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HEC Montréal Les enjeux épistémologiques et méthodologiques de la validation de modèles en gestion du changement : Une approche axiomatico-inductive pragmatique par Kevin J. Johnson Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université de Montréal en vue de l’obtention du grade de Docteur en Administration (Ph. D.) Février, 2013 HEC Montréal École affiliée à l’Université de Montréal © Kevin J. Johnson, 2013

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HEC Montréal

Les enjeux épistémologiques et méthodologiques de la validation de modèles en

gestion du changement : Une approche axiomatico-inductive pragmatique

par

Kevin J. Johnson

Thèse présentée à la

Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université de Montréal

en vue de l’obtention du grade de

Docteur en Administration (Ph. D.)

Février, 2013

HEC Montréal

École affiliée à l’Université de Montréal

© Kevin J. Johnson, 2013

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Identification du jury

Cette thèse intitulée:

Les enjeux épistémologiques et méthodologiques de la validation de modèles en

gestion du changement : Une approche axiomatico-inductive pragmatique

présentée par :

Kevin J. Johnson

a été évaluée par un jury composé des personnes suivantes :

Estelle M. Morin

Président-rapporteur

Alain Rondeau

Directeur de recherche

Richard Déry

Membre du jury

David Autissier

Examinateur externe

HEC Montréal

École affiliée à l’Université de Montréal

Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université de Montréal

Février 2013

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Résumé

La présente thèse pose la problématique de la validation de modèles en

gestion du changement. L’étude est principalement épistémologique et

méthodologique. Le concept de modèle en gestion du changement est positionné

comme étant au centre d’une triple dialectique. Il est au cœur de la dualité entre

Action et Connaissance (au sens de Déry, 1990); il est saisi par les acteurs dans la

dialectique entre Acteur et Organisation; il est aussi au centre de la dialectique entre

le Chercheur et le Projet de recherche. Ces trois fondements impliquent une

considération complexe, épistémologique et systémique à l’étude du concept de

modèle.

Dans un premier temps, une étude épistémologique du parcours du

développement des connaissances en gestion du changement est proposée. Elle

permet d’identifier le courant de l’étude des capacités à changer comme étant

important pour l’époque actuelle (Demers, 1999) tout autant que de soulever

l’importance de l’étude du modèle. Un modèle est sélectionné afin d’être l’objet d’un

test empirique de validité : le modèle des capacités à changer de Rondeau (2008).

Dans un deuxième temps, une étude épistémologique ayant un objectif

méthodologique est proposée. Le concept de modèle est défini et étudié selon ses

fondements et ses implications méthodologiques.

Dans un troisième temps, la validation de modèles fait l’objet d’un chapitre

proposant une étude de l’évolution du concept et de ses enjeux. L’objectif est de

tenter de répondre théoriquement à la problématique de la thèse. Le tétraèdre de la

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modélisation-validation d’Oral et Ketani (1993) semble être cette réponse en ce qu’il

traite de plusieurs des enjeux soulevés.

Dans un quatrième temps, une réponse empirique est opérationnalisée. Le

tétraèdre de la modélisation-validation est adapté et méthodiquement outillé selon

une approche axiomatico-inductive pragmatique afin de procéder à une validation du

modèle de Rondeau (2008). Plusieurs méthodes qualitatives, quantitatives et croisées

sont intégrées au cadre méthodologique proposé.

Le modèle de gestion du changement opérationnalisé est considéré comme

valide selon les enjeux de la validation soulevés. Finalement, trois contributions

majeures sont proposées : sur le plan épistémologique, le modèle en gestion du

changement fait l’objet d’une étude de ses éléments, ses activités et sa validation. Sur

le plan méthodologique, le tétraèdre de la modélisation-validation est adapté et

outillé à la problématique de la modélisation ci-haut élaborée. Sur le plan de la

gestion du changement, un outil de gestion des capacités à changer est validé.

Mots clés : Épistémologie, méthodologie, gestion du changement, capacités à

changer, modèle, validité, validation.

Page 5: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

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Abstract

This thesis raises the research subject of the validation of management

models in change management studies. It is primarily epistemological and

methodological. The concept of a change management model is positioned in the

center of a triple dialectic. It is at the heart of the Action–Knowledge duality (as

defined in Déry, 1990); it is captured by the actors in the Actor–Organization

dialectic; and it is in the middle of the dialectic between the Researcher and the

Research Project. These three postulates involve intricate epistemological and

systemic considerations for the study of the concept of model in change

management.

As a first step, an epistemological study on knowledge production in the field

of change management is proposed. Change capacity is thus identified as an

important subfield for the present era (Demers, 1999) and it’s hereby proposed that it

raises a consideration on the concept of model. A model is then selected for the

matter of an empirical validity testing: the change capacity model in Rondeau

(2008).

As a second step, an epistemological study aiming at methodological

objectives is proposed. The concept of model is defined and studied according to its

foundations and its methodological implications.

As a third step, model validity is studied through an epistemological

approach thus highlighting the evolution and issues of the concept. The modeling-

validation tetrahedron in Oral Ketani (1993) seems to be the theoretical answer to the

Page 6: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

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thesis proposition in that it addresses many epistemological and methodological

issues raised in this chapter.

As a fourth step an empirical answer is operationalized. The modeling-

validation tetrahedron is adapted and equipped to methodically conduct a validation

of Rondeau (2008) model. Several qualitative, quantitative and mixed methods are

integrated in a methodological framework. Subsequently, the operationalized change

management model is considered valid following the appreciation of the major

outcomes regarding its validation.

Finally, three major contributions are attempted. On an epistemological level,

the change management model is the subject of a study of its elements, its activities

and its validation. On a methodological level, the modeling-validation tetrahedron is

adapted to the problem of validating here called "very soft" research model. On a

change management level, an organizational change capacity model is validated.

Key words: Epistemology, methodology, change management, change capacity,

model, validity, model validation.

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Table des matières

Identification du jury ................................................................................................ ii

Résumé ....................................................................................................................... iii

Abstract ...................................................................................................................... v

Table des matières ................................................................................................... vii

Liste des tableaux ....................................................................................................... x

Liste des figures ........................................................................................................ xii

Dédicace ................................................................................................................... xiii

Remerciements ........................................................................................................ xiv

Introduction................................................................................................................ 1

I.1. Le modèle au centre de la dualité Action-Connaissance ............................... 2

I.2. Le modèle au centre de la dialectique entre les acteurs et l’organisation ..... 6

I.3. Le modèle au centre de l’interaction entre le chercheur et le projet de

recherche ........................................................................................................ 8

I.4. L’objet de la thèse et sa démarche ................................................................. 9

1 La production de connaissance en gestion du changement au tournant du

millénaire. ................................................................................................................. 14

1.1 La classification de Miller, Greenwood et Hinings (1995) ......................... 17

1.1.1 La perspective normative ..................................................................... 17

1.1.2 La perspective descriptive, empirique ou universitaire ........................ 20

1.1.3 Synthèse ................................................................................................ 22

1.2 Le développement contextuel des connaissances en gestion du changement24

1.2.1 Croissance et adaptation ....................................................................... 25

1.2.2 Mort ou transformation ........................................................................ 26

1.2.3 Apprentissage et évolution ................................................................... 27

1.2.4 Constats ................................................................................................ 28

1.3 Proposition pour un passage de la « gestion du changement » à la « capacité

à changer » ................................................................................................... 30

1.3.1 Les capacités organisationnelles à changer .......................................... 31

1.4 Constats ................................................................................................ 35

1.5 Le modèle des capacités à changer de Rondeau (2008) .............................. 39

1.5.1 Les enjeux du changement ................................................................... 40

1.5.2 Les logiques d’action ............................................................................ 42

1.5.3 Le choix du modèle .............................................................................. 47

2 Le concept de modèle ....................................................................................... 51

2.1 Les types et les paradigmes fondamentaux ................................................. 51

2.1.1 Le double référentiel épistémologique et méthodologique .................. 54

2.1.2 Une définition générale du concept de modèle .................................... 56

2.1.3 Les principes de l’activité de modélisation dans les sciences du

management .......................................................................................... 58

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3 La validation du modèle ................................................................................... 65

3.1 Les difficultés et les obstacles généraux de l’étude de la validation ........... 65

3.2 Les types généraux de la validité ................................................................. 71

3.2.1 La validité « logique » .......................................................................... 71

3.2.2 La validité prescriptive ......................................................................... 73

3.2.3 La validité descriptive ou conceptuelle ................................................ 75

3.2.4 La validité prédictive ............................................................................ 76

3.3 Les enjeux « subjectifs » des types de validation ........................................ 78

3.4 Constats préliminaires ................................................................................. 84

3.5 La distinction « soft » et « hard » et ses implications ................................. 88

3.6 La validation des « méthodes par structuration de problème » ................... 90

3.7 Constats supplémentaires ............................................................................ 95

3.8 Le « tétraèdre de la modélisation-validation » ............................................ 96

3.8.1 Les quatre objets du modèle ................................................................. 98

3.8.2 Les quatre enjeux de la modélisation ................................................. 103

3.8.3 Les neuf types de validation ............................................................... 110

3.9 Proposition d’un cadre méthodologique .................................................... 117

4 L’opérationnalisation des quatre objets du modèle .................................... 124

4.1 Le choix du projet de connaissance ........................................................... 129

4.2 Le modèle conceptuel ................................................................................ 130

4.2.1 Choix méthodologiques ...................................................................... 131

4.3 La situation managériale ............................................................................ 149

4.3.1 Terrains de recherche ......................................................................... 150

4.3.2 Choix méthodologique ....................................................................... 151

4.3.3 Étude de cas : Innovation d’un processus de soins ............................ 159

4.3.4 Étude de Cas : Partenariat CSSS – CRD ........................................... 180

4.4 Le modèle formel ...................................................................................... 201

4.4.1 Validité de contenu et d’apparence du modèle formel ....................... 203

4.4.2 L’analyse factorielle par composante principale ................................ 206

4.5 La solution ................................................................................................. 213

4.5.1 L’actionnabilité du modèle conceptuel .............................................. 214

4.5.2 La solution « quantitative » du modèle formel ................................... 216

5 L’opérationnalisation des quatre enjeux de la modélisation ...................... 226

5.1 L’enjeu théorique ....................................................................................... 226

5.2 L’enjeu descriptif ....................................................................................... 228

5.2.1 La modélisation par équations structurelles ....................................... 229

5.3 L’enjeu prototypique ................................................................................. 237

5.3.1 Analyses qualitatives de l’objet situation managériale ...................... 238

5.3.2 Analyses comparatives, quantitatives et qualitatives ......................... 258

5.4 L’enjeu pragmatique .................................................................................. 270

Page 9: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

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6 Discussion ........................................................................................................ 272

6.1 L’appréciation des neuf types de validités opérationnalisées .................... 272

6.1.1 La validité de formulation .................................................................. 273

6.1.2 La validité de légitimation .................................................................. 276

6.1.3 La validité de précision ...................................................................... 278

6.1.4 La validité expérimentale ................................................................... 282

6.1.5 La validité opérationnelle ................................................................... 286

6.1.6 La validité conceptuelle ...................................................................... 288

6.1.7 La validité logique .............................................................................. 292

6.1.8 La validité des données ...................................................................... 295

6.1.9 La vérification .................................................................................... 296

6.1.10 Les avenues de recherche générales .................................................... 298

6.2 Un modèle valide de gestion du changement : Vers une approche

managériale pragmatique ........................................................................... 299

6.3 Une méthodologie de validation de modèle en gestion du changement : Les

postulats méthodologiques constructivistes .............................................. 304

6.3.1 L’éthique ............................................................................................ 305

6.3.2 L’explicitation .................................................................................... 306

6.3.3 L’ « ostinato rigore » ......................................................................... 307

Conclusion .............................................................................................................. 309

Bibliographie .......................................................................................................... 314

Annexe 1 – Protocole d’entrevue ............................................................................... i

Annexe 2 – Tableaux de bord ................................................................................... v

Annexe 3 - Questionnaire ....................................................................................... xiv

Questions et dimensions, Capacités à changer organisationnelles ..................... xiv

Page 10: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

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Liste des tableaux

Tableau I : Tableau comparatif des auteurs normatifs et empiriques selon Miller et al.

(1999) ................................................................................................................. 23

Tableau II : Auteurs mobilisés et enjeux soulevés dans le cadre de l’observation du

développement des connaissances en gestion du changement .......................... 38

Tableau III : Les caractéristiques du modèle selon les paradigmes descriptif et

normatif .............................................................................................................. 53

Tableau IV : Le double référentiel épistémologique et méthodologique selon Le

Moigne (1977, 1987). ........................................................................................ 56

Tableau V: La validité logique .................................................................................. 73

Tableau VI : La validité prescriptive ......................................................................... 75

Tableau VII : La validité descriptive ......................................................................... 76

Tableau VIII : La validité predictive ......................................................................... 77

Tableau IX : Les quatre méta-types de validation selon les approches dites empirique

et subjective. ...................................................................................................... 82

Tableau X : Classification des méta-types de validation selon la forme canonique du

modèle et l’approche de validation. ................................................................... 83

Tableau XI : Classification des attentes face à la formulation des solutions ........... 114

Tableau XII : Nombre d’items par variable ............................................................. 205

Tableau XIII : Construit des facteurs de la logique d’action stratégique selon les trois

enjeux de la gestion des capacités à changer ................................................... 209

Tableau XIV : Construit des facteurs de la logique d’action fonctionnelle selon les

trois enjeux de la gestion des capacités à changer ........................................... 210

Tableau XV : Construit des facteurs de la logique d’action opérationnelle selon les

trois enjeux de la gestion des capacités à changer ........................................... 211

Tableau XVI : Analyses préliminaires des neuf variables de la capacité à changer 212

Tableau XVII : Moyenne des participants au projet Innovation d’un processus de

soins (deux formulations présentées) ............................................................... 218

Tableau XVIII : Résultats du portrait général du cas Innovation d’un processus de

soins ................................................................................................................. 220

Page 11: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

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Tableau XIX : Résultats du comité de direction du cas Innovation d’un processus de

soins ................................................................................................................. 221

Tableau XX : Résultats des éducatrices spécialisées du cas Innovation d’un

processus de soins ............................................................................................ 222

Tableau XXI : Résultats des orthophonistes du cas Innovation d’un processus de

soins ................................................................................................................. 222

Tableau XXII : Moyenne des participants au projet Partenariat CSSS - CRD ....... 223

Tableau XXIII : Résultats du portrait général du cas Partenariat CSSS - CRD ...... 224

Tableau XXIV : Ensemble des indicateurs de validité de l’analyse par équations

structurelles ...................................................................................................... 236

Tableau XXV : Résultats (moyennes et rangs quartiles) généraux des deux cas de

changement organisationnel ............................................................................ 260

Tableau XXVI : Comparaison des moyennes de P1 ............................................... 264

Tableau XXVII : Comparaison des moyennes de P2 .............................................. 266

Page 12: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

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Liste des figures

Figure 1 : Illustration du modèle dans la dualité Action-Connaissance ...................... 6

Figure 2 : Illustration du modèle au centre de la dialectique Acteur-Organisation ..... 7

Figure 3 : Illustration du modèle dans la dialectique Chercheur-Projet de recherche . 9

Figure 4 : Les enjeux du changement organisationnel selon les logiques de l’action

organisée (tiré de Rondeau, 2008) ............................................................ 46

Figure 5: Le tétraèdre de la modélisation-validation selon Oral et Kettani (1993) ... 99

Figure 6 : Illustration de l’enjeu prototypique ......................................................... 104

Figure 7 : Illustration de l’enjeu descriptif .............................................................. 106

Figure 8 : Illustration de l’enjeu pragmatique ......................................................... 107

Figure 9 : Illustration de l’enjeu théorique .............................................................. 109

Figure 10 : Le cadre méthodologique ...................................................................... 121

Figure 11 : Illustration sommaire de l’approche empirique du projet de recherche 128

Figure 12 : Représentation arborescente de la sous-dimension Vision ................... 135

Figure 13 : Représentation arborescente de la sous-dimension Modèle .................. 136

Figure 14 : Représentation arborescente de la sous-dimension Communication .... 138

Figure 15 : Représentation arborescente de la sous-dimension Pilotage ................. 139

Figure 16 : Représentation arborescente de la sous-dimension Capacité ................ 141

Figure 17 : Représentation arborescente de la sous-dimension Effort .................... 142

Figure 18 : Représentation arborescente de la sous-dimension Intérêt ................... 144

Figure 19 : Représentation arborescente de la sous-dimension Apprentissage ....... 146

Figure 20 : Représentation arborescente de la sous-dimension Progression ........... 148

Figure 21 : Illustration de la proposition P3 ............................................................ 267

Figure 22 : Illustration de la proposition P4 ............................................................ 269

Page 13: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

xiii

xiii

Dédicace

À mon père.

Page 14: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

xiv

xiv

Remerciements

En premier lieu, j’aimerais remercier le FQRSC et le CRSH pour leur support au

courant de mon cheminement doctoral.

Merci à mon directeur, Alain Rondeau, pour son accueil au CÉTO. Je vous suis très

reconnaissant de votre mentorat sur le travail académique ainsi que de la confiance et

de la liberté que vous m’avez accordées durant mon passage. J’ai pu me lancer dans

plusieurs projets très formateurs en plus de discuter et questionner et construire sur

les approches du Centre, je m’en considère chanceux.

Merci à Céline Bareil pour sa confiance et son coaching. Cette première chance

d’enseigner à HEC Montréal m’a permis de concrétiser une vocation en plus de

pouvoir l’explorer à fond. Au plaisir de poursuivre nos collaborations et merci pour

tout.

Merci à David Autissier pour ces précieux conseils au sujet de la thèse, ainsi que

pour ce chaleureux accueil à la Chaire ESSEC du Changement. Je n’aurais pu

espérer mieux comme post-doctorat.

Merci à Richard Déry pour son enseignement tout au long de mon cheminement à

HEC Montréal. Encore aujourd’hui j’en retire beaucoup. Je vous adresse aussi des

remerciements spéciaux pour vos conseils et réflexions concernant cette thèse.

Merci à Estelle Morin pour sa confiance et son mentorat. Cette confiance autant au

niveau pédagogique qu’au niveau de la recherche m’a permis d’explorer cette

vocation en y intégrant un équilibre entre mes formations passées et présentes. Merci

Page 15: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

xv

xv

aussi pour ce mentorat constant et chaleureux tout autant que pour ton soutien dans

le cadre de cette thèse.

Merci à mes amis qui me supportent et m’encourage depuis tant d’années même dans

ces périodes plus difficiles. Il fait bon de vous voir.

Merci à mon frère pour son support inconditionnel et pour remplacer ma confiance

lorsque j’en ai eu besoin. Tu es une inspiration.

Merci à Alexandra pour avoir été à mes côtés avec son positivisme et sa sensibilité.

Je suis reconnaissant que tu sois toi, comme et comment tu es.

Merci à mes parents, à mon père. Merci d’être là, de près comme de loin. Je me

considère des plus chanceux pour toutes ces discussions, quelquefois interminables

sur tout, sur rien, et sur le sens de tout et rien, avec réflexion et émotion. Merci

d’avoir suivi tous ces projets et objectifs, de les comprendre et de les supporter sans

jugements. Merci pour tout.

Page 16: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

Introduction

L’objet de cette thèse concerne la validité des activités de modélisation en

gestion du changement. En particulier, elle pose les questions concernant le modèle

de gestion du changement en tant que concept et la modélisation de l’activité de

changement. En se situant dans le champ de l’épistémologie et en accordant une

attention particulière aux enjeux méthodologiques, quatre principaux arguments sont

élaborés. Premièrement, un portrait général des enjeux épistémologiques et

méthodologiques du développement des connaissances en gestion du changement à

travers une perspective empirique est présenté. Deuxièmement, une étude de ce

qu’est le concept de modèle en sciences du management est proposée selon une

approche théorique. Troisièmement, la validité des modèles en sciences du

management est étudiée, élaborant ainsi un état de fait empirique de la question.

Quatrièmement, une opérationnalisation d’un processus de validation de modèles en

gestion du changement est testée. Au final, cette thèse propose un moyen de

déterminer la validité de modèles en gestion du changement.

Les recherches en sciences du management, plus particulièrement celles en

gestion du changement, semblent donner raison à Paul Valéry (1987) qui

affirmait: « Nous ne raisonnons que sur des modèles » (p. 36). En effet, peu importe

le type de publication, l’objet de recherche ou son projet, le modèle est dorénavant

l’outil de représentation et de communication d’une réalité managériale qu’on

appelle la gestion du changement (Avenier, 2010); le modèle ainsi que la réalité qu’il

est censé représenter sont de plus de plus en plus complexes.

Page 17: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

2

Bertalanffy (1968) déclarait « … il y a des systèmes partout! ». Un système

est compris par l’esprit humain par le façonnement de représentations, de

computations-opérations, de modèles (Simon, 1969, Le Moigne, 1977, Morin 1986,

1990). Dans le domaine de la gestion du changement, on pourrait dire comme

Bertalanffy : il y a des modèles partout! Qui plus est, le modèle en tant

qu’ « instrument de production et d’exposition des connaissances » est relativement

récent et remplace la notion de système (Le Moigne, 1987, Bachelard, 1983) tout en

étant présenté à l’encontre du noble concept de « théorie » (Simon, 1955, Le Moigne,

1987, 2003). Par contre, aussi fréquentes sont les études présentant des modèles,

rares sont celles qui étudient directement le modèle comme concept, outil ou artéfact

de la connaissance.

L’objet étant la validation de modèles en gestion du changement, il est

important de déterminer les dimensions de ce construit qu’on appelle « modèle de

gestion du changement ». Trois dimensions sont alors proposées. La première est la

dimension de la dualité entre l’action et la connaissance. La deuxième est la

dimension de la dialectique entre les acteurs et l’organisation. La troisième est la

dialectique entre le chercheur et son objet de recherche.

I.1. Le modèle au centre de la dualité Action-Connaissance

Le modèle s’inscrit dans un débat épistémologique propre aux sciences de la

gestion autant qu’aux sciences sociales dans leur ensemble. Il y prend en général

deux formes majeures, descriptive et normative.

