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VIème édition du Congrès Africain des Juriste d’Affaire (COJA 2013) - L’OHADA et la sécurité judiciaire, Ouagadougou, Juin 2013 1 SOMMAIRE Allocution d’ouverture, par Dr Sadjo OUSMANOU, président du CADEV………………………. 3 Première partie : Communications techniques LE CONTENTIEUX DE L’EXECUTION EN DROIT OHADA: Démasquer le visage mystérieux du juge compétent Par Birika Jean-Claude BONZI, Président de la Chambre commerciale, Cour de cassation, Burkina Faso..................................................................................................................8 Le recours en annulation des sentences : Voie de droit ou chicane procédurale ? Dr. Walid BEN HAMIDA Maître de conférences, Université d’Evry et de sciences Po, Paris……………………………………….......................................................................................26 L'efficacité de la justice à l'épreuve des immunités d'exécution opposées à des jugements ou sentences arbitrales impliquant l'Etat, ses émanations ou démembrements, Par Me Mamadou I. KONATE Avocat Associé Jurifis Consult, Mali……………………………………………………………………………………………….………..60 L’exéquatur en France des sentences arbitrales rendues dans l’espace OHADA Par Barthélemy COUSIN, Associé Partner, Norton Rose LLP, Paris………………………….… ………………………………………………………………………….72 Deuxième partie : Travaux en ateliers et rapport général Atelier1 : Regard sur la jurisprudence OHADA : du juge d’instance à la Cour d’Appel, Jalons pour des décisions cohérentes et pour une jurisprudence OHADA stable………………………………………………………………………………………………………..91 Atelier II : « L’hypothèque, la mère des suretés dans tous ses ... états : Regard croisés des juristes des différents Etats membres sur les difficultés de constitution et de réalisation de hypothèques prises avant et depuis la révision de l’Acte Uniforme portant droit des Sûretés……………………………………………………………………………………………………...95 Rapport Général du COJA, par Mesmer NGUEYOU, Avocat, Barreau de Nanterre……………………………………………………………………………………………………97 Appendice : A la découverte du Centre Permanent d’Arbitrage et de Médiation-CPAM……………………….104

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VIème édition du Congrès Africain des Juriste d’Affaire (COJA 2013) - L’OHADA et la sécurité judiciaire, Ouagadougou, Juin 2013

1

SOMMAIRE

Allocution d’ouverture, par Dr Sadjo OUSMANOU, président du CADEV………………………. 3

Première partie : Communications techniques

LE CONTENTIEUX DE L’EXECUTION EN DROIT OHADA: Démasquer le visage mystérieux du

juge compétent Par Birika Jean-Claude BONZI, Président de la Chambre commerciale, Cour de

cassation, Burkina Faso..................................................................................................................8

Le recours en annulation des sentences : Voie de droit ou chicane procédurale ? Dr. Walid BEN

HAMIDA Maître de conférences, Université d’Evry et de sciences Po,

Paris……………………………………….......................................................................................26

L'efficacité de la justice à l'épreuve des immunités d'exécution opposées à des jugements ou

sentences arbitrales impliquant l'Etat, ses émanations ou démembrements, Par Me Mamadou I.

KONATE Avocat Associé – Jurifis Consult,

Mali……………………………………………………………………………………………….………..60

L’exéquatur en France des sentences arbitrales rendues dans l’espace OHADA Par Barthélemy

COUSIN, Associé Partner, Norton Rose LLP,

Paris………………………….… ………………………………………………………………………….72

Deuxième partie : Travaux en ateliers et rapport général

Atelier1 : Regard sur la jurisprudence OHADA : du juge d’instance à la Cour d’Appel, Jalons pour

des décisions cohérentes et pour une jurisprudence OHADA

stable………………………………………………………………………………………………………..91

Atelier II : « L’hypothèque, la mère des suretés dans tous ses ... états : Regard croisés des juristes des

différents Etats membres sur les difficultés de constitution et de réalisation de hypothèques prises

avant et depuis la révision de l’Acte Uniforme portant droit des

Sûretés……………………………………………………………………………………………………...95

Rapport Général du COJA, par Mesmer NGUEYOU, Avocat, Barreau de

Nanterre……………………………………………………………………………………………………97

Appendice :

A la découverte du Centre Permanent d’Arbitrage et de Médiation-CPAM……………………….104

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ALLOCUTION INTRODUCTIVE

Dr. Sadjo OUSMANOU Président du CADEV

Monsieur le Secrétaire Général du Ministère de la Justice, représentant de Monsieur le Ministre de

la Justice, Garde des Sceaux,

Monsieur le 1er vice-président de la CCJA, représentant de Monsieur le président de la CCJA

Madame la Secrétaire permanente du CAMCO,

Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Burkina Faso,

Chers partenaires et Experts,

Mesdames et Messieurs les congressistes.

Les peuples du sahel qui ne sont pas censés connaître grand-chose aux arbres ont néanmoins su

tirer de l'image de l'arbre une sagesse immuable. Cette sagesse, qu'on rappelle aux enfants pour

leur apprendre à savoir gagner des luttes sans combattre, nous enseigne que la force de l'arbre se

trouve dans ses racines.

Avec le recul, je commence à comprendre que l'esprit de notre Congrès est probablement dominé

par cette sagesse qui explique qu'après Douala 2008, nous soyons aujourd'hui à Ouaga, six ans plus

tard, six ans au cours desquels notre Congrès a tenu son pari de se réunir sans discontinuer et a,

depuis lors, parcouru quatre pays, un peu comme la flamme olympique qui distille sa lumière à

travers les pays pour diffuser l'esprit sportif qui veut que l'humilité - toujours elle ! - ne le cède

jamais à l'ivresse du succès.

Aujourd'hui, grâce à vous les entreprises, les cabinets juridiques et les organisations présentes, grâce

à vous, Madame le Secrétaire Permanent du CAMCO, infatigable promotrice de la justice

alternative et partenaire des premières heures du CADEV en tous ses projets; grâce à vous, disais-je,

mais avant tout grâce à Dieu, nous sommes réunis pour la sixième fois en six ans pour célébrer le

droit, pour célébrer la fonction juridique et pour démontrer, à notre manière, qu'une autre Afrique

peut exister, celle qui se construit à partir d'elle-même, par elle-même et pour elle-même.

Aujourd'hui que nous sommes réunis pour la sixième fois entre nous, membres de la grande famille

du droit, je ne saurais vous souhaiter la bienvenue comme on le dirait à un étranger; le CADEV

étant votre maison et le COJA votre forum, je ne peux que vous dire bienvenus chez vous !

Mesdames, messieurs,

La régularité de notre Congrès peut être le signe d'un certain crédit accordé à une manifestation et

à l'institution qui porte cette manifestation; et le CADEV, initiateur du COJA, ne peut que se

féliciter de constater la résonnance croissante de cette activité qui nous coûte tant à tous points de

vue, mais dont le plaisir et l'honneur de la voir se réaliser chaque année surclassent toutes les

servitudes subies et, parfois, les déceptions vécues.

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C'est désormais un fait que le COJA est une manifestation en passe de s'institutionnaliser et de

devenir une date-clé des agendas des juristes d'affaires de l'espace OHADA. Et cette régularité, qui

s'explique également par la qualité et la constance du soutien de notre partenaire historique qu'est

l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), vient surtout traduire le fait que la

fonction juridique, commerçante ou salariée, privée ou publique, bénévole ou lucrative, interne ou

internationale, peut être portée par les dynamiques des intégrations professionnelles et ainsi

mobiliser au-delà des fonctions, des catégories et des postures.

La régularité de notre congrès vient, enfin, nous en dire long autant sur la profondeur de la science

que sur la richesse de la pratique d'une discipline qui, d'année en année, d'un pays à un autre,

d'une région à une région, d'un continent à un autre et, peut-être, bientôt, d'une planète à une

autre, opère sa mue et se transforme, à vue d'œil, ici en un terrible outil de domination et de

déstructuration sociétale, et là comme un formidable instrument au service du développement des

hommes et des sociétés. Or la vocation du droit comme facteur de développement humain se

matérialise, au point ultime de son raffinement, par l'effectivité de la règle de droit, que cette

effectivité s'exprime par l'engagement de respecter la règle, ou qu'elle se décline en l'obligation

subie d'exécuter la décision sanctionnant la violation de la règle. Ainsi en décidant d'articuler notre

rencontre autour de la question de la sécurité judiciaire vue sous l'angle du sort réservé aux

décisions de justice et sentences arbitrales, nous choisissons de traiter des voies et moyens

nécessaires pour que la règle de droit contenue dans une décision juridictionnelle déploie toute son

efficacité et s'impose au succombant. S'impose au succombant et sécurise le gagnant.

A y voir de près, on est dans une évidence banale : une décision de justice, acte solennel par lequel

le juge ou l'arbitre dit le droit, rétablit les équilibres rompus et met fin à la contestation ne peut

qu'être exécutoire sans incident car il y a dans toute décision de justice une part d'autorité,

empruntée du "Peuple qui mande", qui transcende les parties litigantes elles-mêmes, peu important

leur sort processuel.

Mais comme on le sait, la terre est peuplée de trop d'humains pour que les saints y trouvent place,

et pour solennelle et souveraine qu'elle soit, pour qualitative et équitable qu'elle soit, pour

conventionnelle ou judiciaire qu'elle soit, pour consensuelle ou régalienne qu'elle soit, la décision

de justice n'en est pas moins une œuvre humaine avec ses défauts de conformité, ses vices cachés et

ses façades à ravaler. Or, sa nature d'œuvre humaine donne à la décision de justice la mesure de sa

tangibilité en tant que source de justice, d'où les difficultés susceptibles d'entacher l'exécution d'un

verdict issu d'un processus de régulation judiciaire ou arbitrale. Et, pour ne faire que référence au

système OHADA qui nous intéresse en l'occurrence, l'analyse de la sécurité judiciaire sous le prisme

des heurs et malheurs de la réalisation des titres exécutoires peut se recommander de plusieurs

problématiques qui constituent la matrice des travaux du présent Congrès.

Il n'est pas de notre agenda d'évoquer en profondeur ces problématiques que d'autres, plus avisés,

se chargeront d'élucider; mais il ne serait pas superflu de faire noter que trois grands axes d'analyse

semblent se dégager de la thématique générale du Congrès:

- Tout d'abord, la dimension systémique de la question, où la réalité de l'existence de deux

systèmes, celui de la justice publique et celui de l'arbitrage, puisant à la même source de légitimité,

amène à examiner de plus près le niveau d'efficacité réelle des décisions issues de l'un et de l'autre

système. Car il ne suffit pas de dire que la justice publique souffre aujourd'hui d'inefficience parce

qu'elle a trop longtemps souffert de mal-gouvernance pour fonder, de facto, l'efficacité de la justice

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alternative incarnée par l'arbitrage. C'est qu'à dire la vérité, il n'est pas exclu que cette dernière

forme de justice soit également porteuse de quelques tares congénitales et des dérives

conjoncturelles, comme sauront le montrer les communications du Dr. Walid Ben Hamida, Me

Konate et Barthélémy Cousin.

- Ensuite, le volet institutionnel de la question, où il apparait que l'architecte de l'OHADA,

comme pressé par l'annonce d'un hivernage imminent, a trop hâtivement monté les différentes

pièces de la maison juridictionnelle de l'OHADA, rendant difficile la circulation entre certaines

pièces, et créant la confusion entre la pièce principale et la dépendance. Pour tenter de

comprendre la logique de ce mini-chef d'œuvre architectural, on écoutera avec intérêt un des

occupants de la maison, Monsieur le 1er Vice-président de la CCJA, Marcel Serekoisse-Samba,

avant de suivre, dans le cadre des ateliers de l'après-midi, les regards que les uns et les autres

daigneront croiser sur les conditions de "collaboration" entre juridictions nationales, d'une part et

entre les juridictions nationales et la CCJA, d'autre part.

- Enfin, l'enjeu de technique juridique, où l'impression se dégage, parfois, que le législateur

OHADA lui-même n'a pas semblé être porté par le souci de parvenir à une justice sécurisante,

comme peuvent en témoigner les problèmes liés à la détermination du juge compétent dans le

contentieux de l'exécution, ceux se rapportant à l'exécution des sentences arbitrales à travers le

régime de l'exequatur et l'immunité d'exécution des personnes morales de droit public, ou encore

ceux rencontrés au quotidien par les bénéficiaires des garanties et sûretés mises en place par l'Acte

uniforme pertinent.

Ces questions, qui seront plus intensément débattues dans les ateliers appropriés, seront également

dans le champ des communications de Monsieur Bonzi sur le contentieux de l'exécution et celles

qui la suivront sur le régime de l'exequatur et les immunités d'exécution contre les Etats et leurs

démembrements.

Et quand il viendra l'heure à Me Mesmer Gueuyou, rapporteur général de nos travaux, de nous

présenter la quintessence des deux journées, nous aurons exploré bien de problématiques et, donc

bien de bonnes, de belles et d'intéressantes choses. Et puisqu'il y a tant de choses à dire par des

voix formellement autorisées, il urge que je taise la mienne pour leur laisser la voie.

Il ne me reste plus qu'à vous remercier pour votre bienveillante attention et à souhaiter que le

COJA 2013 soit à l'image des précédentes éditions : une occasion de choix d'enrichir nos pratiques

professionnelles et un moment mémorable d'enrichissement humain.

_____________________________________

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PREMIERE PARTIE :

COMMUNICATIONS TECHNIQUES

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Thème I:

LE CONTENTIEUX DE L’EXECUTION EN DROIT OHADA:

Démasquer le visage mystérieux du juge compétent

--------------

Par Birika Jean-Claude BONZI,

Président de la Chambre commerciale, Cour de cassation, Burkina Faso

S’il y a un contentieux qui apparait aujourd’hui le plus répandu, c’est celui de l’exécution des titres

exécutoires.

Le législateur communautaire OHADA, en légiférant sur les règles relatives à l’exécution forcée, a

bien voulu dans une disposition à contenu générique indiquer le juge de l’exécution.

En effet, l’article 49 de l'Acte uniforme sur les Voies d'exécution dispose que : « La juridiction

compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée

ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le

magistrat délégué par lui.

Sa décision est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé.

Le délai d’appel, comme l’exercice de cette voie de recours n’ont pas un caractère suspensif, sauf

décision contraire spécialement motivée du président de la juridiction compétente ».

Pour une première approche des questions de l’exécution, et de détermination du juge du

contentieux de l’exécution, il nous parait utile de faire ressortir dans une approche, les actions,

demandes ou contestations qui sont en rapport avec l’exécution mais qui interviennent

antérieurement à l’exécution forcée.

Dans une deuxième partie, analyser les règles relatives au contentieux né de l’exécution forcée.

PREMIERE PARTIE : LE JUGE COMPETENT POUR DES DEMANDES OU CONTESTATIONS

AVANT TOUTE MESURE D’EXECUTION

La procédure de l’exécution forcée est une réponse au refus du débiteur de s’exécuter. Mais bien

avant les mesures de contrainte par voie de saisie, le juge peut être saisi dans trois hypothèses :

- Dans le cadre des astreintes ;

- Dans le cas des défenses à l’exécution provisoire

- Et dans l’hypothèse des demandes de sursis à l’exécution d’un jugement, arrêt rendus en

dernier ressort.

I.1 L’ASTREINTE

C’est une mesure prise par le juge pour vaincre la résistance d’un débiteur. Elle est prévue et

règlementée en droit burkinabè par les dispositions des articles 426 à 429 du code de procédure

civile ;

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1. La procédure d’astreinte

Aux termes des dispositions de l’article 426 du code de procédure civile, les cours et tribunaux

peuvent, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de leurs décisions.

La procédure d’astreinte peut être principale ou subsidiaire. Elle est principale dès l’instant où elle

constitue le fondement de la requête adressée à la juridiction. Elle est dite subsidiaire, lorsqu’elle

est formulée à la suite d’une demande principale.

2. Le Juge compétent

La demande d’astreinte est adressée à la juridiction dont la décision fait l’objet d’une résistance

dans l’exécution par le débiteur. Il s’en suit que cette mesure d’astreinte peut être ordonnée par

toute juridiction, pour contraindre le débiteur à s’exécuter.

Cependant, en fixant le taux d’astreinte, le juge compétent, n’a pas pour mission de faire réparer

un quelconque préjudice par des dommages et intérêts. Généralement, le taux d’astreinte est fixé

par jour.

L’astreinte est provisoire lorsque la mesure prise peut être modifiée soit par une augmentation du

taux soit par une réduction du même taux eu égard aux circonstances de la cause. Dans tous les

cas, le juge doit liquider l’astreinte. Dans cette décision, il peut même modifier ou supprimer

l’astreinte provisoire même en cas d’inexécution constatée.

I.2 LES DEFENSES A L’EXECUTION PROVISOIRE

Elles constituent la voie de recours appropriée entre la partie du dispositif d’un jugement rendue

en premier ressort et qui a ordonné l’exécution provisoire.

L’exécution provisoire est une particularité appliquée par le juge dans des conditions prévues et

définies aux articles 401 à 407 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire ne peut être poursuivie sans avoir été ordonnée ; sauf pour les décisions

exécutoires de plein droit, notamment les ordonnances de référé, les décisions qui ordonnent des

mesures provisoires en cours d’instance, ou des mesures conservatoires.

- La décision sur l’exécution provisoire doit être motivée

- La décision peut porter sur la totalité ou pour partie seulement de la condamnation

- La décision peut conditionner l’exécution provisoire par la fourniture par le bénéficiaire d’une

garantie.

1. La procédure des défenses à l’exécution provisoire

Si l’effet de la décision assortie de l’exécution provisoire peut être suspendu en ce qui concerne

l’exécution provisoire par le dépôt de consignation, il ne peut être arrêté que par la procédure des

défenses à l’exécution provisoire.

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La demande est formée par voie de requête aux fins de défenses à l’exécution provisoire, adressée

au président de la cour d’appel. Elle est accompagnée du jugement qu’elle vise, ou d’un extrait du

dispositif de ce jugement.

Le président de la cour d’appel autorise le débiteur par voie d’ordonnance à assigner le créancier à

comparaître à bref délai. Il sera observé ainsi aux termes de l’article 408 al. 4 CP. Civ un délai « de

cinq jours au moins et de huit jours au plus ».

La signification de l’acte d’assignation au défendeur sursoit à l’exécution du jugement jusqu’au

prononcé de la décision sur les défenses à l’exécution provisoire. Le président de la cour d’appel

statue « au plus tard dans les soixante-douze heures qui suivent le dépôt de l’acte d’appel ou de

l’assignation à bref délai au greffe.

2. Le juge compétent

Il est déterminé par les dispositions des articles 407, 408 et 409 du cp.civ.

L’article 407 pose le principe : « Lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être

arrêté en cas d’appel que par le président de la cour d’appel ». Pour sa part, l’article 408 précise

que la requête est adressée au président de la cour d’appel qui, renchérit l’article 409, « Statue au

plus tard dans les soixante-douze heures ».

Si le premier président de la cour d’appel est compétent pour ordonner des défenses à l’exécution

provisoire, il est également compétent pour ordonner l’exécution provisoire dans deux cas :

- Lorsque l’exécution provisoire a été demandée au juge du premier degré et qui l’a refusée ;

- Et lorsque demandée la juridiction du premier degré a omis de statué.

La juridiction du premier président de la cour d’appel accorde les défenses à l’exécution provisoire

lorsque :

1°) elle est interdite par la loi ou a été ordonnée hors les cas prévus par la loi ;

2°) elle est de nature à entrainer des conséquences manifestement excessives ou irréparables.

I.3 LE SURSIS A L’EXECUTION D’UN TITRE EXECUTOIRE

1. Un peu d'histoire :

L’histoire récente du droit positif burkinabè, rappelle la loi n°031-2004/AN du 10 septembre 2004

portant création d’un fonds séquestre dans le cadre des conflits de travail. Cette loi, qui comprend

7 articles permettait au créancier, l’employeur ou l’employé « d’arrêter ou prévenir toute

exécution forcée d’une condamnation pécuniaire rendue en dernier ressort et objet d’un pourvoi

en cassation en consignant dans ce fonds les sommes correspondant au montant de la

condamnation contre reçu dûment délivré ».

Cette loi qui donne plus de force aux faits qu’au droit a été abrogée par la loi n°038-2012 du 11

octobre 2012.

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L’article 607 nouveau du code de procédure civile a institué une procédure de sursis à exécution.

Le texte précise :

« a) Les recours en cassation et les déclarations de pourvoi ne sont suspensifs que dans les cas

suivants :

- En matière d’état des personnes ;

- Quand il y a faux incident ;

- En matière d’immatriculation foncière et d’expropriation forcée.

b) En cas de pourvoi en une matière où cette voie de recours n’est pas suspensive, le Premier

Président de la Cour de cassation ou tout Président de chambre de ladite Cour spécialement

désigné par le Premier Président peut ordonner qu’il soit sursis à l’exécution des arrêts rendus par

les Cours d’appel ou des jugements rendus en dernier ressort lorsque l’arrêt ou le jugement

contient un excès manifeste de pouvoir, une violation flagrante des droits de la défense ou une

grossière erreur de droit ou lorsque l’exécution dudit arrêt ou jugement est de nature à entraîner

des conséquences excessives au regard de la situation du débiteur de l’exécution ou au regard de la

situation du créancier, notamment en raison du risque de restitution impossible ou difficile en cas

de cassation.

c) Lorsque la condamnation est pécuniaire, l’examen de la requête aux fins de surseoir à

l’exécution des arrêts ou jugements adressée au Premier Président de la Cour de cassation peut être

subordonné à la consignation préalable, au greffe de la Cour, d’une somme ne pouvant être

inférieure au quart de la condamnation.

d) Le Premier Président est saisi par voie de requête. Il est joint à la requête :

- une expédition ou la grosse de la décision attaquée ;

- la requête de pourvoi en cassation.

La requête ainsi que les pièces susvisées sont déposées au greffe de la Cour de cassation ».

Le Premier Président statue en forme de référé et renvoie l’affaire devant la chambre compétente

pour la poursuite de la procédure de pourvoi, conformément à la procédure d’urgence visée à

l’article 619 du présent code.

Cette disposition institue le Premier Président de la Cour de cassation en juridiction. La procédure

et les conditions sont déterminées par les paragraphes 2°), 3°) et 4°).

2. La procédure

Pour introduire une action aux fins de sursis à l’exécution d’un jugement ou d’un arrêt, il faut :

- Que le jugement ou l’arrêt soit rendu en dernier ressort ;

- Que le demandeur se soit pourvu en cassation contre la décision dont demande de sursis ;

- Joindre une expédition ou la grosse de la décision.

Les conditions préalables permettent d’introduire la requête en la forme des référés. Le demandeur

doit obtenir l’autorisation du Premier Président pour assigner à bref délai le défendeur.

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L’acte d’assignation doit se fonder sur les conditions permettant d’ordonner le sursis à l’exécution :

- L’arrêt ou le jugement doit contenir un excès manifeste de pouvoir ;

- Une violation flagrante des droits de la défense ;

- Une grossière erreur de droit

- Ou lorsque l’exécution de la décision est de nature à entraîner des conséquences excessives au

regard de la situation du débiteur de l’exécution ou au regard de la situation du créancier,

notamment en raison du risque de restitution impossible ou difficile en cas de cassation.

Le paragraphe 3°) du texte admet une autre condition préalable à l’examen de la requête lorsque

la condamnation est pécuniaire. Dans cette condition, l’examen de la requête peut être

subordonné à la consignation préalable, au greffe de la Cour, d’une somme ne pouvant être

inférieur au quart de la condamnation1.

3. Le Juge compétent

Nous l’avons déjà dit, que c’est le Premier Président de la Cour de cassation qui est le juge

compétent en matière de sursis à l’exécution d’une décision frappée de pourvoi. Celui-ci peut

déléguer ses compétences à un « Président de chambre » ; ce qui suppose qu’un conseiller à la Cour

de cassation ne peut exercer ces attributions, alors que dans le même temps, celui-ci peut présider

une chambre de la Cour, en l’absence du Président de chambre.

La jurisprudence de la juridiction du Premier Président relève son incompétence dès l’instant où

l’arrêt ou le jugement sont déjà mis à exécution2.

On remarque déjà la multitude de juges qui interviennent antérieurement au contentieux de

l’exécution, où ils prennent plusieurs visages ; cela semble annoncer l’existence d’autres juges aussi

nombreux que mystérieux pour connaitre du contentieux de l’exécution.

DEUXIEME PARTIE : LE JUGE DU CONTENTIEUX DE L’EXECUTION

L’interrogation se trouve même dans l’énoncé du sous-thème proposé par le CADEV: « Le Juge du

contentieux de l’exécution, le Juge « Statuant à bref délai » : Les visages à géométrie variable de

deux juges mystérieux ».

Cette problématique nous interpelle sur :

- Qui sont les Juges du contentieux de l’exécution ?

- Quelles sont leurs attributions ?

- Comment sont-ils saisis ?

1 La jurisprudence a fait ressortir une autre condition : « il ne doit pas avoir un début d’exécution du jugement ou de l’arrêt. Il faut entendre par début d’exécution, la signification du procès verbal de saisie rendant les biens indisponibles. 2 Ordonnance n° 23/2012 du 12/ 12 : 2012. Aff ; Cissé Abdoulaye / BONATO Jean Marc et la société Impricolor ; Ordonnance n°

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II.1 QUI EST-CE MYSTERIEUX JUGE DE L’EXECUTION ?

Il ne s’agira pas pour nous de faire le tour des législations des pays parties à l’OHADA, mais d’en

extraire quelques échantillons pour illustrer l’identification du juge du contentieux de l’exécution.

1. Le juge du contentieux de l’exécution de l’OHADA

Aux termes des dispositions de l’article 49 de l’Acte Uniforme portant procédures simplifiées de

recouvrement et les voies d’exécution :

« La juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure

d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en

matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui.. ».

Cette disposition nous invite à observer deux situations :

- Le juge du contentieux de l’exécution, doit être identifié dans la loi nationale de chaque Etat

partie au Traité OHADA, comme étant le Président de la juridiction compétente pour statuer

en matière d’urgence.

- Cela suppose que ce président est lui-même institué par la loi nationale comme une juridiction.

Généralement la juridiction statuant en matière d’urgence reste la juridiction des référés. C’est donc

le Président de la juridiction des référés qui est compétent pour le contentieux de l’exécution et

non la juridiction du référé ». On distingue alors le juge des référés, et le juge de l’exécution. Peut

importe si ce juge au double visage est le même juge qui est tantôt juge des référés, tantôt juge du

contentieux de l’exécution.

L’OHADA également a définit un autre juge du contentieux de l’exécution, en matière de saisie

immobilière.

L’analyse conjuguée des dispositions des articles 298 et 299 qui les changements du visage du juge

du contentieux de l’exécution, relèvent que toutes les contestations ou demandes incidentes à une

poursuite de saisie immobilière, sont portées devant le juge de l’audience éventuelle ; c'est-à-dire

devant le tribunal du lieu de situation des immeubles.

Le même tribunal reste compétent lorsqu’il s’agit d’attaquer en annulation le procès verbal

d’adjudication.

Enfin au sens de l’article 272 de l’Acte Uniforme, le Président du Tribunal compétent peut être saisi

es qualité pour la désignation d’un expert aux fins d’évaluation de l’immeuble objet de la saisie.

Dans cette hypothèse, il statue par voie d’ordonnance sur requête.

On peut donc retenir que l’OHADA elle-même semble retenir au moins quatre juges susceptibles

d’intervenir dans le contentieux de l’exécution.

2. Le juge du contentieux de l’exécution dans quelques pays l’OHADA

A titre d’illustration, nous allons prendre le cas du Burkina Faso et du Cameroun.

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a) Le cas du Burkina Faso

Comme pour répondre aux dispositions de l’article 49, le Burkina Faso s’est lancé dans une

multiplication des juges du contentieux de l’exécution. Le code de procédure civile en son article

433 édicte que : « Le Président du Tribunal de Grande Instance connait, en la forme des référés,

toute difficulté ayant trait à l’exécution des décisions de justice et autres titres exécutoires ». Au sens

de ce texte, le Président du Tribunal de Grande Instance est le juge du contentieux de l’exécution.

Cependant, ce même président institué par la loi nationale comme juridiction exerce d’autres

compétences définies aux articles 464 à 470 CP.civ pour les référés et 471 à 476 pour les

ordonnances sur requête.

La création des Tribunaux du commerce par la loi n°022- 2009 du 12 décembre 2009 a donné les

mêmes compétences aux Présidents des Tribunaux de commerce. Ainsi l’article 16 de la loi ci-dessus

visée, précise que : « le président du tribunal de commerce est compétent en matière de référé

conformément aux dispositions des articles 464 et suivant du code de procédure civile dans toutes

les matières relevant des attributions du tribunal » ces dispositions auxquelles renvoie l’article 16

donnent ainsi au président du tribunal de commerce la compétence pour connaître du contentieux

de l’exécution des décisions du tribunal de commerce.

La modification du code de travail, s’est orientée également dans la mise en place d’un juge du

contentieux de l’exécution des décisions rendues par le tribunal de travail. C’est le président du

tribunal de travail qui devient le juge de l’exécution en matière de droit social.

b) Au Cameroun

Par la loi n° 2007/001 du 19 avril 2007, le Cameroun a institué le juge du contentieux de

l’exécution, et fixé les conditions de l’exécution des décisions judiciaires et actes publics étrangers,

ainsi que les sentences arbitrales étrangères.

L’article 2 de la loi donne le domaine d’intervention du juge du contentieux de l’exécution, et

connait :

- de tout de qui à trait à l’exécution forcée des décisions de justice et autres actes ;

- des demandes en reconnaissance et en exéquatur des décisions judiciaires et actes publics

étrangers ;

- des demandes en reconnaissance et en exéquatur des sentences arbitrales nationales et

étrangères.

Quant à l’article 3 de la loi, il précise que : « Le juge du contentieux de l’exécution des décisions

judiciaires est le président de la juridiction dont émane la décision contestée, statuant en matière

d’urgence ou le magistrat de sa juridiction qu’il délègue à cet effet ».

Lorsque l’exécution est poursuivie hors du ressort de la juridiction dont émane la décision, la

contestation est portée devant la juridiction de même nature et de même degré, suivant les règles

de compétence territoriale.

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Le juge de l’exécution est tenu de statuer dans les 30 jours de la saisine. L’appel contre la décision

rendue au premier degré se fait dans un délai de quinze (15) jours à compter de son prononcé.

Le pourvoi pour les décisions rendues par le Président de la Cour d’appel intervient dans un délai

de quinze (15) jours à compter de son prononcé.

Pour les décisions rendues par le Premier Président de la Cour suprême, elles sont insusceptibles. Le

juge de l’exécution tel que défini par la loi est également compétent pour la reconnaissance et de

l’exécution des actes publics étrangers. Dans cette hypothèse, c’est le Président du Tribunal de

première instance du lieu où l’exécution a lieu qui est compétent.

Il appartient également au juge du contentieux de l’exécution, de connaitre des demandes

d’exéquatur, et du contentieux d’exécution des sentences arbitrales étrangères.

On peut retenir que pour le législateur Camerounais, le champ d’intervention du juge du

contentieux de l’exécution, s’étend aux demandes ou contestations relatives à l’exéquatur, et à

toutes les difficultés relatives à l’exécution des sentences arbitrales.

En attribuant aux présidents des différentes juridictions, la loi renvoie implicitement à la procédure

applicable devant chaque juridiction.

Le mystère du juge du contentieux de l’exécution s’épaissit et nous interpelle :

Les différentes dispositions du droit positif des Etats parties au Traité OHADA ne sont-elles pas en

contradiction avec l’article 49 ? Et les dispositions de l’article 49 ne sont-elles pas en contradiction

avec l’article 2 du Traité qui a visé et défini les matières harmonisées ou a harmoniser et qui exclue

les règles d’organisation judiciaire et de procédure applicables devant les juridictions des Etats

membres de l’OHADA ? Justement cela nous interroge sur la procédure devant le juge de

l’exécution et ses attributions.

II.2 QUELLES SONT LES ATTRIBUTIONS DU JUGE DU CONTENTIEUX DE L’EXECUTION ?

Pour l’article 49 de l’Acte Uniforme, il s’agit : « de tout litige ou de toute demande relative à une

mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire ». Le champ d’intervention du juge est bien

défini :

- Tout litige né à la suite d’une mesure d’exécution forcée ;

- Toute demande relative à une mesure d’exécution forcée

- Toute demande relative à une saisie conservatoire.

Le champ d’intervention du juge de l’article 49, semble large ; en visant tout litige ou toute

demande sans en exclure, l’article 49 donne au juge du contentieux de l’exécution, le pouvoir de

statuer à la fois sur les questions relatives à la régularité des actes de procédure de saisie, mais

également sur les questions de droit de fond.

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1. Les contestations relatives à la régularité des actes de procédure

Il s’agit de toutes les demandes ou des contestations relatives aux différents actes signifiés par

l’huissier dans le cadre de la procédure :

- Le commandement

- Les significations

- Les procès-verbaux de saisie.

L’acte d’huissier qui précède toute saisie exécution est le commandement. Le commandement en

tant qu’acte d’huissier obéit à des conditions de forme et de fond à peine de nullité ou de

déchéance. Le commandement peut contenir des erreurs ou des vices de forme. Le débiteur peut

les invoquer pour obtenir la nullité du commandement et de la saisie. Une telle action est portée

devant le juge de l’exécution.

Dans le commandement le débiteur peut prétendre que la créance est d’un montant nettement

supérieur à ce qu’il doit. Dans cette hypothèse le débiteur réagit par une procédure d’opposition à

commandement pour obtenir l’annulation du commandement et de la saisie. La jurisprudence

burkinabé présente un important contentieux sur l’opposition à commandement. Un des cas les

plus fréquents concerne l’application de l’article 6 de la loi n° 10/ADP de la 17/05/1993 portant

organisation judiciaire. Ce texte met à la charge de la partie qui succombe à un procès, outre les

dépens, les frais et honoraires de l’avocat du créancier.

Dans l’exécution des jugements, le demandeur inclut souvent en plus de la somme principale

mentionnée dans le titre exécutoire, un montant qui représenterait les frais de l’avocat. Or ce

montant, résultant d’un contrat entre le créancier et son conseil, n’est pas supposé avoir été

accepté par le débiteur, qui du reste est un tiers à ce contrat. On ne peut donc lui imposer

n’importe quel quantum. C’est pourquoi le débiteur soulève la difficulté d’exécution pour obtenir

un sursis à l’exécution du titre exécutoire, en attendant que les honoraires dont il aura la charge

soient arbitrés, par le Bâtonnier de l’ordre des avocats.

2. Les contestations ou demandes relatives au droit de fond

a) Les contestations nées de l’action des tiers

En principe, seules les parties au procès peuvent soulever les contestations relatives à l’exécution du

titre exécutoire. Mais il est des fois où le tiers sans être concerné par un procès ou tenu d’une

obligation quelconque à l’égard du créancier, se trouve lésé dans ses droits. Le cas le plus fréquent

c’est la saisie des biens appartenant au tiers.

