Groupement de Textes

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Groupement de textes.

Texte 1 ( l'auteur crit au moment des vnements de mai 1968. Toute la France est en grve et des manifestations embrasent Paris)11 mai. - Dans la nuit de jeudi vendredi, j'ai t tir de mon sommeil par la voix de la foule : les tudiants qui descendaient le boulevard Raspail, grand bruit sinistre. Depuis, il y a eu des dsordres, des barricades du Luxembourg, etc.

12 mai. - Suffit-il d'un peu de soleil sur l'or d'une croix pour te faire rver au Paradis, me bizarre ? Cet aprs-midi, vers quatre heures, dans la chapelle des Missions, presque vide et si profondment tranquille que je m'y serais cru au fond d'un bois ; un prtre lisant son brviaire, une religieuse en gris assoupie sur sa chaise. J'ai eu un moment de paix trange en regardant le tabernacle. Il y a donc, en ce monde tragique, des oasis comme cette glise o Dieu attend qu'on vienne le voir. Cela au moins n'a pas chang.- On rouvre la Sorbonne, on met les prisonniers en libert provisoire. Reste la grve annonce pour demain et laquelle ne tiennent plus que les partis de gauche pour des raisons politiques.

13 mai. - Lit-on pour tre savant ou pour tre sauv ? C'est la question que je me pose depuis ma dix-huitime anne. Savoir l'histoire, par exemple, est d'un intrt tout relatif. Cependant il y a la masse de lectures profanes qui m'ont t utiles pour apprendre mon mtier. J'ai sans doute trop aim ces livres, mais quelle beaut parfois dans une littrature tout entire tourne vers le monde visible !- La grve que l'on croyait carte a lieu malgr tout, bien qu'elle semble dsormais sans motif. l'heure qu'il est, on croit qu'elle prend fin.- Bien travaill mon livre qui, parfois, me parat bon, mais qui le lira ?

Julien GREEN, Journal, 1968, IX, Ce qui reste du jour, 1966-1972, La Pliade, Gallimard.

Texte 2 Le Chocolat.De temps autre, chacun d'entre nous se voyait attribuer une bote en simple carton gris, et c'tait, figurez-vous, un cadeau de la grande chocolaterie Cadbury. La bote contenait douze barres de chocolat, toutes de tailles diffrentes et fourres diffremment, portant chacune un numro, de un douze, grav dans le chocolat sur la surface postrieure. Onze des barres taient de nouvelles inventions de la fabrique. La douzime tait la barre " de contrle " que nous connaissions bien, en gnral un Cadbury la crme de caf. Dans la bote se trouvait galement une feuille de papier, comportant des numros de un douze ainsi que deux colonnes, l'une o l'on notait chaque barre de un dix, l'autre rserve aux commentaires.Tout ce que l'on nous demandait en change de ce merveilleux cadeau, c'tait de goter chaque barre avec soin, de lui donner une note et d'crire un commentaire intelligent indiquant pourquoi nous l'aimions ou ne l'aimions pas. C'tait une habile opration : Cadbury se servait des plus grands experts en chocolat du monde pour tester ses nouvelles inventions. Nous tions d'un ge raisonnable, entre treize et dix-huit ans, et possdions une connaissance approfondie de tous les chocolats possibles et imaginables, depuis les paillettes au lait jusqu'aux fourrs au citron. De toute vidence, nos opinions sur toutes les nouveauts dans ce domaine seraient de la plus grande valeur. Nous nous lanmes tous dans ce jeu avec le plus vif enthousiasme. Assis dans nos salles d'tude, nous grignotions chaque barre en prenant des airs de connaisseur, lui donnant une note accompagne de commentaires. " Trop subtil pour un palais ordinaire ", je me souviens avoir crit un jour.Pour moi, le plus important, c'tait que je commenais me rendre compte que les plus grandes fabriques de chocolat possdaient rellement des " laboratoires de recherche " et qu'elles prenaient leurs inventions trs au srieux. J'imaginais une longue pice blanche, avec des chaudrons pleins de chocolat, de caramel et une foule d'autres mlanges dlicieux bouillonnant sur des fourneaux, tandis que des hommes et des femmes en blouse blanche circulaient de chaudron en chaudron, gotant, mlangeant, concoctant leurs merveilleuses trouvailles.Je me voyais moi-mme travaillant dans un de ces labos et, un beau jour, je mettais au point une friandise d'un got si dlicieux que je l'empoignais au creux de ma main, sortais du labo, me ruais dans le couloir, et me prcipitais droit chez M. Cadbury en personne. " J'ai trouv, monsieur ! hurlais-je en posant le chocolat devant lui. C'est fantastique ! Fabuleux ! Prodigieux ! Irrsistible ! " Lentement, le grand homme ramassait entre mes doigts le chocolat que je venais d'inventer, en prenait une petite bouche, la faisait rouler dans sa bouche. Et brusquement, il bondissait de son fauteuil en criant : " Vous avez russi ! Vous avez trouv ! C'est un miracle ! " II me donnait une grande claque dans le dos et se remettait vocifrer : " Nous en vendrons des millions ! Nous allons inonder le monde entier ! Comment avez-vous russi pareil exploit ? Je double votre salaire. "C'tait grisant de s'abandonner ce genre de rveries et je sais pertinemment que, trente-cinq ans plus tard, la recherche d'une histoire pour mon deuxime livre d'enfants, je me rappelai ces petites botes en carton gris et les chocolats nouvellement invents qu'elles contenaient, et je commenai crire un livre appel : " Charlie et la Chocolaterie ".

