructures qui ne sont pas démontables, l’Investisseur ne peut pas se désengager facilement du projet si l’Etat souhaite renégocier le contrat à son avantage en demandant par exemple une part plus importante des recettes du projet notamment au moyen de la modification de la législation notamment fiscale. 19 Voir par exemple le numéro spécial « Contrats Investisseurs Etat et Développement Durable », Investment Treaty News, n°1, volume 2, Octobre 2011, publication de l’iisd. http://www.iisd.org/pdf/2011/iisd_itn_october_2011_fr.pdf 20 Voir par exemple le « Rapport d’examen africain sur l’exploitation minière » du Conseil Economique et Social des Nations Unies du 29 septembre 2009 http://www.uncsd2012.org/content/documents/AficanReviewReport-on-MiningSummaryFR.pdf

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COJA 2012 - Grands enjeux juridiques des investissements miniers et pétroliers en Afrique

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de conscience est confirmée dans l'initiative du Programme de développement durable du

NEPAD21 ou encore dans les objectifs du Millénaire22.

Les Etats d’accueil ont également renforcés leurs législations nationales en matière

d'exploitation minière et/ou pétrolière afin de faire place à des objectifs de développement de

portée plus générale concernant par exemple la chaîne de valeur des minéraux dans le cadre

du développement socio-économique du pays23, la cessation d’activités minières et de

restauration des sols aux fins d'autres utilisations. La prise en compte des effets néfastes des

activités minières ou pétrolières sur l'environnement, ajoutée à l’aggravation du délitement

des valeurs sociales locales et la perturbation des normes et des systèmes de subsistance

traditionnels, a conduit à des exigences environnementales et sociales qui sont devenues les

principaux éléments des législations minières et pétrolières24 nationales. Ces exigences

comprennent notamment l'évaluation des impacts sociaux et environnementaux au moyen

d’études25 préalablement à l’octroi de licences d'exploitation minière et la mise en place de

fonds sociaux et / ou de protection de l'environnement26.

De même la transparence et l’obligation de rendre des comptes se développent de manière

significative notamment avec l’Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE)27

mais aussi des législations contre la corruption28 telle le « UK Bribery Act ». La participation

accrue des organisations de la société civile, des organisations non gouvernementales (ONG)

et des communautés dans des initiatives telles que Revenue Watch va également dans ce

sens.

De plus, en ce début de XXIème siècle, on constate une prise en compte croissante par les

compagnies minières et pétrolières (principalement les plus grandes entreprises) des

impératifs du développement socioéconomique des pays d’accueil qui conduisent à une

21 Le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) est la fusion du Partenariat du millénium pour le programme de redressement de l’Afrique et du Plan Omega. La fusion a été finalisée le 3 juillet 2001, donnant naissance à la Nouvelle initiative pour l’Afrique (NAI), qui a été approuvée par le Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation l’Union africaine le 11 juillet 2001. La finalisation du cadre stratégique de la NAI le 23 octobre 2001 a constitué l’acte de naissance du NEPAD. Ce partenariat a trois objectifs : promouvoir la croissance accélérée et le développement durable, éradiquer la pauvreté généralisée et extrême, et mettre fin à la marginalisation de l’Afrique dans le processus de mondialisation. 22 http://www.un.org/fr/millenniumgoals 23 Groupe de Recherche sur les Activité Minières en Afrique (GRAMA) Université du Québec, « The challenges of development, mining codes in Africa and corporate responsability », juin 2003, http://www.grama.uqam.ca 24 A. Mankou-Nguila, « La prise en compte de la dimension environnementale dans le code des hydrocarbures du Congo-Brazzaville », Recueil Penant 878 (2012), p.120 et s. 25 Au Congo l’article 50 du code minier de 2005 précise la liste des documents qui doivent obligatoirement être joints à une demande d’autorisation d’exploitation et il est expressément prévu qu’une étude d’impact sur l’environnement incluant un programme de protection de l’environnement et un schéma de réhabilitation des sites ou des carrières doit être transmis. La méthode, le contenu et la procédure pour réaliser cette étude d’impact sont détaillées dans le décret n°9-415 du 20 novembre 2009 fixant le champ d’application, le contenu et les procédures de l’étude et de la notice d’impact environnemental et social. 26 Voir par exemple la législation pétrolière du Ghana : Act 815, « Petroleum revenue Management act » 2011 qui créée le « Petroleum Holding Fund (PHF) » seul habilité à recevoir les revenus pétroliers mais le « Heritage funds » pour les générations futures et le « Stabilisation funds ». 27 ITIE est un processus par lequel tous les paiements réalisés par les compagnies extractives, ainsi que toutes les recettes de l’État et de ses démembrements générés par l’exploitation pétrolière, gazière et minière sont publiés dans des rapports indépendants et vérifiés par des auditeurs indépendants. 28 Voir l’article de Florent Lager dans la même revue du COJA « Audit des bonnes pratiques et lutte contre la corruption ».

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meilleure distribution des revenus générés par les projets, notamment au bénéfice des

communautés géographiquement directement concernées, et à un passage d’une conception

« paternaliste » à un esprit de partenariat régissant les investissement dans ces secteurs. Au-

delà du respect des législations nationales la plupart des entreprises minières ou pétrolières

internationales s’engagent sur une base volontaire à respecter les directives et bonnes

pratiques promulguées par les institutions internationales29.

L'utilisation de ces normes et directives a amélioré la responsabilité sociale des entreprises,

convainquant ainsi les sociétés minières et pétrolières que cette responsabilité fait partie

intégrante des bonnes pratiques commerciales30. Enfin les entreprises minières et pétrolières

se préoccupent particulièrement des communautés établies autour des sites miniers, protègent

leurs droits31 et font en sortes qu’ils retirent de ces exploitations un avantage économique32

tout en garantissant un environnement sain et le respect des droits de l'homme33. Pour toutes

ces raisons il est nécessaire de réaliser un audit détaillé du cadre juridique existant dans le

pays d’accueil préalablement à tout investissement (I) ce qui inclus non seulement un audit

de la légalisation mais aussi des formes contractuelles disponibles ou utilisés dans le pays

hôte selon les secteurs d’activité et la stabilisation de ce cadre juridique. Nous étudierons

ensuite de manière détaillée un type de contrat spécifique, le contrat de partage de production

et l’audit des coûts générés par une telle figure contractuelle (II).

29 Les entreprises minières et pétrolières se référent de plus en plus aux normes et principes suivants : Les Standards de performance et la politique de développement social et économique durable promus par l’International Finance Corporation (IFC) et le Groupe Banque Mondiale (BM), les principes de l'Équateur, la Charte mondiale des Nations Unies, Les lignes directrices de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) à destination des entreprises multinationales, les recommandations de l’International Council on Mining and Metals (ICMM), le Guide de bonne pratique (GBP) en matière minière et de biodiversité, le Business and Biodiversity Offset Programme (BBOP), etc. 30 L'étude publiée par l'agence de notation extra-financière Vigeo et l'association Humanite & Biodiversite en octobre 2012 qui a passé au crible les stratégies de préservation des milieux naturels de 127 entreprises européennes cotées, fait ressort que le secteur minier, les producteurs de matériaux de construction et ceux de tabac sont les entreprises les plus mûres sont les questions de développement durable. On retrouve ainsi les compagnies minières Anglo American, Lonmin et Xstrata dans le trio de tête comme ayant les meilleures stratégies de développement durable. Dans le secteur pétrolier, l'étude salue l'engagement de Shell à ne pas opérer dans certaines zones sensibles en matière de biodiversité comme les sites Unesco et Total se hisse à la seconde place du secteur. http://www.vigeo.com/csr-rating-agency/fr/etudebiodiversitefr2012 31 Rappelons que la protection des droits des peuples autochtones est une obligation légale non seulement en vertu de la Déclaration des Nations Unies 61/295sur les droits des peuples autochtones de 2008 mais aussi en application de la législation nationale. Par exemple le Congo a adopté la loj n° 5 - 2011 du 25 février 2011 portant promotion et protection des droits des populations autochtones. 32 Banque Mondiale, “Sharing Mining benefits in developing countries”, Extractives Industries for development series 21 June 2011. 33 Voir le rapport final de John Ruggie du 21 mars 2011 remis au Conseil des droits de l'homme pour examen qui présente les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme. Ce rapport propose un cadre politique construit autour des trois principes fondamentaux suivants : - l'obligation pour les Etats d'assurer une protection contre les abus commis par les entreprises ; - la responsabilité des entreprises de respecter l'ensemble des droits de l'homme ; - la nécessité d'offrir des voies de recours aux victimes d'abus commis par les entreprises. Pour une application spécifique de ce rapport dans le secteur minier voir le guide de l’ICMM : « Les droits de l’homme dans l’industrie des mines et des métaux. Intégration de la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme aux processus de gestion des risques des entreprises », mars 2012, http://www.icmm.com/page/75929/human-rights-in-the-mining-and-metals-industry-integrating-human-rights-due-diligence-into-corporate-risk-management-processes

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COJA 2012 - Grands enjeux juridiques des investissements miniers et pétroliers en Afrique

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I- L’audit du cadre juridique existant comme outil d’aide à la décision

d’investissement

Un projet minier/pétrolier ne peut aboutir à une décision d’investissement si une

documentation juridique complexe et adaptée n’est pas négociée et adoptée ce qui nécessite

au préalable d’auditer le cadre législatif et règlementaire existant (A) puis de choisir entre les

différents types de conventions minières et pétrolières existantes (B) et de sécuriser

l’investissement notamment au moyen des clauses de stabilité (C) .

