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manuscripta math. 113, 1–23 (2004) © Springer-Verlag 2003 Fr´ ed´ eric Paulin Groupes g´ eom´ etriquement finis d’automorphismes d’arbres et approximation diophantienne dans les arbres Received: 17 October 2002 / Revised version: 15 July 2003 Published online: 27 November 2003 esum´ e. We introduce a class of non uniform tree lattices, analogous to the fundamental group of geometrically finite negatively curved manifolds. This class contains all the algebraic examples. Given such a tree lattice, we develop, as in [HP2] in the manifold case, a theory of diophantine approximation of points in the boundary of the tree by the parabolic fixed points. We compute approximation constants for some algebraic examples. All results are expressed intrinsically in terms of a natural geodesic flow for a graph of groups. 1. Introduction Soit T un arbre localement fini, ∂T son espace des bouts et Aut(T ) le groupe localement compact des automorphismes de T . Dans [BL, chap. 4], H. Bass et A. Lubotzky donnent, pour certains tels arbres, de tr` es nombreux exemples de sous-groupes discrets de covolume fini dans Aut(T ), les graphes \T ayant diff´ erents types de croissance et d’espaces de bouts. Nous introduisons (au chapitre 3) une nouvelle classe de sous-groupes discrets non ´ el´ ementaires de Aut(T ), que nous appelons eom´ etriquement finis, v´ erifiant une des deux conditions ci-dessous. Théorème 1.1. Si est un sous-groupe discret non ´ el´ ementaire de Aut(T ), les assertions suivantes sont ´ equivalentes: tout point limite de dans ∂T est ou bien conique ou bien parabolique born´ e, le graphe de groupe quotient \\T min est r´ eunion d’un graphe fini de groupes finis, et d’un nombre fini de rayons cuspidaux de groupes, o` u T min est le sous- arbre -invariant non vide minimal de T . Voir [Ser, BL] et le chapitre 2 pour des d´ efinitions. Ces groupes sont de covolume fini si T = T min . La premi` ere assertion, de nature dynamique, vient d’une analogie F. Paulin: Laboratoire de Math´ ematiques UMR 8628 CNRS, Equipe de Topologie et Dynamique (Bˆ at. 425), Universit´ e Paris-Sud, 91405 ORSAY Cedex, France. e-mail: [email protected] DMA, UMR 8553 CNRS, ´ Ecole Normale Sup´ erieure, 45 rue d’Ulm, 75230 Paris Cedex 05, France. e-mail: [email protected] Mathematics Subject Classification (2000): 20E08, 11J61, 20G25, 11J06 DOI: 10.1007/s00229-003-0413-1

Groupes géométriquement finis d’automorphismes d’arbres et approximation diophantienne dans les arbres

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manuscripta math. 113, 1–23 (2004) © Springer-Verlag 2003

Frederic Paulin

Groupes geometriquement finis d’automorphismesd’arbres et approximation diophantienne dans lesarbres

Received: 17 October 2002 / Revised version: 15 July 2003Published online: 27 November 2003

Resume. We introduce a class of non uniform tree lattices, analogous to the fundamentalgroup of geometrically finite negatively curved manifolds. This class contains all thealgebraic examples. Given such a tree lattice, we develop, as in [HP2] in the manifoldcase, a theory of diophantine approximation of points in the boundary of the tree by theparabolic fixed points. We compute approximation constants for some algebraic examples.All results are expressed intrinsically in terms of a natural geodesic flow for a graph ofgroups.

1. Introduction

Soit T un arbre localement fini, ∂T son espace des bouts et Aut(T ) le groupelocalement compact des automorphismes de T . Dans [BL, chap. 4], H. Bass etA. Lubotzky donnent, pour certains tels arbres, de tres nombreux exemples desous-groupes discrets � de covolume fini dans Aut(T ), les graphes �\T ayantdifferents types de croissance et d’espaces de bouts.

Nous introduisons (au chapitre 3) une nouvelle classe de sous-groupes discretsnon elementaires de Aut(T ), que nous appelons geometriquement finis, verifiantune des deux conditions ci-dessous.

Théorème 1.1. Si � est un sous-groupe discret non elementaire de Aut(T ), lesassertions suivantes sont equivalentes:

– tout point limite de � dans ∂T est ou bien conique ou bien parabolique borne,– le graphe de groupe quotient �\\Tmin est reunion d’un graphe fini de groupes

finis, et d’un nombre fini de rayons cuspidaux de groupes, ou Tmin est le sous-arbre �-invariant non vide minimal de T .

Voir [Ser, BL] et le chapitre 2 pour des definitions. Ces groupes sont de covolumefini si T = Tmin. La premiere assertion, de nature dynamique, vient d’une analogie

F. Paulin: Laboratoire de Mathematiques UMR 8628 CNRS, Equipe de Topologie etDynamique (Bat. 425), Universite Paris-Sud, 91405 ORSAY Cedex, France.e-mail: [email protected]

DMA, UMR 8553 CNRS, Ecole Normale Superieure, 45 rue d’Ulm, 75230 Paris Cedex05, France. e-mail: [email protected]

Mathematics Subject Classification (2000): 20E08, 11J61, 20G25, 11J06

DOI: 10.1007/s00229-003-0413-1

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avec les groupes discrets d’isometries de varietes riemanniennes a courbure negative(voir par exemple [Bou]).

L’interet de cette classe est qu’elle contient tous les exemples algebriques. Plusprecisement, soit K un corps value localement compact non archimedien, et G

un groupe algebrique connexe semi-simple sur K de K-rang 1. Soit T l’arbre deBruhat-Tits de G(K). Tout sous-groupe discret � de covolume fini de G(K) verifiela seconde assertion, avec Tmin = T , par un resultat de A. Lubotzky [Lub] (suiteaux travaux de J.-P. Serre, M. Raghunathan, ...).

Soit � un sous-groupe geometriquement fini de Aut(T ) et ω∞ un point limiteparabolique borne. Supposons pour simplifier que T n’a pas de sous-arbre invariantpropre. L’orbite�ω∞ est alors dense dans ∂T . Nous nous interessons dans cet articleaux proprietes d’approximation diophantienne des points de ∂T − {ω∞} par despoints de �ω∞. Nos resultats sont inspires d’une serie de travaux avec S. Hersonsky[HP2, HP3, HP4]. Par exemple, lorsque T est l’arbre de Bruhat-Tits de SL2 sur lecorps local k(( 1

t)), pour un corps fini k, et � = SL2(k[t]), il s’agit alors d’etudier

les proprietes d’approximation diophantienne des series formelles de Laurent dansk(( 1

t)) par les fractions rationnelles P/Q dans k(t), voir par exemple [Las, Sch,

Pau, BP].Nous montrons (au chapitre 3.2) qu’il existe dans T une unique horoboule

ouverte maximale HB∞ centree en ω∞ dont les images par � sont deux a deuxdisjointes. La complexite d’un point γω∞ de �ω∞ −{ω∞} est alors mesuree par ladistance D(γω∞) = dT (HB∞, γHB∞). Dans l’exemple precedent, D(P/Q) =2 deg Q (voir le paragraphe 4.5).

Une distance naturelle sur ∂T − {ω∞} entre deux points ω, ω′ suffisammentproches est donnee par dω∞(ω, ω′) = e−dT (p,q) ou p est le point d’intersectionde ∂HB∞ et de la geodesique ]ω∞, ω[, et q le point de bifurcation des deuxgeodesiques ]ω∞, ω[ et ]ω∞, ω′[. Dans l’exemple precedent, dω∞ est la distanceultrametrique usuelle sur k(( 1

t)) (voir le paragraphe 4.5).

Nous montrons (voir le corollaire 5.4) un theoreme a la Dirichlet suivant.

Théorème 1.2. Il existe une constante C > 0 telle que pour tout ξ dans ∂T −�ω∞,il existe une infinite de points r dans �ω∞ avec dω∞(ξ, r) ≤ Ce−D(r).

Nous appelons constante de Hurwitz de � la meilleure telle constante C. Nousmontrons comment la calculer a partir du graphe de groupes quotient �\\T . Parexemple, soit G un groupe algebrique simple sur k, simplement connexe et deploye,de rang 1, et T l’arbre de Bruhat-Tits de G sur le corps local k(( 1

t)). Nous montrons

que la constante de Hurwitz pour le reseau G(k[t]) est 1/e et celle pour le sous-groupe de congruence Ker (PGL2(k[t]) → PGL2(k[t]/tnk[t])) est en−1. Nouscalculons aussi l’analogue du spectre de Lagrange pour ces exemples.

Nous exprimons tous nos resultats de maniere intrinseque en terme du graphede groupes quotient �\\T . En particulier, nous donnons (au chapitre 4.1) une de-scription intrinseque pour un graphe de groupes du flot geodesique sur son arbre deBass-Serre. Cette description est inspiree par, et ulterieure a, la reference [BP],ou nous donnons, sur certaines hypotheses sur �, un codage markovien de ce flotgeodesique.