Pour obtenir la distraction de ses biens, le tiers soulève devant le juge de l’exécution une difficulté

d’exécution. N’étant pas débiteur, il ne peut répondre de la créance d’autrui pour laquelle il ne

s’est pas porté caution. Si la preuve de la propriété des biens saisis appartenant au tiers est faite, le

juge de l’exécution ordonne la distraction de ces biens. C’est un des cas où le juge de l’exécution

dans sa décision touche un problème de fond. En ordonnant la distraction le juge se prononce sur

la propriété, qui est une question de fond.

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La même action peut être introduite non par le tiers, mais par le débiteur gardien des biens du

tiers. Il s’appuiera alors sur le caractère insaisissable de ces biens pour obtenir la main levée de la

saisie sur ces biens. Le débiteur devra pour se faire rapporter la preuve de ses allégations.

Ce qu’il convient de retenir est que la difficulté d’exécution au sens de la loi n° 10/ADP/ du

17/05/1993, est une difficulté d’ordre juridique ; différente d’une difficulté d’ordre matériel ou un

obstacle de fait. Il appartient dans tous les cas au juge compétent de l’apprécier.

b) Les contestations relatives aux titres exécutoires

Il s’agit de toutes les contestations d’ordre juridiques qui sont en rapport avec le titre exécutoire en

vertu duquel l’exécution forcée est mise en mouvement. Elles peuvent se rapporter, à la preuve du

caractère exécutoire du titre, c’est-à-dire prouver que le titre ne remplit pas les conditions de titre

exécutoire ou que le titre contient des vices de formes.

Le juge de l’exécution peut aussi se prononcer sur l’extinction d’une dette par l’effet d’un paiement

postérieur au titre, d’une prescription ou d’une clôture pour insuffisance d’actif. Il peut vérifier le

mode d’imputation des acomptes, de calcul des intérêts moratoires et des frais de recouvrement.

c) Les contestations sur le fond du droit

Le principe est que le juge de l’exécution ne peut modifier le dispositif de la décision servant de

fondement aux poursuites, il ne peut non plus remettre en cause le titre dans son principe ou la

validité des droits et obligations qu’il constate.

Son intervention sur les questions de fond reste alors très limitée.

Cependant l’Acte Uniforme nous révèle plusieurs actions qui relèvent de la compétence du juge de

l’exécution :

- Les actions fondées sur l’article 38 de l’Acte Uniforme

- Les actions fondées sur l’article 71 de l’Acte Uniforme

- L’action fondée sur les articles 80, 81, 156 de l’Acte Uniforme

L’article 38 de l’Acte Uniforme stipule que : « Les tiers ne peuvent faire obstacle aux

procédures en vue de l’exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter

leur concours qu’ils en sont légalement requis. Tout manquement par eux à ces obligations

peut entrainer leur condamnation à verser des dommages et intérêts. Le tiers entre les

mains duquel est pratiquée une saisie peut également et sous les mêmes conditions être

condamné au paiement des causes de la saisie. Sauf son recours contre le débiteur ».

Cette disposition générale sous la responsabilité du tiers laisse apparaître la saisine du juge de

l’exécution pour les causes de la saisie et pour les dommages et intérêts. Il pourra également être

saisi dans un recours de créancier contre le débiteur.

L’action fondée sur l’article 71 de l’Acte Uniforme. Cette action intervient dans le cadre de

la procédure de la conversion de la saisie conservatoire des biens meubles en saisie vente.

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Le texte précis que si les biens saisis ne retrouvent plus au lieu où ils avaient été saisis, si le

débiteur a été sommé sans succès pour indiquer le lieu où se trouvent les biens le juge de

l’exécution pourra être saisi pour ordonner au débiteur la remise des informations sous

astreinte.

Cette action peut donner également lieu à la saisine du juge pénal pour détourner d’objets saisis.

L’action fondée sur les articles 80 et 81 de l’Acte Uniforme.

Dans le cadre d’une procédure de saisie conservatoire de créance il est fait obligation aux tiers de

fournir à l’huissier les renseignements sur l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur et les

modalités qui pourraient les affecter.

Les manquements à ces obligations prévus à l’article 80 sont sanctionnés par la condamnation du

tiers au paiement des sommes sur lesquelles la saisie a été pratiquée et éventuellement à des

dommages et intérêts en cas de négligence fautive et de déclarations inexactes ou mensongères.

Dans le cadre d’une saisie attribution de créances les obligations du tiers saisi sont définit à

l’article 156 de l’Acte Uniforme. Si le tiers ne s’exécute pas conformément à la loi il

s’expose à être condamné au paiement des causes de la saisie sans préjudice d’une

condamnation au paiement de dommages et intérêts.

L’action fondée sur l’article 168 de l’Acte Uniforme

En cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu’i a reconnu devoir ou dont il a

été jugé débiteur, le créancier saisit le juge de l’exécution qui « peut délivrer un titre

exécutoire contre le tiers saisi »

Toutes ces actions non limitatives posent le problème de la compétence du juge de l’exécution. Les

questions soulevées posent dans le fond la définition de la responsabilité du tiers saisi d’où des

questions de droit de fond.

Enfin, l’Acte Uniforme pose comme principe que l’Etat est tenu d’apporter son soutien pour

l’exécution des titres exécutoire. La carence ou le refus de l’Etat de prêter son concours engage sa

responsabilité.

Cette disposition de l’article 29 pose la question du juge compétent. Cette responsabilité de l’Etat

peut-elle être recherchée devant quel juge : le juge administratif, le juge du droit commun ou le

juge de l’exécution ?

II.3 QUELLE EST LA PROCEDURE DEVANT LE JUGE DU CONTENTIEUX DE L’EXECUTION ?

Le référé sur difficulté d’exécution est un référé spécial. Si la loi ne donne aucune indication précise

quant à la saisine et de la procédure devant le juge de l’exécution, la pratique judiciaire identifie

deux étapes :

- La procédure d’autorisation pour assigner à bref délai ;

- La procédure devant le juge du contentieux de l’exécution sur les questions de difficultés

d’exécution.

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1. La procédure d’autorisation pour assigner à bref délai

Le débiteur pour obtenir l’autorisation d’assigner le créancier poursuivant, devant le juge des

référés statuant en matière de difficulté d’exécution, adresse au juge compétent es qualité juge de

l’exécution une requête pour être autorisé à assigner à bref délai.

La requête est accompagnée de toutes les pièces nécessaires notamment le procès-verbal de saisie

de l’huissier et de tous documents prouvant l’existence d’une difficulté d’exécution. L’autorisation

du juge de l’exécution est donnée sous la forme d’une ordonnance qui mentionne le jour, la date

et l’heure auxquels les parties doivent comparaître.

Dans la deuxième étape, le débiteur fait alors assigner le créancier à bref délai aux jours, date et

heure indiqués sur l’ordonnance. La saisine du juge de l’exécution se fait par voie d’assignation. Et

la procédure est contradictoire. Si le créancier régulièrement cité ne comparaît pas, le juge rend son

ordonnance et la partie défaillante ne peut attaquer cette décision que par la voie de l’appel,

l’opposition étant irrecevable comme voie de recours.

2. Le déroulement de l’instance

Si les débats sont oralement menés, les parties produisent des écritures à l’appui des plaidoiries

orales. Il est d’ailleurs recommandé aux parties de toujours conclure par écrit pour permettre au

juge de répondre à tous les chefs de demandes sans en oublier. Les débats ont lieu généralement en

chambre de conseil. Ils peuvent également avoir lieu en audience publique sans que cela ne porte

atteinte à l’esprit de la procédure de difficultés d’exécution.

3. Le jugement

La décision rendue par le juge de l’exécution est sous la forme d’une ordonnance de référé. Elle est

exécutoire par provision. C’est-à-dire qu’en principe, l’appel contre cette ordonnance n’a pas

d’effet suspensif. Dans le dispositif de son ordonnance le juge de l’exécution rend quatre sortes de

décisions :

- il peut surseoir à l’exécution d’un titre exécutoire ;

- il peut annuler une saisie ;

- il peut même accorder des délais de grâce ;

- il peut rejeter la demande.

Le juge de l’exécution ordonne le sursis à l’exécution dans tous les cas où le demandeur à la mesure

entend soutenir ou entreprendre une action sur le fond devant une autre juridiction. Dans ces

conditions si les contestations de l’exécution sont accueillies l’exécution sera suspendue jusqu’à la

résolution de la difficulté qui relève du juge du fond. C’est le cas lorsque le débiteur repose sa

contestation, sur la nature non exécutoire du titre exécutoire ; par exemple lorsque l’acte notarié,

ne contient pas les mentions substantielles.

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Le juge de l’exécution peut aussi prononcer la nullité de la saisie. Cette nullité peut découler de la

nullité de la procédure ou encore de la réponse à un problème tenant à la forclusion, à l’absence

de titre exécutoire, à l’extinction de la dette etc.

Dans tous les autres cas, le juge soit il accorde un délai de grâce, soit il rejette la demande. En

rejetant la demande, le juge trouve mal fondé les contestations élevées par le débiteur pour arrêter

l’exécution forcée.

Tout comme le juge du fond, le juge de l’exécution doit se contenter de répondre aux chefs de

demandes à lui exposées.

L’ordonnance ainsi rendue peut être attaquée par la voie de l’appel dans un délai de 15 jours

devant la juridiction du président de la cour d’appel, qui est la juridiction de difficulté d’exécution

au second degré.

III. LES CAS PARTICULIERS DE LA SAISIE IMMOBILIERE

La procédure de la saisie immobilière par son caractère particulier semble réservée pour les

contestations, à un juge tout aussi particulier : le juge de l’audience éventuelle.

En raison de la lenteur et de la longueur des formalités à accomplir, l’Acte Uniforme, fixe deux ou

trois étapes pour faire intervenir le juge du contentieux de l’exécution en matière de saisie

immobilière :

Ainsi tous les actes de procédure du commandement aux fins de saisie immobilière, les

significations, les sommations, le cahier de charges, le dépôt des cahiers de charges ne peuvent être

attaqués que devant le juge de l’audience éventuelle. Cette règle de principe est posée par les

articles 298 et 299 de l’Acte Uniforme relatif aux voies d’exécution.

L’audience éventuelle est tenue par le tribunal généralement en formation de juge unique. C’est

par des dires et observations que les demandes et les contestations sont portées devant le juge de

l’audience éventuelle.

Ces dires et observations doivent être déposés au moins cinq (5) jours avant l’audience éventuelle

à peine de déchéance. L’audience éventuelle purge toutes les nullités.

Avant l’adjudication, tous les actes de procédure intervenus, au moment de l’audience éventuelle

et postérieurement à l’audience éventuelle peuvent être attaqués devant le juge de l’audience

d’adjudication par des dires et observations déposés huit (8) jours au moins avant la date de

l’adjudication. A cette audience aucune demande ou contestation ne sera recevable si elle vise un

acte de procédure antérieure à l’audience éventuelle.

Le procès-verbal d’adjudication ou le jugement d’adjudication ne peut être attaqué que par une

action principale en annulation devant le tribunal si l’action intervient dans un délai de dix jours au

plus de la date de l’adjudication.

Les décisions rendues dans le cade du contentieux de l’exécution en matière de saisie immobilière

sont de deux ordres :

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- Les décisions qui portent sur la régularité des actes de procédure ;

- Les décisions sur le principe même de la créance, sur les moyens de fond tirés de l’incapacité

d’une des parties, sur l’insaisissabilité ou l’aliénabilité des biens saisis.

La première catégorie de décisions ne peut faire l’objet ni d’opposition ni d’appel, seul le pourvoi

en cassation peut être envisagé.

Quant à la deuxième catégorie, elle peut être frappée d’appel. Cette voie de recours va suspendre

le déroulement de la procédure, qui ne reprendra que lorsque une décision ayant acquis force

exécutoire soit rendue, rejetant l’incident.

IV. LES LIMITES AUX ATTRIBUTIONS DU JUGE DE L’EXECUTION

Elles peuvent provenir de l’origine du titre exécutoire notamment lorsque le titre exécutoire émane

d’une juridiction répressive.

Le juge répressif, peut être saisi de deux actions : l’action publique et l’action civile. C’est l’action

publique qui détermine l’action civile. Si l’infraction n’est pas caractérisée et son auteur condamné

à une peine pénale, l’action civile ne peut prospérer, parce qu’elle reste rattachée à l’infraction.

Si le juge pénal entre en voie de condamnation il se prononce également sur l’action civile, pour

répondre aux demandes de réparations formulées par les victimes de l’infraction.

Le jugement pénal comprend un dispositif en deux branches, l’action publique et l’action civile. Les

deux actions forment un tout, réglementé par les dispositions du code de procédure pénale.

L’essence de cette dépendance de l’action civile de l’action publique est résumée à l’article 10 du

code de procédure pénale.

Aux termes de cette disposition, le délai de prescription de l’action civile dans le cas d’une

procédure pénale varie suivant les cas. Si l’action publique est prescrite, l’action civile ne peut plus

être engagée. Si par contre l’action publique engagée a donné lieu à une condamnation pénale,

l’action civile mise en mouvement dans les délais, se prescrit par trente ans.

Au niveau de l’exécution des décisions pénales le code de procédure pénale l’a réglementée dans

les articles 678 à 697.

L’article 678 CPP énonce que « le ministère public et les parties poursuivent l’exécution de la

sentence chacun en ce qui le concerne ». Et l’article 681 de préciser que « tous incidents relatifs à

l’exécution sont portées devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence ; cette juridiction

peut également procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans ces

décisions.

Par exception, la chambre d’accusation connaît des rectifications et des incidents d’exécution

auxquels peuvent donner lieu les arrêts de la cour d’assises ».

La cause donc est bien entendue, les difficultés d’exécution nées d’une décision pénale relèvent de

la compétence de la juridiction qui l’a rendue.

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Pour la procédure, le tribunal, ou la cour à la saisine du ministère public ou de la partie intéressée

statue en chambre de conseil. Et l’exécution de la décision est suspendue si le tribunal ou la cour l’a

ordonnée.

Cette procédure est différente lorsque le tribunal, en statuant sur l’action civile, ordonne le

versement provisoire, en tout ou en partie des dommages et intérêts alloués, ou d’une provision

exécutoire nonobstant appel ou opposition. Dans ces cas, l’exécution ne peut être suspendue qu’en

vertu de défenses obtenues par le prévenu appelant à l’audience de la juridiction d’appel, sur

assignation à bref délai délivrée à la partie civile ou aux parties civiles. Ces défenses sont portées

devant la cour d’appel dans sa composition ordinaire et non devant la juridiction du Premier

Président de la cour d’appel.

Conclusion

L’analyse des règles de contentieux de l’exécution a permis de mettre en évidence les multiples

visages du juge de l’exécution. Elle a permis également de définir ses compétences qui touchent

aussi bien les contestations relatives à la régularité des actes de procédure qu’aux demandes de

droit de fond. Ces demandes de droit de fond doivent être liées à la procédure d’exécution forcée.

C’est le cas lorsque le tiers saisi refuse de payer. Il s’agit bien dans ce cas d’un contentieux né de

l’exécution forcée.

Et dans l’esprit de l’article 41 de l’Acte Uniforme sur le recouvrement des créances toute demande

ou contestation relative à une mesure d’exécution forcée relève de la compétence du juge du

contentieux de l’exécution.

L’analyse également a mis en évidence l’intervention du tribunal en tant que juge de l’exécution

dans le cas particulier de la procédure de la saisie immobilière ou les incidents sont portés devant le

juge de l’audience éventuelle.

De ces disparités des juges de l’exécution on se demande si un effort ne doit pas être fait pour

ramener la compétence à un seul juge au moins en ce qui concerne les saisies immobilières pour

statuer sur l’ensemble du contentieux. Cette approche a l’avantage de permettre au plaideur de

bénéficier du double degré de juridiction dans toute contestation en matière de difficultés

d’exécution. /

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THEME II:

Le recours en annulation des sentences : Voie de droit ou chicane procédurale?

Par Dr. Walid BEN HAMIDA

Maître de conférences, Université d’Evry et de sciences Po, Paris

_________________________________________

Notre communication porte sur le recours en annulation dans l’arbitrage OHADA. Particulièrement

bien adapté à l'arbitrage. Il permet de réaliser un équilibre entre l'autonomie de l’arbitrage et la

défense de l’intérêt de l’Etat. Le juge ne l’annulation n’est pas un juge d’appel. Il s'interdit la

révision au fond de la sentence, tout en en corrigeant les dérives graves. Il est un peu la vigie

bienveillante de l'arbitrage : il le laisse s'épanouir, mais tempère ses excès3.

Le règlement des litiges par voie d'arbitrage revêt une importance particulière dans le cadre du

processus d'harmonisation OHADA. Avec l'adoption des textes relatifs à l'arbitrage, les opérateurs

économiques en Afrique disposent désormais d’un mode efficace de règlement de leurs différends.

D’ailleurs, le préambule du Traité OHADA du 17 décembre 1993, dans le titre IV considère

l’arbitrage comme un mode normal de règlement juridique des conflits commerciaux. Comme il a

été affirmé par notre maître Philippe Fouchard, « Dans l'entreprise d'harmonisation de son droit

des affaires que l'Afrique a engagée, l'arbitrage occupe une place de choix, peut-être la première (1)

.

On le voit dès la signature à Port-Louis, en 1993, du traité constitutif de l'OHADA, puisque, parmi

les principaux objectifs que les États africains s'y assignent, le préambule déclare qu'ils sont «

désireux de promouvoir l'arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels ».

On le voit encore dans la dénomination de la juridiction suprême de l'OHADA. Si elle s'appelle «

Cour commune de justice et d'arbitrage », c'est que l'arbitrage est pour elle une fonction de même

importance que l'interprétation et l'application communes des actes uniformes de droit des

affaires »4.

Deux éléments constituent le système du droit de l’arbitrage de l’OHADA5.

3 Thomas clay, « Liberté, Égalité, Efficacité » : La devise du nouveau droit français de l'arbitrage, Commentaire article par article . - (Première partie), Journal du droit international (Clunet) n° 2, Avril 2012. 4 Philippe Fouchard, Le système d'arbitrage de l'OHADA : le démarrage, Petites affiches, 13 octobre 2004 n° 205, P. 52. 5 Sur l’arbitrage OHADA voir, Fénéon, “ Un nouveau droit de l'arbitrage en Afrique (De l'apport de l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA) ”, Penant, 2000, n° spécial, p. 126 et s. ; G. Kenfack-Douajni et Ch. Imhoos, “ L'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage dans le cadre du traité ”, Rev. camerounaise de l'arbitrage, 1999, n° 5 ; Ph. Leboulanger, “ L'arbitrage et l'harmonisation du droit des affaires en Afrique ”, Rev. arb., 1999.541, et “ Présentation générale des actes sur l'arbitrage ”, in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, Travaux du Centre René-Jean Dupuy pour le droit et le développement, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 63 et s. ; P. Meyer, “ L'acte uniforme de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires ”, Rev. dr. aff. int., 1999.629, et “ Commentaires de l'Acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l'arbitrage ” in OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope 2008, p. 109 et s. A. Bamba, “ La procédure d'arbitrage devant la Cour commune de justice et d'arbitrage ”, Penant, 2000, n° spécial, p. 147 et s. R. Bourdin, “ Le Règlement de la Cour commune de justice et d'arbitrage ”, Rev. camerounaise de l'arbitrage, 1999, n° 5 ; du même auteur, “ A propos du Règlement de la Cour commune de justice et d'arbitrage ”, in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, Travaux du Centre René-Jean Dupuy pour le droit et le développement, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 151 et s. ; G. Kenfack-Douajni, “ L'arbitrage C.C.J.A. ”, Rev. camerounaise de l'arbitrage, 1999, n° 6 ; J. M'Bosso, “ Le fonctionnement du Centre d'arbitrage CCJA et le déroulement de la procédure arbitrale ”, Rev. camerounaise de l'arbitrage, 2001, n° spécial, p. 42 et s. . ; P.-G. Pougoue, “ Le système

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Il y a d'abord, comme dans les autres matières, un Acte uniforme « relatif au droit de l'arbitrage »,

adopté par le conseil des ministres de l'OHADA le 11 mars 1999 à Ouagadougou. L’acte s’applique

à tout arbitrage lorsque le siège du Tribunal

Arbitral se trouve dans l’espace OHADA6. Il a vocation à s’appliquer à tout arbitrage tant interne

qu’international ; qu’il s’agisse d’un arbitrage ad hoc ou d’un arbitrage institutionnel7. L’acte

uniforme réalise une unification sur la base des standards internationaux les plus favorables à

l'arbitrage, destinés à assurer à la fois la liberté des parties et la sécurité du système de règlement

des litiges. Mais il y a aussi, et surtout, en application du titre IV du Traité fondateur de l'OHADA

du 17 octobre 1993 et du règlement d'arbitrage de la Cour commune de justice et d'arbitrage,

adopté dans les mêmes conditions à Ouagadougou le 11 mars 1999, un mécanisme institutionnel

d'arbitrage, beaucoup plus original. Le traité de l’OHADA a mis en place un mécanisme d’arbitrage

institutionnel sous l’égide de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Cet arbitrage

institutionnel est fondé sur une Convention internationale. Le traité constitutif de l'OHADA en

avait prévu la mise en place, sous les auspices et le contrôle de la CCJA, et en avait fixé les règles

fondamentales (titre IV, articles 21 à 25). Il est rare qu'un arbitrage institutionnel soit régi par un

traité, surtout s'il s'agit d'un arbitrage purement commercial.

Malgré un tel ancrage, le système d'arbitrage de la CCJA reste purement facultatif. Il ne

s'appliquera que si deux parties à un litige ont exprimé, dans une convention d'arbitrage, la

volonté commune de s'y référer (article 21 du Traité, articles 2.1, 9 et 10 du règlement). Le

caractère conventionnel de cet arbitrage n'est donc aucunement affecté par son origine. En effet,

aux termes de l’article 21 du Traité OHADA, « En application d’une clause compromissoire ou d’un

compromis d’arbitrage, toute partie à un contrat, soit que l’une des parties ait son domicile ou sa

résidence habituelle dans un des Etats parties, soit que le contrat soit exécuté ou à exécuter en tout

ou partie sur le territoire d’un ou de plusieurs Etats parties, peut soumettre le différend d’ordre

contractuel à la procédure d’arbitrage prévue par le présent titre ». Il résulte de cet article que le

recours à l’arbitrage de la Cour de l’OHADA est soumis à deux conditions. La première est de

nature matérielle. C’est l’existence d’un contrat contenant une clause compromissoire ou faisant

l’objet d’un compromis. Le différend que l’article 21 vise est un différend d’ordre contractuel. Ce

premier critère est complété par un second critère d’ordre géographique : l’exigence du domicile

de l’une des parties, ou de la résidence dans un Etat partie, ou l’exécution du contrat sur le

territoire d’un Etat partie du traité de l’OHADA.

L’arbitrage de la CCJA est très efficace. Les sentences arbitrales rendues conformément aux

stipulations du présent titre ont l'autorité définitive de la chose jugée sur le territoire de chaque

Etat Partie au même titre que les décisions rendues par les juridictions de l'Etat. En effet, selon

l’article 25 du traité de l’OHADA, les sentences rendues par cette institution peuvent faire l'objet

d'une exécution forcée en vertu d'une décision d'exequatur. La Cour Commune de Justice et

d'arbitrage de la Cour commune de justice et d'arbitrage ” in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, Travaux du Centre René-Jean Dupuy pour le droit et le développement, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 129 et s. ; J.-M. Tchakoua, “ Le système d'arbitrage de la Cour commune de justice et d'arbitrage en questions ” in L'arbitrage en Afrique : questions d'actualités, Rev. camerounaise de l'arbitrage, n° spécialp. 173 et s. Pierre Mayer, Le droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA dix ans après l'Acte uniforme, Revue de l'Arbitrage, (Comité Français de l'Arbitrage 2010 Volume 2010 Issue 3 ) pp. 467 – 494. 6 Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) • Arrêt du 06/12/2011, « L'arbitrage ayant eu lieu hors de l'espace OHADA, il n'est pas soumis à l'Acte Uniforme relatif au droit de l'arbitrage. Par conséquent, la CCJA doit se déclarer incompétente.E n décidant autrement, la Cour d'Appel de Douala a violé l'article 1er de l'Acte Uniforme sur l'arbitrage et sa décision encourt la cassation ». 7 Benoît Le Bars, Arbitrer un litige de droit des sociétés en droit OHADA : bref aperçu et exemples, Bulletin Joly Sociétés, 01 novembre 2009 n° 11, P. 1036

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d'Arbitrage a seule compétence pour rendre une telle décision. L'exequatur ne peut être refusé que

dans les cas suivants : 1°) si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur une convention

nulle ou expirée ;2°) si l'arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée

;3°) lorsque le principe de la procédure contradictoire n'a pas été respecté ;4°) si la sentence est

contraire à l'ordre public international.

Il convient ici de souligner que la dualité des fonctions – administratives et juridictionnelles de la

CCJA – a conduit les rédacteurs du Traité à ne pas envisager le recours en annulation contre la

sentence arbitrale rendue par la Cour. En effet, dès lors que la sentence a été élaborée sous l'égide

de la Cour, centre d'arbitrage, elle doit en principe réunir toutes les conditions requises pour sa

validité, qui ont été contrôlées à toutes les étapes de l'instance arbitrale et, in fine, lors de l'examen

préalable de la sentence. Après avoir passé tous ces filtres la sentence ne devrait normalement être

entachée d'aucun vice pouvant affecter sa validité. C’est la raison pour laquelle le recours en

annulation, voie de recours pourtant communément admise dans le droit de l'arbitrage, ne figure

ni dans le Traité, ni dans le règlement d'arbitrage.

Il était toutefois impossible de renoncer à tout contrôle de la validité des sentences. Bien que les

termes ne sont pas identiques une procédure de contestation de validité a les mêmes effets qu’un

recours en annulation. Comme il a été affirmé par le Professeur Meyer, « Le recours en contestation

de validité n'est rien d'autre qu'un recours en annulation puisqu'il est susceptible de faire annuler la

sentence »8. En outre, le système d'arbitrage CCJA innove en conférant à la CCJA, juge de

l'exequatur, le pouvoir d'annuler la sentence. C'est donc par le biais de la reconnaissance et de

l'exequatur que s'effectue le contrôle de la validité de la sentence, alors qu'en droit comparé (par

exemple en droit français) le juge étatique ne peut qu'accorder l'exequatur ou le refuser, sans

pouvoir annuler la sentence (si elle est rendue à l'étranger).

Une autre particularité du droit de la zone OHADA est l’existence d’arbitrage d’investissement

entre les Etats de la zone et les investisseurs privés étrangers. Opposant des personnes publiques à

des personnes privées étrangères, l’arbitrage relatif aux investissements connait un essor

remarquable. A l’instar d’autres régions du Monde, l’Afrique est concernée par ce phénomène. Les

pays africains étaient les premiers à signer et à ratifier la Convention de Washington instaurant le

CIRDI. Plusieurs de Etats de l’Afrique subsaharienne ont ratifié la Convention quelques mois après

sa signature (Congo, Gabon Nigeria, Nigeria dès 1966, Liberia dès 1970).

L’examen du recours en annulation dans le cadre du CIRDI présente une utilité indéniable9.

Nous allons dans un premier lieu s’interroger sur les recours en annulation dans le droit uniforme

de l’OHADA (Partie I) et en second lieu ce recours dans le contexte du CIRDI (Partie II).

8 Article cité, revue de l’arbitrage. 9 Walid Ben Hamida, La participation des personnes publiques subsahariennes à l’arbitrage relatif aux investissements, Les Cahiers de l’Arbitrage/ The Paris Journal of International Arbitration 2012, n°3, pp. 617-643

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I. Le recours en annulation dans le droit uniforme de l’OHADA

Pour comprendre le mécanisme d’annulation dans l’OHADA, nous examinons en premier lieu les

conditions de ce recours (A) ainsi que ses effets (B).

A. Les conditions du recours en annulation

Principalement, l’exercice du recours en annulation est subordonné à des conditions relatives au cas

d’ouverture (1). Mais, il y a d’autres conditions qu’il faut examiner (2).

1) Les cas d’ouverture

Le recours en annulation n’est admis que pour l’un des griefs limitativement prévus. En effet, selon

l’article 26 de l’acte uniforme sur l’arbitrage, « Le recours en annulation n’est recevable que dans

les cas suivants :

• si le Tribunal arbitral a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou

expirée;

• si le Tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné ;

• si le Tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée ;

• si le principe du contradictoire n’a pas été respecté ;

• si le Tribunal arbitral a violé une règle d’ordre public international des Etats signataires du

Traité ;

• Si la sentence arbitrale n’est pas motivée ». Cet article est l'un des plus importants du droit de

l'arbitrage puisque, à la fois il fournit la liste exhaustive de motifs susceptibles de fonder un recours

en annulation. Le parti pris est de ne sanctionner que les irrégularités graves. C'est d'ailleurs

pourquoi cette liste est bien limitative et aucun grief ne s'y trouvant pas ne pourrait servir à fonder

un recours en annulation.

Les cas d’ouverture du recours en contestation de validité des sentences arbitrales rendues par la

CCJA ne sont pas identiques à ceux prévus dans l’acte uniforme sur l’arbitrage. L’article 29 ne se

réfère qu’à 4 cas :

1. « si l’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée ;

2. si l’arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée ;

3. Lorsque le principe de la procédure contradictoire n’a pas été respecté ;

4. Si la sentence est contraire à l’ordre public international ».

On constate ainsi que le règlement de la CCJA quant à lui ne se réfère ni au grief lié à l’irrégularité

de la composition du tribunal, ni au grief relatif à l’absence de motivation de la sentence. S’agissant

du premier grief, son absence s'explique par le rôle actif que joue la Cour, dans sa fonction

d'administration de l'arbitrage, en cas de difficultés dans la constitution du tribunal arbitral. Mais

n'est-ce pas présumer que, dans cette fonction, la Cour ne puisse pas commettre des erreurs?10

Celle-ci est présumée sans justification n’est pas susceptible de commettre une erreur. La

présomption en plus établit un lien qui ne devait pas être établi entre les fonctions administratives

et juridictionnelles de la Cour11.

10 Philippe Leboulanger, L'arbitrage et l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, Revue de l'Arbitrage, 1999 Volume 1999 Issue 3 ), pp. 541 – 592. 11P. Meyer, ouvrage précité, p. 241.

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L'Acte uniforme ajoute comme grief la motivation de la sentence. Cette obligation de motivation

existe en droit français de l'arbitrage interne mais pas dans l'arbitrage international. La raison de

l’absence du grief d’absence de motivation est en réalité l’article 22.1 qui permet une à la CCJA de

rendre une sentence non motivée en cas de convention entre les parties et si l’absence de

motivation est admissible au regard de la loi applicable. Ce cas est très rare. La motivation risque

de réapparaître si les parties n’ont pas conclu de telle convention. Les parties aussi peuvent

conclure une convention prévoyant la motivation. Dans ce cas, l’absence de motivation serait

considérée comme un manquement du tribunal à son obligation de se conformer à sa mission.

Quoi qu’il en soit, la motivation des sentences arbitrales est cependant la règle en pratique. Cette

exigence de motivation se justifie, en outre, au regard de l'objectif qui a été assigné à l'arbitrage.

Lorsqu’il s’agit d’un recours de contestation de validité d’une sentence rendue par la CCJA, ces

deux motifs d’annulation ne peuvent pas être invoqués. Le droit spécifique à l’arbitrage de la CCJA

est dérogatoire au droit commun. Cela même, si l'acte uniforme “ a vocation à s'appliquer à tout

arbitrage lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l'un des Etats parties ” et que la plupart

des arbitrages CCJA ont leur siège dans un Etat partie. Dans un arrêt du 17 juillet 2008 rendu en

Assemblée plénière (CCJA, arrêt n° 45 du 17 juillet 2008), la CCJA affirme expressément le

caractère spécifique ou dérogatoire de l'arbitrage CCJA par rapport au droit commun de l'arbitrage

OHADA. Il s'agissait d'un recours en contestation de validité contre une sentence rendue dans le

cadre de l'arbitrage CCJA. L’une des parties a invoqué les dispositions de l'Acte uniforme sur

l'arbitrage portant sur le délai d'arbitrage à l'appui de l'annulation de la sentence parce que celle-ci

avait été rendue après l'expiration du délai d'arbitrage prévu par les articles 12 et 16 de l'Acte

uniforme. La Haute juridiction affirme que “ l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage ne figure

pas au nombre des actes juridiques précités qui sont applicables en l'espèce à l'arbitrage

institutionnel spécifique de la CCJA ”.

Les textes applicables à l'arbitrage CCJA sont, selon la Cour, “ le Titre IV du Traité de l'OHADA, le

Règlement d'arbitrage de la CCJA, le Règlement intérieur de la Cour, leurs annexes et les barèmes

des frais d'arbitrage ”. La Cour instaure ainsi une distinction très marquée entre l'arbitrage OHADA

de droit commun et l'arbitrage CCJA12

. Quoi qu’il en soit, dan le droit uniforme de l’OHADA, les

cas d’ouvertures sont l’absence de convention d’arbitrage (a), l’irrégularité dans la composition du

tribunal arbitral (b), le non respect par l’arbitre des termes de sa mission (c), la violation du

contradictoire (d), la violation de l’ordre public (c) et l’absence de motivation (d).

a) L’absence de convention d’arbitrage

Le premier cas d’ouverture est le plus sensible de tous puisqu'il est celui qui répartit la compétence

entre la justice judiciaire et l'arbitrage. Le droit de l’OHADA reprend, l’ancien grief figurant dans

l’ancien droit français de l’arbitrage. L’ancienne règle en France a été modifiée. On est passé d’une

annulation « si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur convention nulle ou expirée » à

une annulation lorsque « le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent ». On

remarque ainsi la disparition de la référence à la convention d'arbitrage, au profit de celle de

compétence. Cette modification est loin d'être neutre car les hypothèses couvertes par ces deux

formulations ne sont pas identiques13

.

12 Pierre Meyer, Le droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA dix ans après l’Acte uniforme, Revue de l’arbitrage 2010, p. 467. 13 Sur cette formulation, voir Th. Clay,

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La nouvelle formulation, empruntée à la loi suisse (LFDIP, art. 190, b) se veut plus large que la

précédente qui est désuète et répétitive puisque la référence à l'absence de convention d'arbitrage

suffisait à englober le cas où celle-ci est nulle ou expirée. La nouvelle formule prend en

considération les cas où le consentement à l’arbitrage est exprimé en dehors d’une convention

d’arbitrage notamment en matière d’investissement où il n’y a pas de convention d’arbitrage

traditionnelle En outre, comme pour toute énumération, elle laissait de côté certaines pathologies

de la convention d'arbitrage (caducité, inopposabilité, etc.) sur lesquelles on pouvait s'interroger à

l'infini.

Et la nouvelle rédaction présente un second avantage en visant expressément le cas où l'arbitre s'est

reconnu à tort incompétent, alors que la formulation précédente n'envisageait que celui de l'arbitre

qui avait en quelque sorte accaparé un pouvoir qu'il n'avait pas. Les arbitres n'hésitent pas à se

déclarer à tort totalement ou partiellement incompétents. Les sentences d'incompétence se

multiplient et elles doivent être vérifiées tout autant que les sentences de compétence. La violation

de la volonté des parties est aussi grave lorsque l'arbitre se déclare à tort compétent, alors que les

parties n'ont pas voulu qu'il tranche leur litige, que s'il se déclare à tort incompétent, alors que les

parties ont voulu s'en remettre à lui.