A) L’audit du cadre législatif et règlementaire existant.

Il est fondamental de réaliser un audit du cadre juridique général régissant les investissements

directs étrangers dans le pays hôte de l’investissement et de sa pratique. Ainsi, le premier

réflexe consiste à analyser le contenu de charte des investissements (ou loi sur les

investissements), les règlements ou actes supranationaux qui régiront les aspects légaux de

l’investissement par exemple l’ensemble des Actes Uniformes OHADA, les règlements

CEMAC pour l’Afrique Centrale ou la législation UEMOA (notamment la législation

relative au contrôle des changes), les conventions fiscales bilatérales ou internationales, etc.

Il est particulièrement recommandé de bien analyser la réglementation fiscale de droit

commun (code général des impôts) ainsi que les dispositions relatives à la promotion des

investissements34. En effet de nombreuses législations afin d’attirer les investisseurs

contiennent des aménagements au droit fiscal commun qui vont de taux plus favorables à la

suppression de certains droits ou taxes. La législation douanière et celle du travail devront

également retenir l’attention.

Au surplus et comme évoqué précédemment, les guides et lignes de conduite élaborées par

les institutions internationales devront être parfaitement identifiés et maîtrisés notamment en

matière environnementale.

Une fois l’audit juridique du cadre général de l’investissement réalisé, il convient d’auditer

dans le détail le cadre juridique particulier qui vient régir le secteur de l’investissement (par

exemple analyse détaillée du code minier, pétrolier ou forestier mais aussi de leurs décrets

d’applications et leur interprétation dans le pays de l’investissement35). A ce stade, un

correspondant local de qualité ou un juriste au sein des entreprises conduisant chaque projet

est un élément déterminant pour réaliser un audit le plus proche possible de la réalité.

En ce qui concerne les permis miniers et pétroliers, la plupart des législations africaines

détaillent les différents types de permis et les engagements qui doivent être souscrits, tout

34 Contrairement à de nombreux auteurs nous n’utilisons pas le terme de fiscalité « spécifique » car ainsi que l’a démontré Stéphane Essaga dans son article « De la véritable spécificité de la fiscalité pétrolière amont » paru dans le Journal Africain du Droit des Affaires (JADA), n°2, 2012 « Si à chaque fois que ces particularités existent, on devait qualifier la fiscalité du secteur concerné de spécifique, on doit alors admettre qu’il y a plusieurs fiscalités spécifiques, ce qui banalise ce concept et le rend inapte à singulariser un secteur d’activité particulier ». 35 L’accès à la jurisprudence en Afrique Francophone reste encore trop limitée même si des initiatives ont été mises en place afin de pallier à cette difficulté tel que la publication des recueils des décisions de la CJCA, sites internet nationaux mettant en ligne la jurisprudence des certains Etats, etc.

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COJA 2012 - Grands enjeux juridiques des investissements miniers et pétroliers en Afrique

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comme les types de documents à transmettre pour obtenir la délivrance de ces permis36. En

fonction de la nature des permis (autorisation de prospection, permis de

recherche/d’exploration, permis d’exploitation), des droits spécifiques sont attachés à ces

derniers37.

Afin d’avoir une vision la plus large possible de l’investissement, l’audit de la législation ne

doit pas se cantonner au secteur de l’investissement mais il est également nécessaire de

réaliser un audit des autorisations et permis autres que miniers /pétroliers et il est notamment

particulièrement nécessaire d’auditer la législation environnementale (notamment celle qui

porte sur les études d’impact), ainsi que la législation relative à la construction, des

infrastructures en particulier, car les projets miniers et pétroliers comportent

traditionnellement un large volet de construction particulièrement dans les pays d’Afrique

subsaharienne où les infrastructures de base ne sont pas suffisamment développées (nécessité

de construire des routes, des unités de production d’énergie, etc.).

Même si les conclusions de l’audit de la législation sont positives et que la législation est

attractive, ou dans le cas où cette législation ne serait pas jugée suffisamment attractive, il est

nécessaire de négocier et conclure un contrat d’investissement spécifique38.

Ces contrats qui ont une nature juridique hybride et complexe détaillent le cadre de

l’investissement, le sécurisent et permettent de concilier la divergence d’intérêt entre

l’investisseur et le pays hôte de l’investissement39.

Cette dichotomie est particulièrement exacerbée dans les investissements relatifs à

l’exploitation des ressources naturelles puisque l’Etat hôte dans ce cadre cherche à

mettre en valeur les ressources naturelles du pays et à favoriser son développement

économique et social ; l‘investisseur, lui, a pour objectif de sécuriser et d’assurer la

rentabilité d’investissements lourds sur le long terme. Le pays hôte de l’investissement

est généralement préoccupé par la sauvegarde de sa souveraineté économique et

manifeste de la méfiance à l’égard des investissements étrangers surtout lorsque ceux-

ci sont le fait de sociétés multinationales. En même temps, les pays hôtes recherchent

les avantages économiques et techniques susceptibles de leur être apportés par de tels

investissements qu’ils s’efforcent en conséquence d’attirer.

Du point de vue de l’Etat hôte, la conclusion de contrats miniers et pétroliers permet

d’encourager la prospection et le développement de l’exploitation des ressources

naturelles. Si ces contrats sont suffisamment encadrés dans leur rédaction puis suivi

dans leur exécution par les équipes de l’Etat, ils permettent également de contrôler la

prospection et l’exploitation de ces ressources naturelles.

36 Par exemple au Congo-Brazzaville, l‘activité minière est régie par la Loi n°4-2005 du 11 avril 2005 portant Code Minier, complété par le décret 2007-293 du 31 mai 2007 fixant les règles et techniques d'exploitation des carrières de géomatériaux, le décret 2007-274 du 21 mai 2007 fixant les conditions de prospection, de recherches et d’exploitation des substances minérales et celles d’exercice de la surveillance administrative, ainsi que la loi n°24-2010 du 30 décembre 2010 fixant les taux et les règles de perception des droits sur les titres miniers. 37 Thierry Lauriol et Thomas Gawel, « Aspects juridiques de l’apport des titres miniers en garantie dans les Etats parties à l’OHADA », Revue de Droit des Affaires Internationales, 2001, n°2, p.175. 38 Pierre-Henri Ganem, « Sécurisation contractuelle des investissements internationaux – Grands projets : mines/énergie/métallurgie/infrastructures », Bruxelles, Bruylant, 1998, 39 Ainsi M. Hammami dans sa thèse « Les contrats de partage de production dans le domaine des hydrocarbures » thèse dacty., Université de Montpellier I, décembre 2006 explique que « le véritable objet du contrat principal vise à assurer un partage équilibré de la rente générée. La compagnie qui apporte son expertise technique en plus de ses moyens financiers négocie une part équitable du revenu pétrolier. En contrepartie, l’Etat propriétaire de la richesse tente de capitaliser l’investissement en s’appropriant la meilleure part possible ».

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Ils permettent également d’intégrer le développement du secteur minier et pétrolier

dans une politique plus large de développement des ressources naturelles et de

développement économique du pays hôte dans l’intérêt des citoyens.