Groupes geometriquement finis d’automorphismes d’arbres et approximation 3

2. Notations et rappels sur les actions de groupes sur les arbres

2.1. Graphes et graphes de groupes [Ser, BL]

Si X est un graphe, nous noterons V X l’ensemble de ses sommets, EX l’ensemblede ses aretes, e l’arete opposee de e, et o(e) le sommet origine et t (e) le sommetterminal d’une arete e. Chaque arete e est munie d’une longueur �(e) = �(e) > 0.Nous supposerons toujours que infe ∈ EX �(e) > 0. Nous identifions un grapheconnexe et sa realisation geometrique, qui est munie de l’unique distance dX max-imale rendant chaque moitie d’arete e isometrique a [0,

�(e)2 ]. Nous identifions tout

chemin d’aretes dans le graphe X avec sa realisation geometrique (parametree parlongueur d’arc).

Si X est un graphe, nous noteronsAut(X) le groupe de ses automorphismes sansinversion preservant la longueur des aretes (donc la distance sur chaque composanteconnexe de X).

Soit X un graphe connexe localement fini. Muni de la topologie compacteouverte, Aut(X) est un groupe localement compact, et un sous-groupe � est discretsi et seulement si tout fixateur de sommet est fini. On note ∂X l’espace topologiquecompact des bouts de X, et X = X ∪ ∂X la compactification de X par ses bouts.

Si T est un arbre, l’espace des geodesiques de T est l’ensemble GT desisometries f de R dans T , telles que f (0) est un sommet de T . Si T est lo-calement fini, l’ensemble GT est muni de la topologie compacte-ouverte. Notonsσ : GT → GT la bijection (que nous appellerons flot geodesique) qui a f associel’application t �→ f (t + dT (f (0), x1)) avec x1 le sommet de T suivant f (0) surl’image de f . Le groupe Z agit sur GT par translation a la source (n, f ) �→ σ ◦n(f ).Le groupe Aut(T ) agit sur GT par composition au but (γ, f ) �→ {x �→ γf (x)}.Ces deux actions commutent. L’application τ : f �→ {t �→ f (−t)} est une invo-lution de GT , appelee l’application de renversement du temps. Elle commute avecl’action de Aut(T ).

Rappelons qu’un graphe de groupes est la donnee, notee (X, G∗), des objetssuivants :

– un graphe X (suppose connexe dans la suite),– pour tout sommet x de X, un groupe Gx ,– pour toute arete e de X, un groupe Ge tel que Ge = Ge,– pour toute arete e de X, un morphisme injectif de groupes ρe : Ge → Gt(e).

Si Y est un sous-graphe de X, alors nous notons (Y, G∗) le graphe de groupes induitpar (X, G∗).

Par exemple, si � est un groupe d’automorphismes d’un arbre T , alors le graphequotient X = �\T est muni d’une structure de graphe de groupes, appelee graphede groupes quotient et notee �\\T , de la facon suivante. On fixe un releve v dansT de chaque sommet v de X, un releve e dans T de chaque arete e de X, de sorteque e = e, et un element ge de � tel que get (e) = t (e). On definit alors Ge et Gv

comme les fixateurs dans � de e et v, et ρe : Ge → Gt(e) comme la restrictiona Ge de la conjugaison par g−1

e . A isomorphisme de graphes de groupes pres (ausens evident), le graphe de groupes quotient �\\T ne depend pas du choix des e, v

et ge (voir [Ser, chap. 5] pour tout complement).

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Si A est un sous-arbre maximal de X, nous renvoyons a [Ser, chap. 5] pour ladefinition du groupe fondamental � = π1(X, G∗; A) de (X, G∗) et du revetementuniversel de (X, G∗) correspondant a A : l’objet T est un arbre, muni d’une actionde �, tel que les graphes de groupes �\\X et (X, G∗) sont isomorphes.

Soit (X, G∗) un rayon de groupes, i.e. un graphe de groupes avec X un rayon, desuite des aretes consecutives (en)n∈N, que nous supposerons toujours orientees versle bout de X. Nous dirons que (X, G∗) est un rayon cuspidal si, pour tout n dansN − {0}, le morphisme ρen : Gen → Go(en) est surjectif (donc un isomorphisme).Cette condition se lit sur le graphe indexe (X, i) associe a (X, G∗) (voir par exemple[BL, sect. 2.5]).

2.2. Distance visuelle, fonction de Buseman et distance de Hamenstadt[Bou, HP1]

Soit T un arbre localement fini. Si x est un point de T et si ω, ω′ sont deux boutsde T , alors les rayons geodesiques issus de x et convergeant vers ω, ω′ coıncidentsur un segment de longueur notee (ω, ω′)x . La distance visuelle vue de x (voir parexemple [Bou]) entre ω et ω′ est

dx(ω, ω′) = e−(ω,ω′)x .

Cette distance induit sur l’ensemble des bouts de T la topologie des bouts. (LorsqueT est un arbre regulier de degre q + 1 ≥ 3 et de longueurs d’aretes 1, il peutetre preferable (a cause des exemples classiques) de prendre plutot dx(ω, ω′) =q−(ω,ω′)x .)

Soit dT la distance de T , et ω un bout de T . On appelle fonction de Busemanen ω l’application βω : T × T → R definie par

βω(x, y) = limt→+∞ dT (y, c(t)) − dT (x, c(t))

avec c : [0, +∞[ → T un rayon geodesique convergeant vers ω. Elle ne dependpas du choix de c, et verifie la relation de cocycle βω(x, y) + βω(y, z) = βω(x, z).

On appelle horosphere centree en ω toute ligne de niveau d’une fonction x �→βω(x, y0) pour n’importe quel y0 dans T . On appelle horoboule (ouverte) (fermee)centree en ω toute image reciproque d’un intervalle minore non majore (ouvert)(ferme) de R par une fonction x �→ βω(x, y0) pour un y0 dans T .

Soit ω un bout de T et H une horosphere centree en ω. Pour tous points u, v dubord de T distincts de ω, il existe un unique parametrage isometrique cu : R → T ,respectivement cv : R → T , de la geodesique entre ω et u, respectivement ω et v,tel que cu(0) et cv(0) appartiennent a H , et cu(t) et cv(t) convergent respectivementvers u et v quand t tend vers +∞. Puisque T est un arbre, il existe un unique reelt0 = (u, v)ω,H tel que cu et cv coıncident exactement sur ] − ∞, t0]. On appellealors distance de Hamenstadt sur ∂T − {ω} entre u et v la quantite

dω,H (u, v) = e−(u,v)ω,H .

Groupes geometriquement finis d’automorphismes d’arbres et approximation 5

Il est demontre dans [HP1, Appendix] que dω,H est une distance sur ∂T −{ω}. Il estfacile de voir que c’est une distance ultrametrique induisant la topologie des boutssur ∂T −{ω}, et que, en posant βω(H, H ′) = βω(x, x′) pour toutes les horospheresH, H ′ centrees en ω, et pour tout x dans H et x′ dans H ′, alors

dω,H ′ = e−βω(H ′,H)dω,H .

2.3. Ensemble limite de groupes discrets d’automorphismes [Bou, Rob]

Soit T un arbre localement fini, et � un sous-groupe discret de Aut(T ). Noussupposerons dans la suite que � est non elementaire, i.e. qu’il ne fixe aucun pointde T (ou de maniere equivalente qu’il est infini), ni aucun bout ou paire de boutsde T .

L’ensemble limite de � est l’ensemble, note �� , des points d’accumulationsde n’importe quelle orbite de � dans T . C’est l’unique ferme non vide invariantminimal de ∂T . Il est homeomorphe a un ensemble de Cantor.

L’enveloppe convexe de �, notee C�� , est le plus petit connexe de T dontl’adherence dans T contient �� . C’est un arbre localement fini, sans sommet ter-minal, invariant par �, dont la compactification par les bouts s’identifie naturelle-ment avec son adherence dans T (en particulier, ∂C�� = ��). C’est le plus petitsous-arbre de T non vide invariant par �.

Un point ω de �� est dit point limite conique s’il existe une suite (γn)n∈N dans� telle que, pour un (tout) point x de T et un (tout) rayon geodesique c dans T

convergeant vers ω, il existe C > 0 tel que

∀ n ∈ N, dT (γnx, c) ≤ C.

Un point ω de �� est dit point limite horospherique s’il existe une suite (γn)n∈N

dans � tel que pour un (tout) point x de T , la suite γnx rentre dans toute horoboulecentree en ω, c’est-a-dire

limn→+∞ βω(γnx, x) = +∞.

Il est immediat que tout point limite conique est un point limite horospherique. Ilexiste des groupes discrets (non de type fini) d’automorphismes d’arbres reguliersayant un point limite horospherique non conique. Par exemple, soit X le grapheplanaire (R×Z)∪(Z×R). Soit c un chemin d’aretes dans X qui spirale vers l’infini(par exemple celui qui part de l’origine et avance d’une unite, fait un quart de toura gauche et avance de deux unites, fait un quart de tour a gauche et avance de troisunites, etc). Soit T un revetement universel du graphe X (qui est un arbre regulierde degre 4) et � son groupe de revetement. Alors � est un sous-groupe discret deAut(T ), et le point a l’infini de tout releve de c est un point limite horospheriquenon conique.