Page 18: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

3

Le modèle se veut descriptif dans une approche épistémologique s’inscrivant

généralement dans un courant positiviste/réaliste. Selon cette approche, le modèle

tient lieu de représentation fidèle et valide du réel. L’interprétation de son degré de

représentativité ainsi que les relations de causalité qui sont constitutives de la

description sont alors au centre des débats entre les chercheurs.

Dans une approche épistémologique s’inscrivant dans les courants

constructivistes ou praxéologiques, le modèle se veut un guide à l’action, une

conceptualisation des connaissances pragmatiques en lien avec la résolution d’une

problématique plus ou moins précise. Selon cette approche, le modèle est clairement

normatif, en ce sens qu’il indique ce que le réel devrait être plutôt que ce qu’il est

comme c’est le cas selon l’approche précédente.

Par ailleurs, dans le courant de recherche de la gestion du changement,

Miller, Greenwood et Hinings (1999) proposent une catégorisation des études

publiées dans le domaine. Ceux-ci remarquent que certaines peuvent être qualifiées

de « normatives » par le fait : 1) qu’elles sont orientées vers l’action, 2) que la haute

direction est responsable du changement, et 3) qu’habituellement, les acteurs

considèrent le changement organisationnel comme une évolution nécessaire. Dans

cette catégorie, le changement organisationnel est conçu comme un processus

relativement simple et il est possible de le gérer par l’élaboration d’étapes menant au

succès (Rondeau, 2008). Habituellement, les auteurs de ces publications s’adressent

directement aux hauts dirigeants des organisations à l’aide de modèles normatifs

Page 19: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

4

guidant l’action des gestionnaires vers un réel désiré. Ce courant est aussi nommé

paradigme « gestionnaire » (Soparnot, 2005).

L’autre catégorie est qualifiée « empirique » (descriptive) par Miller et al.

(1999), parce qu’elle est produite par des chercheurs qui tentent de décrire et

d’expliquer ce qu’est le changement organisationnel. Dans cette catégorie, la

recherche sur le changement organisationnel serait 1) orientée vers la réflexion, 2)

intégrée dans un système complexe de variables explicatives et 3) considérée comme

n’allant pas de soi et potentiellement risquée par les acteurs qui l’initient et le

subissent. Cette deuxième catégorie est aussi nommée paradigme « complexe »

(Soparnot, 2005) et ses tenants sont des chercheurs universitaires. Ceux-ci élaborent

et communiquent habituellement la connaissance à l’aide de modèles descriptifs

censés représenter la réalité.

La dichotomie des modèles comme celle des approches relatives à la gestion

du changement paraît être au principe même des sciences sociales. Ainsi, nous la

retrouvons dans tous les champs de recherche. Partout, des approches normatives

côtoient des approches descriptives. Du coup, des modèles normatifs sont proposés

pour transformer le réel alors que d’autres modèles prétendent le décrire sans pour

autant avoir pour projet de le transformer.

Cette dichotomie incarne d’une certaine façon le dualisme opposant

connaissance et action (Audet, 1986; Déry, 1990; Noel, 2006). Ce dualisme n’est

donc pas propre à la gestion du changement et a déjà été constaté, entre autres, au

Page 20: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

5

sein des sciences du management. L’étude de cette discipline présente souvent cette

dualité dans la documentation qu’elle produit selon Déry (1990). Celui-ci remonte

jusque dans les années 60 pour étudier cette crise identitaire du management à

travers Bruyne (1963), Gribbins et Hunt (1978), Mintzberg (1976, 1979, 1990) et

Aktouf (1984, 1989). D’un côté, le management est un art, une pratique, une

intuition et un jugement, tandis que d’un autre il est la science, la théorie, la réflexion

et l’analyse (Noel, 2006).

L’argument présenté dans cette thèse est que l’action et la connaissance sont

indissociables à travers un cycle interdépendant profitable autant à la pratique qu’à la

recherche tel que suggéré par Déry (1990).

« En effet, dans la pratique, l’action se présente à la fois comme une

condition et un résultat de la connaissance. L’action est une

condition, car sans action sur un objet à connaître, il n’y a pas de

connaissance possible; les connaissances sont tirées de l’action et

leur constitution est fonction de la forme que prend l’action. Mais,

aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’action est en même temps

le résultat de la connaissance puisque c’est elle qui sert d’assise à sa

réalisation concrète; sans connaissance, l’action perd son sens, elle

n’est que réflexe, que mouvement physiologique » (Déry, 1990,

p.1).

Ainsi, il ne s’agit plus d’opposer les deux approches et de les réduire à une

tension entre praticiens et chercheurs à travers une condamnation des rhétoriques

commerciales auxquels se livreraient les premiers pour convaincre les seconds

(Abrahamson, 1996; Noel, 2006). Il ne s’agit pas non plus de donner raison à ceux

qui arguent l’irréalisme des modèles normatifs (Spell, 2001; Noel, 2006) pas plus

Page 21: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

6

qu’à ceux qui arguent le réductionnisme des modèles des descriptifs (Avenier, 2009;

Romme, 2003). La figure 1 illustre le modèle au centre de la dualité Action-

Connaissance.

Figure 1 : Illustration du modèle dans la dualité Action-Connaissance

I.2. Le modèle au centre de la dialectique entre les acteurs et l’organisation

Le projet de connaissance en gestion du changement peut viser à la fois la

description de l’organisation, de ses acteurs et la transformation de l’un comme de

l’autre. L’intégration entre ces deux projets est permise entre autres par une réflexion

sur le changement à la suite de l’appropriation des modèles descriptifs par les acteurs

et par l’incorporation des éléments descriptifs et explicatifs dans les modèles

normatifs. Dans cette tentative de réconciliation de la dualité, il est clair que ce sont

les modèles qui tiennent un rôle pivot. Ils sont en quelque sorte un objet hybride, un

artéfact cognitif dont peuvent se saisir les acteurs pour agir sur eux et leur

organisation.

Action Connaissance

Modèle

Page 22: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

7

Il faut donc loger au centre de la relation acteur-organisation le modèle plutôt

que l’objet à connaître. Bien entendu, avant d’être un modèle dont peuvent se saisir

les acteurs, le modèle a été le résultat d’une relation de connaissance.

Logé au centre de la relation qui unit les acteurs à leur organisation, le

modèle participe de la construction de l’organisation et en retour de celle des acteurs.

C’est en ce sens qu’il est possible de poser le modèle comme partie prenante de la

co-construction entre les acteurs et leur organisation. Il existe donc un rapport

dialectique entre les acteurs et l’organisation où le modèle est un artéfact co-construit

dans cette dialectique et produit par la dualité connaissance-action. La figure 2

illustre le modèle au centre de cette dialectique.

Figure 2 : Illustration du modèle au centre de la dialectique Acteur-

Organisation

Le modèle étant au centre de la dialectique acteur-organisation en tant

qu’objet à connaitre, il doit être représenté comme étant constitutif d’une dualité

Acteur (transformateur et transformé)

Organisation (transformée et contraignante)

Processus de co-construction

Modèle

Page 23: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

8

entre les acteurs et l’organisation. Au sein de cette relation, le modèle peut être

mobilisé pour habiliter les acteurs dans la concrétisation de leurs projets. Ce faisant,

les projets se matérialisent, la réalité organisationnelle offre alors aux acteurs de

nouvelles occasions de se réaliser et en même temps elle fait peser sur eux de

nouvelles contraintes.

I.3. Le modèle au centre de l’interaction entre le chercheur et le projet de

recherche

Comme on vient de le voir, le modèle est d’abord au centre de la dualité entre

l’action et la connaissance. Le modèle est autant le produit de la connaissance que

l’objet saisi par les acteurs afin de produire l’action réflexive. Il est aussi au centre de

la dialectique entre les acteurs et l’organisation.

Dans cette troisième dimension, le modèle est au centre de la dialectique

entre le chercheur et le projet de recherche. Le modèle est pour le chercheur à la fois

son objet de recherche et le fruit de sa recherche. Il y a donc une autre dialectique qui

se forme : l’action de recherche du chercheur sur son objet de recherche par le

modèle et la contrainte que ce dernier exerce sur l’universitaire. La figure 3 ci-

dessous illustre cette troisième dimension du modèle en gestion du changement.

Page 24: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

9

Figure 3 : Illustration du modèle dans la dialectique Chercheur-Projet de

recherche

I.4. L’objet de la thèse et sa démarche

Le modèle de gestion du changement n’est pas une objectivation de la

connaissance, ni une herméneutique subjective, mais une « intelligence de l’action »

(Le Moigne, 2008). Le modèle étant ainsi un objet de la relation entre les acteurs et

l’organisation, il apparait essentiel de comprendre comment il se construit et peut

faciliter ou pas cette relation.

Afin de répondre à cette question visant à définir ce qu’est un modèle valide

en gestion du changement, considérant la place de plus en plus importante qu’il

occupe dans les publications, il importe de traiter des éléments fondamentaux.

Comme le demande Le Moigne (1987) : « Disposons-nous de quelques bonnes

méthodes pour les découvrir ou pour les construire, d’une part, et pour les valider ou

pour les légitimer d’autre part? » (p. 14). Il ajoute:

Chercheur Projet de recherche

Modèle

Page 25: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

10

« Comment légitimons-nous alors dans nos cultures de citoyen

se voulant responsables et solidaires, les connaissances

enseignables et « actionnables » que chercheurs et enseignants,

formateurs et consultants, ont mission de produire, de

transformer et de transmettre » (Le Moigne, 2003, p. 14).

Le Moigne pose ici le problème de la validation des modèles en mettant au

jour la dualité de l’action et de la connaissance autant dans les pratiques que dans la

recherche. En d’autres termes, comment peut-on s’assurer de la validité des modèles

en gestion du changement? Avons-nous une méthode pour valider ces modèles?

Comme il sera vu dans un chapitre prochain, une recension des écrits sur la

validation de modèles montre qu’il y a des méthodologies pour démontrer la

validité/légitimité des modèles, mais aucune ne satisfait les règles de la mesure et de

l’évaluation scientifique de modèles de gestion du changement.

Afin de situer l’intérêt de la modélisation et de sa validité, une revue de la

documentation universitaire au sujet de la production de connaissances en gestion du

changement au tournant du millénaire est présentée dans le premier chapitre. Trois

constatations épistémologiques récentes sont traitées. 1) La gestion du changement

est un domaine de publications professionnelles et académiques en expansion, mais

il manque des démonstrations de bonnes performances claires et stables dans le

temps. 2) La dualité Connaissance-Action en gestion du changement marque un

schisme entre les travaux descriptifs et normatifs au sens de Miller et al. (1999). 3)

Le développement des connaissances en gestion du changement est contextualisé à

l’époque socio-économique de production selon Demers (1999). Cette dernière

propose un passage de la gestion du changement vers l’étude des capacités à changer

Page 26: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

11

afin de correspondre à l’époque actuelle de la production de connaissances. Ainsi, ce

premier chapitre propose une exploration du concept de « capacités

organisationnelles à changer », suivie par une intégration plus précise sous forme de

modèle. Ce modèle constitue l’objet de transformation et de connaissance qui est

opérationnalisé plus loin dans le texte.

Le deuxième chapitre poursuit la revue de la documentation et présente une

étude des types de modèles en sciences du management, leurs paradigmes, leurs

référentiels épistémologiques et méthodologiques. Ainsi, le modèle comme objet de

connaissance et de transformation au centre de la dialectique de co-construction du

changement organisationnel est étudié à la lumière de ces apprentissages.

Dans le troisième chapitre, la validité du modèle en sciences de la gestion est

étudiée à travers le développement argumenté d’un cadre conceptuel de recherche.

La discussion sur la notion de validité inclut de façon référencée celles de la

pertinence et de la légitimité. Une étude du parcours et de l’évolution des approches

de validation de modèles est mise en lumière par ses apports et ses enjeux

épistémologiques et méthodologiques. En conclusion de ce chapitre, une approche de

validation théoriquement complète, reconnue et rigoureuse est proposée à la situation

précise du modèle en gestion du changement. Ce modèle de validation constitue le

cœur de la méthodologie générale et théorique que la thèse tente d’opérationnaliser

sur l’objet de connaissance qu’est un modèle spécifique en gestion du changement.

Page 27: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

12

Cela permettra de répondre à la question posée au début de cette introduction, à

savoir qu’est-ce qu’un modèle valide en gestion du changement.

Les quatrième et cinquième chapitres présentent une opérationnalisation

d’un processus de validation d’un modèle spécifique dans le cadre de deux projets de

changement organisationnels concrets. Cela permettra d’intégrer les arguments

empiriques et théoriques présentés dans les chapitres précédents. Cela permettra

aussi de tester la proposition apportée par la thèse sur ce qu’est un modèle valide en

gestion du changement.

Dans la conclusion trois contributions majeures sont retenues. La première

est sur le plan épistémologique. Elle concerne la mise en lumière des éléments

constitutifs du modèle, de l’activité de modélisation en sciences du management et

des enjeux épistémologiques et méthodologiques de la validité en découlant. La

deuxième est sur le plan méthodologique. Elle concerne l’adaptation du tétraèdre de

la modélisation/validation d’Oral et Kettani (1993) à un objet de recherche dit « très

soft1 » en gestion du changement. Cette adaptation fait avancer la connaissance

méthodologique dans le domaine autant par l’étude et l’adaptation du modèle d’Oral

et Kettani (1993) que par l’élaboration d’une stratégie de modélisation à laquelle

sont associés certaines méthodes et outils méthodologiques reconnus. La troisième se

1 Contrairement à un objet de recherche « hard », l’objet « soft » est un système n’ayant pas de

frontière concrète ou physique tels un logiciel informatique ou un réseau de communication

Checkland (1995). Selon Lemons (2008) les sciences dites « hard » sont perçues comme objectives et

rigoureuses. Leurs méthodes reposent sur des faits empiriques et quantitatifs. Certains infèrent même

que ce sont les seules sciences que l’on peut classifier sous le paradigme de la Méthode Scientifique.

Cette distinction fait l’objet d’une section spécifique du chapitre 3. L’objet dit « très soft » porterait

selon la présente thèse sur un système immatériel, tacite, mais tel que virtuellement perçu par les

schémas cognitifs et conatifs partagés chez les acteurs dudit système.

Page 28: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

13

situe dans le champ d’étude de la gestion du changement. Elle concerne l’élaboration

d’un outil de gestion en plusieurs volets dits valides et visant à approcher la gestion

des capacités organisationnelles à changer, celle-ci positionnée dans une étude

épistémologique du développement des connaissances propre à son courant de

recherche.

In fine, l’hybridation des perspectives normative et descriptive à travers

l’étude du modèle, de la modélisation et de la validation, en conservant les finalités

de la Connaissance et de l’Action, peut permettre l’élaboration valide et rigoureuse

d’un outil de connaissance, de transformation et d’intervention interactionniste au

sein de la dialectique acteur-organisation. Ainsi, la thèse contribue à faire avancer les

connaissances qui apparaissaient manquer selon Le Moigne (1987) : « Il nous faut

élaborer une connaissance du modèle pour construire nos modèles de la

connaissance ».

Page 29: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

1 La production de connaissance en gestion du changement au

tournant du millénaire.

Depuis les années 60 la gestion du changement s’est graduellement installée

comme une pratique professionnelle majeure et comme axe de recherche en sciences

de la gestion. Depuis 1957 on peut recenser plus de 27 000 titres publiés sur le sujet.

Ce nombre indique la place qu’occupe cet objet de recherche pour les praticiens et

les universitaires.

Une recherche de titres en employant le mot clé « Change Management » sur

la banque de données ISI Web of Science trouve 222 publications entre 1957 et 1977

(20 ans); 6000 publications entre 1978 et 1997 (20 ans); et 21 010 publications entre

1998 et 2010 (12 ans). On peut voir par ces chiffres augmentant de manière

exponentielle la vigueur et l’intérêt de cet objet de recherche en sciences. Plus

particulièrement, les années 2007 à 2010 voient plus de 2000 travaux publiés par

année. Autissier et Peretti (2012) rapportent à juste titre qu’à partir de 2005, le

champ de la gestion du changement organisationnel a donné lieu à d’autres objets de

recherche, par exemple la capacité à changer, le changement et la complexité, le ROI

de la conduite du changement, etc. Ces nouveaux objets de recherche ne sont pas

nécessairement captés par le mot clé « Change Management ».

Depuis 50 ans, la gestion du changement s’est donc vu décliner en multiples

objets chacun prétendant à une meilleure performance. Seulement dans l’ouvrage de

Demers (1999b) dix-sept méta-perspectives sont rapportées : des théories de la

Page 30: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

15

contingence (Lawrence et Lorsch, 1969; Donaldson, 1996b), en passant par

l’écologie des populations (Hannan et Freeman, 1984) et les approches de la

configuration (Tushman et Romanelli, 1985; Greenwood et Hinings, 1988) jusqu’à la

théorie du discours comportemental (Brown et Humphreys, 2003). Chacune de ces

méta-perspectives se subdivise en plusieurs perspectives augmentant ainsi de

beaucoup la complexité du réseau de développement des connaissances dans le

domaine. Il serait possible d’en ajouter une multitude d’autres à cette recension, tels

que les onze thèmes émergents de la gestion du changement selon Autissier et Peretti

(2012). Comme si cette multitude ne suffisait pas, on pourrait ajouter les travaux

académiques et scientifiques d’un côté et les travaux normatifs et interventionnistes

de l’autre côté.

En dépit de la multitude des publications sur la gestion du changement, le

taux de succès des interventions dans les organisations ne semble pas s’être amélioré

de manière importante. Par exemple, Smith (2002) mesure le taux de succès des

interventions à 33%. McKinsey et Co. ont réalisé un sondage en 2008 auprès de

3199 dirigeants d’entreprise à travers plusieurs pays et ont obtenu un taux

comparable. Jacob et Ducharme (1995) ont rapporté des observations plus

conservatrices allant jusqu’à 10%. Cascio (1995) a interrogé des décideurs et des

consultants qui rapportent de meilleurs résultats, les taux varieraient entre 45% et

65% selon eux.

Page 31: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

16

Dans la pratique comme dans la recherche, l’importance critique d’une bonne

gestion des projets de changement pour la performance des organisations n’est plus

un sujet à débattre, mais dans un contexte où les taux de succès sont faibles il est

urgent de s’interroger sur pourquoi il en est ainsi et de vérifier la validité des

modèles.

Le manque d’efficacité des modèles de gestion du changement a conduit

plusieurs universitaires à décrier la légitimité des discours sur le changement

organisationnel et à critiquer les effets pervers des « rhétoriques à la mode, […]

produit du travail de gourous » (Noël, 2006) fondés sur des phénomènes

« discursifs » et de « mimétisme institutionnel » (Noël, 2006). Tandis que certains

praticiens requièrent des visées plus actionnables de la part des chercheurs (Avenier

et Schmitt, 2007).

Au tournant du millénaire, lorsque le nombre de publications en gestion du

changement prend de l’ampleur, quelques rares études empiriques posent chacune

leurs réflexions, non pas sur l’objet de connaissance qu’est le changement

organisationnel, mais sur le travail même de publication d’étude à ce sujet. Miller et

al. (1999) observent une dichotomie entre les travaux dits normatifs et les travaux

dits descriptifs. Tandis que Demers (1999) propose jusqu’à un changement de

perspective propre à cette époque d’ « apprentissage et d’évolution » présentement

vécue. Ces propositions sont maintenant présentées.

Page 32: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

17

1.1 La classification de Miller, Greenwood et Hinings (1995)

Armenakis et Bedeian (1999), Miller, Greenwood et Hinings (1999),

Herscovitch et Meyer (2002) et Rondeau (2008) ont spécifié que la documentation

en « gestion du changement » n’a pas réussi à développer un paradigme unificateur

afin d’éclaircir les nombreux mystères du changement organisationnel, autant au

niveau de sa description que de sa gestion. Miller et al. (1999) identifient une

divergence majeure qui empêche l’émergence de ce paradigme attendu. Deux

grandes divisions paradoxales peuvent être décrites. D’un côté, il y a les travaux

« normatifs » provenant habituellement de la pratique, et d’un autre côté, il y a les

travaux « empiriques » provenant habituellement de la recherche universitaire2.

Comme le résume Rondeau (2008), la première s’adresse aux preneurs de décisions,

elle fournit des marches à suivre à la conduite d’un changement. Pour ce faire, cette

approche considère le changement comme étant simple, dirigé et organisé. La

deuxième se positionne d’un point de vue d’observateur cherchant à comprendre le

phénomène du changement considéré ici comme complexe et systémique.

1.1.1 La perspective normative

Les travaux s’inscrivant dans une perspective normative visent à outiller les

dirigeants d’entreprise. Ce sont des analyses faites par des praticiens (quelquefois

des universitaires) pour des praticiens. Les résultats qu’ils proposent sont des façons

de faire, des façons de changer garantes de succès, le tout appuyé, la plupart du

temps, par des études de cas supportant le point de vue mis de l’avant. « Comment

changer? » est la grande question développée par ces ouvrages.

2 Soparnot, R (2005) nomme ces deux paradigmes « gestionnaire » et « complexe ».

Page 33: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

18

Le changement est une évolution nécessaire

La façon de faire le changement est centrale. Le « pourquoi changer?» est

justifié par une des prémisses fondamentales de cette approche. L’environnement de

l’organisation étant en évolution il redéfinit sans cesse le contexte organisationnel et

compétitif, rendant nécessaire le changement organisationnel. Le changement

s’opérant, il redéfinit le contexte, lequel fait évoluer l’environnement. Ainsi, pour les

dirigeants, il importe d’agir et d’adapter constamment l’entreprise afin de

correspondre de façon optimale au contexte. Il est donc nécessaire dans ce cas-ci,

d’étudier les meilleures pratiques du domaine, les meilleurs processus de

changement afin de faire correspondre compétences et ressources avec

environnement et technologies.

Le changement y est donc continuel. L’intérêt de changer est constant pour

les entreprises afin de ne pas se faire dépasser par la compétition et les événements.