Roald DAHL, Moi, boy, Trad. Janine Hrisson,

Texte 3 Lettres de PoilusMa bien chre Lucie,

Quand cette lettre te parviendra, je serai mort fusill. Voici pourquoi :Le 27 novembre, vers 5 heures du soir, aprs un violent bombardement de deux heures, dans une tranche de premire ligne, et alors que nous finissions la soupe, des Allemands se sont amens dans la tranche, m'ont fait prisonnier avec deux autres camarades. J'ai profit d'un moment de bousculade pour m'chapper des mains des Allemands. J'ai suivi mes camarades, et ensuite, j'ai t accus d'abandon de poste en prsence de l'ennemi. Nous sommes passs vingt-quatre hier soir au Conseil de Guerre. Six ont t condamns mort dont moi. Je ne suis pas plus coupable que les autres, mais il faut un exemple. Mon portefeuille te parviendra et ce qu'il y a dedans. Je te fais mes derniers adieux la hte, les larmes aux yeux, l'me en peine. Je te demande genoux humblement pardon pour toute la peine que je vais te causer et l'embarras dans lequel je vais te mettre... Ma petite Lucie, encore une fois, pardon. Je vais me confesser l'instant, et espre te revoir dans un monde meilleur.Je meurs innocent du crime d'abandon de poste qui m'est reproch. Si au lieu de m'chapper des Allemands, j'tais rest prisonnier, j'aurais encore fa vie sauve. C'est la fatalit. Ma dernire pense, toi, jusqu'au bout.

Henry FLOCH

Texte 4 : RfugiAux premiers jours de fvrier 1939, l'arme rpublicaine espagnole en droute prend le chemin de l'exil ; elle se dirige vers la France toute proche, o elle espre trouver refuge et accueil. L'auteur se souvient et tmoigne...Ce jour-l, 12 fvrier 1939, le froid humide pntre jusqu'au plus profond des os. Des nuages sales couvrent le ciel, ajoutant la tristesse et la froidure de cet instant. Nous allons franchir la frontire.Les Pyrnes regardent arriver ces hommes puiss, affams et meurtris. Que va-t-il advenir de nous ? Pendant plus de deux ans, nous avons soutenu la guerre contre Franco et ses allis. Cette guerre, nous la laissons derrire nous. Une immense angoisse s'empare de moi mesure que mes pas me rapprochent du sol franais.Une dernire fois, je tourne mon regard vers cette terre o reposent tant de camarades de combat. Mon corps est secou de spasmes douloureux. Mes yeux voudraient dverser des torrents de larmes mais demeurent secs, terriblement secs... Pouss doucement par des mains amies, je franchis la frontire. Mes premiers pas dans le pays de la Libert, de l'galit et de la Fraternit, dans le pays des Droits de l'homme me conduisent devant un policier ou un employ des douanes, je n'en sais rien. Ici tous les reprsentants de l'autorit portent le mme genre de kpi. Aussitt, il prend le Leca qui pend mon cou. Je crois que c'est pour en retirer la pellicule et me le rendre. Mais non, il le garde. Comme je proteste, il me menace de son arme et me pousse brutalement en criant : " Allez ! Allez ! " Ces mots-l, je n'ai pas fini de les entendre...L'immense cohorte des rfugis marche lentement, entre deux haies de soldats de toutes armes et de toutes races. L'accueil est vraiment digne des combattants que nous sommes.On dirait qu'ils veulent rendre hommage l'arme de la Rpublique espagnole. Erreur, ces forces ont pour unique mission d'viter les contacts avec la population civile, de mieux nous contrler. Cette lente progression me permet de voir loisir les troupes marocaines, avec leurs djellabas et leurs turbans, montes sur leurs petits chevaux nerveux. ct se tiennent les gardes mobiles, bien nourris. Viennent ensuite les soldats sngalais, aux joues marques de scarifications qui indiquent leur tribu d'origine. Enfin, diffrents rgiments des troupes rgulires de la mtropole, les seuls nous rconforter par quelques regards de sympathie.Combien de kilomtres avons-nous parcourus ? je ne sens qu'une immense fatigue, un dsir bestial de me coucher et de dormir, dormir... Des camarades, dans le mme tat que moi, s'arrtent. Les gardes mobiles les poussent sans mnagement, accompagnant leurs gestes d'un " Allez ! Allez ! " qui se rpercute tout au long de la colonne. Illustration immdiate du mot fraternit.Nous approchons, du mme pas tranant, des maisons d'un village franais, Le Boulou. Les premiers civils nous accueillent sur leur sol. Ceux qui nous voient dfiler ont des mines ahuries. Certains par solidarit pour les souffrances videntes qu'ils dclent sur nos visages. D'autres, par peur de ces " rouges " prsents comme une horde de malfaisants, sans loi ni conscience. Des enfants doivent demander leurs parents o nous avons cach nos cornes et nos queues de diables.Parfois, on nous lance quelques morceaux de pain. Mais le plus mouvant est le geste de ces femmes qui, nous prenant par le bras, nous conduisent la porte d'une modeste maison. L, elles nous offrent une tasse de caf chaud. Elles sont pour moi le peuple de France, celui qui envoya du lait pour nos enfants, celui qui vint combattre nos cts dans les brigades internationales.