Un point ω de �� est appele point parabolique borne si son fixateur �ω dans� agit proprement discontinuement avec quotient compact sur �� − {ω}.

Soit (X, G∗) un graphe (connexe) de groupes, et (pour un choix indifferent desous-arbre maximal) � son groupe fondamental, et T son revetement universel.

6 F. Paulin

Supposons � non elementaire. On appelle cœur convexe de (X, G∗), et on noteConv(X, G∗), le graphe de groupes �\\C�� . Le graphe de groupes (X, G∗) estobtenu a partir de Conv(X, G∗) en recollant en chaque sommet x de Conv(X, G∗)des arbres de groupes (eventuellement aucun), dont les groupes des aretes et lesgroupes des sommets sont des sous-groupes de Gx , le morphisme d’un groupe d’unearete dans le groupe de son extremite la plus proche de x etant l’inclusion. (En effet,si Tmin = C�� est le sous-arbre invariant non vide minimal de T , alors � permuteles composantes connexes c de T − Tmin, l’adherence de c ne rencontrant Tminqu’en un seul point xc, le stabilisateur de c etant contenu dans le fixateur de xc.)Le graphe de groupes (X, G∗) est dit minimal s’il est egal a son cœur convexe, ou,de maniere equivalente, si l’action de � sur T est minimale (i.e. sans sous-arbreinvariant non vide propre).

3. Groupes d’automorphismes geometriquement finis

3.1. Groupes discrets paraboliques

Soit T un arbre localement fini. Rappelons le corollaire 3, page 90 de [Ser] quidit qu’un groupe de type fini d’automorphismes d’un arbre, dont tous les elementssont elliptiques (i.e. ont au moins un point fixe dans l’arbre), admet un point fixeglobal. Les conditions suivantes sur un sous-groupe discret P de Aut(T ) sont doncequivalentes :

– P est infini et tous ses elements sont elliptiques,– P est infini et localement elliptique (i.e. tout sous-groupe de type fini fixe un

point de T ),– P est infini et localement fini (i.e. tout sous-groupe de type fini est fini).

Nous dirons qu’un sous-groupe discret P de Aut(T ) est parabolique s’il verifiel’une de ces conditions.

Il est montre dans [BL, page 49] que P fixe alors un unique bout ω de T (etne fixe aucun point de T ). Le groupe P preserve toute horosphere centree en ω. Iln’est pas de type fini. Tout sous-groupe de type fini de P fixe un rayon geodesiqueconvergeant vers ω.

Remarque. Si ω est le point fixe de P , alors P agit par isometries sur ∂T − {ω}pour la distance de Hamenstadt dω,H definie au paragraphe 2.2.

Proposition 3.1. Soit � un sous-groupe discret de Aut(T ). Soit ω un point parabo-lique borne de �� .

(i) Le fixateur �ω est un sous-groupe discret parabolique de Aut(T ).(ii) De plus, tout rayon geodesique dans T convergeant vers ω admet un sous-rayon

qui s’injecte par passage au quotient dans �\C�� en un voisinage d’un boutbω de �\C�� , ce voisinage etant (muni de la structure de graphe de groupesinduite par �\\C��) un rayon cuspidal.

Preuve. Quitte a remplacer T par son sous-arbre C�� , nous pouvons supposer queC�� = T . En particulier, �� = ∂T et T est sans sommet terminal.

Groupes geometriquement finis d’automorphismes d’arbres et approximation 7

Montrons d’abord l’assertion (i). Comme ∂T est un espace de Cantor, l’hypothesede compacite sur �ω\(∂T − {ω}) entraıne que �ω est infini. S’il existe un elementnon elliptique γ dans �ω, quitte a remplacer γ par γ −1, alors γ a une dynamiqueNord-Sud sur ∂T , de point fixe repulsif ω. Si V est un petit voisinage compactdu point fixe attractif, alors γ nV est contenu dans V pour n assez grand, ce quicontredit le fait que �ω agit proprement discontinument sur ∂T − {ω}.

Montrons maintenant l’assertion (ii). Notons c = (en)n∈N un rayon geodesiqueconvergeant vers ω et xn = t (en) = o(en+1). Soit �n le fixateur de xn, et �en celuide en. Il suffit de montrer que, pour tout n assez grand,

1. d’une part �n ∩�ω agit transitivement sur les aretes issues de xn ne pointant pasvers ω,

2. d’autre part �n fixe ω.

Montrons la premiere assertion par l’absurde. Il existe sinon une suite d’entiers(nk)k∈N tendant vers +∞ et une arete e′

k issue de xnk, differente de enk+1, qui n’est

envoye sur l’arete enkpar aucun element de �nk

∩�ω. Comme T n’a pas de sommetterminal, il existe un rayon geodesique dans T d’arete initiale e′

k . Soit ωk le bout deT extremite de ce rayon. Alors d’apres (i), pour tout γ dans �ω, l’image par γ de lageodesique entre ωk et ω (qui existe car ωk = ω) ne rencontre le rayon geodesiquec qu’au plus en son sous-rayon [xnk

, ω[. Donc

dx0(ω, �ωωk) ≤ e−dT (x0,xnk)

qui tend vers 0 quand k tend vers +∞. Donc pour tout compact K de ∂T − {ω}, sik est assez grand, aucun point de l’orbite �ω ωk n’appartient a K . Ceci contredit lefait que �ω\(∂T − {ω}) est compact.

Montrons aussi par l’absurde la seconde assertion. Sinon, il existe une sous-suite(nk)k∈N telle que Ak = �nk

− �enk+1 est non vide. D’apres la premiere assertion,quitte a supprimer les premiers termes de la suite, nous pouvons supposer que pourtout n ≥ n0, le groupe �n ∩ �ω agit transitivement sur les aretes issues de xn etdifferentes de en+1. En particulier, pour k ≥ 1, il existe au moins un element deAk qui envoie enk+1 sur enk

. Choisissons gk un tel element, qui de plus envoie unsegment [xnk

, xnk+Nk] de longueur maximale sur un segment de [xnk

, xn0 ]. Comme∂T est sans point isole, nous pouvons supprimer les sommets de T de valence 2.Il part alors au moins trois aretes de xn, et par la premiere assertion, pour n assezgrand, le groupe �n ∩�ω est un sous-groupe propre de �n+1 ∩�ω. Donc le cardinalde �n tend vers +∞ quand n → ∞. Comme gk conjugue le stabilisateur de xnk+Nk

au stabilisateur de xnk−Nk, et puisque les stabilisateurs des sommets sont finis, on

en deduit que nk − Nk tend vers ∞. En particulier, nk − Nk ≥ n0 + 1 pour k assezgrand. Fixons un tel k. Comme �nk−Nk

∩�ω agit transitivement sur les aretes issuesde xnk−Nk

et differentes de enk−Nk+1, et puisque

gkenk+Nk+1 = gkenk+Nk= enk−Nk+1,

on en deduit qu’il existe g′k dans �nk−Nk

∩ �ω qui envoie gkenk+Nk+1 sur enk−Nk.

Donc g′kgk envoie le segment [xnk

, xnk+Nk+1] sur un segment de [xnk, xn0 ]. Or g′

kgk

appartient a Ak , car �n∩�ω ⊂ �n+1∩�ω. Ceci contredit la propriete de maximalitede gk .

Ceci termine la preuve de la proposition 3.1. ��

8 F. Paulin

3.2. Systeme maximal d’horospheres et bouts cuspidaux

Soit T un arbre localement fini, � un sous-groupe discret de Aut(T ), et ω un pointparabolique borne, de fixateur �ω. Soit π : T → �\T la projection canonique, etbω le bout de �\T associe a ω (voir proposition 3.1 (ii)).

Nous dirons qu’une horoboule est homogene si le stabilisateur de son pointa l’infini agit transitivement sur l’intersection avec C�� de l’horosphere bord del’horoboule.

Soit (X, G∗) un graphe de groupes. Un rayon cuspidal maximal (Y, G∗) dans(X, G∗) est un sous-graphe Y de X muni de sa structure de graphe de groupesinduite, tel que

1. (Y, G∗) est un rayon cuspidal,2. Y prive de son origine est un ouvert de X,3. Y est maximal (pour l’inclusion).

Proposition 3.2. Il existe une unique famille �-equivariante d’horoboules ouverteshomogenes disjointes maximales centrees sur les points de l’orbite �ω de ω. Deplus, l’intersection avec C�� de la reunion de cette famille est la preimage par π

du rayon cuspidal maximal de bout bω dans �\\C�� .