De leur côté, de nombreux investisseurs sont séduits par les perspectives de profits qui

leur sont offertes dans les pays d’accueil, mais redoutent les risques notamment extra-

commerciaux qu’ils courent dans ces pays, dont la vie politique peut être marquée par

l’instabilité et dont l’appareil économique doit, souvent encore, faire l’objet de

transformations profondes. Il peut s’agir de l’évolution ou d’un changement radical

d’une législation, généralement induits par des changements politiques, voire d’une

paralysie de la vie économique et par conséquent des activités de l’investisseur en cas

de conflits armés. De tels risques peuvent être réduits, par exemple en instaurant un

cadre juridique qui présente des garanties de stabilité et de sécurité. En effet, tout

comme la perspective de revenus majorés, la réduction des risques engendre une

incitation à investir.

Ces « contrats d’Etat »40 peuvent prendre plusieurs formes et il est nécessaire de bien

examiner les avantages et inconvénients que présentent chacune de ces formes contractuelles.

B) Le choix entre les divers types de conventions minières et pétrolières

Dans le secteur minier ou pétrolier, trois41 grands types de contrat42 pour l’exploitation des

ressources naturelles existent : les conventions de concession (1), les conventions

d’association (2) et les conventions d’entreprise (3). Certains Etats ne connaissent qu’un de

ces types ou alors la législation nationale impose tel ou tel type de contrat, particulièrement

dans les pays où des contrats standards ont été développés43.

40Au sens large, la notion de contrat d’Etat vise tout accord entre une personne morale de droit public et une personne morale ou physique de nationalité étrangère. Il existe de nombreuses publications sur le sujet voir notamment : Prosper Weil, « Problèmes relatifs aux contrats passés entre un Etat et un particulier », in RCADI, 1969, t.III, vol.128. Pierre Lalive, « Sur la bonne foi dans l’exécution des contrats d’Etat », in Mélanges offerts à Raymond Vander Elst, Bruxelles, Nemesis, 1986, T.I, Charles Leben, « Retour sur la notion de contrat d’Etat et sur le droit applicable à celui-ci », in Mélanges offerts à Hubert Thierry, L’évolution du droit international, Paris, Pedone, 1998, du même auteur "La notion de contrat d’Etat." La théorie du contrat d'état et l'évolution du droit international des investissements. Recueil des Cours 302. Martinus Nijhoff Publishers, 2003 41 Certains auteurs distinguent dans le secteur pétrolier au sein des conventions d’association le contrat de participation par lequel l'État a une participation à la fois dans le capital et dans la gestion de la compagnie et le contrat de partage de production par lequel le groupe pétrolier qui a financé tous les investissements de recherche et de développement du gisement découvert amortit ses frais par la cession d'une quote-part de la production et est rémunéré en recevant gratuitement une part de la production restante. Il existe également le contrat à risque par lequel le groupe pétrolier, qui opère pour le compte de la société nationale, prend à sa charge les dépenses de recherche dont elle n'est remboursée qu'en cas de découverte, en ayant la possibilité d'acheter à la société nationale une quote-part du pétrole extrait, à un prix avantageux. Dans le secteur minier la forme contractuelle la plus usitée est la convention de concession. 42 Pour une typologie de ces contrats voir Philippe Leboulanger, Les contrats entre Etats et entreprises étrangères, Paris, Economica, 1985 43 Nous pensons que les Conventions – type ne sont pas favorables au développement du secteur minier et pétrolier car les investissements de grande ampleur nécessitent une convention sur mesure adaptée aux retombées sociaux-économiques des projets en terme d’emploi, d’infrastructure, etc. et aux risques pris par les investisseurs. De plus les conventions-types sont trop rigides, rarement revues et donc vite obsolètes et dépassées. L’absence de possibilité de négociation est un frein énorme à tout investissement. Enfin ces conventions types sont trop souvent limitées aux aspects fiscaux et douaniers alors que les investisseurs souhaitent qu’additionnement à ces sujets, d’autres aspects soient pris en compte et que les obligations respectives soient

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Par ailleurs, il est également nécessaire d’analyser la forme contractuelle la plus adaptée pour

la construction et l’exploitation les infrastructures liées aux projets miniers et pétroliers

(plateforme, port, route, pipeline, chemin de fer, etc.). Pour ces infrastructures, il existe

d’innombrables formes de contrats allant de la construction et de l’exploitation réalisées

uniquement par l’investisseur, à la délégation de service public, au PPP en passant par le

contrat de partenariat44.

1) Les conventions de concession

La concession est un contrat par lequel l’Etat accorde à une entreprise étrangère le droit

exclusif de rechercher et d’exploiter les ressources naturelles sur son territoire pendant une

durée déterminée. Le droit exclusif est matérialisé par un titre (ou permis) minier/pétrolier.

En cas de découverte d’un gisement, le concessionnaire peut obtenir un contrat de

concession, ou un permis d’exploitation.

Le concessionnaire dispose de la propriété des installations et de la production et l’Etat a

généralement le droit de prendre une participation dans le contrat de concession (soit

gratuitement la pratique parle alors de « free carry » soit moyennant paiement ou un mélange

des deux 10% gratuits puis 5 ou 10% à acquérir au prix du marché).

Dans ce régime, l’Etat n’a pas d’implication directe dans le contrôle ou la réalisation des

opérations minières/ pétrolières, le concessionnaire disposant librement des ressources.

Ce type de contrat tire généralement son fondement du Code des investissements et peut être

ratifié par une loi. Le régime fiscal et douanier est généralement très détaillé et deux grands

principes sont mentionnés : la stabilisation fiscale et la non-discrimination entre les

compagnies.

2) Les conventions d’association (et contrat de partage de production)

Dans ce type de contrat, l’Etat participe aux opérations d’exploration et d’exploitation en

créant avec l’investisseur soit une société (les deux entités sont actionnaires) soit une joint-

venture (pas de personnalité morale et chaque membre est indépendant).

Cela permet à l’Etat producteur, souvent par le biais d’une société nationale créée à cet effet,

de s’initier ou de se perfectionner en matière de technique pétrolière/minière et de bénéficier

du réseau commercial de son partenaire pour la vente de sa part de production, sans prendre

risque de recherche.

clairement réparties avec l’Etat hôte dans des secteurs aussi divers que les droits de l’homme, la lutte contre la corruption, les aspects sociaux et environnementaux, les autorisations administratives, etc. A ce titre, le Modèle de l’Accord pour le Développement Minier (MMDA), établi sous l’égide de l'Ordre international des avocats (IBA) composé d’éminents juristes internationaux qui ont rassemblé et analysé plus de 50 conventions minières pour servir de références aux accords entre les Etats et les sociétés minières est une bonne proposition. Ce modèle est consultable sur http://www.mmdaproject.org 44 Sur ces contrats, la littérature est très abondante voir par exemple: Xavier Besançon, 2000 ans d'histoire du partenariat public-privé, Presses De L'ecole Nationale Des Ponts Et Chaussees, 2004 ; Paul Lignières, Partenariats Publics Privés, Paris, Litec, coll. Affaires Finances, 2005 ; X. Bezançon, Deruy, Fiszelson et Fornacciari, Les nouveaux Contrats de partenariat public-privé, éd. Le Moniteur, 2005 ; Mélanges en l'honneur de M. Guibal, Contrats publics, CREAM 2005 ; Bréchon-Moulènes et al., Droit des marchés publics, éd. Le Moniteur, 3 vol. ; Delélis, Partenariats public-privé, J.-Cl. adm., fasc. 670 ; Rapp, Terneyre, Symchowicz et al., Droit public des affaires, éd. Lamy ; Richer et al., Délégation de service public, éd. Le Moniteur, 1 vol. Sur les PPP dans les ressources naturelles : Oloumi, Zia, Les nouveaux aspects des contrats d'hydrocarbures et le partenariat public-privé en faveur du développement "durable" Contribution à une relecture pragmatique du droit international du développement, Thèse de doctorat en droit, Nice, 2002.

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Nous détaillerons les mécanismes fiscaux des contrats de partage de production dans le

secteur des hydrocarbures dans la deuxième partie de cet article.

3) Les contrats d’entreprise

Il s’agit de conventions par lesquelles l’Etat ou une société nationale d’un pays producteur

confie à une entreprise étrangère le soin de procéder pour son compte à des travaux de

recherche et d’exploitation d’un gisement minier ou d’hydrocarbure, l’entière propriété des

ressources restant à l’Etat.

Il convient d’opérer la distinction entre le contrat d’entreprise stricto sensu, qui emporte pour

l’entrepreneur un droit à une rémunération en nature en cas de production commerciale, et le

contrat d’assistance technique qui consiste en un concours apporté par l’entreprise étrangère

afin de réaliser certains travaux. Dans ce cas, l’entrepreneur est remboursé du coût de ses

travaux, conseils et services quels que soient les résultats de l’exploitation et n’assume aucun

risque.