La compétence et l'incompétence sont les deux faces d'une même médaille, celle de la répartition

des pouvoirs entre l'arbitre et le juge étatique. Cela doit donc être contrôlé de la même façon14

.

b) La composition du tribunal arbitral

Le deuxième cas d’ouverture, vise les vices affectant la composition du tribunal ou la désignation

de l'arbitre unique. Ce vice résulte essentiellement de la méconnaissance des procédures prévues

par les parties elles-mêmes sur ces questions. Le droit de l’OHADA ne prévoit en effet aucune règle

impérative en la matière, autre que celle qui impose le respect de la volonté des parties, que cette

volonté ait été exprimée directement dans la convention d'arbitrage, dans des accords subséquents

ou qu'elle résulte de l'adoption d'une loi de procédure ou d'un règlement d'arbitrage prévoyant les

modalités de désignation des arbitres. Le respect de la volonté des parties quant à la composition

du tribunal arbitral ne trouve d'autre limite que celles qui pourraient être tirées du respect des

principes supérieurs de l'égalité des parties, de l'impartialité du tribunal, du respect des droits de la

défense.

La CCJA a eu l’occasion d’interpréter et d’appliquer la disposition relative à ce grief. Dans le cadre

d'un arbitrage ad hoc où l'assistance du juge étatique avait été requise pour constituer un tribunal

arbitral, la haute cour a rappelé que l'assistance du juge étatique à la nomination d'un arbitre doit

se faire dans le respect de l'article 5, alinéa 2, de l'Acte uniforme sur l'arbitrage, qui n'autorise la

nomination par le juge que passé un délai de trente jours à compter de la réception de la demande

de nomination d'un arbitre par la partie qui s'est abstenu (CCJA, Arrêt n° 44 du 17 juillet 2008). La

Cour commune en conclut logiquement qu'une sentence rendue par un tribunal arbitral composé

entre autres d'un arbitre nommé par le juge avant l'expiration de ce délai doit être annulée pour

composition irrégulière de la juridiction arbitrale. La Cour relève, à juste titre, que l'intervention du

14 Cour d'Appel du Centre (Cameroun)• Arrêt du 30/09/2009 (Cameroun), « Les juridictions étatiques sont compétentes pour statuer sur un recours en annulation introduit par une partie à une convention d'arbitrage lorsque ce recours porte sur l'un des cas visés à l'article 26 de l'AUS. Elles ont ainsi compétence pour contrôler la compétence du Tribunal arbitral. La convention d'arbitrage en tant qu'elle est un contrat, doit résulter de la commune volonté des parties. Dès lors qu'une partie n'a pas manifesté sa volonté de conclure la convention et pour cela n'a participé ni à la désignation de l'arbitre, ni au déroulement de la procédure, il y a lieu de prononcer la nullité de la sentence arbitrale intervenue ».

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juge dans de telles conditions a violé le principe de l'égalité de traitement entre les parties inscrit à

l'article 9 de l'Acte uniforme sur l'arbitrage15

.

c) La mission de l’arbitre

Le troisième grief paraît très général. S'il avait été interprété de manière extensive, il aurait permis

de reprocher aux arbitres d'avoir méconnu l'une quelconque des règles régissant le déroulement de

la procédure arbitrale, voire l'une quelconque des règles applicables au fond du litige. Au sens

large, la mission de l'arbitre est en effet de rendre la justice dans le respect des règles de procédure

et de fond régissant la cause.

En réalité, la jurisprudence française en a retenu une conception plus restrictive, lui permettant de

sanctionner d'une part la méconnaissance, dans un sens ou dans l'autre, de l'étendue des demandes

formées par les parties et d'autre part le dépassement des pouvoirs conférés par les parties aux

arbitres. Les arbitres ne respectent pas leur mission, qui consiste à trancher l'ensemble des demandes

qui leur sont soumises, s'ils statuent infra petita. L'infra petita peut résulter, indépendamment de

toute question de compétence, du simple fait que les arbitres n'ont pas statué sur l'une quelconque

des prétentions des parties, qu'il s'agisse d'une omission ou d'un refus délibéré16

.

Il importe de préciser que les arbitres ne sont nullement tenus de se prononcer sur chacun des

moyens de fait ou de droit articulés par les parties et moins encore sur chacun des arguments

qu'elles ont pu avancer mais seulement sur les chefs de demandes qui leur ont été soumis. Ainsi a-t-

il été jugé que le grief « de défaut de réponse à des chefs de conclusions n'entre dans aucun des cas

d'ouverture du recours en annulation de l'article 1502 du Nouveau Code de procédure civile ». En

l'espèce, le tribunal arbitral avait respecté sa mission « qui était de statuer sur les demandes des

15 Pierre Meyer, article précité. Voir voir aussi Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) • Arrêt du 17/07/2008 « En présence de la règle de l'article 8 AUA qui impose l'imparité du nombre d'arbitres composant le tribunal, doit être annulée la sentence rendue par un tribunal arbitral composée de deux arbitres selon les termes de la convention d'arbitrage qui ne prévoit l'intervention d'un troisième arbitre que si les deux premiers ne sont pas d'accord sur les termes de la sentence à rendre. Doit donc être cassé le jugement du tribunal qui annule la convention d'arbitrage prévoyant la parité au motif que celle-ci est incompatible avec l'article 8 AUA alors qu'il avait la possibilité d'y remédier en désignant un troisième arbitre ». Voir aussi Cour d'Appel de l'Ouest (Cameroun)• Arrêt du 13/07/2011, « dès lors qu'il est prouvé d'une part que l'une des parties à un compromis d'arbitrage n'a pas respecté les termes du compromis, en ce que contrairement à ce compromis, le juge arbitre n'a pas été désigné par Chambre Nationale d'Arbitrage à qui pouvoir était donné pour ce faire, mais que l'arbitre - qui se trouve être l'un des représentants du créancier - s'est autoproclamé et que d'autre part il y a eu violation du principe du contradictoire en ce que la preuve de la comparution de l'une des parties devant l'arbitre n'a pas été rapportée, c'est à bon droit que le juge saisi prononce la nullité de la sentence arbitrale et de l'ordonnance d'exequatur de cette sentence » 16 Cette conclusion a parfois été contestée au motif que, dans une telle situation, il appartiendrait à la partie à laquelle cette omission préjudicie de « procéder à une nouvelle saisine de l'arbitre ou, à défaut d'accord des parties dans l'hypothèse où la convention d'arbitrage était initialement un compromis, à la saisine par la partie la plus diligente du juge de droit commun d'une action principale ». Un tel raisonnement ne saurait convaincre. A moins qu'il n'ait entendu rendre une sentence partielle, le tribunal arbitral est dessaisi par le prononcé de la sentence qui épuise sa compétence. Il n'est donc pas possible, selon le droit commun de l'arbitrage international, de le saisir à nouveau, après le prononcé de la sentence, pour qu'il statue sur les points qu'il aurait omis de trancher. Dans l’acte uniforme, selon l’article 22, « Lorsqu’il a omis de statuer sur un chef de demande, il peut le faire par une sentence additionnelle. Dans l’un ou l’autre cas susvisé, la requête doit être formulée dans le délai de 30 jours à compter de la notification de la sentence. Le tribunal dispose d’un délai de 45 jours pour statuer. ». Cela peut limiter la possibilité d’invoquer l’infra petita. Selon le prof. Pougoué, le grief infra petita ne peut être accueilli que si la partie démontre qu’il n’a pas réussi à avoir une sentence additionnelle. Le professeur Meyer estime qu’une demande d’une sentence additionnelle suppose qu’il n’y a pas de contestation sur l’omission. S’il y a contestation, il faut introduire un recours en annulation.

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parties »17

. Les arbitres ne respectent pas davantage leur mission lorsqu'ils statuent ultra petita. Ce

grief ne se confond pas avec celui du dépassement des limites de la convention d'arbitrage

sanctionné. Il se peut en effet que la convention d'arbitrage soit très générale et que, tout en

demeurant dans les limites de celle-ci, les arbitres statuent sur des demandes qui n'ont pas été

formulées par les parties. Ce faisant, ils entachent leur décision d'une cause d'annulation

uniquement au titre du troisième cas d’ouverture.

Les arbitres ne respectent pas les termes de leurs missions lorsqu’ils méconnaissent des pouvoirs que

les parties leur ont conférés. Cela peut concerner la procédure que le fond. Pour la procédure,

toute irrégularité procédurale n'est pas sanctionnée, en droit français de l'arbitrage international,

par l'annulation de la sentence. Elle ne l'est, pour assurer le respect des conceptions fondamentales

du droit français, que lorsqu'elle se traduit par une violation des droits de la défense ou des

prescriptions de l'ordre public international. La méconnaissance d'une disposition de procédure

choisie par les parties peut cependant s'analyser en une méconnaissance par l'arbitre de sa mission.

La Cour d'appel de Paris s'est prononcée en ce sens dans l'arrêt qu'elle a rendu dans l'affaire Sofidif

le 19 décembre 198618

. Ayant estimé que les parties étaient convenues dans l'acte de mission que les

arbitres se prononceraient par une sentence distincte sur la compétence du tribunal et sur la

recevabilité avant de trancher le fond, elle a annulé la sentence qui s'était prononcée

simultanément sur la compétence et sur le fond.

La Cour de cassation a cependant annulé cette décision par arrêt du 8 mars 1988 au motif qu'en

statuant ainsi « alors qu'aucune clause expresse et précise de l'acte de mission n'imposait aux

arbitres de statuer par deux sentences distinctes et successives sur la compétence et sur le fond, la

cour d'appel a violé » les dispositions des articles 1504 et 1502, 3° de l’ancien Code de procédure

civile19

. Pour le fond, on n'insistera jamais assez sur le fait que le droit français de l'arbitrage comme

le droit de l’OHADA ne prévoit aucun contrôle de la manière dont les arbitres statuent au fond,

sous la seule réserve du respect des exigences de la conception française de l'ordre public

international. Même grossière, l'erreur, de fait ou de droit, commise par le tribunal arbitral n'est

pas une cause d'annulation de la sentence. Le contrôle du respect par l'arbitre de sa mission ne doit

pas conduire à remettre en cause le principe essentiel. La question de la méconnaissance par les

arbitres de leur mission à l'égard du fond du droit se pose en pratique dans deux hypothèses. La

première concerne l'amiable composition et appelle aussitôt une distinction.

Il se peut en effet que les arbitres devant statuer en amiable composition se soient référés à un

droit déterminé ou, au contraire, que des arbitres devant statuer en droit se voient reprocher de

s'être arrogés des pouvoirs d'amiable composition qu'ils n'avaient pas reçus des parties. La

deuxième hypothèse dans laquelle les arbitres peuvent se voir reprocher de ne pas avoir respecté

leur mission relativement au fond du droit est celle dans laquelle ils ont méconnu leur obligation

de faire application des règles de droit choisies par les parties. Cela suppose que les règles de

droit (loi étatique ou règles transnationales) applicables au fond par les arbitres aient été clairement

identifiées par les parties et que les arbitres ne se soient pas conformés à ce choix. Ainsi par

exemple, une sentence appliquant un droit étatique autre que celui que les parties auraient choisi,

pourrait être annulée.

17 Paris 21 juin 1990 Honeywell Bull : Rev. arb. 1991, 96, note J.L. Delvolvé. 18 Rev. arb. 1987, 359 avec comm. E. Gaillard, p. 275) 19 Rev. arb. 1989, 481, note Ch. Jarrosson

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De même, une sentence se fondant sur des règles transnationales et non sur la loi étatique qui

aurait été choisie par les parties pour gouverner leurs relations pourrait subir le même sort.

Le non-respect de sa mission par le tribunal arbitral est un moyen d’annulation souvent invoqué

dans le contexte de l’OHADA. Le professeur Meyer explique la raison en affirmant que «Tel que

formulé, ce moyen permet l'annulation chaque fois qu'il pourrait être reproché à l'arbitre la

méconnaissance d'une règle de procédure quelle qu'elle soit ou de l'une quelconque des règles

applicables au fond du litige ”. Il ajoute « un tel moyen [pouvait] devenir une arme redoutable

entre les mains d'une partie qui souhaiterait obtenir l'annulation d'une sentence arbitrale ”. Et

propose, conformément à la jurisprudence française qui interprète restrictivement ce motif

d'annulation, que les juges des Etats de l'OHADA et la CCJA s'inspirent de cette interprétation pour

éviter des annulations pour des raisons non sérieusement fondées20

.

L'interprétation fournie par certaines juridictions du fond dans la zone OHADA confirme sa

crainte. Ainsi, la Cour d'appel d'Abidjan a annulé une sentence arbitrale pour ce motif alors que le

demandeur en annulation n'avait précisé ni l'étendue de la mission de l'arbitre, ni précisé en quoi la

mission n'avait pas été respectée. La CCJA affirme ainsi qu’il est nécessaire pour que ce le moyen

du non-respect par les arbitres de leur mission prospère d’expliquer en quoi les arbitres ont failli à

leur mission (CCJA, Arrêt n°10 du 19 juin 200521

. Dans une autre affaire, le demandeur en

annulation a invoqué la modification du calendrier prévisionnel du processus arbitral comme

élément constitutif du non-respect de sa mission par le tribunal arbitral (CCJA, Arrêt n° 45 du 17

juillet 2008).. Dans un autre litige, c'est l'application par l'arbitre des usages du commerce dans une

affaire commerciale alors qu'il devait statuer suivant la loi désignée par la règle de conflit de lois,

qui a été invoqué à l'appui de ce moyen d'annulation (CCJA, Arrêt n° 29 du 19 juillet 2007)..Si les

juridictions des Etats parties se montrent parfois réceptives à une interprétation abusive de ce

moyen d'annulation, la CCJA, pour sa part, en fait une interprétation restrictive.

C'est ainsi que, dans les trois affaires sus évoquées, elle a, soit cassé l'arrêt qui avait annulé la

sentence sur la base de ce motif abusivement invoqué, soit refusé l'annulation de la sentence dans

le contexte d'un recours en contestation de validité introduit devant elle contre une sentence

rendue dans le cadre d'un arbitrage CCJA. Ainsi, dans son arrêt du 19 juin 2003, elle a cassé l'arrêt

de la Cour d'appel d'Abidjan au motif que celle-ci devait “ spécifier en quoi les arbitres ont failli à

leur mission avant de tirer les conséquences ”.

Dans les deux autres affaires, la Cour de l'OHADA a considéré respectivement que " “le fait de

modifier un tel calendrier [calendrier prévisionnel], qui n'avait qu'un caractère prévisionnel ou

indicatif, ne saurait être valablement considéré comme une violation par le tribunal arbitral des

termes de sa mission ” et qu'en “ se référant aux usages du commerce…., le tribunal arbitral a

statué en droit ainsi qu'il en avait l'obligation… ”. Il serait souhaitable que les juridictions des Etats

parties s'inspirent de cette interprétation restrictive de la CCJA lorsqu'elles auront à connaître de

recours en annulation fondés sur ce motif. Si la CCJA se montre sévère dans l'accueil de ce motif,

elle en fait, cependant, une juste application lorsqu'elle décide que la violation de la mission est

flagrante dès lors que les arbitres ont statué en équité alors qu'ils avaient l'obligation de statuer en

droit CCJA, (Arrêt n° 28 du 19 juillet 2007).

20 P. Meyer, “ Commentaires sous l'article 26 de l'Acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l'arbitrage ” in OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, op. cit., p. 144 ; Droit de l'arbitrage, op. cit., p. 254 21 « Fait une mauvaise application de l'article 26 de l'Acte Uniforme relatif à l'arbitrage, une Cour d'Appel qui annule une sentence arbitrale, sans indiquer préalablement l'étendue de la mission des arbitres, eu égard notamment à la convention d'arbitrage, et spécifier en quoi les arbitres ont failli à leur mission, avant de tirer les conséquences. Par conséquent, l'arrêt attaqué encourt la cassation ».

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d) Le contradictoire

Une sentence arbitrale peut être annulée si les arbitres n’ont pas respecté le principe de

contradiction.

La jurisprudence française fait également référence, pour désigner la même exigence, au respect des

droits de la défense. Le principe du contradictoire se recoupe également avec la notion d'ordre

public international, le contradictoire étant l'une des exigences de l'ordre public procédural. C'est la

raison pour laquelle la Cour d'appel de Paris a pu, par arrêt du 27 novembre 1987, se référer au

« respect des notions fondamentales de la contradiction selon la conception française de l'ordre

public international »22

.Certaines lois sur l'arbitrage n'ont du reste pas estimé nécessaire de faire du

respect du contradictoire une cause distincte d'annulation ou de refus d'exequatur des sentences (V.

par exemple C. proc. néerlandais art. 1065 L. 2 juill. 1986 ou L. type CNUDCI 1985 art. 34 et

36). Le droit français comme le droit de l’OHADA a jugé au contraire que le principe de

contradiction, qualifié depuis par la Cour de cassation23

de « principe supérieur » indispensable au

déroulement d'un procès équitable était suffisamment important pour faire l'objet d'une mention

distincte.

Le contradictoire suppose en effet que les parties aient été également mises en mesure de faire

valoir leurs prétentions. Le principe du contradictoire ne doit pas en revanche être confondu avec

l'exigence de motivation de la sentence. Bien que les parties se fondent parfois sur le

contradictoire pour tenter de justifier une critique tirée de l'absence de motivation de la sentence,

le fait qu'une sentence ne soit pas motivée ne méconnaît pas en soi le principe du contradictoire. Il

est vrai que la motivation permet de s'assurer plus facilement que le principe du contradictoire a

été respecté mais l'annulation ou le refus d'exequatur n'est encouru au titre de l'article 1502, 4° que

si, dans la réalité des faits, les parties n'ont pas été mises à même de débattre contradictoirement de

leurs prétentions respectives.

Ainsi que la Cour d'appel de Paris l'a justement observé, « la contradiction de motifs d'une sentence

diffère de la violation du principe de la contradiction »24

.

Le principe de la contradiction s'applique à l'ensemble du déroulement de la procédure arbitrale. Il

suppose que chaque partie ait été mise en mesure de faire valoir ses prétentions de fait et de droit,

de connaître les prétentions de son adversaire et de les discuter. Il suppose ensuite qu'aucune

écriture et qu'aucun document n'ait été porté à la connaissance du tribunal arbitral sans être

également communiqué à l'autre partie. Il suppose enfin qu'aucun moyen de fait ou de droit ne

soit soulevé d'office par le tribunal arbitral sans que les parties aient été invitées à le commenter.

En dernier lieu, il convient de souligner que la partie qui s'estime victime d'une violation des droits

de la défense ne peut se prévaloir d'un tel moyen pour faire annuler la sentence ou s'opposer à son

exécution qu'à la condition d'avoir réagi dès le moment où elle a eu connaissance de cette

irrégularité.

22 Rev. arb. 1989, 62, note G. Couchez 23Cass. 1re civ., 5 fév. 1991 : Bull. civ. I, n° 44. 24 Paris 13 mai 1988, précité sur l'absence d'exigence de motivation au titre de l'ordre public international.

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Ainsi par exemple, une partie ne pourrait, au cours du déroulement de l'arbitrage, s'abstenir de

solliciter un délai pour commenter des écritures ou un document nouveau et prétendre ensuite

critiquer la sentence au motif qu'elle n'aurait pas été mise en mesure de se prononcer sur ces

éléments25

.

e) L’ordre public

La sentence peut également être annulée si le tribunal arbitral a violé une règle d'ordre public

international des Etats signataires du Traité OHADA. Mais de quel ordre public international s'agit-

il?

L'ordre public international dans les différents instruments de l’OHADA n'est pas partout le même.

Alors que le Traité (article 25 al. 4‐4°) et le Règlement d'arbitrage (articles 29.2 et 30.6) font état

de contrariété à « l'ordre public international », l'Acte uniforme, lui (article 26‐5° cas et 31 al. 4),

fait référence à une violation de « l'ordre public international des Etats signataires du Traité » —

pour le premier texte — et à une contrariété à « l'ordre public international des Etats‐parties » —

pour le second.

A s'en tenir à la lettre de l'article 26 il s'agit tout d'abord, vraisemblablement, de l'ordre public, au

sens du droit international privé, de l'Etat du juge du recours en annulation, c'est-à-dire l'Etat sur le

territoire duquel la sentence a été rendue. Mais, lorsque par la voie du recours en cassation la

décision du juge étatique sera portée devant la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage,

conformément aux dispositions de l'article 25 alinéa de l'Acte uniforme, la Cour ne se bornera sans

doute pas à contrôler la conformité de la sentence à l'ordre public international de l'Etat qui aura

rendu la décision frappée de pourvoi. Afin de remplir la mission d'harmonisation du droit OHADA

qui est la sienne aux termes du Traité, elle l'appréciera également au regard de l'ordre public

transnational (ou régional) de l'OHADA, qui ne sera pas nécessairement la somme des ordres

publics internationaux des Etats membres, même si, à terme, ceux-ci devraient finir par s'identifier à

celui-là dans le domaine de l'arbitrage.

Il y a là un vaste champ qui s'ouvre à la Cour et il faut souhaiter qu'elle saura apporter une

contribution décisive à l'élaboration d'un ordre public communautaire faisant naturellement siens

les enseignements du droit comparé mais prenant également en compte les préoccupations

spécifiques d'une partie importante d'un continent qui aspire à un réel développement

25 Voir sur ce cas Cour d'Appel de Ouagadougou • Arrêt du 16/04/2010, « Aux termes de l'article 26 AUA, le recours en annulation n'est recevable que dans les cas où, notamment, le principe du contradictoire n'a pas été respecté, ou si la sentence arbitrale n'est pas motivée … Et l'article 5 CPC dispose que : « nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé ». En ne communiquant pas au créancier les pièces justificatives de la créance dont se prévalent les débiteurs et en faisant droit à leur demande, le juge du Tribunal arbitral a méconnu les termes de l'article 5 sus cité. Non seulement il n'a nullement appuyé sa décision sur des pièces débattues contradictoirement, mais aussi, le défaut de précision dans le montant retenu à la charge du créancier constitue un défaut de motivation. Il convient donc de déclarer le présent recours en annulation de la sentence arbitrale recevable et en conséquence annuler ladite sentence ». voir aussi Cour d'Appel du Centre • Arrêt du 28/04/2010 (Cameroun) 3. Doit être rejeté l'argument tiré du non-respect du principe du contradictoire dès lors qu'il est prouvé qu'une partie a été régulièrement notifiée de la composition du tribunal arbitral et de la tenue des instances arbitrales auxquelles il ne s'est pas représenté et que par ailleurs cette partie n'apporte aucun élément justifiant de sa défaillance à l'instance arbitrale. Voir enfin, Cour d'appel d'Abidjan • Arrêt du 06/02/2008, « Lorsqu'il apparaît qu'une sentence arbitrale rendue a violé le principe du contradictoire en ce que des pièces attendues mais produites en cours de délibéré n'ont été transmises que tardivement à l'autre partie qui n'a pas pu en débattre contradictoirement alors que les arbitres les ont prises en compte pour rendre leur décision, la sentence arbitrale qui intervient dans ces conditions doit être annulée ».

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économique. La Cour Commune saura-t-elle apporter une pierre originale à un édifice tout de

même fortement marqué par l'Occident? L'avenir le dira.

Il convient d'observer, enfin, que le texte ne vise que l'ordre public international et non pas l'ordre

public interne. On sait que le premier est plus restreint que le second. Est-ce à dire que les sentences

arbitrales internes échappent à tout contrôle de conformité à l'ordre public interne de l'Etat dans

lequel elles ont été rendues. Comme l'Acte uniforme s'applique indifféremment aux arbitrages

internes et aux arbitrages internationaux, il est permis de penser que, dans l'esprit des rédacteurs du

texte de l'article 26 alinéa 5, ne s’applique qu’en matière internationale mais on peut regretter

l'imprécision de l'Acte uniforme à cet égard.

Dans une affaire opposant deux sociétés de droit béninois relativement à un contrat-cadre

d'approvisionnement intégralement localisé au Bénin, le demandeur à l'annulation invoquait le

moyen de la violation de l'ordre public international. La CCJA a relevé que ce “litige, qui " oppose

deux sociétés de droit béninois relativement au commerce interne, relève de l'arbitrage interne ” et

en a déduit que “ c'est à tort qu'est invoquée la violation de l'ordre public international comme

moyen d'annulation de la sentence rendue dans un tel arbitrage ”(CCJA, Arrêt n° 45 du 17 juillet

2008). La Haute juridiction estime ainsi que la violation de l'ordre public international ne peut être

invoquée que dans le cadre d'un arbitrage international et non dans le cadre d'un arbitrage interne.

Elle considère qu'il est donc nécessaire de distinguer, parmi les dispositions de l'Acte uniforme,

celles qui peuvent s'appliquer

Indifféremment à tout arbitrage et celles qui ne peuvent concerner que l'arbitrage international.

Il faut immédiatement ajouter que la sentence interne ne doit pas, pour autant, être immunisée

contre la violation de l'ordre public. En effet, l'arrêt évoqué ci-dessus se limite à affirmer que le

moyen tiré de la violation de l'ordre public international des Etats de l'OHADA ne peut guère

prospérer dans un arbitrage interne, alors qu'il faut immédiatement ajouter que, par contre, un tel

arbitrage doit pouvoir connaître du moyen de la violation par la sentence de l'ordre public interne

qui est d'ailleurs plus contraignant parce que plus étendu que l'ordre public international. Sur le

plan méthodologique, le raisonnement de la CCJA est parfaitement justifié. Mais, dans la mesure

où les principes de l’ordre public international font partie de l’ordre public interne, il a été possible

d’examiner les reproches à la sentence.

Il a été remarqué aussi de la lecture du contentieux judiciaire de l'annulation fondée sur l'ordre

public est la très grande fréquence avec laquelle ce moyen est invoqué par les requérants à

l'annulation. Dans un contentieux arbitral portant, pour l'essentiel, sur des contrats commerciaux

privés, ce moyen soit si fréquemment invoqué et hors du champ très limité qui devrait lui être

assigné. Ainsi, dans " l'affaire du contrat d'approvisionnement évoquée ci-dessus, le demandeur à

l'annulation croyait pouvoir reprocher à la sentence “une violation de l'ordre public international

pour mauvaise interprétation de la clause de règlement amiable, mauvaise application de l'article

274 de l'Acte uniforme sur le droit commercial général, notamment la prescription en matière de

vente commerciale, mauvaise interprétation de la notion de force majeure et violation du principe

du contradictoire ”.

A l'exception du principe du contradictoire, qui fait d'ailleurs l'objet d'un motif spécifique

d'annulation dans l'Acte uniforme, on ne voit pas, à supposer que ces violations soient établies, en

quoi elles constitueraient une violation de l'ordre public international, ni même d'ailleurs une

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violation de l'ordre public interne qui, pourtant, est plus large que l'ordre public en droit

international privé. D'autres moyens de recours en annulation vont même jusqu'à invoquer la

prétendue erreur de droit dans la motivation de la sentence comme constituant une violation de

l'ordre public international. Ainsi, on peut lire, dans la relation des moyens du recours effectuée

par la CCJA dans une affaire qui lui avait été transmise en contestation de validité de la sentence :

“ une telle sentence, qui n'est donc absolument pas fondée en droit, viole assurément l'ordre public

international ”.

Cette utilisation de l'ordre public, tout à fait hors de propos, doit être mise en relation avec une

pratique tout aussi abusive que l'on observe dans plusieurs contentieux de l'annulation. Certains

demandeurs tentent de faire du recours en annulation un appel qui devrait entraîner un réexamen

au fond du litige.

Dans une affaire transmise pour contestation de validité de la sentence à la CCJA, le demandeur

invoque ainsi un principe de droit “ selon lequel l'armateur ne peut obtenir d'un tiers la réparation

d'un dommage subi et causé par son navire ” pour conclure que ce principe “ s'opposait à ce que le

tribunal arbitral fasse droit à la demande de réparation de celui-ci ”. On ne pourrait pas être plus

explicite dans la demande de réexamen au fond du litige. La CCJA résiste fort heureusement à de

telles prétentions et, dans le cas d'espèce, a répondu sobrement que ce “ reproche n'entre pas dans

le domaine d'application de l'article 30.6 du même règlement [Règlement d'arbitrage de la CCJA] ,

lequel énumère limitativement les griefs qui peuvent être opposés à la sentence” (CCJA, Arrêt n° 29

du 19 juillet 2007)

Si la CCJA ne se laisse pas entraîner dans un réexamen au fond du litige, il n'est pas certain qu'il en

soit toujours ainsi devant les juridictions des Etats parties. La palme de la méconnaissance des

principes et règles qui gouvernent le recours en annulation en matière arbitrale revient, à cet égard,

à la Cour d'appel de Ouagadougou qui, dans un arrêt d'annulation, procède au réexamen du litige

au fond et à l'évocation de celui-ci Cour d'appel de Ouagadougou, 19 mars 2010 Il est difficile de

violer plus ouvertement l'article 29 de l'acte uniforme sur l'arbitrage qui dispose qu'en “ cas

d'annulation de la sentence arbitrale, il appartient à la partie la plus diligente d'engager, si elle le

souhaite, une nouvelle procédure arbitrale . Dans le cadre de l'arbitrage CCJA, la CCJA peut, si les

deux parties lui en font la demande, évoquer le litige et statuer au fond. Il est évidemment

nécessaire qu'il y ait accord des deux parties sur ce point. Si l'une seule des parties demande

l'évocation, la Cour, bien entendu, la refuse. V. CCJA, Arrêt n° 28 du 19 juillet 2007.

Cette distinction entre arbitrage interne et arbitrage international devrait également pouvoir être

utilisée pour l'interprétation de l'article 15 de l'Acte sur l'arbitrage qui porte sur le droit applicable

au fond du litige. En effet, en prévoyant que “ les arbitres tranchent le fond du litige

conformément aux règles de droit choisies par les parties… ”, cet article ne paraît concerner que les

seuls litiges contractuels internationaux et non les litiges contractuels internes.

f) La motivation

A ces cinq cas d'ouverture du recours en annulation, l'Acte uniforme ajoute la motivation de la

sentence. Cette obligation de motivation existe en droit français de l'arbitrage interne mais pas

dans l'arbitrage international. Comme on l'a déjà souligné, la motivation des sentences arbitrales

est cependant la règle en pratique. Cette exigence de motivation se justifie, en outre, au regard de

l'objectif qui a été assigné à l'arbitrage dans l'harmonisation du droit des affaires. Il ne saurait y

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avoir de jurisprudence arbitrale si les sentences n'étaient pas motivées. Le contrôle du défaut de

motivation ne doit, par principe, porter que sur l'existence, la suffisance et la non-contradiction des

motifs .

Cependant, l'absence de motivation de la sentence devrait être précisée par la mention que le

contrôle ne peut pas porter sur le bien fondé de la motivation mais exclusivement sur son absence.

Ceci implique qu'il ne s'agit que d'une exigence de forme — l'absence de motivation dans le libellé

de la sentence — et non d'une exigence de fond26

.

2) Les autres conditions

Les autres conditions sont liées au juge compétent (a), à la nature de la sentence qui peut faire

l’objet d’un recours en annulation (b) et aux délais (c) et à la possibilité de renonciation (d).

a) Le juge de l’annulation

La Cour Commune de justice et d'arbitrage se voit confier une double fonction de centre

d'arbitrage ainsi que de juge d'appui, de juge de l'exequatur et de juridiction de recours contre les

sentences arbitrales. Pour connaitre, le juge compétent pour examiner le recours en annulation ou

le recours en contestation de validité, il convient de distinguer entre les sentences rendues de droit

commun et les sentences de la CCJA.

S’agissant des sentences rendues dans le cadre du droit commun de l’OHADA, l’article 25 dispose :

«La sentence arbitrale n’est pas susceptible d’opposition, d’appel, ni de pourvoi en cassation. Elle

peut faire l’objet d’un recours en annulation, qui doit être porté devant le juge compétent dans

l’Etat-partie. La décision du juge compétent dans l’Etat-partie n’est susceptible que de pourvoi en

cassation devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ». La sentence ne peut être attaquée

que par un recours en annulation porté devant le juge compétent de l'État du siège de l'arbitrage,

sa décision ne pouvant elle-même faire l'objet que d'un pourvoi en cassation devant la CCJA

(article 25).

On observera le double degré de juridiction consacré par l'Acte Uniforme qui permet, dans un

premier temps, un recours devant le juge "compétent dans l'Etat-partie", puis dans un deuxième

temps devant la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, agissant en tant que "cour de cassation".

Le système OHADA est ainsi calqué sur le modèle français qui prévoit que le recours en annulation

est porté devant la Cour d'appel dans le ressort duquel la sentence a été rendue, ce recours

pouvant ensuite faire l'objet d'un pourvoi en cassation devant la Cour de Cassation française. Ce

système s'éloigne ainsi du système de degré unique de juridiction, tel qu'adopté par la loi suisse en

matière d'arbitrage qui prévoit, à son article 191 alinéa 1, que le recours n'est ouvert que devant le

Tribunal Fédéral en tant qu'instance unique de jugement.

La détermination du juge de l’Etat membre compétent en matière d’annulation a soulevé un

contentieux. Le droit uniforme n'ayant pas vocation à régler les questions d'organisation judiciaire

et de compétence dans les Etats parties, s'est limité à prévoir que le recours en annulation devait

26 Cour d'Appel du Centre (Cameroun) • Arrêt du 28/04/2010, Une sentence arbitrale ne peut pas être considérée comme non motivée dès lors qu'il en ressort que le tribunal arbitral a relevé le fait qui a justifié la responsabilité de la partie condamnée (en l'espèce la rupture abusive d'un contrat) avant de condamner le contractant défaillant à la réparation du préjudice qui en résulte pour l'autre partie.

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35

être “ porté devant le juge compétent dans l'Etat partie ”. La plupart des Etats de l'OHADA n'ont

pas complété le droit uniforme sur ce point. Dans certains Etats, les législations antérieures à l'Acte

uniforme du 11 mars 1999 organisaient un recours en annulation et désignaient la juridiction

compétente pour en connaître. Il en est ainsi, par exemple, en Côte d'Ivoire où la loi du 9 août

1993 sur l'arbitrage disposait que les recours en annulation “ sont portés devant la Cour d'appel

dans le ressort de laquelle la sentence arbitrale a été rendue ”.

Conformément à l'avis du 30 avril 2001 rendu par la CCJA sur la portée abrogatoire des actes

uniformes, qui considérait que les dispositions des lois antérieures non contraires à ces derniers

doivent être maintenues, les dispositions antérieures fixant la compétence des juridictions aptes à

connaître des recours en annulation ont été maintenues. Dans certains Etats où aucune disposition

antérieure ne permet de préciser la juridiction compétente et où le droit uniforme n'a pas été

complété sur ce point, un débat s'est instauré sur la juridiction apte à connaître de ce recours. Ainsi,

au Burkina, la cour d'appel s'est déclarée compétente pour connaître d'un tel recours (Cour d'appel

de Ouagadougou, 19 mars 2010)27

.