Preuve. D’apres la proposition 3.1 (ii), il existe un rayon geodesique c dans T

convergeant vers ω qui s’injecte par passage au quotient dans �\C�� en un rayoncuspidal maximal de �\\C�� . Notons Hω l’horosphere centree en ω passant parl’origine de c, et HBω l’horoboule ouverte de bord Hω. Pour tout γ dans �/�ω,posons HBγω = γHBω. Montrons que la famille (HBγω)γ∈�/�ω convient.

En effet, cette famille est equivariante par construction, et contient exactementune horoboule ouverte centree en chaque point de �ω. Par la seconde conditiondes rayons cuspidaux maximaux, l’horoboule HBω est bien homogene, ainsi quechaque HBγω.

γωy x

γ ′ω

γ ′γ −1x

γ ′γ −1e

e

Montrons que ces horoboules sont disjointes. Soient γ, γ ′ distincts dans �/�ω.Il existe donc une geodesique entre les bouts distincts γω et γ ′ω, que l’on note]γω, γ ′ω[. Notons Hγω = γHω. Notons x (respectivement y) l’intersection deHγω (respectivement Hγ ′ω) avec ]γω, γ ′ω[. Supposons par l’absurde que leshoroboules ouvertes HBγω et HBγ ′ω se rencontrent. Alors γω, y, x, γ ′ω sont danscet ordre sur ]γω, γ ′ω[. Notons que γ ′γ −1 envoie le rayon [x, γω[ sur un rayon[γ ′γ −1x, γ ′ω[ avec γ ′γ −1x ∈ Hγ ′ω. Donc, si e est l’arete issue de x pointant vers

Groupes geometriquement finis d’automorphismes d’arbres et approximation 9

γω, alors γ ′γ −1e est une arete dans C�� issue de γ ′γ −1x et pointant vers γ ′ω. Partransitivite du fixateur de γ ′ω sur Hγ ′ω ∩ C�� , il existe un element de � envoyantγ ′γ −1e sur l’arete issue de y pointant vers γ ′ω. Donc le segment [x, y] ne s’injectepas par passage au quotient dans �\T , contradiction.

Enfin, montrons que ces horoboules sont maximales. En effet, par maximalitede c, l’image de l’origine de c dans �\T est un point triple de �\C�� , ou sinonl’injection du fixateur �e de la premiere arete e de c dans le fixateur �x de l’originex de c n’est pas surjective. Dans le premier cas, �ω n’agit pas transitivementsur l’intersection avec C�� de toute horosphere centree en ω non contenue dansl’adherence de HBω. Dans le second cas, si γ est dans �x −�e, alors l’intersectiondes adherences de HBγω et HBω est le singleton {x}, donc la famille (HBγω)γ∈�/�ω

est maximale. ��

3.3. Caracterisation des groupes geometriquement finis

Définition 3.3. Un graphe de groupes finis (X, G∗) est dit geometriquement fini sison groupe fondamental est non elementaire et si son cœur convexe est reunion d’ungraphe fini de groupes finis et d’un nombre fini de rayons cuspidaux de groupes finis.

Soit T un arbre localement fini, un sous-groupe discret non elementaire � deAut(T ) est dit geometriquement fini si le graphe de groupes �\\C�� l’est.

Remarque. Si (X, G∗) est un graphe de groupes finis, minimal, rappelons (voir[BL, page 29]) que le volume de (X, G∗) est par definition la somme des 1

|Gx |pour x sommet de X, sauf les sommets x de valence 2 tels que |Ge+| = |Ge−| =|Gx | pour e± les deux aretes d’origine x. Si � est geometriquement fini, alorsun argument de serie geometrique montre que le graphe de groupes �\\C��

est de volume fini. De plus (voir [BL]), le groupe � est de covolume fini dansAut(T ) si et seulement si le graphe de groupes �\\C�� est de volume fini. Dans[BL, Theo. 4.13, Theo. 4.17], il est construit de nombreux exemples de graphesde groupes de volume fini qui ne sont pas geometriquement finis. C’est la unedifference essentielle avec le cas des varietes riemanniennes a courbure negativepincee.

Nous renvoyons a [Bow, Dal] par exemple pour des caracterisations des varietesriemanniennes completes, a courbure negative pincee, geometriquement finies.

Théorème 3.4. Soit T un arbre localement fini, et � un groupe discret non element-aire de Aut(T ). Les conditions suivantes sont equivalentes :

(1) � est geometriquement fini,(2) tout point de l’ensemble limite est ou bien un point limite conique, ou bien un

point parabolique borne,(3) tout point de l’ensemble limite est ou bien un point limite horospherique, ou

bien un point parabolique borne.

Preuve. Quitte a remplacer T par son sous-arbre C�� , nous pouvons supposerque C�� = T . En particulier, �� = ∂T . Notons (X, G∗) = �\\T le graphe degroupes quotient.

Montrons que (3) implique (1).

10 F. Paulin

Fait. Pour tout bout b de X, il existe un voisinage du bout b qui est un rayongeodesique c, et qui, muni de la structure de graphe de groupes induite, est unrayon cuspidal.

Ceci montre en particulier que tout bout de X est isole. Comme X est localementfini, l’espace des bouts de X est compact. Le nombre de bouts de X est donc fini.Comme chacun de ces bouts admet un voisinage qui est un rayon geodesiquecuspidal, il en decoule que (X, G∗) est geometriquement fini.

Preuve du fait. Soit b un bout de X. Comme X est localement fini, il existe unrayon geodesique c dans X convergeant vers b. Soit c un releve de c dans T , etω = c(∞) son point a l’infini. Comme c est geodesique dans X, le point ω n’est pasun point limite horospherique. (Sinon, il existerait une suite (γn)n∈N dans � telle queβω(γnc(0), c(0)) → +∞. Donc βω(γn0 c(0), c(0)) > 0 pour un n0 suffisammentgrand. Soit p la projection orthogonale de γn0 c(0) sur c, et p l’image de p dansX. Alors le segment [γn0 c(0), p] de T s’envoie dans X sur un chemin entre c(0) etp strictement plus court que le sous-segment de c entre c(0) et p, ce qui contreditle fait que c est geodesique.) Le point ω est donc un point parabolique borne. Leresultat decoule alors de la proposition 3.1 (ii). ��

Montrons que (1) implique (2). Soit ω un point du bord de T , �ω son fixateur,et c un rayon geodesique d’extremite ω. Notons c le chemin dans X projection dec.

Comme X est la reunion d’un graphe fini et d’un nombre fini de rayons geode-siques, le chemin c ou bien passe une infinite de fois par un meme sommet (auquelcas ω est un point limite conique), ou bien converge vers l’un des bouts b de X.Dans ce second cas, comme un voisinage de b est un rayon geodesique cuspidal,quitte a raccourcir c, le chemin c est un rayon geodesique cuspidal dans X, qui estun voisinage de b.

Montrons que �ω agit proprement discontinument avec quotient compact sur∂T − {ω} (ce qui montre que ω est un point parabolique borne). Notons K lecompact de ∂T − {ω} forme des points ω′ tels que dc(0)(ω, ω′) ≥ 1, i.e. tels que lageodesique entre ω′ et ω passe par c(0). Soit ω′′ dans ∂T − {ω} et u l’intersectionde la geodesique ]ω, ω′′[ avec l’horosphere de centre ω passant par c(0). Puisquec est un rayon geodesique cuspidal, qui est un voisinage de b, il existe un elementde �ω envoyant u sur c(0). Donc toute orbite de �ω dans ∂T − {ω} rencontre K .L’ensemble des γ dans �ω, tels que γK ∩ K est non vide, est contenu dans lefixateur de c(0), donc est fini car � est discret. Donc (1) implique (2).

Enfin, nous avons deja vu que (2) implique (3). Le resultat en decoule. ��

Le corollaire suivant decoule alors de la preuve (1) implique (2) precedente(pour la surjectivite) et de la proposition 3.2 (pour l’injectivite).

Corollaire 3.5. Soit (X, G∗) un graphe de groupes geometriquement fini, � songroupe fondamental et T son revetement universel. Soit �\∂pT l’ensemble desorbites par � des points paraboliques bornes dans ∂T . L’application ω �→ bω

definie dans la proposition 3.1 (ii) induit une bijection de �\∂pT dans l’ensembledes bouts de Conv(X, G∗). ��

Groupes geometriquement finis d’automorphismes d’arbres et approximation 11

Soit (X, G∗) un graphe de groupes geometriquement fini. En particulier, X estun graphe connexe union d’un graphe fini et d’un nombre finis d’arbres. Un boutb de X sera dit cuspidal si c’est un bout du cœur convexe de (X, G∗). L’origine vb

du rayon cuspidal maximal de bout b dans Conv(X, G∗) sera appelee le pied de b.Le graphe de groupes Conv(X, G∗), prive du rayon cuspidal maximal (ouvert)

de chaque bout cuspidal de X, est un graphe fini de groupes finis, appele cœurconvexe epais de (X, G∗) et note Conv0(X, G∗).

