Grize Logique Et Discours Pratique Deontique

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  • 8/13/2019 Grize Logique Et Discours Pratique Deontique

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    Jean-Blaise Grize

    Logique et discours pratiqueIn: Communications, 20, 1973. Le sociologique et le linguistique. pp. 92-100.

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    Grize Jean-Blaise. Logique et discours pratique. In: Communications, 20, 1973. Le sociologique et le linguistique. pp. 92-100.

    doi : 10.3406/comm.1973.1299

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1973_num_20_1_1299

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_comm_273http://dx.doi.org/10.3406/comm.1973.1299http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1973_num_20_1_1299http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1973_num_20_1_1299http://dx.doi.org/10.3406/comm.1973.1299http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_comm_273
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    Jean-Blaise GrizeLogique et discours pratique

    J. Introduction.Aristote distinguait trois types de sciences : spculative ou thorique, pratiqueet potique 1. Dans la mesure o un savoir est formul dans une langue naturelle,je postulerai l'existence d'autant de types de discours. Un discours thoriqueva essentiellement prdiquer des objets et les mettre en relation les uns avec lesautres. Il exprimera des constats, des descriptions, des explications. Un discourspratique aura fondamentalement pour vise de rgler des actions. Ses noncspourront tre des ordres, des prescriptions, des suggestions.Sans chercher ici m'occuper des discours potiques, je remarquerai dj queles distinctions prcdentes n'impliquent nullement l'existence de genres purs. Pressez sur le bouton rouge et dcrochez le rcepteur vise bien diriger unesrie d'actions, mais il est vident que l'existence du bouton et celle du rcep

    teur sont poses et que le bouton est qualifi de rouge. Inversement, lorsqueBourbaki crit : On peut parler de la fonction rc3, si le contexte indique clairement 2... , on est au sein d'un discours minemment thorique et toutefois laphrase vise aussi autoriser une action.C'est pourquoi il me parat utile de distinguer trois sortes de fonctions dans undiscours et ceci indpendamment de son type principal. Une fonction schmatisanteui sert construire un modle de la situation envisage, une fonctionjustificatrice qui sert tayer les dits et une fonction organisatrice qui conduit ledroulement mme du discours 3. C'est au niveau de la fonction justificatriceque les logiciens ont labor leurs systmes formels : logique des propositionset des prdicats pour les discours thoriques, logiques dontiques pour les discours pratiques. C'est ce niveau que je me placerai dans cette tude.

    1. Topiques, VI, 6, 145 a 15.2. lments de mathmatiques, XVII, Thorie des ensembles, Paris, Hermann, 1954,p. 79.3. J.-B. Grize, G. Vignaux, Les Modes logiques de l'argumentation, Genve, Librairi roz ( paratre).92

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    Logique et discours pratique2. Les logiques dontiques 1.

    Si l'on entend formalisation au sens large du terme, les matres en la matiresont (par ordre alphabtique ) Aristote, Kalinowski et von Wright. Je voudraiscependant commencer par en faire abstraction pour signaler quelques-unes desdifficults que prsente la formalisation des rgles d'action.La premire ide qui vient l'esprit est d'utiliser le paralllisme qui sembleexister entre les modalits althiques (il est ncessaire que p, not p, il estpossible que p, not