Une « évolution » progressive de l’organisation en harmonie avec son contexte est

prônée. La transformation de l’entreprise en organisation organique, prête et capable

de s’adapter rapidement est l’idéal à atteindre (Kanter, 1983; Nadler et Tushman,

1989).

Comme Kanter (1983), Peters (1990) et Senge (1990) et Miller, Greenwood

et Hinings (1999) le suggèrent, le changement est une activité normale, urgente et

essentielle pour tous.

Page 34: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

19

Le changement est orienté vers l’action

Étant donné les objectifs et les postulats fondamentaux à ces travaux, il y a

nécessairement une importante orientation vers l’action lors des recommandations

faites par ces auteurs. Il n’y a pas de temps pour s’objectiver et réfléchir à tous les

éléments incertains, il faut agir, il faut changer. L’intérêt est donc de planifier de

façon simple et concrète les étapes à suivre afin de mettre en place un changement

« progressif et organisé plutôt que transformationnel et chaotique » (Miller et al.,

1999).

La haute direction est responsable du changement

Tel que rapporté précédemment, les destinataires de ces ouvrages sont les

dirigeants d’entreprises. On considère qu’ils sont les principaux responsables du

changement, que l’impulsion et la mise en œuvre doivent provenir d’eux et donc, que

les différentes unités organisationnelles sont malléables et indépendantes (Aldrich,

1979). Bien évidemment, il y a un important enjeu politique au changement. Celui-ci

bouleversant le fonctionnement de l’organisation peut aussi chambouler les niches de

pouvoir formel autant qu’informel. Comme Crozier et Friedberg (1977) l’ont

théorisé, le changement apporte nécessairement de plus grandes zones d’incertitude

dans la réalité de l’organisation. Plus il y a de ces zones non-normées plus il y aura

du pouvoir à acquérir par les acteurs qui les exploiteront.

Page 35: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

20

1.1.2 La perspective descriptive, empirique ou universitaire

Contrairement à l’approche précédente, la perspective descriptive a comme

objectif le développement de la connaissance et non directement l’outillage des

dirigeants d’entreprises (Miller et al., 1999). Elle tente principalement de préciser les

contenus du changement tout en statuant sur les contextes et les processus de

changement organisationnel. Cette documentation est fondée sur l’observation

empirique universitaire.

Le changement est risqué

Selon cette perspective, le changement est synonyme de dépense d’énergie et

de risque. En effet, le changement y est habituellement, concrètement ou non, défini

comme une tentative de modifier l’inertie de l’organisation (Hafsi et Fabi, 1997). À

cet effet, le terme « inertie », emprunté aux sciences pures, est important. Il fait

référence à la condition « normale » de stabilité, d’homéostasie, d’harmonie de

l’organisation. Toute tentative de modification de cette « trajectoire » suppose donc

une grande dépense d’énergie supplémentaire au fonctionnement normal. Cette

dépense est souvent étudiée comme étant très grande et les garanties de succès

doivent être très crédibles afin de la justifier. La documentation universitaire cherche

donc à analyser les obstacles au changement et ce, à l’aide de plusieurs disciplines

telles que l’économie, la sociologie, la psychologie, etc. L’éventail de tous les

éléments à considérer dans le changement a pris, au fil des ans, une large expansion.

Page 36: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

21

Le changement est orienté vers la réflexion

La prémisse de base de cette approche repose sur la rationalité empirique. La

réalité renferme un niveau d’incertitude et l’objectif est d’en réduire la zone, ou

d’augmenter le niveau de certitude, tout dépendamment du point de vue. La collecte

et la modélisation de l’information nécessaire au bon déroulement du changement est

centrale. Ainsi, cette perspective s’éloigne de l’action pour se rapprocher d’une

méthode réflexive. Ce qui importe ici pour le changement, c’est le fait de prendre un

regard le plus objectif possible afin d’observer la situation de façon rationnelle et

contrecarrer les obstacles prévus et se préparer aux imprévus. La recherche visant à

distinguer divers types de changements est alors nécessaire à la construction de

modèles adaptés à certains contextes et ce, de façon plus générale que l’approche

normative peut le faire.

Le changement, un système

Le changement organisationnel y est ici plus complexe que dans la

perspective normative. Tout est systématisé, les liens de causalité y sont plus diffus.

L’organisation est un système en lui-même, contenant ses forces internes relatives à

sa direction, à sa structure tout autant qu’à la psychologie de ses employés, ainsi qu’à

sa culture et ses processus d’institutionnalisation. L’organisation contient plusieurs

sous-systèmes correspondant aux unités structurelles ou informelles tout en

s’inscrivant dans un système plus large relatif à son contexte. Ainsi, l’industrie, le

marché, la situation géopolitique sont tous des éléments mettant des pressions sur

l’organisation. L’inertie organisationnelle est donc inscrite dans un équilibre

Page 37: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

22

systémique impliquant de nombreux sous-systèmes imprévisibles. Par conséquent, il

est difficile d’expliquer totalement une façon de faire bien établie.

1.1.3 Synthèse

Ces deux perspectives sur le changement organisationnel approchent leur

sujet d’analyse de façon bien différente tout en visant un même objectif. À première

vue, tenter de trouver une complémentarité entre les deux semble une tâche ardue.

Une agit, l’autre réfléchit, une est linéaire, l’autre est systémique, une voit le

changement comme étant nécessaire, l’autre comme étant risqué.

Par ailleurs, il est possible de retracer le développement des connaissances à

travers ces deux modes de traitement de la gestion du changement. Par exemple, les

études normatives donnent le jour aux travaux référencés de Nadler, Shaw et Walton

(1995) portant sur les nuances entre le changement radical et incrémental; Kotter

(1995) proposant huit étapes garantes de succès pour gérer le changement selon une

perspective dirigée; Beer, Eisenstat et Spector (1990) affirmant l’importance et la

façon de gérer l’émergence du projet de changement en organisation.

Les études descriptives sont représentées, par exemple, par les travaux

référencés de Van de Ven et Poole (1995) et Kezar (2001) offrant une étude des

quatre perspectives théoriques possibles à l’observation du changement. Demers

(1999) apporte une sophistication importante à ces derniers en étudiant l’effet des

contextes et époques socio-économiques sur le développement des théories en

Page 38: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

23

gestion du changement. Armenakis et Bedeian (1999) proposent un modèle en quatre

dimensions ce qu’est considéré comme le contexte de changement, soit les raisons,

les contenus, les processus et les mesures du changement organisationnel.

Le tableau I présente les travaux considérés comme typiques par Miller et al.

(1997) relativement aux deux courants.

Tableau I : Tableau comparatif des auteurs normatifs et empiriques selon

Miller et al. (1999)

Courant normatif Courant empirique

Kanter (1983, 1989) Chandler (1962)

Tichy et Devanna (1986) Greenwood et Hinings (1996)

Pascale (1990) Hinings et Greenwood (1988)

Peters (1992) Keck et Tushman (1993)

Senge (1990) Hambrick et D’Aveni (1989)

Conor et Lake (1988) Miller et Freisen (1980a, 1980b, 1984)

Plant (1986) Mintzberg et McHugh (1986)

Goss, Pascale et Athos (1993) Moore (1943)

Webber (1993) Tushman et Anderson (1988)

Naddler et Tushman (1989) Wilson (1992)

Jick (1993) Pettigrew (1985)

Page 39: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

24

En parallèle de Miller et al. (1999), Demers (1999) publie une étude sur

l’évolution du développement des connaissances dans les travaux en gestion du

changement.

1.2 Le développement contextuel des connaissances en gestion du

changement

Comme Demers (1999) l’a démontré, l’étude et la pratique de la gestion du

changement ont suivi un parcours chronologique révélateur et fondé sur ses

problématiques contextuelles. Il semble que chaque période de l’évolution du monde

des affaires a vu apparaitre ses propres perspectives contextuelles, reflétant donc les

enjeux de leurs époques respectives. Ce qui semble majeur aujourd’hui, en plus du

travail explicatif de cette étude, c’est le développement grandissant de nouvelles

perspectives s’ajoutant aux anciennes, en plus du nombre de publications qui

s’accroit constamment. Le parcours que présente cette universitaire est mis en

lumière par la suite afin d’y intégrer l’importance du modèle.

Demers (1999) définit trois grandes périodes de développement des

connaissances en gestion du changement à partir de la fin de la deuxième guerre

mondiale. Elle explique que les théories en gestion du changement sont propres à un

contexte particulier et qu’il est important de connaitre ce contexte afin de

comprendre l’émergence des connaissances et des perspectives qui en découlent.

Ces périodes sont : « croissance et adaptation » (1945- 1973), « mort ou

transformation » (1973- fin 80’) et « apprentissage et évolution » (fin 80’ à nos

Page 40: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

25

jours). Ces périodes reflètent bien, d’un côté le décuplement de la vitesse de

l’évolution des mondes économique, politique, social et technique et d’un autre côté,

une prise de conscience quant à l’importance de la réflexivité face à ce monde

complexe et spontané auquel est confrontée une rationalité humaine pouvant être

qualifiée de limitée.

1.2.1 Croissance et adaptation

La première période dite de « croissance et adaptation » est marquée par une

croissance exponentielle et relativement stable de l’environnement économique

jusque dans les années 70 (Demers, 1999). Cette période voit aussi émerger

d’importantes préoccupations centrées sur les droits de l’Homme. « Croissance »

(Starbuck, 1965) et « adaptation » (Thompson, 1967) sont les mots clés dans l’étude

de la gestion du changement.

Il est considéré que l’organisation subit une évolution naturelle, donc des

changements organisationnels. Étant qualifié d’ « évolution » et de processus

« naturel » le changement est ici synonyme de progrès, il est positif. Il est nécessaire

d’étudier comment gérer le changement de façon rationnelle, puisqu’à cette époque,

l’environnement est perçu comme étant prévisible, laissant place à l’application de la

théorie de l’homme rationnel et de l’homo oeconomicus. La rationalité des hauts

dirigeants est le levier pour guider les structures organisationnelles internes en

équilibre avec les structures externes, le tout de façon graduelle.

Page 41: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

26

Demers (1999) affirme que les approches prédominantes sont ici : les théories

de la croissance (Haire, 1959; Penrose, 1959), la théorie du cycle de vie (Moore,

1959; Whyte, 1961), la théorie de la contingence (Burns et Stalker, 1961; Thompson,

1967) et le développement organisationnel (Chin et Benne, 1990; Bennis, 1969).

Finalement, Demers (1999) conclut que les études publiées durant cette période

portent sur ce qui change (« quoi ») et sur la mise en œuvre du changement

(« comment »). Les structures, les systèmes et la stratégie sont des thèmes

fondamentaux.

1.2.2 Mort ou transformation

La deuxième période, dite « mort ou transformation », est enclenchée par

deux récessions économiques dans les années 70 et par l’apparition de la

concurrence internationale face à la domination économique états-unienne. Les

questions économiques sont maintenant au centre des préoccupations et le

libéralisme (et le néo-libéralisme) prend du galon. L’étude du changement

organisationnel comme étant radical, brutal, révolutionnaire fait son apparition. Le

changement y est décrit comme une crise dans l’évolution de l’organisation, un

« drame » tel que l’affirme Demers (1999). Le haut dirigeant rationnel est

maintenant « héroïque » dans son maniement de la structure, de la culture et de la

stratégie afin de transformer l’organisation pour faire face aux crises.

L’organisation est maintenant gestaltique plutôt que fortement prévisible et

ce système contient des résistances lorsqu’un changement majeur y est imposé.

Page 42: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

27

L’écologie des populations (Hannan, Freeman, 1984; Singh et al., 1986), l’approche

de la configuration (Miller, Friesen, 1984; Greenwood, Hinings, 1988), les théories

culturelle et cognitive (Schein, 1985; Bartunek, 1984), et la théorie de l’équilibre

ponctué (Tushman, Romanelli, 1985) sont des approches marquantes de cette

période tel qu’étudiée par Demers (1999). Finalement, le changement est une période

délimitée et dramatique et les universitaires tentent d’étudier « comment » gérer le

changement en mettant l’accent sur les « grands leviers » des hauts dirigeants telles

que les stratégies et les structures.

1.2.3 Apprentissage et évolution

Au début des années 90, le monde de la gestion est marqué par un revirement

des perspectives. Durant cette période seul le changement semble prévisible

(Demers, 1999). Les avancées technologiques de plus en plus rapides, entraînant une

facilité dans l’ensemble des communications jumelées au phénomène de la

mondialisation, plongent les organisations dans une réalité incertaine où chacun doit

être prêt au changement à venir. Demers (1999) ajoute à cela la hausse de la précarité

de l’emploi. En effet, suite à de nombreuses crises économiques, les entreprises ont

procédé à plusieurs phases de « rationalisation ». L’environnement s’adaptant

rapidement à cette mode de gestion, de nouvelles formes de travail apparaissent.

Voilà pourquoi le mot d’ordre est maintenant à l’ « apprentissage » quant au contexte

propre à une organisation donnée ainsi qu’à l’ « évolution » qui vise à développer les

méthodes de changement adaptées à ce contexte dynamique.

Page 43: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

28

L’auteure rapporte des théories propres à cette période comme les théories de

l’apprentissage (Glynn, Lant et Milliken, 1994; Nonaka, 1994), les théories

évolutionnistes (Burgelman, 1996) et les théories de la complexité (Stacy, 1995;

Thiétart, 1993).

Le changement doit donc être vu comme une opportunité d’apprentissage et

d’innovation par l’organisation. La gestion du changement étant redéfinie comme

une pratique quotidienne, elle devient une aptitude de gestion à développer. Avec

cette nouvelle perspective, le dirigeant rationnel, prévoyant, n’est plus au centre des

préoccupations. C’est l’organisation dans son ensemble qui doit être alerte au

changement et prête à l’émergence de solutions locales. L’apprentissage et

l’initiative de tous sont maintenant les facteurs de succès.

1.2.4 Constats

Ces trois périodes semblent chacune associée à une conceptualisation

particulière du modèle en gestion du changement. La première, « Croissance et

adaptation », mise beaucoup sur la prédiction, sur une rationalité positiviste et

sur une approche descriptive. Les modèles descriptifs ont reçu une attention

particulière à ce moment en même temps que l’institutionnalisation des sciences

de la gestion et de la psychologie industrielle.

La deuxième période, « Mort ou transformation », laisse place à une

approche axée sur la gestion même, sur le leadership, sur les leviers

Page 44: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

29

d’intervention permettant de réagir à un environnement qui n’est plus toujours

cohérent avec les études « descriptives » de l’époque précédente. Les modèles

« normatifs » obtiennent plus d’attention et ceux-ci semblent économiquement

valorisés durant la période décrite par Demers (1999).

La troisième période, « Apprentissage et évolution », favorise

l’émergence d’approches dites « complexes » ou « systémiques ».

L’environnement est constamment changeant, la gestion du changement devient

une constante plutôt qu’une variable. L’évolution progressive et réflexive d’une

organisation qui sait tirer des connaissances de ses actions et des actions de ses

connaissances semble bien se porter.

Dans cette proposition de Demers (1999) un élément important est

manquant. Il faudrait arriver à concevoir le modèle comme schème cognitif dans

les dialectiques « acteurs-organisation » et « chercheur-projet de recherche » qui

sont proposées dans cette thèse comme des éléments marquants de l’action

réflexive tout autant que de la production de connaissances.

À cet effet, Demers (1999) conclut par une proposition majeure et pleine

d’implications épistémologiques et méthodologiques. Afin d’éviter les approches

favorisées par les deux premières périodes et ainsi adapter la recherche académique à

ce contexte d’ « apprentissage et d’évolution », il appert important d’étudier le

concept des « capacités à changer ». La proposition pour un passage de la « gestion

Page 45: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

30

du changement » à l’étude des « capacités à changer » est présentée dans la partie

suivante. Appelant à une approche complexe nomothétique et pragmatique à la fois,

le modèle est argumenté comme outil de transformation et comme objet à connaître.

1.3 Proposition pour un passage de la « gestion du changement » à la

« capacité à changer »

Constatant le faible taux de succès des modèles de gestion du changement et

le sens de la période actuelle au regard de la gestion du changement, Demers (1999)

propose de passer d’un mode de « gestion du changement » à une approche axée sur

l’étude des « capacités à changer ». Cette proposition est entre autres appuyée par

Mintzberg (2002), Soparnot (2005) et Rondeau (2008).

Selon Langley et Denis (2006), le changement organisationnel est un

phénomène complexe, présentant des dimensions négligées et en partie

insaisissables. Il s’agit de quatre dimensions. Le changement est « désintégrateur »

au sein des réseaux sociaux de l’organisation; le changement est « dynamique » par

ses boucles de rétroaction imprévisibles provoquant des conséquences désirables ou

non, à court et à long terme; le changement est « endogène » et propre aux relations

de pouvoir complexes et spécifiques à l’organisation donnée; le changement est

« asymétrique » par ce fait qu’il n’affecte pas les acteurs de la même façon et à des

intensités égales et qu’il est destructeur sans être nécessairement constructif. Ces

dimensions sous l’œil de la « gestion du changement » ne sont que très rarement

captées, même en considérant leur importance. Une approche axée sur l’étude des

Page 46: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

31

« capacités à changer » pose des intentions visant la captation de tels phénomènes

considérés comme émergents et s’inscrivant dans la complexité systémique de la

période nommée « apprentissage et évolution ».

Pour ce faire, l’étude doit porter sur le changement « contextuel, spécifique et

épisodique » selon Rondeau (2008). De cette façon, il est possible d’étudier

« comment se produit le changement » plutôt que « comment produire le

changement ». En d’autres mots, les modèles de capacité à changer devraient mettre

« … l’accent non pas sur la conduite du changement lui-même, mais davantage sur le

déploiement de capacités organisationnelles rendant l’organisation en mesure de

réagir plus adéquatement à un bouleversement de son environnement » (Rondeau,

2008).

Afin de clarifier cette proposition, le concept de « capacité à changer » doit

être défini précisément exposant ainsi l’enjeu de développement des connaissances

en gestion du changement.

1.3.1 Les capacités organisationnelles à changer

L’étude de la capacité organisationnelle est un domaine vaste en termes de

publications et d’approches différentes. Il a été nécessaire de faire un choix afin de

statuer sur une définition correspondante au contexte spécifié par Demers (1999) et à

la pertinence du modèle comme schème cognitif dialectique au cœur de la dualité

action-connaissance.

Page 47: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

32

Les travaux de Saint-Amand et Renard (2004) traitent entre autres de

l’application de la « capacité organisationnelle » dans le cadre de l’étude du

« changement organisationnel ». Également, les travaux de Soparnot (2005) en

gestion des capacités à changer ainsi que ceux de Saint-Amand et Renard (2004)

reposent sur la définition de « capacité organisationnelle » d’Amit et Shomaker

(1993). Ces auteurs la définissent comme : « le déploiement, la combinaison et la

coordination de ressources, de compétences et de connaissances à travers différents

flux de valeur pour mettre en œuvre des objectifs stratégiques » (Amit et Shoemaker,

1993). Cette définition est celle qu’on aussi adoptée Collis (1994), et Zollo et Winter

(2002).

Elle s’inscrit ainsi dans une perspective systémique. En effet, il ne suffit pas

de développer directement des connaissances et des compétences ou d’acquérir des

ressources. Il faut aussi les faire institutionnaliser par les membres de l’organisation

à travers des processus visant l’atteinte des objectifs du plan d’affaires. L’accent est

donc mis sur cette mise en relation entre connaissances, compétences, ressources et

institutionnalisation.

En d’autres mots, c’est l’appropriation par les acteurs, des ressources, des

connaissances et des compétences dans un flux de valeur ajoutée qui importe. La

capacité organisationnelle est dynamique et collective, selon Saint-Amand et Renard

(2004). Pour mieux circonscrire ce concept, il faut maintenant définir ce qu’on

entend par les ressources, les connaissances et les compétences.

Page 48: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

33

Les ressources

Selon Saint-Amand et Renard (2004), le terme de « ressource » conserve sa

définition classique, soit les moyens que possède l’entreprise afin de transformer des

intrants en produits ou services. Ceci inclut autant les biens matériels tels que les

technologies, en passant par les finances jusqu’à la culture de l’entreprise et

l’information.

Les connaissances

Les connaissances sont plus près de la dimension humaine même s’il est

possible de les considérer comme une ressource. Elles ont ici un statut particulier. Ce

sont par les connaissances que les ressources sont coordonnées afin de former un

processus productif (Saint-Amand et Renard, 2004; Penrose, 1959). Il est aussi à

noter que le concept de connaissances implique autant les savoirs tacites que les

savoirs explicites (Saint-Amand et Renard, 2004; Nonaka et Takeuchi, 1997; Grant,

1996; Spender, 1996 et Nonaka, 1994). Encore ici, c’est la perspective systémique

qui importe dans la mobilisation de ces deux catégories de connaissances. La

« connaissance organisationnelle » est le concept central dans l’étude de la capacité

organisationnelle. C’est cette dernière qui va mettre en relation « ressources » et

« compétences » à l’aide de connaissances organisationnelles institutionnalisées

(Saint-Amand et Renard, 2004).

Page 49: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

34

Les compétences

Les compétences sont définies par de la même façon que par Zarifian (1999).

Elles sont cette « intelligence pratique » qu’un individu peut avoir dans une situation

en particulier et qui lui permet de mobiliser et transformer ressources et

connaissances. (Saint-Amand et Renard, 2004). Les connaissances sont inhérentes

aux compétences, mais ces dernières requièrent des ressources afin d’être mises en

action. Cependant, comme le soulignent Zarifian (1999) et Saint-Amand et Renard

(2004), les compétences requises sont la plupart du temps plus complexes que celles

qu’un seul individu peut maîtriser. Encore une fois, la mise en commun des efforts

est nécessaire. Il faut les coordonner.

Pour résumer, le concept de capacité organisationnelle implique l’activation

par la coordination et la collaboration des ressources, des connaissances et des

compétences à travers un flux de valeur ajoutée. Une capacité est un phénomène

complexe, suggérant ainsi un certain développement émergent. Il ne suffit pas de

seulement définir ces concepts afin de cerner ce qu’est la capacité à changer. Il faut

aussi que le modèle soit un outil de transformation de ces ressources, de ces

connaissances et de ces compétences. Le modèle de gestion du changement

participerait donc à ce « flux de valeur ajoutée » en favorisant l’action réflexive et

« capacitante » pour l’organisation.