Remarque. Un groupe est (isomorphe a) un sous-groupe geometriquement finidu groupe des automorphismes d’un arbre localement fini si et seulement s’il est(isomorphe a) un groupe fondamental d’un graphe fini de groupes denombrableslocalement finis. Un tel groupe n’est pas toujours de type fini, comme le montrel’exemple de PGL2(Fq [t]) (voir [Ser, page159]).

4. Geodesiques rationnelles et irrationnelles dans les graphes de groupescuspidaux

4.1. Geodesiques dans les graphes de groupes

Soit (X, G∗) un graphe de groupes. Nous appellerons chemin bi-infini de (X, G∗)toute suite c = (gi, ei)i∈Z avec ei une arete de X et gi un element de Go(ei ) telsque o(ei+1) = t (ei). Ce chemin est dit reduit si l’egalite ei = ei−1 impliqueque gi n’appartient pas a ρei

(Gei). Deux chemins bi-infinis reduits (gi, ei)i∈Z et

(g′i , e

′i )i∈Z sont dit equivalents s’il existe ηi dans Gei

pour tout i dans Z tels que

∀ i ∈ Z, g′i = ρei−1(ηi−1)

−1gi ρ ei(ηi) et e′

i = ei .

Nous appellerons geodesique (orientee, pointee) de (X, G∗) et noterons [gi, ei]i∈Z

la classe d’equivalence d’un chemin bi-infini reduit (gi, ei)i∈Z. Nous noterons � =�(X, G∗) leur ensemble. L’application τ : [gi, ei]i∈Z �→ [g−1

−i , e−i−1]i∈Z est uneinvolution de �, appelee l’application de renversement du temps.

Notons σ : [gi, ei]i∈Z �→ [gi+1, ei+1]i∈Z l’application de decalage sur �. Elleinduit une action de Z sur �, et nous appellerons toute orbite une geodesique nonpointee de (X, G∗). Une geodesique ξ est dite periodique s’il existe un entier n

dans N − {0} tel que σn(ξ) = ξ . Le plus petit tel entier n est appele la periode deξ .

Remarque. L’ensemble � des geodesiques de (X, G∗) est muni, pour tout entierk ≥ 1 d’une application naturelle sur l’espace �′

0 du flot geodesique d’ordre k

defini dans [BP]. La preuve ci-dessous est inspiree de la preuve du theoreme 6.5de [BP].

Théorème 4.1. Soit T un arbre, � un sous-groupe de Aut(T ) et � = �(�\\T ).Notons encore σ , τ les applications de �\GT dans �\GT induites par le flot

12 F. Paulin

geodesique et le renversement du temps sur GT (voir le paragraphe 2.1). Alors ilexiste une bijection φ : �\GT → � qui rend les diagrammes suivants commutatifs

�\GTσ−→ �\GT

φ ↓ ↓ φ

�σ−→ �

�\GTτ−→ �\GT

φ ↓ ↓ φ

�τ−→ � .

Remarque. L’interet de ce resultat est d’exprimer le flot geodesique sur GT demaniere intrinseque, purement en termes du graphe de groupes �\\T . Dans lecas des varietes riemanniennes compactes M , il est souvent important d’utiliserle flot geodesique directement sur M , sans passer au revetement universel. Unedescription du flot geodesique dans le cas des orbifolds riemanniens n’est pastoujours immediate. Ici aussi, la presence des stabilisateurs (finis) de sommetsapporte une complication importante, expliquant la technicite et la longueur de lapreuve qui suit. La presence eventuelle d’elements de � non triviaux fixant unegeodesique toute entiere de T peut etre problematique (voir [BP]).

Preuve. Soit π : T → �\T la projection canonique. Construisons une applicationφ : GT → � de la maniere suivante. Soit f : R → T un chemin d’aretes dansT . Notons (fi)i∈Z les aretes consecutives de f , orientees comme f , avec o(f0) =f (0). Posons ei = π(fi). Alors t (ei−1) = π(t (fi−1)) = π(o(fi)) = o(ei).

Reprenons les notations e, v, ge de la definition du graphe de groupes quotient�\\T (voir le paragraphe 2.1), pour e une arete et v un sommet de �\T . Commeπ(fi) = π(ei) = ei , il existe hi dans � tel que hifi = ei . L’element hi est biendefini modulo multiplication a gauche par un element du fixateur de l’arete ei , doncun element de Gei

. Posons

gi = g−1ei−1

hi−1h−1i gei

(∗)

Alors gi fixe o(ei), donc appartient a Go(ei ) = Gt(ei−1) (voir la figure ci-dessous).

ei−1 ei

fi−1 fi

π

ei−1

hihi−1

geigei−1

o(fi)

o(ei)

ei

o(ei)

Remarque. Notons que

fi−1 = h−1i−1ei−1 = h−1

i−1ei−1 .

Groupes geometriquement finis d’automorphismes d’arbres et approximation 13

Donc f est localement injective (i.e. fi = fi−1 pour tout i dans Z) si et seulementsi pour tout i dans Z ou bien ei = ei−1, ou bien

ei = ei−1 et gig−1ei

ei = g−1ei

ei .

Cette derniere inegalite est equivalente a gi n’appartient pas a ρei(Gei

). En par-ticulier, comme T est un arbre, l’application f : R → T est une isometrie si etseulement si (gi, ei)i∈Z est un chemin bi-infini reduit.

La classe d’equivalence de (gi, ei)i∈Z ne depend pas du choix des hi . En effet,si h′

i est un autre choix, donnant g′i , alors

g′i = g−1

ei−1h′

i−1h−1i−1gei−1g

−1ei−1

hi−1h−1i g ei

g−1ei

hih′i−1

gei

= ρei−1(hi−1h′i−1

−1)−1gi ρ ei

(hih′i−1

),

et donc (gi, ei)i∈Z et (g′i , ei)i∈Z sont equivalents, car hih

′i−1 fixe ei . Posons φ(f ) =

[gi, ei]i∈Z.Alors l’application φ est a valeurs dans�, et est�-invariante, donc induitune application φ : �\GT → �. La commutativite des diagrammes de l’enoncedu theoreme 4.1 est immediate par construction.

Montrons que φ est surjective, ce qui entraıne queφ est surjective. Soit (gi, ei)i∈Z

un chemin bi-infini reduit. Posons f0 = e0 et h0 = id. Montrons par recurrencesur n ≥ 1 que pour tout entier h tel que 1 ≤ k ≤ n − 1, il existe une arete fk de T

et un element hk de G tels que

t (fk−1) = o(fk), h−1k ek = fk et gk = g−1

ek−1hk−1h

−1k gek

.

Le resultat est clair pour n = 1. Supposons que l’hypothese de recurrence soitsatisfaite au rang n. Posons

hn = (h−1n−1gen−1gng

−1en

)−1 .

Alors la relation gn = g−1en−1

hn−1h−1n gen est verifiee, et h−1

n envoie o(en) surt (fn−1). En effet,

h−1n o(en) = h−1

n−1gen−1gng−1en

o(en) = h−1n−1gen−1gno(en)

= h−1n−1gen−1 o(en) = h−1

n−1t (en−1) = t (fn−1).

Maintenant, posons fn = h−1n en. L’origine de fn est bien t (fn−1). Alors pour

1 ≤ k ≤ n, les aretes fk et les elements hk de G verifient l’hypothese de recurrenceau rang n + 1.

On fait une construction similaire pour n < 0. Notons f : R → T le chemind’aretes dans T , d’aretes consecutives (fi)i∈Z, avec f (0) = o(f0). Par la remar-que precedente, f appartient a GT . On a alors φ(f ) = [gi, ei]i∈Z par construc-tion, ce qui montre la surjectivite de φ.

Montrons que φ est injective. Soient f, f ′ dans GT tels que φ(f ) = φ(f ′).Montrons qu’il existe γ dans � tel que f ′ = γf . Notons f ′

i , e′i , h

′i , g

′i les ob-

jets correspondants pour f ′ aux objets fi, ei, hi, gi construits pour f en debut depreuve. Comme φ(f ) = φ(f ′), on a e′

i = ei . Quitte a remplacer f et f ′ par leurs

14 F. Paulin

images par des elements de �, nous pouvons supposer que f0 = f ′0 = e0, et dans

la construction, nous pouvons alors prendre h0 = h′0 = id.

Comme φ(f ) = φ(f ′), il existe une suite (ηi)i∈Z avec ηi dans Gei, tels que

g′i = ρei−1(ηi−1)

−1gi ρ ei(ηi). Par l’egalite (∗), ceci entraıne

g−1ei−1

h′i−1(h

′i )

−1gei= ρei−1(η

−1i−1) g−1

ei−1hi−1h

−1i gei

ρ ei(ηi),

ce qui equivaut ah′

i (h′i−1)

−1 = η−1i hih

−1i−1ηi−1.

Posons f ′′ = η0f′. Alors, par naturalite, pour construire φ(f ′′), on peut prendre

h′′i = h′

iη−10 . Donc, pour tout i dans Z,

h′′i (h

′′i−1)

−1 = η−1i hih

−1i−1ηi−1.