Au Bénin, alors que le tribunal de première instance s'est déclaré compétent, la compétence de la

cour d'appel a été invoquée par certains plaideurs au motif que “ le recours en annulation contre

une sentence arbitrale revêtue de l'autorité de la chose jugée relève de la Cour d'appel. La CCJA,

dans un arrêt du 1er avril 2008, a très correctement tranché la question. Elle a ainsi affirmé qu'en

“ droit processuel, toutes les fois qu'un texte particulier n'attribue pas à une juridiction déterminée

la connaissance exclusive de certaines matières, ladite connaissance de celles-ci échoit aux

juridictions de droit commun ”(CCJA, Arrêt n° 15 du 1er avril 2008). Ceci implique que dans les

nombreux Etats où les tribunaux de première ou de grande instance sont les juridictions de droit

commun, le recours en annulation doit être porté devant eux. C'est de cette manière que la

compétence du Tribunal de première instance de Cotonou a été justifiée puisque d'après la loi

béninoise du 27 août 2002, “ les tribunaux de première instance sont juges de droit commun ” au

Bénin.

S’agissant des sentences rendues par la CCJA, le système d'arbitrage CCJA innove en conférant à la

CCJA, juge de l'exequatur, le pouvoir d'annuler la sentence. C'est donc par le biais de la

reconnaissance et de l'exequatur que s'effectue le contrôle de la validité de la sentence.

La requête doit être notifiée à la partie adverse. En dépit de la terminologie employée (requête) et

du silence de l'article 29.5 du règlement d'arbitrage, il faut admettre que la procédure doit être

contradictoire, afin que la partie défenderesse puisse faire valoir ses moyens de défense. On ne

pourrait concevoir, en effet, qu'une sentence puisse être annulée sans débat contradictoire.

Il convient de souligner que la sentence rendue par la CCJA ne peut pas, non plus, être frappée

d'un recours en annulation devant les juridictions de l'Etat membre de l'OHADA sur le territoire

duquel elle a été rendue. Ni le Traité, ni le règlement d'arbitrage ne l'excluent expressément mais

27 Voir aussi Cour d'Appel de Ouagadougou • Arrêt du 16/04/2010, « A défaut de désignation du juge compétent par la législation nationale au Burkina Faso il apparaît judicieux, au regard de la doctrine et de la législation d'autres Etats-parties au traité OHADA, de reconnaître en la Cour d'appel du ressort dans laquelle la sentence arbitrale a été rendue la juridiction compétente visée à l'article 25 AUA comme juridiction de second degré des décisions rendues par le Tribunal arbitral et dont les décisions sont susceptibles de pourvoi en cassation. ».

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cela résulte nécessairement de la centralisation du contrôle des sentences au sein de la Cour

Commune de justice et d'arbitrage28

.

b) La sentence annulable

La sentence susceptible d’un recours en annulation dans le cadre de l’OHADA n’est pas seulement

la sentence intégrale (qui vide l’intégralité du litige) mais également la sentence partielle. L’acte

uniforme sur l’arbitrage prévoit dans l’article 11 (3), « Le tribunal arbitral peut statuer sur sa propre

compétence dans la sentence au fond ou dans une sentence partielle sujette au recours en

annulation ». Le règlement d’arbitrage de la CCJA dispose : « 21.3 L’arbitre peut statuer sur

l’exception d’incompétence soit par une sentence préalable, soit dans une sentence finale ou

partielle après débats au fond. Quand la Cour est saisie sur le plan juridictionnel, conformément

aux dispositions du chapitre III ci-après29

, de la décision de compétence ou d’incompétence prise

par une sentence préalable, l’arbitre peut néanmoins poursuivre la procédure sans attendre que la

Cour se soit prononcée ». En se prononçant ainsi, cet article admet la possibilité d’introduire un

recours en annulation contre la sentence d’incompétence ou de compétence.

L’acte uniforme ainsi que le règlement ne semblent admettre que les sentences partielles de

compétence ou d’incompétence. En effet, si les sentences partielles concernent souvent la

compétence, elles peuvent porter également sur l'arbitrabilité, sur la recevabilité de l'action

(prescription, intérêt à agir, autorité de chose jugée, etc.) et sur le fond de l'affaire dont l'arbitre est

saisi (droit applicable, principe de la responsabilité, résolution de certaines demandes de fond,

etc.).

La sentence partielle se distingue de la sentence intégrale qui dessaisit totalement l'arbitre et met fin

à sa mission. Parmi les spécificités de la sentence partielle, celle qui retiendra particulièrement

l'attention est son caractère définitif avec l'autorité de la chose jugée qui s'y attache, c'est-à-dire le

fait que les arbitres ne peuvent revenir sur ce qu'ils ont déjà jugé. La sentence partielle est une

décision définitive rendue par les arbitres sur un aspect du litige qui leur est soumis et qui ne les

dessaisit que d'une partie du litige, ce qui les amènera à statuer sur le reste. Parce qu'elle ne tranche

qu'une partie du litige, la sentence partielle se distingue de la sentence globale qui dessaisit

totalement l'arbitre et met fin à sa mission.

Le phénomène de divisibilité de la sentence, a peu suscité l'attention de la doctrine qui s'est

principalement intéressée aux effets et au statut d'une sentence partielle valable. La question qui se

pose, en revanche, est de déterminer l’effet d’une sentence partielle annulée30

. Ces recours

aboutissent souvent avant même qu'une sentence au fond ne soit rendue et alors que l'arbitre n'est

pas tenu de suspendre les opérations d'arbitrage. Le morcellement de la procédure arbitrale, par

l'accord des parties ou par le truchement des règlements d'arbitrages à l'effet de conférer au

tribunal arbitral la possibilité de statuer par plusieurs sentences, est à la mode. Il est vrai que

procéder par sentences partielles permet aux parties de débattre séparément des questions

importantes et de les voir tranchées avant l'engagement de la suite de la procédure en réduisant

28 Cour d'Appel de Ouagadougou • Arrêt du 05/06/2009, Les sentences arbitrales rendues conformément aux dispositions du règlement d'arbitrage CCJA, ont, selon l'article 27 de ce règlement, l'autorité définitive de la chose jugée sur le territoire de chaque Etat partie. Et en vertu des dispositions de l'article 29-1 du même règlement, toute contestation portant sur la reconnaissance de la sentence arbitrale et sur l'autorité de la chose jugée qui en découle relève de la compétence exclusive de la CCJA. La Cour d'appel est donc incompétente pour connaître d'un tel recours. 29 Ce chapitre concerne LA RECONNAISSANCE ET L’EXECUTION FORCEE DES SENTENCES ARBITRALES 30 Sur cette question, Andrea Pinna, L'Annulation d'une sentence arbitrale partielle, Revue de l'Arbitrage, 2008 Volume 2008 Issue 4 ) pp. 615 - 640

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progressivement le champ du litige, à l'image d'un entonnoir, ce qui peut le cas échéant réduire les

coûts de la procédure.

Le caractère définitif de la sentence partielle implique nécessairement qu'elle peut faire l'objet d'un

recours en annulation. À l'étranger s'est vite posée la question de savoir si le recours pouvait être

intenté dès le prononcé de la sentence partielle ou bien s'il ne fallait pas attendre que la sentence

finale soit rendue. Le Tribunal fédéral suisse, par des arrêts remarqués, avait un temps décidé qu'un

recours contre une sentence partielle était recevable uniquement en présence d'un dommage

irréparable au recourant au sens de l'article 87 de la loi d'organisation judiciaire. Mais, cette

solution a été depuis abandonnée en matière internationale, le recours pouvant désormais être

intenté contre la sentence qui tranche une partie seulement du litige dans les mêmes conditions

que la sentence finale.

En droit français, la sentence partielle est soumise à un régime similaire à celui de la sentence finale,

notamment au regard des voies de recours. En particulier, elle peut faire l'objet d'un recours,

indépendamment de la sentence finale, recours pouvant être formé dès son prononcé. Le recours

contre la sentence partielle avant le prononcé de la sentence finale devient souvent d'ailleurs une

obligation, dès lors que la sentence a été signifiée revêtue de l'exequatur, compte tenu du fait que

le délai d'un mois pour exercer le recours commence à courir dès ladite signification de la sentence.

La possibilité de recourir contre une sentence partielle à partir de son prononcé, qui semble faire

aujourd'hui la quasi-unanimité en droit comparé, présente toutefois un inconvénient. Cela donne

la possibilité aux plaideurs d'intenter des recours alors que la sentence finale n'est pas encore

rendue avec parfois l'objectif principal de déstabiliser l'arbitre qui n'a pas encore porté sa mission à

son terme. Ainsi, certains ont pu se demander si les parties pouvaient prévoir, dans l'acte de

mission, que la sentence partielle ne pourrait faire l'objet d'un appel ou d'un recours en annulation

qu'en même temps que la sentence finale. Une telle stipulation semble possible lorsque l’arbitrage

est soumis au règlement d’arbitrage de la CCJA. L’article 29.2 permet la renonciation au recours de

contestation de validité. Cela concerne la sentence finale et a fortiori la sentence partielle de

compétence ou d’incompétence. L’acte uniforme d’arbitrage ne se réfère pas à la renonciation au

recours en annulation. On doit en déduire que la renonciation n’est pas admise.

La question de l'étendue de l'annulation intégrale d'une sentence partielle sur les sentences

postérieures dépend principalement de la nature du vice qui affecte la sentence partielle. Si certains

vices restent propres à la sentence arbitrale partielle annulée, d'autres de par leur nature viendront

contaminer toutes les sentences subséquentes à celle-ci. Parfois, le même grief retenu pour

l'annulation de la sentence partielle affectera également toute autre sentence rendue dans le cadre

du litige. Il s'agit de l'hypothèse dans laquelle le rayonnement de l'annulation de la sentence

partielle. Elle se rencontre lorsque le juge de l'annulation a retenu que l'arbitre a statué sans

convention d'arbitrage, parce qu'il était incompétent ou parce que le litige était inarbitrable, ou a

retenu que le tribunal arbitral était irrégulièrement composé. Pour qu'il en aille ainsi il est

nécessaire qu'il existe un lien de dépendance entre les deux sentences rendues séparément. On voit

bien que la question se pose en réalité est une question relative au lien de connexité entre la

sentence annulée et la sentence postérieure.

S'il est certain qu'un tel vice de la première sentence affecte nécessairement la sentence postérieure,

encore faut-il déterminer si la deuxième sentence se trouvera annulée de plein droit en raison de

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l'annulation de la sentence partielle ou s'il faudra plutôt que le juge la prononce dans le cadre d'un

recours contre celle-ci.

Il est certain qu'il n'y a pas de connexité entre deux sentences qui statuent sur des prétentions

distinctes. Ainsi, l'annulation pour violation du principe du contradictoire d'une sentence partielle

déclarant prescrite une action en nullité d'une délibération des organes sociaux, ne peut pas

affecter une sentence postérieure statuant sur la responsabilité de la société concernant une autre

délibération.

Dans ce cas, le fait que les arbitres ont tranché ces deux questions dans le cadre de la même

procédure est purement casuel et il aurait été loisible au demandeur de faire trancher ces deux

prétentions dans le cadre de deux procédures arbitrales distinctes. En d'autres termes, lorsque deux

demandes distinctes sont présentées devant le même tribunal arbitral, l'annulation de la sentence à

l'égard de la première demande n'a pas d'effet sur la sentence tranchant la seconde. Ce

raisonnement s'applique quand bien même la sentence annulée serait la première en date.

c) Les délais de recours

L’AUA, dispose dans l’Article 27.- « Le recours en annulation est recevable dès le prononcé de la

sentence ; il cesse de l’être s’il n’a pas été exercé dans le mois de la signification de la sentence

munie de l’exequatur ». L’usage du terme prononcé est un peu curieux car la sentence prononcée

n’est pas connue des parties31

. Il en découle que la partie gagnante doit demander l’exequatur et

attendre un mois pour se prévenir d’un recours d’annulation éventuelle.

Le règlement d’arbitrage de la CCJA, quant à lui, contient la même curiosité. Il dispose dans

l’article 29. 3 que « La requête peut être déposée dès le prononcé de la sentence. Elle cesse d’être

recevable si elle n’a pas été déposée dans les deux mois de la notification de la sentence visée à

l’article 25 ci-dessus ». L’article 25 prévoit « La sentence rendue, le Secrétaire Général en notifie

aux parties le texte signé de l’arbitre, après que les frais d’arbitrage visés à l’article 24.2 a) ci-dessus,

ont été réglés intégralement au Secrétaire Général par les parties ou l’une d’entre elles ». La

sentence n'a plus besoin d'être préalablement assortie de l'exequatur pour être signifiée. Certes, une

sentence non exequaturée, même signifiée, ne saurait faire l'objet d'une exécution forcée, mais les

délais de recours commenceront à courir dès sa communication à l'encontre de la partie contre

laquelle l'exécution est poursuivie.

d) La possibilité de renonciation

L’article 29.2 du règlement de la CCJA permet la renonciation au recours de contestation de

validité. L’acte uniforme d’arbitrage ne se réfère pas à la renonciation au recours en annulation.

On doit en déduire que la renonciation n’est pas admise. C’est la position retenue par la CCJA

dans l’Arrêt No 010/2003 du 19 juin 2003. Les parties avaient indiqué dans la convention de

cession de titres et dans l'acte de mission, qu'elles renonçaient à tout recours contre la sentence

arbitrale. Cette clause a été déclarée non écrite par la CCJA. Le recours en annulation dans l’acte

uniforme est donc d’ordre public.

31 Benois Le Bars, Droit des sociétés et de l’arbitrage international, Pratique en droit de l’OHADA, Joly Editions, P. 114.

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La possibilité de renonciation a été récemment consacrée en droit français. Le problème se pose

lorsque les parties ne se réfèrent pas précisément au recours en annulation dans leur clause. C’est le

cas lorsque les parties renoncent, en général, à exercer les recours. En droit français, l’article 1522

dispose, «Par convention spéciale, les parties peuvent à tout moment renoncer expressément au

recours en annulation.

Il y a cependant une règle importante qui sans porter sur la renonciation au recours limite son

effet. Il s’agit de l’article 14 de l’acte uniforme qui dispose que : « La partie qui, en connaissance de

cause, s’abstient d’invoquer sans délai une irrégularité et poursuit l’arbitrage est réputée avoir

renoncé à s’en prévaloir ». La règle est prévue dans le chapitre dédié à l’instance mais son effet se

manifeste surtout au moment du recours en annulation. Plus particulièrement cette règle qui est

une illustration de la bonne foi signifie qu’une partie ne peut devant le juge de l’annulation fonder

son recours sur une irrégularité de la procédure qu’elle n’a pas invoquée. Cette partie est présumée

avoir renoncé à se prévaloir des irrégularités de procédure qu’elle n’a pas invoquée. Ce principe de

renonciation a un domaine large dans l’acte uniforme en couvrant toutes les règles de procédure.

La loi type exclut les règles impératives du domaine de renonciation.

La CCJA a eu l’occasion d’appliquer ce principe dans un recours en annulation s’agissant d’une

désignation irrégulière d’un arbitre pour rejeter le recours en annulation32

.

3) Les effets de la procédure d’annulation

On examinera en premier lieu l’effet du recours en annulation (1) et en second lieu les effets de

l’annulation (2).

1. Les effets du recours en annulation

La question se pose pour l’exécution provisoire (a) et pour le recours en exequatur (b).

a) L’effet de l’exécution provisoire

Selon l’acte uniforme, (Art.28).- Sauf si l’exécution provisoire de la sentence a été ordonnée par le

Tribunal arbitral, l’exercice du recours en annulation suspend l’exécution de la sentence arbitrale

jusqu’à ce que le juge compétent dans l’Etat-partie ait statué. Ce juge est également compétent

pour statuer sur le contentieux de l’exécution provisoire. Le bénéficiaire d’une sentence assortie de

l’exécution provisoire peut donc poursuivre l’exécution forcée, en dépit d’un recours en

annulation à ses risques et périls. Si la sentence est annulée, il doit réparer le préjudice causé à son

adversaire par l’exécution précoce. Le juge connait aussi le contentieux de l’exécution provisoire. Il

peut donc intervenir lorsque la sentence est assortie de l'exécution provisoire pour arrêter ou

aménager son exécution lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

On peut s’interroger sur la possibilité d’intervention de ce juge pour ordonner lorsque la sentence

n'est pas assortie de l'exécution provisoire, l'exécution provisoire de tout ou partie de cette

sentence33

.

32 Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) • Arrêt du 29/04/2010. Il ressort de l'analyse des pièces du dossier de la procédure, à savoir la lettre en date du 20 juin 2003 de Monsieur Elie MISSOU, Président du Tribunal arbitral, l'ordonnance du 1er vice-président du Tribunal judiciaire de Première Instance de Libreville, ainsi que l'exploit de signification de l'ordonnance portant désignation d'un juge-arbitre du 08 septembre 2003, que les défenderesses ont eu connaissance de la désignation du nouveau juge-arbitre le 08 septembre 2003, et se sont abstenues d'invoquer sans délai cette prétendue irrégularité jusqu'au prononcé de la sentence arbitrale le 30 décembre 2003. En application de l'article 14, alinéa 8 de l'Acte uniforme susvisé, il n'y a pas lieu à annulation de ladite sentence arbitrale. Il suit qu'en statuant comme elle l'a fait par l'arrêt attaqué, la Cour d'Appel judiciaire de Libreville a violé les dispositions de l'article 14 précité de l'Acte uniforme susvisé. Il échet, en conséquence, de casser l'arrêt attaqué.

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Le règlement OHADA est resté muet sur l’exécution provisoire et son effet sur un recours éventuel

de contestation de validité. Ce silence est surprenant. Cela a fait dire au Professeur Pougoué, qu’il

n’y a pas de possibilité d’exécution provisoire dans le règlement OHADA34

.

b) L’articulation du recours en annulation avec l’exequatur

Il y a une interdépendance entre les deux recours. Les cas d’ouvertures sont les mêmes. Ainsi pour

éviter les contradictions, il convient d’articuler les recours. Le droit de l’OHADA pose quelques

principes pour articuler ces recours sans résoudre toutes les difficultés.

En droit commun de l’OHADA, selon l’article 30 de l’acte uniforme sur l’arbitrage, « La sentence

arbitrale n’est susceptible d’exécution forcée qu’en vertu d’une décision d’exequatur rendue par le

juge compétent dans l’Etat-partie ». L’acte n’indique pas exactement s’il s’agit du juge du siège ou

le juge de lieu de l’exécution. La majorité de la doctrine considère que le juge compétent est le

juge du lieu de l’exécution en application des règles de droit commun de chaque Etat. Si

l’exequatur est accordé, cette décision n’est susceptible d’aucun recours. Cela se comprend car celui

qui conteste l’exécution peut utiliser le recours en annulation. L’article 32 dispose en effet que « le

recours en annulation de la sentence emporte de plein droit dans les limites de la saisine du juge

compétent de l’Etat-partie, recours contre la décision ayant accordé l’exequatur ». La décision

d’exéquatur n’est pas susceptible d’un recours direct. Mais, elle est susceptible d’un recours indirect

par le biais d’un recours en annulation contre la sentence qui emporte en même temps recours

contre la décision qui a accordée l’exequatur. Si l’exéquatur est rejeté, la partie qui la demande

peut interjeter pourvoi en cassation devant la cour Commune de Justice et d’arbitrage (Article 32).

Il est important que le recours en exéquatur et le recours en annulation n’aboutissent pas à des

résultats contradictoires. Pour cette raison, l’article 33 prévoit que « Le rejet du recours en

annulation emporte de plein droit validité de la sentence arbitrale ainsi que de la décision ayant

accordé l’exequatur ». Parallèlement, l’annulation de la sentence interdit son exéquatur même si

l’acte uniforme ne le précise pas. De même, l’exercice d’un recours en annulation contre la

sentence avant que le juge n’ait statué sur l’exequatur, emporte dessaisissement de ce dernier en

raison de l’incidence de ce recours sur la sentence elle-même.

33 Paul Gérard Pougoué, Droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA, Presses Universitaires d'Afrique, 2000, Collection droit uniforme, voir aussi Par Paul-Gérard Pougoué,Alain Fénéon,Jean-Marie Tchakoua, Droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA. Le droit français récent, en matière interne, prévoit la règle selon laquelle, le recours en annulation ne suspend pas l’exécution provisoire. Mais prévoit que le premier président de la cour d’appel (Art. 1497). - Le premier président statuant en référé ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut : 1° Lorsque la sentence est assortie de l'exécution provisoire, arrêter ou aménager son exécution lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou 2° Lorsque la sentence n'est pas assortie de l'exécution provisoire, ordonner l'exécution provisoire de tout ou partie de cette sentence ». L'article 29 ne dit pas si le recours en contestation de la reconnaissance de la sentence arbitrale et de l'autorité de chose jugée est suspensif. En revanche, l'article 46.2 du règlement de procédure de la CCJA dispose que l'exécution forcée ne peut être suspendue qu'en vertu d'une décision de la Cour. Comme il serait difficile d'admettre que l'exécution de la sentence puisse être poursuivie nonobstant le recours en contestation de validité (qui peut conduire à son annulation), l'auteur du recours devra demander le sursis à exécution dans sa requête et la Cour devrait, en bonne logique, l'ordonner. Mais le problème demeure si le sursis à exécution n'est pas demandé. Dans cette hypothèse, la Cour ne peut pas, dans le silence du texte, l'ordonner d'office. Il conviendrait donc de combler cette lacune dans le règlement d'arbitrage. 34 Sur cette question, Henri Tchantchou; Alexis Ndzuenkeu, L'exe cution provisoire a l'ere de l'OHADA, Penant : revue de droit des pays d'Afrique 2005, p. 46.

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Dans le règlement de la CCJA, la procédure d’exequatur est réglée par l’article 30 du règlement

d’arbitrage. Elle est introduite par une requête et donne lieu à une procédure non contradictoire35

.

L’introduction d’un recours de contestation de validité contre la sentence alors qu’une requête

d’exequatur a été déjà introduite a pour effet la jonction des deux procédures36

. L’article 30.3

prévoit « L’exequatur n’est pas accordé si la Cour se trouve déjà saisie, pour la même sentence,

d’une requête en contestation de validité. En pareil cas, les deux requêtes sont jointes ».

L’ordonnance qui refuse l’exequatur peut faire l’objet d’un recours sui-genris qui n’est pas qualifié

par le règlement d’arbitrage. Selon l’article 30.4:

« Si l’exequatur est refusé, la partie requérante peut saisir la Cour de sa demande dans la quinzaine

du rejet de sa requête. Elle notifie sa demande à la partie adverse ». L’infirmation du refus

d’exequatur par la CCJA a pour effet de conférer l’exéquatur à la sentence arbitrale. L’ordonnance

qui accorde l’exequatur peut faire l’objet d’un recours. Il s’agit d’une opposition à l’exequatur

introduite par la partie contre laquelle, l’exequatur a été accordé (Article 30.5). Si la cour accède à

la demande de la partie qui s’oppose, elle devait refuser ou rétracter l’exequatur laissant la

sentence subsister car celle-ci n’est pas attaquée. Mais celle-ci ne peut pas être exécutée dans

l’espace de l’OHADA37

. Il faut aussi souligner que le recours en contestation de validité de la

sentence a pour effet d’entrainer le refus de l’exequatur et la jonction des deux procédures38

.

L’une des difficultés non résolue est la possibilité concerne la possibilité d’introduire un recours en

contestation de validité après que l’exéquatur a été obtenu. Le demandeur qui a négligé

l’opposition a exequatur dans les 15 jours de la notification de l’ordonnance d’exequatur peut

prétendre le cas échéant être dans le délai d’un mois à partir de la notification pour recourir en

contestation de validité. Il a été proposé de fermer cette possibilité pour éviter la multiplication des

recours et pour ne pas laisser le bénéficiaire de l’exequatur à la merci du perdant39

.

B) Les effets de l’annulation

En ce qui concerne le droit commun de l’OHADA, les juridictions nationales n’ont pas le pouvoir

d’évocation. Ces juridictions ne peuvent que rejeter le recours en annulation ou l’accepter et

annuler la sentence40

. Dans ce dernier cas, l’une ou l’autre des parties devra engager une nouvelle

procédure arbitrales afin d’obtenir une sentence au fond (article 29 de l’acte uniforme).

Cependant, si l’annulation de la sentence est liée à l’absence d’une convention d’arbitrage, la

procédure d’arbitrage ne peut pas reprendre. Les parties doivent dans ce cas saisir le juge

compétent.

35 Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) • Ordonnance du 10/02/2009, Selon l'article 30.2 du Règlement d'arbitrage de la CCJA, l'exequatur d'une sentence arbitrale est accordé à l'occasion d'une procédure non contradictoire par une ordonnance du Président de la Cour ou du juge délégué à cet effet, et confère à la sentence un caractère exécutoire dans tous les Etats parties ; la Cour n'étant saisie d'aucune autre requête en contestation de validité de ladite sentence, accorde l'exequatur. 36 Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) • Ordonnance du 30/09/2011, En l'état d'une sentence arbitrale faisant l'objet d'un recours en contestation de validité et d'une requête en exequatur de ladite sentence, il y lieu de joindre les deux procédures dans l'intérêt des parties et pour une bonne justice conformément à l'article 30-3 du Règlement d'arbitrage de la CCJA. 37 Pougoué et autres, ouvrage précité, p. 282. 38 Voir Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) • Ordonnance du 10/02/2009, Lorsque la Cour commune de justice et d'arbitrage n'est saisie d'aucune requête en contestation de validité d'une sentence rendue dans les délais prévus par les dispositions du Règlement d'arbitrage de la CCJA, il y a lieu de conférer à cette décision un caractère exécutoire dans tous les Etats parties. 39 Pougoué et autres, ouvrage précité, p. 283. 40 Voir Cour d'appel d'Abidjan • Arrêt du 20/04/2001, L'article 29 de l'Acte uniforme relatif à l'arbitrage disposant qu'en cas d'annulation de la sentence, il appartient à la partie la plus diligente d'engager, si elle le souhaite, une nouvelle procédure arbitrale, la cour d'appel, qui a annulé une sentence arbitrale, ne peut évoquer l'affaire et il convient donc de renvoyer les parties à mieux se pourvoir (2e décision).

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42

En revanche, selon l’article 29.5, du règlement d’arbitrage, « Si la Cour refuse la reconnaissance et

l’autorité de chose jugée à la sentence qui lui est déférée, elle annule la sentence. Elle évoque et

statue au fond si les parties en ont fait la demande . Si les parties n’ont pas demandé l’évocation, la

procédure est reprise à la requête de la partie la plus diligente à partir, le cas échéant, du dernier

acte de l’instance arbitrale reconnu valable par la Cour ». Cependant, il semble que l’évocation

s’impose si l’annulation repose sur l’absence d’une convention d’arbitrage.

Le vrai problème qui se pose ici est l’effet de l’annulation d’une sentence dans un pays sur son

exequatur dans un autre pays. C’est le problème de l’exequatur d’une sentence annulé dans son

pays d’origine. L’acte uniforme ne précise pas comme un motif de refus d’exequatur l’annulation

de la sentence dans son Etat d’origine.

Deux hypothèses doivent être distinguées selon que le juge saisi est un juge de l’OHADA ou un

juge d’un Etat tiers de l’OHADA.

Devant le juge de l’OHADA, le premier problème qui se pose est de savoir quel est l’effet de

l’annulation d’une sentence par un juge de l’OHADA sur son exéquatur devant un autre juge. La

question n’a pas été largement examinée par la doctrine. Une sentence annulée dans l’Etat

OHADA du siège ne peut pas être reconnue par un autre juge OHADA. La communauté des

législations sur l’arbitrage exclut l’annulation d’une sentence dans un pays et son exequatur dans un

autre pays41

. Il serait inadmissible qu’un Etat exequatur une sentence annulée dans un Etat membre

ou par la CCJA.

La convention de New York exclut cette éventualité. En conséquence, les sentences annulées dans

des Etats tiers de l’OHADA signataire de la convention de New York soumises à l’exéquatur dans

l’OHADA ne peuvent pas recevoir l’exéquatur (article 34 AU).

L’annulation d’une sentence arbitrale dans l’espace OHADA par le juge d’un Etat ou par la CCJA

n’exclut pas son application dans les Etats tiers. Même si la convention de New York sur

l’exécution des sentences arbitrales permet au juge de refuser la reconnaissance et l’exécution d’une

sentence arbitrale annulée dans son Etat d’origine (l’Etat de siège), la même convention permet à

la partie qui invoque l’exécution de bénéficier d’un régime plus favorable. En droit français,

l’annulation de la sentence ne figure pas parmi les cas de refus d’exequatur. Ainsi, l’exequatur

d’une sentence CCJA a été admise en France et le suris à statuer rejeté, alors que la juridiction

ivoirienne a été saisi d’un recours d’annulation contestable contre cette sentence (Cour d’appel, 31

Janvier 2006, société Ivoirienne de Raffinage). La cour d’appel de Paris a indiqué le recours en

annulation doit être engagé devant la CCJA et quelle soit la compétence de la cour d’appel

d’Abidjan pour connaitre de telle recours, la décision ivoirienne est sans effet en France.

Le même résultat est obtenu si la sentence est annulée par la CCJA. Toute annulation d’une

sentence arbitrale dans la zone OHADA n’a aucun effet en France.

Pour éviter toutes ces complications, le professeur Philippe Fouchard propose de supprimer le

recours en annulation et de limiter le contrôle des sentences arbitrales seulement à l’occasion de

l’exéquatur42

.

41 Meyer, ouvrage cité, p. 249. 42 Philippe Fouchard, La portée internationale de l'annulation de la sentence arbitrale dans son pays d'origine, Revue de l'Arbitrage Volume 1997 Issue 3 (1997), p. 329.

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43

2e partie : L’annulation dans le cadre d’une procédure dénationalisée : Le CIRDI.

Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements ("CIRDI") a été

institué par la convention de Washington du 18 mars 1965. Le CIRDI a pour objet de favoriser le

règlement des différends entre États et investisseurs étrangers et offre des services de conciliation et

d'arbitrage spécialement conçus à cet effet. Le CIRDI est compétent pour connaître des différends

d'ordre juridique en relation directe avec un investissement qui opposent un État contractant à la

convention de Washington, à un investisseur ressortissant d'un autre État contractant. La procédure

des arbitrages CIRDI est largement autonome, les juridictions nationales n'ayant pas vocation à

intervenir, et bénéficie d'une certaine transparence.

Les obligations pécuniaires résultant des sentences CIRDI présentent l'avantage de pouvoir être

exécutées sans "exequatur" dans tous les États parties à la convention de Washington. Les recours

dont les sentences peuvent faire l'objet ne sont pas portés devant des juridictions étatiques.

La convention de Washington prévoit que la sentence est obligatoire à l'égard des parties, qui

doivent y donner effet (art. 53). Par ailleurs, les États contractants se sont engagés dans la

convention à reconnaître les sentences CIRDI comme obligatoires et à assurer l'exécution sur leur

territoire des obligations pécuniaires qu'elles contiennent comme s'il s'agissait d'un jugement

définitif de leurs propres tribunaux (Conv., art. 54 (1)). Ainsi, les obligations pécuniaires prévues

par les sentences CIRDI présentent l'avantage de pouvoir être exécutées dans tous les États parties à

la convention de Washington sans qu'une procédure d'exequatur ne soit requise. Cette exécution

"simplifiée" est possible dans tout État contractant, quand bien même il n'est ni l'État partie à la

procédure en cause, ni l'État de l'investisseur. Pour obtenir l'exécution, il suffit de présenter une

copie de la sentence certifiée conforme par le secrétaire général du CIRDI à l'autorité compétente

désignée au Centre par l'État sur le territoire duquel l'exécution est recherchée (Conv., art. 54 (2)).

Les juridictions locales n'exercent donc aucun contrôle sur le contenu de la sentence. L'exécution en

elle-même est ensuite régie par la législation en vigueur dans l'État où l'exécution est

poursuivie (Conv., art. 54 (3)).

La convention de Washington précise que les États contractants, en adhérant à cette convention,

ne renoncent pas à l'immunité d'exécution dont ils pourraient bénéficier en application de lois

nationales (art. 55). Les dispositions sur l'immunité d'exécution en vigueur dans l'État sur le

territoire duquel l'exécution est recherchée s'appliquent donc. Dans le cadre d'une relation

contractuelle, l'investisseur aura ainsi intérêt à rechercher à ce que la clause compromissoire

comporte une stipulation expresse par laquelle l'État partie au contrat renonce à cette immunité.

Cependant, la convention prévoit que si l'État ne se conforme pas à une sentence CIRDI,

l'investisseur retrouve alors la possibilité de recourir à la protection diplomatique, possibilité qui lui

est en principe ôtée dans le cadre de la convention (Conv., art. 27).

Une sentence CIRDI peut faire l'objet de quatre types de recours : un recours en correction

interprétation ou révision devant un tribunal CIRDI, ainsi qu'un recours en annulation devant un

comité ad hoc. Aucun autre recours n'est permis par la convention de Washington. En particulier,

les sentences CIRDI ne sont susceptibles ni de recours en annulation devant des juridictions

étatiques, ni d'appel (Conv., art. 53 (1).

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44

Depuis l’entrée en vigueur de la Convention du CIRDI en 1966, des instances en annulation ont été

engagées dans 50 affaires. Dans 3 de ces affaires, l’instance en annulation a été engagée une

seconde fois après une procédure de nouvel examen, portant le nombre total d’instances en

annulation introduites à 53. Environ

57 pour cent des instances en annulation ont été engagées par des défendeurs (dans tous les cas,

des États) alors que 36 pour cent des instances l’ont été par des demandeurs. Dans 4 affaires (soit

environ 7 pour cent de l’ensemble des instances en annulation), la demande en annulation a été

présentée par les deux parties. On examinera la procédure d’annulation (A), les motifs

d’annulation (B) et les effets d’annulation (C)

A) La procédure d'annulation

L'une des particularités de l'arbitrage CIRDI est que le recours en annulation contre la sentence n'est

pas porté devant une juridiction étatique. Il reste interne au système mis en place par la

convention de Washington43

. En effet, ce recours est soumis à un comité ad hoc composé de trois

personnes nommées par le Président du Conseil administratif. Ainsi, les membres du comité ad

hoc doivent figurer sur la liste des arbitres du CIRDI et ils ne peuvent être choisis parmi les

membres du tribunal ayant rendu la sentence attaquée, ni même avoir la nationalité d'aucun des

membres de ce tribunal. Ils ne peuvent pas non plus avoir la nationalité de l'État partie au

différend ou de l'État dont l'investisseur est le ressortissant, ni avoir été désignés par ces États pour

figurer sur la liste d'arbitres du CIRDI (Conv., art. 52 (3)). Le règlement d'arbitrage

s'applique mutatis mutandis à la procédure relative à l'annulation (Règl. arb., art. 53).

Le rôle d’un Comité ad hoc est soit de rejeter la demande en annulation, soit d’annuler la sentence

en tout ou en partie pour l’un des motifs énumérés. Son rôle n’est pas de se prononcer sur le bien-

fondé du différend opposant les parties s’il décide d’annuler la sentence ; ce sera la tâche d’un

nouveau Tribunal si l’une ou l’autre des parties lui soumet le différend à la suite de l’annulation de

la sentence.

