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EHESS Groupements volontaires d'intensité religieuse dans le christianisme et l'islam La Vita religiosa. Per una sociologia della vita consacrata by Salvatore Abbruzzese; Intransigeance ou compromis. Sociologie et histoire du catholicisme actuel by André Turcotte; Les Voies d'Allah. Les ordres mystiques dans le monde musulman des origines à aujourd'hui by Alexandre Popovic; Gilles Venstein Review by: Jean Séguy Archives de sciences sociales des religions, 42e Année, No. 100 (Oct. - Dec., 1997), pp. 47-60 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30127345 . Accessed: 10/06/2014 08:15 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.108.96 on Tue, 10 Jun 2014 08:15:54 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Groupements volontaires d'intensité religieuse dans le christianisme et l'islam

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Groupements volontaires d'intensité religieuse dans le christianisme et l'islamLa Vita religiosa. Per una sociologia della vita consacrata by Salvatore Abbruzzese;Intransigeance ou compromis. Sociologie et histoire du catholicisme actuel by André Turcotte;Les Voies d'Allah. Les ordres mystiques dans le monde musulman des origines à aujourd'hui byAlexandre Popovic; Gilles VensteinReview by: Jean SéguyArchives de sciences sociales des religions, 42e Année, No. 100 (Oct. - Dec., 1997), pp. 47-60Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30127345 .

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Arch. de Sc. soc. des Rel., 1997, 100 (octobre-ddcembre) 47-60 Jean SEGUY

GROUPEMENTS VOLONTAIRES D'INTENSITE RELIGIEUSE

DANS LE CHRISTIANISME ET L'ISLAM

Apropos de:

ABBRUZZESE (Salvatore), La Vita reliciosa. Per una sociologia della vita consacrata. Rimini (Italie), Guaraldi, 1995, 318 p. (pr6face de Ldo Moulin; Sag- gi, Percorsi et alii, 4).

TURCOTTE (Andr6), Intransigeance ou compromis. Sociologie et histoire du catholicisme actuel. Mon- trial, Fides, 1994, 455 p. (coll. << Sciences humaines et religions >>, 51).

POPOVIC (Alexandre), VENSTEIN (Gilles), 6ds., Les Voies d'Allah. Les ordres mystiques dans le monde miusulman des origines & aujourd'hui. Paris, Fayard, 1996, 711 p.

Certaines notes de lectures naissent de la r6flexion spontande de l'auteur livrd A ses lectures ordinaires. Les textes issus de ce processus simple se si- gnalent par un discours continu et un style d'une certaine unit&.

La prdsente note appartient 5 la cat~gorie opposde .

la pr6c6dente: elle nait d'une manipulation post eventum de trois recensions entreprises ind6pen- damment l'une de l'autre. Dans les deux premieres - formant les deux pre- miers volets de notre texte - il est question (pour l'essentiel) de problbmes relatifs aux ordres religieux chr6tiens. On a r6ussi h 6tablir une maladroite communication entre ces deux parties, autour de certaines questions de m6- thodologie. La troisibme recension pr6sent~e traite des tariqa (confrdries, or- dres mystiques ?) de l'islam. Certains auteurs de cet ouvrage collectif tentent de comparer ces groupes aux sectes et ordres du christianisme; nous nous sommes empar6 de la question en une longue discussion. Celle-ci nous a ame- nd t privil6gier - en amont de la secte et de l'ordre - le concept de groupement volontaire d'intensit6 religieuse. D'oii le titre donn6 i notre note: ne traite- t-elle pas de groupements volontaires de ce type exclusivement ? En christia- nisme et dans l'islam, quoique successivement.

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DE LA VIE RELIGIEUSE CHRETIENNE, EN GENERAL

Les Instituts sdculiers repr6sentent, on le sait, la forme la plus contem- poraine de la <<vie consacr6e dans l'Eglise catholique. C'est apris avoir 6tu- di6 une formation de cette nature (1) que S.A. nous livre une r6flexion sociologique plus diversifi6e sur l'histoire et les formes varides revitues par ladite consecration de la vie dans l'Eglise t travers les sibcles.

On se sent port6 i dire que le r6cit commence, ici, avec le premier 6r6- mitisme moyen-oriental (III sibcle), pour s'achever avec quelques notations sur la vie consacr6e dans les banlieues des m~tropoles modernes. Mais cette description desservirait l'ouvrage : il ne s'agit pas d'un rdcit, mais bien d'une longue analyse de nature sociologique sur un phdnombne suivi dans ses 6vo- lutions h travers le temps. Ici- un peu comme dans les Soziallehren de Troeltsch - les 6v6nements et les hommes sont rappel6s dans la mesure seule oil ils permettent de saisir les m6tamorphoses qui affectent les formes de la vie religieuse : conceptions g6ndrales, organisation, formes de gouvernement, finalitds des groupes, etc.

Les concepts wdbdriens de <virtuosit6 asc~tique et de 1charisme (per- sonnel et de fonction) sont - d'une certaine fagon - au centre de l'ouvrage; les grandes articulations socio-historiques de la r6flexion wdbdro-troelt- schienne sur la vie religieuse catholique dans ses rapports a l'institution, t

l'organisation eccl6siastique et avec l'ext6rieur sont mises, elles aussi, h contribution d'un bout i l'autre du travail en question: avec cette 6rudition ample, prdcise, discrite pourtant, avec encore ce brio modeste et cette finesse d'analyse qui s'6taient ddjh r6v6l6s dans Comunione e Liberazione.

L'auteur ne se contente pas pour autant de r6pdter les classiques : il ex- ploite les possibilitis qu'ils offrent A l'analyse de l'histoire. Surtout, il affronte d'autres plus contemporains thdoriciens et praticiens de la recherche : Thomas Luckmann et Peter Berger, mais tout aussi bien - outre plus d'un coll~gue ou prdddcesseur italien moins connus parmi les Frangais - il s'inspire d'au- teurs contemporains comme Danible Hervieu-L~ger (dont il affectionne cer- taines theses et concepts), Enzo Pace, Carlo Prandi et d'autres encore. Le pr6sent recenseur se voit dgalement emprunter plusieurs de ses concepts et perspectives habituelles, de l'utopie au 1protest1 implicite. Un des grands int6rats de ce livre est - selon nous - de prendre au sdrieux les aspects conflic- tuels pr6sents - par n6cessit6 structurelle - a l'existence historique des or- dres (2) et autres groupements de finalitd semblable. Cela ne dispense aucunement - et S.A. ne s'en prive pas - de d6crire aussi les aspects fonc- tionnels de l'ordre; mais, r6p6tons-le, I'existence des groupements de <cons6- cration religieuse >> passe par toutes sortes de conflits. C'est souvent dans ces oppositions ouvertes d'int6rets (mat6riels et autres) que les fonctions 6ven- tuellement int6gratrices des ordres sont accomplies.