Montrons par recurrence sur n ≥ 0 que h′′n = η−1

n hn. Comme h0 = h′0 = id, on a

h′′0 = h′

0η−10 = η−1

0 h0. Supposons la formule vraie au rang n − 1, alors

h′′n = η−1

n hnh−1n−1ηn−1h

′′n−1 = η−1

n hn.

Un raisonnement analogue pour n ≤ 0 montre que pour tout i dans Z, on a encoreh′′

i = η−1i hi . Donc, puisque ηi fixe l’arete ei , on a

f ′′i = (h′′

i )−1ei = h−1

i ηi ei = h−1i ei = fi.

Donc f ′′ = f , ce qui montre bien que f et f ′ sont dans la meme orbite par �.Donc φ est injective. ��

Soit (X, G∗) un graphe de groupes, � son groupe fondamental et T son revete-ment universel (pour un choix indifferent de sous-arbre maximal).

La proposition precedente donne donc une bijection φ entre les orbites sous �

des geodesiques de T et les geodesiques de (X, G∗). Si π : GT → �\GT est laprojection canonique, et ξ est une geodesique de (X, G∗), toute geodesique f de T

telle que φ ◦ π(f ) = ξ sera appelee un releve de ξ dans T . Il est immediat qu’unegeodesique ξ de (X, G∗) est periodique si et seulement si un (tout) releve de ξ estl’axe de translation dans T d’un element de �.

Nous appellerons support d’une geodesique [gi, ei]i∈Z de (X, G∗) le chemind’aretes (ei)i∈Z. Lorsque le sens est clair, nous dirons parfois qu’une geodesique de(X, G∗) verifie une propriete au lieu de dire que son support verifie cette propriete.

4.2. Geodesiques rationnelles et irrationnelles

Soit (X, G∗) un graphe de groupes geometriquement fini. Soit b∞ un bout cuspidalfixe de (X, G∗).

Notons Lk(X,G∗)(b∞) l’ensemble des geodesiques non pointees de (X, G∗)issues de b∞ et contenues dans Conv(X, G∗). Une geodesique irrationnelle estun element de Lk(X,G∗)(b∞) ne convergeant vers aucun bout cuspidal de (X, G∗).Une geodesique rationnelle est un element de Lk(X,G∗)(b∞) convergeant vers b∞.

Groupes geometriquement finis d’automorphismes d’arbres et approximation 15

Notons π1(X, G; b∞) le sous-ensemble des geodesiques rationnelles. Si (X, G∗)n’a qu’un seul bout cuspidal, alors un element de Lk(X,G∗)(b∞) est irrationnel siet seulement s’il n’est pas rationnel.

Proposition 4.2. Une geodesique irrationnelle s’accumule dans Conv0(X, G∗).

Preuve. Soit ξ = [gi, ei]i∈Z une geodesique contenue dans Conv(X, G∗), is-sue de b∞, et ne convergeant pas vers un bout de Conv(X, G∗). Supposons parl’absurde que la suite (o(ei))i∈Z ne s’accumule pas dans Conv0(X, G∗). CommeConv0(X, G∗) est un graphe fini de groupes finis, et que les pieds des bouts cuspi-daux separent le graphe sous-jacent de Conv(X, G∗), il existe un entier N tel quepour tout i ≥ N , l’arete ei est contenue dans le rayon cuspidal maximal Y d’unbout b de Conv(X, G∗), prive de son pied. Comme ξ ne converge pas vers b, ilexiste un entier i ≥ N tel que ei+1 pointe vers le bout b et ei = ei+1. Mais commeY est cuspidal, ceci contredit le fait que le chemin bi-infini (gi, ei)i∈Z est reduit.��

Soit � le groupe fondamental de (X, G∗) et T son revetement universel (pour unchoix indifferent de sous-arbre maximal de X). Considerons ω∞ le point a l’infinid’un releve fixe dans T d’un rayon geodesique de X convergeant vers b∞. Notons�∞ le fixateur de ω∞ dans �.

Proposition 4.3. L’application qui a γ dans � − �∞ associe l’image par φ :�\GT → �(X, G∗) de la geodesique de T entre ω∞ et γω∞ induit une bijectionde �∞\(� − �∞)/�∞ dans π1(X, G; b∞).

Preuve. Rappelons que l’orbite par le flot geodesique σ d’une geodesique de T estdeterminee par le couple de ses points a l’infini. Il suffit alors de remarquer, avecle theoreme 4.1, que l’orbite par le decalage σ d’une geodesique ξ dans (X, G∗)est rationnelle si et seulement si les points a l’infini d’un releve de ξ dans T sontdeux points distincts de l’orbite de ω∞ par �. ��

4.3. La distance entre deux geodesiques issues d’un bout cuspidal

Conservons les memes notations que dans la sous-section precedente. Si ξ estune geodesique issue de b∞ contenue dans Conv(X, G∗), alors il existe un relevede ξ qui est une geodesique issue de ω∞ contenue dans C�� . Un tel releve estuniquement defini modulo �∞. En considerant son point a l’infini dans �� −{ω∞},on obtient donc une bijection entre Lk(X,G∗)(b∞) et �∞\(��−{ω∞}). Ceci permetde munir Lk(X,G∗)(b∞) d’une topologie et d’une distance, par passage au quotient.

Plus precisement, notons H∞ l’horosphere de T centree en ω∞ dont l’intersec-tion avec l’enveloppe convexe de � se projette sur le pied vb∞ du bout b∞ (voirsous-section 3.2). Si ξ, ξ ′ sont deux elements de Lk(X,G∗)(b∞), on note

d(ξ, ξ ′) = min dω∞,H∞ (ξ (+∞), ξ ′(+∞))

avec ξ , ξ ′ parcourant les geodesiques de T issues de ω∞, relevant des geodesiquespointees representant ξ, ξ ′, et convergeant vers ξ (+∞), ξ ′(+∞) dans ∂T . Commeω∞ est un point parabolique borne, cette borne inferieure est bien un minimum.

16 F. Paulin

Cette application d est donc une distance sur Lk(X,G∗)(b∞), qui est la distancede Hamenstadt quotient sur �∞\(�� − {ω∞}), et que nous appellerons encore ladistance de Hamenstadt.

4.4. La profondeur d’une geodesique rationnelle

Conservons les memes notations que dans la sous-section precedente. Nous allonsmesurer la complexite d’une geodesique rationnelle r par la longueur du sous-segment de r entre le premier et le dernier point de passage par le pied du boutb∞.

Plus precisement, soit r une geodesique rationnelle, et (gi, ei)i∈Z un represen-tant. Il existe deux entiers

i− = min{i ∈ Z | o(ei) = vb∞} et i+ = max{i ∈ Z | o(ei) = vb∞}avec −∞ < i− ≤ i+ < +∞. La somme

D(r) =i+−1∑

i=i−

�(ei)

ne depend pas du representant choisi, et est appelee la profondeur de r .

Lemme 4.4. Si r est une geodesique rationnelle, correspondant a la double classe�∞γ�∞ avec γ ∈ � − �∞, alors

D(r) = dT (H∞, γH∞).

Preuve. C’est immediat en relevant r au revetement universel T . ��Proposition 4.5. L’ensemble des profondeurs des geodesiques rationnelles est unensemble discret de R avec multiplicites finies.

Preuve. Par le lemme precedent, ceci decoule du fait que l’action du groupe fon-damental de (X, G∗) sur son revetement universel est discrete, et que le point fixeparabolique correspondant au bout cuspidal b∞ est borne. ��

4.5. L’exemple des reseaux arithmetiques

Le resultat suivant decoule des travaux de M. Raghunathan et A. Lubotsky [Lub,Theo. 6.1].

Théorème 4.6. Soit K un corps value localement compact non archimedien, etGungroupe algebrique connexe semi-simple sur K de K-rang 1. Soit � un reseau (i.e. unsous-groupe discret de covolume fini) dans G(K). Soit T l’arbre de Bruhat-Tits deG(K). Alors � est un groupe geometriquement fini minimal d’automorphismes deT . ��

Groupes geometriquement finis d’automorphismes d’arbres et approximation 17

En fait, si K est de caracteristique nulle (i.e. si K est une extension finie de Qp),alors � est cocompact. Si K est de caracteristique p > 0, (i.e. si K est Fq((X−1))

avec q une puissance de p), il existe un ensemble non denombrable de classes deconjugaisons de � non cocompacts [Lub, Theo. 6.1].