Page 50: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

35

1.4 Constats

La proposition que fait Demers (1999) de redéfinir la représentation du

modèle de gestion du changement à un modèle de capacités à changer ouvre une

piste de réponse à la question de recherche à l’origine de cette thèse à savoir

comment valider un modèle de gestion du changement? Ce n’est pas qu’une question

de sémantique ou de perspectives, mais une question de transcender les différents

champs du savoir considérant la dualité action-connaissance en gestion du

changement.

La « gestion du changement » comme des « capacités à changer » implique

nécessairement une dimension téléologique visant l’action réflexive de « gestion »

sur l’action organisationnelle en « changement ». Si action et connaissance sont

interdépendantes, si la dimension « complexe » relevant des études descriptives est

indissociable de la dimension téléologique des études normatives, alors comment

retirer de ces observations des connaissances sur l’émergence de l’action et comment

utiliser des connaissances afin de susciter cette émergence d’un changement réussi?

Afin de répondre à ces questions, il faut poser les prémisses à cette étude.

Premièrement, la suggestion de l’étude des « capacités à changer » par

Demers (1999) peut supposer comme élément fondamental le rapprochement des

paradigmes de Miller et al. (1999). Action et Connaissance ne formeraient donc pas

deux camps, mais un cycle où praticiens et universitaires doivent mettre l’épaule à la

roue dans l’objectif de faire tourner cette dualité interdépendante au sens de Déry

Page 51: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

36

(1990). L’étude de ce phénomène complexe, propre au paradigme empirique, à

travers son « émergence » contextuelle, nécessite au minimum un regard sur l’action.

Le concept de changement organisationnel lui-même, par son essence, le changeur

comme le changé, ainsi que l’organisation transformée, ne sont plus des objets de

connaissance en soi.

Il importe donc de trouver une manière d’étudier l’action même du

changement co-construit à travers cette co-construction entre acteurs et organisations

dans un système ouvert et complexe. C’est le projet de la thèse ici présentée.

Deuxièmement, la « complexité » associée au paradigme empirique (Miller et

al. 1999) obtient un positionnement essentiel à la compréhension autant qu’à la

conduite du changement. En d'autres termes, on a besoin d‘intégrer la complexité des

travaux descriptifs afin de capter le phénomène de plus en plus systémique et

complexe tel que présenté par Demers (1999). Et réciproquement, il est nécessaire de

considérer cette volonté de produire du changement rapidement et le plus

simplement possible, intention propre à l’approche téléologique du paradigme

normatif.

Troisièmement, cette « réconciliation » entre complexité et téléologie peut

être opérée par les universitaires au sein d’un paradigme épistémologique

constructiviste comme positiviste à travers une attention au modèle, à l’activité de

modélisation et au processus de validation des modèles.

Page 52: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

37

Pour conclure, le domaine de l’étude de la gestion du changement s’est vu

remis en question au tournant du siècle dernier. Le tableau II illustre les questions

principales soulevées dans l’observation du développement des connaissances en

gestion du changement telles que rapportées dans cette partie du chapitre. Les

travaux sont rapportés en ordre chronologique de publication et sont généralisés à la

récupération des sphères des sciences de la gestion et de l’épistémologie par la

présente thèse.

Page 53: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

38

Tableau II : Auteurs mobilisés et enjeux soulevés dans le cadre de l’observation

du développement des connaissances en gestion du changement

Auteurs mobilisés Enjeux soulevés

Déry (1990) L’interdépendance réflexive dans la dualité Action-

Connaissance.

Demers (1999) Le développement des connaissances suit un parcours

contextuel aux époques socio-économiques.

Demers (1999) La proposition du passage de la « gestion du changement »

à l’étude des « capacités à changer ».

Miller et al., (1999) La dichotomie entre les travaux « normatifs » et

« descriptifs ».

Le Moigne (2003) L’émergence du modèle en remplacement des concepts de

« théorie » et de « système ».

Le Moigne (2003) L’importance de la question de la constitution et la

légitimation de connaissances enseignables et actionnables

en gestion.

Saint-Amant et

Renard (2004)

L’importance actuelle de la définition du concept des

« capacités organisationnelles » découlant d’un flux de

valeur ajouté.

Langley et Denis

(2006)

L’importance actuelle des dimensions négligées du

changement organisationnel, émergentes, évolutives et

dynamiques.

Le Moigne (2008) Le modèle offrant ni une approche objective, ni une

approche subjective, mais une « intelligence de l’action ».

Rondeau (2008) La nécessité de l’étude des capacités à changer de façon

« contextuelle », « spécifique » et « épisodique ».

Avenier (2010) Le modèle comme outil de représentation et de

communication d’une réalité managériale devenue

aujourd’hui complexe.

Page 54: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

39

Pour tester la validité de modèle en gestion du changement il faut avoir un

modèle. Aux fins de l’exercice, le modèle retenu est celui de Rondeau (2008). Ce

modèle a servi comme outil de transformation à deux projets de gestion du

changement au cœur des chapitres 4 et 5. Ces deux projets de changement ont servi

de matériaux pour tester la validité du modèle.

1.5 Le modèle des capacités à changer de Rondeau (2008)

Dans cette partie le modèle de Rondeau (2008) sera d'abord décrit et le choix

de ce modèle sera par la suite expliqué. Plutôt que de mettre l’accent sur la mise en

place même du changement, cette perspective se concentre sur le perfectionnement

de fondements organisationnels permettant d’accueillir favorablement l’émergence

ou l’imposition d’un changement organisationnel.

Selon Rondeau (2008) le phénomène du changement est épisodique,

contextuel et spécifique, et comporte trois logiques d’action inévitables ainsi que

trois enjeux déterminants de sa mise en œuvre. Ces logiques d’action et ces enjeux

sont des perspectives à adopter lors de l’observation et de la compréhension du

changement observé. Ces deux axes d’observation offrent ainsi neuf façons

différentes de réfléchir le changement et sa mise en œuvre de façon à intégrer les

connaissances faites dans ce domaine, et ce, dans une approche descriptive et

constructiviste.

Page 55: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

40

1.5.1 Les enjeux du changement

Trois enjeux apparaissent fondamentaux lors de l’émergence d’un

changement, peu importe la perspective adoptée lors de son observation. Les

résultantes du changement visent des enjeux, 1) de légitimation, 2) de réalisation et

3) d’appropriation du changement. Ces enjeux qui semblent généralisables selon

Rondeau (2008) sont aussi spécifiques : Ils n’existent qu’à travers les perceptions des

différents acteurs d’un projet de changement qui adoptent nécessairement une

perspective dite « située ».

L’enjeu de légitimation

L’enjeu de légitimation fait référence à la « contamination » de l’organisation

par un discours « articulé » et « partagé » autant à l’interne qu’à l’externe (Rondeau,

2008). Le « sponsor » du changement est important pour cet enjeu. Son pouvoir et sa

crédibilité doivent être mis à profit afin de rendre le changement légitime face aux

employés. La communication, le partage et l’information ne sont pas les seuls

éléments principaux pour l’enjeu de légitimation. La documentation des déficiences

du système à changer est importante pour convaincre les différents acteurs et pour

démontrer la supériorité du modèle à mettre en oeuvre.

L’enjeu de réalisation

L’enjeu de réalisation concerne le « champion » du changement qui se doit

aussi d’être crédible afin de mener une structure de pilotage regroupant experts et

« contaminateurs ». Les ressources qu’implique le changement sont centrales. Elles

doivent être identifiées et mises à profit dans une planification qui vise à rehausser

Page 56: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

41

les capacités à changer, soit les compétences. En plus de rendre disponibles les

ressources et de planifier différentes formes de formation pour développer les

capacités organisationnelles, les rôles des différents acteurs du changement doivent

être clairement définis et partagés. Le tout doit être intégré et mis en œuvre à travers

un flux de valeur tel que suggéré par Saint-Amand et Renard (2004). La dimension

dynamique au sens de ces derniers fait écho au caractère endogène décrit par

Langley et Denis (2004).

L’enjeu d’appropriation

L’enjeu d’appropriation prend particulièrement le rôle de résultat attendu face

au changement. Son observation et sa mesure peuvent offrir des leviers d’action

importants pour développer les capacités organisationnelles nécessaires. Il est

prédominant au moment où le changement doit être institutionnalisé et consolidé

(Kotter, 1996; Beer, Eisenstat et Spector, 1990; dans Rondeau, 2008).

Cet enjeu provient de deux courants de recherche différents. En premier lieu,

les sciences du comportement cherchent à comprendre les antécédents qui propulsent

ou inhibent l’adoption du changement (Rondeau, 2008). Les études portant sur la

résistance au changement, thème très prolifique dans le domaine, en sont de bons

exemples tout autant que les études sur la participation et l’engagement des

employés à travers le changement.

En deuxième lieu, la documentation provenant de la recherche en

management porte surtout sur les dimensions organisationnelles. Ainsi,

Page 57: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

42

la consolidation et l’institutionnalisation du changement sont des thèmes centraux

pour l’enjeu d’appropriation. Le concept de connaissances organisationnelles

relevant des travaux de Saint-Amand et Renard (2004) est fondamental afin de

mettre en action les ressources et compétences, qu’elles soient nouvelles ou

remaniées.

1.5.2 Les logiques d’action

L’environnement, autant interne qu’externe, est complexe et imprévisible.

Une action « rationnelle » de changement ne fait qu’ajouter à cette complexité en

considérant le déclenchement du changement comme le provocateur d’une

désintégration initiale, d’un impact asymétrique et d’un caractère dynamique et

endogène (Langley et Denis, 2006).

Le modèle de Rondeau (2008) présente l’étude de la capacité à changer dans

un contexte de changement spécifique, unique, épisodique et constructiviste. Le

contexte « réel » n’est alors que considéré à travers l’interprétation des acteurs de

l’organisation. Cette interprétation, pour chacun des acteurs, est catégorisée selon

trois types de préoccupations. Le changement repose ainsi sur trois niveaux d’

« enjeux » perçus à travers trois logiques d’action identifiables, peu importe la nature

du terrain d’observation. Ces logiques d’action sont : stratégique (intention des

acteurs), systémique (nature des processus) et opérationnelle (pratiques quotidiennes

et adoptées). Chacune de ces trois logiques suppose un quelconque modèle

Page 58: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

43

interprétatif du changement. Ce qui importe est cette considération intégrée de ces

trois logiques avec les trois enjeux.

Le projet de cette thèse est de capter méthodologiquement ce croisement des

logiques d’actions et des enjeux qui constitue le caractère « située » (Langley et

Denis, 2006), spécifique, contextuel et épisodique (Rondeau, 2008). Finalement,

l’adéquation entre logiques d’action et enjeux requiert cette collaboration propre aux

« capacités organisationnelles » telles que définies par Saint-Amand et Renard. Ces

trois logiques de l’action organisée sont maintenant décrites dans la section qui suit.

La logique d’action stratégique

L’étude de la capacité à changer informe sur la nécessité de mettre en

adéquation les enjeux d’affaires (stratégiques), les enjeux de systèmes (systémiques)

et les enjeux humains (opérationnels) (Rondeau, 2008; Rondeau, Croteau et Luc,

2005; Bernier, Bareil et Rondeau, 2003). Il importe alors, stratégiquement, de

prendre les bonnes décisions afin d’adapter l’organisation aux turbulences de

l’environnement. Ces « bonnes décisions » sont basées, non pas sur des modèles

génériques et macro stratégiques, mais bien sur les enjeux de l’organisation en

question. Il faut par conséquent considérer les modèles d’affaires à changer tout en

misant sur le maintien de la performance quotidienne afin de conserver les

ressources nécessaires au changement. Les « connaissances », au sens de Saint-

Amand et Renard (2004), sont ici centrales dans leur adéquation avec les

« ressources » et les « compétences ». Comme le dit Rondeau (2008), les acteurs

stratégiques doivent développer la capacité à changer par « une maîtrise toujours

Page 59: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

44

plus fine des enjeux de l’environnement d’affaires et de son positionnement dans cet

environnement en même temps qu’un partage toujours plus raffiné de ses enjeux

entre toutes les parties prenantes » (p. 7). En résumé, la logique d’action stratégique

vise à définir ce que l’organisation veut faire (Rondeau, 2008).

La logique d’action fonctionnelle

Selon la logique d’action fonctionnelle, les décalages entre le modèle

d’affaires et l’environnement devraient être rapportés et documentés. Une réponse

permettant de « faire plus avec moins » est attendue. En d’autres mots, une solution à

ces décalages devrait être concrètement produite. Les « ressources » (inhérentes aux

processus, ou flux de valeur, qui sont particulièrement importants ici) sont centrales

dans l’adéquation avec « connaissances » et « compétences ». En effet, la mise à

niveau du modèle d’affaires passe par le développement de nouvelles méthodes,

structures et systèmes. Des ressources doivent être constatées et mobilisées afin de

développer les compétences nécessaires au transfert des connaissances de la

planification du nouveau modèle jusqu’à son implantation. De plus, ces ressources

sont particulièrement importantes en ce qui à trait à maintenir une performance dans

les opérations quotidiennes tout en supportant le changement en cours. Cette

« surcharge » sur les ressources organisationnelles est primordiale dans une logique

d’action systémique. En résumé, cette logique d’action vise à définir ce que

l’organisation peut faire (Rondeau, 2008).

Page 60: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

45

La logique d’action opérationnelle

Tout cela ne peut être fait si le changement n’est pas accepté par les acteurs

concernés. Les enjeux opérationnels sont fondamentaux afin de créer une

mobilisation, une motivation et surmonter les obstacles au changement tels que la

surcharge de travail chez les employés en période de changement. La

communication, la collaboration, la transparence et l’écoute sont de mise pour

développer un contexte propice au changement.

Les enjeux humains sont prédominants afin de développer une capacité à

changer. En effet, la perception du changement par les destinataires de celui-ci est

importante dans le succès propre à cette logique d’action. Les rôles, les

responsabilités et les relations doivent être clairs tout autant que les résultats relatifs

aux changements de comportements afin de favoriser la modification de ceux-ci et

surtout, de susciter de l’effort par l’observation de la valeur ajoutée du nouveau

modèle mis en oeuvre. Les « compétences » sont prédominantes. L’organisation doit

développer des capacités permettant de supporter l’apprentissage de nouvelles

« compétences » par la disponibilité des « ressources » selon les « connaissances »

développées. En résumé, la logique d’action opérationnelle vise à évaluer ce que

l’organisation fait réellement (Rondeau, 2008).

In fine, l’étude des capacités à changer selon le modèle de Rondeau (2008)

pose le contexte du changement comme étant unique à une situation en particulier

tout en étant systémique. La dichotomisation de l’environnement externe et de

l’environnement interne n’est plus de mise au niveau théorique, l’environnement

Page 61: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

46

n’étant plus un objet d’étude holistique. La perception de ce contexte par les

différents acteurs agissant selon ces trois différentes logiques d’action est ce qui

créera le terrain propice au changement tout en accentuant sa légitimation et sa

mobilisation autour du défi de la réalisation. Ici, l’apport important de la perspective

axée sur les capacités à changer porte sur le fait qu’aucune de ces logiques d’action

ne peut être considérée de façon indépendante. Ni une logique stratégique,

fonctionnelle ou opérationnelle ne peut supporter le succès de la mise en œuvre d’un

changement.

Le modèle de Rondeau (2008) propose donc neuf thèmes fondamentaux à

l’étude de la capacité à changer et relevant de l’interaction de deux axes conceptuels,

les enjeux et les logiques d’action. La figure 4 illustre le modèle de Rondeau (2008).

Figure 4 : Les enjeux du changement organisationnel selon les logiques de

l’action organisée (tiré de Rondeau, 2008)

Enjeux du changement (résultats attendus)

Légitimation(Émotif)

Réalisation(Cognitif)

Appropriation(Comportemental)

Lo

giq

ues d

’acti

on Stratégique

(Intention des acteurs) Perspective directionnelle

VISIONChangement important

Parrain engagé

Partenaires impliqués

PILOTAGEStructure de pilotage

crédible

INTÉRÊT Conditions incitatives Retombées valables

Fonctionnelle(Nature des systèmes) Perspective structurelle

MODÈLEDéficiences établies

Orientation documentée

CAPACITÉRessources, méthodes

et compétences adéquates

DÉMARCHEPlan de mise en œuvre

approprié

Opérationnelle(Pratiques adoptées) Perspective culturelle

ADHÉSIONCommunication adéquate

Engagement élevé

EFFORT Disposition et collaboration appropriées

PROGRESSIONAmélioration continue

Page 62: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

47

1.5.3 Le choix du modèle

Le modèle de Rondeau (2008) vise à rapprocher les courants descriptifs et

normatifs au sein d’une même proposition. Deux questions apparaissent ici comme

importantes pour l’élaboration de sa proposition. 1) Quels sont les dimensions et les

enjeux inévitables de la recherche en gestion du changement et des capacités

organisationnelles? 2) Quelles sont les logiques au centre de l’action rationnelle et

des représentations des acteurs et qu’impliquent-elles afin de répondre aux

préoccupations des gestionnaires du changement? Ce modèle ne tente ni tout à fait de

comprendre ce qui fait le succès d’une organisation en changement, ni de dicter

précisément une marche à suivre.

Premièrement, il évite de proposer une marche à suivre aux gestionnaires.

Cette proposition n’engage pas la mise en oeuvre d’actions concrètes à travers des

étapes de mise en œuvre linéaires. La recette du changement reste ainsi propre à son

contexte et à sa spécificité tout en offrant un cadre réflexif concernant les facteurs de

succès dans la gestion des capacités organisationnelles. Les acteurs peuvent donc

s’en saisir de façon réflexive comme objet de transformation à l’intérieur de projet de

changement organisationnel.

Deuxièmement, il suggère que cette proposition offre des réponses aux

universitaires désirant étudier la nature de la gestion du changement (ou des

capacités à changer). Rondeau (2008) présente une grille de dimensions importantes

et organisées aux gestionnaires autant qu’une grille d’observation aux universitaires

Page 63: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

48

leur permettant d’étudier chacune des variables reconnues dans le modèle et de juger

de l’adéquation de cette variable selon la valence des enjeux proposés. Ce modèle

peut offrir un outil de connaissance interactionniste au chercheur.

Troisièmement, ce modèle offre un outil de représentations collectives de ce

que devraient être les résultantes des processus contextualisés, spécifiques et

épisodiques, garants de changement organisationnel. En développant un certain

artéfact, l’action réflexive se veut ainsi plus près de la réalité co-construite de ce que

représente le processus de changement pour chacun des acteurs directement ou

indirectement impliqué. Considérant la nature de l’artéfact, celui-ci se modifie selon

les objectifs poursuivis par les acteurs, par l’influence sociale, et qu’inversement,

l’artéfact se modifiant engendre nécessairement des modifications dans le projet des

acteurs. Le modèle offre une étude d’un phénomène « épisodique, contextuel et

spécifique » (Rondeau, 2008) puisqu’il considère, sans le nommer directement, le

changement comme un artéfact de l’action sociale et non comme guide d’action sur

certaines « lois naturelles », sociales ou non.

En parcourant la documentation en gestion du changement, les modèles

offerts semblent offrir, pour la plupart, que des démarches identifiant des conditions

de succès permettant la conduite ou la description du changement en général. Les

dimensions « spécifique », « épisodique » et même « systémique » dans certains cas,

tel que proposé par Rondeau (2008), ne sont pas intégrées pleinement. Elles

demeurent donc « génériques ».

Page 64: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

49

Le qualificatif de « générique » provient du fait que rares sont ceux qui

étudient le changement lui-même comme phénomène organisationnel, social, naturel

et émergent. Comment proposer une conduite sur les capacités à changer d’une façon

macro, peu importe le contexte du changement, sans étudier le phénomène de

capacités à changer comme étant propre et unique à leur contexte? En d’autres mots,

l’émergence du changement est toujours à explorer afin d’en arriver à une étude

permettant du même coup la conduite d’un changement en considérant son unicité et

sa spécificité (Mintzberg et al., 2002).

Dans ce chapitre on a présenté une description de l’évolution de la production

de connaissance en gestion du changement au tournant du millénaire, en particulier :

La dualité Action-Connaissance à travers les constatations de Miller et al. (1999)

concernant l’axe descriptif-normatif, le développement contextuel entre la

production de connaissance et leur époque selon Demers (1999) et la proposition

pour l’étude des capacités à changer. L’étude des capacités à changer plutôt que de la

gestion du changement même semble ici être une piste de recherche selon les

observations ci-haut proposées. Le modèle retenu pour le projet de la thèse est celui

de Rondeau (2008) car il propose justement une tentative de réconciliation des

travaux descriptifs et normatifs à travers la matrice précédemment exposée. Du coup,

tel qu’il a été proposé dans l’introduction, le modèle est au centre des avenues de

recherche. Ainsi, il sert d’outil de transformation et d’objet à connaitre dans le sens

du traitement des enjeux épistémologiques du domaine d’étude. Le modèle de

Page 65: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

50

Rondeau (2008) est choisi comme « terrain de recherche » afin d’étudier et

d’opérationnaliser la question de la validité des modèles en gestion du changement.

Ce modèle est donc l’objet concret, le terrain d’étude, de la thèse ici

présentée. Pour être en mesure de répondre à la question de recherche il faut

comprendre les typologies des modèles et les paradigmes qui leur sont associés. Il est

important de faire ce détour afin d’encadrer l’opérationnalisation. Avant de passer à

l’étude de la validation de modèle, il importe de comprendre les typologies et les

paradigmes liés à la problématique de la validation de modèle en gestion du

changement. Il appert ainsi nécessaire de présenter les types de modèle et leur

paradigmes tel qu’observables dans le domaine d’intérêt.

Page 66: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

Le concept de modèle

Dans ce chapitre les types de modèles et les paradigmes fondamentaux qui

leur sont associés sont présentés et expliqués. L’objectif est de définir en terme

opératoire le terme de modèle afin de positionner et d’étudier la démarche de

validation de modèles en gestion du changement.