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    Jean-Blaise Grizeculier ceux connus sous le nom de paradoxes de l'implication stricte , parexemple : H ~{}p D (p D g). Transpos, il devient : H ^ Pp D O (p D q).Ainsi s'il n'est pas permis d'insulter le chef de l'Etat (**> Pp), il est obligatoire,si on l'insulte (p), de le tuer (q) ou de faire d'ailleurs n'importe quoi d'autre.Un autre obstacle dcoule de ce que de nombreux systmes modaux (althi-ques) distinguent les modalits rptes des modalits simples. Pour eux, nOtHP Par exemple ne se rduit pas la simple ncessit. Or si, dans desappareils juridiques hirarchiss, il est encore possible de donner un sens desexpressions du genre II est obligatoire qu'il soit possible de rendre p obligatoire ,on voit mal comment interprter II est obligatoire qu'il soit obligatoire qu'ilsoit possible qu'il soit obligatoire que p .Ceci suffit faire voir l'inadquation de ce genre de modles qui tentent derduire plus ou moins la logique des normes celle du ncessaire. Il y a d'ailleurs cela diverses raisons dont deux peuvent dj tre signales ici.1. Mme si l'on dclare, comme le fait Prior (1955), que les propositions p, q, ...sont limites celles qui expriment des actions, celles-ci, en tant que telles, nefigurent pas dans le formalisme. C'est ce quoi von Wright a remdi dans Normand Action x. Schmatiquement, son ide est la suivante.Une action s'exprime par une transformation T d'un tat de fait (par exemple : p T p). D'autre part, on peut accomplir une action(to do) et on a d (f** p T p), ou on peut s'en abstenir (to forbear) et on a/ (

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    Logique et discours pratiqueM est ce que Kalinowski appelle la permission bilatrale.Cette faon de procder est de loin celle qui me parat la plus adquate. Ellevite en tous cas les paradoxes du genre -L ^ Pp D O (p D q) et, combineavec certains lments de la logique des prdicats 1, elle permet la formalisation

    des raisonnements juridiques. Il n'est toutefois pas certain qu'elle suffise tous les aspects pratiques du discours. Il ne s'agit pas d'en faire grief son auteur.Celui-ci a adopt une position tout fait claire : ... Les systmes Kx et K2 sontl'uvre d'un juriste, ou plus exactement d'un philosophe du droit, en mal d'unfondement logique des raisonnements au moyen desquels sont infres effectivementertaines normes morales et juridiques 2 . Mais, m'appuyant sur cet acquis,je voudrais examiner la possibilit d'un largissement et, puisque aussi bien leslangues naturelles sont capables de drouler tous les aspects d'un discourspratique, je voudrais commencer par revenir elles.3. Retour aux langues naturelles.

    Il est essentiel de prendre au srieux le fait que ce que Ducrot appelle lalogique du langage 3 n'est pas identique la logique du mathmaticien. Le phnomne cl, celui qui, selon moi, distingue fondamentalement les langues naturelles de tout systme formel est la prsence en elles d'un sujet nonciateur 4. Mais,comme il ne parat pas encore possible d'en laborer une thorie spcifique, aumoins faut-il tre attentif reprer certaines des marques de sa prsence. Je vaisen retenir trois et faire correspondre chacune un principe de mthode.1. Considrons une assertion quelconque, par exemple p = df Pierre quittela maison . Quelle que soit la modalit choisie (althique, physique, dontique...),il existe deux faons de modaliser p :(a) II faut que Pierre quitte la maison.(b) Pierre doit quitter la maison.Dans le cas (a), l'oprateur il faut porte sur p. La chose est marque par lajointure que, ventuellement encore par une forme subjonctive. On est donc enprsence de deux niveaux de langue. Si l'on convient d'appeler linguistiquele niveau le plus bas celui de l'assertion simple on pourra appeler mta-linguistiques tous les autres. Dans le cas (b), l'oprateur doit porte sur la relation quitter et l'nonc tout entier est situ au niveau linguistique. Le changement e niveau correspond une des significations que les Anciens donnaientaux modalits de dicto et le niveau unique aux modalits de re.Il est vident que, du point de vue logique, les deux procds ne sauraient treconfondus. Dans le cas (a), on aura quelque chose du genrevaleur de p = la ncessittandis que, dans le cas (b), on sera en prsence d'un oprateur propositionnel,analogue

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    Jean-Blaise Grizelangues naturelles, le sujet nonciateur peut juxtaposer, son gr, des expressionsde niveaux diffrents. Ainsi, la phrase