Luis BONET, Une auberge espagnole, Trad. Christian Delavaud, Gallimard, 1994.

Texte 5

" Tu tais " me dit-on " mchant, tu pleurnichais avec malicedevant des gens de connaissance,c'tait vraiment trs embtant.

" Tu chialais, enfant, comme un veau et tu n'en faisais qu' ta tte,tu hurlais pour une calotte et tu ameutais les badauds.

" Tu barbouillais de chocolattes beaux vtements du dimanche sous le prtexte que ta tante avait oubli tes soldats.

" Maintenant tu es devenu le plus grand cancre de ta classe, nul en gym' et en langue anglaise et chaque jeudi retenu.

" Sur des dizaines de cahiers tu cris de longues histoires, des romans, dis-tu, d'aventures ; mon fils, te voil bon--lier.

" Tu connais tous les pharaons de la trs vnrable Egypte, tu veux dchiffrer le hittite, mon fils, tu n'es qu'un cornichon.

" Je vois que tu transcris les noms et les oeuvres des gomtres anciens tels que cet Archimde, mon fils, tu n'as pas de raison. "

Alors je me mis au travail et dcrochai plus d'un diplme. Hlas ! quel pauvre jeune homme plus tard je suis devenu .Raymond QUENEAU, Chne et Chien, Gallimard, 1952.

Texte 6

26 aot 1944, devant moi, les Champs-ElysesJe ranime la flamme. Depuis le 14 juin 1940, nul n'avait pu le faire qu'en prsence de l'envahisseur. Puisse quitte la vote et le terre- plein. Les assistants s'cartent. Devant moi, les Champs-Elyses! Ah !C'est la mer ! Une foule immense est masse de part et d'autre de la chausse. Peut-tre deux millions d'mes. Les toits aussi sont noirs de monde. toutes les fentres s'entassent des groupes compacts, ple-mle avec des drapeaux. Des grappes humaines sont accroches des chelles, des mts, des rverbres. Si loin que porte ma vue, ce n'est qu'une houle vivante, dans le soleil, sous le tricolore.Je vais pied. Ce n'est pas le jour de passer une revue o brillent les armes et sonnent les fanfares. Il s'agit, aujourd'hui, de rendre lui-mme, par le spectacle de sa joie et l'vidence de sa libert, un peuple qui fut. hier, cras par la dfaite et dispers par la servitude. Puisque chacun de ceux qui sont l a, dans son cur, choisi Charles de Gaulle comme recours de sa peine et symbole de son esprance, il s'agit qu'il le voie, familier et fraternel, et qu' cette vue resplendisse l'unit nationale. Il est vrai que des tats-majors se demandent si l'irruption d'engins blinds ennemis ou le passage d'une escadrille jetant des bombes ou mitraillant le sol ne vont pas dcimer cette masse et y dchaner la panique. Mais moi, ce soir, je crois la fortune de la France. II est vrai que le service d'ordre craint de ne pouvoir contenir la pousse de la multitude. Mais je pense, au contraire, que celle-ci se disciplinera. II est vrai qu'au cortge des compagnons qui ont qualit pour me suivre se joignent, indment, des figurants de supplment. Mais ce n'est pas eux qu'on regarde. Il est vrai, enfin, que moi-mme n'ai pas le physique, ni le got, des attitudes et des gestes qui peuvent flatter l'assistance. Mais je suis sr qu'elle ne les attend pas.Je vais donc, mu et tranquille, au milieu de l'exultation indicible de la foule, sous la tempte des voix qui font retentir mon nom, tchant, mesure, de poser mes regards sur chaque flot de cette mare afin que la vue de tous ait pu entrer dans mes yeux, levant et abaissant les bras pour rpondre aux acclamations. Il se passe, en ce moment, un de ces miracles de la conscience nationale, un de ces gestes de la France, qui parfois, au long des sicles, viennent illuminer notre Histoire. Dans cette communaut, qui n'est qu'une seule pense, un seul lan, un seul cri, les diffrences s'effacent, les individus disparaissent. Innombrables Franais dont je m'approche tour tour, l'toile, au Rond-Point, la Concorde, devant l'Htel de Ville, sur le parvis de la Cathdrale, si vous saviez comme vous tes pareils! Vous, les enfants, si ples! qui trpignez et criez de joie; vous, les femmes, portant tant de chagrins, qui me jetez vivats et sourires ; vous, les hommes, inonds d'une fiert longtemps oublie, qui me criez votre merci, vous, les vieilles gens, qui me faites l'honneur de vos larmes, ah ! comme vous vous ressemblez ! Et moi, au centre de ce dchanement, je me sens remplir une fonction qui dpasse de trs haut ma personne, servir d'instrument au destin.