1.2 Les types et les paradigmes fondamentaux

Le concept de modèle s’inscrit à travers deux paradigmes fondamentaux, soit

celui de la « découverte » et celui de l’ « invention » (Le Moigne, 1987). Ainsi, d’un

côté, le modèle peut tenter de représenter le réel (Ackoff et Sasieni, 1968) par des

visées descriptives. Ayant une conception de la connaissance comme « objet » plutôt

que comme « projet », le modèle descriptif est « iconique » selon un principe

réductionniste, voire « symbolique » selon une approche structuraliste. Dans une

approche descriptive, le modèle est un point d’arrivée, le résultat de l’activité de

connaissance (au sens de Déry, 1990). Le modèle est l’ « icône » du réel, sa

représentation.

D’un autre côté, le modèle peut tenter le façonnement de représentations

intelligibles, de guides à l’action par des visées fonctionnelles. Ces dernières

requièrent une approche de la conception, de l’artificiel, plutôt qu’une approche

analytique et hypothético-déductive. Dans une approche normative, le modèle est en

quelque sorte le point de départ. En effet, le projet n’y est pas de représenter le réel

en toute objectivité, mais bien de le transformer en accord avec un projet. Le Moigne

Page 67: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

52

(1987) constate à cet effet que : « Le modèle alors, qu’il soit iconique ou

symbolique, devient source de connaissance et non plus résultat ».

Le modèle comme objet/représentation ou comme projet s’inscrit dans les

sciences du management et plus particulièrement, il s’inscrit au sein des enjeux du

développement de la connaissance en gestion du changement.

Les sciences du management et la gestion du changement visent

habituellement, à un niveau prescriptif, l’aide à la décision en tentant de démontrer

les approches garantes de succès en termes d’efficacité ou d’efficience. Déry, Landry

et Banville (1991) en rappelant Ackoff (1956) et Churchman (1957) affirment que la

conception de modèle en est le produit habituel de la recherche. Le modèle est

considéré comme étant le facteur déterminant du succès d’une action selon ces

auteurs. On peut donc dire que les sciences du management tentent de développer

des connaissances sur l’action efficace ou efficiente en objectivant ses approches à

l’aide de modèles.

Zebda (2003) propose une typologie qui permet de classifier les modèles. Il y

en aurait trois types: prescriptif (normatif), descriptif et positif.

Les modèles prescriptifs aident la prise de décision au niveau rationnel, leur

puissance normative est donc fondamentale. Les modèles descriptifs visent à

démontrer comment la décision est prise sur le terrain. Leur validité descriptive est

Page 68: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

53

importante. Les modèles positifs visent à prédire le comportement sans

nécessairement l’expliquer3. Leur puissance prédictive devrait être évaluée. Même si

la typologie proposée par Zebda est relativement simple et représentative, il reste

qu’il est difficile de classer un modèle dans un seul type, car les modèles tendent à

présenter des caractéristiques de chaque type.

On peut faire des rapprochements entre la typologie de Zebda (2003) et

d’autres paradigmes présentés par Le Moigne (1987) et Ackoff et Sasieni (1968)

pour définir le concept de modèle selon le paradigme descriptif et le paradigme

normatif. Le tableau III présente ces rapprochements de façon structurée.

Tableau III : Les caractéristiques du modèle selon les paradigmes descriptif et

normatif

Paradigme descriptif Paradigme normatif

Le modèle est : Le modèle est :

Descriptif Normatif

Un objet ou un point d’arrivée Un projet ou point de départ

Une représentation (Ackoff et Sasieni,

1968)

Une interprétation (Le Moigne, 1987)

Iconique (Le Moigne, 1987) Une invention (Le Moigne, 1987)

Symbolique (Le Moigne, 1987) Une intelligence de l’action (Le Moigne,

2008)

Descriptif (Zebda,

2003)

Positif (Zebda,

2003)

Prescriptif (Zebda, 2003)

3 En référence aux propriétés du modèle et à l’activité de modélisation précédemment étudiées, le type

de modèle positif est considéré par la thèse comme un type descriptif.

Page 69: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

54

Ces deux paradigmes reflètent la dichotomie définie par Miller et al. (1999)

en gestion du changement. Ils permettent de déterminer les types de modèles. Ayant

défini ces deux paradigmes et les types de modèles il reste maintenant à déterminer

les ancrages épistémologiques et méthodologiques qui serviront à

l’opérationnalisation de la démarche. La prochaine partie présente à cet effet le

double référentiel épistémologique et méthodologique du modèle présenté par Le

Moigne (1977, 1987).

1.2.1 Le double référentiel épistémologique et méthodologique

Selon Le Moigne, (1987) les modèles descriptifs, sous un paradigme de la

connaissance comme objet, mènent à une « explication » du phénomène. Tandis que

sous un paradigme de la connaissance comme projet, ils mènent à une

« interprétation » de cette construction. Ce qui relie ces deux types de modèle

descriptif est leur fondement méthodologique.

La méthode analytique propre à une épistémologie positiviste, dominante par

sa méthode hypothético-déductive expérimentale, amène nécessairement le

modélisateur à réduire sa captation de la complexité, à « mutiler » le phénomène

systémique (Morin, 1982). Ceci découle des préceptes positivistes ici regroupés en

quatre axiomes méthodologiques (Le Moigne, 1987) : les axiomes de causalité, de

disjonction, d’élémentarité, de réversibilité. L’axiome de causalité infère que le

modélisateur doit expliquer par l’identification de relations linéaires simples le réel

objectivé. L’axiome de disjonction sépare le système de son résultat. Il interdit au

système d’être producteur de lui-même (Le Moigne, 1977, 1987) dans une approche

Page 70: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

55

réductionniste. L’axiome d’élémentarité fait en sorte de concevoir le réel comme

contenant des éléments de bases qui seraient stables, irréductibles et constitutifs d’un

réel donné (Le Moigne, 1987). Il importe alors au modélisateur de les identifier afin

de les expliquer. Finalement, l’axiome de réversibilité implique une certaine

symétrie au modèle/système. En lien avec l’axiome de causalité, si la relation est

effectivement causale et linéaire, alors elle est réversible. Le modélisateur doit

pouvoir démontrer cette symétrie méthodologique.

Toujours selon Le Moigne (1977, 1987), il est possible d’opter pour une

activité de modélisation visant la compréhension sous un paradigme de la

connaissance-objet, ou une modélisation axée vers la représentation opératoire sous

une perspective de la connaissance comme projet. Toutes deux requièrent une

approche méthodologique axiomatiquement contraire aux modèles descriptifs, soit

par conception axiomatico-inductive pragmatique. Quatre axiomes sont au cœur de

la méthodologie par conception : les axiomes téléologiques, de conjonction,

d’opérationnalité et d’irréversibilité. L’axiome téléologique transforme la

connaissance en projet de construction dont le modélisateur est partie, ceci

impliquant nécessairement l’intégration de la théorie systémique. L’axiome de

conjonction cherche à inclure, contrairement au précepte réductionniste, la

complexité incluse dans la « conjonction cognitive du sujet et de l’objet » (Le

Moigne, 1987). L’axiome d’opérationnalité implique que plutôt que de chercher les

éléments constitutifs du réel, le modélisateur conçoit des opérations impliquant la

notion du système ouvert (boite ouverte). L’axiome d’irréversibilité réintègre le

Page 71: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

56

temps comme élément fondamental du système à modéliser, impliquant

nécessairement une irréversibilité méthodologique des relations causales. Le tableau

IV présente un résumé de l’argumentation ci-haut.

Tableau IV : Le double référentiel épistémologique et méthodologique selon Le

Moigne (1977, 1987).

Méthodologie Hypothético-déductive

expérimentale

Axiomatico-inductive

pragmatique

Épistémologie Connaissance-

objet

Connaissance-

projet

Connaissance-

objet

Connaissance-

projet

Visée du

modèle

Explicative Interprétative Compréhensive Représentation

opératoire

1.2.2 Une définition générale du concept de modèle

Suite à une étude des types de modèle, de leurs paradigmes et leurs

méthodologies sous-jacentes, la définition proposée par Pidd (2010) de ce qu’est un

modèle en sciences de la gestion peut être utile pour le projet de cette thèse.

Regroupant une complexité systémique et descriptive à un pragmatisme téléologique

et normatif, Pidd (2010) affirme que :

« Un modèle est une représentation externe et explicite d’une

partie de la réalité telle que perçut par les personnes qui désirent

utiliser ce modèle pour comprendre, modifier, gérer et contrôler

cette partie de la réalité » (p.10) (Traduction libre).

Cette définition prescrit qu’un modèle doit être pertinent, utilisable. Appliqué

dans le contexte de gestion du changement cela signifie que le modèle selon une

Page 72: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

57

approche normative provient de la connaissance préalable. Suivant Déry (1990),

propre à la mise en lumière de la dualité Action-Connaissance, une des retombées du

modèle-projet sera donc une évolution du modèle-représentation.

Selon Finlay et Wilson (1987) le modèle vise à structurer les systèmes

organisationnels là où l’action interagit avec la complexité du système créant une

problématique systémique. Pidd (2010) ajoute que le modèle est utilisé afin de

réduire les options possibles pour les preneurs de décision qui peuvent détenir de

l’information ou des connaissances dépassant les limites du modèle. Ainsi, les deux

fonctions du modèle rapportées précédemment, soit descriptif (représentatif de la

réalité) et normatif (guide à l’action) sont intégrées. La dimension descriptive et

complexe de la réalité est maintenant essentielle à la pertinence pratique et à la

validité académique du modèle.

Il s’en suit que l’opérationnalisation du processus de constitution/validation

d’un modèle en situation de changement organisationnel prend une importance non

seulement en gestion du changement, mais en épistémologie et en méthodologie en

général. Quels sont alors les principes de l’activité de modélisation en sciences du

management, c’est l’objet de la prochaine partie.

Page 73: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

58

2.1.3 Les principes de l’activité de modélisation dans les sciences du

management

Pour construire un modèle en sciences du management, il ne suffit pas de

décrire les formes du modèle, il faut aussi approfondir les fondements et les

principes de sa construction. L’étude de ces ancrages permettra d’élaborer une

opérationnalisation méthodologique rigoureuse propre à l’étude du modèle hybride

de représentation comme objet de transformation en gestion du changement.

Finlay et Wilson (1987) affirment qu’en recherche opérationnelle,

l’élaboration de modèle peut se faire à deux niveaux. Premièrement, une situation

organisationnelle requiert un modèle large et englobant qui couvre l’ensemble des

activités du système donné afin d’identifier les problèmes particuliers.

Deuxièmement, ces problèmes particuliers requièrent un modèle propre qui tente de

les résoudre, habituellement par une modélisation mathématique. On y retrouve

donc, encore une fois, la dichotomie entre descriptif et normatif.

Pour élaborer une stratégie de validation de modèles, le premier niveau

(descriptif) apparait pertinent comme point de départ. Ainsi, un modèle déjà conçu,

objet de connaissance, est choisi comme terrain de recherche dans la présente étude.

La modélisation de deuxième type (normatif) semble intéressante afin d’approcher

un problème précis à l’aide de l’objet de connaissance qu’est le modèle choisi. Un

projet réel de gestion du changement (et non la gestion du changement comme

Page 74: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

59

concept) devient donc un « problème » à résoudre en lui-même par modélisation

normative à partir du modèle de départ, celui-ci objet de connaissance.

En se rapportant de nouveau à la définition de Pidd (2010), il semble plus

difficile par contre d’ancrer une argumentation à l’effet que le modèle est bel et bien

une « représentation » valide d’une partie de la réalité telle que perçu par un (ou des)

acteur. Il est tout autant difficile de démontrer l’impact du modèle sur la qualité de

l’intervention ou de la compréhension de l’utilisateur.

Un modèle en sciences du management doit donc suivre quelques principes

de modélisation, ceux-ci étant inscrits au cœur de la dualité descriptive-normative. Il

est nécessaire de capter la complexité et la diversité offertes par une situation

« réelle ». Contrairement à Ashby (1956) et les tenants de la cybernétique et de la

science du contrôle, Pidd (1996) affirme que le modèle en gestion doit être utilisé par

un décideur. Cette double intention découle l’enjeu épistémologique et

méthodologique, soit de ne pas « mutiler » la complexité tout en simplifiant

l’utilisation du modèle pour l’usager.

Pour ce faire, Pidd (1996) rassemble quelques principes représentatifs de

l’activité de modélisation en sciences du management. Premièrement, afin de

représenter une situation réelle complexe dans un outil simple à l’utilisation, la

modélisation implique un principe de parcimonie. Powell (1995) (dans Pidd, 1996),

mise sur l’importance du modèle « prototype ». Ceci implique de ne pas tenter de

Page 75: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

60

modéliser l’ensemble d’une situation complexe à travers un processus de longue

haleine. La notion de pertinence équilibre celle de la validité en prescrivant que le

modèle doit être conçu rapidement en visant le cœur de la situation. Ensuite, de

façon itérative, si le prototype n’est pas abandonné, il sera possible de complexifier

et de sophistiquer le modèle selon la progression des apprentissages qu’il offrira.

Deuxièmement, Raiffa (1982) et Powell (1995) (dans Pidd, 1996) énoncent

qu’ainsi, il est préférable d’élaborer plusieurs modèles simplifiés plutôt qu’un

modèle lourd et englobant qui se révèlera complexe dans son utilisation et surtout

difficile à valider. Cet assemblage de modèles simples permettra une meilleure

compréhension des différentes composantes tout en conservant l’avantage de pouvoir

être mis en relation afin d’en étudier la dynamique.

Troisièmement, l’activité de modélisation implique l’utilisation d’analogies

(Le Moigne, 1987). La compréhension des différentes perspectives du modèle prend

ici plus d’importance contrairement à une approche directe de la problématique.

L’image, la métaphore, peut tout autant aider à la représentation de la situation tout

en étant plus utile et compréhensible.

Quatrièmement, Pidd (1996) affirme que le modèle doit guider la collecte de

données et non l’inverse, soit que les données se doivent d’être assemblées en

modèle représentatif. Il rend explicite la problématique à l’effet qu’il est facile à

cette époque, grâce à d’excellents logiciels informatiques, d’analyser rapidement une

Page 76: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

61

banque de données. Il est donc possible d’explorer des résultats, des modèles, a

posteriori de l’étude et ceci peut mener à des agencements statistiques non-fondés

dans la réalité. L’approche est donc très différente dans ses nuances. Plutôt que de

tenter d’expliquer empiriquement l’ensemble du phénomène capté par les données,

ces dernières doivent être collectées selon les suppositions du modèle. La réalité

extérieure n’est donc pas le point de mire, le modèle devient le « constructeur » de

connaissance entre la situation réelle complexe et le chercheur.

Deux approches générales sont possibles et elles regroupent l’ensemble des

modèles produits. Pidd (1996) affirme qu’un modèle peut être conceptualisé selon la

perspective de la « boite noire » ou de la « boite ouverte ». Cette image y est pour

beaucoup lors de l’appréciation de la validité des modèles tout autant qu’elle est

propre aux objectifs inhérents à la modélisation.

Le modèle comme « boite noire »

Cette approche, telle que résumée par Pidd (1996), considère que le modèle

doit tenter de reproduire les interactions du système réel. Cependant, ce dernier étant

complexe et sur-détaillé, il est relativement impossible de le reproduire par

observation directe. Le modèle « boite noire » est un principe qui porte l’attention

sur les intrants et les extrants du modèle et du système réel.

Le modélisateur se doit de tenter (habituellement de façon itérative)

d’élaborer une certaine mécanique qui permet au modèle de reproduire les

Page 77: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

62

résultantes du système réel à un niveau acceptable, valide. La qualité des données

« entrantes » et des données « sortantes » est donc centrale selon cette perspective.

Considérant ces données valides et pertinentes, le modèle en « boite noire » a atteint

son objectif lorsque son mécanisme réussit à reproduire ces données « sortantes » du

système réel à partir de données « entrantes » comparables à celles du système

étudié.

Il est à noter que l’ensemble de cette approche repose donc sur la qualité de la

validité prédictive. De plus, cette approche semble être fortement influencée par le

paradigme réaliste positiviste dans une approche mécanique des phénomènes. La

fonctionnalisation, habituellement mathématique, est centrale à l’objectivation des

données et la validité prédictive est presque seule gage de qualité. Par exemple, en

sciences sociales, le modèle comme « boite noire » est au cœur de la modélisation

positiviste en psychologie sous les méthodes quantitatives valorisées dans la

publication à haut niveau d’impact.

Le modèle comme « boite ouverte »

Pidd (1984, 1996) énonce qu’au contraire de la boite noire se trouve une

représentation du modèle qui ne serait ni vraiment noir et que sa structure interne ne

serait pas nécessairement inconnue. Provenant de la théorie des systèmes ouverts à

travers les études de Bertalanffy (1968) et de Landry et Banville (1997) entre autres,

le modèle, tout comme le système, est à la base considéré comme façonné par

l’esprit humain. La compréhension peut donc venir autant de l’observation directe

Page 78: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

63

que de l’accès aux créateurs et utilisateurs. L’attention n’est plus portée sur les

« entrants-extrants », mais sur la comparaison des mécanismes internes du modèle et

du système.

Cette comparaison directe amène plusieurs difficultés pour la validation de

modèle. Une approche quantitative offre plusieurs points d’ancrage à des tests de

validation tels que les distributions de Poisson et de Weilbull en simulation. Par

contre, une telle méthode implique presque toujours des objets de recherche

directement quantifiables dans les travaux académiques en recherche opérationnelle.

Par comparaison, une approche qualitative apporte aujourd’hui encore plusieurs

débats dans la communauté universitaire. Dans tous les cas, le modèle n’est plus un

objet objectivable. L’approche « boite ouverte » et les validations qu’elle impose

s’inscrivent dans le processus même de la modélisation selon Pidd (1996). La

« boite » n’est donc pas un produit fini, mais un objet de recherche en construction

impliquant les sources de connaissances telles que les modélisateurs et les

utilisateurs.

Peu importe le type de modèle, Willemain (1994, 1995) et Pidd (1996)

précisent que la modélisation est habituellement présentée comme un processus

rationnel et linéaire. Ils remarquent qu’en management cet exercice en est un de

débrouillardise, en ce sens que le modélisateur/chercheur peut tirer profit de

certaines observations concernant les réflexions et perceptions des acteurs sur le

terrain (incluant lui-même). Il peut tenter de changer de perspective pour se tirer

Page 79: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

64

d’une impasse ou adapter le modèle selon les données recueillies en cours de route. Il

est entendu que ce cheminement n’est pas nécessairement rigoureux ou valorisé,

même s’il est souvent observé chez les modélisateurs en sciences du management.

Le modélisateur/chercheur en gestion est donc constamment confronté à la

nécessité de rassembler des éléments de validation sur le modèle tout autant que d’en

étudier la pertinence pour l’action et la décision (Landry et al., 1983; et Oral et

Kettani, 1993). De plus, celui-ci a une double fonction en ce qu’il doit faire

progresser la connaissance de son objet par la publication académique tout en

développant des savoirs actionnables par les managers (Avenier et Schmitt, 2007;

Avenier, 2009).

Pour conclure, l’élaboration des types et des paradigmes fondamentaux de

modèles en gestion du changement, l’étude d’une définition intégratrice du concept

de modèle en gestion, ainsi que la mise en lumière des principes à la base de

l’activité de modélisation ont été traités ci-haut. Ce chapitre a présenté les bases

épistémologiques et méthodologiques permettant d’ancrer le positionnement de la

stratégie de validation du modèle qui fait l’objet du prochain chapitre.

Page 80: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

3 La validation du modèle

Les recensions au sein de la présente thèse n’ont trouvé aucune publication

propre à la validation de modèles en gestion du changement. Le domaine de la

recherche opérationnelle en sciences du management présente un courant de

publication qui porte précisément sur la question. Le présent chapitre étudie le

développement épistémologique et méthodologique du concept de « validité » en

recherche opérationnelle. L’objectif de ce chapitre est, à la lumière de ce parcours,

d’identifier une approche qui peut convenir à la problématique de cette thèse en

gestion du changement. Ceci en considérant le positionnement épistémologique du

modèle tel que formalisé en introduction et conceptualisé selon ses paradigmes

fondamentaux (chapitre 2) associés aux intérêts du développement des connaissances

en gestion du changement (chapitre 1).

3.1 Les difficultés et les obstacles généraux de l’étude de la validation

La validité n’est pas sans problématique dans une telle multiplicité d’intérêts

se rangeant habituellement entre l’utilité (ou la pertinence) et la valeur scientifique.

La quête de méthodes de validation de modèles s’avère difficile puisque d’un côté,

plusieurs universitaires dont l’objet de recherche est « soft » considèrent que le terme

« validation » ne correspond pas à leur approche (i.e. Denzin et Lincoln, 1998;

Hammersley, 1987). Ils préfèrent alors utiliser d’autres termes reflétant d’autres

principes, tels que : fiabilité, pertinence, plausibilité et crédibilité (Winter, 2000).

D’un autre côté, certains universitaires tentent d’intégrer la notion de validité dans la

Page 81: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

66

relation coûts/bénéfices (Churchman, 1970)4. Considérant cette difficulté inhérente

au manque de consensus dans la documentation en recherche opérationnelle et en

management, Zebda (2003) tente une recension récente des types de validités. Il est

considéré ici que l’ensemble des termes énoncés ci-haut tels que fiabilité, pertinence,

etc. sont représentés par le concept large de « validité scientifique » en modélisation.

Souvent les modèles publiés ont fait l’objet d’une quelconque validation dans

un objectif principal visant à outiller le décideur avec précision et crédibilité. Ces

modèles sont principalement normatifs en ce qu’ils tentent d’offrir des guides à

l’action. Il est à noter que ceux-ci portent principalement sur certains outils ou

certaines approches spécialisées et spécifiques. Ceci exclut habituellement et en

grande partie la dimension humaine de la modélisation et de son projet. Ces modèles

sont habituellement considérés « hard5 ». Par exemple, de tels modèles portent sur

les mécanismes de capacité de production (i.e. Arer et Ozdemirel, 1999), sur la

computation de données en sciences aérospatiales (i.e. Oberkampf et Trucano, 2002),

sur les « systèmes experts » (i.e. Finley, Forsey et Wilson, 1988), sur le traitement de

l’information, sur l’automatisation à l’aide d’outils informatiques particuliers (i,e,

Brennan et Dention, 2004; Irvine et Levary, 2002) ou sur la gestion des stocks.