    II est vrai que Pierre quitte la maison et il le doit est parfaitement admissible en franais.De l ce que j'appellerai le principe des niveaux variables : le sujet nonciateurpeut toujours lever un nonc donn d'un niveau et, si l'nonc donn est d'unniveau suprieur un, l'abaisser d'un degr.Ce principe entrane diverses consquences, dont les suivantes : Un mme nonc p peut indiffremment tre utilis comme un nonc thorique

    II est vrai que p ou comme un nonc pratique C'est un fait que p . Le nombre des niveaux effectivement manipulable tant petit, le problme

    des modalits ritres se trouve rsolu de facto. L'observation montre, en effet,qu'on rencontre rarement plus de deux niveaux mtalinguistiques : Je disqu'il est possible que je me trompe. Si p est une proposition, en ce sens qu'elle est vraie ou fausse, II est Oque p sera une proposition en un sens diffrent. Mais, grce au principe ci-dessus,rien n empchera le sujet de la placer au mme niveau que p et, en particulier,de lui appliquer comme p l'opration de ngation.2. Partons de l'expression Vous devez sortir d'ici . On est en prsenced'un type particulirement intressant d ambigut. La phrase peut prendre,en effet, l'un des trois sens suivants : Un constat : C'est un fait que vous devez sortir d'ici. Un ordre : Sortez d'ici Un jugement normatif : Vous avez l'obligation de sortir d'ici.Ceci montre que la forme syntaxique seule peut tre insuffisante pour dterminer la signification d'une phrase et qu'il est ncessaire de recourir sa fonction. Or, la dtermination de la fonction peut dpendre soit de la situation, soitdu contexte. La situation sera, par exemple, dterminante dans le cas o lapersonne interpelle se trouvera dans une fonderie de graisses et sera manifestement indispose par l'odeur (qu'il faut avoir prouve pour juger ). Quant aucontexte, il est souvent prcis au cours du dialogue lui-mme : Vous devez sortir d'ici. C'est un ordre ? Non, c'est le rglement. Je n'y peux rien.De l le principe de la double dtermination : dans tout discours, le sujetnonciateur considre comme acquises un certain nombre de donnes situation-nelles et contextuelles.3. Sauf dans les cas o un discours se droule dans un cadre systmatique fixe(technologique dtermin, juridique, etc.), on n'a aucune raison de penser queles modalits en jeu appartiennent une unique famille. G. Le Bonniec a montr 1

    1. G. Le Bonniec, tude gntique des aspects modaux du raisonnement, paratre1973 chez Mouton.96

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    Logique et discours pratique quelles difficults l'enfant se heurtait pour coordonner les diffrents systmesde modalits. Rien ne permet de soutenir que la pense adulte a rsolu le problme une fois pour toutes. Tout au contraire, plusieurs faits laissent entendrequ'il reste ouvert.

    D'abord l'absence de certains termes. Si l'on a ncessaire, possible et impossible, on a des raisons de penser que contingent n'quivaut pas non ncessaire 1.Des lacunes analogues se prsentent dans d'autres types de modalits. Ensuiteles ambiguts du genre pouvoir, devoir en franais, qui semblent servir de charnires mobiles entre familles modales. Enfin le fait que les contradictions les plusfrquemment reconnues sont ralises entre des familles diffrentes. Elles sont,par exemple, du genre : agir au contraire de ce que l'on pense. Il faut noter enfinque les phnomnes de mtalangue signals par que dpassent, et de loin, lescatgories modales tudies par les logiciens. La chose se comprend d'ailleursfacilement, si l'on tient compte de ce que, pour qu'un agent accomplisse effectivement une action, il faut non seulement qu'il puisse la faire (aux deux sens depouvoir), mais qu'il le veuille et que, pour cela, il la juge bonne, belle ou utile.4. Essai de description formalisante.

