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HAITI Améliorer l’accès financier aux soins pour la population de la commune de Petite Rivière © Brian Atkinson Résultats d’une expérience positive de réduction des coûts pour les patients UCS de Petite Rivière, Verrettes, La Chapelle, Département de l ‘Artibonite Médecins Sans Frontières - Février 2007

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HAITI

Améliorer l’accès financier aux soins pour la population de la commune de

Petite Rivière

© Brian Atkinson

Résultats d’une expérience positive de réduction des coûts pour les patients UCS de Petite Rivière, Verrettes, La Chapelle, Département de l ‘Artibonite

Médecins Sans Frontières - Février 2007

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1Ce document a été rédigé par Silvia Mancini avec l’aide de Frédérique Ponsar et

l’équipe de MSF à Petite Rivière de l’Artibonite en Haiti.

Pour toutes questions ou remarques veuillez contacter :

Loris De Filippi Medici Senza Frontiere

Via Volturno, 58 00185 Roma

[email protected] Médecins Sans Frontières (MSF) est une organisation humanitaire internationale apportant une aide médicale d'urgence aux populations en détresse sans aucune discrimination de race, religion, philosophie ou politique. MSF est une organisation non gouvernementale impartiale et indépendante de tout pouvoir politique. MSF travaille aujourd'hui dans plus de 80 pays dans le monde et est actif en Haïti depuis 1991.

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Un très grand merci à tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce document

Il y a des peuples, des hommes et des femmes dont la destinée est la lutte. Pour naître. Pour survivre. Pour défendre leur vie et celle

des autres. Choix historique ou destinée assumée, ainsi se définit leur existence. Tout paraît pour eux plus laborieux et coûte bien plus

de sacrifices que pour n’importe quel autre.

Gérard Pierre-Charles

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3TABLES DE MATIERES

I. RESUME EXECUTIF...............................................................................................................4

II. INTRODUCTION ET CONTEXTE....................................................................................5 1. CONTEXTE ................................................................................................................................5

a. Enquête d’accès aux soins en 2004......................................................................................5 b. Evolution de la situation depuis l’enquête:..........................................................................6

2. OBJECTIF DE L’ANALYSE...........................................................................................................7 3. MÉTHODOLOGIE........................................................................................................................7

a. Données statistiques.............................................................................................................7 b. Investigations qualitatives....................................................................................................7 c. Entretiens clés ......................................................................................................................7

III. PRINCIPAUX RESULTATS ..............................................................................................8 1. EVOLUTION DE LA TARIFICATION DANS LES STRUCTURES SOUTENUES......................................8

a. Services de maternité ...........................................................................................................8 b. Consultations curatives........................................................................................................8

2. EVOLUTION DE L’UTILISATION DES SERVICES PENDANT LA PÉRIODE ÉTUDIÉE (2004-2006)..8 a. Consultations curatives totales (CT)....................................................................................8 b. Consultations curatives pour les groupes cibles................................................................13

i. Enfants de moins de 5 ans..............................................................................................13 ii. Personnes indigentes ......................................................................................................14

3. IMPACT DES CHANGEMENTS DE TARIFICATION SUR L’UTILISATION DES SERVICES LIÉS À LA MATERNITÉ .....................................................................................................................................15

a. Changements de tarifications.............................................................................................15 b. Consultations Prénatales (CPN).......................................................................................16 c. Accouchements CMCC .....................................................................................................17

IV. AUTRES POINTS SOULEVÉS LORS DES « FOCUS GROUPS » .............................19 1. SATURATION DES SERVICES/ LONGUES ATTENTES ..................................................................19 2. SURCHARGE DE TRAVAIL POUR LE PERSONNEL .......................................................................19 3. QUESTIONS ET INQUIÉTUDES LIÉES À LA VIABILITÉ DES STRUCTURES EN CAS DE GRATUITÉ TOTALE DES SOINS...........................................................................................................................20

V. INTERPRETATION DES DONNEES ET CONCLUSIONS .............................................22

1. CONSTATS À PETITE RIVIÈRE .................................................................................................22 2. CONSTATS FAITS DANS D’AUTRES CONTEXTES........................................................................23

VI. LISTE D’ABREVIATIONS................................................................................................25

VII. ANNEXES ............................................................................................................................26

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4I. RESUME EXECUTIF

L’objectif de ce document est de partager une expérience de réduction des barrières financières pour les patients et ses résultats positifs en termes d’utilisation des services dans le contexte rural haïtien. Ce document vise également à alimenter un débat auprès des acteurs impliqués dans la santé et soucieux d’améliorer la situation de santé des populations. Depuis 2001, MSF soutient 3 structures de santé publiques dans la commune de Petite Rivière dans le département de l’Artibonite, dans le nord du pays. Conformément à la politique nationale de payement des soins en Haïti, ces structures appliquent un système de recouvrement des coûts impliquant le payement direct des médicaments et des services par les patients. En 2004, une enquête de population réalisée par MSF avait révélé d’importantes barrières financières à l’accès aux soins dans les structures de l’Unité Communale de Santé pratiquant ce type de tarification. Suite à ce constat, MSF, en collaboration avec les autorités sanitaires locales a mis en place un forfait bas unique pour les consultations curatives (couvrant tous les frais liés à ce type de consultation). Pour les services de la maternité, un forfait spécifique a été introduit (couvrant tous les frais à partir de la première consultation prénatale jusqu’à l’accouchement). Les changements de tarification ont entraîné une meilleure utilisation des services par les patients:

- Les consultations curatives ont augmenté de plus de 50% assurant ainsi une meilleure couverture de la population atteignant plus d’1 contact par habitant par an.

- Pour le groupe vulnérable des moins de 5 ans, la couverture des soins a triplé. - Les consultations prénatales ont augmenté de 60%, atteignant une couverture de 52%. - Le nombre d'accouchements assistés dans la zone a doublé: la couverture actuelle est de 42% des

accouchements attendus.

Malgré une amélioration importante de l’accès aux soins, pour certains patients, le montant forfaitaire actuel reste un obstacle et induit un risque d’appauvrissement. Ces résultats avaient déjà été observés lors de l’enquête réalisée en 2004 (50% de familles s’appauvrissaient même pour payer un forfait bas). Dans un contexte où la majorité des familles vit en-dessous du seuil de pauvreté, la mise en place d’une gratuité totale des soins essentiels devrait être discutée comme une option pragmatique afin de rendre les soins accessibles à tous. L’expérience du projet à Petite Rivière confirme également la nécessité de mesures d’accompagnement de la gratuité afin d’assurer une prise en charge de qualité: la présence de ressources humaines qualifiées et correctement rémunérées ainsi que la réorganisation des services pour faire face à la demande accrue sont des éléments cruciaux. Abolir la barrière financière est une stratégie à même d’améliorer la couverture des services essentiels pour la population. Actuellement, des besoins de santé importants ne sont pas couverts par le système public haïtien et sa politique de recouvrement des coûts. Les résultats obtenus à Petite Rivière montrent qu’un soutien à des mesures permettant de réduire ou d’abolir cette barrière financière doivent être envisagés par les acteurs dont l’objectif est de réduire la morbidité et la mortalité au sein des populations. La population haïtienne mérite une réponse à ses besoins urgents en matière de santé : la question de la disponibilité des fonds et de leur utilisation afin d’assurer une intervention efficace, au profit des populations les plus vulnérables, doit être abordée. Les données actuellement disponibles devraient encourager les acteurs à évaluer la situation et à prendre leurs responsabilités afin de garantir des services de santé accessibles à la population.