4) Le secteur d’activité comme conditionnement au choix entre les formes

contractuelles

Le choix entre ces formes contractuelles est fortement conditionné par le secteur d’activité et

une différence notable doit être observée entre le secteur minier et pétrolier sur ce point45.

Bien que l’industrie minière et l’industrie pétrolière soient des industries d’extraction des

ressources naturelles non-renouvelables, les différences opérationnelles entre ces deux

industries sont très importantes et se ressentent au niveau du choix des types de contrats. En

effet, le secteur minier a tendance à privilégier les conventions de concession alors que le

secteur pétrolier est plus enclin au développement des conventions d’association (notamment

les contrats de partage de production).

Ces choix différents sur le plan contractuel ne sont en fait que le reflet des profondes

différences entre le secteur minier et pétrolier. Ainsi au plan financier, l’industrie pétrolière

est beaucoup plus importante que l’industrie minière. Par exemple, les revenus des 40

sociétés minières les plus grandes du monde46 ont dépassé 400 milliards US$ pour la première

fois en 2010. Par contraste, les revenus des 5 sociétés pétrolières les plus grandes pour l’année

2010 étaient de 1.475 milliards US$ - plus de trois fois donc les revenus des 40 sociétés

minières les plus grandes47. De manière générale l’industrie pétrolière génère plus de revenus

que l’industrie minière.

Les ressources minières sont situées dans des endroits géographiques fixes. Pour y avoir

accès, il faut certes déplacer de terres mais surtout développer de nombreuses infrastructures

annexes aux infrastructures minières (route, ouvrage d’arts, centrale électrique, etc.). Pour

extraire les minerais de la terre, il faut les séparer physiquement des formations rocheuses qui

les hébergent et les transporter par voie ferrée, camions ou pipeline et les exporter au moyen

45 “There is no optimal fiscal regime suitable for all resource projects in all countries differ, most importantly in regard to exploration, development, and production costs; the size and quality of natural resource deposits; and investor perception of commercial and political risks” , par Philip Daniel, Michael Keen, Charles McPherson, The Taxation of Petroleum and Minerals. Principles, problems and practice, Routledge Publishers, New York, 2010, page 407. 46 PwC, Mining 2011 - The game has changed; Review of global trends in the mining industry, p. 1. 47 OPEC Annual Statistical Bulletin 2010/2011, p. 95. Les cinq sociétés pétrolières les plus grandes sont: Exxon, BP, Total, Shell et Chevron.

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de port en eau profonde. Les ressources pétrolifères par contre sont en état fluide dans des

bassins sous le sol. Pour y avoir accès, il n’est pas toujours nécessaire de construire autant

d’infrastructures annexes (même si l’exploitation du pétrole ultra offshore présente de très

importants défis techniques).

Le niveau de risque dans la recherche des minerais (à l’exception de certains minerais tel que

l’or) est beaucoup plus élevé que le niveau de risque dans la recherche du pétrole. Le taux de

succès en recherche minière, mesuré par le nombre de mines qui sont développées est d’une

sur plus de mille48, soit moins de 0,10 %. Par contraste, dans l’industrie pétrolière, le taux de

succès d’un projet de recherche est de 10% dans les environnements difficiles, comme les

eaux profondes du Golfe du Mexique, et presque 50% aux Etats Unis en général49. Donc,

l’investissement en recherche minière implique beaucoup plus de risque que l’investissement

en recherche pétrolière.

En général, la période de temps nécessaire pour développer une mine après la découverte

d’un gisement des minéraux métalliques économiquement exploitable est beaucoup plus

longue (souvent au-delà de cinq ans) que la période du temps nécessaire pour transformer un

puits exploratoire de pétrole en puits de production commerciale de pétrole. Par conséquent,

même dans le rare cas de la découverte d’un gisement économiquement exploitable, une

compagnie minière doit attendre des années pour réaliser la construction de la mine et

bénéficier de sa productivité.

Enfin, l’industrie minière est caractérisée par un cycle commercial de périodes prospères

suivies de périodes de perte qui peuvent être de longue durée. Ce cycle est observé depuis

longtemps comme beaucoup plus sévère dans l’industrie minière que dans l’industrie

pétrolière. Les compagnies qui ne sont pas suffisamment capitalisées n’arrivent pas à survivre

pendant les années creuses.

Pour toutes ces raisons et d’autres, il existe beaucoup d’entreprises publiques nationales qui

exploitent des gisements pétrolifères dans le cadre de partenariat où leur part est 50% ou plus.

Certaines de ces entreprises publiques sont dominantes dans la production et la distribution

du pétrole, dans leur pays au moins. Par contre, il n’existe pratiquement pas de grandes

sociétés minières sous forme d’entreprises publiques ou dans lesquelles l’Etat a un intérêt de

50% ou plus. Les seules exceptions sont les grandes compagnies minières chinoises ou russes

qui sont des entreprises publiques mais bien souvent également des entreprises diversifiées,

ou encore la SNIM en Mauritanie, cela s’expliquant pour des raisons historiques50.

Nous avons observé que, même s’il existe un socle commun en matière d’audit de la

législation nationale entre les activités minières et pétrolières, en revanche au niveau du choix

48 Heffernan, V. Worldwide Mineral Exploration: Preparing for the next boom (Financial Times Energy, London, 1998), p. 3. 49 Camara Alfaro, Corcoran, Davies, Gonzalez Pineda, Hampson, Hill, Howard, Kapoor and Kragh, “Reducing Exploration Risk” dans Oilfield Review, Spring 2007, p. 27. 50 Un gisement de fer de grande ampleur a été découvert dans les années cinquante en Mauritanie. Sa mise en exploitation s'est d'abord effectuée par l'intermédiaire d'une société française, la MIFERMA, qui représentait aussi un consortium d'industries sidérurgiques européennes. Nationalisée en 1974 dans un contexte de luttes sociales et politiques nationales, la MIFERMA est devenue la SNIM. Voir : « La Montagne de fer : La SNIM (Mauritanie) - Une entreprise minière saharienne à l'heure de la mondialisation », Pierre Bonte, Karthala, 2003

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du contrat d’Etat, de profondes différences existent entre ces deux secteurs. Mais ces deux

secteurs se rejoignent dans la recherche de la stabilité de leur investissement.

C) La recherche de stabilité

Du point de vue de l’investisseur, les contrats d’Etat offrent l’opportunité de limiter les aléas

juridiques, politiques et économiques au moyens de divers procédés incluant bien entendu les

clauses de stabilité51 juridique et fiscale52, clause de « hardship »53, clause de force majeure,

etc., mais aussi au moyen de matrices des risques préalables à la rédaction des contrats et à

l’examen détaillé de la législation relative aux investissements. Ils permettent également

d’anticiper le profit qui pourra être réalisé par chaque partie en fonction de la durée et du

montant de l’investissement.

Nous examinerons dans quelle mesure l’autorité publique, dans le but d’assurer la protection

des investissements, a le pouvoir de renoncer à sa prérogative de modifier la loi ou les

règlements dans l’intérêt général ou de s’imposer des restrictions à l’exercice de cette

prérogative soit sur habilitation du législateur, soit suivant des principes généraux de droit.

Est ici posée en effet la problématique des clauses d’intangibilité et/ou de stabilité.

La clause de stabilisation a pour objet de remédier à l’aléa législatif et la clause d’intangibilité

tend à pallier les inconvénients que pourraient subir l’investisseur de l’exercice éventuel par

l’Etat d’accueil de ses prérogatives de puissance publique en matière contractuelle54. L’intérêt

de la distinction clauses de stabilisation – clauses d’intangibilité se situe au niveau des

conséquences juridiques qui s’attachent à l’un et l’autre type de clause. En effet, tandis que

les clauses de stabilisation affectent une compétence générale que l’Etat tient de sa

souveraineté même, les clauses d’intangibilité concernent un pouvoir qui ne se déploie qu’à

l’intérieur de la sphère contractuelle.