Technique, mathématique et informatique s’appliquent ici à des objets managériaux

dits « hard ». Les auteurs de ces modèles proposent donc des méthodologies de

validation parcimonieuses et spécifiques à leur objet précis de recherche.

4 Par contre, note Zebda (2003), la notion quantitative associée à cette relation apparait difficilement

applicable aux modèles de prise de décision. 5 Selon Lemons (2008) les sciences dites « hard » sont perçues comme objectives et rigoureuses.

Leurs méthodes reposent sur des faits empiriques et quantitatifs. Certains infèrent même que ce sont

les seules sciences que l’on peut classifier sous le paradigme de la Méthode Scientifique.

Page 82: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

67

Quelques auteurs élaborent des principes généraux afin d’attirer l’attention

sur l’importance de certaines formes de validation particulières, tels que Zeigler

(1976) discutant que l’importance de la validation dans un cadre expérimental, et

Lane (1995) attirant plutôt l’attention sur le contexte d’utilisation du modèle dans la

considération d’une méthode de validation. Il est possible de conclure que même si

la recherche opérationnelle traite habituellement de problématiques à l’aide

d’approches dites systémiques, elle traite habituellement de problématiques

spécifiques nécessitant des techniques difficilement généralisables à la modélisation

« soft » en sciences du management. Cette dimension dite « soft » qualifie une

approche qui porte des dimensions attitudinales, psychologiques, émotionnelles,

comportementales et des interrelations entre acteurs organisationnels réflexifs et la

transformation de leur environnement schématique, l’organisation.

Les auteurs s’intéressant à la validation de modèle en soi sont relativement

rares (Finlay et Wilson, 1987; An Operational Research Society National Event,

1983). Il serait difficile de recenser les méthodes de validation utilisées à travers

l’ensemble de la documentation universitaire. La validation semble à ce point

fréquente et intégrée dans les pratiques que souvent ses postulats sont, ou référencés

et considérés comme valables sans explicitations, ou rejetés de prime abord selon des

arguments épistémologiques. De plus, il semble selon Zebda (2003) que les

processus de validation de modèles sont difficiles à recenser et à étudier étant donné

la grande confusion sur le choix même des termes utilisés à travers les publications6.

6 Voir Zebda (2003) pour une énumération étendue des différents termes employés.

Page 83: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

68

Afin de procéder à une description des types de validités majeures en

recherche opérationnelle il appert important de définir ce qui est entendu comme

processus de validation tout en intégrant certains mécanismes connexes tels que la

vérification. Une définition classique et fréquemment citée est celle de Fishman et

Kiviat (1968) qui définissent le processus de validation comme étant : « les tests de

correspondance entre le comportement du modèle et celui du système réel faisant

l’objet de la modélisation ». La vérification, un terme fréquemment utilisé dans les

études qui se rapportent à la validation, est plus spécifique à un outil (habituellement

informatique) et elle est définie comme : « le processus qui tente de démontrer que le

programme informatique fonctionne tel que supposé » (Gass, 1983). Finlay et

Wilson (1987) affirment que la vérification est statutaire du niveau de confiance

envers le modélisateur. Tandis que la validation est statutaire du niveau de confiance

du client envers le modèle.

Dans un premier temps et selon un objectif méta-analytique, les

regroupements des types de validités de Zebda (2003) sont recensés (la validité

logique, la validité prescriptive, la validité descriptive et la validité prédictive). Les

avantages et les enjeux de ces quatre méta-catégories et leurs dimensions sont

étudiés à l’aide d’une exploration de la documentation universitaire à cet effet.

Toujours dans l’objectif de déterminer ce qu’est un modèle valide en gestion du

changement, il importe de porter un regard sur les validités en général pour ensuite

identifier et positionner une méthode opérationnelle de validation. Cette présentation

positionne donc les termes et les principes généralement reconnus par l’ensemble des

Page 84: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

69

auteurs. Du coup, il est inévitable d’y observer les impasses majeures face au

consensus recherché.

Dans un deuxième temps, une impasse majeure est identifiée quant aux

multiples critiques adressées aux méthodes de validation dites « subjectives » et

inter-reliées à trois des quatre méta-catégories. Ces critiques apparaissent

importantes étant donné la difficulté ou même l’impossibilité d’utiliser les méthodes

dites « objectives » ou quantitatives dans l’étude de la gestion du changement.

Dans un troisième temps, quelques constats généraux au développement des

connaissances et des pratiques en termes de validation de modèle sont élaborés. Cette

partie présente une perspective constructive face aux impasses rapportées. Plus

particulièrement, le regard est posé sur le débat entre les validités « subjectives » et

les validités « empiriques ».

Dans un quatrième temps, il appert important de positionner la distinction

précise entre les méthodes de validation dites « hard » et celles dites « soft ».

Toujours dans l’objectif d’identifier ce qu’est un modèle valide en gestion du

changement et ainsi proposer une méthode opérationnelle, cette distinction et ses

fondements permettent d’identifier une avenue de recherche. Cette dichotomie n’est

pas traitée avec une approche opposant les deux positions. Au contraire, il est

proposé que cette dichotomie pourrait être une dualité pouvant mutuellement

renforcer la rigueur de ses deux penchants.

Page 85: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

70

Dans un cinquième temps, la dualité épistémologique entre les objets de

recherche « hard » et « soft » permet d’identifier deux types opérationnels aux

méthodologies de validation de modèle. L’intérêt de cette section est qu’elle apporte

une certaine portion d’ « action » et de technique à la notion de validation de modèle.

Les méthodes de validation d’outils d’aide à la décision (« hard ») et les méthodes

par structuration de problème (« soft ») aident à identifier certaines propositions

méthodologiques ancrées dans les fondements de la validité scientifique énoncés

dans ce chapitre. Le présent chapitre tente de récupérer les méthodes les plus

consensuelles et reconnues à travers ces deux types de travaux, même si rares sont

les auteurs en management à poser directement cette question quant aux

méthodologies de validation de modèle. Donc, du débat entre « objectivité » et

« subjectivité » découlerait deux champs de recherche distincts, la recherche

« hard » et la recherche « soft » respectivement. Deux méthodologies générales

semblent s’être cristallisées entre ces deux campements épistémologiques, la

validation d’outils d’aide à la décision (« objectifs », « hard »), la validation par

structuration de problème (« subjectifs », « soft »). Il est à noter que tous deux

peuvent mener à des travaux descriptifs comme normatifs.

Finalement, dans un objectif de ne pas réinventer la roue et de récupérer au

mieux possible les avantages du développement des connaissances quant à la

validation de modèle, la présente thèse identifie et présente un modèle

méthodologique théoriquement optimal : celui d’Oral et Kettani (1993). Celui-ci est

Page 86: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

71

ancré directement en amont du parcours de la production de connaissance étudié

dans le texte qui suit.

3.2 Les types généraux de la validité

Cette partie dresse un portrait étendu des types de validités, leurs implications

et leurs enjeux. Le concept de validation y est étudié dans un sens large en ce qu’il

intègre les notions connexes de vérification et de légitimation rapportées en

introduction de ce chapitre. L’objectif visant à spécifier ce qu’est un modèle valide

en gestion du changement est étudié à plusieurs niveaux et de façon étendue dans ce

premier temps. L’intérêt de cette première partie est d’étudier le développement

général du concept de validation afin d’assurer que la subséquente

opérationnalisation ne porte pas inconsciemment les problématiques provenant du

manque de consensus dans la documentation tel que rapporté ci-haut dans le texte.

3.2.1 La validité « logique »

La validité « logique » traite de la dimension conceptuelle du modèle. Mock

et Vasarhelyi (1978) affirment que pour démontrer une validité « logique » les

conclusions tirées du modèle se doivent de respecter les prémisses socialement

partagées de la logique. Plus particulièrement, ces enjeux et prémisses relevant de la

« logique » sont : 1) la précision des calculs mathématiques, le flux du traitement des

données à travers le système modélisé et les résultats obtenus en cours d’analyse; 2)

que des variables importantes ne sont pas oubliées (Gass, 1983; Schellenberger,

1974).

Page 87: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

72

Cette logique, si elle est respectée, est supposée mener à la résolution du

problème de façon compréhensive et légitime. Cependant, ces auteurs observent

qu’il n’y a pas de consensus au niveau de ce qu’est la validité logique. Celle-ci

semble correspondre beaucoup plus à un processus subjectif qu’empirique selon

Zebda (2003).

Afin de ne pas être qualifié de « subjectif » Schellenberger (1974), Gass

(1983) et Zebda (2003) proposent de remplacer ce type de validité par un renvoi, 1) à

la validité prédictive afin d’interpréter si les résultantes du modèle correspondent bel

et bien aux résultantes connues ou attendues dans la documentation ou la pratique, 2)

à la validité descriptive (d’hypothèse) afin d’interpréter le niveau de validité lié à

l’utilisation des mathématiques en modélisation, 3) à la validité d’ « objectifs » afin

d’interpréter si le modèle répond bel et bien à ce qu’il affirme répondre dans la

réalité. Au final, la validité logique vise la « traduction » langagière (habituellement

informatique ou mathématique) de la conceptualisation à l’outil applicable à une

problématique (Landry, Malouin et Oral, 1983).

Il semble que la validité logique, rejetée par plusieurs auteurs pour son

subjectivisme, s’applique principalement aux modèles normatifs plutôt que

descriptifs. Le tableau V présente les implications épistémologiques de la validité

logique.

Page 88: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

73

Tableau V: La validité logique

Validité logique

Renvoi à : Inclus le sous-type :

Validité prédictive Validité d’ « objectif »

Validité descriptive

3.2.2 La validité prescriptive

Les validités prescriptive et descriptive sont souvent utilisées par les

béhavioristes et les tenants de la théorie de l’utilité attendue. Les premiers cherchent

à statuer sur le niveau d’optimisation dans la réalité des actions prescrites par le

modèle. Tandis que les deuxièmes cherchent à savoir comment les décisions/actions

sont prises dans la réalité, celles-ci étant censées être représentées dans le modèle.

Ainsi, la validité prescriptive se rapproche beaucoup de la validité descriptive et

toutes deux semblent problématiques dans leur application.

Comment interpréter l’optimisation ou la correspondance de la description

des actions si ces actions sont intégrées dans une approche provenant du regard

imposé par le modèle lui-même? Selon Zebda (2003) cette problématique renvoi le

modélisateur vers les validités prédictives et logiques. En effet, la logique tenant à la

nature « fermée » du modèle/outil, cette même logique est garante de son pouvoir

descriptif ou prescriptif.

Page 89: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

74

Landry, Malouin et Oral (1983) scindent la validité prescriptive en deux

types : la validité expérimentale et la validité opérationnelle. La première pourrait

être catégorisée ici comme prescriptive dans son cadre large. Cette validité porte une

attention particulière au mécanisme de l’outil modélisé et visant la prescription d’une

solution. La notion d’efficience dans la production d’une solution et la notion de

sensibilité aux variations des observations captées par l’outil sont importantes à

valider. Ce type de validité est très technique et nécessite un processus itératif de la

part du modélisateur voulant raffiner les résultantes de son outil.

La deuxième, la validité opérationnelle, s’apparente aussi beaucoup à la

description générale du type prescriptif rapporté par Zebda (2003). Landry, Malouin

et Oral (1983) proposent d’évaluer la « qualité et l’applicabilité des solutions et

recommandations » en portant une attention particulière aux utilisateurs du modèle et

à l’utilité face à une situation managériale problématique. La finalité vise donc à

guider l’usager dans l’acceptation de la solution et donc dans la justification des

ressources requises par la prescription de l’outil.

La validité prescriptive expérimentale semble être applicable aux modèles

descriptifs, tandis que la validité prescriptive opérationnelle semble être son

penchant normatif. Le tableau VI présente un résumé des implications générales de

la validité prescriptive.

Page 90: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

75

Tableau VI : La validité prescriptive

Validité prescriptive

Renvoi à : Inclus :

Validité prédictive Validité descriptive

Validité logique

3.2.3 La validité descriptive ou conceptuelle

La validité descriptive vise à interpréter le niveau de correspondance entre les

suppositions faites par le modèle et la situation réelle. Au sens large, la validité

descriptive en est une de paramètres (de variables). Elle teste si les hypothèses du

modèle, au sujet des variables qu’il contient, correspondent aux hypothèses

accordées aux faits observés (Gass, 1983; Schellenberger, 1974; Van Horn, 1971;

Zebda, 2003).

Dans une application spécifique requérant l’utilisation des mathématiques,

Zebda (2003) simplifie la validité descriptive à une validité dite « mathématique » et

fondée sur l’interprétation des fonctions programmées. Landry et al. (1983)

proposent que la validité conceptuelle (descriptive au sens de Zebda) vise à : 1)

déterminer si la perspective entreprise face au problème est juste, 2) juger si cette

perspective mènera à une solution pertinente, 3) vérifier le niveau de correspondance

entre le modèle conceptuel et la situation au niveau des interrelations entre les

variables modélisées. Il appert que la validité descriptive ou conceptuelle est propre

Page 91: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

76

aux modèles descriptifs habituels à la recherche en gestion du changement. Le

tableau VII présente les implications générales de la validité descriptive.

Tableau VII : La validité descriptive

Validité descriptive

Renvoi à : Inclus :

Aucune Validité de paramètre

Validité d’hypothèse

Validité mathématique

3.2.4 La validité prédictive

La validité prédictive est aussi connue sous le nom de validité statistique ou

convergente. Cette dernière formulation dénote une connotation positiviste dans son

utilisation à travers la recherche quantitative en psychologie par exemple. En

psychologie, la documentation à fort impact est souvent quantitative et procédant à

travers un mécanisme de validation positiviste et empirique incluant, entre autres,

une validité prédictive nommée convergente7.

La validité prédictive peut être considérée selon deux types : 1) la prédiction

des comportements du décideur, 2) la prédiction des résultantes du modèle

considérant un flux d’intrants-extrants. En d’autres mots, la solution proposée par le

7 Voir à cet effet American Educational Research Association, Psychological Association & National

Concil on Measurement in Education (1999).

Page 92: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

77

modèle doit être analysée comparativement aux comportements réels du système.

Plus précisément à l’étude du management et de l’ingénierie, la validité prédictive

peut accorder plus d’importance aux résultantes du système réel en considérant que

la résultante n’est pas nécessairement une finalité, ni une décision, mais une

résultante de ce que le modèle mesure seulement. Ce type de validation, provenant

de plusieurs disciplines scientifiques dites « réalistes », est largement utilisé en

recherche opérationnelle, en management, en économie, en sciences cognitives et en

psychologie. La question des « données » a donc été passablement traitée à travers

ces documentations. À travers les affirmations de Zebda (2003) les études en

recherche opérationnelle présentent habituellement trois ancrages possible afin

d’offrir un minimum de comparatif empirique dans l’objectif de prédire le système

réel à partir du modèle, soit : 1) obtenir des données passées sur le système réel

étudié, 2) obtenir des données futures (suite à l’utilisation du modèle et répétitives

dans le temps), 3) obtenir des données simulées (par un modèle autre que celui

étudié). La validité prédictive apparait elle aussi comme étant fortement reliée aux

modèles descriptifs. Le tableau VIII présente les implications générales du type de

validation prédictif.

Tableau VIII : La validité prédictive

Validité prédictive

Renvoi à : Inclus :

Aucune Validité statistique

Page 93: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

78

Pour conclure au sujet de ces types de validité généraux il appert important

de recenser quelques problématiques qui en découlent. Ces types étant importants

aux notions de la légitimité, de la rigueur et de la validité des savoirs universitaires et

prescriptifs, leur importance tacite les positionne en tant qu’arguments ou objets de

critiques. De l’ensemble de ces avantages et des enjeux généraux étudiés ci-haut, une

problématique semble être centrale et généralisable à plusieurs enjeux, soit ce

qualificatif de « subjectivité ».

La présente thèse ne prend pas position quant au débat objectif-subjectif.

Toujours dans cet objectif d’une dualité constructive entre ces deux dimensions, il

est reconnu ici que les méthodes dites « objectives » sont importantes comme gages

de rigueur et de validité. Le domaine d’étude de la gestion du changement n’étant

pas propice aux recherches qualifiées ici d’objectives, la prochaine section tente

d’étudier les antécédents et les conséquences de ce qualificatif de « subjectif ». Cette

étude pourrait établir les enjeux importants à traiter afin d’élaborer sur ce qu’est un

modèle valide en gestion du changement.

3.3 Les enjeux « subjectifs » des types de validation

De nombreux auteurs remettent en doute plusieurs types de validation en

recherche opérationnelle (Zebda, 2003), tout comme en sciences sociales. Plusieurs

remettent aussi en doute de nombreux outils qualitatifs (Hammersley, 1987). Des

quatre catégories recensées par Zebda (2003) seule la validité prédictive est

considérée, sous certaines approches, comme étant empirique et valable au point de

Page 94: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

79

vue scientifique. Il est à noter que la validité dite prédictive est interdisciplinaire et

s’est donc vue grandement influencée par les relents du paradigme réaliste tout en

obtenant une attention particulière sous plusieurs perspectives différentes,

indépendantes, mais complémentaires sous sa formule largement acceptée dans la

documentation universitaire. Il est possible de remarquer que même si la

modélisation en sciences du management se réclame de l’approche systémique et

qu’à cette dernière il pourrait se rattacher un paradigme constructiviste, l’influence

du paradigme réaliste dominant vient compliquer le débat dans ce champ de la

connaissance.

L’enjeu de la validité logique

La validité logique est le sujet de plusieurs critiques et ne semble pas s’être

implantée comme un type reconnu par la communauté universitaire en sciences du

management sans un besoin continuel de se justifier. Gass (1983), Schellenberger

(1974) et Becker et McClintock (1967) (dans Zebda, 2003) rejettent la valeur

accordée à la validité logique parce que les méthodes qui y sont associées sont

essentiellement subjectivistes. Il est à considérer que la validité logique propose

l’analyse purement rationnelle et linéaire de la formulation du modèle relativement

aux intentions qu’un tel modèle présente au sujet du réel managérial. Ne pouvant

connaitre l’ensemble de la situation telle que suggéré par Becker et McClintock

(1967), ni ne pouvant concevoir les « règles acceptées de la logique » de Mock et

Vasarhelyi (1978), la validité logique ne peut s’appliquer tel quel à une approche

subjectiviste ou interactionniste. Ceci rejoint du même coup les lacunes des autres

Page 95: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

80

types de validité présentées dans ce chapitre. Cependant, il appert que les principes

de la validité logique sont importants dans l’intérêt de cette thèse qui tente d’étudier

autant la forme normative que descriptive du modèle. Une méthodologie rigoureuse

de la validité logique appliquée aux modèles normatifs semble manquante.

L’enjeu de la validité prescriptive

Les critiques adressées à la validité prescriptive dérivent sensiblement du

même argument que les précédents types. En fait, rapporte Zebda (2003) et

Shoemaker (1982), si le modèle guide la collecte de donnée, tel que spécifié par Pidd

(1996) plus haut dans le texte, et que ces données sont comparées aux résultantes de

performance dans le système réel, le cadre de référence demeure d’une certaine

façon « biaisé » dans son appréciation de la performance. Ce pourquoi ces auteurs

proposent les principes de la validité prédictive afin d’outrepasser cette impasse. La

forme normative du modèle est particulièrement critiquée par les académiques à ce

sujet. Ce type de validité propre au modèle comme objet de transformation est donc

très important à considérer.

L’enjeu de la validité descriptive/conceptuelle

Zebda (2003) note que la majorité des modèles de décision proposés posent

leur intervention en réponse aux lacunes des suppositions des modèles

précédemment conçus. Donc, au niveau de la validité descriptive, si chacun

indépendamment démontre une validité par supposition (hypothèse), celle-ci est

subjective et sans fondements partagés et reconnus. La complexité de la situation

recherchée par l’approche systémique fait en sorte qu’il est très difficile de pouvoir

Page 96: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

81

interpréter une hypothèse portant sur un extrant comportemental. Cet extrant est

redevable d’un nombre indéfini de variables en plus d’être inscrit dans une

temporalité. Zebda (2003) ajoute, par les mots d’Elmaghraby (1968), que le modèle

est une représentation simplifiée de la réalité, il est impossible d’observer un niveau

clair de correspondance entre les suppositions du modèle et le système réel. Il

demeure alors que la validité par hypothèse requiert une approche propre au

paradigme réaliste (Marschak, 1965) visant la description du réel dans une

perspective nomothétique.

Cette critique peut être argumentée et contre-argumentée à la fois par les

propositions de Landry et al. (1983). Ceux-ci, dans les années 80 avec Sagasti et

Mitroff (1973) et Mintzberg (1980) affirment que la validité conceptuelle

(descriptive) est négligée en recherche opérationnelle. À l’époque il semblait difficile

de démontrer la validité d’une telle méthode. Landry et al. (1983) et Oral (1981a,

1981b) expliquent qu’une situation peut être décrite par plusieurs perspectives

différentes menant toutes à une solution similaire. Comme l’expliquent ces derniers,

la validité conceptuelle a été négligée puisque les approches habituellement

positivistes des chercheurs ont créées une scission entre modélisateurs et usagers qui

ne s’entendent que rarement sur l’importance accordée aux différents éléments des

modèles. Ceci complique passablement la légitimation de la dimension descriptive

du modèle (Landry, Banville et Oral, 1996). Ainsi, autant les formes descriptives que

normatives du modèle sont affectées par le manque de consensus et de méthodologie

au niveau de ce type de validité primordial.