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5II. INTRODUCTION ET CONTEXTE

1. Contexte

Médecins Sans Frontières (MSF) est présente à Petite Rivière de l’Artibonite (PRA) depuis 2001 et soutient trois structures publiques de soins de santé primaires dans l’Unité Communale de Santé (UCS) de Petite Rivière, Verretes et La Chapelle (PRVL - 322.500 habitants ). Il s’agit de deux dispensaires et d’un centre avec possibilité d’hébergement (centre avec lits). MSF soutient ces structures en termes d’approvisionnement en médicaments et matériel médical et fournit également un support au niveau des ressources humaines (engagements supplémentaires nécessaires, primes et formation). L’UCS comprend 18 structures sanitaires de premier échelon et un hôpital privé, l’hôpital Albert Schweitzer (HAS), d’une capacité de 190 lits. C’est le seul hôpital de référence dans la zone.1 Comme dans le reste du pays, les structures publiques appliquent un système de recouvrement des coûts- Haïti ayant adhéré au principe de participation financière directe de la population aux soins de santé. Il s’agit d’un système de paiement par les patients au moment où ils reçoivent les soins. Le patient doit payer pour les services, les médicaments et le matériel médical.2 Malgré la pauvreté, ce sont les patients eux-mêmes qui sont la source principale des contributions pour les soins de santé.3

a. Enquête d’accès aux soins en 2004 En 2004, conscient des difficultés d’accès aux soins, MSF a mené une enquête épidémiologique auprès de ménages de l’UCS afin de mesurer l’accès aux soins des populations et de quantifier l’importance des barrières financières à l’utilisation des services de santé.4 Au moment de l’enquête en 2004, deux systèmes de paiement coexistaient dans l’UCS: le système de recouvrement des coûts dans les structures publiques et un système de paiement unique comprenant tous les frais liés à une consultation – dans les structures des organisations HAS et Interaide ce paiement est subsidié et le patient paie une somme forfaitaire fixe basse. L’enquête réalisée a comparé l’accès aux soins des populations dans ces deux systèmes et révèle que:

- le système de recouvrement des coûts (RC) entrave considérablement l’accès aux soins pour une grande partie de la population: seul 1/3 de la population a accès aux soins de santé dans les zones où les structures pratiquent le recouvrement des coûts.

- le système forfaitaire (FF) garantit un accès deux fois plus important pour la population mais reste un obstacle à l’utilisation des services pour 1/3 de la population ainsi qu’un fardeau financier considérable pour les patients utilisant les structures.

1 Voir en annexes les établissements sanitaires de l’UCS PRVL 2 Ceci s’inspire de l’initiative de BAMAKO qui propose une approche pragmatique pour apporter des soins aux Pays pauvres. L’initiative de Bamako se basait essentiellement sur une participation communautaire pour payer les soins de santé. Il s’agissait donc de fournir des médicaments essentiels de qualité aux structures de santé de base, de former les responsables à l’utilisation rationnelle de ces médicaments, et d’assurer par la vente de ces médicaments dans les structures sanitaires des ressources financières pour les structures de santé. Dans le même temps, les usagers devaient également s’impliquer dans la cogestion des structures à travers les comités de santé. Le patient devait ainsi payer chaque « acte » médical: dossier, examen de laboratoire, pansement, mais également tous les soins coûteux comme les interventions chirurgicales ou le le traitement des maladies chroniques. 3 Voir enquête menée par Frédérique Ponsar, Accès aux soins dans l’Unité Communale de Santé de Petite Rivière, Verrettes, La Chapelle, Haïti, MSF, 2005. 4 Ibidem.

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6b. Evolution de la situation depuis l’enquête:

o Projets MSF

Suite à cette enquête et à l’expérience dans d’autres contextes, MSF a proposé de subsidier les 3 structures publiques dans lesquelles l’organisation était déjà impliquée afin de garantir la gratuité des soins pour les patients. La mise en place de la gratuité devait s’opérer en deux phases, tout d’abord un tarif forfaitaire bas pour le patient, ensuite, après une planification des ressources nécessaires, le passage à la gratuité. En mars 2005 avec l’accord du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), MSF a donc introduit un système forfaitaire dans les structures soutenues. Ce système forfaitaire devait s’accompagner d’un système d’exemption pour les patients les plus vulnérables. En 2006, MSF a annoncé la fin de son soutien aux structures prévue pour le début de l’année 2007, en accord avec le mandat de l’organisation et également en présence d’autres acteurs intéressés par la reprise du soutien aux structures. Vu cette décision le passage à la deuxième phase de gratuité totale n’a jamais eu lieu.

o Autres structures dans l’UCS - Depuis 2005, dans les autres structures publiques de l’UCS, il n’y a pas eu de changement de tarification –

le recouvrement des coûts a été maintenu. - Il n’y a pas eu de changement concernant le forfait dans les structures soutenues par Interaide (maintien

d’un forfait à 25 gourdes). - Les changements les plus importants concernent les structures de l’organisation HAS: Jusqu’en fin 2004, les structures de premier échelon et l’hôpital pratiquaient un système forfaitaire bas (19 gourdes pour les dispensaires et forfait bas variable selon les services à l’hôpital).

A partir de janvier 2005, confrontés à des problèmes financiers importants, la direction s’est vue contrainte d’augmenter la tarification, abandonnant ainsi progressivement le système forfaitaire en place.

Ainsi, en 2006, dans les structures de soins de premier échelon, le forfait a été fixé à 30 gourdes – sauf dans les mornes5 où le tarif de 19 gourdes a été maintenu. En plus du forfait, certains médicaments et les examens de laboratoire ont commencé à être facturés aux patients.

A l’hôpital, les prix ont augmenté de manière considérable. Dans toutes les structures, les tarifs pour les patients venant de l’extérieur de l’UCS ont également subi de très fortes augmentations.

Ces changements sont importants à signaler car ils peuvent influencer la démarche de soins des ménages et expliquer certaines évolutions en termes d’utilisation des services dans les structures soutenues par MSF étudiées dans le cadre de cette analyse.

5 Dans la terminologie haïtienne, le mot « morne » correspond à une zone montagneuse.

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72. Objectif de l’analyse

L’objectif de cette analyse est d’évaluer l’impact du changement de système de paiement des soins par le patient sur leur utilisation des services. Cette étude porte sur 3 centres de santé (Hôpital Charles Colimon- CMCC, dispensaire de Ségur et dispensaire de Jean Denis) soutenus par MSF à Petite Rivière de l’Artibonite et couvre la période de 2004 à 2006. Pendant cette période, un changement de tarification des soins est intervenu, passant du recouvrement des coûts en vigueur jusqu’à février 2005 à un système forfaitaire à partir de mars 2005. Ce système réduit de manière significative le coût des soins pour les patients.

3. Méthodologie Le travail de comparaison de l’utilisation des services avant et après le passage au forfait a été fait sur base de la collecte et de l’interprétation des données statistiques disponibles, d’investigations qualitatives ainsi que de discussions et entretiens avec les acteurs clés sur le terrain.

a. Données statistiques

Les statistiques disponibles sur l’utilisation des services ont été rassemblées pour: • les consultations générales • la provenance des patients • les consultations pour certains groupes vulnérables: enfants de moins de 5 ans, personnes

indigentes • les consultations prénatales et les accouchements

b. Investigations qualitatives

Des groupes de discussion («focus groups ») ont été organisés avec des membres de la communauté, des patients ainsi qu’avec le personnel des trois structures soutenues. L’objectif était de recueillir auprès des ces différents groupes des informations complémentaires concernant leur perception du système mis en place. Au total, dix « focus groups » ont été organisés. La méthode utilisée pour la réalisation de ceux-ci se trouve en annexe 2.

c. Entretiens clés

Des rencontres avec les principaux acteurs locaux impliqués dans la santé ont été organisées: Hôpital Albert Schweitzer (HAS), Interaide, la coordination de l’UCS. Ces informations issues des autres acteurs présents dans la zone sont également utiles pour l'interprétation des changements dans les structures soutenues par MSF. La synthèse de ces informations est rassemblée dans le présent document.