(1) S. ABBRUZZESE, Comunione e Liberazione; Identitu catholique et disqualification du monde, Paris, Cerf, 1989, cf. Arch., 74, no 185).

(2) Le terme <1ordres religieux> (au singulier ou au pluriel) d6signe (ici et chez S.A.), de fagon certes canoniquement contestable mais commode, tout groupement (ou tous les groupe- ments) de << vie consacr6e >, tout <institut (ou tous les instituts) de perfection >>.

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GROUPEMENTS VOLONTAIRES D'INTENSITE RELIGIEUSE

Les analyses pr6sent6es par 1'A. reposent sur une bibliographie plurilin- gue, soigneusement s61ectionnde; on appr6cie vite, h lire l'ouvrage, le degr6 d'int6riorisation auquel S.A. est parvenu de la masse d'information v6hicul6e par son texte: capacit6 de s61ection, maitrise d'une histoire complexe et des outils d'analyse, habilet6 t manier la comparaison entre 6poques, traditions, groupes divers, manibres de vie, d'organisation, etc. L'ensemble de ces qua- lit6s, d6couvertes l'une apris l'autre, ne manque pas de surprendre agr6able- ment le lecteur.

L'ouvrage se d6ploie sur trois 6tages : <<Les lieux > (le d6sert, le monas- thre, la cit6); <<Les formes >> (hdr6sie et refondation mystique, vie contempla- tive et active, int6gration et protestation); << Les fonctions implicites (ordres et soci6t6 moderne, religion, profession, utopie, vie religieuse implicite). Enfin la conclusion se penche sur une comparaison entre les fonctions sociales pas- s6es et actuelles de l'ordre religieux, au sens large oi l'expression se trouve employ6e ici.

En gros, la th~se soutenue par S.A. nous parait 8tre la suivante : les ordres religieux, tant qu'ils ont 6t6 port6s par des demandes sociales en provenance des soci6t6s globales, tout autant que par des 616ments de dynamique interne, ont trouv6 des lieux ad6quats de naissance, croissance, diffusion, etc. dans les soci6t6s occidentales pr6-modernes. A partir du xvIIIe sibcle, approxima- tivement, les choses changent. L'Etat moderne se porte de plus en plus contre ce qu'il considbre comme la concurrence que lui feraient les ordres dans des domaines qu'il d6sire investir (6ducation, hospitalisation, services sociaux, etc.). Peu i peu la soci6td qui se construit dans les perspectives du moderne ne trouve plus l'utilit6 des propositions 6ventuelles des religieux. Elle tend meme t se passer des religions institutionnelles; au mieux, elle les r6cuphre comme 616ments d6pass6s d'une histoire culturelle. En postmodernit6, des formes flottantes de religion, parmi lesquelles certaines proviennent - ou peu- vent provenir - de <<l'h6ritage > des religieux entrent 6ventuellement dans les saint-frusquins de la consommation de masse. En somme, et d~s lors que les ordres ne peuvent plus se pr6senter comme autant de r6ponses sociales t des appels d'une soci6td globale, leur avenir (quelle que soit leur forme : on pense aux Instituts sdculiers) apparait al6atoire, h plus ou moins longue 6ch6ance.

Quoi qu'il puisse en 8tre du <<sens>> pr6sent, et du <<destin> futur des ordres religieux, on aurait aim6 trouver ici quelques pages traitant de leur fonctionnement pr6sent: lumibres et ombres. L'aplatissement des statistiques, le <<repli>> sur le spirituel et le liturgique, et le mirage -justement d6nonc6 par S.A. - d'un mythique Paradisus claustri ne r6sument pas le ph6nomine en question.

Outre la naissance de << communaut6s nouvelles >> en terrain charismatique, mais au-deli aussi, la fermentation actuelle - parfois tr~s surprenante - des Instituts s6culiers, la naissance de la cat6gorie inattendue des <<chr6tiens as- soci6s> en marge de certains ordres (3), les transformations qu'ont subies, depuis Vatican II, les anciens Tiers-ordres, sont autant de chapitres qui m6ri-

(3) Ce ph~nombne a donn6 lieu, durant l'ann6e universitaire 1965-1966, i plusieurs conf6- rences du P. Dortel-Claudot, S.J., dans le cadre des enseignements de droit canonique, au Centre S~vres (Paris); et - au m~me lieu et en f6vrier 1997 - i un colloque de quatre jours sous l'6gide du D6partement de Spiritualit6 et Vie Religieuse dudit Centre.

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teraient attention. I1 y aurait encore h s'interroger sur ce qui se passe actuel- lement (et depuis quelques d6cennies) dans les ordres les moins r~cents: les r~alit~s de la peau de chagrin statistique, du vieillissement des <<personnels >>, des fermetures de maisons et de postes ne rendent pas compte - et de loin - du dynamisme, de l'invention, et de l'enthousiasme h la thche observ6s dans beaucoup de ces groupements aujourd'hui. Le ph6nomine des <<nouvelles fon- dations>> (monastiques et autres) en Amdrique du Sud, en Afrique sub- saharienne, en Asie, le ddploiement de certains Instituts s6culiers - et pas du seul Opus Dei, contrairement t ce que certains pensent - sur la planisphbre, les transformations qui ont affect6 les ordres en g6ndral (i la suite de l'ag- giornamento des instituts de vie consacr~e), quant au mode de vie quotidien et de pr6sence apostolique -y compris dans les groupements non imm6dia- tement 1apostoliques >>-, les activit6s nouvelles investies (t cdtd de celles qu'on abandonne), I'6volution des fonctions remplies (dans l'Eglise et dans la soci6t6 globale) par tous ces groupements, tout cela - et bien d'autres as- pects de leur existence actuelle - m6rite sfirement qu'on s'y attarde et qu'on en traite.

A diverses reprises dans la Vita religiosa, 1'A. insiste sur le fait que son travail est celui d'un observateur 6tranger au ph6nomine qu'il 6tudie. II se d6peint ext6rieur h ce monde dans la vari6td m~me de ses formes. Il se montre debout

. la porte, dans l'attitude du candidat novice patientant -jusqu'd ce

qu'on l'accueille ou qu'il se d~courage - devant les murailles des <<forte- resses >> pakh6miennes d'antan. Mais (cf. la fin du texte, p. 308), lui ne frappe pas, n'a pas encore frappd, n'a pas l'intention de demander h entrer. Effec- tivement, le livre qu'il nous propose est bien un ouvrage constitud en ext6- riorit6, tout entier centrd sur des affaires de formes, rdformes, transformations (organisationnelles et structurelles en particulier). Mais de la r6alisation concrite et quotidienne du ddsir de ce mode de vie h l'int6rieur des murailles (mat6rielles et symboliques) des ordres, peu apparait ici.