    Tout ceci conduit ce que j'appellerai le principe d'ouverture : quel que soitle systme de modalits auquel le sujet nonciateur a emprunt, il peut toujoursen sortir pour en utiliser un autre.Pour tenir compte la fois de ce qui prcde, en mme temps que du fait nonmoins important que c'est la mme intelligence qui utilise les langues naturelleset les systmes formels, il me parat actuellement raisonnable d'adopter une voiemoyenne. J'entends par l qu'il faut provisoirement renoncer une formalisationtricte des phnomnes discursifs, sans se contenter nanmoins de descriptionsoutes extrieures.Se demander uniquement par quelles transformations on peut passer de Onpeut quelque chose et de On n'aime pas ce film On peut ne pas aimer cefilm 2 claire peut-tre les mcanismes de la langue, mais certainement pasceux de la pense. Quant poser globalement, comme le faisait Goblot (il estvrai que l ouvrage est fort ancien) que la transformation de la vrit thoriqueen rgle pratique s'opre tout simplement en mettant l'impratif le verbe quiest l'indicatif dans la premire 3 , cela relve davantage d'un mauvais exercice de grammaire pour tudiants de langues trangres que de la logique.Je vais donc tenter, pour terminer, de m'engager quelque peu dans cette voiemoyenne, en tenant compte, en particulier, des trois principes ci-dessus et enempruntant, comme je l'ai dj dit, au systme Kx de Kalinowski.Soit donc deux types de variables : x, y, ... des variables d'agents (metavariables X) et a, (3, ... des variables d'actions (metavariables A). Soit

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    Jean-Blaise Grizepropositionnelles. Il s'ensuivra que, si les minuscules avec indices sont desconstantes, des expressions de la forme 0 xx alt (y x) (g a) x a, ... seront despropositions. (Pour simplifier les critures, je laisserai tomber les indices dansce qui suit.)

    En vertu du principe des niveaux variables, la lecture de xa. x ty xa), soit

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    Logique et discours pratiqueExemple : x doit ne pas faire a et a; promet de faire a .Posons maintenant une nouvelle rgle, reliant la ngation propositionnelle la ngation d'action.Rgle i. n j^j 0 XA~XA n, iSi, pour une raison quelconque, un oprateur

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    Jean-Blaise Grize(1) Oprateur du type c qui permet les thormes 2 et 7.(2) Oprateur du type s qui permet le thorme 5.(3) Oprateur des types c et s qui permet le thorme (*).2. Les oppositions dgages ci-dessus sont de deux espces : des contraires

    Thormes 2, 3, 4 et 7) et des contradictoires (Thorme 6). En fait, l tude quenous avons entreprise avec G. Le Bonniec sur la contradiction au sein des discours quotidiens (textes d'crivains, de philosophes, de journalistes) montre quetoutes deux sont nonces comme des contradictions. La vraie contradictionlogique, savoir le couple p ~ , n'est pratiquement pas atteste au profitdes contraires logiques, souvent d'ailleurs entre systmes modaux diffrents.Ce qui prcde constitue une esquisse d'une faon d'introduire une certainecohrence formelle entre des faits, sans cependant les transformer en un systmeclos. Il reste toutefois montrer comment de tels systmes peuvent tre engendrs.La chose est possible au prix d'un degr supplmentaire d'abstraction.Soit de nouveau un oprateur O quelconque et les deux rgles :

    limination de la double ngation propositionnelle :ilimination de la double ngation d'action :0 XA -> XA.Soit alors les quatre transformations formelles suivantes :1 O XA = O XA

    = 0> XAII est trivial de montrer que ces quatre transformations forment, par composit

    ion,n groupe isomorphe au groupe de Klein. Si E est une quelconque des quatreexpressions engendres, si || dsigne la relation de contradiction logique entreL E et une de ses transformes, ] la relation de contrarit, \. celle de subcontr rit et > celle d implication; si l'on suppose encore que O est du type cet ^ O du mme type, alors on aura le tableau suivant :

    EXA~OXiXA~X

    iEXA~ XiXA~*x

    XE~XAOXi~