Page 97: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

82

L’enjeu de la validité prédictive

La validité prédictive est habituellement opérationnalisée à l’aide de l’outil

mathématique. Les objets de recherche « hard » obtiennent donc leurs outils de

validation computationnels. Pour ce qui est des objets « soft », comme Zebda (2003)

le souligne, ce sont habituellement les béhavioristes qui utilisent ce type de validité

et qui réussissent à développer une certaine fonctionnalisation mathématique en

modélisation. Il est à noter que les béhavioristes portent leur attention sur le

comportement observable des acteurs organisationnels. Par contre, la présente thèse

inclut les dimensions conative et cognitive équilibrant et complexifiant du même

coup l’inscription de ce comportement dans une action organisée à travers un

environnement social.

Il est possible de présenter les quatre grandes catégories de validation traitées

ci-haut à l’aide du tableau IX.

Tableau IX : Les quatre méta-types de validation selon les approches dites

empirique et subjective.

Validation empirique Validation subjective

Prédictive Logique

Prescriptive

Descriptive

Page 98: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

83

Il est aussi possible d’intégrer une classification selon les deux formes du

modèle au sein de ces quatre types de validité (tableau X). Il semble intéressant de

remarquer à l’aide de ce tableau que la forme normative du modèle ne semble pas

traitée de façon reconnue à l’aide d’un type de validation empirique. L’objectif ici,

soit d’étudier la validation d’un modèle hybride (descriptif et normatif) en gestion du

changement, se voit une fois de plus justifié.

Tableau X : Classification des méta-types de validation selon la forme

canonique du modèle et l’approche de validation.

Forme canonique/validation Empirique Subjective

Descriptive Prédictive Descriptive

Normative Aucune

Logique

Prescriptive

Il est important de noter que la reconnaissance accordée à un type de

validation repose sur la nature des données recueillies et analysées. La nature de ces

données semble se baser en partie sur la forme (descriptive, normative) du modèle

requis par une situation managériale donnée.

En conclusion, les enjeux des types de validations semblent inscrits dans la

problématique soulevée. La documentation universitaire à ce sujet ne semble pas

Page 99: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

84

démontrer de méthodes de validation consensuelles ou reconnues afin de traiter

directement de ces enjeux fondamentaux de la modélisation. La section qui suit

présente les constats préliminaires concernant la production de connaissance sur la

validation de modèle. Ces constats ont comme objectif d’intégrer les observations

présentées ci-haut dans une optique constructive cherchant à élaborer une méthode

de validation opérationnelle au modèle en gestion du changement.

3.4 Constats préliminaires

Suite à cette mise en lumière des grandes catégories de validation en sciences

de la gestion, il appert important de positionner quelques constats épistémologiques

et méthodologiques. Ceux-ci permettront la poursuite de l’élaboration d’une

opérationnalisation d’un modèle valide en gestion du changement. La notion

d’hybridation du modèle comme objet de transformation et comme objet de

connaissance est au centre des constats suivants.

Que le modèle soit normatif ou descriptif, les acteurs doivent se l’approprier

comme guide à l’action réflexive et il doit du même coup guider l’étude du

chercheur. Les trois dialectiques identifiées en introduction se retrouvent toujours en

toile de fond jusqu’à la notion de validation de modèle. Au départ, le modèle en tant

qu’objet de connaissance devient projet d’action duquel il faut tirer une légitimité et

une validité. Cette validité découle donc autant du modèle de la connaissance que du

modèle comme guide à l’action. Ainsi, il est important d’étudier les fondements de la

validité de modèle à travers l’observation du traitement de l’enjeu réservé à la nature

Page 100: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

85

des données façonnant ces modèles dits valides. La notion de validité est

habituellement rapportée comme étant reliée autant à la nature des données

recueillies et analysées qu’à la « scientificité » des méthodologies référencées. Les

prochaines lignes traitent de ces deux constats avant de formuler trois constatations

majeures.

Premièrement, la nature des données intégrées à l’activité de modélisation

semble importante dans l’applicabilité des types de validation, ainsi que dans

l’appréciation de leur soi-disant objectivité et leur scientificité. Landry, Malouin et

Oral (1983) proposent de porter une attention particulière à cette problématique par

l’élaboration du concept de « validité de données ». Les données servent à travers

tout le processus de modélisation afin de produire un outil autant qu’à démontrer sa

validation et sa légitimité (Landry, Malouin et Oral, 1983; Landry, Banville et Oral,

1993). Les termes fondamentaux sont: « la précision, la pertinence, la disponibilité et

la quantité ». Trois types de données sont nécessaires à la modélisation (Forrester,

1980, dans Landry et al., 1983). Les données « mentales » (cognitives) et « écrites »

sont les matériaux de la conceptualisation du modèle. Tandis que les données

« numériques » (quantitatives) servent à formulation d’un outil applicable. La

différente nature et les différentes sources possibles sans compter les différentes

utilisations envisageables de ces types de données font en sorte de diversifier

énormément les techniques de validation, de vérification et de collecte.

Page 101: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

86

Deuxièmement, les méthodes de validations subjectivistes et (et

habituellement normatives) sont considérées par plusieurs comme étant non-

scientifiques. En effet, la recherche opérationnelle modélise et supporte la prise de

décision afin de contrecarrer les lacunes du jugement humain et par le fait même,

établit des critères de validation reposant sur le jugement humain (Einhorn et

Hogarth, 1981; dans Zebda, 2003). Les types de validation subjectivistes pourraient

mener à rejeter un bon modèle ou l’amener à une sur-complexification qui n’est pas

nécessaire. Par exemple, si un gestionnaire n’aime pas ou n’accorde pas

d’importance à un élément théorique fondamental du modèle et que ce gestionnaire

fait partie des procédures méthodologiques requises pour l’approbation ou la

validation des dimensions visées par le modèle, ce gestionnaire invalidera le modèle.

Cette généralisation est applicable à l’ensemble des types de validité traités ci-haut.

Comme Lillen (1975) (dans Zebda, 2003) le suggère, le chercheur peut se voir

ajouter une ou des variables sans intérêt (pour lui) dans le modèle seulement afin que

le gestionnaire lui accorde un certain niveau de validité. Cette question apparait

fondamentale à la validation d’un bon modèle dans sa forme normative.

Suite à ces observations, il est possible de procéder à trois constatations

majeures guidant cette recherche. 1) Le débat empirique versus subjectif vient

compliquer la tâche de recension des méthodes de validation reconnues dans le

domaine autant pour les formes normatives que pour les formes descriptives du

modèle tel qu’explicité ci-haut et cristallisé dans le tableau X. 2) Il est possible de

constater au sein du présent chapitre que les types de validités laissent beaucoup de

Page 102: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

87

place au débat quant à la nature des données recueillies dans la validation de

modèles. Qui plus est, aucun de ces types n’offre de méthode de validation

opérationnelle et spécifique au modèle comme projet de connaissance

interactionniste, ainsi que comme objet de transformation en gestion du changement.

3) Il semble que certains outils en recherche opérationnelle reconnus par la

communauté scientifique sont habituellement quantitatifs et qu’une méthode de

validation y est habituellement associée avec un niveau technique opérationnel

relativement reproductible, mais s’appliquant à un sujet d’étude « hard ».

Afin d’éviter le débat opposant l’empirisme au subjectivisme (constat 1) il est

nécessaire de porter une attention particulière aux opérationnalisations plus précises

des types de validité (constat 2) à travers les sous-champs plus précis des sciences du

management (constat 3).

Champion et Wilson (2010) tentent précisément de trouver les méthodologies

de validation propre aux modèles portant sur des objets de recherche « soft » en

étudiant les types de validation reconnus des modélisations d’objets « hard ». Ceux-

ci n’approchent pas la validation de façon générale telle que Zebda (2003), mais

plutôt de façon spécifique afin de tirer certaines leçons d’applications concrètes des

validations recensées. Ainsi, ils proposent d’étudier la validation des « outils d’aide à

la décision », dont l’objet d’intérêt est « hard », afin d’en faire profiter les

« méthodes par structuration de problème », dont l’objet de recherche est « soft ». La

Page 103: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

88

distinction entre les notions « soft » et « hard » et les implications épistémologiques

et méthodologiques qui en découlent sont traitées dans la prochaine partie.

3.5 La distinction « soft » et « hard » et ses implications

Rosenhead (2006) argue que les méthodes de validation traditionnelles ne

semblent pas convenir aux modèles « soft » en sciences du management. Finlay et

Wilson (2000) et Anastasakis, Olphert et Wilson (2007) recensent les méthodes de

validation et les variables de contingences qui entrent en relation avec la notion de

validité. La distinction entre les objets « soft » et « hard » du modèle apparait comme

étant importante dans ce courant de recherche. Il y a donc des méthodes plus

« hard » visant la validation d’outil « d’aide à la décision ». D’autres méthodes sont

plus subjectives et moins techniques, mais moins consensuelles et elles s’appliquent

aux « méthodologies par structuration de problème ».

Les outils d’aide à la décision, comme le nom l’indique, visent à aider les

décideurs en ayant recours à des outils d’information guidant la décision de façon

éclairée et technique. Ces modèles sont habituellement formalisés dans un système

informatique, un logiciel, une simulation, un tableur. Cette documentation au cœur

de la recherche opérationnelle obtient l’attention de plusieurs universitaires quant à

l’élaboration de méthodes de validation. Le niveau technique semble très avancé et

relativement généralisable tel que le suggère Anastasakis, Ophert et Wilson (2007)

en lien avec l’étude portant sur la validation d’outils d’aide à la décision sur tableur

de Finlay et Wilson (2000).

Page 104: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

89

Le projet de connaissance de la présente thèse est propre au domaine de la

gestion du changement et il sera observé à travers la dialectique de l’individu et de

l’organisation en transformation telle que rapportée en introduction. Il a été démontré

que ce domaine d’étude nécessite le façonnement de modèles « soft », même si les

types et méthodes de validation reconnus sont habituellement « hard ».

Face à cette apparente contradiction, il est important de mobiliser le travail de

Champion et Wilson (2010) qui se sont intéressés au transfert des apprentissages

concernant la validation d’outils d’aide à la décision aux méthodes par structuration

de problème. L’exploration de ce « pont » méthodologique entre les modèles d’outils

d’aide à la décision (plus aisément reconnus comme valides) et les impératifs d’une

méthodologie par structuration de problème plus adaptée à la recherche dite « soft »

est au cœur de la réponse apportée ci-dessous.

La prochaine partie présente certains apprentissages relativement récents à ce

sujet. L’étude spécifique de ces méthodes par structuration de problème, de leurs

avantages et de leurs enjeux opérationnels, permet à la présente thèse d’aboutir à un

positionnement quant à ce qu’est, théoriquement, un modèle valide en gestion du

changement.

Page 105: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

90

3.6 La validation des « méthodes par structuration de problème »

Ces méthodes sont utilisées dans des situations d’incertitude quant aux

causes des problèmes rencontrés et aux décisions à prendre pour améliorer une

situation problématique (Champion et Wilson, 2010).

La complexité inhérente à ces situations incertaines requiert une approche

holistique fondée sur un pragmatisme au profit de l’utilisateur autant que sur des

méthodes de validation rigoureuses (Champion, 2005; Champion et Wilson, 2010).

Ces approches, moins techniques et moins « hard », profiteraient d’une validation du

processus de modélisation lui-même (contrairement à l’approche habituelle portant

sur la validation du produit, le modèle). En effet, l’activité même de modélisation de

cette approche implique un niveau de subjectivité et il y est presque impossible de

recourir à l’analyse quantitative (Midgley, 2000; Champion et Wilson, 2010).

Finlay et Wilson (1997) ont élaboré une approche de la validation des outils

d’aide à la décision. Cette méthode met en lumière quatre principes importants à

prendre en considération. Selon Champion et Wilson (2010) ces principes sont

mobilisables afin d’apporter crédibilité et validité aux méthodes par structuration de

problème. Ces quatre principes sont :

1- Recenser les connaissances actuelles au sujet des méthodes de validation

reconnues et s’appliquant à l’objet de connaissance de l’outil d’aide à la

décision.

Page 106: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

91

2- Formuler un cadre de validation regroupant les types de validités applicables

à l’objet.

3- Intégrer une étude des variables contingentes à la validation, afin de traiter

autant de la validité de la modélisation comme activité de recherche que du

modèle comme outil (produit) d’aide à la décision.

4- Formuler une méthodologie de validation à partir de types de validités et des

variables contingentes influentes dans le projet de recherche donné.

Considérant ce cadre méthodologique en validation de systèmes d’aide à la

décision, Champion et Wilson (2010) identifient premièrement les types de

validations fondamentales pour la formulation d’outils d’aide à la décision. Par la

suite, ils tentent une comparaison avec les pratiques de validation au sein des

méthodes par structuration de problème.

La validité logique, déjà explicitée ci-haut apparait importante dans ces

applications précises. Concernant les méthodes par structuration de problème :

« Le modèle est formulé comme un outil illustrant les principaux

éléments du problème à un niveau suffisant pour susciter le débat

chez les participants. Les modèles sont validés par un processus

cherchant une appréciation du problème, ainsi que par le

développement d’idées permettant au groupe d’utilisateurs

d’avancer à travers ce processus » (Champion et Wilson, 2010, p.

1422) (Traduction libre).

Page 107: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

92

Ensuite, une validité reposant sur le modélisateur lui-même est rapportée

comme importante. Contrairement au développement d’outil d’aide à la décision, la

méthode par structuration de problème semble requérir que le modélisateur, dans son

processus de validation, travaille avec l’utilisateur du modèle. De cette relation peut

découler une validité et même une légitimité ajoute Landry, Banville et Oral (1996).

Un autre principe de validité qui se verrait partagé entre les deux types de

travaux est un type dit général ou holistique. Celui-ci est important en ce que le

modèle est conçu dans un processus itératif et collaboratif entre les acteurs

organisationnels ou les décideurs et le modélisateur. De plus, comme le note

Checkland et Holwell (1998), le modèle lui-même peut être utilisé pour retracer le

processus parcouru afin d’ancrer une certaine validité à travers son utilisation.

Ensuite, la validité des données est mise de l’avant tel que décrit de façon

générale plus haut dans le texte. Champion et Wilson (2010) observent que cette

validité est quelques fois utilisée dans les méthodes par structuration de problème

lorsqu’il est nécessaire de recueillir de l’information au sein de parties prenantes. Ils

spécifient que la validation passera donc par la modélisation du processus même de

collecte de données, habituellement sous la forme d’une conversation structurée. Par

contre, ils notent que ce type est relativement absent des travaux en structuration de

problème.

Page 108: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

93

Un dernier type de validation, la validité de l’interface, est absent des

méthodes par structuration de problème. L’outil formel, produit pragmatique de la

modélisation opérée par le chercheur d’une méthode par structuration de problème,

ne semble pas obtenir autant d’attention que lors de la validation d’outils d’aide à la

décision. Ces derniers, comme mentionné précédemment, sont habituellement

informatiques ou mathématiques. Ils sont intégrés dans une plateforme qui se doit

d’être utilisable et légitime. Il apparait ainsi plus évident de procéder à une validation

de la plateforme formelle adressée à l’utilisateur, contrairement aux méthodes par

structuration de problème habituellement plus dialectiques.

Champion et Wilson (2010), Champion (2005) et Finlay et Wilson (1997)

reconnaissent que l’approche « soft », déterminante des travaux par structuration de

problèmes, apporte quelques particularités à considérer lors de l’élaboration d’un

cadre de validation. Plutôt que d’ajouter au débat non-consensuel des types de

validation généralisables, Champion et Wilson (2010) notent huit facteurs de

contingence spécifiques à la méthode par structuration de problème aidant à

considérer les obstacles potentiels. Ces facteurs sont obtenus à l’aide de

consultations auprès d’experts en validation de modèle en recherche opérationnelle.

De plus, ils semblent accorder une importance implicite particulière à l’hybridation

des formes du modèle, normative et descriptive. Ils semblent autant appliquer

l’impératif de la validation à l’objet de connaissance qu’à l’activité de construction

de cet objet entreprise par l’universitaire, soit la modélisation. Ces huit facteurs

sont :

Page 109: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

94

1- L’expérience des parties prenantes

2- La structure organisationnelle

3- L’influence de l’environnement externe

4- Le type de résultante et la nature des livrables attendus

5- Les enjeux politiques et les personnalités impliquées

6- L’étendue de l’historique du problème

7- Les difficultés de mise en œuvre de la solution

8- Le type de méthode par structuration de problème utilisée

En résumé, la distinction entre les travaux « hard » en modélisation d’outils

d’aide à la décision et les travaux « soft » par les méthodes par structuration de

problème est identifiée. Un niveau de précision supplémentaire est ajouté en étudiant

les enjeux particuliers de ces deux types de travaux. Ainsi, les leviers d’intervention

qui leurs sont propres en rapport à la validation sont identifiés. L’activité même de

validation (en plus de la validation de l’objet qu’est le modèle, le produit) est un

enjeu au sein des méthodes par structuration de problème. Huit principes sont

nommés afin de guider la réflexion quant à la validation de modèle dits « soft » qui

semblent être en manque de reconnaissance au niveau de la rigueur et de la validité.

L’ensemble des éléments traités dans cette partie, celle-ci guidée par les constats

préliminaires, mènent à un retour à la problématique. Quatre constats

supplémentaires sont énoncés dans la prochaine partie qui vise à identifier ce qu’est

un modèle valide en gestion du changement.

Page 110: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

95

3.7 Constats supplémentaires

Suite à l’étude de ces particularités, quatre constats supplémentaires sont

proposés à l’étude de la validation de modèle « soft » par structuration de problème.

1) La complexité traitée par les méthodes de structuration de problème apporte son

lot de difficultés et aucun consensus n’est apparent dans la documentation récente à

cet effet. 2) La possibilité d’utiliser les méthodes quantitatives semble avoir été

écartée des méthodes par structuration de problème. Ces méthodes quantitatives

semblent pourtant garantes de validité normative comme descriptive au sein des

autres approches en sciences du management. 3) Tout comme les types de validation

génériques identifiés plus haut (logique, descriptive, prescriptive, prédictive), les

principes et les facteurs contingents reconnus comme important lors de la

considération du processus de validation, ne sont pas opérationnalisés et restent donc

généraux. En d’autres mots, les principes théoriques sont posés, il faut maintenant

élaborer une méthode opérationnelle de validation de ce type de modèle. Ces

principes et ces facteurs contingents sont fondamentaux dans l’élaboration d’une

réponse opérationnelle à la question posée par cette thèse. 4) L’ensemble des auteurs

cités affirment que la méthode par structuration de problème, par la complexité

qu’elle traite, doit établir sa validité par l’activité même de modélisation tout autant

que par la validité de son produit, le modèle. Ainsi, l’objet qu’est le modèle et

l’activité qu’est la modélisation devraient être entremêlés dans l’opérationnalisation

d’un modèle valide en gestion du changement.

Page 111: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

96

Un groupe d’auteurs8 se penche précisément sur le processus même de la

modélisation en sciences du management et ils considèrent que la validité repose en

grande partie sur le processus de validation et non seulement sur le modèle comme

finalité. Ils proposent l’élaboration d’un cadre méthodologique qui intègre autant les

propriétés du modèle que la validation de l’activité de modélisation et les obstacles

spécifiques à la dynamique complexe de l’approche systémique en modélisation. La

prochaine partie présente ce cadre méthodologique en détail.

3.8 Le « tétraèdre de la modélisation-validation »

Landry, Malouin et Oral (1983) retrouvent cinq phases qui sont inhérentes au

processus de validation de modèle : 1) la validation conceptuelle, 2) la validation

logique, 3) la validation expérimentale, 4) la validation opérationnelle, 5) la

validation des données. Ces auteurs critiquent les retombées positivistes des

méthodes quantitatives habituellement utilisées et misent plutôt sur une approche

téléologique ou constructiviste portant sur le processus de modélisation.

Le modèle visant l’aide à la décision, la validation se trouve donc dans le

processus décisionnel. En voici les cinq éléments retenus par Landry et al. (1983) :

1) l’identification des parties prenantes, 2) la formulation des objectifs du modèle, 3)

l’identification des facteurs critiques, 4) la démonstration du niveau de confiance du

modèle, 5) l’identification des couts relatifs aux éléments du modèle.

8 Ce groupe d’auteurs élabore leur approche de façon progressive à partir des suggestions de Landry,

Malouin et Oral (1983), Déry, Landry et Banville (1993) et Oral et Kettani (1993) pour ne citer que

les travaux centraux.

Page 112: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

97

Landry et al. (1983) et Oral et Kettani (1993) tentent de répondre à cette

problématique en cherchant à intégrer la méthode de validation à la méthode de

modélisation. Les traitements de la pertinence pragmatique et de la rigueur

universitaire sont fondamentaux à la solution qu’ils proposent. Dans un cadre

épistémologique constructiviste et afin de répondre à des situations réelles

complexes, la notion de pertinence est intégrée ici à l’exercice de rigueur. La rigueur

dans l’activité de modélisation du chercheur prend beaucoup d’importance afin de

produire 1) de la connaissance praxéologique actionnable par les acteurs des

situations réelles, 2) de la connaissance académique valide, sinon valable, pour le

développement de la connaissance à travers le processus de publication universitaire

(Avenier, 2009; Oral et Kettani, 1993). Ces auteurs proposent quatre éléments de la

modélisation propres à la recherche en sciences du management en général. Ces

quatre éléments ancrent les activités du modélisateur à travers l’image d’un tétraèdre.

Il est à noter que les différents exemples rapportés dans cette documentation

académique reposent la plupart du temps sur l’optimisation de systèmes

organisationnels, tels que la planification des déplacements, les chaines de

production et la prise de décision. Le projet ici tente de mobiliser le cadre

méthodologique d’Oral et Kettani (1993) à un objet de recherche dit « soft » par la

prédominance que prennent ses éléments humains.

Aussi, ces auteurs ne font pas de différences claires entre le niveau supérieur

et globalisant de ce qu’est la validation et le niveau spécifique à un problème

identifié, la vérification. La présente thèse propose que ce modèle soit généralisable

Page 113: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

98

aux deux niveaux de modélisation identifiés par Finlay et Wilson (1987), soit

validation et vérification.