Peu, avons-nous dit, mais pas rien pourtant : tout ce qui touche aux Pbres du d6sert (ermites et c~nobites post~rieurs) et aux ddbuts du monachisme oc- cidental (Cassien, Benoit et autres) nous semble plus satisfaisant de ce point de vue. On voit ici ces moines-lk travailler, vivre et prier sous nos yeux, tenir chapitre autour de leurs 1abbas >> ou de leurs <abb6s >>, etc. Pourquoi les plus anciens font-ils preuve en ce livre (selon nous; mais nous parlons d'impressions) de plus de prdsence que les moins anciens et les plus rdcents ? Serait-ce que sur ces pdriodes et ces formes-lh de la vie religieuse les enquates - archdologiques, philologiques, historiques - et les publications de textes di- vers ont 6t6 ces dernibres d6cennies tris pouss6es ? Parce que - en somme - les habitants de la < forteresse >> - pas absolument seuls il est vrai - ont, l1- dessus, beaucoup 6crit et publi6 ? On le voit, le problkme d'une science de l'extdrieur et d'une connaissance de l'int6rieur - problime qui semble tracas- ser S.A. - ne trouve pas sa solution dans le seul fait, pour le chercheur, de se situer ostensiblement h l'ext6rieur... et d'hdsiter - si c'est le cas - devant une porte. Cette position d'ext6riorit6 rigide comporte d'ailleurs ses propres inconv6nients. Notre hypothise, en l'occurrence, est que l'absence dans ce livre - par ailleurs tris remarquable, et unique dans son genre - de vdritable traitement de la situation actuelle des ordres tient, en grande partie, i l'attitude de l'A. Non pas qu'il aurait dfi dcouter h la porte h laquelle il ne frappait pas! Mais l'exp6rience de plus d'un chercheur d6montre que les portes s'ou-

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vrent i qui frappe et demande g en savoir plus, mime sans manifester d'in- tention autre que scientifique >.

Science du dedans ou du dehors, science du gang ou science du flic (H. Desroche), science de l'apostat (attention, c'est celle que Renan pr6conisait sans la nommer ainsi), science confessionnellement impliqu6e, ou science dis- tancide de son objet et neutre > son 6gard, science < m6thodologiquement ath6e>...? On ne d6cidera pas ici de l' <6tiquette> convenable A l'zeuvre de S.A.; on le f6licitera d'avoir indiqu6 clairement les limites et les modes de son intervention, la fagon aussi de sa <<fabrique de connaissance . Les reli- gieux y trouveront leur compte un peu court; les hommes de science (qu'on dit tels ou qui se disent tels) continueront, eux, de poser des questions. C'est leur m6tier, h la pratique duquel l'auteur de l'ouvrage participe notoirement.

Cette Vita religiosa, beaucoup plus qu'un essai (<en vue d'une sociologie de la vie consacr6e repr6sente - selon nous - dans son genre propre et avec ses limites - un ouvrage pour l'instant sans 6quivalent, et de grand poids scientifique.

ENTRE RADICALISME ET COMPROMIS : L'ORDRE DANS LA SO-

CITI ET DANS L'HISTOIRE

Bien connu des lecteurs de notre revue (Arch., 53, no 594 et 61, no 385), P.-A.T., professeur i l'Universit6 Saint-Paul d'Ottawa (Ont.) et i l'Institut Catholique de Paris (Facult6 des Sciences Sociales et Economiques), travaille depuis sa thbse soutenue en 1980, sur les ordres religieux au Qu6bec. Jusqu'ici son problkme a 6td celui des effets de la R6volution tranquille sur les grou- pements en question. Dans le pr6sent - et 6pais - recueil d'articles (Intran- sigeance ou compromis), I'auteur 6largit son propos. L'histoire et la situation de son pays se pr6sentent en effet de telle fagon que les ordres (ici les grou- pements de <cons6cration ; on disait autrefois de <perfection ) y apparais- sent - pour la plupart - au carrefour de l'6cole et de la paroisse. On dit la meme chose en notant que les groupements en question (6cole, paroisse, ordre) se rencontrent (pour entrer en conflit ou en compromis, pour n6gocier en tout cas de leurs intirits r6ciproques et de l'exercice du pouvoir l6gitime) i ce carrefour oii se croisent aussi intensit6 protestataire, reproduction sociale et tradition en tous domaines. Dans la perspective des suites de la R6volution tranquille et de Vatican II (1962-1965), les ordres se trouvent done n6cessai- rement pris (au Qu6bec, mais ailleurs tout aussi bien quoiqu'autrement) dans le d6bat <p6remptoire entre <<ranczeurs inverses >> et 1bien tass6es qui ne cesse de se continuer entre intransigeance et compromis. Ce sont divers as- pects de ce d6bat qui font l'objet du pr6sent recueil d'articles; l'intention avoude de l'A. y est de forcer le lecteur <<ordinaire>> -par la mise en pers- pective sociologique - ~ prendre ses distances d'avec le discours commun tenu sur ces problimes, discours habituellement iddologique (au sens marxiste du terme).

L'ouvrage est fortement ancr6 dans la tradition w6b6ro-troeltschienne, re- visit6e de manibre int6ressante, en d6pendance 6vidente - en m~me temps qu'au-delh, d6jh - des commentateurs pric6dents internationalement rep6r6s.

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Selon nous, P.-A.T. se place de plus en plus clairement parmi les lecteurs autoris6s de Weber comme de Troeltsch. De ce dernier une phrase habilement cueillie ouvre l'ouvrage: 1 Ce qui caract6rise done le catholicisme, c'est une union tris souple de la vie autoritaire et asc6tique et de l'existence plus libre, naturelle et mondaine 1. Parce que - nous le supposons - notre colligue pense depuis longtemps selon ces lignes, les textes - la plupart d6ji publi6s en re- vues, mais souvent retravaills - qui sont r6unis ici disent, chacun h sa fagon, quelque chose de l'6vidence troeltschienne plus haut relevie.