En dépit de la position de certains auteurs55 et de tentatives étatiques de remise en cause de

ces clauses dans certains pays (notamment en Amérique du Sud) qui porteraient atteinte à la

souveraineté étatique56 (alors que ces clauses sont, au départ, généralement agréées par les

parlements et gouvernements), les clauses de stabilisation et ou intangibilité sont des clauses

51 B. Montembault, « La stabilisation des contrats d’Etat à travers l’exemple des contrats pétroliers : le retour des dieux sur l’olympe ? », RDAI n°8, 2003 52 P. Mousseron, « Les clauses fiscales dans les contrats internationaux », RDAI n°6, 2007 53 La clause de hardship oblige les parties à renégocier leur contrat si des changements de circonstances imprévisibles et postérieurs au contrat ont rendu son exécution onéreuse pour l’une des parties. 54 Les clauses d’intangibilité ont pour but de mettre l’investisseur à l’abri des pouvoirs exorbitants que l’Etat d’accueil pourrait tenir de son droit national vis-à-vis de ses cocontractants. Elles prennent, concrètement, la forme d’une stipulation qui prévoit de manière générale que les droits et obligations des parties ne pourront être modifiés sans leur consentement mutuel. 55 Voir par exemple : A. F. M. Maniruzzaman, “The issue of resource nationalism: risk engineering and dispute management in the oil and gas industry”, Texas Journal of Oil, Gas and Energy Law [Vol. 5] 2009 ; du meme auteur: “National Laws Providing for Stability of International Investment Contracts: A Comparative Perspective”, The Journal of World Investment & Trade 2007 56 Il convient de rappeler qu’en principe l’Etat hôte a la maîtrise de son droit interne et peut, par des mesures constitutionnelles, législatives ou réglementaires, modifier l’environnement juridique dans lequel le contrat s’exécute. Par ailleurs, tout en restant dans le champ contractuel, cet Etat peut user à l’égard de l’investisseur de ses prérogatives de

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de style57 de tous contrats d’Etat impliquant d’importants investissements, pour lesquels le

retour sur investissement est différé dans le temps58.

Il est en effet capital, pour rassurer les investisseurs étrangers et favoriser les investissements

sur le territoire, qu’aucune modification législative ne vienne augmenter les coûts et/ou

diminuer les recettes des investisseurs sur la durée prévue de contractualisation des rapports

entre l’Etat et l’investisseur.

En réalisant un examen de différentes clauses de stabilisations contenues dans des contrats

pétroliers et miniers59, il apparaît qu’il existe de nombreuses variations sur ces clauses comme

exposés ci-après :

- Unicité ou multiplicité des clauses de stabilisation au sein de la Convention

d’Etablissement :

De nombreuses conventions contiennent une clause relative à la stabilisation de manière

générale et une clause de stabilisation spécifique en matière fiscale et douanière. Il parait plus

opportun, pour des raisons de lisibilité et de cohérence de ne disposer que d’une seule clause

relative à la stabilisation dans les matières juridiques, fiscales et douanières.

- Domaine de la clause de stabilisation :

Nous pensons qu’une clause de stabilisation doit stabiliser (i) le régime défini par la

convention elle-même et (ii) le droit positif existant qui n’entrerait pas en contradiction avec

le régime défini par la convention.

Il convient de noter que les clauses de stabilisation visent le pouvoir législatif et réglementaire

de l’Etat et qu’ainsi elles ne protègent pas contre un changement de normes de valeurs

constitutionnelles et ou communautaires (OHADA, CEMAC, UEMOA, etc.). Dès lors, les

investisseurs ont de plus en plus tendance à demander l’engagement des Etats hôtes de les

dédommager dans le cas d’un changement de ces normes. Un mécanisme d’indemnisation

similaire à celui existant en cas d’adoption des actes de l’Union Européenne devrait être

envisagé par les organisations supranationales.

- Date de prise en compte pour la stabilisation :

Nous conseillons que le droit applicable (dispositions de l’accord, plus droit applicable non

contraire) soit stabilisé à la date d’entrée en vigueur de l’accord.

- Durée de la stabilisation :

La garantie de stabilisation ne doit pas être limitée dans la durée et doit s’appliquer pour

toute la durée du contrat et de ses éventuels renouvellements.

puissance publique que son droit national pourrait lui accorder, notamment dans les pays qui connaissent le concept de contrat administratif 57 C. Leben fait remarquer que sur les cinq dernières décennies un grand nombre de contrats (plusieurs centaines selon l’auteur) passés entre Etats d’accueil et investisseurs étrangers ont comporté de telles clauses : C. Leben « Quelques réflexions théoriques à propos des contrats d’Etat », op. cit., p.170. 58 Par exemple le droit congolais fait référence de manière explicite à l’existence de ces clauses, au moins en matière fiscale, à travers l’article 166 du Code Minier et l’article 25 de la Charte des investissements (Loi n°6-2003 du 18 janvier 2003) ; 59 Convention d’exploitation minière Congo – Magminerals Potasse et Magindustries 22 décembre 2008 (dite Convention MAG) ; Convention d’établissement entre l’Etat Malagasy et QIT-Fer 19 février 1998 ; Convention minière Cameroun / Geovic Cameroun ; Convention Minière Sénégal / SN Comodities Ltd ; Convention type exploitation minière Bénin ; Modèle type de convention minière Permis d’exploitation industrielle Burkina Faso (décret n°2005-049 du 3 février 2005) ; Convention minière type Mauritanie (Loi 2002/02 du 20 janvier 2002) ; Convention minière type Guinée 20 août 2007 ;

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- Bénéficiaires de la clause de stabilisation :

Il est évident que la société cocontractante de l’Etat est le premier bénéficiaire de cette clause

de stabilisation ainsi que ses actionnaires, prêteurs, sous-traitants, partenaires, salariés, etc.

ce qui se justifie en raison de l’importance des investissements, et de la nécessité de recourir à

la sous-traitance pour la réalisation des projets miniers et pétroliers.

- Conséquences en cas d’adoption d’une loi ou d’un règlement défavorable au

contractant de l’Etat car modifiant le droit applicable contenu dans la convention :

Les clauses qui ne prévoient qu’un « gel » de la législation applicable et pas de sanction / de

mécanisme d’adaptation en cas de modification de la législation stabilisée60 ne nous

paraissent pas présenter suffisamment de garantie pour l’investisseur. Il conviendrait de

prévoir, en plus du « gel » de la législation applicable que :

- En tout état de cause, dans l’hypothèse de l’adoption d’une législation ou de textes

réglementaires allant à l’encontre de la stabilisation, ces nouvelles dispositions ne

seront pas opposables / applicables à l’investisseur, ou alors qu’elles ne seront

applicables que si elles n’ont pas d’effet sensiblement défavorable en termes

économiques et financiers sur les droits et obligations de la société ;

- S’agissant de cet effet défavorable, il convient de déterminer comment l’apprécier : au

regard de la modification particulière induite ou de manière globale en cas de

modifications plurielles. En tout état de cause, il convient d’éviter les discussions sur

l’appréciation de l’effet défavorable en prévoyant, que l’investisseur est seul juge de

cet effet défavorable ou qu’en cas de désaccord des parties sur le caractère défavorable

un tiers se prononcera sur le sujet (procédure d’escalade). En effet faire dépendre

l’appréciation du caractère défavorable d’un accord entre l’Etat hôte et l’investisseur

laisse la porte ouverte à des discussions interminables nuisant à la bonne marche du

projet minier ou pétrolier et à sa sécurité juridique.

S’il existe plusieurs variantes à cette clause, le point commun demeure une volonté de

stabilisation des termes constitutifs de l’équilibre économique global du contrat, dont font

partie les dispositions fiscales. La fixité et l’immobilité des termes contractuels ainsi souhaitée

par les parties n’a de sens que dans l’optique de préservation de l’équilibre économique initial

du contrat61, indépendamment des intempéries législatives ultérieures.

Ainsi en intégrant tous les paramètres économiques pris en considérations par les

investisseurs pétroliers et miniers, le contrôle de l’équilibre contractuel est d’autant facilité.

La seconde partie, consacrée à la fiscalité des Contrats de Partage de Production et à la

notion de coûts pétroliers, illustre cette recherche de l’équilibre contractuel.

60 Ce qui est par exemple le cas de la Convention minière type du Bénin ou de la Convention type Mauritanie (Loi 2002/02 du 20 janvier 2002) 61 Laurent Vidal, L’équilibre financier du contrat dans la jurisprudence administrative, Bruxelles, Bruylant, 2005

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II- Focus sur un type de contrat d’Etat dans le domaine des hydrocarbures : le Contrat

de Partage de Production (CPP62) et la notion de coûts pétroliers

A. Contexte économique et stratégique de la fiscalité pétrolière amont

Pour comprendre la nature et certains mécanismes techniques de la fiscalité pétrolière amont,

il faut la restituer dans son contexte économique et stratégique.