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8III. PRINCIPAUX RESULTATS

1. Evolution de la tarification dans les structures soutenues

a. Services de maternité

A partir du mois d’octobre 2004, MSF a réduit le prix de la consultation prénatale -CPN- (10 gourdes) et pour le planning familial (5 gourdes). En juillet 2004, un forfait de 100 gourdes est introduit pour l’accouchement. A partir de mars 2005, un forfait de 50 gourdes est fixé et couvre tous les frais depuis la première consultation prénatale jusqu’à l’accouchement.

b. Consultations curatives Jusqu’en février 2005, les soins étaient payants selon la logique du recouvrement des coûts. A partir du mois de mars 2005 un système forfaitaire est également introduit au niveau des consultations curatives. Le forfait inclut la consultation, les examens de laboratoire requis ainsi que tous les médicaments prescrits. Les systèmes tarifaires sont les suivants : Tarifs depuis le 1er mars 2005

Consultation Adulte

Consultation Enfant

Accouchement première visite payante et puis tout gratuit (toujours effectué au CMCC)

Suivi (maladie chronique, CPN…) après 1ère visite payante

Référence de Jean-Denis ou Ségur vers CMCC

Charles Colimon (CMCC)

40 HTG* 10 HTG 50 HTG Gratuit Gratuit

Jean Denis 20 HTG 10 HTG 50 HTG Gratuit Gratuit Ségur 20 HTG 10 HTG 50 HTG Gratuit Gratuit Commune hors 3 sections et hors commune

40 HTG 10 HTG 50 HTG Gratuit Gratuit

* gourdes haïtiennes- taux de change avril 2007 : 38 gourdes haïtiennes = 1 dollar

2. Evolution de l’utilisation des services pendant la période étudiée (2004-2006) a. Consultations curatives totales (CT)

o Evolution de l’utilisation des services dans les 3 structures de santé soutenues

Entre 2004 et 2006, le nombre total des consultations curatives a augmenté de 70%

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- En 2005 avant l’introduction du système forfaitaire, le nombre mensuel moyen de consultations était

de 5.160. Suite à l’introduction du système forfaitaire, pour le reste de 2005, la moyenne s’élève à 6.950 – soit une augmentation de 35 % du nombre de consultations.

- Si l’on compare la période de mars à décembre 2005 – après l’introduction du système forfaitaire- avec la même période l’année précédente, on constate une augmentation de 55% des consultations totales, de 4.470 à 6.950 consultations par mois dans les 3 structures.

- En 2006, le niveau moyen de consultations atteint à partir du mois de mars 2005 est maintenu.

Par rapport à l’aire d’attraction des centres de santé, on observe qu’après le changement de tarification, on atteint 1 contact par habitant par an dans les structures soutenues, soit une meilleure couverture de la population cible. Années Population estimée6 Nombre de consultations Contacts/habitant/an 2004 78.049 51.069 0,65 2005 79.766 79.865 1 2006 81.521 85.699 7 1,05 Le personnel des structures de santé interrogé lors des groupes de discussion confirme une plus grande utilisation des services et l’amélioration de l’accès aux soins pour la population. « Le système forfaitaire permet aux personnes sans moyens d’avoir accès aux soins, de venir consulter spontanément sans hésiter. Le système forfaitaire a permis aux gens de poursuivre le traitement jusqu’au bout alors qu’auparavant les gens consommaient des cures incomplètes. Le système forfaitaire a permis aux patients avec des maladies chroniques de recevoir des consultations sans problèmes ». Auxiliaire infirmière interrogée au CMCC, le 13 octobre 2006.

Estimation sur base de la donnée du 2005 fournie par l’UCS avec un taux d'accroissement annuel de 2,2%

7 Pour l’année 2006: les données de provenance des patients du CMCC sont également disponibles. Si on considère seulement les patients en provenance de la zone, la couverture est de 0,97 contact par habitant par an. Les données de provenance des patients ne sont pas disponibles pour les années 2004 et 2005.

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10« Les patients ont plus d’accessibilité aux soins, le coût est dérisoire, on a connu une augmentation du nombre des personnes desservies et plus de confiance de la part des malades ».Médecin du CMCC interrogé au CMCC le 15 octobre 2006.

Les entretiens réalisés avec des membres de la communauté confirment également l’impact positif du changement. Les membres de la communauté rapportent moins d’exclusion et moins de difficultés pour se faire soigner.

« Maintenant c’est bon parce que le coût est réduit et on peut recevoir tous les soins du cas, tandis que jadis on devait tout acheter. En plus il n’y a pas de discriminations, tout le monde est servi par ordre d’arrivée ». Membre de la communauté de Marcaisse interrogé le 13 octobre 2006.

« Le centre est amélioré, celui qui ne peut pas payer peut trouver des soins. On ne doit pas faire retourner les gens ». Membre de la Communauté de Petite Rivière interrogé le 14 octobre 2006. Evolution des consultations par structure :

Les périodes avant et après l’introduction du forfait correspondent à la comparaison entre les mois de mars à décembre 2004 et les mêmes mois de l’année 2005, après l’introduction du forfait. NB: Charles Colimon est la structure la plus fréquentée. C’est un centre avec lits, situé en ville, et offrant un plateau technique plus large que les dispensaires. C’est la structure de référence pour les dispensaires de Jean-Denis et de Ségur. Elle offre une possibilité de référence vers l’hôpital HAS.

o Pour le centre hospitalier de Charles Colimon: Si l’on compare la période de mars à décembre 2005 avec les mêmes mois de l’année précédente: on constate une augmentation de 55%, correspondant à une augmentation de 2.590 à 4.000 consultations en moyenne par mois dans la structure. Cette augmentation a été soutenue dans le temps. Les patients interrogés au sein de la communauté confirment une meilleure accessibilité des soins depuis le changement de tarification:

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11« Pour payer le dispensaire nous hypothéquions certains biens ou nous allions travailler au champ avec une personne » dit un homme. Ou bien on vendait des produits des champs, on faisait des hypothèques chez les amis pour un prêt ». Membre de la communauté interrogé à Negriel, le 14 octobre 2006. « Avant l’introduction du système forfaitaire c’était difficile de trouver de l’argent, j’ai dû vendre mes bêtes et d’autres biens ». Patients interrogés au CMCC, le 12 octobre 2006.

Le passage au forfait a amélioré l’accès pour les patients et réduit les risques d’appauvrissement liés au payement des soins. Il faut toutefois noter qu’une tendance à l’augmentation des consultations avait déjà été amorcée à partir de mars 2004. Différents éléments semblent intervenir dans l’explication de cette augmentation: - La réhabilitation et l’extension du centre hospitalier (les travaux de la réhabilitation du centre débuté en

juillet 2003 ont pris fin en décembre 2004). - L’amélioration de la prise en charge des patients grâce à un renforcement des ressources humaines, de

meilleurs outils diagnostiques et une amélioration du système de triage. - La présence de personnel expatrié dans le centre et la formation continue durant l’année 2004 pour

améliorer le niveau technique du personnel. - A partir du mois de mars 2004, un programme d’information, éducation et communication a été mis en

place afin de sensibiliser la communauté sur différentes thématiques liées à la santé (par ex: sida, santé maternelle).