S’agissant des dorme et délais, la partie qui souhaite former un recours en annulation doit

présenter sa demande par écrit au secrétaire général du Centre dans les cent vingt jours qui suivent

la date de la sentence. Toutefois, si l'annulation est demandée pour cause de corruption, un double

délai s'applique : il est de cent vingt jours suivant la date de la découverte de la corruption et la

demande doit en tous les cas être formée dans les trois ans qui suivent la date de la

sentence (Conv., art. 52 (2)). Comme il a été vu, la sentence est réputée avoir été rendue le jour

où le secrétaire général du Centre envoie aux parties les copies certifiées conformes de la sentence.

La demande d'annulation peut ne porter que sur certaines parties de la sentence (Conv., art. 52

(3)). Ainsi, dans l'affaire “MINE c/ Guinée”, la demande en annulation ne concernait que la

demande principale et non la partie de la sentence statuant sur la demande reconventionnelle44

.

43 Sur le sujet, V. notamment, Annulment of ICSID Awards, IAI Series n° 1, Y. Banifatemi et E. Gaillard (dir.), Juris Publishing, 2004) 44 (Maritime International Nominees Establishment (MINE) c/ Guinée (comité ad hoc), 22 déc. 1989, ARB/84/4 : 4 ICSID Rep.

p. 79 ; JDI 1991, p. 166, obs. E. Gaillard).

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45

La demande en annulation doit viser une sentence CIRDI, qui est la décision finale concluant une

instance. Une demande en annulation qui porte sur une décision rendue avant la sentence (par

exemple, une décision relative à une récusation, une mesure conservatoire ou une décision

admettant la compétence) ne peut pas être contestée avant de faire partie intégrante de

l’éventuelle sentence, même si elle soulève des questions susceptibles de constituer le fondement

d’une demande en annulation. Le recours contre les sentences partielles n’est pas admis dans le

cadre du CIRDI. Les demandes en annulation relatives à des décisions sur la compétence dans des

affaires en cours se sont systématiquement heurtées à des refus d’enregistrement. Le droit de dépôt

d’une demande en annulation est actuellement de 10 000 USD.

Contrairement à l’instance devant le Tribunal, la partie requérante au recours en annulation est

seule responsable pour effectuer le versement de toutes les avances requises par le CIRDI dans une

instance en annulation, sauf accord contraire des parties. Ces avances couvrent les dépenses liées à

l’audience, telles que les transcriptions, l’interprétation et les frais de traduction, les frais

administratifs du CIRDI ainsi que les honoraires et dépenses du Comité ad hoc (les « Frais de

l’instance »). Le paiement est sans préjudice du droit du Comité ad hoc de décider des modalités et

de la répartition définitive des dépenses encourues.

Le montant des Frais de l’instance dans les annulations ayant pris fin au cours des cinq dernières

années s’est élevé en moyenne à 364 000 USD. Par conséquent, la partie demanderesse à

l’annulation doit être prête à financer entièrement l’instance, sous réserve de la décision finale du

Comité sur les frais.

B) Les Motifs d'annulation : Cinq motifs d'annulation

Chacune des parties peut former un recours en annulation contre une sentence CIRDI pour l'un (ou

plusieurs) des cinq motifs suivants :(a) Vice dans la constitution du tribunal (b) Excès de pouvoir

manifeste du tribunal ; (c) Corruption d'un membre du tribunal ;(d) Inobservation grave d'une

règle fondamentale de procédure ;(e) Défaut de motifs.

Il s'agit d'une liste exhaustive. Par ailleurs, comme la convention prévoit que les comités ad

hoc sont "habilités" à annuler les sentences (art. 52 (3)), il en a été déduit que même en présence

de l'un de ces motifs, les comités disposent d'une certaine latitude pour déterminer, au vu des

circonstances, si l'annulation est appropriée45

. Par ailleurs, il a été précisé qu'il n'existe de

présomption ni pour ni contre l'annulation (Vivendi c/ Argentine,§ 62).

Les motifs d'annulation qui sont les plus soulevés par les parties sont l'excès de pouvoir manifeste

du tribunal arbitral, l'inobservation d'une règle fondamentale de procédure et le défaut de motifs.

Ils seront examinés successivement. Le motif relatif à la corruption n’a été à ce jour jamais invoqué.

1) Vice dans la constitution du tribunal

Le vice dans la constitution d’un Tribunal a été invoqué dans seulement 4 instances en annulation

qui ont débouché sur une décision.

45 Maritime International Nominees Establishment (MINE) c/ Guinée (comité ad hoc), 22 déc. 1989, ARB/84/4, § 4.10 : 4 ICSID Rep. p. 79 ; JDI 1991, p. 166, obs. E. Gaillard. – Compañía de Aguas del Aconquija et Vivendi Universal c/ Argentine (comité ad hoc), 3 juill. 2002, ARB/97/3, § 66 : 6 ICSID Rep. p. 340 ; JDI 2003, p. 195, obs. E. Gaillard. – CDC Group c/ Seychelles (comité ad hoc), 29 juin 2005, ARB/02/14, § 37 : 11 ICSID Rep. p. 237 ; JDI 2006, p. 230, obs. E. Gaillard).

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46

Les 4 décisions montrent que les demandes en annulation fondées sur ce motif ne sont susceptibles

d’aboutir que dans de rares circonstances. Une décision d’annulation a relevé que le rôle du

Comité ad hoc se limite à déterminer si les dispositions relatives à la constitution du Tribunal ont

été respectées dans l’instance initiale, et que son rôle ne s’étend pas à des questions telles que

l’examen de la décision du Tribunal sur une demande en récusation d’un membre du Tribunal sur

le fondement de l’article 58 de la Convention. Les Comités ad hoc ont également indiqué qu’une

partie qui a connaissance d’un prétendu vice dans la constitution du Tribunal au cours de la

procédure initiale et qui ne soulève pas ce point peut être considérée avoir renoncé à son droit de

faire valoir une telle objection en tant que motif d’annulation.

2) Excès de pouvoir manifeste du tribunal

L'incompétence du tribunal ne figure pas expressément parmi les motifs d'annulation prévus par la

Convention de Washington. Les comités ad hoc ont toutefois considéré que le fait pour un tribunal

de retenir sa compétence alors que les conditions ne sont pas réunies pouvait constituer un “excès

de pouvoir46

. Inversement, le fait pour un tribunal de ne pas exercer sa compétence alors que les

conditions de celles-ci sont bien remplies peut également constituer un excès de pouvoir47

. Une

annulation pour ce motif a été récemment prononcée dans "MHS c/ Malaisie". Dans cette affaire, le

comité ad hoc a décidé que le tribunal arbitral avait excédé ses pouvoirs, en rejetant sa

compétence au motif que la condition relative à l'investissement au sens de l'article 25 (1) de la

convention de Washington n'était pas remplie. Estimant que l'on était bien en présence d'un

investissement et que l'excès de pouvoir était manifeste, le comité a annulé la sentence qui lui était

soumise48

.

La notion d'excès de pouvoir ne se limite pas aux questions de compétence. Les comités ad hoc ont

également reconnu que la non-application des règles de droit peut entraîner l'annulation de la

sentence sur ce fondement. Les comités précisent toutefois de façon constante qu'il convient de

distinguer la non-application de la règle de droit de son application erronée, la première seule

justifiant l'annulation49

. Dans MINE c/ Guinée, le comité a précisé : "[d]isregard of the applicable

rules of law must be distinguished from erroneoous application of those rules which, even if

manifestly unwarranted, furnishes no ground for annulment". – toutefois, estimant que dans

certains cas une mauvaise interprétation ou application de la loi peut être si flagrante qu'elle

équivaut à un défaut d'application50

.

46 ”(Klöckner Industrie-Anlagen c/ Cameroun (comité ad hoc I), 3 mai 1985, ARB/81/2, § 4 : 2 ICSID Rep. p. 95 ; JDI 1987, p. 163, obs. E. Gaillard) 47 (Vivendi I c/ Argentine, préc., § 86 : "an ICSID tribunal commits an excess of powers not only if it exercises a jurisdiction which it does not have under the relevant agreement or treaty and the ICSID convention, read together, but also if it fails to exercise a jurisdiction which it possesses under those instruments". – dans le même sens, Industria Nacional de Alimentos et Indalsa Perú (anciennement Lucchetti) c/ Pérou (comité ad hoc), 5 sept. 2007, ARB/03/4 § 99 : disponible sur http://icsid.worldbank.org/ ICSID/FrontServlet ; JDI 2008, p. 345, obs. E. Gaillard) 48 (Malaysian Historical Salvors, SDN, BHD c/ Malaisie (comité ad hoc), 16 avr. 2009, ARB/05/10 : disponible sur http://icsid.worldbank.org/ICSID/ FrontServlet). 49 V. par exemple, Klöckner Industrie-Anlagen c/ Cameroun, préc., § 61. – Amco Asia c/ Indonésie (comité ad hoc I), 16 mai 1986, ARB/81/1, § 23 : 1 ICSID Rep. p. 509 ; JDI 1987, p. 175, obs. E. Gaillard. – CMS Gas Transmission Company c/ Argentine (comité ad hoc), 25 sept. 2007, ARB/01/8, § 50 et 51 : disponible sur http://icsid.worldbank.org/ICSID/ FrontServlet ; JDI 2008, p. 350, obs. E. Gaillard. 50 Hussein Nuaman Soufraki c/ Émirats Arabes Unis (comité ad hoc), 5 juin 2007, ARB/02/7 § 86 : disponible sur http://ita.law.uvic/ca/documents/SoufrakiAnnulment.pdf ; JDI 2008, p. 335, obs. E. Gaillard ; semblant désapprouver une telle approche :MTD Equity et MTD Chile c/ Chili (comité ad hoc), 21 mars 2007, ARB/01/7 § 47 : disponible sur http://ita.law.uvic/ca/documents/MTD-Chile_Ad_Hoc _Committee_Decision.pdf ; JDI 2008, p. 326, obs. E. Gaillard).

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47

Pour que l'annulation de la sentence soit encourue, non seulement le tribunal arbitral doit excéder

ses pouvoirs, mais en outre, cet excès doit être "manifeste". Il s'agit d'une “double exigence”(CDC

c/ Seychelles,§ 39). Certains comités ont précisé ce qu'il fallait entendre par un excès de pouvoir

"manifeste". Dans "Wena Hotels c/ Égypte", le comité ad hoc a indiqué que "[t]he excess of power

must be self evident rather than the product of elaborate interpretations one way or another51

"

Certains auteurs ont avancé que cette “double exigence” ne s'applique pas en matière

juridictionnelle, estimant que tout excès de pouvoir concernant la compétence du tribunal arbitral

serait nécessairement manifeste52

. Dans“Lucchetti c/ Pérou”, le comité a rejeté cette analyse,

estimant que la formulation de l'article 52 (1) (b) de la convention de Washington est générale et

ne prévoit pas d'exception pour les questions de compétence53

3) Inobservation grave d'une règle fondamentale de procédure

Le troisième motif d'annulation qui a été invoqué devant les comités ad hoc est l'inobservation

grave d'une règle fondamentale de procédure (Conv., art. 52 (1) (d)). Une fois encore, les

conditions à remplir sont exigeantes. L'inobservation doit être "grave" et la règle en cause présenter

un caractère "fondamental". Les comités ont apporté des précisions sur ces deux notions.

– Inobservation grave. Dans "MINE c/ Guinée", le comité a indiqué que l'inobservation est grave si

elle est substantielle et de nature à priver une partie du bénéfice ou de la protection que la règle

était destinée à lui procurer54

. Dans "Wena Hôtels c/ Égypte", le comité a estimé que cette

condition est remplie si l'inobservation a conduit le tribunal arbitral à un résultat substantiellement

différent de celui qu'il aurait adopté si la règle en cause avait été observée55

.

– Règle fondamentale de procédure. Toutes les règles posées par le règlement d'arbitrage

du CIRDI ne sont pas "fondamentales" au sens de l'article 52 (1) (d)56

. Il a été décidé que cet article

ne vise que les garanties procédurales minimales qui s'imposent en droit international57

Ont été

considérées comme des règles fondamentales de procédure : le principe suivant lequel les parties

doivent être traitées sur un pied d'égalité et chaque partie doit avoir la possibilité de faire valoir ses

droits (MINE c/ Guinée, préc., § 5.06) ; le droit pour une partie d'être entendue par un tribunal

arbitral impartial et indépendant et le droit d'être en mesure de présenter sa demande ou sa

défense (Wena Hotels c/ Égypte, préc., § 57).

51 (Wena Hotels c/ Égypte (comité ad hoc), 5 févr. 2002, ARB/98/4, § 25 : 6 ICSID Rep. p. 129 ; JDI 2003, p. 167, obs. E. Gaillard. – V. aussi CDC c/ Seychelles, préc., § 41 : "the excess must be plain on its face". – Soufraki c/ EAU, préc., § 39 : "the term manifest is a strong and emphatic term referring to obviousness" ; Repsol YPF Ecuador c/ Empresa Estatal Petróleos del Ecuador (Petroecuador) (comité ad hoc), 8 janv. 2007, ARB/01/10 § 36 : disponible sur http://icsid.worldbank.org/ ICSID/FrontServlet ; JDI 2008, p. 317, obs. E. Gaillard : "obvious by itself". – Patrick Mitchell c/ République démocratique du Congo (comité ad hoc), 1er nov. 2006, ARB/99/7, § 20 : JDI 2007, p. 341, obs. E. Gaillard "the ad hoc Committee must so find with certainty and immediacy, without it being necessary to engage in elaborate analyses of the award"). 52 (V. les auteurs cités par Ch. Schreuer, op. cit., art. 52, § 143)

53 (Lucchetti c/ Pérou, préc., § 101. – dans le même sens, Soufraki c/ EAU, préc., § 118 et 119. – déjà Klöckner I c/ Cameroun, préc., § 4). 54 MINE c/ Guinée, préc., § 5.06. – dans le même sens,Wena Hotels c/ Égypte, préc., § 58. – CDC c/ Seychelles, préc., § 49).

55 Wena Hotels c/ Égypte, préc., § 58. – Consortium RFCC c/ Maroc (comité ad hoc), 18 janv. 2006, ARB/00/6, § 278 : JDI 2007, p. 260, obs. E. Gaillard). 56 (MINE c/ Guinée, préc., § 5.06. – CDC c/ Seychelles, préc., § 49).

57 (Wena Hotels c/ Égypte, préc., § 57. – repris par MTD c/ Chili, préc., § 49. – CDC c/ Seychelles, se réfère à des "rules concerned with the essential fairness of the proceedings" (préc., § 49)).

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4) Défaut de motifs

Les comités ont également été amenés à se prononcer sur l'annulation des sentences CIRDI pour

défaut de motifs (Conv., art. 52 (1) (e). –Le défaut de motifs peut ne porter que sur une partie

seulement de la sentence (Vivendi c/ Argentine, § 64).

Les premiers comités ont adopté une interprétation large de cette cause d'annulation, estimant qu'il

leur appartenait de vérifier que les motifs étaient "suffisamment pertinents", à savoir

raisonnablement soutenables et susceptibles de fonder la décision (Klöckner I c/ Cameroun, § 120.

– V. également Amco Asia I c/ Indonésie, § 43, où le comité a estimé qu'il lui appartenait de

s'assurer qu'il existait un lien raisonnable entre les fondements invoqués par le tribunal et ses

conclusions). Ces comités prétendaient ainsi se prononcer sur la justesse du raisonnement du

tribunal arbitral. Cette démarche a été critiquée comme amenant les comités à statuer sur le fond

du litige et à se transformer en instance d'appel.

Par la suite, les comités ont donc interprété l'article 52 (1) (e) de manière plus restrictive. Ils ont

affirmé qu'il ne leur appartenait pas de s'assurer que les motifs indiqués étaient corrects ou

convaincants, mais uniquement que les parties étaient mises en mesure de comprendre le

raisonnement du tribunal arbitral (MINE c/

Guinée, § 5.08 : "it must enable the reader to follow the reasoning of the Tribunal on points of

fact and law. (...) The adequacy of the reasonning is not an appropriate standard of review". –

Vivendi c/ Argentine, préc., § 64, se réfère à “a failure to state any reasons (...) not the failure to

state correct or convincing reasons”. – dans le même sens, Wena Hotels c/ Égypte, § 79). Ainsi,

dans "MINE c/ Guinée", le tribunal a estimé que la condition de défaut de motif n'est pas remplie

dès lors qu'il est possible de suivre la façon dont le tribunal est passé d'un point A à un point B et

est finalement parvenu à sa conclusion, même s'il a commis une erreur de fait ou de droit. Il ajoute

qu'il faut et qu'il suffit de pouvoir suivre le raisonnement du tribunal (Mine c/ Guinée, préc., § 5.08

et 5.09. – V. aussi Patrick Mitchell c/ RDC, préc., § 21). Plusieurs comités ont précisé que la

contradiction de motifs, lorsqu'elle est réelle, peut justifier l'annulation (Vivendi c/ Argentine, préc.,

§ 65. – Mine c/ Guinée, préc., § 5.09. – Patrick Mitchell c/ RDC, préc., § 21. – Wena Hotels c/

Égypte, préc., § 77). Il en est de même des raisons non sérieuses (MINE c/ Guinée, préc., § 5.09).

Dans “Vivendi c/ Argentine”, le comité a estimé que deux conditions doivent être remplies pour

qu'une annulation puisse être prononcée sur ce fondement : la décision ne doit contenir aucun

raisonnement exprimé sur un point particulier et ce point doit lui-même être nécessaire à la

décision du tribunal (Vivendi c/ Argentine, préc. § 65 ; cité avec approbation par RFCC c/ Maroc,

préc., § 244).

Dans "Wena Hotels c/ Égypte", le comité a toutefois indiqué que les motifs retenus par le tribunal

peuvent être implicites, dès lors qu'ils peuvent être raisonnablement déduits des termes

utilisés (Wena Hotels c/ Égypte, préc., § 81). Il a également précisé que même si la sentence est

entachée d'un défaut de motifs, le comité ad hoc peut décider non pas d'annuler la sentence mais

de clarifier lui-même le raisonnement du tribunal au vu des éléments du litige dont il a

connaissance58

58 id., § 83. – V. aussi Soufraki c/ EAU, préc., § 24. – toutefois, Klöckner I c/ Cameroun, préc., § 149).

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Quel quoi soit le grief invoqué, le recours soumis au comité ad hoc est un recours en annulation,

non un appel. Le comité ne s'agit donc pas pour le comité de rejuger l'affaire et de statuer sur le

fond. Il ne peut que déclarer la sentence nulle en tout ou en partie ou rejeter le recours. Les

pouvoirs des comités ont été décrits dans l'affaire "MTD c/ Chili" de la façon suivante : "[i]t cannot

substitute its determination on the merits for that of the tribunal. Nor can it direct a tribunal on a

resubmission how it should resolve substantive issues in dispute. All it can do is annul the decision

of the tribunal : it can extinguish a res judicata but on a question of merits it cannot create a new

one"( § 54).

Toutefois, en pratique, certains chefs d'annulation, comme l'excès de pouvoir manifeste ou le

défaut de motif, peuvent conduire le comité à un examen approfondi de la sentence ce qui a, dans

les premiers temps, jeté le trouble sur la frontière entre recours en annulation et appel. Ainsi, les

deux premières décisions rendues par des comités ad hoc (Klöckner I c/ Cameroun, préc. – Amco

Asia I c/ Indonésie, préc.) ont été critiquées comme s'apparentant davantage à un appel qu'à un

recours en annulation59

Ces errements ont toutefois été corrigés dans les décisions ultérieures, qui

dans l'ensemble, se sont attachées à revenir à un contrôle strict de régularité des sentences60

.

B) Effets du recours d’annulation

Deux effets seront examinés, l’exécution provisoire (1) et les conséquences de l’annulation (2)

1) Suspension de l'exécution provisoire

Les sentences CIRDI sont immédiatement exécutoires. Le recours en annulation n'a pas en lui-même

un effet suspensif. Toutefois, si dans sa demande en annulation, la partie en cause requiert qu'il soit

sursis à l'exécution de la sentence, la suspension provisoire est automatiquement accordée, jusqu'à

ce que le comité soit constitué et statue sur cette requête (Conv., art. 52 (5). – Règl. arb., art. 54

(2)). Il est également possible pour chaque partie de solliciter la suspension provisoire une fois que

le comité est constitué. Le comité pourra alors suspendre l'exécution jusqu'à ce qu'il se soit

prononcé sur la demande d'annulation, si les circonstances l'exigent (id.). Le comité peut toutefois

subordonner la suspension à l'octroi d'une garantie par la partie succombante.

2) L’effet de l’annulation

L’effet de l’annulation est que la sentence devient en tout ou en partie nulle ; en d’autres termes, la

force obligatoire de la partie annulée de la sentence prend fin. Cependant, la décision sur

l’annulation ne remplace pas la sentence, ni ne substitue le raisonnement à celui de la sentence. Si

la sentence initiale est déclarée nulle, une partie a le droit de demander que le différend soit

soumis à un nouveau Tribunal en vue d’obtenir une nouvelle sentence concernant le même

différend. L’une ou l’autres des parties peut lancer ce processus en déposant une demande de

nouvel examen du différend, en précisant la sentence initiale visée et en expliquant en détail quels

59 M.B Feldman, The Annulment Proceedings and the Finality of ICSID Arbitral Awards : ICSID Rev.-FILJ, 1987.85. – M. Reiseman, The Breakdown of the Control Mechanism in ICSID Arbitration : Duke L.J. 1989, p. 739. – A. Redfern, ICSID – Loosing its Appeal ? : Arb. Int'l 1987, p. 98. – V. aussi A. Broches, Observations on the Finality of ICSID Awards : ICSID Rev.-FILJ, 1991.321). 60 (Sur cette évolution, V. notamment Ch. Schreuer, Three Generations of ICSID Annulment Proceedings, in Annulment of ICSID Awards, préc. – analysant la décision Patrick Mitchell comme étant un retour à ces premiers errements, V. E. Gaillard, CIRDI – Chronique des sentences arbitrales : JDI 2007, p. 359).

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aspects du différend doivent être soumis au nouveau Tribunal. Le nouveau Tribunal est constitué

selon les mêmes modalités que le Tribunal initial1et il n’est pas lié par le raisonnement du Comité

ad hoc.

Toutefois, dans le cas d’une annulation partielle, il est lié par les parties de la sentence initiale qui

n’ont pas été annulées.

En cas d'annulation, la partie la plus diligente peut soumettre le différend à un nouveau tribunal

(Conv., art. 52 (6). – Règl. Arb. Art. 55). Suivant que l'annulation est partielle ou totale, celui-ci se

prononce sur l'intégralité de l'affaire, ou uniquement sur la partie annulée61

. Le second tribunal

n'est pas lié par le raisonnement suivi par le comité ad hoc62

. La sentence rendue par le second

tribunal peut elle-même faire l'objet d'un recours en annulation. Plusieurs affaires ont ainsi donné

lieu à deux procédures d'annulation successives (Klöckner c/ Cameroun, préc. – Amco Asia c/

Indonésie, préc. – Vivendi c/ Argentine, préc.).

Conclusions

Il ressort de l'examen du contentieux de l'annulation des sentences arbitrales dans l’espace OHADA

que l'arbitrage ne pourra véritablement prospérer dans l'espace OHADA que si les acteurs du

monde judiciaire, magistrats et avocats en particulier, acquièrent une véritable culture de

l'arbitrage63

. Les acteurs de l’arbitrage doivent comprendre que le recours en annulation aussi bien

devant les juridictions nationales que devant le CIRDI n’est pas un recours en appel. Notre ami

Sadjo OUSMANOU a bien résumé la situation du recours en annulation dans l’OHADA en ces

termes, « Recours en annulation : critères trop larges et institution compétente (Cour d’appel) peu

appropriée. En effet, les six motifs d’annulation prévus par l’Acte uniforme peuvent être interpréter

avec la plus grande générosité par le juge de l’annulation. Cela explique, en partie, le grand succès

des recours en annulation des sentences dans l’espace OHADA »64

.

Il n’est pas donc l’occasion pour resoumettre au juge étatique ou au comité ad hoc du CIRDI, le

litige dans lequel une partie n’a pas réussi à convaincre le tribunal arbitral de sa justesse. Pour

garantir l’efficacité du système OHADA, une suggestion radicale consisterait à confier

exclusivement le contentieux de l'annulation des sentences arbitrales à la CCJA. Dans l'état actuel

du droit de l'arbitrage, cela ne contribuerait pas à engorger cette juridiction. Une autre possibilité

consisterait à confier le contentieux de l'annulation dans chaque Etat partie à une juridiction

spécialisée composée partiellement de magistrats et de spécialistes du droit de l'arbitrage.

Le CIRDI est aujourd’hui le premier centre d’arbitrage de l’investissement. Les pays africains sont de

plus en plus concernés mais malheureusement les avocats africains sont quasiment absents.

____________________

Je saisis donc cette occasion pour lancer un appel, « l’appel de Ouagadougou », la ville qui a vu créer les

grand textes d’arbitrage de l’OHADA, un appel : les juristes africains doivent prendre leur destin en main, avec

le travail, le sérieux, ils finiront par instaurer une vraie culture africaine de l’arbitrage et, ainsi, éviter les

chicanes de la procédure arbitrale au nombre desquelles le recours en annulation des sentences.

61 art. 55, préc. – Vivendi c/ Argentine, préc., déc. 14 nov. 2005, § 30 et 31 : disponible sur http://ita.law.uvic/ca/ 62 Amco Asia c/ Indonésie, préc. déc. 18 mai 1988, 1 ICSID Rep. p. 543, spéc. p. 552 ; JDI 1989, p. 143, obs. E. Gaillard) 63 Pierre Meyer. 64 Sadjo OUSMANOU, Approche critique du droit et de la pratique de l’arbitrage dans l’espace Ohada, http://www.acicol.com/__temp/Dr.pdf

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THEME III :

L'efficacité de la justice à l'épreuve des immunités d'exécution opposées à des

jugements ou sentences arbitrales impliquant l'Etat,

ses émanations ou démembrements

Par Me Mamadou I. KONATE

Avocat Associé – Jurifis Consult, Mali

_______________________

Avant de présenter notre analyse sur l’efficacité de la justice en la confrontant aux immunités

d’exécution dont peut bénéficier l’Etat, ses émanations ou ses démembrements, il serait de

meilleure méthode de tenter une exacte saisine de la notion d’immunités en la définissant et en la

cernant dans son contour environnemental.

L'« immunité des Etats » est une notion de droit international, qui s'est développée à partir du

principe par in parem non habet imperium, principe en vertu duquel un Etat ne peut pas être

soumis à la juridiction d'un autre État.

L'immunité des États a, de tout temps, retenu l'attention de la doctrine. Une jurisprudence

abondante lui est consacrée. Le développement des relations internationales et l'intervention

croissante des États dans des domaines qui relèvent du droit privé lui ont donné plus d'acuité

encore en augmentant le nombre des litiges qui peuvent opposer un État étranger et des

particuliers.

En doctrine deux théories se sont toujours affrontées: celle de l'immunité absolue, ultime résidu du

principe énoncé ci-dessus, et celle de l'immunité relative, qui tend à prévaloir en raison des

nécessités de la vie moderne. Selon cette théorie, l'Etat bénéficie de l'immunité pour les actes jure

imperii mais non pas pour les actes jure gestionis, autrement dit lorsqu'il participe comme une

personne privée à des rapports de droit privé. Cette divergence d'opinions provoque des difficultés

dans les relations internationales. Les Etats dont les tribunaux et les autorités administratives

appliquent la théorie de l'immunité absolue sont portés à réclamer le même traitement à l'étranger.

Il faut circonscrire plus spécifiquement la notion "d’immunité d’exécution des Etats, seule en cause

dans notre problématique. "L’immunité d’exécution" a pour effet de soustraire l’Etat étranger qui

en bénéficie à toute contrainte administrative ou judiciaire résultant de l’application d’un jugement

ou d’une décision. Elle est généralement interprétée de façon plus large au profit de l’Etat.

L'immunité d'exécution protège donc les Etats étrangers contre toutes les mesures tendant à les

dessaisir de leurs biens. Elle s'oppose aussi bien aux mesures d'exécution forcée qu'aux mesures

conservatoires qui rendent indisponibles le bien saisi. Elle n'est pas mise en cause, en revanche, par

les actions en exequatur de sentences ou de jugements étrangers, puisque l'exequatur n'est pas un

acte d'exécution. On peut même penser qu'elle ne s'oppose pas aux modes de contrainte indirecte,

comme le prononcé d'une injonction de faire ou de payer sous astreinte. Certes, dans les deux cas,

exequatur ou astreinte, la mesure n'est plus un simple acte de juridiction, elle comporte déjà un

germe de contrainte. Mais l'État condamné pourra toujours se soustraire à l'exécution du jugement

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revêtu de l'exequatur ou de l'astreinte en soulevant à ce stade de la procédure son immunité

d'exécution.

L'immunité ne fait pas obstacle non plus, et même à fortiori, à exécution volontaire de la décision.

C'est pourquoi l'inexécution d'un arrêt d'appel peut entraîner le retrait du rôle du pourvoi formé à

son encontre par un État étranger. En ce qui concerne les biens protégés, il faut bien considérer que

l'immunité d'exécution suit naturellement le mouvement jurisprudentiel général de restriction du

jeu des immunités. Selon la formule consacrée, si les États bénéficient de l'immunité « par principe",

il en est autrement quand le bien saisi se rattache non pas à une activité de souveraineté, mais à

une activité économique, commerciale ou civile relevant du droit privé.

Le critère tiré de la destination du bien peut soulever des difficultés quand les biens en cause ne

comportent pas la marque de leur destination, à la différence de biens corporels comme des

navires de guerre ou des immeubles affectés à l'exercice d'activités diplomatiques. Et même pour les

biens corporels, il peut y avoir des cas limités. C’est dans cet esprit qu’a pu être jugé que l'État du

Congo, propriétaire d'un immeuble servant au logement d'agents diplomatiques, ne pouvait pas

opposer son immunité d'exécution au recouvrement d'une créance en paiement de charges de

copropriété relatives à cet immeuble, laquelle se rattachait à une opération habituelle de gestion de

droit privé65

.

La difficulté est encore plus grande quand la saisie porte sur des fonds, par hypothèse fongibles. Le

critère relatif à la destination publique ou privée des biens a dû être complété par la recherche de

la nature publique ou privée de l'activité qui est à l'origine du litige66

.

L'on distingue alors selon que l'immunité est invoquée par l'État, étranger ou par l'une de ses

émanations. Les biens de l'État étranger sont présumés se rattacher à l'exercice d'une activité

publique, sauf au créancier à démontrer que l'origine de sa créance réside dans une activité

économique ou commerciale de droit privé. Pour les émanations des États, l'articulation de la règle

et du principe est inversée.

Les biens sont présumés saisissables mais l'organisme concerné est admis à prouver que la créance

saisie a pour origine une activité de puissance publique exercée pour le compte de l'Etat étranger et

que les fonds sont inclus dans un patrimoine affecté à cette activité. En outre, pour agir contre

l'émanation encore faut-il que celle-ci soit personnellement débitrice. Tel n'est pas le cas quand

l'activité économique de l'Etat est exercée à travers une entité dotée d'une personnalité et d'un

patrimoine propres. Ce cloisonnement des activées de l'Etat, même s'il dépend de sa seule volonté

unilatérale, n'est pas en soi contestable, sauf quand on peut faire tomber l'écran de la personnalité

morale de l'entité si celle-ci s'avère purement fictive.

Dans la pratique, les règles de protection des acteurs de la procédure civile d’exécution ont évolué

à travers le temps pour finalement aboutir à un principe général de protection largement admis

également par le législateur communautaire OHADA.

65 Cass. civ. 1, 14 mars 1984, Soc. Eurodif c. Rép. Islamique d'Iran et 1er oct. 1985, Soc. Sonatrach c. Mige.au ; pour mie

synthèse de l'interprétation de ces arrêts que la doctrine a proposée, voir B. Ancel etY. Lequette, G A, n° 65-66.

66 Cass. civ. 1, 6 fév. 2007, n° 04-13.107 et 14 novembre 2007, n° 04-15.388.

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Les règles gouvernant les immunités d’exécution se déclinent principalement sur deux plans :

Sur le plan international, il s’agit principalement de la protection des Etats étrangers, des Chefs

d’Etats, des Agents diplomatiques, des hauts fonctionnaires internationaux et des institutions

communautaires (cas des Banques centrales avec système protection contre les saisies-attributions

contre les avoirs des banques secondaires détenus par ces Banques centrales - cf. .Règlement

CEMAC du 22/11/2012 sur l'insaisissabilité des comptes et actifs des établissements financiers logés à

la BEAC).

Sur le plan interne, il s’agit notamment de la protection des personnes morales de droit public67

parmi lesquelles on cite généralement l’Etat et ses émanations ou démembrements (collectivités

territoriales, établissements publics68

).

Or, il est constant que la bonne exécution des jugements et/ou sentences arbitrales constitue en

principe le corolaire d’une justice dite efficace.

Généralement, les jugements et sentences arbitrales sont volontairement exécutés ce qui est par

exemple conforme à la nature même de l’arbitrage dans la mesure où la partie perdante exécute

spontanément la décision de ceux qu’elle a choisi pour la juger.

C’est d’ailleurs dans cet esprit et dans le souci d’une plus grande efficacité qu’a été adopté le 2

décembre 2004, la Nouvelle Convention des Nations Unies sur l’immunité juridictionnelle des

Etats et de leurs biens.

Mais il faut toutefois rappelé que cette Convention n’est que le terme d’une évolution très longue

dans la mesure où, le droit positif français et même américain avait déjà eu l’occasion de se

prononcer avec netteté sur la problématique de l’immunité de juridiction et d’exécution d’un Etat

étranger.

Aux Etats-Unis par exemple, c’est depuis le 21 septembre 1976 que le Foreign Sovereign Immunity

Act (FSIA) fixe les conditions de restrictions par les juridictions américaines, des immunités des Etats

étrangers. En France, les juridictions ont eu à maintes reprises l’occasion de se prononcer en faveur

d’une restriction des immunités des Etats étrangers.

Or, force est de constater que de plus en plus, l’exécution volontaire des jugements et sentences

rendues contre un Etat-partie au Traité OHADA pose quelques difficultés qui méritent certainement

qu’on l’on s’interroge, soit pour poser les jalons d’une relecture des textes qui la soutendent, soit

pour imaginer des mécanismes pouvant permettre de garantir celle-ci. En effet, il faut par exemple

trouver le moyen de concilier la possibilité qu’ont les Etats et leurs démembrements de se

soumettre à l’arbitrage et les immunités juridictionnelles dont bénéficient ceux-ci et leurs biens.

67 Kenfack DOUAJNI « L’exécution forcée contre les personnes morales de droit public dans l’espace OHADA » : Revue Camerounaise de l’Arbitrage, n°18 Juil.-aout-sept 2002 : OHADATA D-02-28 68 Peu important que l’établissement public soit à caractère administratif, industriel ou commercial (TPI de Ngaoundéré, Ordonnance de référé n°03 du 20 déc. 1999, Univ de Ngaoundéré c/ Niang MINDANG Hyppolyte : Juridis périodiques n° 44. 31 ou CCJA, Arrêt n° 43/2005 du 07 juill. 2005, Aff. TOGO TELECOM : OHADATA D-07-16).