Dans le cas des reseaux arithmetiques, voir par exemple [Ser, BT], les infor-mations plus precises ci-dessous sont connues. Soit K le corps des fonctions d’unecourbe algebrique C geometriquement connexe definie sur un corps fini k, v uneplace de K (qui est a la fois un point ferme de C et une valuation discrete sur K), Al’anneau affine de la courbe affine C −{v}, K le complete de K pour la valuation v,G un groupe algebrique simple simplement connexe et deploye de rang 1 sur K , et Tl’arbre de Bruhat-Tits de G(K). Alors G(A) est un sous-groupe geometriquementfini minimal de Aut(T ) et les bouts (qui sont tous cuspidaux) de G(A)\T sont enbijection avec l’ensemble fini

G(A)\G(K)/P (K)

avec P un sous-groupe parabolique minimal de G defini sur K (alors que les boutsde T sont en bijection avec G(K)/P (K)).

Par exemple (voir par exemple [Ser, page 149]), prenons K = Fq(X) le corpsdes fractions rationnelles sur Fq (le corps des fonctions de la droite projectiveP1(Fq)), v(P/Q) = (− deg P) − (− deg Q) la place en l’infini, et G = PGL2.Alors A = Fq [X] est l’anneau des polynomes, K = Fq((X−1)) est le corps desseries formelles de Laurent enX−1, de valeur absolue (ultrametrique) |·|∞ = q−v(·),en notant encore v la valuation de K etendant celle de K . L’arbre de Bruhat-Tits T

est l’arbre regulier de degre q + 1, et G(A)\\T est le rayon de groupes suivant

�0

�+0

�2

�2 �4�1

�1

�3

�3

avec �+0 = PGL2(Fq) et �n =

{(a b

0 d

)

, a, d ∈ F×q , b ∈ Fq [X], deg b ≤ n

}

,

avec les inclusions evidentes. Le graphe de groupes G(A)\\T est clairementgeometriquement fini et minimal, avec un seul bout cuspidal b∞.

Le bord ∂T de T s’identifie avec la droite projective P1(K), et le point a l’infinide cette droite projective, que nous noterons ∞, est un point parabolique borne, destabilisateur

�∞ =⋃

n∈N

�n.

L’orbite sous G(A) du point ∞ est la droite projective P1(K) sur K , c’est-a-direl’ensemble des points rationnels de la courbe projective P1(K) definie sur K .

L’ensemble LkG(A)\\T (b∞) s’identifie avec le quotient K/�∞ de K par legroupe engendre par les homotheties par les elements de F

×q et par les translations

par les elements de A. L’ensemble des geodesiques rationnelles de G(A)\\T corre-spond alors a K/�∞, car elles sont exactement les geodesiques non pointees issuesdu bout b∞ dont un (tout) releve issu de ∞ est d’extremite un point de l’orbite sousG(A) du point ∞, i.e. un element de K .

18 F. Paulin

La distance de Hamenstadt (avec t �→ qt remplacant t �→ et comme signaleprecedemment) sur P1(K) − {∞} = K est exactement (voir [Pau, Coro. 5.2]) ladistance induite par la valeur absolue | · |∞. La profondeur d’une geodesique ra-tionnelle r dont un releve issu de ∞ est d’extremite P/Q avec deg P ≤ deg Q

est (voir [Pau, Coro. 6.1]) le double de la hauteur logarithmique de Weil de P/Q :

D(r) = 2 max{−v(P ), −v(Q)} = 2 deg Q.

L’inegalite d’approximation diophantienne dans K (voir par exemple [Las,Sch]), pour x dans K − K et P, Q dans A (premiers entre eux)

|x − P/Q|∞ ≤ c

|Q|2∞devient (voir [Pau] pour plus d’information), en notant r la geodesique rationnelleprojection de la geodesique de T entre ∞ et P

Q, et ξ la geodesique irrationnelle

projection de la geodesique de T entre ∞ et x,

d(ξ, r) ≤ c q−D(r).

5. Constantes d’approximation en approximation diophantienne nonarchimedienne

5.1. Constante de Hurwitz

Soit (X, G∗) un graphe de groupes geometriquement fini, b∞ un bout cuspidal de(X, G∗), et d la distance de Hamenstadt sur Lk(X,G∗)(b∞).

Pour toute geodesique irrationnelle ξ de (X, G∗), notons K(ξ) la borne infe-rieure des constantes C telles qu’il existe une infinite de geodesiques rationnellesr avec d(ξ, r) ≤ Ce−D(r). Appelons constante de Hurwitz de (X, G∗), et notonsK(X,G∗)(b∞), la borne superieure des K(ξ) pour ξ geodesique irrationnelle.

Le but de ce paragraphe, inspiree du cas des varietes riemanniennes traite dans[HP2], est de montrer que cette constante d’approximation est finie non nulle, etde donner des moyens de la calculer.

Soit cb∞ : [0, +∞[→ X le rayon geodesique partant du pied vb∞ du boutcuspidal b∞ et convergeant vers b∞. Notons dX la distance dans X. La structuredes bouts de X montre que, pour tout x dans X, l’application t �→ t−dX(x, cb∞(t))

est constante pour t assez grand. Nous appelons fonction hauteur de (X, G∗) parrapport a b∞ l’application β = βX,G,b∞ : X → R definie par

β(x) = limt→+∞ t − dX(x, cb∞(t)).

Si ξ est une geodesique de (X, G∗), de support (ei)i∈Z, la hauteur de ξ est

ht(ξ) = lim supi→+∞

β(o(ei)).

Soit A+ l’adherence de la composante connexe de X−{vb∞} contenant un rayongeodesique de bout b∞, et A− l’adherence de X − A+. Notons p(x) la projection

Groupes geometriquement finis d’automorphismes d’arbres et approximation 19

sur cb∞ d’un point x de l’arbre A+. Il est immediat que β(x) = −dX(x, vb∞) pourx dans A−, et β(x) = dX(vb∞ , p(x)) − dX(x, p(x)) pour x dans A+. Notons E∞l’ensemble des aretes de cb∞ . Posons DS = ∑

e∈E∞ N�(e)∪∑

e∈EX−E∞ −N�(e).Alors DS est un ensemble discret, et si x est dans le cœur convexe de (X, G∗),alors β(x) appartient a DS.

Si ξ est une geodesique periodique, rationnelle, irrationnelle, sa hauteur ht(ξ)

appartient a DS, {+∞}, DS ∪ {+∞} respectivement.

Théorème 5.1. Soit ξ une geodesique irrationnelle issue de b∞ dans (X, G∗). Alors

K(ξ) = exp(−ht(ξ))

De plus, si ht(ξ) < +∞, alors il existe au moins une geodesique periodique ξ ′telle que ht(ξ) = ht(ξ ′). Reciproquement, pour toute geodesique periodique ξ ′, ilexiste une geodesique irrationnelle ξ issue de b∞ telle que ht(ξ ′) = ht(ξ).

Preuve. Soit ξ ′ = [g′i , e

′i]i∈Z une geodesique periodique. Considerons un rayon

geodesique c dans X, de bout b∞, d’origine un point du support de ξ ′ que l’onpeut supposer etre o(e′

0) quitte a renumeroter, et tel que la premiere arete de c est

differente de e′−1, e

′0. Notons (en)n∈−(N−{0}) les aretes consecutives de c, orientees

vers o(e′0). Posons gn = id si n < 0, et en = e′

n, gn = g′n si n ≥ 0. Alors

ξ = [gi, ei]i∈Z est une geodesique irrationnelle telle que ht(ξ ′) = ht(ξ). Cecimontre la troisieme assertion dans le theoreme 5.1.

Fixons pour la suite de cette preuve une geodesique irrationnelle ξ , et c =(gi, ei)i∈Z un representant de ξ . D’apres la proposition 4.2, ξ s’accumule dansle cœur convexe Conv0(X, G∗). Supposons que ht(ξ) < +∞. Les hauteurs dessommets de ξ varient dans l’ensemble discret DS. Comme X est localement fini,il existe donc une suite strictement croissante d’entiers positifs (in)n∈N, telle queein = ei0 et ht(ξ) = β(o(ein)) pour tout entier n.

Soit c′ = (g′i , e

′i )i∈Z un chemin bi-infini dans (X, G∗), periodique de periode

i1 − i0, avec e′k = ek et g′

k = gk pour i0 + 1 ≤ k ≤ i1. Alors c′ est reduit car c

l’est. Si ξ ′ est la geodesique dont un representant est c′, on a ht(ξ) = ht(ξ ′). Cecimontre la seconde assertion dans le theoreme 5.1.

Soit � le groupe fondamental et T le revetement universel de (X, G∗) (pourun choix indifferent de sous-arbre maximal de X). Considerons ω∞ le point al’infini d’un releve fixe dans T d’un rayon geodesique de X convergeant vers b∞.Notons �∞ le fixateur de ω∞ dans �. Soit (HBγ )γ∈�/�∞ la famille equivarianted’horoboules ouvertes homogenes disjointes maximales centrees sur �ω∞ (voirproposition 3.2). Notons Hγ l’horosphere centree en γω∞, bord de l’horobouleHBγ , avec Hγ = H∞ si γ est la classe de l’element neutre. Notons βγ la fonctionde Buseman du bout γω∞ s’annulant sur Hγ (voir sous-section 2.2).