Toutefois, cette tendance à l’augmentation est largement amplifiée avec le passage au forfait.

En 2006, le nombre de consultations continue à augmenter: le niveau d’accessibilité a été maintenu et la capacité du centre pour répondre à la demande des patients améliorée par le recrutement de personnel supplémentaire fin 2005 et début 2006 et par le travail de formation continue du personnel de santé, de supervision et d’évaluation pour une meilleure prise en charge des patients. En 2006, l’accent a été mis particulièrement sur l’augmentation de la qualité des soins offerts. Le circuit des malades a été amélioré afin d’assurer une prise en charge plus rapide. Un service d’admission pédiatrique a été mis sur pied. Le plateau technique du centre a également été élargi: consultations pour les malades chroniques et un volet VIH/sida comprenant dépistage, prise en charge des infections opportunistes, traitement antirétroviral et programme de prévention de la transmission mère-enfant.

o Pour le dispensaire de Ségur: Le nombre de consultations a doublé avec le passage au forfait: de 595 à 1.190 consultations en moyenne par mois entre 2004 et 2005. Les patients interrogés au dispensaire de Ségur ont confirmé une meilleure accessibilité depuis le passage au système forfaitaire :

« Avant l’introduction du système forfaitaire c’était plus difficile de trouver de l’argent. Parfois on allait pour la consultation mais après on n’arrivait plus à payer les médicaments ». Patients interrogés au Centre de Santé de Ségur le 13 octobre 2006.

En 2006, le nombre total de consultations a continué à augmenter. Une nouvelle infirmière a été recrutée et formée afin d’assurer une meilleure prise en charge des patients.

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12o Pour le dispensaire de Jean-Denis

Le passage au forfait a entraîné une augmentation de 40% du niveau des consultations: le niveau de consultations après le passage au forfait (mars – décembre 2005) est supérieur à celui des mêmes mois de l’année en 2004, sauf pour le mois de mai, probablement imputable à une rupture de stock, ou à l’absence/ congés du personnel. « Pour payer les soins, pour aller à l’hôpital et me soigner avant le système forfaitaire je vendais ce que j’avais, ou bien j’empruntais l’argent ou bien je faisais de petits commerces ». Membre de la communauté interrogé à Negriel, le 14 octobre 2006.

Toutefois les augmentations observées au dispensaire de Jean-Denis ont été moins importantes que dans les deux autres structures et également moins stables. Pour certains mois, le nombre de consultations chute de manière importante et en 2006, le nombre moyen de consultations n’a pas maintenu au niveau de 2005. Ceci laisse supposer que malgré l’impact positif du forfait, certaines contraintes persistent et ont limité le nombre de consultations. Au niveau des ressources humaines, on notera la démission en 2006 d’une infirmière recrutée en 2005. Cette infirmière n’a pu être remplacée. La difficulté pour les structures de faire face à l’augmentation de la demande, en raison du nombre limité de personnel et des horaires d’ouverture est notamment ressortie lors des discussions avec les patients. Dans les «focus groups » menés parmi les patients de Jean-Denis, beaucoup se plaignaient des longues attentes avant de se faire soigner : « On attend beaucoup, parfois 6-8 heures. Parfois on reste sans soins à cause de la limitation des consultations. Ici le samedi et le dimanche on ne reçoit pas les malades. Certaines fois nous nous levons à 4 heures du matin pour trouver la première place et malgré ça nous pouvons tomber à la 3ème ou à la 4ème place. Si les cartes sont terminées on peut vous renvoyer pour le jour après. Si on vient un vendredi on peut vous demander de retourner le lundi ou d’aller à PRA qui travaille le week-end » En général tant les statistiques recueillies dans les structures que les discussions avec les bénéficiaires des trois centres et les personnes de la communauté confirment que le système de tarification actuel est un soulagement financier pour les patients et garantit une amélioration de l’accessibilité des soins. Les pathologies principales diagnostiquées au niveau des structures sont la malaria, les infections respiratoires, les diarrhées et gastrites, les dermatoses et les infections sexuellement transmissibles (IST). Les consultations pour ces pathologies pour lesquelles un traitement est nécessaire ont augmenté suite au passage au forfait démontrant ainsi une meilleure couverture pour des consultations nécessaires. Les données récoltées soulignent également l’importance de mesures d’accompagnement de la gratuité: des subsides sont nécessaires pour garantir des ressources humaines en nombre suffisant pour répondre aux besoins de la population et assurer une prise en charge de qualité pour les patients.

o Provenance des malades Afin de savoir dans quelle mesure l’augmentation de l’utilisation des structures est imputable à une attraction des patients hors-zone, une étude de provenance a été réalisée sur un échantillon de patients du

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13centre hospitalier de Charles Colimon.8 Sur base de l’échantillon étudié, on estime qu’avant l’introduction du système forfaitaire, 10% des malades n’étaient pas originaires de la zone d’attraction du CMCC. Après l’introduction du système forfaitaire les malades provenant de l’extérieur de la zone représentent 17% des patients – sur base de l’échantillon étudié. Si l’on rapporte ces proportions au nombre de patients fréquentant le CMCC, cela signifie qu’en 2004 pour la période de mars à décembre, 2.600 patients hors-zone ont fréquenté le centre contre 6.800 en 2005. Le nombre de patients hors-zone a donc plus que doublé avec le passage au forfait. Ces données montrent également que malgré l’augmentation de l’utilisation des services par les patients hors-zone, la grande partie des augmentations des consultations totales pendant cette période est imputable à une augmentation des patients en provenance de la zone.

La majorité des patients hors zone viennent de l’extérieur de l’UCS, essentiellement de Saint-Marc et de Marchand Dessalines. Dans une moindre mesure les patients hors zone viennent des autres sections de l’UCS ne faisant pas partie de l’aire d’attraction de MSF. Seuls quelques patients consultant le CMCC sont venus de Port-au-Prince. L’augmentation des patients en provenance de l’extérieur de l’aire d’attraction est imputable à une meilleure offre et disponibilité des services. Elle doit aussi être mise en perspective avec la détérioration progressive des structures sanitaires de Saint-Marc et aussi avec l’augmentation des tarifs HAS dans les autres sections de l’UCS.

b. Consultations curatives pour les groupes cibles

i. Enfants de moins de 5 ans Une analyse d’un échantillon des données disponibles dans les registres des structures a permis de mesurer l’utilisation des structures par les enfants moins de 5 ans.9 Ce groupe particulier bénéficie d’un tarif inférieur

8 L’étude a été réalisée pour Charles Colimon uniquement en raison d’une meilleure disponibilité des données dans les registres et aussi parce que c’est la structure avec le plus grand potentiel d’attraction. L’échantillon étudié correspond à 4 jours par mois à partir d’août 2004 et pour toute la période avant et après la mise en place du forfait. 9 L’échantillon étudié correspond à une semaine par mois sur la base des registres disponibles dans les 3 structures (maximum de 4 mois en 2004) avant le forfait. Pour 2005 et 2006, les données complètes par tranches d’âge sont disponibles.