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Il est aujourd’hui établit que l’exécution forcée est possible contre les personnes de droit public.

C’est tout d’abord lorsque, comme le pose l’article 213 alinéa 1 de l’AUPSRVE, la saisie est possible

entre les mains des personnes morales de droit public chaque fois qu’elle détiennent des fonds

pour le compte du débiteur.

C’est ensuite le cas lorsque, le bien saisi a été affecté à l’activité économique ou commerciale

relevant du droit privé.

Dans l’affaire République Islamique d’Iran et OITE contre la Société FRAMATONE et autres, la

Cour de cassation française par un arrêt rendu en date du 20 mars 1989 avait affirmé que « si

l’immunité d’exécution dont jouit l’Etat étranger (…) est de principe, elle peut toujours être

exceptionnellement écartée, notamment lorsque le bien saisi a été affecté à l’activité économique

ou commerciale relevant du droit privé (…) »69

.

La Cour avait également d’ailleurs estimé qu’une saisie pouvait être pratiquée contre un organisme

public doté ou non de la personnalité juridique lorsque le bien saisi faisait partie d’un patrimoine

spécialement affecté à une activité privé.

C’est enfin, le cas en matière d’arbitrage, lorsque l’alinéa 2 de l’article 2 de l’Acte Uniforme

OHADA relatif au droit de l’arbitrage pose que, les Etats et leurs démembrements peuvent être

parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit de contester l’arbitrabilité du litige,

leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d’arbitrage.

De fait, on considère que la personne morale de droit public a consenti implicitement à ce que la

sentence arbitrale qui sera rendue puisse être exécutée70

. Toujours est-il qu’il est constant que les

Etats- parties au traité de l’OHADA ont comme tout Etat, la possibilité de renoncer à leurs

immunités de juridiction et d’exécution en acceptant d’être attrait devant les tribunaux d’un pays

étranger ou devant un tribunal arbitral et de se voir ainsi appliquer les voies d’exécution forcée.

En acceptant une clause compromissoire dans le cadre d’un accord commercial interne ou même

international avec une personne morale de droit privé, l’Etat renonce alors implicitement à son

immunité de juridiction. Or, il est admis que la renonciation à l’immunité de juridiction par

l’acceptation d’une convention d’arbitrage, vaut renonciation à l’immunité d’exécution, sauf clause

contraire71

.

Ramenée au champ d’application du Traité de l’OHADA, cette restriction aujourd’hui reconnue à

l’immunité d’exécution absolue des Etats souffre quelque peu72

.

A cet égard, les juridictions de l’espace OHADA se montrent généralement très hostiles à une

application restrictive de l’immunité d’exécution des personnes morales de droit public.

L’affirmation de ce principe résulte des dispositions de l’article 30 de l’Acte Uniforme portant

organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.

69 Cass Civ 1re Ch. civ, 20 mars 1989 70 P-M. MARTIN « droit international Public », Masson 1995, n°129.60 71 Cass Civ, 9 juill. 1992, (Norbert Beyrard c/ Rép de Côte d’Ivoire) ; Rev arb 1994. 133 / Cass Civ, 1re Ch., 6 juin 2000 (Sté Creighton LTD c/ Ministère des Finances de l’Etat du Quatar) ; Rev Arb 2001. 130 / C A paris 1re Ch., 12 déc. 2001 (Sté Creighton LTD c/ Ministère des Finances de l’Etat du Quatar) ; Rev Arb 2003, n° 2. 417 72 Mamadou KONATE et Bérenger MEUKE « Brèves observations sur l’exécution des sentences arbitrales rendues contre un Etat partie au Traité de l’OHADA » : Jurifis Infos n°8, Ed spéciale, déc. 2010

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Le principe général de l’interdiction des voies d’exécution et des mesures conservatoires contre

l’Etat et ses démembrements, « l'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas

applicables aux personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution, (…) ». On peut ainsi se

rendre compte que dans bien des cas, les juridictions de l’espace OHADA se sont appuyées sur ce

texte pour écarter toute restriction à l’immunité d’exécution absolu des Etats. Dans une affaire où

la Société de Fournitures Industrielles du Cameroun (SFIC) avait pratiqué une saisie attribution sur

les comptes de l’Office Nationale des Ports du Cameroun (ONPC) pour le paiement d’une somme

de plus un milliard et demi, le Juge a ordonné la main levée sur la base de l’article 30 de l’Acte

Uniforme précité73

.

Dans un autre cas où le créancier d’une société étatique nigérienne (IRAN) avait pratiquée une

saisie attribution sur les comptes bancaires de cette dernière, la Cour d’Appel de Niamey avait

confirmé l’Ordonnance par laquelle le Juge d’Instance par application de l’article 30 susvisé, avait

ordonné la main levée de la saisie pratiquée sur IRAN74

.

Toutefois, pour rendre la justice encore plus efficace en zone OHADA, le législateur

communautaire a prévu des restrictions aux immunités d’exécution des personnes de droit public

(I). Cependant, à l’épreuve de la pratique, la mise en œuvre de ces restrictions s’est assez souvent

révélée peu aisée et appelle donc des solutions complémentaires ou même alternatives (II).

I. IMMUNITES D’EXECUTION DES PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC ET LES

RESTRICTIONS LEGALES

Il est plus qu’indispensable que le juge étatique de l’espace OHADA fasse une application de

l’article 30 sus visé dans une logique compatible avec l’objectif de sécurisation juridique et

judiciaire des activités économiques en zone OHADA.

A) Immunité d’exécution face à la sentence arbitrale

Comme nous l’avons déjà évoqué, l’alinéa 2 de l’article 2 de l’Acte Uniforme OHADA relatif au

droit de l’arbitrage, en donnant la possibilité aux personnes morales de droit public de l’espace

OHADA, de conclure des conventions d’arbitrage, les place dans le même temps, dans une

position de renonciation à leur immunité de juridiction.

Si la conclusion d’une convention d’arbitrage par une personne morale de droit public vaut

renonciation à son immunité de juridiction et qu’il est constant qu’en règle internationale, la

renonciation à l’immunité de juridiction emporte, sauf convention contraire, renonciation à

l’immunité d’exécution, alors, les Juges de l’espace OHADA doivent pouvoir restreindre

l’immunité d’exécution des personnes en cause lorsque celles-ci pour échapper à leurs

engagements, sollicitent le bénéfice de l’article 30 susvisé.

D’ailleurs, ce fut le cas dans une espèce où une société de droit camerounais dénommée African

Petroleum Consultants (APC) avait obtenu contre la Société Nationale de Raffinerie (SONARA)

camerounaise, une sentence arbitrale rendue à Londres en date du 17 avril 2002, condamnant

73 Douala, Ord n° 339 du 3 nove 1998 ; Rev Cam Arb n° 18, éd Juil.-aout-sept 2002. 14 74 Niamey, Arrêt n° 105 du 13 juin 2001 (inédit)

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cette dernière à lui payer près de 3 millions de dollars américains et avait pratiquée une saisie

attribution des créances de celle-ci sur la société SHELL Cameroun sa en sa qualité de tiers-saisie

sans que le débiteur ne puisse bénéficier des dispositions de l’article 30 susvisé qu’il invoquait pour

s’opposer à l’exéquatur de la sentence arbitrale75

.

Dans un autre cas, la société COMMISIMPEX avait obtenu contre l’Etat congolais et la Caisse

Congolaise d’Amortissement, une sentence arbitrale CCI en date du 3 décembre 2000,

condamnant ces derniers à lui verser diverses sommes d’argent au titre de plusieurs marchés et

avait obtenu du Président du Tribunal de Commerce de Brazzaville la fixation du montant total de

sa créance. Il ressort explicitement de l’Ordonnance rendue que « (…) le tribunal relève par

ailleurs, que la République du Congo et la Caisse d’Amortissement ont renoncé à leurs immunités

de juridiction et d’exécution (…) »76

.

Il en découle qu’une restriction à l’immunité d’exécution pourrait être effective si les juridictions de

l’espace OHADA font une interprétation de l’article 30 susvisé en conformité avec les objectifs

assignés par le législateur aux différents Actes Uniformes s’agissant de la promotion des

investissements mais aussi et surtout de la sécurisation juridique dans les transactions commerciales

avec les Etats partie de l’OHADA.

B) Immunité d’exécution face aux décisions judiciaires

Au cas où l’immunité d’exécution est appliquée sans restriction aucune par les Juges de l’espace

OHADA, le législateur a prévu néanmoins, la possibilité d’une exécution des jugements rendus, par

le truchement de la compensation.

Il ne fait aucun doute que les personnes morales de droit public tout comme les entreprises

publiques dans le territoire couvert par l'OHADA échappent encore à l'exécution forcée et aux

mesures conservatoires.

Le législateur communautaire, probablement édifié sur la fragilisation du droit de créance et par

suite de la dévalorisation du titre exécutoire, du risque d'injustice à laquelle devait fatalement

aboutir cette situation, le créancier n'ayant pas obtenu le paiement spontané de la part de son

débiteur que l'immunité d'exécution protège, a entendu devoir tempérer les conséquences de

l'immunité d'exécution.

Désormais, les créanciers ne sont plus totalement désarmés face aux immunités d'exécution des

personnes morales de droit public. Ils peuvent, par exemple, invoquer contre elles la compensation

pour des créances certaines, liquides, exigibles et réciproques.

Il est prévu à l’alinéa 2 de l’article 30 de l’Acte Uniforme susvisé que : «les dettes certaines, liquides

et exigibles des personnes morales de droit public ou des entreprises publiques, quelles qu'en soient

la forme et la mission, donnent lieu à compensation avec les dettes également certaines, liquides et

exigibles dont quiconque sera tenues envers elles, sous réserve de réciprocité ».

75 TGI Buea, décision n° HCF/141/OM/2001-2002 du 13 août 2002 (décision inédite) 76 TCom Brazzaville, Ord du 09 nov. 2001 (décision inédite)

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Cette autre solution bien que louable soulève néanmoins quelques difficultés quant à son régime

juridique. En effet, l’alinéa 3 de ce même texte prévoit que «les dettes des personnes et entreprises

visées à l'alinéa précédent ne peuvent être considérées comme certaines au sens des dispositions du

présent article que si elles résultent d'une reconnaissance par elles de ces dettes ou d'un titre ayant

un caractère exécutoire sur le territoire de l'Etat où se situent lesdites personnes ou entreprises ».

Dès lors, il s’en suit qu’en plus de ce que la dette doit être certaine, liquide et exigible, la

compensation n’est envisageable qu’à la condition indispensable que la dette soit expressément

reconnue par les personnes morales de droit publique dès lors qu’elle ne résulte pas d’un titre

ayant un caractère exécutoire sur le territoire de l’Etat où se situe les dites personnes.

Une autre difficulté pourrait subsister en rapport avec la forme et le moment de cette

reconnaissance que doit donner la personne morale de droit publique.

II. IMMUNITES D’EXECUTION ET AUTRES SOLUTIONS ENVISAGEABLES

A) Les solutions complémentaires aux restrictions légales aux immunités d’exécution des personnes

morales de droit public

En vérité, la solution tirée de la compensation prévue par le législateur communautaire est très peu

aisée dans sa mise en œuvre de sorte qu’il serait judicieux de trouver des solutions

complémentaires qui puissent permettre d’exécuter sans grande difficultés, les décisions judiciaires

et sentences arbitrales, surtout lorsque celles-ci sont rendues contre les Etas et leurs

démembrements.

L’on pourrait alors envisager plusieurs autres solutions complémentaires

A. L’application de la Convention des Nations Unies relative aux immunités juridictionnelles

des Etats et de leurs biens

Après avoir réaffirmé le principe de l'immunité d'exécution, la Convention des Nations Unies

relative aux immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, adoptée le 2 décembre 2004,

puis soumise à la signature des Etats à partir du 17 janvier 2005 jusqu’au 17 janvier 2007, prévoit

en ses articles 17, 18 et 19 la possibilité pour les Etats de renoncer à celle-ci tant en ce qui concerne

les mesures conservatoires que celles exécutoires par une convention d’arbitrage ou un contrat écrit

s’agissant des mesures et contraintes contre les biens d’un Etat en relation avec une procédure

devant un Tribunal d’un autre Etat. Ces dispositions de la Convention des Nations Unies

consacrent en principe une règle antérieurement admise en droit international.

En effet, un Etat peut renoncer au bénéfice de son immunité de juridiction en acceptant une clause

d’arbitrage par un Etat étranger. L’on considère que cette acceptation vaut renonciation de l’Etat à

son immunité de juridiction.

L’Etat a également la faculté de renoncer à son immunité d’exécution tant, en ce qui concerne les

mesures conservatoires ou provisoires que s’agissant des mesures d’exécution. En principe,

l’immunité de juridiction n’a aucun sens devant les arbitres, même si on lui accorde une certaine

importance devant le Juge étatique également compétent pour accorder l’exéquatur.

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Reste alors à souhaiter que l’ensemble des Etats-partie de l’OHADA adhère à ce nouvel instrument

juridique en tant qu’acteur du commerce international, toute chose qui permettrait alors d’assurer

l’exécution des sentences arbitrales rendues contre un Etat lorsque celui-ci a expressément renoncé

à son immunité d’exécution en acceptant une clause d’arbitrage.

B. La garantie documentaire contractée par l’Etat

Il est tout aussi envisageable dans le cadre de transactions commerciales internationales avec

acceptation d’une convention d’arbitrage entre les parties, de prévoir une garantie bancaire

payable sur présentation de la sentence arbitrale résultant d’une procédure arbitrale.

Dans cette hypothèse, la garantie bancaire sous la forme d’une garantie documentaire viserait à

assurer de manière effective, le paiement des sommes auxquelles aurait été condamné le colitigant,

donneur d’ordre, à l’issue de la procédure arbitrale envers le bénéficiaire.

Pour restreindre donc l’immunité d’exécution ressortissant de l’article 30 susvisé, l’Etat qui

contracte avec une entreprise de droit privé pourrait très bien, non seulement en acceptant une

clause compromissoire, contracter une garantie bancaire qui serait consentie par une banque au

profit du cocontractant et même le faire contre garantir par une autre banque.

Ce fût par exemple le cas dans le cadre d’un contrat de fourniture de matériels et d’équipements

conclu entre une société française-fournisseur (ITEM SA) et une société mauritanienne-acquéreur,

qui contenait une clause compromissoire et prévoyait que ITEM SA (fournisseur) devait contracter

une garantie bancaire au profit de la société mauritanienne (acquéreur) en cas de condamnation

éventuelle pour défectuosité du matériel livré par ITEM SA (fournisseur). Cette garantie était

stipulée payable sur présentation de la sentence arbitrale rendue contre la société française alors

donneur d’ordre77

.

C. La garantie de bonne exécution

Il est également envisageable de mettre en place une garantie de bonne exécution stipulée payable

sur présentation d’une sentence arbitrale devenue définitive au cas où le donneur d’ordre ne

respecte pas les obligations lui incombant dans le cadre du contrat de base.

Ce fût le cas par exemple dans le cadre d’un contrat pour lequel, l’administration irakienne avait

confié à un consortium de sociétés nord-américaines la réalisation du système d’égout de la ville de

Bassora78

.

Il est donc possible de mettre en œuvre une garantie sur présentation de la sentence arbitrale,

même s’il faut souligner que des difficultés pourraient survenir au cas où les caractères que

devraient présenter la sentence ne sont pas définis avec précision. Des précisions sur le dispositif de

la sentence et sur son efficacité

Immédiate sont nécessaires en dépit d’un recours en annulation tel que prévu par les articles 25 et

suivants de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage.

77 C.A. Paris 1ère ch. 10 nov. 1988 D.1990, Somm. .p. 201, Vasseur 78 C.A. Paris 15e ch. 17 sept. 1991, D.1992, Som. 241, Vasseur

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Il serait judicieux que les parties précisent en outre si la sentence rendue en faveur du bénéficiaire

de la garantie doit être assortie de l’exequatur provisoire ou non, même si la Cour d’appel de Paris

avait jugé dans un arrêt que dans de telles conditions, en cas de silence de la convention de

garantie sur ce point particulier, le garant ne pouvait subordonner son paiement à une décision

d’exequatur en France79

.

Toute la question est alors de savoir si l'efficacité de la sentence arbitrale dans le cas spécifique de

la mise en œuvre de la garantie bancaire pourrait résister à une éventuelle invalidation de la

sentence résultant d'un recours en annulation intentée par l’Etat ?

En effet, le droit de créance du bénéficiaire sur son colitigant ne repose que sur la sentence rendue

en sa faveur, de sorte que l'invalidation de celle-ci aurait donc pour effet immédiat d'éteindre la

créance du bénéficiaire. Dès lors, l'efficacité de la garantie étant également conditionnée par

l'existence de la sentence servant de fondement à la créance du bénéficiaire, cette garantie serait

rendue caduque par l'invalidation de la sentence, ce qui placerait le bénéficiaire dans une position

d'enrichissement sans cause et l'obligerait sans doute à restituer le paiement effectué au titre de la

garantie au garant.

L’efficacité recherchée ne pourrait donc enfin être consolidée que par la mention d'une

renonciation conjointe des différentes parties à toutes voies de recours contre la sentence arbitrale,

ainsi qu'un engagement réciproque et ferme de l'exécuter convenablement.

A notre sens, il semble qu’il faille envisager une autre solution basée cette fois-ci sur la mise place

d’une assurance pour garantir l’exécution des sentences arbitrales rendues contre les Etats partie de

l’OHADA.

D. La possibilité de mise en place d’une assurance garantissant l’exécution des sentences

arbitrales rendues contre les personnes morales de droit public

Dans cet autre schéma, il s’agit de mettre en place dans le cadre de chaque contrat avec clause

compromissoire accepté par l’Etat, une assurance par laquelle ce dernier s’engage à payer les

primes et qui permettra au cas où une sentence arbitrale sera rendue contre lui, de faire face au

règlement du montant de la condamnation.

En effet, le versement du montant de la condamnation par l’assureur doit se faire sur présentation

de la sentence arbitrale devenue définitive.

A l’exemple des mécanismes déjà mis en place par le COFACE ou encore le DUCROIRE en

Belgique, il serait surtout question pour les Etats de l’espace OHADA qui souhaitent accepter une

convention d’arbitrage, de souscrire auprès de compagnie d’assurance spécialisée, des assurances

qui couvriront les montants de condamnation des sentences arbitrales rendues contre eux et qui

seront payables sur simple présentation de la sentence arbitrale devenue définitive.

B) La relecture de l’article 30 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de

recouvrement et des voies d’exécution

79 C.A. Paris 1ère ch. 10 nov. 1988 D.1990, précité

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Dans sa rédaction actuelle, il ne fait aucun doute que l’article 30 de l’Acte Uniforme susvisé

empêche toute restriction de l’immunité d’exécution dont jouissent les Etats-partie de l’OHADA,

de sorte que même en ayant accepté une convention d’arbitrage, un Etat- partie de l’OHADA peut

invoquer le bénéfice de ce texte chaque fois que l’exécution se fera dans l’espace OHADA.

Or, il serait irréaliste de croire que le Juge étatique OHADA abandonnera dans l’absolu

l’application de l’immunité d’exécution des Etats et de leurs démembrements telle qu’il ressort de

ce texte.

On pourrait alors dans un premier temps envisager que les différents Gouvernements de l’espace

OHADA prescrivent aux Tribunaux une application de l’article 30 susvisé dans un sens compatible

et conforme avec les objectifs du législateur de l’OHADA quant à la sécurisation des transactions et

accords commerciaux internationaux qui en réalité devraient contribuer au développement des

investissements et des activités économiques.

Il s’agirait surtout d’une application de l'immunité d'exécution dans un sens plus compatible avec le

droit OHADA en recherchant par tous les moyens à restreindre la portée de l'immunité d'exécution

lorsque la saisie est pratiquée sur des biens affectés à une activité industrielle ou commerciale, celle-

ci relevant des règles du droit privé.

Dans un second temps, ce dispositif devrait se poursuivre pour se traduire finalement par une

relecture ne serait-ce que partielle de l’article 30 susvisé par le Conseils des Ministres de l’OHADA.

C’est le lieu de rappeler que la Nouvelle Convention des nations Unies tout comme le Traité

instituant l’OHADA ont pour objectif commun la promotion des investissements et des activités

économiques. Dès lors, il pourrait s’agir tout simplement d’abonder dans le sens de la Nouvelle

Convention des Nations Unies pour, d’une part, réaffirmer le principe de l’immunité de juridiction

et d’exécution des Etats et de leurs démembrements, mais d’autres part, préciser les exceptions y

liées en précisant par exemple que l’Etat qui accepte une convention d’arbitrage accepte par la

même occasion de renoncer aux immunités dont il est question.

D’ailleurs, l’on pourrait également suggérer de compléter l’Acte Uniforme de l’OHADA portant

organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution par une

disposition prévoyant des voies d'exécution spécifiques contre les personnes morales de droit

public comme c’est le cas en France avec la loi N° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes

prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de

droit public, avec la possibilité de procédure de contraintes spécifiques quant aux condamnations

pécuniaires et générales s’agissant de l'astreinte administrative.

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Thème IV:

L’EXEQUATUR, EN FRANCE, DES SENTENCES ARBITRALES RENDUES DANS L’ESPACE OHADA

Par Barthélemy COUSIN, Associé Partner, Norton Rose LLP, Paris80

____________________

I. La procédure d’exequatur en France et en OHADA : une gémellité presque parfaite

Depuis 199981

, les régimes français et OHADA de reconnaissance et d’exécution des sentences

arbitrales internationales présentent de nombreux traits communs, et la réforme du droit de

l’arbitrage français issue du décret du 13 janvier 2011 a renforcé ces ressemblances (A). Poursuivant

l’objectif de favoriser l’exécution internationale des sentences, cette réforme a également consacré

des règles que ne connaît pas (encore ?) l’exequatur « made in OHADA » (B).

A. Le rajeunissement de l’exequatur français : un lifting empruntant les traits de l’OHADA

Le décret du 13 janvier 2011 n’a pas modifié l’intégralité des règles françaises en matière

d’exequatur des sentences arbitrales internationales. De ce fait, la France et l’OHADA ont en partie

pérennisé leur identité commune.

Mais la réforme fût aussi l’occasion d’accentuer la gémellité des procédures. La France a en effet

« customisé » ses règles par la consécration de solutions que l’arbitrage OHADA, plus « jeune »,

connait déjà.

1- Les règles « communes » inchangées par la réforme

Le décret du 13 janvier 2011 n’a évidemment pas modifié le principe selon lequel l’entrée définitive

d’une sentence arbitrale dans l’ordre juridique interne est subordonnée à son exequatur. L’Acte

Uniforme relatif au droit de l’arbitrage (ci-après « l’Acte Uniforme ») et le Règlement d’arbitrage de

la CCJA (ci-après « le Règlement CCJA ») partagent ce principe82

.

Au stade de l’introduction de l’instance, les procédures françaises et OHADA se révèlent très

proche. La France a confirmé qu’il incombe au demandeur à l’exequatur de rapporter la preuve de

l’existence de la sentence internationale et de la convention d’arbitrage83

.

Cette preuve est satisfaite par la production de copies de ces deux documents, lesquelles doivent

réunir les conditions requises pour leur authenticité. Ce formalisme « atténué » est commun à la

procédure prévue par l’Acte Uniforme84

.

80 Monsieur COUSIN est désormais Partner chez Stephenson Harwood LLP Paris 81 82 Article 1514 (ancien article 1498) du Code de procédure civile ; Article 30 de l’Acte Uniforme ; Pas d’article particulier dans le Règlement CCJA 83 Article 1515 alinéa 1er (ancien article 1499 alinéa 1er) du Code de procédure civile 84 Article 31 alinéa 1er de l’Acte Uniforme

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En revanche, aucune disposition du Règlement CCJA n’évoque une telle exigence de preuve. Cela

se comprend aisément dans la mesure où, dans cette dernière hypothèse, l’arbitrage a eu lieu « en

interne », c’est-à-dire au siège de la Cour, sous son étroite surveillance. Par conséquent, lorsqu’elle

est saisit d’une demande d’exequatur, la CCJA est déjà en possession du texte de la sentence.

Lors du traitement de la demande d’exequatur, la procédure française partage également avec ses

voisines étrangères, la règle selon laquelle la reconnaissance d’une sentence internationale est

rejetée lorsqu’autoriser son exécution serait contraire à l’ordre public international85

.

La procédure sous l’égide du Règlement CCJA se distingue néanmoins sensiblement, dans la mesure

où elle admet trois motifs supplémentaires de refus d’exequatur d’une sentence internationale. La

demande est rejetée si la Cour retient que l’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur une

convention nulle ou expirée, s’il a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée, ou

lorsque le principe de la contradiction n’a pas été respecté86

. Ces quatre motifs de refus de

l’exequatur constituent également les seuls moyens recevables à l’appui de l’« opposition », voie de

recours ouverte contre la décision de la Cour se prononçant sur la demande d’exequatur.

Le particularisme de l’OHADA, communauté d’Etats partageant un droit « commun », nécessite de

s’interroger plus avant sur la notion d’ordre public international. L’Etat membre saisit d’une

demande d’exequatur d’une sentence étrangère doit-il examiner celle-ci au regard de sa propre

conception de l’ordre public international ? Au contraire, l’OHADA connaît-il une conception

« communautarisée » de la notion ?

En réalité, lorsqu’un Etat membre est saisit d’une demande d’exequatur, il devrait examiner celle-ci

au regard de la conception « nationale » qu’il retient de la notion d’ordre public international.

Cette solution est conforme aux dispositions de la Convention de New-York : « La reconnaissance

et l’exécution d’une sentence arbitrale pourront être refusées si l’autorité compétente du pays où la

reconnaissance et l’exécution sont requises constate : […] que la reconnaissance ou l’exécution de

la sentence serait contraire à l’ordre public de ce pays »87

.

De même, lorsqu’un « pourvoi » est formé devant la CCJA contre la décision ayant refusé

l’exequatur, cette dernière, statuant alors en qualité de « juridiction supranationale » et non en tant

que Centre international d’arbitrage, devrait vérifier que l’Etat membre a régulièrement apprécié la

compatibilité de la sentence au regard de sa conception « nationale » de la notion d’ordre public

international.

En revanche, lorsque la CCJA est saisit d’une demande d’exequatur d’une sentence rendue sous

l’égide de son Règlement, la notion d’ordre public international devrait alors être

« communautarisée ». L’exequatur accordé par la Cour étant, dans cette hypothèse,

85 Article 1514 (ancien article 1498) du Code de procédure civile ; Article 31 alinéa 3 de l’Acte Uniforme 86 Article 30.6 du Règlement CCJA 87 Article V.2.b) de la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, dite Convention de New-York du 10 juin 1958

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« communautaire », la demande introduite devant la Cour devrait être appréciée au regard d’une

conception « communautaire » de la notion d’ordre public international88

.

Enfin, depuis 1999, la procédure française d’exequatur dispose de règles communes à celles

appliquées en OHADA en matière d’exercice des voies de recours : en France comme en OHADA,

le rejet du recours en annulation de la sentence89

a pour effet de conférer l’exequatur sollicité90

.

De même, lorsque l’arbitrage est mené sous l’égide du droit français ou des dispositions de l’Acte

Uniforme, le recours en annulation de la sentence emporte de plein droit, recours contre la

décision d’exequatur91

.

L’article 1524 alinéa 2 du Code de procédure civile énonce que l’appel est impossible à l’encontre

de l’ordonnance ayant accordé l’exequatur à une sentence internationale rendue en France. L’Acte

Uniforme dispose d’une règle analogue, s’opposant à l’appel d’une ordonnance ayant accordé

l’exequatur à une sentence internationale rendue par un Etat membre de l’OHADA. Il est à noter

que l’Acte Uniforme va plus loin puisque l’appel est également fermé contre l’ordonnance ayant

accordé l’exequatur à une sentence rendue à l’étranger.

2- Les règles « communes » issues de la réforme française de l’arbitrage

Le décret du 13 janvier 2011 réserve au Président du Tribunal de grande instance de Paris la

compétence pour connaître de l’exequatur d’une sentence arbitrale internationale rendue à

l’étranger. Ainsi, l’ « option » laissée au demandeur à l’exequatur d’une telle sentence entre la saisie

du Président du Tribunal de grande instance du lieu d’exécution de la sentence ou son homologue

parisien92

, disparaît.

Cette « centralisation » se rapproche de la simplicité du Règlement CCJA : l’article 30.2 prévoit en

effet que la demande relève de la compétence (exclusive) du Président de la Cour ou du juge

délégué.

Toutefois, une telle détermination précise du juge français compétent en matière d’exequatur

international s’éloigne du modèle retenu par l’Acte Uniforme dont l’article 30 se contente de

renvoyer au « juge compétent dans l’Etat partie ». Il appartient donc au demandeur à l’exequatur

de rechercher le juge national compétent dans l’Etat membre au sein duquel il sollicite la

reconnaissance de la sentence rendue à son profit.

Le demandeur, parfois totalement étranger au droit de l’Etat membre d’accueil, peut heureusement

trouver dans certaines conventions bilatérales, quelque indice plus précis : à titre d’exemple,

88 Cette analyse n’est pas partagée par l’ensemble de la doctrine. Pour une conception exclusivement « communautaire » de la notion d’ordre public international en OHADA : « La reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales dans le système OHADA », P. Le boulanger, Revue Penant, n°833, mai-août 2000, pp 166-169 89 Appelé « recours en contestation de validité » par le Règlement CCJA 90 Article 1527 alinéa 2 (ancien article 1490 auquel il était renvoyé par l’article 1507) du Code de procédure civile ; Article 33 de l’Acte Uniforme ; Pas d’article particulier dans le Règlement CCJA 91 Article 1524 du Code de procédure civile ; Article 32 alinéas 2 et 3 de l’Acte Uniforme 92 Cette option avait été consacrée par la jurisprudence : CA Paris, 22 février 2001, n°1999/20912 et 2000/02482

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l’article 51 de la « Convention de coopération en matière judiciaire entre la République française et

la République populaire du Congo » énonce que « l’exécution est accordée quelle que soit la valeur

du litige par le Président du Tribunal de grande instance ou du Tribunal de Première Instance du

lieu où l’exécution doit être poursuivie ». Mais toutes les conventions ne sont pas si précises…

Ne nous arrêtons pas en si bon chemin : la comparaison des « caryotypes » des procédures

d’exequatur en France et en OHADA n’a pas encore révélé toutes ses ressemblances.

La France a en effet renforcé sa gémellité avec les dispositions du Règlement CCJA par la

consécration du caractère non-contradictoire de la procédure d’exequatur93

. En revanche, lorsque

les parties ont choisi de soumettre leur arbitrage aux dispositions de l’Acte Uniforme, il est difficile

de déterminer si l’examen de la demande se déroule également ex parte, dans la mesure où la

procédure dépend du droit interne de chaque Etat membre de l’OHADA.

De même, poursuivant un objectif de célérité dans l’obtention d’une sentence arbitrale exécutable,

la réforme française de l’arbitrage a introduit la possibilité pour les parties de renoncer

conventionnellement à exercer un recours en annulation contre la sentence. La convention

d’arbitrage peut en effet prévoir expressément que les parties ne chercheront pas à obtenir

l’annulation du travail des arbitres94

. Or, depuis 1999, le Règlement CCJA admet déjà une telle

faculté.

Si les parties ont fait le choix d’organiser leur arbitrage en France sous l’égide du Règlement CCJA,

deux recours en annulation de la sentence leur sont en principe ouverts (l’un en France, l’autre

devant la Cour commune) ; mais la combinaison des règles du Code de procédure civile et du

Règlement CCJA devraient leur offrir la faculté de renoncer, conventionnellement, à ces deux

recours.

Enfin, une dernière règle commune est à relever : les procédures organisées par le Code de

procédure civile et par le Règlement CCJA partagent le fait que l’exequatur puisse être apposé sur

la copie de la sentence arbitrale (et non plus seulement, comme c’était le cas sous l’empire des

règles françaises antérieures au décret du 13 janvier 2011, sur l’original du document)95

. Le décret

permet également au juge français, contrairement à son voisin siégeant à la CCJA, d’apposer cet

exequatur sur la traduction de la sentence. Coquetterie esthétique en France, cette règle aurait le

mérite d’être reprise par le Règlement CCJA et s’y révèlerait particulièrement appropriée lorsque

l’on sait que la sentence a vocation à être exécutée à l’intérieur d’une communauté d’Etats

polyglotte.

Cette dernière nouveauté n’est pas la seule révélant que la France, par sa récente réforme de

l’arbitrage, va désormais, textuellement, « un peu plus loin » que le droit de l’arbitrage en OHADA.

93 Article 1516 alinéa 2 du Code de procédure civile ; Article 30.2 du Règlement CCJA 94 « Un second souffle pour l’arbitrage - Arbitrage international - A propos du décret du 13 janvier 2011 », J. Béguin, J. Ortscheidt et C. Seraglini, JCP G, 18 avril 2011, n°16, pp 765-773 95 Article 1517 alinéa 1er du Code de procédure civile ; Article 31.1 du Règlement CCJA

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A. Dans la course à l’efficacité du régime de reconnaissance et d’exécution des sentences

arbitrales internationales : la France prend l’avantage

En l’état actuel des textes, les procédures d’exequatur française et OHADA se distinguent encore

par quelques règles. Par certaines de ses récentes innovations, œuvrant vers plus d’efficience du

processus de reconnaissance et d’exécution des sentences internationales, la France semble même

avoir pris une longueur d’avance sur ses voisines.

1- L’exequatur en France et en OHADA : des faux jumeaux

Lorsque l’arbitrage est mené selon les règles de l’Acte Uniforme, l’appel n’est pas ouvert à

l’encontre de l’ordonnance ayant accordé l’exequatur ; par opposition, les parties ayant choisi de

soumettre leur arbitrage au droit français bénéficient bien d’un tel recours contre l’ordonnance

ayant accordé l’exequatur à une sentence rendue à l’étranger96

.

L’Acte Uniforme et le Code de procédure civile retrouvent toutefois leur « ADN commun » lorsque

l’on sait que le recours en annulation de la sentence emporte de plein droit, réexamen de la

décision d’exequatur97

.

Sous l’égide de l’Acte Uniforme, l’appel n’est pas non plus ouvert à l’encontre de l’ordonnance

ayant refusé l’exequatur98

. Dans cette hypothèse, la voie de recours est le pourvoi devant la CCJA.

En cas d’accueil favorable, l’exequatur accordé par la Cour n’a alors pas de valeur

« communautaire ».

Si cette décision de la Cour n’a pas, prima facie, une telle valeur, elle n’en demeure pas moins

dénuée de force « transnationale » : il est en effet difficilement envisageable qu’un Etat membre de

l’OHADA, sur le territoire duquel l’exécution de la sentence est recherchée, refuse d’apposer la

formule exécutoire qui lui est demandée, sachant que la sentence a déjà reçu la « bénédiction » de

la CCJA.

En France, l’appel est possible contre l’ordonnance ayant rejeté la demande de reconnaissance de

la sentence (l’article 1525 alinéa 1er du Code de procédure civile ne distingue pas entre les

ordonnances ayant accordé ou refusé l’exequatur).