La pertinence de la typologie secte-Eglise-mystique se trouve plus d'une fois test~e dans ce volume, et par rapport aux dossiers pr~sent6s. Selon une habitude qui se r6pand - dans le monde francophone au moins - cette typo- logie sert ici & rep~rer et analyser des tendances et des institutions internes h l'Eglise catholique. Cela n'est pas sans ajouter une originalit6 certaine aux analyses de P.-A.T., en m~me temps que notre collbgue enrichit la conception de ces types-id6aux, et celle de leur mise en oeuvre, d'un certain nombre de nuances nouvelles. Sans le rechercher explicitement, 1'A. d'Intransigeance ou compromis apporte la preuve que la typologie des corps religieux chr6tiens selon Troeltsch n'est pas exclusivement r6serv6e - dans son int6r~t et ses f6- condit6s - h l'analyse d'une pdriode particulibre de l'histoire. Elle se d6montre utile - de fait - h la comprdhension de notre modernit6 religieuse, et h celle du catholicisme dans ses fonctionnements internes.

Sous trois aspects encore, le livre de notre colligue retient l'attention. Il se montre trbs curieux de tout ce qui touche - depuis Jean XXIII et Vatican II en particulier - aux 1 effets non recherchds - de l'action (religieusement mo- tiv~e) des ordres religieux, des paroisses, des 6v~ques, des incitations insti- tutionnelles au changement; parfois ces dernibres ne manquent pas de contredire fortement toute une politique pr6c6dente (faite de stratdgies et tac- tiques diverses). Jusque-li lgitimes et cdl1brdes comme telles, elles ont contribu~ t socialiser des g6ndrations dont toutes ne sont pas encore disparues, ni l'influence et les modbles de comportement ddlgitimds entibrement. Ayant - pourtant - change motu proprio - et sur fond d'une tranquille rdvolution des mceurs - les critbres du l6gitime, les autoritis - pourtant encore - ne savent plus que s'dtonner de constater trbs amoindri l'effet de leur prdtention persistante au monopole de la <<parole droite >. Elles observent aussi chez bien des sujets sociaux, individuels ou collectifs, des prises de position et d'attitudes relativement autog6n6rdes, contradictoires 6ventuellement, vio- lentes parfois, entre <<intransigeance> et compromis, 6loign6es la plupart du temps des intentions clairement exprimdes par 1<leurs services >. L'intdr~t des descriptions et rdflexions que fait 1'A. en l'occurrence tient h une information abondante et maitris6e pour ce qui est de l'aspect localis6 - qu6b6cois - du dossier dtudid. Il tient aussi h la nature trbs extra-provinciale de la question soulev6e : celle de l'6ducation, qui fait se rencontrer et s'opposer - en de nombreux cas - dpiscopat, clerg6 ordinaire, ordres religieux et Etat. De plus, la mise en perspective sociologique du dossier permet & P.-A.T. de lui procurer un int6rat trbs au-delk des 6v6nements qui en font la trame. De la chronique h l'histoire, on d6bouche ici sur des 6l6ments de sociologie religieuse, et d'analyse des fonctionnements sociaux en plusieurs domaines.

Autre aspect h noter encore : l'ouvrage pr6sent6 ici, comme d'ailleurs tous les travaux connus de l'A., font mentir le dicton qui cantonne la sociologie au pr6sent et l'histoire au pass6. Le sous-titre exprime clairement les convic-

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tions de P.-A.T. en la matibre, ainsi que le domaine et la manibre de son intervention: 1Sociologie et histoire du catholicisme actuel1 annonce ledit sous-titre. Pourrait-on mieux sugg6rer que l'<actualit6> a une histoire - qu'elle est l'histoire au pr6sent -, que celle-ci renvoie en l'occurrence ~ une

institution et i une organisation (le catholicisme). Elle relive en consequence de deux modes possibles de description et d'explication: sociologique et his- torique. D6tail int6ressant, cette dernibre forme d'6lucidation demande parfois pour 8tre mise en oeuvre qu'une <<actualit6 en appelle i une autre, pr6c6dente, un <present> B un <pass6 r~cent1. C'est ce que fait parfois ici l'A. Pour autant, il ne renonce pas i la description, ni i la mise en perspective socio- logiques. On comprend qu'il se r6clame dis lors d'une sociologie historique - selon Weber et Troeltsch - on l'a d6jh dit. Le premier des trois derniers chapitres de l'ouvrage - en formant la quatri~me Partie, 1Questions de m6- thode - explique, avec p6dagogie et sous le titre de << Sociologie et histoire > les positions de P.-A.T. en la matibre. Les deux chapitres suivants, respecti- vement 6tiquetis << Sociologie historique et recherche action d'une part, << So- ciologie, thdologie et pastorale1>>, d'autre part, ne pr6sentent pas moins d'int6rit. Nous 6voquerons quelques-unes des interrogations qu'ils soulivent - directement ou autrement -, en revenant ci-dessous i certains aspects (ddji comment6s) dans le livre de S.A. pricidemment pr6sent6.

Quasi n6cessairement en effet, Intransigeance et compromis renvoie, a contrario, a l'image devant laquelle nous nous 6tions attard6 plus haut: celle de 1'A. de la Vita religiosa debout (il se d6peint ainsi) devant la porte... de la vie religieuse, et s'interdisant de frapper, et done d'entrer - si l'on y est invit6 - a la recherche d'un renseignement. Pour des raisons que nous dirons (mais l'expression nous d6plait) de <puret6 m6thodologique , S.A. a pris la responsabilit6 (il le dit) d'une science formelle et <ext~rieure (quoi que cela veuille dire). Le cas de P.-A.T. se pr6sente trbs diff6remment: le chercheur prec6dent est - dans l'Eglise - lac, et par ailleurs chercheur et enseignant dans une universit6 de l'Etat italien; I'A. d'Intransigeance et compromis est lui, religieux catholique (CSV) (4) et pr~tre, enseignant-chercheur par ailleurs dans deux universitis catholiques (au Canada et en France). On s'en doute - et qui le lui reprocherait ? - sa science de la vie religieuse (ses travaux por- tent sur ce theme de fagon g6n6rale) provient - par plus d'un aspect - de l'exp6rience qu'il en a; et aussi des facilit6s que celle-ci lui offre pour repdrer ce qui la concerne en bibliothbque, et pour en juger. La confiance accordie t ses ouvrages en la matiere tient pour une partie aux memes circonstances,

et g l'6vidence des effets de sa position s'agissant d'acchs aux sources 6crites, imprimdes, orales mime...