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14(10 gourdes) aux adultes et nous voulions mesurer l’impact des changements de tarification pour ce groupe vulnérable. Ces données sont présentées pour le CMCC.10 Sur base de l’échantillon étudié, on estime qu’avant la mise en place du forfait, la proportion des enfants de moins de 5 ans sur l’ensemble des consultations était de 15%. Sur base des données récoltées en 2005 et en 2006, on estime que depuis le passage au forfait cette proportion est passée à 30%. Ces données confirment que le forfait a permis une meilleure couverture de ce groupe vulnérable: sur base de l'échantillon de consultations étudié, on estime que le nombre mensuel moyen de consultations pour les enfants de moins de 5 ans est passé de 388 à 1200 suite au passage au forfait. Si l’on considère que les moins de 5 ans représentent 15% 11 de la population de l'aire d'attraction des structures, on peut dire que le taux d'utilisation pour ce groupe cible est passé de 0,4 à 1.24 contacts par habitant par an, soit un triplement de la couverture de ce groupe vulnérable, ce qui est positif.

ii. Personnes indigentes De manière générale, la mise en place du forfait devait améliorer l’utilisation des services par les différents groupes de population, dont les plus vulnérables. Toutefois sans la mise en place de la gratuité totale des services, un système d’exonération pour les personnes incapables de payer le montant forfaitaire devait être mis en place. Un système d’exemption minimum existait déjà avant la mise en place du forfait et ce système a été maintenu avec le passage au système forfaitaire. Il est basé sur l’identification par le personnel de la structure au moment où les personnes viennent pour se faire soigner. Il n’existe pas de système commun basé sur des critères objectifs, chaque structure applique en fait ses propres critères. Les données recueillies révèlent que ce système protège un nombre limité de personnes: plus ou moins 1% des consultations mensuelles avant et après la mise en place du forfait.

10 Les mêmes tendances ont été observées pour les dispensaires de Jean Denis et Ségur . 11 MSPP (2003), Plan Stratégique National pour la Réforme du Secteur de la Santé, p.29

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15Pourtant les discussions avec des membres de la communauté lors des « focus groups » ont souligné que certaines personnes ne peuvent toujours pas payer les soins ou doivent s’appauvrir pour payer malgré les tarifs forfaitaires mis en place. « Nous vendons ce que nous avons pour nous payer les frais du dispensaire, nous pouvons vendre du riz, un ami peut nous donner de l’argent. Nous faisons quand même des petites activités, nous demandons l’aide chez les voisins. Une femme dit qu’elle devait venir avec trois malades mais, faute de moyen en a amené un seul. Une autre femme dit qu’elle est malade depuis longtemps et qu’elle ne pouvait pas venir avant et que maintenant elle a demandé de l’argent à un ami. » Focus group réalisé à Jean- Denis le 10 octobre 2006 « Parfois nous sacrifions ce que nous avons pour les soins et ce jour là on est obligés de rester sans manger » Focus group réalisé à Ségur le 11 octobre 2006 « En général maintenant, avec le système forfaitaire on arrive à faire face aux dépenses pour les soins de santé. Si on a des problèmes on vend nos produits ou on emprunte de l’argent chez des amis ». Focus group réalisé dans la communauté à Négriel le Ségur le 14 octobre 2006 Ces données montrent que pour certains patients l’exclusion et l’appauvrissement des soins persistent malgré le système forfaitaire. Afin de tenter d’augmenter la protection des plus pauvres, la gratuité pour tous les patients en provenance des mornes a été instaurée depuis janvier 2006. A défaut de pouvoir assurer la mise en place de la gratuité des soins pour tous avant la remise du projet, MSF a également proposé un système d’exemption du coût des soins pour les plus pauvres, basé sur la pré-identification des indigents au sein de la communauté. Vu le départ de MSF ce système n’a pas été officialisé.12 NB: les expériences réalisées dans d’autres projets ont montré que dans des contextes de pauvreté généralisée, des mesures de ciblage des plus pauvres ne sont pas suffisantes pour améliorer l’accès aux soins de la population. Dans ce type de contextes, il est plus opportun de garantir la gratuité pour tous.13

3. Impact des changements de tarification sur l’utilisation des services liés à la maternité

Plusieurs changements de tarification ont été opérés pour les services de la maternité en 2004 et en 2005.

a. Changements de tarifications

o Consultations prénatales Jusqu’au mois de septembre 2004: la tarification était fixée selon le système de recouvrement des coûts – le patient payant pour la consultation, les traitements et les frais de laboratoire. A partir d’octobre 2004, une tarification réduite de 10 gourdes a été introduite pour toute consultation pré-natale. Les frais de laboratoire et les traitements éventuels étaient encore facturés selon la stratégie de recouvrement des coûts.

12 Une personne est considérée indigente si elle présente au moins un de ces critères: personne âgée, Veuf/Veuve, Orphelin, Infirme et un de ces éléments: absence de soutien familial, habitation en mauvais état (toiture en paille ou feuillage, murs délabrés, ratio de plus de 3 personnes par chambre), absence de source de revenu ( pas de travail ni d'activité quelconque), alimentation insuffisante (difficulté de trouver deux repas par jour, et en quantité insuffisante). Ou bien trois des éléments de la dernière liste. 13 Evaluation de l’accès aux soins dans la province de Karuzi : des résultats mitigés, Médecins sans frontières, Burundi, juin 2006 .

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16o Accouchements

NB: le centre de Charles Colimon est la seule des trois structures disposant d’un service de maternité fonctionnel. Jusqu’au mois de juin 2004, l’accouchement coûtait 350 gourdes. Les montants des traitements éventuels étaient payables en sus. A partir de juillet 2004, un coût de 100 gourdes par accouchement a été introduit: ce forfait comprenait tous les frais liés à l’accouchement. Depuis le mois de mars 2005, les femmes payaient 50 gourdes lors de leur première consultation prénatale et puis plus rien jusqu’à l’accouchement.

b. Consultations Prénatales (CPN)

NB: 70 % des consultations prénatales sont effectuées à Charles Colimon où un service de laboratoire existe et où les femmes savent également qu’elles pourront accoucher. Le nombre de consultations prénatales a fortement augmenté: entre 2004 et 2006, on note une augmentation de 75%. Si l’on compare les périodes selon le système de tarification, on observe que: Jusqu’à Septembre 2004: le nombre moyen de consultations prénatales par mois est de 500. Entre Octobre 2004 et Février 2005, suite au passage au forfait à 10 gourdes, le nombre moyen de consultations mensuelles était de 720, soit une augmentation de plus de 40% par rapport à la période précédente. A partir de mars 2005 et le passage au forfait tout inclus jusqu’à l’accouchement: le nombre moyen de consultations mensuelles s’élève à 850, soit une augmentation de plus de 15% par rapport à la période précédente. En 2006, la tendance à la hausse des consultations a été maintenue avec une moyenne de 960 consultations par mois. Si on considère seulement les femmes en provenance de la zone d’attraction, en 2006, la couverture en termes de consultations prénatales était de 52%.14

14 Le calcul de couverture correspond au nombre total de nouveaux cas en provenance de l’aire d’attraction divisé par la population cible. ( nombre de femmes dans la population qui risquent de tomber enceintes soit 4 % de la population totale.)

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17 De nombreuses femmes non originaires de la zone d’attraction utilisent également les services de consultation prénatales. L’impact du changement de tarification se manifeste donc également sur l’augmentation de l’utilisation du service de consultations prénatales. Le passage au premier forfait à 10 gourdes semble avoir eu l’impact le plus important sur la fréquentation de ce service par les femmes. La présence continue d’une sage femme expatriée (depuis juin 2004), le recrutement de deux infirmières supplémentaires spécialement pour les consultations prénatales ( 2006) ainsi que la formation continue du personnel de la maternité pour une meilleure prise en charge des femmes sont des éléments importants qui ont permis de répondre à la demande accrue des femmes et de garantir la qualité de leur prise en charge.

c. Accouchements CMCC Entre 2004 et 2006, le nombre d'accouchements a plus que doublé :

Jusqu’au mois de juin 2004, le nombre d’accouchements mensuels était très bas, avec une moyenne de 26 accouchements par mois, soit moins de 10% des accouchements attendus.