La procédure française d’exequatur possède une dernière « différence » avec ses voisines étrangères,

portant sur les motifs d’ouverture des différents recours (appel, annulation, opposition et

contestation de validité). L’étendue du contrôle effectué par le juge français est identique, qu’il soit

saisi par la voie d’un recours en annulation de la sentence ou par celle de l’appel contre

l’ordonnance ayant statué sur la demande d’exequatur99

. Cinq cas d’ouverture sont admis par la

loi, lesquels ont fait l’objet d’une sensible (voire subtile) réécriture par la réforme issue du décret

du 13 janvier 2011. En cela, ils se distinguent désormais des moyens retenus par l’OHADA (rédigés

sur le modèle français antérieur au décret).

96 Article 32 alinéa 2 de l’Acte Uniforme ; Article 1525 alinéa 1er du Code de procédure civile 97 Article 1524 alinéa 2 du Code de procédure civile ; Article 32 alinéa 3 de l’Acte Uniforme 98 Article 32 alinéa 2 de l’Acte Uniforme 99 Article 1520 du Code de procédure civile (auquel il est renvoyé par l’article 1525 alinéa 4 pour connaître les moyens recevables au soutien de l’appel)

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Le premier grief admis par la loi française au soutien de ces deux recours vise l’hypothèse dans

laquelle « le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent ». L’admission de ce

nouveau moyen permet d’appréhender plus logiquement les problèmes de compétence des

arbitres. Auparavant (et comme c’est encore le cas en OHADA), l’arbitre qui ne relevait pas son

incompétence était sanctionné au motif qu’il « a statué sans convention d’arbitrage ou sur

convention nulle ou expirée », alors qu’il fallait opposer le grief tiré d’un dépassement de mission à

l’arbitre qui relevait à tort son incompétence. La nouvelle rédaction de l’article 1520 du Code de

procédure civile a le mérite d’une plus grande simplicité.

De même, le terme « composé » employé dans l’ancienne rédaction du deuxième grief, « le tribunal

arbitral a été irrégulièrement composé », est remplacé par « constitué ». En cela, « la modification

est destinée à souligner que les exigences d’indépendance et d’impartialité des arbitres ne doivent

pas être satisfaites seulement au moment de la mise en place du Tribunal arbitral mais tout au long

de l’accomplissement de leur mission, ce qui avait déjà été compris par la jurisprudence »100

.

Les trois autres griefs (respect de la mission, respect du principe de la contradiction, contrariété à

l’ordre public international) sont demeurés inchangés.

Aux termes de l’Acte Uniforme, le recours en annulation de la sentence est admis dans l’un des

cinq cas d’ouverture tels que rédigés sous l’empire de l’ancien article 1502 du Code de procédure

civile, mais ajoute un grief que la France a choisi d’assimiler à une violation de l’ordre public

international101

: le défaut de motivation de la sentence arbitrale102

.

Enfin, si l’Acte Uniforme a « ajouté » un grief, le Règlement CCJA a adopté la position inverse en

ne reprenant que quatre des cinq cas de l’ancien article 1502 du Code de procédure civile ; en

effet, la Cour n’admet pas que l’exequatur puisse être refusé ou l’opposition accueillie « si le

tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné »103

.

Cette solution est tout à fait normale dès lors que l’on sait que la Cour, lorsqu’elle est choisit en

tant que Centre d’arbitrage, contrôle la composition du panel des arbitres.

2- Les « innovations » de l’exequatur français/ Les particularités génétiques de l'exequatur

français

La réforme du décret du 13 janvier 2011 offre à l’arbitrage français, et spécialement au régime de

reconnaissance et d’exécution des sentences arbitrales internationales, des règles que l’OHADA ne

connaît pas (encore).

Ainsi, et comme développé précédemment, la centralisation de la compétence du Tribunal de

grande instance de Paris pour se prononcer sur une demande d’exequatur d’une sentence arbitrale

rendue à l’étranger, offre aux parties une prévisibilité dont est dépourvue la procédure sous l’égide

de l’Acte Uniforme.

100 « Commentaire analytique du décret du 13 janvier 2011 portant réforme du droit français de l’arbitrage », E. Gaillard et P. de Lapasse, Cahiers de l’arbitrage, 1er avril 2011, n°2, pp 263-310 101 Cass. civ. 1ère, 28 novembre 2006, n°04-19031 102 Article 26 de l’Acte Uniforme 103 Article 30.6 du Règlement CCJA

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De même, au stade de l’introduction de la demande d’exequatur, la réforme française a simplifié

les exigences de traduction de la sentence arbitrale et de la convention d’arbitrage, lesquelles

accompagnent ces deux documents lorsqu’ils sont rédigés en langue étrangère.

Le demandeur à l’exequatur peut se limiter à produire une traduction simple de ces textes ; ce n’est

que dans l’hypothèse où les traductions proposées ne satisferaient pas le juge que ce dernier peut

l’inviter « à produire une traduction établie par un traducteur inscrit sur une liste d’experts

judiciaires ou par un traducteur habilité à intervenir auprès des autorités judiciaires ou

administratives d’un autre Etat membre de l’Union européenne, d’un Etat partie à l’accord sur

l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse »104

.

Au sein de l’Acte Uniforme, la règle correspondante demeure celle inspirée de l’ancien article 1499

alinéa 2 du Code de procédure civile, laquelle impose au demandeur, en toutes circonstances, de

produire une traduction « certifiée par un traducteur inscrit sur la liste des experts ».

La procédure française s’est ainsi dotée d’un formalisme allégé lors de la présentation de la

demande, gage d’une plus grande célérité dans l’obtention de l’exequatur.

En réalité, les innovations majeures introduites par le décret du 13 janvier 2011 se retrouvent au

stade de l’exercice des voies de recours ouvertes à l’encontre de la sentence arbitrale ou de la

décision statuant sur la demande d’exequatur.

Le nouvel article 1519 alinéa 2 du Code de procédure civile a en effet raccourci le délai du recours

en annulation d’une sentence arbitrale internationale rendue en France : « Ce recours est recevable

dès le prononcé de la sentence. Il cesse de l’être s’il n’a pas été exercé dans le mois de la

notification de la sentence ». En d’autres termes, il n’est plus nécessaire d’attendre la signification

de la décision d’exequatur pour faire courir le délai du recours en annulation105

. Le déclenchement

du délai n’est plus subordonné à l’éventuel exequatur de la sentence.

En cela, cette règle permet également d’accroître la célérité du processus d’obtention d’une

sentence arbitrale définitive106

.

L’Acte Uniforme ne connaît pas encore cette nouvelle rédaction, l’article 27 reprenant les

anciennes dispositions de l’article 1505 du Code de procédure civile.

Dans le même esprit, la réforme a supprimé le caractère suspensif du recours en annulation et de

l’appel contre la décision statuant sur la demande d’exequatur107

. Désormais, un tel recours ne

pourra plus être formé dans l’unique dessein de retarder l’exécution de la sentence. Il s’agit peut-

être de la fin programmée des recours purement dilatoires.

104 Article 1515 alinéa 2 du Code de procédure civile 105 Ancien article 1505 du Code de procédure civile 106 « Un second souffle pour l’arbitrage - Arbitrage international - A propos du décret du 13 janvier 2011 », J. Béguin, J. Ortscheidt et C. Seraglini, JCP G, 18 avril 2011, n°16, pp 765-773 107 Article 1526 alinéa 1er du Code de procédure civile

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Dans l’immédiat, cette innovation majeure n’est pas partagée par les procédures d’exequatur en

OHADA. L’article 28 de l’Acte Uniforme prévoit expressément que « l’exercice du recours en

annulation suspend l’exécution de la sentence arbitrale jusqu’à ce que le juge compétent dans l’Etat

Partie ait statué ».

De même, l’article 29 du Règlement CCJA ne précise pas si le recours en contestation de validité

(équivalent du « recours en annulation ») est ou non suspensif. En tout état de cause, « il serait

difficile d’admettre que l’exécution de la sentence puisse être poursuivie nonobstant le recours en

contestation de validité (qui peut conduire à son annulation), l’auteur du recours devra demander

le sursis à exécution dans sa requête et la Cour devrait, en bonne logique, l’ordonner. Mais le

problème demeure si le sursis à exécution n’est pas demandé. Dans cette hypothèse, la Cour ne

peut pas, dans le silence du texte, l’ordonner d’office. Il conviendrait donc de combler cette lacune

dans le règlement d’arbitrage »108

.

Si quelques innovations récentes les séparent indubitablement, les régimes français et OHADA de

reconnaissance et d’exécution des sentences arbitrales internationales partagent de nombreuses

règles. Cette identité « commune » devrait alors permettre aux sentences rendues en OHADA de

connaître un bon accueil en France.

B. La confrontation des sentences OHADA à la procédure d’exequatur en France

Eu égard à la confidentialité de certains arbitrages et la parcellaire mise à disposition des décisions,

le recensement des arbitrages réalisés dans l’espace OHADA n’est pas une entreprise facile.

L’étude la plus récente permettait d’identifier, en 2010, que la CCJA avait été saisi de 27 demandes

d’arbitrages, dont seuls 11 d’entre elles avaient abouti au prononcé d’une sentence. De même,

certains centres nationaux d’arbitrage révélaient leurs chiffres : le Centre de Dakar (Sénégal) avait

connu, entre 1998 et 2007, cinq arbitrages, contre vingt-deux pour le Centre du Burkina Faso109

.

Sur la totalité de ces arbitrages, moins de cinq, à notre connaissance, ont conduit à ce que la

juridiction française compétente soit saisie d’une demande d’exequatur de la sentence. L’étude de

ces cas d’espèce révèle alors qu’à une exception près (i.e. à un exemple jurisprudentiel près), certes

notable (1), les sentences arbitrales rendues dans l’espace OHADA sont plutôt bien accueillies à

Paris (2).

1- La Cour de cassation française infirme une ordonnance d’exequatur d’une sentence

OHADA : rien de personnel !

Le 28 mars dernier, la Cour de cassation nous a offert le dernier épisode d’une saga judiciaire

internationale, particulièrement complexe, mais riche d’enseignement quant à la reconnaissance et

l’exécution d’une sentence arbitrale OHADA en France.

108 « L’arbitrage et l’harmonisation du droit des affaires en Afrique », P. Leboulanger, Revue de l’arbitrage, (Comité Français de l’Arbitrage 1999 Volume 1999 Issue 3), pp 541-592 109 « Le droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA dix ans après l’Acte uniforme », P. Mayer, Revue de l’arbitrage, (Comité Français de l’Arbitrage 2010 Volume 2010 Issue 3), pp. 467-494 ; « OHADA : une décennie d’arbitrage - Compte rendu du colloque du Club OHADA Rhône-Alpes (Lyon, 28 avril 2009) », G. Mgoumtsa Anou, Revue de l’arbitrage, (Comité Français de l’Arbitrage 2009 Volume 2009 Issue 4), pp. 1001-1008

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Tout commence le 10 février 2004 lorsque trois sociétés, Atlantique Telecom, WAGF et Soyaf

Communication, concluent un pacte d’actionnaires fixant les règles de fonctionnement d’une

société appelée « Telecel Faso SA », chargée de l’installation d’un réseau de téléphonie mobile au

Burkina Faso. Ce pacte comportait une clause compromissoire prévoyant, pour la résolution de

tout différend entre les parties, le recours à l’arbitrage suivant le Règlement de la CCJA.

Le 26 août 2004, Atlantique Telecom cède à la société Planor Afrique une partie de ses actions,

concluant pour cela une convention de cession comportant une clause d’attribution de

compétence exclusive au Tribunal de Première Instance de Ouagadougou pour le règlement de

tout différend né à l’occasion de son exécution ou de son interprétation.

À cette date, le capital de Telecel Faso SA est détenu par Atlantique Telecom à hauteur de 51% et

par Planor Afrique à hauteur de 44%, les 5% restant appartenant à WAGF.

Ne ménageons pas le suspens plus avant : un litige survient très rapidement entre Atlantique

Telecom et Planor Afrique. Par une série d’assemblées générales, auxquelles Planor Afrique n’est

volontairement pas convoquée, Atlantique Telecom décide une augmentation du capital social par

création d’actions ainsi qu’une modification substantielle de la composition du conseil

d’administration de Telecel Faso SA.

Il est décidé une réduction de 20% de la part du capital détenue par Planor, alors que celle

d’Atlantique Telecom est portée à 80%.

Planor Afrique et la société ETISALAT, devenue l’actionnaire majoritaire d’Atlantique Telecom,

tentent alors de se concilier en dehors des prétoires burkinabés et concluent, le 5 septembre 2007,

un protocole d’accord prévoyant que Planor Afrique recouvre 44% du capital de Telecel Faso SA

puis en cède 12% à Atlantique Telecom : en définitive, la participation de Planor Afrique au capital

de Telecel Faso SA aurait été portée à 32%, contre 68% pour Atlantique Telecom.

Le protocole d’accord contenait lui aussi une clause compromissoire prévoyant, cette fois, le

recours à l’arbitrage sous l’égide de la Chambre de commerce internationale pour tout différend

relatif à son exécution, ce qui ne manqua bien sûr pas de se concrétiser.

La particularité de ce contentieux réside dans le fait que chacune des parties choisit d’actionner la

clause compromissoire ou attributive de compétence qui lui convenait, ayant pour conséquence

d’engager trois procédures parallèles.

a. L’introduction de trois procédures parallèles

Planor Afrique fît le choix de saisir les juridictions burkinabés en vertu de la clause attributive de

compétence contenue dans la convention de cession d’actions signée le 26 août 2004. Le Tribunal

de Première Instance de Ouagadoudou, par jugement du 27 février 2008 confirmé le 25 mai

2009, annulait les délibérations des assemblées générales ayant conclu à l’augmentation de capital

de Telecel Faso SA, et par jugement du 9 avril 2008 confirmé en appel le 19 juin 2009110

puis sur

pourvoi le 10 juin 2010111

, ordonnait à Atlantique Telecom, en exécution des stipulations du pacte

110 CA Ouagadoudou, Ch. com., 19 juin 2009, n°037/09, Ohadata J-10-214 111 Arrêt n°041/2010 du 10 juin 2010 de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

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d’actionnaires, de céder l’intégralité de ses actions à Planor Afrique, c’est-à-dire son exclusion pure

et simple de la société Telecel Faso SA. Les juges burkinabés, confirmé par la CCJA, ont retenu leur

compétence au motif que Planor Afrique n’avait pas signé le pacte d’actionnaires contenant la

clause compromissoire, condition essentielle à l’opposabilité d’une telle clause. La clause étant

indépendante de la convention qui la contient, il n’est pas critiquable que les juges aient pour

autant décidé de faire application du contenu du pacte auquel Planor Afrique n’était pourtant pas

partie.

De son côté, Atlantique Telecom actionna la clause compromissoire contenue dans le pacte

d’actionnaires signé le 10 février 2004. C’est ainsi qu’un arbitrage CCJA s’organisa au Centre

d’arbitrage de Dakar, aboutissant au prononcé d’une sentence le 5 août 2009, à laquelle la CCJA

accorda l’exequatur communautaire par ordonnance du 19 août 2009. Les arbitres ont rejeté la

demande de Planor Afrique d’exclure Atlantique Telecom de la société Telecel Faso SA, au motif

que l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt

économique sanctionne la mésentente entre associés par la dissolution anticipée de la société, non

par l’exclusion d’un associé par le rachat forcé de ses actions112

. Planor Afrique intenta alors un

recours en annulation de la sentence et introduisit une requête en opposition contre l’ordonnance

d’exequatur. Après avoir joint les deux instances, la CCJA prononça, le 31 janvier 2011,

l’annulation de la sentence113

.

Enfin, ETISALAT choisit d’engager la procédure d’arbitrage prévue par la clause compromissoire

contenue dans le protocole d’accord signé le 5 septembre 2007. La Cour internationale d’arbitrage

rendit une sentence le 9 septembre 2010 au terme de laquelle les arbitres ordonnaient à Planor

Afrique de se conformer aux termes du protocole d’accord signé le 5 septembre 2007.

b. L’exequatur des décisions en France

Chacune en possession d’une ou plusieurs décisions en sa faveur, les parties ont entrepris d’obtenir

leur exequatur en France.

Au « fond », Planor Afrique prit l’initiative des poursuites devant les juridictions burkinabés, suivi

par Atlantique Telecom à Dakar, et enfin par ETISALAT à Paris.

Au stade de l’exequatur, c’est ETISALAT qui se montra la plus réactive. Par ordonnance du 14

octobre 2010, le Tribunal de grande instance de Paris accorda l’exéquatur à la sentence arbitrale

CCI rendue le 9 septembre 2010.

Bien que la sentence rendue à son profit par le Centre d’arbitrage de Dakar ait été annulée par la

CCJA, Atlantique Telecom chercha également à obtenir son exequatur en France. Reconnaissant

qu’une sentence peut se voir accorder l’exequatur indépendamment de son annulation par la

juridiction compétente de l’Etat d’émission, le Tribunal de grande instance de Paris accorda

l’exequatur demandé par ordonnance rendue le 7 avril 2011.

112 Article 200 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique 113 Arrêt n°03/2011 du 31 janvier 2011 de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

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Enfin, Planor Afrique réagit en cherchant elle aussi à obtenir l’exequatur des décisions burkinabés

rendues en sa faveur. Par ordonnance du 29 juin 2011, le Tribunal de grande instance de Paris

accorda l’exequatur au jugement du Tribunal de Première Instance de Ouagadougou rendu le 9

avril 2008 confirmé le 19 juin 2009.

c. Les recours contre les décisions d’exequatur

Chacune de ces décisions accordant l’exequatur a fait l’objet d’un recours introduit par la partie à

laquelle elle était opposée.

Le 17 janvier 2012, la Cour d’appel de Paris fit droit au recours intenté par Planor Afrique en

annulation de la sentence rendue par la CCI le 9 septembre 2010114

. La motivation de la Cour

constitue probablement l’apport juridique essentiel de cet imbroglio procédural (en sus de la

gymnastique intellectuelle qu’il requiert pour le comprendre…).

Les juges d’appel ont d’abord constaté que la sentence rendue par la CCI, imposant à Planor

Afrique de respecter le protocole d’accord au terme duquel sa participation devait être portée à

32% du capital de Telecel Faso SA, et l’arrêt de la Cour d’appel de Ouagadougou prescrivant à

Atlantique Telecom de céder l’intégralité de ses actions, « entrainent des conséquences juridiques

qui s’excluent mutuellement »115

.

Cette incompatibilité entre deux décisions ayant toutes deux reçues l’exequatur en France n’était

évidemment pas supportable, et la Cour se devait d’y trouver un remède juridique.

La Cour poursuit son raisonnement en constatant que l’arrêt de la Cour d’appel de Ouagadoudou

était revêtu, de plein droit, de l’autorité de la chose jugée, et conclut, en l’absence de fraude, que

la sentence qui lui est déférée, « peu important que l’ordonnance [lui ayant accordé l’exequatur]

ait été rendue avant celle des décisions burkinabées », est inconciliable avec l’arrêt de la Cour : en

cela, « sa reconnaissance et son exécution violent de manière effective et concrète l’ordre public

international116

».

d. La portée du sacrifice de la sentence arbitrale

La saga judiciaire opposant Planor Afrique à Atlantique Telecom ne s’est pas arrêtée là. Si la

sentence CCI est « morte », survivait encore celle rendue à Dakar. Saisi sur appel de l’ordonnance

du Tribunal de grande instance de Paris rendue le 7 avril 2011, la Cour d’appel de Paris censure

l’octroi de l’exequatur en reprenant mot pour mot la motivation dégagée dans le cadre du recours

en annulation de la sentence CCI.

Mais en réalité, la Cour d’appel ne sanctionne pas, à proprement parler, le « travail » réalisé par les

arbitres de l’espace OHADA ; elle n’avait d’autre choix que d’appliquer sa jurisprudence

114 Aux termes de l’article 1524 alinéa 2 du Code de procédure civile, l’introduction du recours en annulation emporte de plein droit recours contre l’ordonnance ayant accordé l’exequatur à la sentence litigieuse 115 CA Paris, 17 janvier 2012, n°10/21349, considérant n°4 116 Cf. infra, considérant n°7

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nouvellement dégagée par l’arrêt du 17 janvier 2012 (transposée à l’appel d’une ordonnance ayant

accordé l’exequatur à une sentence arbitrale117

).

Une (trop) rapide lecture des arrêts de la Cour pourraient amener à penser qu’elle a souhaité

accorder ses faveurs, d’une manière générale, à la résolution judiciaire des litiges plutôt qu’à la

recherche amiable d’une solution. Il faut balayer cette idée !

En réalité, la Cour devait impérativement « trancher » pour lever l’inconciliabilité des solutions.

Mais pourquoi celle-ci, consistant à anéantir l’arbitrage et faire survivre la résolution judiciaire,

plutôt que l’inverse ?

Si la solution dégagée par la Cour était bien nécessaire, elle se révèle surtout pragmatique : elle

pose en effet deux critères de détermination de la décision « survivante », rompant certainement

avec le jugement que n’aurait pas manqué de porter le lecteur hâtif consistant à s’insurger contre

un apparent degré d’imprévisibilité que semble créer la solution de la Cour (comment savoir à

l’avance laquelle des deux décisions devra s’effacer au profit de l’autre ?)

Si ces deux critères ne sont certes pas mis particulièrement en évidence par les juges d’appel, ils

n’en demeurent pas moins présents : la solution consistant à faire primer le jugement étranger sur

la sentence étrangère s’applique d’une part, lorsque le jugement est reconnu de plein droit et

possède ainsi une autorité de chose jugée immédiate118

, et d’autre part, lorsque la date de son

prononcé est antérieure à celle du prononcé de la sentence (les dates des ordonnances respectives

d’exequatur sont inopérantes).

En cela, « la solution a le mérite d’éviter une course à l’exequatur et de régler en amont le conflit

de décisions inconciliables »119

.

On aurait pu croire le conflit terminé… bien au contraire !

e. Vers une renaissance de la sentence CCI ?

Le feuilleton Planor Afrique/Atlantique Telecom vient de diffuser son nouvel épisode, et pas des

moindres : saisi d’un pourvoi introduit pas ETISALAT et Atlantique Telecom, la Première Chambre

civile de la Cour de cassation a partiellement cassé, le 28 mars dernier, la décision de la Cour

d’appel de Paris120

:

117 Cette solution est conforme aux dispositions de l’article 1525 alinéa 4 du Code de procédure civile, lequel renvoie, pour connaître les cas d’ouverture de l’appel dirigé contre une ordonnance ayant accordé l’exequatur à une sentence internationale rendue à l’étranger, aux motifs d’ouverture du recours en annulation prévus à l’article 1520 dudit Code 118 Conformément au considérant n°5 de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 janvier 2012, l’arrêt de la Cour d’appel de Ouagadoudou bénéficiait, de plein droit, de cette autorité de la chose jugée en vertu de l’article 36 de l’accord de coopération judiciaire signé le 24 avril 1961 entre la France et la Haute-Volta (ancienne appellation du Burkina Faso) 119 « Inconciliabilité d’une sentence avec un jugement étranger exequaturé, note sous Paris, Pôle 1 - Ch. 1, 17 janvier 2012 », M.-L. Niboyet, Revue de l’Arbitrage, (Comité Français de l’Arbitrage 2012 Volume 2012 Issue 3), pp. 573-586 120 Cass. civ. 1ère, 28 mars 2013, n°11-23.801, FS-P+B+I

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« Attendu que […], sans rechercher ainsi qu’il le lui était demandé, si la demande d’exequatur ne se

heurtait pas à l’autorité de la chose jugée attachée à la transaction121

du 5 septembre 2007, le

président du tribunal de grande instance n’a pas donné de base légale à sa décision »

En d’autres termes, la Cour de cassation ne sanctionne pas le raisonnement adopté par la Cour

d’appel de Paris mais constate son laxisme lorsqu’il fût question de l’appliquer. Il est vrai

qu’antérieurement à l’arrêt de la Cour d’appel de Ouagadoudou, le protocole d’accord du 5

septembre 2007 possédait déjà l’autorité de la chose jugée (conformément aux dispositions de

l’article 2052 du Code civil)122

.

On serait donc tenter de conclure en ces termes : « la sentence CCJA est morte123

, vive la sentence

CCI ». Mais la Cour de cassation n’a peut-être pas du tout souhaité aller si loin : elle constate que la

Cour d’appel n’a pas répondu à l’un des moyens soulevé par Atlantique Telecom et censure sur ce

fondement… Affaire à suivre.

La « série » Planor Afrique/Atlantique Telecom n’est toujours pas achevée (elle est à l’antenne

depuis maintenant 6 ans) et annonce de nouveaux rebondissements… Heureusement, il est des cas

d’espèces où l’exequatur en France d’une sentence prononcée dans l’espace OHADA se déroule

plus calmement.

2- La « douane » française de l’exequatur : entre rigueur et amitié

Les quelques exemples d’exequatur sur le territoire français accordé à une sentence arbitrale

OHADA ont tous été rendus sous l’empire du régime antérieur à la réforme de l’arbitrage issue du

décret du 13 janvier 2011. A n’en pas douter, le rapprochement des règles opéré par la réforme

devrait encore faciliter l’accueil des sentences OHADA en France.

Cela ne signifie pas pour autant que les juges français se montrent laxistes lors de l’examen d’une

requête en exequatur d’une sentence rendue par des arbitres de l’espace OHADA. Un contrôle

« classique » est opéré ; ni plus, ni moins.

a. La régularité des sentences OHADA s’apprécie au regard du droit français

En 2008, la Cour d’appel de Paris a eu l’occasion de rendre un arrêt riche d’enseignements en

matière d’exequatur d’une sentence arbitrale OHADA. Les faits sont, contrairement à l’affaire ayant

opposées Planor Afrique et Atlantique Telecom, relativement simples.

La Société ivoirienne de Raffinage (ci-après « SIR ») a engagé une procédure arbitrale devant la

CCJA afin de voir déclarées les sociétés Bona Shipholding Ltd, propriétaire du navire « Teekay

Fountain », Teekay Fountain Shipping Canada Ltd et Teekay Fountain Shipping Norway AS,

« manager » du navire, responsables du sinistre subi par l’avarie dudit navire.

121 La Cour de cassation utilise l’expression « transaction » pour désigner le protocole d’accord signé le 5 septembre 2007 entre les parties 122 « Conditions de l’exequatur d’une décision étrangère », X. Delpech, Dalloz actualité, 15 avril 2013 123 Cf. Attendu n°9 : l’arbitrage réalisé à Dakar n’aura pas d’effet en France, c’est un fait acté par la Cour de cassation

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Estimant que des fautes avaient été commises de part et d’autre, les arbitres ont condamné la SIR à

indemniser la société Bona Shipholding Ltd d’une partie de son préjudice, et réciproquement. Les

adversaires de la SIR ont alors obtenu l’exequatur de la sentence en France, et appel de

l’ordonnance fût interjeté par cette dernière.

Au soutien de son appel, la SIR invoquait notamment l’incompétence du Tribunal de grande

instance de Paris pour connaître de la demande d’exequatur. Ce fût alors l’occasion pour la Cour

d’appel d’appliquer, pour la première fois à une sentence CCJA, un principe désormais bien connu

de l’arbitrage international, selon lequel :

« la sentence internationale, qui n’est rattachée à aucun ordre juridique étatique, comme celle

rendue dans le contexte du traité de l’OHADA, est une décision de justice internationale dont la

régularité est examinée au regard des règles applicables dans le pays où sa reconnaissance et son

exécution sont demandées […] »124

.

En d’autres termes, lorsqu’elle est soumise à l’appréciation de l’Etat sur le territoire duquel son

exécution est recherchée, c’est-à-dire dans le cadre d’une demande d’exequatur, cet examen doit

s’opérer selon les règles de l’Etat d’accueil.

Ce principe de l’absence de rattachement étatique d’une sentence rendue sous l’empire du

Règlement de la CCJA est aujourd’hui, parfaitement ancré dans la jurisprudence française : la Cour

d’appel a eu l’occasion de le rappeler dans une affaire ayant opposé la société Commercial Bank

Guinea Ecuatorial SA (ci-après « CBGE ») à la République de Guinée Equatoriale.

Le 18 décembre 2003, la CBGE signait une convention avec la République de Guinée Equatoriale

en vue de son établissement sur le territoire. A cette date pourtant, existait déjà entre elles un

différend au sujet de l’absence de délivrance de l’agrément nécessaire à cette ouverture

d’établissement.

C’est la raison pour laquelle les parties tentèrent de se concilier hors des prétoires en engageant

une procédure arbitrale à Libreville (Gabon) sous l’égide du Règlement de la CCJA, au terme de

laquelle les arbitres ont condamné la Guinée Equatoriale à indemniser les préjudices subis par la

CBGE.

Cette dernière ayant obtenu l’exequatur de la sentence de la part du Tribunal de grande instance

de Paris, l’Etat guinéen interjeta appel de l’ordonnance, et la Cour apprécia classiquement celle-ci

au regard des conditions françaises de l’exequatur125

.

Cette vision « apatride » d’une sentence arbitrale internationale est issue de la Cour de cassation

elle-même, laquelle s’est prononcée à l’occasion de l’exequatur d’une sentence internationale

rendue sous l’égide de l’International General Produce Association (IGPA)126

, et fût approuvée par

la doctrine française : « la communauté internationale a fait de l’arbitrage le mode normal et

124 CA Paris, 31 janvier 2008, n°06/07787, considérant n°3 125 CA Paris, 18 novembre 2010, n°09/20069 126 L’IGPA, intégrée en 2008 à la GAFTA (The Grain and Feed Trade Association), sont des organisations internationales pour la promotion du commerce des épices et denrées exotiques

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habituel de règlement des litiges du commerce international. C’est à la communauté des Etats et à

aucun d’eux pris individuellement que la sentence doit sa juridicité »127

.

Une telle solution est parfaitement transposable aux sentences internationales issues de l’espace

OHADA, dont les Etats membres « se sont entendus afin d’abandonner leur souveraineté en

matière d’arbitrage »128

.

b. Le recours en annulation introduit en OHADA n’a pas d’incidence sur la demande

d’exequatur en France

L’un des motifs couramment soulevés par les plaideurs à l’appui de leur appel contre une

ordonnance ayant accordé l’exequatur à une sentence étrangère réside dans l’obligation qu’aurait

eu la juridiction française de surseoir à statuer en attendant la décision de la juridiction de l’Etat

d’origine saisit d’un recours en annulation de la sentence.

Les exemples français d’exequatur d’une sentence OHADA ne font pas exception à cette tradition.

Sans surprise, la Cour d’appel martèle l’absence d’incidence que produit l’introduction d’un recours

en annulation dans l’Etat d’origine sur la procédure d’exequatur introduite en France.

En effet, l’article 1520 du Code de procédure civile, auquel il est renvoyé par l’article 1525 alinéa

4, fixe les cas d’ouverture de l’appel contre l’ordonnance d’exequatur d’une sentence

internationale, et cette liste est exhaustive.

Depuis vingt ans, la Cour de cassation reste fidèle à ce principe129

. L’annulation pure et simple de la

sentence par l’autorité compétente de l’Etat d’origine ne paralyse pas plus la procédure

d’exequatur introduite en France.

Les affaires précédemment exposées opposant la SIR aux armateurs canadiens et norvégiens d’une

part, et CBGE à la République de Guinée Equatoriale d’autre part, s’inscrivent parfaitement dans

cette jurisprudence.

En réalité, la Cour de cassation a pour la première fois fait application de ce principe à l’exequatur

d’une sentence OHADA en 2000, dans le cadre d’un litige ayant vu s’affronter l’Agence pour la

sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ci-après « ASECNA ») à l’un de ses

employés licencié130

: l’existence d’un recours au Sénégal contre une sentence prononcée à Dakar,

et l’argument tiré de son prétendu caractère non exécutoire en résultant, ne s’oppose pas à son

exequatur en France131

.

127 « Note - 29 juin 2007 - Cour de cassation (1re Ch. Civ.) », E. Gaillard, Revue de l'Arbitrage, (Comité Français de l'Arbitrage 2007 Volume 2007 Issue 3), pp. 517-522 128 « L’exécution en France des sentences arbitrales CCJA », D. Motte-Suraniti, Revue Trimestrielle de Droit et de Jurisprudence des Affaires (RTDJA - Mali), pp 99-114 129 Cass. civ. 1ère, 10 mars 1993, n°91-16041 ; Cass. civ. 1ère, 23 mars 1994, n°92-15137 130 Cass. civ. 1ère, 17 octobre 2000, n°98-11776 131 Bien que l’arrêt de la Cour de cassation ne le précise pas, il faut déduire des indications géographiques données, d’une part que le recours invoqué était un recours en annulation de la sentence, d’autre part que la procédure d’arbitrage choisit était celle de l’Acte Uniforme

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Cette solution est louée par la doctrine pour les avantages qu’elle présente : « Elle permet […] un

contrôle allégé des sentences arbitrales dans le pays d’accueil sans risque d’influence d’une

annulation injustifiée depuis le pays d’origine »132

. Pour certains, elle présente tout de même le

risque de créer un forum shopping au profit des Etats aux législations les plus permissives en

matière d’exequatur, point de vue que nous ne partageons pas. En effet, le demandeur n’est pas

réellement « libre » du choix de l’Etat au sein duquel demander l’exequatur ; celui-ci n’a d’intérêt

qu’à la condition qu’une mesure d’exécution soit recherchée sur le territoire de l’Etat d’accueil.

c. Attaquer le travail des arbitres n’est pas toujours payant

Le moyen tiré de la violation de l’ordre public international par les arbitres est régulièrement

invoqué pour s’opposer à la demande d’exequatur en France d’une sentence arbitrale

internationale.

Sous couvert de cette notion relativement nébuleuse, la pratique révèle que les parties élaborent

une multitude de scenarii pour tenter de faire échec à l’exequatur.

Dans l’affaire ayant opposé la CBGE à la République de Guinée Equatoriale, cette dernière tenta de

faire valoir que « l’argumentation du tribunal arbitral, compte tenu de sa faiblesse manifeste,

s’apparente à une absence de motivation », laquelle constituerait une violation de l’ordre public

international.

A cela, la Cour d’appel de Paris répond qu’une absence de motivation d’une sentence

internationale ne pourrait justifier un refus d’exequatur qu’à la condition que celle-ci ne dissimule

une violation des droits de la défense, « nullement alléguée en l’espèce ». En cela, la Cour d’appel

fait « d’une pierre, deux coups » : elle circonscrit de nouveau la notion

d’ordre public international (par la négative) et rappelle que la liste des cas d’ouverture de l’appel

prévus à l’article 1520 du Code de procédure civile (sur renvoi de l’article 1525 alinéa 4) est

limitative.

La Cour aurait pu s’arrêter là. Pourtant, elle donne l’impression de n’avoir pas pu résister à ajouter

« qu’au surplus, il convient de renvoyer la République de Guinée Equatoriale à la seule lecture de

la sentence car celle-ci suffit à se convaincre qu’elle est motivée à travers les 108 pages du chapitre

Discussion et Droit »133

. Ainsi, le juge parisien n’aurait pas pu affirmer sa confiance à l’égard du

travail des arbitres de l’espace OHADA en des termes plus efficaces.