Parfois, certains auteurs63 ont pu relever « une législation fiscale trop flexible » du fait que « pour

l’essentiel des clauses fiscales, les lois régissant les hydrocarbures renvoient aux contrats ou conventions

selon les cas ». De même, les habilitations directes accordées aux contractants soit en ce qui

concerne la source des exonérations et le pourcentage de partage de la production en Guinée

Equatoriale, les modalités de partage du profit oil au Congo64, ou soit le mode de valorisation

des hydrocarbures au Tchad65, sont également critiquées car elles devraient relever de la loi,

sinon de la réglementation.

Une telle posture ne peut se fonder et se légitimer que dans l’idéal positiviste étatiste suivant

lequel la fiscalité en général, et donc la fiscalité pétrolière ou minière, relève de l’ordre

juridique classique étatique et jacobin66, dans lequel l’Etat est considéré comme l’acteur

légitime et exclusif de l’édiction de la norme fiscale, notamment par le Parlement. Dans cette

logique, les latitudes accordées explicitement par la loi aux parties contractantes de statuer

sur des volets purement fiscaux sont alors considérées comme de la flexibilité injustifiée,

voire des violations élémentaires du droit fiscal primaire.

Il pourrait ultimement s’agir d’une insuffisance étatique qui traduirait au moins une

inattention grave de la part du législateur, au pire une preuve de faiblesse devant les

investisseurs privés internationaux presque toujours présentés comme de puissants

interlocuteurs pouvant traiter d’égal à égal avec les Etats producteurs.

Toutefois, nous pensons que cette approche est viciée dans sa nature par deux insuffisances

essentielles :

Elle rend absolue la compétence du Parlement en matière fiscale, alors que même en

restant dans l’ordre juridique étatique classique, le principe de légalité n’a pas une

portée exclusive en droit positif. Autrement dit, le Parlement ne constitue pas le seul

organe habilité à édicter des normes générales en matière fiscale. L’analyse de fond

devrait alors conduire les tenanciers de cette théorie à interroger la juridicité et

l’opportunité de l’habilitation donnée ainsi aux parties sur les questions fiscales ainsi

ciblées, et non de considérer religieusement le Parlement comme l’organe

exclusivement compétent en matière fiscale ;

62 Parfois également dénommés « CEPP » pour Contrat d’Exploration et de Partage de Production, afin de souligner que la phase de d‘exploration est également couverte par le contrat quand bien même des titres miniers différents sont octroyés pour la phase d’exploration et pour la phase d’exploitation. 63 Albert Léonard Dikoume, « La fiscalité pétrolière comparée dans les Etats membres de la CEMAC », Paris, L'Harmattan, 2008. p. 249. 64 Ibid P. 251. 65 Ibid P. 253. 66 Cet article ne traite que des pays d’Afrique francophone qui constitutionnellement sont des Etats unitaires et non fédéraux. L’argumentaire serait différent pour les Etats fédéraux tels que le Nigéria car il existe une répartition des compétences spécifiques entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés en matière fiscale, ce qui impact également les litiges en découlant et /ou les protections à mettre en œuvre pour que l’investisseur s’en prémunisse.

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La critique sur la légalité des normes fiscales contractuelles est soutenue par des

considérations liées à l’ordre juridique étatique classique, alors même que les contrats

signés entre les Etats et les entreprises privées étrangères ne relèvent pas

nécessairement, ni exclusivement, tant dans leur contenu que dans leur force

obligatoire, de l’ordre juridique étatique67. Autrement dit, il y a un déficit

d’enracinement de cette source contractuelle du point de vue juridique, source sans

laquelle la force obligatoire et la nature même de ces contrats sont méconnues.

Or, comme le precise Carole Nahkle : « …taxation of petroleum in particular, reach well beyond

the simple process of providing revenue to government. Since natural resource are frequently owned or

controlled by governments, petroleum taxation, the surplus annexed by government, can be considered as

the owner’s claim to net resource value, defined as the net value of revenues received from the sale of the

recovered product less all claimed production costs. It is, at least in theory, the means that divides

rewards between the investor and the government »68.

Autrement dit, la fiscalité n’est qu’un mode de rémunération parmi d’autres dans le cadre du

partage de la rente pétrolière69 ou minière, entendu comme le résultat de la valorisation

chiffrée de la ressource, soustraction faite des coûts y afférents. Le partage de la rente se

réalise alors à la fois par des éléments strictement fiscaux, mais aussi non strictement fiscaux,

tels le partage de la production et la participation étatique dans les intérêts miniers70 (ou

encore par toutes les infrastructures développées et les externalités positives). Dès lors, les

mécanismes à la fois techniques et juridiques de la fiscalité pétrolière ou minières sont

nécessairement différents de ceux d’autres secteurs d’activités, car intégrés dans des

simulations économiques complexes relatives à la rentabilité ou pas d’un projet pétrolier ou

minier.

La doctrine anglo-saxonne systématise la place de la fiscalité pétrolière dans l’économie

globale des projets pétroliers71. Ainsi, les préoccupations de partage équitable de la rente

67 Jean-Christophe Pommier, Principe d’autonomie et loi du contrat en droit international privé conventionnel, Paris, Economica, 1992 ; Georges R. Delaume, « The proper law of State contracts revisited » in ICSID Rev. (FILJ), 1997, vol.12, p. 13 et s. l’auteur parle de “A new trend: limiting the role of the proper law to a residual function”. 68 Petroleum Taxation Sharing the oil wealth: a study of petroleum taxation yesterday, today and tomorrrow, Routledge Publishers, New York 2008, p. 7. C’est nous qui soulignons. 69 Selon C. Nakhle, « economic rent represents the surplus return above the value of the capital, labour and other factors of production employed to exploit the resource. It is the surplus revenue of the resource after accounting for the costs of all capital and labour inputs. In addition to the capital and labour inputs referred to, further inputs in respect of entrepreneurial reward and risk taking are also usually incorporated », op.cit., p. 5. 70 T. Baunsgaard, « A primer on mineral taxation », www.ogel.org, vol 2 – issue 3, july 2004 ; A. Ogunlade, «How can Government best achieve its objectives for Petroleum Development: taxation and regulation or state participation ? », www.ogel.org, vol 8 –issue 4, novembre 2010. 71 Ainsi pour Carole Nahkle: « The basic proposition underlying petroleum taxation is easily stated. It is to acquire for the state in whose legal territory the resources in question lie, a fair share of the wealth accruing from their extraction, whilst encouraging investors to ensure optimal economic recovery of those hydrocarbon resources. (…) These issues, and many others, arise in almost all taxation policy activities. But in the case of petroleum they assume a special character and complexity. Of central relevance are the uncertainties associated with petroleum geology, the specific characteristics of individual oil fields and the possibility of reinvestment. The costs of petroleum projects tend by their nature to be incurred up front. The time lags can be considerable, often of many years and even decades, from the initial discovery of oil gas reserves to the time of first production. Such characteristics impose numerous difficulties in the design and implementation of an appropriate tax system aimed at achieving a balance between both government and industry objectives ». (Op.cit., p. 5. C’est nous qui soulignons). Plus loin, le meme auteur précise que « Governments of oil producing countries face important challenges when designing a tax system that meets two fundamental objectives; namely to ensure a fair share of revenues for themselves whilst simultaneously providing sufficient incentives to encourage investment. These two objectives are often

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pétrolière ou minière entre contractants d’une part, mais aussi relatives à la rentabilité du

gisement tout simplement, conduisent à moduler la fiscalité de la façon la plus adéquate,

pour préserver des intérêts tantôt contradictoires tantôt convergents d’autre part. Il s’agit

alors de préserver à la fois des intérêts patrimoniaux, mais aussi géologiques et stratégiques.

Dans sa fonction essentielle, « The fiscal system must offer incentives to explore and invest while

securing fair share of revenues for public use. (…) It can be structured to reduce investment risks and

secure higher government revenues»72. Il ne peut donc s’agir d’une fiscalité extérieure à sa

matière, mais plutôt d’une pression fiscale calibrée et adaptée au gisement exploité, conforme

aux paramètres géologiques et économiques du champ pétrolier ou minier en cause.

Concrètement, la pression fiscale s’arrête au seuil de rentabilité garanti par l’Etat à son

cocontractant. La liquidation concrète de la redevance intègre alors des paramètres

économiques tels le volume de la production et sa valorisation d’une part, et les coûts

associatifs de production d’autre part. La fiscalité fait alors corps avec la profitabilité du

projet et se fonde dans la nature et la structure du projet.