- A partir de juillet 2004 et avec la mise en place du premier forfait d’un montant de 100 gourdes et jusqu’à février 2005, le nombre moyen d’accouchements mensuels est de 89, soit multiplié par 3.

- Avec le passage au second forfait (50 gourdes de la première visite CPN jusqu’à l’accouchement ), le

nombre moyen d’accouchements jusqu’à la fin de l’année 2005 s’élève à 123, soit 40% d’augmentation supplémentaire par rapport à la période de forfait à 100 gourdes.

- En 2006, la tendance à l’augmentation continue avec, en moyenne, 138 accouchements assistés au

CMCC chaque mois. En 2006, on estime que l’on couvre 42% des accouchements attendus dans la zone. L’impact de la mise en place du premier forfait et du deuxième forfait réduit ont permis une meilleure couverture des accouchements assistés.

« Forte fréquentation de la structure, moins de mortalité, plus d’accès aux soins. Avant l’introduction du système forfaitaire, le CMCC était toujours très fréquenté mais beaucoup de gens n’arrivaient pas à payer les médicaments

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18dont ils avaient besoin surtout pour la maternité. Le système forfaitaire a beaucoup aidé; plusieurs femmes viennent de loin pour accoucher ici ». Auxiliaire infirmière interrogée au CMCC le 13 octobre 2006

La mise en place du forfait a été accompagnée par d’autres mesures visant à garantir la qualité de la prise en charge des soins au niveau de la maternité : - présence continue d’une sage-femme MSF expérimentée, recrutement d’une infirmière nationale

expérimentée et gardes assurées sous la supervision d’un médecin. - La sensibilisation de la communauté à l’importance des accouchements assistés réalisée par l’équipe

d’agents de santé déployés sur le terrain. - La construction d’une nouvelle maternité (achevée en janvier 2005).

L’analyse des données statistiques montre que l’utilisation des services tant au niveau des consultations

générales, des enfants de moins de 5 ans ainsi que des soins de santé maternels a augmenté suite à la réduction des barrières financières pour les patients. Les affirmations de patients et du personnel lors des « focus groups » confirment les données statistiques .

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19IV. Autres Points soulevés lors des « focus groups »

Les groupes de discussion ont toutefois également soulevés une série de difficultés liées à la mise en place de cette nouvelle tarification. Les thématiques principales ressorties des discussions sont présentées ci-dessous:

1. Saturation des services/ Longues attentes Tant les patients que le personnel de santé ont mis en avant le côté positif du forfait en termes d’amélioration de l’accessibilité des services mais ils ont également exprimé les difficultés de gestion de cette demande accrue. Les différents extraits des groupes de discussions soulignent la nécessité de moyens supplémentaires (RH, infrastructure, médicaments) pour répondre à la demande des patients. Les ressources humaines qualifiées en nombre suffisant et rémunérées de manière correcte sont indispensables à une réponse adéquate aux besoins de la population. Si ces problèmes de capacité des structures ne sont pas traités, ils risquent de dissuader les patients dans leur démarche de soins. MSF a travaillé sur ce volet en augmentant les ressources humaines disponibles et en leur assurant un rémunération décente. Le travail qui a été entamé peut certainement être amélioré et l’organisation du travail nécessite également d’être revue de manière régulière en fonction de l’augmentation de l’utilisation des services par la population. « Avec le forfait les patients ont plus d’accès mais ils ont plus de difficulté pour faire des examens au CMCC. Il y a trop de gens au CMCC. Les patients qui sortent de Jean Denis et de Ségur ont des difficulté pour passer au CMCC s’ils en ont besoin ». Auxiliaires infirmiers interrogés à Jean Denis et Ségur le 11 octobre 2006. « Les malades sont globalement satisfaits mais ils ne sont trop satisfaits par rapport aux longues attentes et au système de référence. Le système est trop lourd. Beaucoup de malades sont là toute la nuit pour attendre le lendemain et être reçus ». Auxiliaires infirmiers du CMCC interrogée le 13 octobre 2006

Au niveau des dispensaires les patients évoquent des problèmes de ruptures de stock de médicaments liés à l’afflux supplémentaire et réclament un élargissement des services offerts en périphérie. « Il sera bon aussi d’avoir sur place un labo et quelques soins pour les yeux ; il y aura aussi besoin de la maternité; besoin d’avoir tous les médicaments et d’éviter les ruptures des stocks ». Patient interrogé à Jean Denis le 10 octobre 2006. « Nous sommes fiers de tout mais la salle d’attente pour la vaccination est trop petite, nous voulons une maternité. Le centre est trop petit; il faut l’agrandir. Agrandissement pour faire les accouchements et les opérations ». Patient interrogé à Jean Denis le 11 octobre 2006.

2. Surcharge de travail pour le personnel Les discussions avec le personnel des structures confirment également une charge de travail importante pour le personnel en place et une demande par rapport à une augmentation du personnel pour maintenir la qualité des soins. Une meilleure valorisation du travail est également demandée : « On a connu une augmentation de la charge du travail, beaucoup de stress, il y a trop de monde qui arrive pour se faire soigner, pas de congé. Il faut augmenter le personnel. Nous avons besoin de plus de spécialistes (pédiatre, gynécologue). Il nous faut un bloc opératoire et il faut augmenter la capacité de la salle d’urgence ». Auxiliaires infirmiers du CMCC interrogée le 13 octobre 2006 « Le personnel est stressé et sous pression de la prime; il est frustré. Il faudra une prise en charge du personnel et lui donner plus de valorisation ». Auxiliaires infirmiers du CMCC interrogée le 13 octobre 2006

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20« On a connu une augmentation du travail et moins de salaires, beaucoup de stress, il y a trop de monde qui arrive pour se faire soigner, pas de congé ». Personnel de Jean Denis et Ségur interrogés le 11 octobre 2006. « On a eu une augmentation du travail, et donc il y a une exigence d’augmenter les ressources humaines. Si les ressources humaines ne sont pas renforcées, il y aura une augmentation de la charge de travail et un risque concret de diminuer la qualité des soins. Quelques fois on est obligés de refouler les patients. L’affluence est difficile à gérer». Personnel de Jean Denis et Ségur interrogés le 11 octobre 2006.