132 « L’exécution en France des sentences arbitrales CCJA », D. Motte-Suraniti, Revue Trimestrielle de Droit et de Jurisprudence des Affaires (RTDJA - Mali), p. 112 133 CA Paris, 18 novembre 2010, n°09/20069, considérant n°13

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TRAVAUX EN ATELIERS ET

RAPPORT GENERAL DU COJA

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ATELIER N°1 :

Regards sur la Jurisprudence OHADA : du juge d’instance à la Cour d’appel,

des Cours d’appel à la CCJA :

Jalons pour des décisions cohérentes, et pour une jurisprudence OHADA stable.

L’atelier N°1 a été présidé par le premier Vice-président de la CCJA, Monsieur SEREKOISSE SAMBA

Marcel. Monsieur MAMBONE Abdoulaye, de l’ARCEP Burkina Faso, assurait la fonction de

rapporteur.

La liste des participants à cet atelier figure en annexe.

Pour une compréhension du thème, le Président a indiqué que, par jurisprudence OHADA, il faut

entendre non seulement la Jurisprudence de la CCJA mais aussi les décisions des Juridictions

nationales (juridictions de première instance et cours d’appel).

Les travaux de cet atelier ont été conduits autour de trois (3) axes à savoir :

a) les aspects quantitatifs de la jurisprudence OHADA ;

b) les aspects qualitatifs de la jurisprudence OHADA ;

c) les perspectives et les évolutions de la jurisprudence OHADA.

I - ASPECTS QUANTITATIFS DE LA JURISPRUDENCE OHADA

S’agissant des aspects quantitatifs de la jurisprudence OHADA, un rappel des statistiques des recours

et des décisions rendues par la CCJA a été fait par le Président de l’Atelier.

A ce titre, il a été relevé que sur la période de 2001 au 30 juin 2013, la CCJA a enregistré 1360

recours ayant donné lieu à 665 arrêts rendus. On relève donc un taux de 55% pour les affaires

déjà jugées et un taux d’environ 45% pour les décisions en circulation.

Les participants à cet atelier se sont interrogés sur le point de savoir si ces statistiques avaient pu

être meilleures compte tenu de la dimension communautaire de la CCJA.

Les échanges, très sérieux et intenses, ont fait ressortir les éléments suivants :

les chiffres fournis s’expliquent en partie par le fait que la pratique de la CCJA exige que les

assistants juridiques fassent un travail préalable d’analyse avant que les juges statuent ;

le travail préalable des assistants juridiques affectés auprès des juges titulaires de la Cour pose le

problème des délais de traitement des demandes soumises à la CCJA. En effet, entre la date de

la saisine de la CCJA et la date des décisions, il s’écoule un délai plus ou moins long ;

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le fait de faire dépendre la célérité du traitement des dossiers de la CCJA par les assistants

juridiques devient une contrainte et un frein à l’efficacité de la Cour. En exigeant ce travail

préalable, l’on introduit un élément non prévu dans le règlement de procédure ;

Tout en reconnaissant l’utilité du travail des assistants juridiques, l’Atelier estime que le juge ne

devrait avoir recours à l’assistant juridique que lorsqu’il est confronté à des difficultés particulières

nécessitant un complément d’informations ;

En conséquence, l’Atelier propose une démarche inverse dans le traitement des dossiers ; pour cela,

le juge doit procéder à un traitement préalable des dossiers et recourir exceptionnellement à

l’assistant juridique pour les raisons sus évoquées. L’existence même du statut d’assistant juridique

pose un réel problème, notamment quant au respect du secret des délibérations ; l’assistant

juridique ne prend pas de risque ;

Que le Président de la CCJA devrait affecter les dossiers, dès leur arrivée, à des juges

rapporteurs plutôt qu’à des juristes rapporteurs ;

Le problème de langue de travail se pose également, du fait du multilinguisme (notamment le

portugais) qui impacte la qualité rédactionnelle des documents ;

les dossiers ne sont pas répertoriés au niveau de la CCJA ; le greffier devrait pouvoir indiquer

avec précision les dates d’arrivée, les numéros d’arrivée, les pièces du dossier ;

Il faut réviser le règlement de procédure pour fixer des délais de traitement des dossiers aux

Juges ;

la troisième chambre de la Cour, prévue par les textes, devrait être ouverte, et pour le

fonctionnement de la troisième chambre, il est possible de recourir à une organisation plus

adaptée des attributions de chacune des chambres.

Sur ce point, la difficulté majeure réside dans la nature des contentieux soumis à la CCJA qui

sont en majorité relatifs aux difficultés d’exécution ;

l’acheminement des dossiers à la CCJA pose problème, aussi bien en termes de coût que de

délai ; pour cela, il nécessaire de déconcentrer le greffe de la CCJA en créant dans chaque Etat

membre une représentation.

II- ASPECTS QUALITATIFS DE LA JURISPRUDENCE OHADA

Traitant des aspects qualitatifs, l’Atelier relève les points suivants :

la CCJA doit analyser efficacement les dossiers et rendre des décisions irréprochables ; en effet,

de la qualité des décisions rendues dépend la crédibilité de la Cour et la sécurité judiciaire

recherchée ;

l’Atelier a regretté que OHADA qui suscite autant d’espoir pour les Etats africains et les

investisseurs soit confrontée à des difficultés budgétaires pour disposer de ressources humaines

de qualité et suffisantes ;

l’Atelier recommande que les Etats s’entourent de meilleures garanties pour le recrutement des

Juges de la CCJA, en procédant à une bonne application des critères de sélection. Pour cela, le

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politique doit pouvoir s’associer les acteurs compétents susceptibles d’apporter leurs concours

(juges des cours de cassation, universitaires) pour le choix des Juges ;

la CCJA doit disposer d’un Code de procédure le plus complet possible, en prenant en compte

tous les aspects processuels. Le Règlement contient des insuffisances qu’il faut corriger ;

les participants se sont posé la question de savoir si la CCJA doit répondre à tous les chefs de

demande à elle soumise. En effet, l’article 2 du Traité OHADA fixe les limites de la compétence

de la CCJA. Dans l’hypothèse du pouvoir d’évocation de la CCJA, il y a une réelle difficulté qui

est posée lorsqu’un autre système juridique est en cause avec le droit OHADA. En effet, il y a

un risque de conflit de compétence. En l’état actuel, la CCJA doit répondre à tous les chefs de

demande puisqu’elle a un pouvoir d’évocation ;

l’Atelier a fait le constat que la CCJA rend des décisions et ne cherche plus à savoir ce qu’il

advient de ces décisions. Aussi, elle n’a pas un regard sur les décisions des Cours nationales

d’appel qui ne lui sont pas déférées ; il est suggéré la mise en place d’un observatoire ;

les avis de la CCJA ne sont pas nombreux et la majeure partie intervient sur saisine du

Secrétaire permanent.

II. PISTES DE REFORMES

III.1. La fixation de la peine dans les Actes Uniformes :

Pour rendre efficaces les Actes uniformes, ils doivent non seulement contenir les

incriminations, mais aussi les peines qui leur sont applicables ; les Actes uniformes peuvent

prévoir des fourchettes de sanctions comme cela est de pratique courante dans les

législations pénales.

III.2. La coopération entre les Juridictions suprêmes nationales et la CCJA

Après avoir relevé que le rôle de la CCJA est aussi de permettre une meilleure appropriation du

droit OHADA au niveau des Etats-parties, et que, probablement, les statistiques, plutôt moyennes,

de recours à cette Haute juridiction peut s’expliquer par la faible connaissance du droit OHADA au

sein des Etats-parties, les recommandations ci-après ont été faites :

tenir compte des observations pertinentes formulées par les Juridictions suprêmes

nationales relativement aux relations qu’elles entretiennent avec la CCJA ;

déterminer un certain taux de compétence matérielle, en deçà duquel le plaideur aura la

faculté de saisir les Juridictions suprêmes nationales ;

prévoir la possibilité que lorsque les deux (2) parties s’accordent, elles puissent décider de

recourir aux Juridictions suprêmes nationales plutôt qu’à la CCJA quel que soit le

montant en jeu ;

condamner à des dommages-intérêts pour abus de droit les plaideurs qui font du dilatoire

devant la CCJA, ou qui saisissent abusivement cette Juridiction ;

établir un moyen de filtrage pour les affaires similaires afin que les délais de traitement des

décisions soient raisonnables.

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Etendre l’exequatur communautaire aux sentences arbitrales rendues par les instances

d’arbitrage nationales, à l’instar des sentences CCJA dans un but d’uniformisation et de

promotion non discriminatoire de la justice arbitrale dans l’espace OHADA.

ATELIER N°II

"L'hypothèque, la « mère des sûretés » dans tous ses états …. : Regards croisés

des juristes des différents Etats membres sur les difficultés de constitution et de

réalisation des Hypothèques prises avant et depuis la révision de l’Acte Uniforme

portant droit des sûretés."

En date du 02 juillet, à 15h précises, poursuivant le programme du Congrès, quelques membres

(21) inscrits à l’atelier cité plus haut, se sont retrouvés autour de Monsieur Mohamadou GAMDJI,

Senior Legal Counsel à la Banque Islamique de Développement, président de l'atelier et de Mme

Diane MEFOMDJO du FEICOM, Cameroun, rapporteur.

Après un mot introductif, le président a partagé une anecdote sur une difficulté de réalisation

d’une hypothèque liée aux pressions culturelles et à une forte croyance au paranormal. Ce qui a

détendu l’atmosphère. Par la suite, les participants ont adopté la méthodologie de l'atelier, ayant

consisté dans la présentation systématique des difficultés pratiques dans la constitution et la

réalisation de l’Hypothèque, et l'esquisse de solutions.

Concernant la constitution des Hypothèques, il a été constaté d’emblée pour le déplorer la non

vulgarisation du métier d’agent des sûretés dans les Etats parties, la banque créancière continue

d’accomplir les formalités de constitution de l’hypothèque. Le non-respect des mentions exigées

aux articles 6 et 7 est d’usage.

En outre, Il n y a pas, un acte la désignant comme agent des sûretés. L’article 192 qui modifie

l’article 119 ancien, voudrait que désormais seuls les immeubles présents et immatriculés fassent

l’objet d’une hypothèque. Si l’intrusion ou l’incorporation de cet article a entraîné dans certains

Etats notamment le Congo et Madagascar une vaste reforme quant à la politique d’immatriculation

foncière, dans d’autres comme au Burkina, les immeubles en cours d’immatriculation peuvent faire

l’objet d’hypothèque sous réserve de prendre une inscription définitive à la fin. Cette position a

soulevé quelques inquiétudes notamment le fait qu’il puisse y avoir une contestation ou que l’on

découvre comme cela a souvent été le cas au Cameroun que deux ou trois personnes ont des titres

de propriété sur le même immeuble nu.

Dans ce cas quid de la garantie du créancier ? Toutefois, il faut souligner que dans le cas du Burkina

leur titre provisoire appelé Permis urbain d’habiter est conforme à la réalité. De plus, l’application

stricto sensu de cet article réduit le nombre de personnes éligibles à des crédits importants. Les

populations étant réticentes à être détentrices d’un titre de propriété du fait de la complexité de la

procédure d’immatriculation ainsi que son coût élevé.

Une autre pratique continue d’avoir cours, la détention matérielle de la copie du titre foncier du

débiteur par les Banques alors que l’inscription de l’hypothèque se fait à la conservation foncière.

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Cette tendance cause des désagréments énormes aux débiteurs, les empêchant pendant qu’ils

payent leur dette de recourir à d’autres prêts dans une autre banque. Elle génère malheureusement

parfois un impossible retour en possession direct du titre foncier entre leurs mains, du fait de la

mauvaise conservation dudit titre par les créanciers. Ce qui retarde les facilités de financement

qu’auraient pu obtenir les débiteurs s’ils avaient leur titre par devers eux. Lors même qu'il

arriverait que ces obstacles soient franchis, il a été observé la persistance de quelques difficultés

ayant trait à la réalisation de l’hypothèque, terriblement préjudiciables aux créanciers car l’inhibant

totalement.

Le transfert de propriété découlant du pacte commissoire (confère article 199), dont la mise en

œuvre n’est pas aussi évidente, notamment en Côte d’ivoire où il se pourrait qu’il faille passer

absolument par devant un tribunal. Le respect des exigences telles que la mise en demeure par acte

extra judiciaire, à l’issue de trente jours, l’estimation à l’amiable ou judiciaire de la valeur de

l’immeuble, semble ne plus être suffisant.

Sur ce point, les participants n’ont pas pu accorder leurs violons. Chacun livrant son interprétation.

Il serait par conséquent judicieux que soit levée la confusion entre les articles 198 et 199. L’absence

de tenue régulière des registres d’état civil est un véritable handicap. Certaines mentions ne figurant

pas sur les actes de naissance pour vérifier les informations déclarées par le débiteur. C’est le cas

d’un marié sous le régime de la communauté qui consent une hypothèque sur un bien en

fournissant un certificat de célibat ou encore d’un polygame qui ne présente qu’un seul acte de

mariage. Au moment de la réalisation, l’épouse surgit et s’oppose à la vente de cet immeuble au

motif qu’elle n’a pas été informée et n’a pas pu donner son consentement.

Le délibéré tardif des dires et observations qui rallonge les délais de vente rendant ainsi caduques

ceux contenus dans le cahier des charges.

Réfléchir sur ce thème a permis en fait d’évaluer l’impact du nouvel acte révisé sur la constitution

et la réalisation de l’hypothèque. Au regard de ce qui précède et de la pratique, il y aurait eu une

avancée considérable. Les créanciers se réjouissent de la simplification des procédures de transfert

de propriété et de la durée de la validité de l’inscription hypothécaire.

Cependant, les Etats parties gagneraient à moderniser les administrations intervenant dans le

processus de constitution et de réalisation des hypothèques et veiller à ce qu’il y ait une

interconnexion entre elles pour faciliter la vérification de l’authenticité des informations requises

pour une réalisation certaine.

Par ailleurs, la promotion du métier d’agent de suretés s’avère nécessaire.

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Rapport Général du COJA 2013

Par Me Mesmer GUEUYOU

Avocat, Barreau de Nanterre

____________________________________

La question de la sécurité judiciaire vue sous l’angle de l’exécution des jugements et des sentences

arbitrales se présente comme un sujet englobant, à la confluence de problématiques diverses et

variées, dont l’interaction contribue, dans une sorte de complexité féconde, à revivifier les tissus du

droit des affaires en Afrique et mobiliser tant de juristes de nationalités et de spécialités diverses.

Chers amis, vous aurez certainement compris que la tâche que m’a aimablement assignée mon

frère Sadjo OUSMANOU n’était pas la plus facile de notre expédition ouagalaise. J’aurais tant

aimé passer plus longtemps dans les maquis à broyer les os des « poulets- bicyclette » plutôt que de

devoir observer, pendant deux journées, une attention de chasseur, à l’écoute des dires,

heureusement savants et intéressants, de juristes aguerris !

Pendant les deux journées donc, il s’est agit pour moi de tirer de notre Congrès toute la

quintessence des puissantes démonstrations dont les panélistes ont bien voulu nous gratifier sur

cette thématique de la sécurité judiciaire dont l’actualité n’a d’égale que l’acuité.

Aussi, il me plait de rappeler que des deux journées de travaux, la première a permis de mettre en

lumière un certain nombre problématiques propres à la justice publique fondée sur le droit

OHADA (I), tandis que la seconde a porté principalement sur la justice arbitrale, dans sa phase

ultime, à savoir le traitement accordée à la sentence à travers le traitement des recours en

annulation et des demandes d’exéquatur (II).

I – Sur l’exécution des décisions issues de la justice publique fondée sur le droit OHADA

Présidant la première session des travaux, le Professeur SAWADOGO a rappelé que le thème

retenu était au cœur de du droit et du système de l’OHADA, le droit étant le moyen le moins cher

de réaliser les objectifs économiques et sociaux. En effet, les lois juridiques sont les lois de finalité, à

la différence des lois de la physique qui sont des lois de causalité. Ce qui ferait la distinction entre

les sciences fondamentales et les sciences appliquées.

Au surplus, des deux exposés présentés à l’issue de cette première session, et ayant porté

respectivement sur la question de la détermination du juge du contentieux de l’exécution et le rôle

régulateur de la CCJA, deux idées principales ont pu en être dégagées : la relative vitalité du droit

OHADA par l’activité de la CCJA et l’imparfaite articulation entre les droits nationaux et le droit

OHADA, notamment en matière d’exécution des jugements et arrêts.

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A – La relative vitalité du droit OHADA par l’activité de la CCJA.

Le Président Marcel SEREKOISSE-SAMBA a affirmé d’emblée que le règlement de procédure de la

Cour comportait des faiblesses d’où l’idée d’un véritable code de procédure dans l’espace OHADA

qui serait un précieux support à l’harmonisation des pratiques juridictionnelles. Nonobstant ce

constat, le bilan de la Cour n’est pas si négligeable qu’il ne parait.

Installée en 1997, la Cour a pris ses premières décisions en 2001 dans les trois domaines de

compétence prévus par les articles 14 et suivants du Traité de Port-Louis, à savoir l'interprétation

des Actes uniformes, les avis consultatifs et l'administration des arbitrages. Ainsi, d’après des

statistiques actualisées au 30 juin 2013 la Cour peut revendiquer le bilan ci-après :

- En matière contentieuse, 1360 recours ont été enregistrés et 787 jugements rendus. 665 en matière

contentieuse et 20 arrêts de jonction de procédure. 122 affaires ont été retirées du rôle entre autres

pour défaut de provision. Le Président de la Cour a rendu 86 ordonnances. De ces chiffres, on

constatera que 42 % des affaires restent encore enrôlées. Sur le premier trimestre 2013, on

enregistre 84 recours, 64 décisions, 58 arrêts et 6 ordonnances. Ce qui fait un total de 75% de

décisions rendues en 2013.

- En matière d’arbitrage, 59 requêtes ont été enregistrées, dont 6 depuis 2013. Les tribunaux

arbitraux ont rendu 18 sentences sur le fond, contre 5 sentences de désistement, 21 sentences

d’incompétence et 2 retraits volontaires. 13 dossiers sont pendants.

- En matière consultative, 25 demandes d’avis ont été effectuées, dont 60% émanant du Secrétariat

permanent de l’OHADA.

De cette activité judiciaire de la CCJA, trois constats :

Une répartition géographique inégale, avec la Côte d’Ivoire comptant plus de 51% des recours,

suivi de près par le Cameroun ;

Une apparente lenteur dans le traitement des dossiers imputée aux juges ;

La nécessaire coopération entre la CCJA et les hautes juridictions nationales.

Au surplus, de nombreuses idées sont avancées pour éviter une situation de blocage prévisible.

L’accroissement du nombre de juge et la décentralisation du greffe de la Cour auprès des

institutions judiciaires nationales. Cependant, pour l’orateur, c’est plus la nécessité d’augmenter le

nombre d’assistants juridiques puisque seuls 3 assistant ont été prévus pour les 9 juges.

B– L’imparfaite articulation entre les droits nationaux et le droit OHADA en matière d’exécution

des jugements.

Le Président Birika Jean-Claude BONZI, dans un exposé très technique mais néanmoins rondement

mené sur le juge du contentieux de l’exécution, a évoqué les demandes ou contestations nées

avant toute procédure d’exécution forcée avant de s’appesantir sur le contentieux de l’exécution à

proprement parler.

Dans le premier cas, trois situations peuvent être identifiées :

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- Tout d’abord, l’astreinte, qui n’est pas une mesure donnée au juge pour prononcer des

dommages et intérêts mais plutôt une contrainte permettant au juge de faire exécuter sa

décision. Elle peut être provisoire ou définitive et le juge peut ne pas la liquider.

- Ensuite, les défenses à l’exécution provisoire qui sanctionnent les erreurs d’appréciation des

premiers juges. Aussi, le juge peut ordonner que sa décision soit exécutée malgré l’appel. Le

premier Président de la Cour d’appel est généralement le juge compétent.

- Enfin, le sursis à exécution d’un titre exécutoire qui découle, par exemple, de l’article 607

du Code burkinabé de procédure civile.

S’agissant du contentieux de l’exécution forcée, l’on retiendra à la faveur de la démonstration de

l’orateur que certaines parties n’exécutent pas par mauvaise volonté. Cependant, le juge du

contentieux se révèle mystérieux et a plusieurs visages. Aussi, d’après l’article 49 de l’Acte uniforme

sur le recouvrement, le juge compétent serait le juge statuant en matière d’urgence. Il s’agit sans

nul doute du juge des référés. Il y a cependant une différence entre le juge des référés proprement

parlant et le juge de l’exécution, le juge des référés ne pouvant pas statuer au fond. Le seul point

commun entre les deux concerne la procédure de leur saisine, à savoir la requête.

La question à se poser est celle de savoir si les dispositions des lois nationales sont conformes avec

l’article 49 de l’Acte uniforme sur le recouvrement, d’où cette imparfaite articulation entre les deux

les prescriptions de l’OHADA et les droits nationaux qui ont la latitude de déterminer

souverainement le juge compétent dans les matières régies par les Actes uniformes. Au demeurant,

les juges de l’exécution sont nombreux autant que le sont les domaines donnant lieu à contentieux

de l’exécution, et chacun joue un rôle particulier (voir par exemple, le juge de l’exécution en

matière de rupture conventionnelle du bail à usage professionnel don il est disposé qu’il « statut à

bref délai »).

II – Sur la justice arbitrale

La seconde journée du Congrès a été consacrée à la problématique de la justice arbitrale et,

notamment, l’exécution des sentences arbitrale.

Le premier thème mettait en exergue la question de l’efficacité de la sentence arbitrale à l’épreuve

du recours en annulation devant le juge étatique. La question de la sécurité juridictionnelle se

mesure également en matière d’exéquatur de la sentence arbitrale car pour en faire un titre

exécutoire, il faut une décision d’exéquatur. Ce qui peut soulever un important contentieux et la

mise en lumière de la complexité de la procédure du recours en annulation présentée par Dr.

Walid BEN HAMIDA. Aussi l’exécution des sentences suscite également des débats, notamment

quand l’une des parties est l’Etat ou ses démembrements, ceci vu sous le prisme des immunités

d’exécution abordées par Me Mamadou KONATE.

A – La complexité de la procédure du recours en annulation dans l’espace

OHADA

L’idée de base qui voudrait que tous les droits consacrent le principe de l’autonomie de l’arbitrage.

C’est une justice alternative permettant d’éviter les limites supposées ou réelles de la justice

étatique, ou plus pertinemment d’opter pour une justice dont les valeurs répondent mieux aux

aspirations des entreprises. Il y’a une confiance à l’égard des arbitres mais avec des limites du

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contrôle de l’Etat après le prononcé de la sentence. Cela étant, le recours en annulation est limité

car le juge ne peut réviser le fond de l’affaire, pas plus qu’il ne peut sortir des motifs d’annulation

limitativement fixés par l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage et invoqués par le recourant.

Dans le contexte OHADA, deux textes sont pertinents : l’Acte Uniforme sur l’arbitrage qui instaure

un droit moderne de l’arbitrage, de caractère ad hoc ou institutionnel (en ce qu’il peut être

administré par des Centres nationaux tels le CAMCO du Burkina ou le CPAM au Cameroun) et

l’arbitrage dans le cadre de la CCJA, basé sur un Règlement de procédure autonome, et qui n’est

pas en principe soumis à l’Acte uniforme. Dr. BEN HAMIDA a souligné au niveau des conditions

du recours en annulation la différence entre les stipulations de l’article 26 des l’Acte Uniforme

OHADA et l’article 22.1 du règlement d’arbitrage de la CCJA. Le premier cas prévoit les six cas

d’ouverture suivants :

1. Le tribunal statue sans convention ou sur une convention nulle ou expirée

2. La composition du tribunal est irrégulière

3. La mission de l’arbitre n’est pas respectée

4. L’absence du contradictoire

5. La violation de l’ordre public international des Etats parties

6. La sentence n’est pas motivée.

Le règlement de la Cour ne prévoit que quatre cas d’ouverture et omet le cas d’irrégularité de

constitution du tribunal arbitral et celui de l’absence de motivation en tirant notamment argument

de l’appui apporté par la Cour dans la constitution du tribunal arbitral CCJA. La question se pose

dès lors de savoir s’il est possible d’utiliser l’Acte Uniforme pour compléter les cas d’ouverture ne

figurant pas dans le règlement de la Cour ? Pour l’orateur, la réponse est forcément négative,

pourtant, dans sa jurisprudence, la Cour se réfère souvent à l’Acte Uniforme. D’où la complexité

dénotée de cette procédure, et même son caractère aléatoire puisque la CCJA brandit la

particularité de sa procédure en se prévalant de son Règlement quand cela l’arrange, et n’hésite

pas dans certaines situations à invoquer l’Acte uniforme, censément réservé aux arbitrages OHADA

non CCJA.

Une telle situation a été décriée par certains pendant les discussions qui ont suivi la

communication, le Dr. Sadjo Ousmanou qualifiant d’ailleurs l’attitude de la CCJA de « syndrome

du gésier »134

.

B – La recherche du principe de loyauté et de régularité dans le règlement des différends entre

l’Etat ou ses démembrements et ses partenaires d’affaire.

Me Mamadou KONATE s’est penché sur l’efficacité de la justice à l’épreuve des immunités

d’exécution opposées à des jugements ou sentences arbitrales impliquant l’Etat ou ses

démembrements. De prime abord, il a indiqué que l’Etat ne pouvait être soumis à la juridiction

d’un autre Etat, ce qui en droit international est l’émanation du principe de souveraineté.

134 En référence au fait que dans les familles africaines, une coutume voudrait que la consommation du gésier de poulet soit interdite aux femmes, et réservée uniquement aux hommes, la raison véritable étant que le gésier est une partie trop délicieuse du poulet… !

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En doctrine, il est commun de distinguer l’immunité absolue de l’immunité relative. Si la saisie des

bien de l’Etat porte sur des fonds par exemple, le critère public ou privé de ces biens est complété

par la nature publique ou privée des activités y afférentes. L’exécution forcée est possible sur les

personnes morales de droit public, surtout si le bien a été spécifiquement dédié à l’activité

économique ou commerciale privée. C’est le cas notamment en matière d’arbitrage (art 2 al2) :

L’Etat et ses démembrements peuvent faire l’objet d’un arbitrage. Aussi l’Etat renonce à son

immunité de juridiction par l’acceptation de la convention d’arbitrage. C’est le principe posé par

l’article 30 des Actes Uniformes sur les procédures simplifiées d’exécution des décisions.

Pour rendre la justice encore plus efficace, l’OHADA a prévu des restrictions aux immunités

d’exécution.

- En matière de sentence arbitrale, l’article 30 pose le principe du renoncement à l’immunité

d’exécution dont bénéficient l’Etat ;

- En matière de décision judiciaire, c’est le recours à la compensation qui est prévu par l’alinéa 2 de

l’article 30.

Au surplus, les immunités d’exécution et les solutions de contournement sont prévues par la

Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004. L’article 30 de l’Acte Uniforme dans sa

rédaction actuelle empêche toute restriction de l’immunité d’exécution des Etats, ce qui soulève la

question de la loyauté dans les relations économiques et commerciales des Etats. Il y a sans aucun

doute rupture d’égalité entre l’Etat et ses autres co-contractants. Il s’agit d’un conservatisme qui

persiste puisque les Etats tiennent à leur immunité d’exécution même si le critère de déblocage

reste la destination du bien pour l’Etat.

Le principe c’est donc l’immunité, sauf à démontrer que l’usage du bien est privé. Pour une

personne morale, il restera à démontrer que l’usage est public pour solliciter l’immunité. La

solution serait donc une proposition de réforme des articles 2 al 2 sur la renonciation à l’immunité

d’exécution et l’article 30 des Actes uniformes sur le recouvrement des créances. Ainsi, les

personnes morales de droit public pourront faire l’objet d’exécution forcée sans l’obstacle des

immunités.

Pour terminer, Me Barthélémy COUSIN a mis en lumière l’exécution des sentences arbitrales hors

de l’espace OHADA en soulignant la manière dont le juge français regarde les sentences en

provenance de notre espace. Partant de l’idée que le droit français de l’exéquatur présente une

certaine similitude avec le droit OHADA, il s’est penché sur les règles communes de compétence et

les particularités du droit français. Le volet pratique de sa communication a permis de mettre en

perspective une affaire (aff. Atlantique Telecom) qui a donné lieu à 13 décisions, et qui n’est même

pas encore terminée.

De l’exposé de Me COUSIN, trois leçons sont à retenir :

- Une leçon de procédure : si une annulation intervient par un juge ou la CCJA, elle ne s’impose pas

au juge français. D’où la question de la circulation des actes juridictionnels hors de l’espace

OHADA ;

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- La complexité démontrée de la justice arbitrale avec l’affaire présentée. Elle n’est pas aussi rapide,

simple, voire plus traçable que la justice publique. L’arbitrage épouse le contexte des faits soumis

aux arbitres, notamment l’arbitrage multipartite ou donnant lieu à des sentences partielles et une

procédure à rebondissements.

- La coopération entre le droit français et le droit OHADA qui est une réalité, du fait des similitudes,

des rapprochements et de la réceptivité par l’ordre juridique français des décisions rendues dans

notre espace.

En conclusion, la sécurité juridique est un sentiment profond basé sur la quiétude et la confiance

dans l’institution judiciaire. Et nous sommes venus jusqu’à Ouagadougou rechercher cette quiétude,

en espérant que le COJA 2013 nous aura permis d’en avoir quelques clés.

Ouagadougou, le 3 juillet 2013

FICHE TECHNIQUE DU COJA 2013:

Evènement : VIe édition du CONGRES AFRICAIN DES JURISTES D’AFFAIRES, COJA

2013

Concepteur - Organisateur: CADEV (Centre Africain pour le Droit & le

Développement)

Pays et institutions représentés: Benin; Burkina Faso; Cameroun; Congo; Côte

d’Ivoire ; France ; Guinée Conakry ; Mali ; Mauritanie ; Niger ; Togo ; RDC ;

BID/Djeddah ; CCJA/Abidjan ; COSUMAF/ Libreville

Nombre de participants : 82

Organismes partenaires : Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et

Centre Permanent d’Arbitrage et de Médiation du CADEV (CPAM)

Contacts: CADEV, BP 15810 Douala, Cameroun. Tél: +237 76 96 76 96/ 22 09 45 52

Brazzaville, Congo. Tel: +242 05 589 98 00/ 06 688 77 77

Web: www.cadevafrique.org

Courriel: [email protected]

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APPENDICE

A la découverte du Centre Permanent

d’Arbitrage et de Médiation du CADEV

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Fondements et légitimité du CPAM La création du CPAM-CADEV enrichit le paysage institutionnel de l’arbitrage et de la médiation en Afrique. Sa conception, inspirée par une longue expérience de l’administration et du développement des institutions d’arbitrage en Afrique, relève d’une analyse approfondie de l’existant et introduit des innovations intéressantes et originales. Puisant sa légitimité dans le droit OHADA (Traité et Acte uniforme), le CPAM s’est inséré dès sa création dans son environnement et son époque, en héritant du même dispositif juridique et institutionnel que celui applicable aux autres institutions d’arbitrage nationaux. Pour autant, le CPAM a, dès sa conception, était programmé pour être une institution différente qui tire ses

traits de caractère de l’expérience de ses fondateurs et des faiblesses notées chez ses devanciers

1- Le pari de l’innovation : revue des avantages comparatifs du CPAM La compétence du CPAM s’étend à des contrats commerciaux ou financiers conclus et exécutés sur le territoire camerounais, mais également en dehors du territoire camerounais, ce qui fait du CPAM une institution d’envergure internationale. Pour des raisons d’opportunité, le CPAM s’intéresse en priorité à la zone CEMAC, où il est la seule institution à proposer en même des services de médiation et d’arbitrage. Le CPAM peut offrir des services de Greffe ad hoc dans le cadre de procédures d’arbitrage ad hoc, en mettant à la disposition des arbitres ad hoc ses installations et son savoir-faire en terme de secrétariat-greffe, ce qui contribue à un meilleur encadrement des arbitrages ad hoc. Les médiateurs et les arbitres du CPAM doivent, préalablement à leur inscription définitive sur les Listes respectives, suivre une formation-certifiante appropriée. Avant l’ouverture de toute procédure, les parties et leurs conseils respectifs reçoivent une formation-briefing ponctuelle sur les valeurs de l’arbitrage et les points techniques du Règlement CPAM afin d’être sur un même pied d’égalité. 2- La Fondation CPAM

La Fondation CADEV est instituée pour contribuer à soutenir ou développer des actions de promotion-

vulgarisation de la justice alternative en Afrique, et aider les justiciables démunis à pouvoir faire face aux

frais d’arbitrage et de médiation .Outre les dons et contributions des donateurs, la Fondation est alimentée

par des prélèvements symboliques sur les frais administratifs perçus par le CPAM, ainsi que sur les honoraires

des arbitres et des médiateurs.

3- Des barèmes de frais d’arbitrage et de médiation incitatifs

Deux barèmes distincts, caractérisé par un certain nombre de frais :

Plafonnement des frais administratifs et des honoraires ;

Limitation des honoraires dus à un Tribunal à 3 arbitres au double de ceux qui seraient dus à un arbitre

unique (au lieu du triple);

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Calcul séparé de la provision pour frais d’arbitrage en cas de demande reconventionnelle ;

Possibilité pour les particuliers et les TPE de bénéficier d’une « aide juridictionnelle» (totale ou partielle)

grâce au concours de la Fondation.

4- Pourquoi faire confiance au CPAM pour le règlement de vos litiges ?

CPAM = première et unique institution en activité en Afrique centrale, proposant en même temps l’arbitrage et la médiation contractuels ; CPAM = une institution bilingue, internationale et multinationale ; CPAM = institution conforme à l’OHADA et dont les outils sont inspirés des standards internationaux. Ses sentences et ses accords de médiation ont valeur de jugement et sont susceptibles d’être reconnus par le droit du pays où ils seraient appelés à être exécutés.

CPAM = animé par des acteurs expérimentés et réputés pour leur compétence et leur intégrité. En plus le CPAM bénéficie du soutien des institutions et des experts de très grande réputation ;

CPAM = une institution dotée de multiples innovations et avantages comparatifs: code éthique, offre gratuite de formation préalable, frais plafonnés et partagés, agrément des arbitres et médiateurs uniquement formés et certifiés, Fonds de développement de la justice alternative, Equipe dirigeante pertinemment expérimentée.

5- Modèle de clause compromissoire CPAM « Tout litige qui viendrait à se produire au sujet de la validité, de l’interprétation, de l’exécution, de

l’inexécution, de l’interruption ou de la résiliation du présent contrat sera soumis à la médiation ou à

l’arbitrage sous l’égide du Centre Permanent d’Arbitrage et de Médiation du CADEV (CPAM),

conformément à son Règlement en vigueur.

La procédure choisie par le Demandeur s’impose au Défendeur.

Les parties s’engagent à respecter et à exécuter de bonne foi sentence issue de la procédure administrée

par le CPAM. Elles renoncent, en cas de médiation, à toute réserve ou contestation devant le juge saisi

de l’homologation de leur accord. ».