Pourtant, le m~me individu qui 1sait1 la vie religieuse parce que (et par ce que) il en vit, emprunte pour en parler (et, 6ventuellement, avec ses confreres eux-m~mes) le d6tour -ou la m6diation, 1'Umweg de Marx en

(4) Clerc (-s) de Saint-Viateur; cette ddsignation s'applique aux membres d'une congr6- gation enseignante compos6e de pritres et de lafecs, nde en France (autour de 1830), mais de fortune nord-amdricaine principalement. Sur ses debuts en France et son installation au Canada, cf. Benoit LIVESQUE, <Les communaut6s religieuses frangaises au Qu6bec: une emigration utopique? (1837-1876) , dans Bernard DENAULT et B. LEVESQUE, Eliments pour une sociologie des communautis religieuses au Quebec, Sherbrooke (P.Q.), Universit6 de Sherbrooke, et Mon- treal, Presses de l'Universit6 de Montreal, 1975, pp. 114-154 en particulier.

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somme - d'une sociologie historique. Ii y aurait h s'interroger sur le sens (et sur les quelques autres sens) que peut revitir cette attitude cognitive, 1l oi elle <se trouve>> v6cue, t l'6poque oii elle <a> lieu. On plaide cependant tris fort pour que les inquisiteurs ne se montrent pas ici plus soupponneux qu'ils ne se donneront occasion de l'8tre dans le cas d'une science acquise 1devant la porte >>. Nous nous sommes refus6, plus haut, i alourdir la socio- logie de S.A. d'un adjectif-6tiquette t choisir dans une liste de dichotomies familibres i tous les lecteurs de manuels en notre sous-sp6cialit6. Nous adop- terons la m~me attitude pour celle de P.-A.T. En l'occurrence, il s'agit en effet de deux choses: que l'int6ress6 d6crive et explique la 1fabrique>> de sa science, pour que le lecteur en puisse juger; qu'il apporte les preuves, logiques et documentaires, de ses assertions pour que ses collbgues les pisent i leur tr6buchet. S'agissant des deux A.A. ici comment6s et de leurs travaux,

nous avons d6ja expliqu6 que l'6preuve avait 6t6 - notre avis (5)- pass6e avec succhs, et la preuve faite de leur expertise. Mais toute preuve peut (dans le contexte des d6marches historiques et sociales on se sent portd i dire doit) comporter son reste <irr~ductible >>. C'est bien le cas ici lorsque, dans son Intransigeance ou compromis, P.-A.T. montre (dans les deux articles A la fin du livre) que - et comment - la pluralit6 de ses statuts (pretre-religieux et universitaire) lui fait parfois accepter d'&tre <<pris en otage>> : partiellement ou autrement, pour les beaux yeux du savoir; par solidarit6 aussi parfois. Le lecteur est en droit de se demander alors si, chercheur aseptis6 lui-m~me, il ne lui est jamais < arriv61 >> pareille aventure; pour les m6mes raisons, d'ailleurs 6num6r~es i la rubrique <<fabrique de la connaissance>>. L'impuret6 mdtho- dologique - ind~fendable en thdorie - est peut-8tre li6e structurellement - doit- on la favoriser pour autant ? - h la nature mime des sciences historiques et sociales. Le problime est de savoir en user: en rationalitd (laquelle ?) et en morale (de m~me).

La conclusion qui suit nous semble d6couler de ce qui pr6cide : moins qu't ses appartenances iddologiques ou de groupe, c'est i ses vigilances dpis- t6mologiques et m6thodologiques qu'un chercheur se doit de prater attention lorsqu'il veut se distancier - pour autant que cela soit possible - de ses in&- vitables intir~ts et pr6jugds (6); en mime temps qu'il se prate au dialogue - forme vulgaire du kommunikatives Handeln - avec ses pairs et avec d'autres 6ventuelles comp6tences. Mais le parcours du discernement et le moment de la ddcision apparaissent aussi probldmatiques - et parfois incertains - en sciences historiques et sociales qu'en d'autres matibres. Au-delt de la diffi- cult6 t conclure, reste - dans le meilleur des cas 6videmment - le critbre de la ficondit6 cognitive, repbre difficile i manier mais pourtant rep6rable.

(5) Voir par exemple la recension d'Intransigeance ou compromis par James C. DEMING, professeur h l'Universit6 de Princeton (NJ) in Church History, vol. 65, dec. 1996, pp. 776-777.

(6) Sur ces choses, cf. Max WEBER, << Essai sur l'objectivit6 de la connaissance >> in Essais sur la thdorie de la science, Paris, Plon, 1965, pp. 119-213.

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GROUPEMENTS VOLONTAIRES D'INTENSITE RELIGIEUSE

<< VOIES > MUSULMANES D'INTENSITE

Les << voies >> dont il s'agit dans cet ouvrage collectif (Les Voies d'Allah) sont, comme le sous-titre l'indique, les <<ordres mystiques du monde musul- man >>, aussi dits (dans l'ouvrage mime et dans l'usage commun) <<confr6- ries >>. Ces parcours - et ces lieux - de la recherche de Dieu se proposent (selon G.V. dans l'introduction) <<de conserver, de transmettre, de diffuser l'enseignement mystique du fondateur>>. Il s'agit d'<<un mode d'acchs h Dieu par un ensemble de rites, de pratiques, d'exercices et de connaissances 6so- t6riques >>.

La comparaison avec les confrdries chrdtiennes, ou avec les ordres du catholicisme - tent6e ou sugg6r6e h diverses reprises dans l'ouvrage, dans l'in- troduction de G.V. en particulier - laisse toujours le lecteur sur sa faim: tant est grande, de part et d'autre, la vari6t6 des conceptions thdologiques, des m6thodes spirituelles, des organisations, des cultures aussi. Des deux c6t6s on se trouve pourtant devant des groupements volontaires d'intensit6 religieuse visant h la communion avec Dieu et a l'entraide - spirituelle et mat6rielle - des membres entre eux. La syst6matisation de la pi6t6 d'une part, et la fina- lisation religieuse et m6thodique de l'existence d'autre part, caract6risent aussi les deux parties. L'une comme l'autre attachent une grande importance h l'obdissance au supdrieur et h l'imitation du fondateur: fondateur de la reli- gion concernde et, aussi, fondateur de la voie ou de la <<faGon de proc6der>> en question.

Mais ici commencent, pr6cis6ment, les diff6rences, tenant h la nature m~me des deux religions: le rapport du chr6tien au Christ n'est pas - de l'aveu des deux parties en prdsence - de mdme nature que celui du musulman h Muhammad; de mime, le rapport au fondateur de la <<voie>> confrdrique musulmane rev~t une importance structurelle h laquelle aucun fondateur d'or- dre ou cr6ateur de confr6rie catholique ne saurait pr~tendre. La d6votion au saint fondateur et aux premiers de lign6e en g6n6ral peut revetir une trbs grande importance dans la vie spirituelle et dans l'existence quotidienne des membres de ces groupes; jamais, cependant, dans la perspective chr6tienne, ces personnages n'atteignent h la dignit6 de m6diateur - au sens strict; encore moins h celle de m6diateur d'un enseignement et des pratiques <<6sot6riques >>, qu'elles se donnent ou pas pour compl6mentaires t une partie d~s lors dite << exot6rique >> de la religion en question. Tout ce qu'on indique ici vaut 6ga- lement - cela va de soi - pour les repr6sentants post6rieurs des fondateurs en milieu chr6tien.