3. Questions et inquiétudes liées à la viabilité des structures en cas de gratuité totale des soins

Les discussions avec le personnel médical haïtien et les membres de la communauté ont également abordé leur opinion par rapport à la mise en place d’une gratuité totale des soins. Dans l’ensemble, forts de l’expérience de la réduction du coût des soins, le personnel médical pense que la gratuité est idéale en termes d’accessibilité pour les patients, particulièrement les patients vulnérables. Cependant, les discussions ont également révélé les inquiétudes du personnel quant à la pérennité d’un système gratuit pour le patient, des inquiétudes quant à la capacité d’absorption du système pour faire face à la demande ainsi que des craintes quant à l’utilisation irrationnelle des structures par les patients en cas de gratuité totale. La question de la valeur accordée aux soins gratuits par les patients est également abordée par le personnel. Le staff médical du CMCC interrogé le 15 octobre 2006: « Si tout était gratuit en tant que médecin je dois dire que ça sera idéal mais en tant que médecin haïtien qui vit et travaille ici, je dois dire qu’il sera catastrophique dans le sens que c’est sûr que ça ne va pas durer éternellement et que les conséquences seront terribles. L’Etat ne peut pas assurer ça et donc quand l’ONG s’en va tout ça va s’écrouler » « En plus il faut dire qu’on a tendance à minimiser les choses gratuites c’est dans la nature de l’homme: on pense que les choses gratuites ne sont pas bonnes. Cela augmentera les faux malades, il y aura un abus des soins et une pénalisation des vrais malades » Les discussions avec les patients révèlent également des inquiétudes par rapport à un engorgement des structures en cas de gratuité; la question de l’écroulement du système si le patient ne contribue pas est également évoquée. Certains patients ont également abordé la question de la perception des choses gratuites par la population. Membre de la communauté de PRA interrogée le 14 octobre 2006: « Si les médicaments étaient gratuits il y aurait trop de monde et donc le travail ne sera pas possible. En général ici on ne donne pas trop de valeur à la gratuité, on doit faire payer quelque chose. Il est quand-même mieux de donner une petite contribution en excluant les indigents. D’autre part, comme le souligne beaucoup de monde, si on va donner tout gratuit, le fonds de l’hôpital va s’épuiser et il ne sera pas possible, il n’y aura pas d’assurance pour le suivi de l’hôpital ». Ces différents points abordés lors des « focus groups » soulignent la nécessité de remplacer les fonds issus des paiements des patients par d’autres sources de financement pour garantir le fonctionnement des structures:

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21 La réduction du coût des soins permet de révéler la demande réelle des patients en termes de soins de santé. Sur base de cette demande, les moyens nécessaires (ressources humaines, rémunération de ces ressources, médicaments, organisation des services) pour répondre aux besoins de la population doivent être évalués. La réduction des coûts ou la gratuité des soins pour le patient signifie bien sûr que quelqu’un d’autre que le patient doit assurer le coût des soins. Les frais payés par les patients doivent être remplacés par d’autres sources de financement afin de garantir le fonctionnement des structures. La contribution financière des patients ne permet pas de garantir la pérennité des structures de santé. Plusieurs études ont montré que c’est une illusion de le croire.15 Dans des contextes où les besoins de santé sont importants, où la pauvreté est généralisée et où la participation financière s’est révélée être un obstacle à l’utilisation des services, améliorer la santé des populations passe par une augmentation des sources de financement – autres que celles basés sur les contributions directes des patients. Pour éviter de limiter les soins qu’une population pauvre peut s’offrir, les paiements des patients doivent être remplacés par d’autres sources de financement. Dans le cadre des objectifs de réduction de la mortalité, plusieurs acteurs recommandent ce type de stratégie afin d’obtenir des résultats rapides pour ces indicateurs.16

Des expériences de mise en place de la gratuité totale ont déjà été amorcées en Haïti, par exemple, suite aux cyclones qui avaient frappé le pays. Ces expériences ont entraîné une augmentation directe et importante de l’utilisation des services pour des consultations nécessaires. Elles ont également montré que les populations appréciaient largement les services gratuits lorsque la qualité des soins était assurée.17

15 WHO commission on Macroeconomics and health, Rapport final, 2001. 16 Stratégie de réduction de la mortalité et de la morbidité dans le cadre du projet des Objectifs du millénaire pour le développement 17 Analyse de l’impact des paiements et de la gratuité sur l’accès aux soins: l’expérience d’Ennery à HAITI, Résumé du rapport de juillet 2005

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22V. INTERPRETATION DES DONNEES ET CONCLUSIONS

1. Constats à Petite Rivière L’intégration du système forfaitaire a permis de briser la barrière financière d'accès aux soins et la prise en charge d'un grand nombre de patients, qui, avant les changements n’avaient pas les moyens d'accéder aux structures sanitaires. En 2004, l'enquête réalisée par Médecins Sans Frontières avait révélé les difficultés d'accès aux soins pour les patients dans le système de recouvrement des coûts pratiqué dans les structures de santé publique haïtiennes. L'enquête révélait aussi que le système forfaitaire subsidié par les organismes Interaide et HAS dans l'UCS de PRVL garantissait un accès aux soins double pour la population. 10% de la population restait pourtant exclue des soins et la moitié devait recourir à des mécanismes risquant de les appauvrir davantage pour payer les soins, dans un contexte où la majorité de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté. Suite à ces constats MSF a assisté la mise en place d'un forfait bas dans les 3 structures soutenues dans l'UCS. Plus d'un an après ces changements, MSF a voulu étudier l'impact de cette réduction tarifaire sur l'utilisation des services par les patients de notre aire d'attraction. Les résultats obtenus confirment les données récoltées dans le cadre de l’enquête de 2004 pour le système forfaitaire. L'impact positif des changements est visible à différents niveaux:

• les consultations curatives ont augmenté de plus de 50 % assurant ainsi une meilleure couverture de la population (1 contact par habitant par an).

• Pour le groupe vulnérable des moins de 5 ans, la couverture des soins a triplé. • Les consultations prénatales ont augmenté de 60 %. • Le nombre d'accouchements assistés dans la zone a doublé.

Malgré des améliorations substantielles de l’accès aux soins, les données récoltées confirment aussi que pour certains patients, le montant forfaitaire actuel reste un obstacle en termes d’utilisation des services et d’appauvrissement des patients alors que le système d’exemption tel qu’il existait au moment de cette analyse ne permettait pas de protéger les malades les plus pauvres. Les différentes données récoltées mettent aussi en évidence la nécessité de mettre en œuvre les moyens adaptés pour faire face à l'augmentation de la demande dans les structures. Elles révèlent que pour certaines structures des adaptations en termes de ressources humaines sont encore nécessaires pour éviter de longues attentes et assurer un bon niveau de prise en charge des patients. Ces difficultés d’absorption de la demande expliquent aussi partiellement qu’après une forte augmentation des consultations suite au passage au forfait, le nombre de consultations en 2005 ait diminué pendant quelques mois, tout en restant supérieur à la période précédent le forfait. En 2006, on observe que le travail sur la qualité des soins combiné à la diminution des barrières financières a permis le maintien de la tendance à l’augmentation de l’utilisation des services dans les structures.

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232. Constats faits dans d’autres contextes

Des analyses de l'impact négatif du recouvrement des coûts sur l'utilisation des services par les patients ainsi que de l'impact positif de la réduction/abolition des coûts pour les patients font partie d'un travail entrepris par MSF dans d'autres contextes. Dans différents contextes où MSF fournit des soins de santé à des populations vulnérables, des enquêtes au niveau de la population ont été réalisées pour mesurer l'accès aux soins et quantifier l'importance de la barrière financière lorsque le système de recouvrement des coûts est appliqué. Ces enquêtes ont permis de fournir des informations sur tous les malades, même ceux qui ne se rendent pas dans les structures.18 Des constats communs se sont dégagés des différents contextes tant en situation de post-conflit qu'en situation stable : - des taux de mortalité au-dessus des seuils d'urgence (même dans les contextes stables). - des niveaux socio-économiques des populations très bas, souvent en-dessous des moyennes nationales. - des taux d'exclusion des soins importants largement déterminés par les barrières financières. - l'appauvrissement des ménages pour faire face au payement des soins.