Charles De Gaulle. Mmoires.Texte 760Je me souviens des G-7 avec leurs vitres de sparation et leurs strapontins.

61Je me souviens que Les Noctambules et Le Quartier Latin, rue Champollion, taient des thtres.

62Je me souviens des scoubidous.

63Je me souviens de " Dop Dop Dop, adoptez le shampooing Dop. "

64Je me souviens comme c'tait agrable, l'internat, d'tre malade et d'aller l'infirmerie.

65Je me souviens qu' l'occasion de son lancement, l'hebdomadaire Le Hrisson (" Le Hrisson rit et fait rire ") donna un grand spectacle au cours duquel, en particulier, se droulrent plusieurs combats de boxe.66Je me souviens d'une oprette dans laquelle jouaient les Frres Jacques, et Irne Hilda, Jacques Pils, Armand Mes-tral et Maryse Martin. (Il y en eut une autre, des annes plus tard. galement avec les Frres Jacques, qui s'appelait La Belle Arabelle ; c'est peut-tre dans celle-l, et pas dans la premire, qu'il y avait Armand Mestral).

67Je me souviens que je devins, sinon bon, du moins un peu moins nul en anglais, partir du Jour o je fus le seul de la classe comprendre que earthenware voulait dire " poterie ".

68Je me souviens de l'poque o il fallait plusieurs mois et jusqu' plus d'une anne d'attente pour avoir une nouvelle voiture.

Georges Prec, je me souviens 1978, Seuil

Texte 8

Puis ce qu'il y a surtout c'est qu'on respecte plus les mtiers manuels comme on les respectait dans le temps, dans le temps c'tait un titre de noblesse d'tre un bon ouvrier prenez les compagnons du Tour de France il fallait qu'ils fassent quelque chose de difficile puis qu'ils le prsentent aux matres-ouvriers c'tait bien les ouvriers qui les jugeaient pas les patrons bon tout a a disparu il n'y a plus gure que dans la charpente qu'on maintient la tradition vous avez un restaurant rue Mabillon qui s'appelle Les Charpentiers en souvenir de l'poque o la Mre nourrissait les compagnons eh bien tous les trois ans ils font encore un chef-d'uvre et j'ai vu dernirement un clocher qu'ils avaient mont entirement en bois sans un seul clou c'tait magnifique seulement quand j'ai dbut ces principes-l taient toujours bien vivants je me rappelle Poitiers dans les annes vingt on voyait encore des vieux ouvriers serruriers qui venaient travailler avec leur chapeau melon et leur lavallire mais mme en bleus on voulait que notre travail soit honor puis qu'on nous honore aussi on aurait jamais accus un ouvrier d'avoir vol chez un client les gens vous faisaient venir chez eux en toute confiance parce qu'ils savaient qu'on toucherait jamais quoi que ce soit puis qu'on tait srieux qu'on aimait notre mtier malgr qu'on nous payait moins que maintenant et qu'on laissait les patrons dcider du salaire de chacun selon l'ide qu'ils se faisaient de sa valeur.

A. BLASQUEZ, Gaston Lucas, serrurier, Terre Humaine, Plon.