On sait I'habitude prise par les confr6ries musulmanes de se d6signer par un adjectif qualificatif form6 sur le nom de leur fondateur: la Saadiya est ainsi la confr6rie dont Saad El-Din el Jibawi est le fondateur; de mime la Naqchbandiya doit son existence h Baba El-Din Naqchband; etc. Certains ordres religieux chr6tiens se d6signent de meme: b6n6dictins par rapport h Benoit (de Nursie), franciscains h Frangois (d'Assise), dominicains & Domi- nique (de Calagnera); par contre les sal6siens ne naissent pas de s. Frangois de Sales, mais de don Bosco! Dans la plupart des cas, les groupements de vie consacrde du catholicisme tirent leur appellation d'aspects de leurs acti- vit6s, de leur histoire ou de leur spiritualit6.

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La difference ici relevie entre fagons de proc6der musulmane et chr6tienne tient, pensons-nous, i une diff6rence de conception quant t la figure du fon- dateur. Contrairement a ce qui se passe gdndralement dans l'islam, le fondateur chr6tien d'ordre religieux ne i1gitime pas habituellement sa mission - en rd- f~rence ultime - a une lignde spirituelle et/ou familiale; lignde remontant a un mddiateur et initiateur exceptionnel, reconnu pour tel, dventuellement mdme au fondateur de la religion concernde. Cette difference - que l'on peut dire structurelle - explique que le crdateur dans l'Eglise catholique d'un nou- veau groupement de vie consacrde n'ait pas n6cessairement a faire preuve d'un charisme personnel fort, ni a manifester de capacit~s miraculeuses ou asc6tiques particulibres de sa vocation. Du c6td des confrdries islamiques, par contre, le problbme de la l6gitimation du fondateur, de son message et de sa mission, apparait crucial; d'oi l'importance du nombre et de la qualitd de ses karamat (miracles ou performances extraordinaires); d'oi aussi la ndces- sitd pour le mime personnage de prouver - par la qualitd et le nombre des saints interm6diaires, ses pr~ddcesseurs, dont il se rdclame, la qualitd et la prdsomption de pdrennit6 de la baraka (l'influx de saintet6) qu'il prdtend transmettre.

Des ll6ments de silsila - au moins spirituelle - peuvent exister autour d'un fondateur chrdtien; ils seront cependant de l'ordre de la <Nude de td- moins (Hdb. 12,1) plut6t que de la 1chaine1 (silsila) des initiateurs et des intercesseurs. De mime les miracles et autres 1preuves de charisme person- nel apparaissent abondamment dans l'hagiographie des fondateurs d'ordres re- ligieux. Lorsque c'est le cas, ils ont valeur probatoire au moins aux yeux des premiers disciples et du public contemporain. Mais en dernibre analyse, un fondateur catholique tient sa l6gitimitd 1en dernibre instance de l'approba- tion du Saint-Sidge (ou d'un ou de plusieurs 6v~ques en instance intermd- diaire); les miracles, les tdmoins (du sang ou de l'Esprit), la saintet6 de vie elle-mdme n'interviennent qu'en second lieu en l'occurrence. Le fondateur tient sa lgitimitd en dernijre instance (et celle de son groupe) de son intd- gration-subordination a l'Eglise hi6rarchique. Ce qu'on affirme ici vaut pour les premiers de cordde, et tout autant pour leurs successeurs a la tate des groupes et pour ces formations elles-m~mes.

En d'autres termes: le fondateur et les fondateurs musulmans se re- connaissent - en premier lieu - un besoin de l1gitimation charismatique. La fondation, le fondateur chrdtien et les siens au long de leur histoire ne sau- raient a aucun moment et en aucune fagon se passer, eux, de lgitimation institutionnelle et d'une place dans l'organisation. La diffdrence ici apparait considdrable : l'islam soufi des confrdries renvoie a une institution charisma- tique de l6gitimation. I1 ne posside pas d'organisation, sinon - et de manibre trbs diverse selon les cas - au niveau des confrdries elles-mdmes.

Cette absence d'organisation a pr6tention universelle tendant a la centra- lisation bureaucratique et des stratdgies a pour corollaire l'absence d'un vd- ritable groupement hidrocratique (7) dans l'islam. Aussi bien, l'islam soufi des confrdries appara"it susceptible de former parfois un islam parallble et concurrent aux orthodoxies soutenues par les gouvernements profanes; il sup-

(7) Max WEBER, Economie et Societd, Paris, Plon, 1971, t. 1, pp. 57-59 (<<Groupement politique, groupement hidrocratique 1).

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ple aussi et en certains cas h leurs lacunes et leurs d6faillances, mais il n'ap- para'it jamais susceptible de mener au-delt de ces fonctions de suppliance et au profit d'une instance religieuse universelle - des politiques de m6me nature. Par contre, le catholicisme des ordres contribue au soutien de l'institution qui les ligitime et les situe dans l'organisation: c'est-i-dire dans une 6ventuelle participation i l'administration et au pouvoir dans le groupement hidrocratique concern6. Aussi bien, les ordres remplissent, au profit de ce dernier, des fonc- tions diverses de reproduction et de socialisation; 6ventuellement aussi, des fonctions de suppliance des gouvernements profanes. De plus ces m~mes or- dres entretiennent, dans le groupement hi6rocratique lui-mime, une certaine conflictualit6 utopique, susceptible de contribuer (parfois plus, parfois moins, et selon les perspectives du moment) i la r6sistance au changement ou, tout aussi bien i la novation ou g l'adaptation au changement social global.