Ainsi que nous le verrons, ce qui est en dans un premier temps considéré comme un

prélèvement spécifique (redevances superficiaires, bonus, redevances à la production…), se

mue ensuite en acomptes sur le revenu, par un mécanisme d’agrégation de ce qui a été payé,

et de comparaison avec le plafond dû contractuellement en termes de pression fiscale : le

« governement take » (ou part gouvernementale). Aucun autre secteur d’activités n’intègre

ainsi des prélèvements différents dans un package global. En droit commun, chaque impôt

ou taxe a son régime et son utilité, et n’interfère qu’exceptionnellement avec un autre

prélèvement. En droit minier ou pétrolier il s’agit en réalité de techniques fiscalo-financières

permettant la préservation de l’équilibre économique initialement contractualisé par les

parties, renforçant le principe de stabilisation lui-même systématique dans les accords

pétroliers73 ou miniers.

B. Analyse technique des mécanismes gouvernant un contrat de partage de production

Sans occulter l’importance des contrats de concession qui constituent un modèle contractuel

en vigueur dans certains importants pays producteurs de pétrole et qui est le modèle

prépondérant dans le secteur minier (en raison de sa spécificité énoncée précédemment), les

contrats dits de partage de production sont la figure contractuelle couramment utilisée dans

de nombreux Etats africains producteurs d’hydrocarbures74.

Si l’étude des législations de ces différents Etats, ainsi que des CPP qu’ils ont conclus avec

des sociétés pétrolières, révèle naturellement des spécificités propres à chaque Etat75, voire sur

competing rather than complementary. The need for balance between taxpayer and tax-levying authority is unavoidable but hard to achieve in practice…» (C’est nous qui soulignons). 72 Oil and Gas in Africa, The African Development Bank, Oxford University Press, 2009, p. 87. 73 V. S. ESSAGA, La clause de stabilité fiscale dans les contrats pétroliers au Cameroun, Mémoire de DESS en Administration fiscale, Université de Douala, juin 2008. 74 Par exemple : Gabon, Congo-Brazzaville, République Démocratique du Congo, République de Guinée, Nigeria, Ghana, Guinée Equatoriale, Tchad, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Niger. 75 La spécificité de la fiscalité pétrolière constitue très (trop) souvent l’idée que veut directement ou indirectement faire retenir certains auteurs. Ainsi il est très souvent évoqué que la fiscalité pétrolière est « spécifique » adjectif auquel on

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certains aspects à chaque gisement ou champ pétrolier considéré, des éléments communs aux

différents CPP existent76.

Au titre d’un CPP, les parties contractantes sont l’Etat d’une part et une entreprise privée

étrangère ou bien un groupement d’entreprises privées étrangères, associées par un « Joint

Operating Agreement », d’autre part, cette entreprise ou ce groupement d’entreprises étant

communément désigné(e) sous le terme de « Contracteur ». Dans l’hypothèse d’un

groupement Contracteur, l’une des entreprises appartenant à ce groupement est mandatée par

le groupement et approuvée par l’Etat pour la conduite et la réalisation des opérations

pétrolières et est désignée sous le terme d’ « Opérateur ».

D’une manière générale, les CPP précisent les principes définis par les lois relatives aux

hydrocarbures, les chartes d’investissement, les conventions d’établissement et les conditions

dans lesquelles les parties entendent conduire les opérations. Ils fixent les conditions de

financement des investissements, le mode et les mécanismes de récupération des coûts et les

modalités du partage de la production.

Les contrats de partage de production comportent habituellement un important chapitre

consacré aux dispositions fiscales. Les contrats d’hydrocarbures constituent en effet une

importante source de revenus pour les Etats producteurs qui souhaitent légitimement

optimiser de tels revenus et les sociétés pétrolières, au regard de l’importance des

investissements réalisés et des risques pris, souhaitent préciser de manière contractuelle les

dispositions fiscales qui leur sont applicables et que ces dispositions soient stabilisées dans le

temps afin que leurs prévisions de rentabilité, conditions du financement des opérations, ne

soient pas altérées.

Ainsi, les dispositions fiscales applicables aux CPP comportent systématiquement un

principe d’exhaustivité au titre duquel le Contracteur (et ses sociétés affiliées) est(sont)

exonéré(s), à raison des opérations pétrolières objet du CPP, de tous autres impôts,

redevances, droits, taxes, bonus et contributions que ceux listés de manière exhaustive dans

le CPP.

Le Contracteur77 au titre d’un CPP est donc assujetti aux impôts, redevances, droits, taxes,

bonus et contributions suivants, aux conditions précisées par le CPP :

- Bonus (de signature, de production) ;

- Redevance calculée en fonction de la superficie du projet, dite redevance superficiaire

;

- Redevance calculée sur la ressource minérale : redevance minière proportionnelle ;

- Contributions à des fonds et organismes de soutien, de formation ;

substitue assez souvent le synonyme de « particulière ». Voir par exemple le mémoire de DESS de A. Kwete Ekwa « la spécificité du régime fiscal amont des sociétés pétrolières au Cameroun », Université de Douala 2001 ou L. Dikoumè « La fiscalité Pétrolière comparée dans les Etats membres de la CEMAC », L’Harmattan, 2008. Pour une critique de cette approche voir Stéphane Essaga « De la véritable spécificité de la fiscalité pétrolière amont » Journal Africain du Droit des Affaires (JADA), n°2, 2012. 76 Nous considérons que la multiplicité de spécificités de régimes entre Etats et ensuite à l’intérieur d’un même Etat, conduit à banaliser l’idée de « spécificité » voir à la normaliser dans un champ d’étude donné. Développer un inventaire de régimes spécifiques dans le champ d’étude de la fiscalité pétrolière, c’est mécaniquement rendre normal ces éléments caractéristiques dans un domaine de définition précis. La démultiplication des spécificités des fiscalités pétrolières invalide ipso facto cette théorie comme étant une propriété caractérisant la fiscalité pétrolière. 77 Ou les membres du groupement Contracteur

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- Droits fixes dans certains cas ;

- TVA souvent à des taux favorables voir au taux 0 ;

- Droits et taxes perçus par l’administration des douanes, à l’exclusion des biens

nécessaires à la réalisation du projet pétrolier et taux favorable pour les autres biens

(le plus souvent) ;

- Impôt sur les sociétés ;

- Part de l’Etat au titre du partage de la production (Profit Oil Etat).

S’agissant du paiement de l’impôt sur les sociétés, il est le plus souvent versé en nature, par

remise à l'Etat d'une quantité d‘hydrocarbures correspondant au montant dudit impôt. Ainsi,

le montant de l’impôt sur les sociétés est inclus dans la part revenant à l'Etat au titre de son

« Profit Oil ». Il en va de même pour la redevance minière proportionnelle. La valeur des

hydrocarbures reçus par le Contracteur ou les entreprises constituant le Contracteur au titre

de son / leur « Profit Oil » représente donc un bénéfice net après paiement de l’impôt sur les

sociétés dû.

La détermination du « Profit Oil » au titre d’un CPP est donc capitale pour les deux parties

car l’équilibre du contrat en dépend en grande partie. Or la détermination du « Profit Oil »

passe par la détermination préalable du « Cost Oil », c'est-à-dire de la part d’hydrocarbures

représentée par les coûts pétroliers récupérables qui sera déduite du calcul du « Profit Oil »

global et par conséquent du « Profit Oil » des deux parties au CPP.

Le « Profit Oil » est communément déterminé de la manière suivante : Au titre d’un exercice

considéré, la production dite nette est calculée en retranchant de la production totale la

redevance minière proportionnelle versée à l’Etat. Puis la production nette est diminuée du

« Cost Oil » et la production restante ou le « Profit Oil » est partagé entre l’Etat et le

Contracteur selon des modalités du partage pouvant varier selon les CPP.

Les recettes de l’Etat, au titre de la redevance minière proportionnelle et de la part de « Profit

Oil » lui revenant sont donc impactées par les deux éléments que sont les modalités de

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valorisation des hydrocarbures, selon la règle dite du Prix de Cession Officiel78 et le montant

des coûts pétroliers. L’étude de cette notion de coûts pétroliers et ses enjeux en matière

d’audit fera l’objet des développements suivants.