Sur base de ces constats, MSF a décidé de garantir la gratuité des soins dans ses projets et d'échanger les données des enquêtes et des changements positifs obtenus dans les projets avec les différents acteurs impliqués dans la santé. Au niveau international, ce diagnostic sur l'importance de la barrière financière est celui de nombreux acteurs19. D’autre part, certains Etats ont montré leur volonté politique de rendre les structures publiques accessibles à la population en garantissant la gratuité des soins pour l'ensemble de la population ou pour certains groupes cibles comme les femmes et les enfants.20 Ces changements ont été possibles grâce à une augmentation du budget national de la santé et à la mobilisation de fonds internationaux pour remplacer les paiements des patients. Certains bailleurs sont prêts à financer les ONG afin que le poids du coût des soins ne repose pas sur les patients.21 Dans le contexte haïtien, d'autres organisations ont indiqué l'importance d'abolir complètement la barrière financière pour les patients: l'ONG Initiative Développement a montré qu’en période de crise, suite au violent cyclone qui avait frappé Haïti en 2004, la gratuité des soins – mise en place par les autorités de manière exceptionnelle dans les zones sinistrées – a considérablement augmenté l’utilisation des services par la population. En sortie de crise, la réintroduction de tarifs forfaitaires – mêmes bas – a automatiquement entraîné une diminution de l’utilisation des services.22 En Haïti, tous les indicateurs de santé sont aujourd’hui toujours dans le rouge et la sous-utilisation des services dans les structures publiques montre l’absence d’une réponse adéquate aux besoins importants des populations.

18 Enquêtes réalisées par MSF dans les contextes suivants : Burundi, Chad, Sierra Leone, Mali, DRC. 19 Save the Children, Paying with their lives, 2006 OMS, financial access and protection for all, Rapport mondial santé 2005 Nations Unies : projet du millénaire pour le développement, Coopération britannique., White Paper, July 2006. 20 Différents pays africains ont fait cette démarche: Ouganda, Afrique du Sud, Burundi, Niger … 21 Exemple récent de la coopération britannique : financement supplémentaire pour les ONG implémentant la gratuité des soins en RDC. 22 Analyse de l’ impact des paiements et de la gratuité sur l’accès aux soins: L’expérience d’Ennery à HAITI, Résumé du rapport de juillet 2005

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24Nous espérons que les données récoltées par MSF à Petite Rivière pourront contribuer à la réflexion des acteurs impliqués dans la santé qui cherchent à entreprendre des interventions efficaces assurant une couverture pour une large partie de la population, y compris les plus vulnérables. La gratuité des soins doit être envisagée comme une option pragmatique afin d'organiser les structures de santé pour les rendre accessibles à la population. Au niveau de l’UCS, nous espérons que ces réflexions puissent être utilisées par d'autres acteurs impliqués dans la santé afin d’obtenir des subventions pour remplacer les paiements directs par les patients – notamment par HAS qui, en raison de manques de fonds, ne peut aujourd’hui continuer à garantir un niveau d'accessibilité tel qu'observé lors de l'enquête en 2004. MSF quittera les 3 structures soutenues à Petite Rivière dans le courant de l’année 2007. Nous espérons que les résultats positifs obtenus en termes d'utilisation des services et les stratégies utilisées pour y parvenir pourront être largement discutées avec les repreneurs du projet afin de garantir, au minimum, un maintien des acquis d'accessibilité pour la population. Etant donné les résultats obtenus, la gratuité totale des soins devrait être envisagée. Au-delà du contexte de Petite Rivière, les données d’une expérience positive d’amélioration de l’utilisation des services dans le contexte rural haïtien doivent être plus largement partagées afin de servir à alimenter un débat sur l’accessibilité aux soins pour les patients tant auprès des autorités sanitaires nationales que des bailleurs de fonds internationaux. La population haïtienne mérite une réponse à ses besoins urgents en matière de santé: la question de disponibilité des fonds et de leur utilisation afin d’assurer une intervention efficace, au profit des populations les plus vulnérables, doit être traitée.

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25VI. LISTE D’ABREVIATIONS

CMCC Centre Médical Charles Colimon CPN Consultations Prénatales FF Système forfaitaire HAS Hôpital Albert Schweitzer PRA Petite Rivière de l’Artibonite PRVL Petite Rivière, Verretes, La Chapelle RC Recouvrement des coûts UCS Unité Communale de Santé

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26VII. ANNEXES

ANNEXE 1 Etablissements sanitaires de l’UCS PRLV

Institutions Localisation /Statut Niveau Hopital Charles Colimon Petite Rivière. Appui MSF Intermédiaire Dispensaire de Segur 2° section. Appui MSF

1° échelon

Dispensaire de Jean Denis 1° section . Appui MSF 1° échelon Dispensaire de Perodin 5° section. Appui Interaid 1° échelon Dispensaire de Muge Pichier 1° section. Bas Coursin 1° échelon Dispensaire de Savane Roche Savane à Roche 1° échelon Dispensaire de Morne Douette 3° section Labady 1° échelon Dispensaire de Zoranger 6° section Médor. Appui

Interaid 1° échelon

Dispensaire de Plassac 3° section Labady. Appui HAS 1° échelon Dispensaire de Deslandes 5° section Savane à Roche.

Appui HAS 1° échelon

Hôpital Dumarsais Estime Ville de Verrettes. Appui Enfants du Monde

Intermédiaire

Dispensaire de Désarmes 4° section Désarmes 1° échelon Dispensaire Communautaire de Marin

3° section Guillaume Mogé 1° échelon

Dispensaire de Tienne 4° section Désarmes 1° échelon Hôpital Albert Schweitzer 3° section. Bastien

(Deschapelles). 2° échelon

Dispensaire de Liancourt 1° section Appui HAS 1° échelon Dispensaire de Deschapelle 2° section. Appui HAS 1° échelon Dispensaire de Gabriel 4° section. Appui HAS 1° échelon Dispensaire de Bastien 5° section. Bastien. Appui HAS 1° échelon Dispensaire de Terre Nette 6° section. Terre Nette. Appui

HAS 1° échelon

Dispensaire de Lachapelle La Chapelle. Appui SOE 1° échelon

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ANNEXE 2

Méthodologie de groupes de discussion (« focus group ») 10 groupes de discussion ont été organisés avec des membres de la communauté, des patients fréquentant les structures et le personnel des structures de santé soutenues par MSF. L’objectif des ces discussions était d’obtenir des informations sur la perception de la communauté et du personnel sur le système forfaitaire mis en place. Quatre agents de santé communautaire ont été formés sur la manière de conduire la discussion. La formation des agents est basée sur A Manual for the Use of Focus Groups, WHO, 1993. La sélection des personnes participant aux discussions a été assurée par les agents de santé communautaire: - pour les membres de la communauté, le choix des personnes rassemblées a été effectué au hasard. - pour le personnel: tous les membres du personnel ont participé aux discussions. On a fait 3 différent

groupes: les médecins du CMCC, les auxiliaires et les infirmières du CMCC, les infirmières et les auxiliaires de deux autres centres de santé.

Tous les groupes de discussion ont été faits en créole. Un agent de santé animait le groupe deux autres agents de santé prenaient note. Un observateur externe prenait aussi note en français avec l’aide d’un traducteur et il appuyait sur certains points si cela était nécessaire. Le questionnaire a été testé dans la Communauté à Petite Rivière avec un groupe pilote avant de commencer. Le questionnaire a ensuite été simplifié. Le nombre de personnes par « focus group » variait entre 10 et 15. Les notes ont ensuite été rassemblées et résumées pour chaque « focus group ». Elles ont été regroupées en trois types: discussions avec les patients de trois structures, avec le staff médical de trois structures et avec la communauté. Les résumés des différents « focus groups » sont disponibles sur demande.

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28ANNEXE 3