Dans nos perspectives, et en les comparant avec les ordres religieux chr6- tiens, les confr6ries semblent reprdsenter la forme propre, dans l'islam, aux groupements volontaires d'intensit6 religieuse, ainsi que de socialisation et d'entraide exemplaires; enfin, comme les ordres chr6tiens encore, elles contri- buent au premier chef i la finalisation religieuse de la vie quotidienne de leurs membres. Ces choses, qu'on a d6ja soulign6es plus haut, m6ritent d'8tre rappeldes ici; ne serait-ce que pour redire encore que les ressemblances en l'occurrence n'empichent pas les dissemblances: nous venons d'ailleurs de nous expliquer sur elles, longuement. Mais r6insister sur ces aspects des choses constitue aussi un encouragement t essayer d'une autre comparaison - nous ne la tenterons ici qu'en en soulignant quelques aspects prdalables - avec un autre type de religion d'intensit6 : la secte, telle que la perspective wdb6ro-troeltschienne l'envisage. I1 est probable que cette manibre nouvelle de comparaison permettrait d'apercevoir - ou de voir plus clairement - un certain nombre de traits propres i l'<<ordre mystique musulman>>, traits que l'on remarquait peu jusqu'ici. Mais il est h craindre que, ce faisant, on butera sur deux obstacles d6jh entr'apergus : d'une part l'absence dans l'islam d'un dquivalent de l'Eglise comme lieu de l6gitimation, d'autoritd -et parfois mime de pouvoir - et t pr6tention 6ventuellement universelle. Or, les sectes repr6sentent, historiquement, autant de rdponses protestataires t l'existence de pareille organisation. En deuxibme lieu, il faudra bien constater que la secte chr6tienne - toujours selon Weber et Troeltsch - et pas plus que l'ordre, ne prdtend mener ses membres t des expdriences en quelque sorte <<oblig6es - de contact d'une intensit6 mystiquement qualifi6e - avec le divin : or c'est bien la prdtention de la confrdrie soufie, laquelle s'affiche initiatique. Sans doute, une certaine pratique de la m6thode id6altypique laisse facilement en- trevoir la possibilit6 de concevoir une secte mystique >. Mais il faut se rap- peler alors que Troeltsch n'emploie pas le terme 1mystique> avec le sens que Weber lui donne. Et peut-8tre faudra-t-il aussi noter que l'emploi du mime vocable <mystique> dans le langage commun, et dans l'expression <confrdrie mystique>>, ne coincide ni avec l'usage qu'en fait Troeltsch, ni avec celui qu'en fait Weber.

Parvenus ici, les chercheurs se souviendront - non sans soulagement - qu'en bonne m6thode wdb6ro-troeltschienne, il ne s'agit pas de faire coi'ncider des phdnomines avec des 6tiquettes t coller dessus; il s'agit, beaucoup plus simplement, d'estimer la distance qui s6pare les ph~nomines des types-memes, et - 6ventuellement - celle qui s'insinue entre des ph6nomines donn6s, en

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r6f6rence .

ces mimes types. Ces derniers ne correspondent en effet jamais - sinon par hasard et trbs approximativement - avec les ph~nomines les plus proches d'eux. L'int6r&t de la m6thode des types-id6aux r6side en ce qu'elle permet de situer les phdnomines par rapport aux repures relativement arbi- traires que sont les types. C'est dire qu'elle force - en quelque sorte - h la comparaison - en g6ndral - et - plus particuli~rement - h des comparaisons r6p6t6es... Si l'on admet cela, on admettra facilement aussi que moins un ph6nomine r6pond h un type, plus grandes sont les chances qu'on le compare i plusieurs autres. S'augmentent par lh 6galement les chances d'une meilleure

connaissance - par diff6rences comparatives - des ph6nomi~nes 6tudi6s, sans cesse r66tudi6s.

L'ouvrage collectif (dirig6 par G.V. et A.P.) qui provoque - par son seul titre - les commentaires pr6c6dents, m6rite d'8tre, ici, finalement pr6sent6. Au premier abord, il apparaitra h beaucoup - d6sireux pourtant de s'en em- parer - d6courageant par son 6paisseur; h y regarder de plus pros on notera vite qu'il est capable d'attirer le d6sir d'un effort d'attention, tant se montrent app6tissantes la quantit6 et la qualitd de la r6flexion qu'il contient concernant ce ph6nomi~ne peu connu : un <<islam du coeur>> i cheval sur <<religion d'61ite et <<religion populaire1>>. Les vingt-six collaborateurs qui prdsentent ici les origines, la diffusion, l'histoire, les doctrines et les pratiques des nombreuses confr6ries donnent parfois le tournis au lecteur; ne le transportent-ils pas des premiers siicles de l'islam

jusqu', nos jours ? Mais aussi sur tout l'espace

musulman, de l'Atlantique aux Indes, en Chine et au Caucase, jusque dans les Balkans encore.

L'introduction de G.V. permet une vue g6n6rale sur le ph6nomi~ne dans son 6paisseur diachronique. Elle soulive 6galement la plupart des questions qui seront reprises et d~velopp6es par les collaborateurs subs6quents. On a aim6 - en particulier, et pour s'en tenir i cet exemple seul - la mani~re dont G.V. d~crit les rapports des confrdries i l'dconomie : <<la ferveur se transforme en or>> explique-t-il, avant de d6crire les diverses circonstances qui permettent i certaines confrdries - parfois confondues avec des lign6es familiales de por-

teurs de baraka - de devenir des manieurs d'argent de consid6rable impor- tance. Mais les tariqa ont leurs obligations, que I'A. d6crit et qui ne sont pas sans permettre - dans beaucoup de cas - une certaine redistribution des richesses dans un ensemble social donn6. Parfois (mourides du S6n6gal) c'est le travail des adh6rents qui permet - i c6t6 des richesses issues de la pi6t6 - de transformer l'6conomie d'une rdgion et de populations diverses. On pense ici 6videmment i Max Weber et i certaines theses de sa fabrication sur les rapports entre religion et 6conomie; et c'est pour regretter que si peu de cher- cheurs polyglottes et frott6s d'interdisciplinarit6 se consacrent B revenir sur ces problkmes, dans une comparaison entre islam et christianisme en ce do- maine-lh.

Autre dossier important 6galement ouvert par G.V., celui du rapport entre islam confrdrique et pouvoirs et politique. A lire ce qu'6crit h ce sujet l'A. de l'introduction - et d'autres auteurs apr&s lui - on est frapp6 par les res- semblances (relativis6es, de fagon int6ressante, par les diff6rences culturelles en particulier) entre ce dossier (confrdries, ordres, sectes, mystique) et le dos- sier parallble en terrain chr6tien: s'agissant tout sp6cialement de certains or- dres religieux, de certaines sectes de terrain protestant et de certains groupes

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n6s de mouvements messianiques/mill6naristes. LA encore on se trouve invit6 h la comparaison interreligieuse.