C) La notion de coûts pétroliers

Au cours des périodes d’exploration comme après l’octroi d’un titre minier d’exploitation, le

Contracteur est tenu, au titre du Contrat de Partage de Production et/ou des titres miniers

octroyés dans le cadre de ce contrat à des engagements de travaux. En phase d’exploration,

des programmes minimum de travaux sont déclinés selon des programmes annuels de

travaux, soumis à l’approbation de l’administration avec un budget correspondant (le

Contracteur doit en effet, sous peine de pénalités pouvant notamment aller jusqu’au retrait

du titre minier, réaliser ces travaux et investir un montant minimum pour la réalisation de ces

travaux). En phase de d’exploitation, le Contracteur doit présenter à l’Administration un

programme détaillé de développement et de production comportant les travaux prévus, leurs

coûts et le calendrier de leur réalisation. Ces travaux occasionnent pour le Contracteur des

coûts admissibles, sous les conditions définies au CPP, à la qualification de coûts pétroliers.

1) Structure des coûts relatifs à un projet pétrolier amont :

Il existe quatre catégories majeures de coûts dans un projet pétrolier amont :

- Les coûts en phase d’exploration : Occasionnés essentiellement avant la découverte

d’un dépôt d’hydrocarbures, ils comprennent principalement l’acquisition et/ou

l’interprétation de sismique, le ou les forages d’exploration79.

- Les coûts en phase d’investissement : ce sont les coûts induits par le programme de

forages ultérieurs à la découverte d’hydrocarbures permettant de délimiter les formations

éventuellement productives et de connaître le potentiel du réservoir (phase de délinéation et

de certification).

- Les coûts en phase de développement, qui comprennent :

Le forage de puits de production et, si nécessaire, de puits d’injection (gaz et/ou eau aux fins

de récupération primaire) ;

La construction des installations de surface comme le réseau de collecte, les installations de

traitement, de stockage, de pompage et de mesurage ;

- La construction d’infrastructures de transport (pipeline et terminaux de chargement)

et les coûts opératoires tels les coûts de transport.

2) Les règles générales en matière de récupération des coûts pétroliers

78 Les quantités d’hydrocarbures prélevées notamment au titre de la récupération des coûts pétroliers mais aussi au titre du paiement de la redevance minière proportionnelle, constituant la part de pétrole de la société et de l’Etat, sont valorisées sur la base d’un Prix de Cession Officiel (ci-après « PCO ») qui doit être déterminé périodiquement et conjointement entre les pétroliers et les représentants de l’Etat concernés sur la base des prix des marchés internationaux. L’instauration d’un PCO vise à s’assurer que les prix de vente des hydrocarbures qui constituent la base des prélèvements fiscaux, correspondent à des prix de marché. 79 Le coût du forage d'exploration varie de 500 000 € à terre, à 15 millions € pour les puits en mer. Cette étape dure de 2 à 6 mois environ et représente en moyenne 60% du budget d'exploration.

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Les dispositions relatives à la récupération des coûts pétroliers sont prévues par les

dispositions des CPP négociés avec les compagnies pétrolières, notamment dans l’annexe

comptable de ces CPP.

En vertu des dispositions des CPP, la société pétrolière a droit à la récupération des coûts

pétroliers qu’elle a supportés à l’intérieur de la zone délimitée, par le prélèvement d’une

partie de la production d’hydrocarbures provenant en principe exclusivement de cette zone.

Ce droit à récupération donne à la société pétrolière la faculté de prélever une partie de la

production nette, à concurrence du montant des coûts pétroliers, étant précisé que les

Contrats de Partage de Production prévoient en général que ce prélèvement ne peut excéder,

pour une année donnée, un pourcentage de la production nette obtenue au cours de ladite

année80, le montant des coûts non récupéré étant reporté sur les années suivantes jusqu'à la

récupération totale ou la fin du CPP.

A cet effet, la société pétrolière doit tenir, conformément à la procédure comptable annexée

au CPP, une comptabilité spécialement réservée et organisée pour l'enregistrement des coûts

pétroliers.

D) Comptabilité et audit des coûts pétroliers

1) Les règles générales en matière de comptabilité des coûts pétroliers

La comptabilité des coûts pétroliers enregistre :

- au débit, les dépenses effectivement payées se rapportant aux opérations pétrolières et

considérées comme imputables aux coûts pétroliers, c’est-à-dire les dépenses

incombant réellement au Contracteur, nécessaires à la bonne réalisation des

opérations pétrolières et justifiées, appuyées de pièces et documents justificatifs

permettant un contrôle efficace par l‘administration.

- au crédit, le montant des coûts pétroliers récupérés ainsi que les recettes et produits de

toute nature qui viennent en déduction ou en atténuation des coûts pétroliers.

Par ailleurs, la comptabilité des coûts pétroliers doit être tenue et présentée de manière que

puissent être aisément regroupés et dégagés les coûts pétroliers afférents, notamment, aux

dépenses d'exploration, d'appréciation et de développement, ceux de production de pétrole

brut et, le cas échéant, ceux de production de gaz naturel, ceux de transport et de stockage

des hydrocarbures, ceux relatifs aux activités connexes, annexes ou accessoires, en

distinguant chacun d'eux. La récupération des coûts pétroliers s’opère en effet dans l’ordre

suivant : les coûts de développement et d’exploitation d’abord, puis les coûts d’exploration.

2) Les règles générales applicables à l’audit des coûts pétroliers

i) Fondements juridiques des contrôles de l’administration

En règle générale, les CPP prévoient eux-mêmes des procédures de vérification et de contrôle

spécifiques. Ainsi, au titre d’un Contrat de Partage de Production, l’administration dispose

d’un pouvoir de contrôle général et de communication (soumis à prescription) sur tous

80 Notion de « Cost Stop »

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documents relatifs aux opérations pétrolières et peut entreprendre, par des experts de son

choix ou par ses propres agents, des examens, vérifications et contrôles comptables,

financiers, juridiques ou techniques pouvant notamment porter sur les coûts pétroliers. Les

obstructions à de tels contrôles peuvent faire l’objet de sanctions pouvant notamment

consister en la résiliation de plein droit du Contrat de Partage de Production.

Si l‘administration estime que les informations/documents et comptes communiqués

contiennent des inexactitudes, elle adresse au Contracteur une notification de

rectifications/redressements, et ce dernier dispose alors d'un délai pour opérer les

rectifications demandés ou présenter ses observations, soit par écrit, soit en demandant une

rencontre à cet effet avec l‘administration. Si, à l'issue de la procédure, un désaccord persiste,

le différend est réglé selon les procédures prévues à la convention.

ii) Vérifications effectués lors des audits de coûts pétroliers

Les vérifications effectuées dans le cadre d’audits des coûts pétroliers consistent

principalement en l’examen de la réalité et de l’exactitude des coûts pétroliers déclarés par les

opérateurs et leur conformité à ceux figurant dans livres comptables de l’Opérateur, en une

analyse des dépenses au regard de la qualification contractuelle des coûts pétroliers, en la

vérification de la valeur probante des supports justificatifs des coûts pétroliers, de

l’imputabilité des coûts pétroliers à recouvrer aux activités relatives à la zone délimitée

définie par le Contrat de Partage de Production en question et en respect des principes de

partage de production.

Conclusion :

Les contrats pétroliers et miniers sont légitimés par des considérations économiques et

stratégiques. Sur le plan économique, les variables extérieures aux parties dans le cadre de

l’exploitation (éventuelle) d’un champ pétrolier ou minier sont telles que les dispositions

fiscales ne peuvent qu’être adaptées au cas par cas. Or seul le contrat permet un tel calibrage,

une telle adaptation, une telle casuistique, et non la loi, trop générale et impersonnelle pour

une application optimale de ses termes. Voilà pourquoi selon les théoriciens du droit, « le

contrat, par opposition à l’esprit unitaire de la loi, est l’instrument de la diversité juridique »81.

Ainsi, si des mécanismes de stabilisation et de contractualisation des relations investisseurs-

Etats se justifient pleinement tant techniquement, qu’économiquement et financièrement, et

bien sûr juridiquement, leur parfaite appréhension doit être maîtrisée par les Etats afin que

ces derniers bénéficient pleinement des revenus leur revenant au titre de ces contrats d’Etat,

que l’équilibre contractuel soit ainsi respecté, et que des mécanismes correctifs voire des

sanctions légitimes puissent être appliquées le cas échéant.

81 J. Carbonnier, Flexible droit, LGDJ, 10ème édiction, Paris 2001, p. 313.