Lemme 5.2. Soient ξ, r dans Lk(X,G∗)(b∞), avec r rationnelle. Soient ξ , r desgeodesiques de T issues de ω∞ relevant ξ, r , avec d(ξ, r) = dω∞,H∞ (ξ (+∞),

r(+∞)). Soit γ un element de (� − �∞)/�∞ tel que r(+∞) = γω∞. Alors

− log d(ξ, r) − D(r) = supt∈R

βγ (ξ (t)).

20 F. Paulin

Preuve. D’apres le lemme 4.4, D(r) = dT (H∞, γH∞) ≥ 0. Notons p la projec-tion orthogonale de γω∞ sur la geodesique ξ . Posons u = supt∈R βγ (ξ (t)). Il y adeux cas a considerer, suivant que p appartienne a HBγ (auquel cas u = dT (p, Hγ ))ou que p n’appartienne pas a HBγ (auquel cas u = −dT (p, Hγ )). Voir les dessinsci-dessous, respectivement de gauche et de droite.

γω∞

γH∞

D(r)

ω∞

− log d(ξ, r)

up

ξ(+∞)

H∞

γω∞

γH∞p

D(r)− log d(ξ, r)

ω∞

−u

ξ(+∞)

H∞

Par definition de la distance de Hamenstadt d sur Lk(X,G∗)(b∞) (voir sous-section 4.3), on a − log d(ξ, r) = D(r) + u dans le premier cas et D(r) =− log d(ξ, r) − u dans le second. Le lemme en decoule. ��

Notons ξ une geodesique de T issue de ω∞ relevant ξ , avec (ei)i∈Z la suiteordonnee de ses aretes, ei se projetant sur ei dans X. Puisque ht(ξ) = β(o(ein)), ilexiste au moins un rayon geodesique cn dans T d’origine o(ein) convergeant versγnω∞ pour un γn dans (� − �∞)/�∞, et dont l’arete origine est differente deein−1, ein par maximalite. Notons rn la geodesique rationnelle de (X, G∗), projec-tion de la geodesique de T formee du sous-rayon de ξ entre ω∞ et o(ein), et suividu rayon cn.

Comme les points γnω∞ convergent vers ξ (+∞), et que �∞ agit proprementsur C�� − {ω∞}, nous pouvons supposer quitte a extraire que les rn sont deux adeux distincts. Comme ht(ξ) = β(t (ein)), on a, pour tout n dans N,

ht(ξ) = supt∈R

βγn (ξ (t)) = supγ∈(�−�∞)/�∞

supt∈R

βγ (ξ (t)).

Par le lemme 5.2, on en deduit donc que K(ξ) = e−ht(ξ), ce qui termine lapreuve du theoreme 5.1 si ht(ξ) < +∞. Des arguments analogues montrent quesi ht(ξ) = +∞, alors K(ξ) = 0. ��Définition 5.3. Notons h(X,G∗)(b∞) le minimum des hauteurs des geodesiquesperiodiques de (X, G∗).

Remarquons que comme� est non elementaire, il existe au moins une geodesiqueperiodique dans (X, G∗). Toute geodesique periodique est contenue dans le cœurconvexe de (X, G∗). L’intersection de ce cœur convexe avec β−1(]−∞, t]) est, pourt suffisamment petit, reunion disjointe (eventuellement vide) de rayons cuspidaux.Un rayon cuspidal prive de son origine ne contient pas de geodesique periodique.Donc l’ensemble non vide des hauteurs des geodesiques periodiques est minore.

Groupes geometriquement finis d’automorphismes d’arbres et approximation 21

Comme DS est discret, la borne inferieure des hauteurs des geodesiques periodi-ques est atteinte (donc est un minimum), et h(X,G∗)(b∞) est bien defini et appartienta DS.

Corollaire 5.4. Soit (X, G∗) un graphe de groupes geometriquement fini, et b∞ unbout cuspidal de (X, G∗).1. K(X,G∗)(b∞) = exp(−h(X,G∗)(b∞)).2. 0 < K(X,G∗)(b∞) < +∞.3. Il existe une constante C > 0 telle que pour toute geodesique irrationnelle ξ , il

existe une infinite de geodesiques rationnelles r avec

d(ξ, r) ≤ Ce−D(r).

Preuve. La premiere assertion decoule du theoreme 5.1. La seconde decoule dela premiere et du fait que h(X,G∗)(b∞) est dans DS. La troisieme decoule de laseconde par definition de K(X,G∗)(b∞). ��

5.2. Spectre de Lagrange

Soit (X, G∗) un graphe de groupes geometriquement fini, et b∞ un bout cuspidal de(X, G∗). L’ensemble Sp = Sp(X,G∗)(b∞) des K(ξ) lorsque ξ parcourt l’ensembledes geodesiques irrationnelles, est, par le corollaire 5.4, une partie majoree de[0, +∞[, que nous appellerons spectre de Lagrange de (X, G∗) pour b∞.

Le spectre des hauteurs de (X, G∗) par rapport a b∞ est la partie SpH =SpH(X,G∗)(b∞)de R forme des hauteurs des geodesiques periodiques dans (X, G∗).C’est un ensemble discret non majore, de minimum h(X,G∗)(b∞), chaque valeurpouvant avoir une multiplicite infinie.

Par le theoreme 5.1, l’application de SpH dans Sp − {0} qui a t associe e−t

est une bijection. Si (en)n∈N est le rayon cuspidal maximal de bout b∞, alors SpH

est la reunion d’un ensemble fini forme des hauteurs des geodesiques periodiquescontenues dans Conv0(X, G), des −d(vb, vb∞) pour b bout cuspidal de X differentde b∞, et de l’ensemble des

∑ni=0 �(ei) pour les n dans N−{0} tels que l’inclusion

Gen → Gt(en) soit propre.

Exemples de calculs de spectre de Lagrange

Soit Fq le corps fini a q elements. Soit G un groupe algebrique simple sur Fq ,simplement connexe et deploye, de rang 1, et T = TG,Fq

l’arbre de Bruhat-Tits de

G sur le corps local Fq

(( 1t

)). Alors G(Fq [t])\\T est un rayon cuspidal de groupes

(voir par exemple [Ser, page 151][Sou]). Comme q ≥ 2, le spectre des hauteurs estN − {0}. Par ce qui precede, son spectre de Lagrange est alors

Sp G(Fq [t])\\T = e−(N−{0}) ∪ {0}.Sa constante de Hurwitz est 1/e, atteinte exactement pour les geodesiques irra-tionnelles qui, a partir d’un certain moment, oscillent entre les deux premiers som-mets du rayon G(Fq [t])\T , i.e. dont le support (ei)i∈Z verifie

∀ i ≥ 0, e2i+N = a et e2i+N+1 = a

pour N un entier et a la premiere arete de G(Fq [t])\T .

22 F. Paulin

Proposition 5.5. Soit k dans N − {0}. Si �(k) est le sous-groupe de congruenceprincipal

�(k) = Ker(

PGL2(Fq [t]) → PGL2(Fq [t]/tkFq [t]))

,

alors le graphe de groupes quotient �(k)\\T a pour spectre de Lagrange (parrapport a n’importe lequel de ses bouts cuspidaux)

Sp �(k)\\T = {em | m ∈ Z, m ≤ k − 1} ∪ {0}.

En particulier, sa constante de Hurwitz est ek−1.

Preuve. Reprenons les notations du paragraphe 4.5 concernant l’arbre de Bruhat-Tits T = TPGL2,Fq

et son groupe d’automorphismes � = PGL2(Fq [t]). Notons

x0, x1, x2, ... les sommets de T fixes par �′0, �1, �2, .... Posons �′

0(k) = �′

0 ∩ �(k)

et �(k)n = �n ∩ �(k) pour tout n dans N ∪ {∞}. Alors �′

0(k) est trivial, et �

(k)n

est trivial si n ≤ k − 1. Si n ≥ k, alors �(k)n contient {

(1 αtn

0 1

)

| α ∈ Fq},donc agit transitivement sur les aretes d’extremite xn et d’origine differente dexn+1. Donc l’image dans �(k)\\T du rayon geodesique [xk−1, ∞[ est un rayoncuspidal maximal pour le groupe �(k). Notons (HB

(k)γ∞)

γ∈�(k)/�(k)∞

la famille �(k)-equivariante d’horoboules ouvertes homogenes disjointes maximales centrees auxpoints de l’orbite �(k) ∞. Si H

(k)∞ est l’horosphere correspondante centree en ∞,

alors H(k)∞ passe par le point xk−1. Comme �(k) est distingue dans �, le groupe

� preserve cette famille. Toute geodesique de T passe par un point de �x0, donca meme hauteur qu’une geodesique passant par x0. Il en decoule que le spectredes hauteurs pour �(k) est (N − {0}) ∪ {0, −1, −2, . . . ,−k + 1}. Ceci demontre laproposition. ��

Remerciements. Je remercie le rapporteur pour ses nombreuses remarques, qui ontbeaucoup ameliore ce texte.

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