L'ouvrage dans son ensemble s'organise en cinq parties, une conclusion (h deux voix), un appendice et trois annexes. La premiere partie aborde, en quatre contributions, l'histoire du ph6nomine confrdrique pris dans son en- semble: des d6buts a nos jours. Les conceptions, les pratiques, les rites, les croyances propres, la litt6rature soufie qui inspire la vie confrdrique, les rap- ports au fondateur, au cheikh initiateur, i l'occultisme, i l'orthodoxie font - en sept apports diff~rencids - l'objet de la deuxibme partie. La troisitme traite, en cinq <<papiers >> divers, des modes d'organisation, puis - et succes- sivement - des rapports ~ l'6conomie, au social (en un sens large et diversifi6), aux pouvoirs politiques, aux femmes et L la sexualit6. C'est la diffusion dans l'espace qui retient - dans la quatri~me partie, l'attention des quinze colla- borateurs sollicit6s : g6ographie, histoire (pass6e et contemporaine) sont ap- pel6es i t6moigner. Enfin, la cinquibme partie pr6sente onze monographies de tariqa majeures.

Les conclusions sont t deux voix, on l'a d6j~i signal6. (Constant Hambs et Michel Chodkiewicz); elles s'interrogent sur le pr6sent et l'avenir du sou- fisme (des <<voies>> en tout cas). Les <<Paroles soufies>> qui, en six <<t6moi- gnages >> font entrer le lecteur - grice aux traducteurs - dans l'atmosphbre de l'hagiographie soufie closent heureusement la partie textuelle de l'ouvrage. Restent encore les annexes, toutes trois fort utiles au <<non-initi6 >>: un <<Petit dictionnaire du soufisme et des confrdries >>; une bibliographie aux titres r&- partis selon les parties et les chapitres des <<Voies >>. Enfin, un index (des personnes, des lieux et des choses) termine ce livre de grande et sobre 6ru- dition.

On l'a d6ja compris, Les Voies d'Allah constituent une somme de la connaissance des ordres mystiques musulmans; elle sera indispensable aux comparatistes; mais non moins utile aux esprits cultiv6s curieux de s'informer sans passion sur un sujet qui n'en soulive que trop.

CONCLUSION

Avoude artificielle dis le commencement, la mise en contact des trois ouvrages dont la prdsente note rend compte trouve-t-elle sa justification a posteriori ?

C'est d'abord parce que nous avons rencontr6 dans l'ouvrage de P.-A. T. l'opposition appartenance-vigilances et qu'elle dvoquait la peinture que S. A. faisait de lui-meme <<debout A la porte >> d'un monastbre symbolique que nous l'avons retenue dans nos commentaires. Depuis longtemps en effet, cette op- position appartenance-vigilances nous appara^it porteuse d'enjeux mithodolo- giques et strat6giques requ6rant attention et s6rieux. Aucune appartenance ne condamne au souppon dans le domaine scientifique. Par contre - et si nous avons bien appris notre legon de doctrines classiques en la matibre - toute n6gligence sur le terrain des vigilances 6pistimologiques et m6thodologiques expose son auteur - on parle d'auteurs qui publient - h devoir, un jour ou l'autre, rendre des comptes; comptes scientifiques, s'entend. Mais ni l'appar- tenance, ni les convictions, ni les formes de sociabilit6 ne relivent d'aucun

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tribunal de cette nature. C'est la f6condit6 scientifique d'une d6marche qui fait seule, en ce domaine, son int6r~t, l'6thique 6tant sauve bien entendu. On peut juger d'ailleurs que la vari6t6 des appartenances de nature non scienti- fique de la part des chercheurs, par la multiplication qu'elle cr6e des int6r~ts (et scientifiques, et autres) favorise le foisonnement des hypothhses et leur mise h l'6preuve: heureusement maftris6e, elle aide done h la diffusion de la critique, par les approches scientifiques que nous pratiquons, des discours aprioristiques.

Aux Voies d'Allah, troisibme volet de notre note, nous n'avons pas ap- pliqu6 la question par appartenance-vigilances. Non qu'elle n'eht pu s'y ap- pliquer avec profit. Mais ici, I'attrait de la comparaison entre ordre religieux chr6tien et confrdrie mystique musulmane s'est impos6 h nous : en tant qu'elle ressortait des textes r6unis dans le collectif Voies D'Allah; en tant qu'elle nous fournissait l'occasion d'attirer l'attention sur certaines difficult6s de la comparaison transreligieuse, sujet brhlant i l'heure de la mondialisation.

Parler ici d' <<ordre >> - comme entre christianisme et islam - c'est renvoyer h un concept que l'histoire atteste dminemment en Occident et que la tradition w~b6ro-troeltschienne a illustr6 d'intiressante fagon. C'est de ce point de vue que nous nous sommes plac6 dans nos commentaires pr6c6dents. Or il faut bien avouer que, construit en Occident au sein de l'Eglise catholique, avant d'6tre revisit6 par l'histoire et la sociologie, ce concept n'apparait pas sans limites propres, lorsqu'on essaie de l'employer hors de la culture occidentale oh il a vu le jour et s'est d6velopp6. Non seulement la notion de confrdrie mystique musulmane r6siste h la comparaison avec l'ordre religieux chr6tien; on l'a constat6 plus haut. Mais, et de plus (cela ne pouvait apparaitre dans nos pr6c~dentes r~flexions), le concept d'ordre religieux, tel que construit so- ciologiquement, ne parvient pas h rendre compte - Max Weber et Ernst Troeltsch en avaient conscience - de l'ensemble de la <virtuosit>> religieuse observable dans l'histoire chr6tienne, h l'Orient du christianisme en particulier. En essayant de procurer plus de r~alit6 qu'il ne s'en est vu reconnaitre jus- qu'ici, au concept - rapidement esquiss6 par Max Weber - de <<groupement volontaire d'intensit6>> (ou, d'ailleurs, de <virtuosit6 religieuse>>, on facilite- rait, croyons-nous, la comparaison en la matibre: entre confessions chr6- tiennes; entre religions abrahamiques; probablement aussi avec les religions extreme-orientales, dans lesquelles l'idde d'ordre religieux n'apparait qu'h par- tir d'une acculturation i l'Occident.

C'est par le biais de cet Umweg que notre travail ici nous semble trouver sa cohdrence int6rieure: les ordres religieux occidentaux dvoquis dans les deux premiers ouvrages trouvent leur l6gitimit6 dans la subordination-int6- gration conflictuelle avec l'organisme et l'institution Eglise; en l'absence de pareille instance organisant la survie maitris6e de l'exp6rience extra-quoti- dienne i l'origine des grandes fondations d'intensit6 religieuse, qu'en est-il de l'histoire du charisme et de son administration ? Oh trouve-t-elle - en de- hors de lui - le lieu de sa lgitimation sociale ? C'est la question pos6e im- plicitement par nos remarques pricidentes sur les tariqa; dans la mesure oh la question d'une comparaison possible avec les ordres religieux chr6tiens se trouve soulev6e par des sp6cialistes de l'islam.

Jean SEGUY Directeur de recherche au CNRS honoraire

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