La prochaine partie présente le modèle de validation et ses fondements

théoriques selon la version la plus récente et détaillée, soit celle d’Oral et Kettani

(1993). À ce jour, aucune étude ne semble avoir intégré l’ensemble de cette

proposition à travers une méthodologie de recherche en gestion du changement, ni en

sciences du management.

Suite à cette présentation, un argumentaire est élaboré afin de démontrer la

pertinence de la sélection de ce modèle théorique comme structure méthodologique à

l’opérationnalisation d’un modèle valide en gestion du changement. Afin de détenir

les éléments nécessaires à cet argumentaire, le « tétraèdre de la modélisation-

validation » sera étudié en détail selon trois grandes sections : 1) L’élaboration des

quatre objets du modèle, 2) les impératifs propres aux quatre grands enjeux

inévitables de la modélisation, et 3) les neuf types de validité découlant des objets et

activités précédentes.

3.8.1 Les quatre objets du modèle

L’activité de la modélisation porte sur quatre éléments en particulier : la

définition de la « situation managériale », l’élaboration d’un « modèle conceptuel »,

l’opérationnalisation d’un « modèle formel » et la spécification de la « solution ».

Ces activités, notent Landry et al. (1983) et Oral et Kettani (1993), ne sont pas

Page 114: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

99

considérées comme étant des étapes linéaires. Contrairement à une approche

positiviste, ces activités sont itératives, dans le sens où le façonnement de l’une

apportera la nécessité d’une révision ou d’un enrichissement de l’autre. Les activités

menant à l’élaboration des quatre objets du modèle sont donc interdépendantes, une

intervention sur un objet peut fort probablement avoir des incidences sur un autre. La

figure 5 présente le tétraèdre de la modélisation-validation tel qu’introduit par Oral et

Kettani (1993).

Figure 5: Le tétraèdre de la modélisation-validation selon Oral et Kettani (1993)

Page 115: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

100

La situation managériale

La définition de la « situation managériale » retient une attention particulière.

Cet élément est conceptuel dans le sens où il correspond à une situation telle que

perçue par les différents acteurs en jeu (Smith, 1988). Tel que le proposent les

dialectiques identifiées en introduction de la présente thèse, le chercheur est inclus

comme partie prenante co-constitutive de la conception de l’objet « situation

managériale ».

Le cadre proposé à cet objet est relativement large et laisse la place autant à

la définition d’un « problème » précis de gestion qu’à une prise de conscience plus

abstraite de la part de certains acteurs face à une situation complexe donnée. Oral et

Kettani (1993) précisent alors que « l’effort managérial » justifiant la modélisation

porte sur la « résolution » d’un problème. Pour toute autre situation managériale,

l’effort peut tout aussi bien être dirigé vers « l’évaluation », la « prédiction » et

« l’analyse » pour le moins qu’elle outille les acteurs et qu’elle raffine leurs

perspectives. La définition de cet objet permet ainsi d’inclure les deux approches

étudiées plus haut, soit les outils d’aide à la décision et les méthodes par structuration

de problèmes.

Le modèle conceptuel

Le « modèle conceptuel » est un élément fondamental reposant sur la

situation managériale. Celui-ci se doit d’être une « image cognitive » cohérente de la

Page 116: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

101

représentation de la situation managériale chez le chercheur et les praticiens (Landry

et al., 1983; Oral et Kettani, 1993). Cet objet doit inclure :

1- L’identification de points d’entrées pour faire face à la situation.

2- Les buts et les objectifs déterminés.

3- Les éléments de la « situation managériale » pris en compte (informant

donc sur les exclusions).

4- La hiérarchisation de ses différentes composantes.

5- Les interrelations entre ses différentes composantes.

6- La constatation ou la prévision des contraintes sur les ressources

(humaines, financières et matérielles).

7- La nature de ses hypothèses inhérentes.

Le modèle conceptuel prend donc la place de la « problématique de

recherche » propre aux études positivistes et empiriques; il est tout autant dépendant

du niveau de connaissance sur la situation dans la documentation universitaire.

Cependant, il implique un ajout à l’effet que puisqu’il repose sur la définition de la

« situation managériale » et que celle-ci repose sur les différentes parties prenantes

impliquées, la définition de la « situation managériale » étant tributaire de l’échange

entre les acteurs et leurs capacités cognitives, le modèle conceptuel s’en retrouve tout

aussi redevable.

Page 117: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

102

Le modèle formel

Le « modèle formel » est la concrétisation, la représentation du « modèle

conceptuel ». Son rôle est d’exprimer ce dernier par un langage pertinent et

actionnable. Ceci, habituellement par les mathématiques ou les statistiques, sinon par

des graphiques ou des tableaux. L’objectif de cette formalisation réside dans la

systématisation de « solutions optimales » dans l’étude de la situation managériale.

Le « modèle formel » est l’objet expérimental face au réel. Il doit correspondre le

plus fidèlement possible au modèle conceptuel afin de traiter la situation sans

modifier les systèmes interprétatifs du réel. Les auteurs laissent tout de même la

place à ce que celui-ci n’inclut pas l’ensemble des caractéristiques du modèle

conceptuel étant donné l’objectif de formalisation pragmatique derrière cet élément

dit « formel ».

La solution/décision

L’objet « solution/décision » constitue la résultante de l’activité de

modélisation en recherche opérationnelle. Il peut prendre plusieurs formes; il n’est

pas limité à la prescription d’une décision objective en tant que telle9. Une

conclusion en termes de « décision », de « solution » ou de « recommandation » est

envisageable. Ce dernier terme offre la possibilité que la résultante de l’activité de

modélisation soit un éclaircissement d’une situation, une évaluation des possibilités

menant nécessairement à une recommandation plus ou moins précise, mais au

minimum pertinente et légitime (Oral et Kettani, 1993; Landry, Banville et Oral,

9 Ce qui serait l’objectif d’une branche plus précise de la recherche opérationnelle, soit la « science de

la décision ». Celle-ci est définie par Roy (1993) comme étant : « une branche de la science dont

l’objet est la recherche de vérités objectives dans la prise de décision et dont le postulat est

l’optimalité ».

Page 118: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

103

1996). Il n’est donc pas attendu que le modèle « capture tous les aspects

comportementaux humains et organisationnels dans une situation managériale

donnée » (Oral et Kettani, 1993, p.219).

Les quatre objets du modèle ont leurs propres particularités indépendantes

dans la conception d’un processus de modélisation-validation. Selon Oral et Kettani

(1993), non seulement une attention devrait être accordée aux objets, mais plus

particulièrement les enjeux propres à leurs interactions sont importants. La prochaine

partie traite de ces quatre enjeux de la modélisation. Ils sont l’avancée principale

d’Oral et Kettani (1993) dans le domaine.

3.8.2 Les quatre enjeux de la modélisation

Oral et Kettani (1993) font progresser les quatre éléments identifiés par

Landry et al. (1983) en y ajoutant une dimension supplémentaire. Ceci permet au

tétraèdre de retenir plusieurs principes méthodologiques itératifs et complémentaires

visant la captation de la complexité de la situation managériale. Ils élaborent donc

cette proposition sous la forme du tétraèdre présenté précédemment à la figure 4.

Les problématiques de la modélisation en recherche opérationnelle sont

représentées par les quatre facettes du tétraèdre. Chacune de celles-ci rassemble

toujours trois objets sur les quatre identifiés ci-haut. La présente section rapporte ces

enjeux et obstacles permettant ainsi de passer par la suite à une synthétisation de la

proposition à travers les interventions et les principes de validation qui en découlent.

Page 119: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

104

Les fondements théoriques de ces enjeux sont étudiés afin de permettre

l’argumentation en faveur du choix du tétraèdre d’Oral et Kettani (1993) dans

l’objectif de répondre à la question de la présente thèse quant à ce qu’est un modèle

valide en gestion du changement.

L’enjeu prototypique

Figure 6 : Illustration de l’enjeu prototypique

La figure 6 illustre la conceptualisation de la facette prototypique. La

problématique dite « du prototype » se situe dans la triade « situation managériale » -

Situation managériale

Modèle conceptuel

Modèle formel

Décision

Facette prototype

Page 120: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

105

« modèle formel » - « solution/décision ». La finalité de cette problématique vise

l’atteinte d’une certaine qualité de la décision proposée par le modèle. La question

du prototype est classique en recherche opérationnelle. En fait, plus la situation réelle

est bien interprétée et étudiée, plus il sera facile pour le modélisateur d’y appliquer

un modèle formel adéquat et précis.

Cet objectif nécessite plusieurs activités itératives et systémiques.

Premièrement, la mise en œuvre de la décision est au cœur de cet enjeu, l’efficacité

et l’efficience en sont les critères. Deuxièmement, le processus de résolution lui-

même a une importance afin d’en arriver à une décision/solution. Troisièmement, la

formulation du modèle attire l’attention sur cette nécessité de traduire la situation

réelle en « solutions techniques efficientes ou de mises en œuvre efficaces » (Oral et

Kettani, 1993, p.220). En ordre, les trois côtés de la facette « prototype » sont

traités par l’élaboration des principes ci-hauts: « décision/solution » et « situation

managériale », « modèle formel » et « décision/solution », « situation managériale et

« modèle formel ».

Page 121: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

106

L’enjeu descriptif

Figure 7 : Illustration de l’enjeu descriptif

La figure 7 illustre la conceptualisation de la facette descriptive. La

problématique descriptive se situe dans la facette qui regroupe les éléments :

« situation managériale », « modèle conceptuel » et « modèle formel ». La

scénarisation est fondamentale pour cette facette du tétraèdre. L’étude approfondie

de la situation managériale en est l’objectif à travers une analyse du système

organisationnel en jeu ainsi que des critères reconnus comme prédictifs ou

importants.

Les activités nécessaires au traitement de l’enjeu « descriptif » requièrent

« l’analyse et la conceptualisation » du problème à résoudre. Un modèle formel doit

Situation managériale

Modèle conceptuel

Modèle formel

Décision

Facette descriptive

Page 122: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

107

être élaboré en se basant, entre autres, sur le modèle conceptuel déjà existant. La

« capacité explicative ou prédictive » du modèle formel doit être testée. À cet effet,

les auteurs rapportent des critères importants tels que : « la crédibilité, la fidélité,

l’utilité, la convivialité et les forces et faiblesses ». En ordre, les axes du tétraèdre

étant impliqués sont: la situation managériale et le modèle conceptuel, le modèle

conceptuel et le modèle formel, le modèle formel et la situation managériale.

L’enjeu pragmatique

Figure 8 : Illustration de l’enjeu pragmatique

Situation managériale

Modèle conceptuel

Modèle formel

Décision

Facette pragmatique

Page 123: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

108

La figure 8 illustre la conceptualisation de la facette pragmatique. La

problématique du pragmatisme concerne l’urgence ou la complexité du problème à

résoudre. Elle implique les éléments : « situation managériale », « modèle

conceptuel » et « décision », laissant de côté le modèle formel. Par manque de temps,

parce qu’il n’est pas possible de produire un modèle formel satisfaisant à la

complexité de la situation ou parce que la connaissance académique au sujet de la

situation managériale n’est pas complète, la facette pragmatique devient une priorité

en modélisation. Pour y répondre, l’expérience, le jugement, les connaissances et les

préférences des acteurs pertinents prennent encore plus d’importance.

Ceci implique de porter une attention particulière à la prise de décision à

partir du modèle conceptuel. Pour ce faire, il est important de relever les schèmes

cognitifs des acteurs impliqués dans la situation managériale (incluant le chercheur).

Oral et Kettani (1993) comparent cet enjeu à une forme de validité prescriptive.

Page 124: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

109

L’enjeu théorique

Figure 9 : Illustration de l’enjeu théorique

La figure 9 illustre la conceptualisation de la facette théorique. La

problématique théorique est foisonnante en termes de nombre de publications en

recherche opérationnelle selon Oral et Kettani (1993). En fait, elle correspond à la

phase de « recherche » faisant abstraction de la situation managériale. Elle n’inclut

que les éléments de modèle (conceptuel et formel) en plus d’une attention portée sur

la « solution/décision ». La généralisation des connaissances au niveau conceptuel

est au centre des activités de formalisation du modèle formel.

Situation managériale

Modèle conceptuel

Modèle formel

Décision

Facette théorique

Page 125: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

110

Les rôles de « modélisateur » et de « résolveur » sont de mise par la

mobilisation des objets « modèle conceptuel », « modèle formel », « décision ».

L’attention plus particulière accordée à l’axe « modèle conceptuel » - « décision »

témoigne du contraste entre les facettes théorique et pragmatique. Plutôt que de

tenter de trouver des solutions basées sur l’élaboration du modèle conceptuel, le

principe est inversé et met maintenant plutôt l’accent sur la vérification. Suivant la

décision, il convient de vérifier si elle convient et s’inscrit dans le modèle conceptuel

préalablement élaboré.

Suite à la description des quatre objets et des quatre enjeux associés, le cœur

méthodologique du tétraèdre réside dans le traitement de neuf types de validation.

Ceux-ci apportent une précision importante à la méthode par structuration de

problème (« soft »). Ainsi, les quatre types généraux de validité présentés en début

de chapitre sont intégrés de façon spécifique. Ces neuf types de validation sont

présentés dans la partie suivante et composent les principes théoriques de

l’évaluation de la validité d’un modèle en gestion du changement.

3.8.3 Les neuf types de validation

Les éléments de la modélisation étant identifiés, leurs enjeux associés ayant

été relevés, Oral et Kettani (1993) établissent les neuf types de validation découlant

Page 126: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

111

directement du tétraèdre. Ils ont des ancrages à travers plusieurs méthodes

empiriques et réalistes autant que systémiques et constructivistes.

Ces neuf types de validation sont présentés ci-dessous. Leurs fondements

théoriques apparaissent très importants selon la présente étude en ce qu’ils

s’appliquent à la méthode par structuration de problème de projets de connaissances

« soft ». Les deux prochains chapitres, qui visent l’opérationnalisation et

l’appréciation d’un modèle valide en gestion du changement, récupèrent ces

fondements théoriques afin d’évaluer l’opérationnalisation d’un modèle valide en

gestion du changement.

Formulation

La validité de formulation propose d’établir un mécanisme rigoureux qui

permet l’analyse des liens entre le modèle formel et la situation managériale. La

question importante porte sur la représentation de la situation managériale dans le

modèle formel. L’efficience de la recommandation produite est donc en partie

redevable à la validité de formulation. Oral et Kettani (1993) énoncent deux

exemples représentatifs de la recherche opérationnelle à cet effet10

. Comme ils le

soulignent, la problématique du prototype et de la validité de formulation ont été

largement traitées dans la documentation universitaire à travers des études portant

sur « le contrôle d’inventaires, le transport, la tâche de vendeur représentant, la

planification de flotte de véhicules, la planification de la production… » (Oral et

Kettani, 1993, p.224).

10

Voir Oral (1981) et Waters (1988).

Page 127: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

112

Légitimation

La validité de légitimation s’inscrit dans une approche pragmatique ou

l’élaboration d’un modèle formel est ou impossible, ou mise de côté temporairement

afin de miser sur l’activité entourant le modèle conceptuel. Ainsi, comme l’explique

Oral et Kettani (1993) : « tout ce qui doit être fait formellement pour répondre aux

validités logique et expérimentale se doit d’être fait de façon informelle et qualitative

pour la validité de légitimation » (p.230). La qualité des prescriptions doit être mise

en relation avec la justesse du modèle conceptuel à travers un mécanisme de validité

de légitimation. Cette qualité inclut :

- Une hausse de détail perçu quant à la situation managériale

- Un niveau d’acceptabilité au sein de l’organisation

- Un niveau d’engagement de la part des gestionnaires

- Un niveau appréciable d’applicabilité

- Une utilité dans la prise de décision

Précision

La validité de précision implique d’évaluer la « capacité du modèle formel à

constater les enjeux et les prises de conscience au niveau de la situation

managériale » (Oral et Kettani, 1993, p.228). Bien entendu, comme pour la validité

de légitimation, l’utilité du modèle formel est importante. Ainsi, la

« représentativité » et le « synergisme » sont les indicateurs primordiaux à l’accueil

Page 128: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

113

de mécanismes d’évaluation. Ceci plus particulièrement pour une situation

managériale très complexe et étendue selon Oral et Kettani (1993).

Vérification

La vérification dirige l’attention sur la dimension théorique dans le sens où la

situation managériale réelle n’est pas considérée. Par principe, elle implique une

justification de l’utilité potentielle pour une quelconque situation managériale

d’utiliser une modélisation théorique et son produit. Plus techniquement, six

éléments sont à considérer:

- Le niveau de correspondance entre les modèles formel et conceptuel.

- Les avantages du modèle formel comparativement à d’autres

propositions.

- La « supériorité » et l’ « accessibilité » des « solutions techniques »

résultantes du modèle.

- La nature des solutions proposées.

- Le niveau de contribution au développement des connaissances.

- Les exigences en termes de données.

Expérimentale

Trois éléments importants doivent être évalués pour établir une validité

expérimentale basée sur les solutions apportées par le modèle. Premièrement, la

qualité de la solution est constatée par une hausse du niveau de compréhension de la

Page 129: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

114

situation managériale suite à l’utilisation du modèle; par une sensibilité du modèle

suite à des fluctuations des éléments; par un niveau d’acceptation des solutions

proposées; par un niveau d’applicabilité des solutions proposées; par un niveau

d’utilité dans la formulation de la solution (Oral et Kettani, 1993, p.225).

Deuxièmement, l’efficience de la solution doit être constatée par les implications en

termes de temps, d’efforts et de coûts. Troisièmement, il importe de spécifier les

attentes face à la typologie de la solution dans le cadre d’une matrice 2 X 2 en

considérant qu’elle peut être de nature « exacte », « heuristique » ou « essais-et-

erreurs». Le tableau XI présente cette matrice d’aide à la modélisation.

Tableau XI : Classification des attentes face à la formulation des solutions

Visée/Formulation Implicite Explicite

Optimale

Satisfaisante

Opérationnelle

La validité opérationnelle telle que définie par Oral et Kettani (1993) vise à

évaluer la capacité du modèle formel à produire des solutions efficientes et efficaces

pour les décideurs de la situation managériale réelle. Cinq éléments sont considérés:

1- La convivialité du modèle formel : évaluée par le niveau de compréhension

des utilisateurs; le niveau de volonté et de préparation des décideurs; les

Page 130: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

115

niveaux de disponibilité et de fiabilité des données requises; le niveau des

ressources allouables au processus.

2- L’utilité du modèle formel : évaluée par le niveau de résolution de la situation

managériale; le niveau de compréhension de la situation apportée par le

modèle formel; le niveau d’amélioration de la communication entre les

parties prenantes; le niveau de coordination des efforts autour du modèle par

les décideurs; le niveau de motivation de la part des décideurs par rapport à

l’utilisation du modèle formel.

3- Le temps requis par l’utilisation, la mise à jour et l’entretien du modèle

formel.

4- Le synergisme du modèle formel : évalué par le niveau de pertinence de la

solution apportée relativement aux décisions passées.

5- Les couts d’utilisation : Autant au niveau des salaires en consultation interne

ou externe, qu’en équipement ou en cueillette de données.

Conceptuelle

Comme elle est définie par Oral et Kettani (1993), la validité conceptuelle

peut aussi « être considérée comme une opération qualitative capturant l’essentiel de

la situation managériale telle que perçue par les acteurs pertinents » (p.226). La

captation de la situation managériale par le modèle conceptuel repose alors sur

l’approche méthodologique entreprise face à ces parties prenantes. Il est important de

préciser : 1) qui sont les parties prenantes, 2) comment seront-elles mises au courant

de la situation managériale, ou comment l’a voient-elle déjà, 3) les objectifs

Page 131: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

116

poursuivis par l’activité de modélisation, 4) les éléments de la définition de base de

la situation managériale au sens de Checkland (1981), 5) les éléments de construit du

modèle qui permettent l’appréciation d’un sens à la situation managériale, 6)

l’appropriation du modèle conceptuel par les décideurs.

Logique

La validité logique a comme principe de base d’assurer une formulation du

modèle conceptuel et des relations entre ces éléments à travers un modèle formel

représentatif. Trois approches de formalisation sont possibles et peuvent être utilisées

en alliance : la formalisation mathématique, la modélisation informatique ou la

formalisation linguistique. Aucune de ces approches n’est dominante selon Oral et

Kettani (1993). L’intérêt est plutôt de s’assurer la meilleure intégration

représentative du modèle conceptuel tout en considérant qu’un tel processus de

traduction impose la perte de certains éléments intangibles et pointilleux du modèle

conceptuel. Cependant, tel que démontré dans la partie précédente, le langage

mathématique semble être garant d’une validité plus rigoureuse dans le domaine.

Données

Les données sont le matériau principal de l’activité de modélisation.

Considérées au sens large et non de façon purement objectives, elles sont regroupées

en trois types (Forrester, 1980; dans Oral et Kettani, 1993). Les données

« cognitives » proviennent des schémas cognitifs des parties prenantes de la situation

et elles sont considérées comme étant les plus puissantes. Les données « écrites »

Page 132: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

117

sont bien représentées par les méthodes qualitatives classiques. Elles sont

considérées comme étant moins riches puisqu’il est normal de ne pas réussir à capter

tous les aléas de la situation tels que représentés dans les schémas cognitifs des

parties prenantes. Les données « numériques » obtiennent le même descriptif que les

données « écrites », mais sous une formule quantitative. Un alliage de ces trois

matériaux apparait optimal à travers une collecte et une utilisation efficiente des

données. Bien entendu, il importe que ces données, peu importe leur nature, soient :

« suffisantes, précises, appropriées, disponibles, durables, fiables » (Oral et Kettani,

1983, p.222). Au final, la validité accordée à ces données est fondamentalement

redevable des coûts qui leur sont associés.

Les neuf types de validation présentés ci-haut sont intégrés dans

l’opérationnalisation d’un modèle valide en gestion du changement tel que présenté

dans le prochain chapitre. Avant de passer à cette étape, il appert important de faire

un retour sur la justification de ce choix par rapport au tétraèdre de la modélisation-

validation d’Oral et Kettani (1993). Ce retour est opéré dans la partie suivante à

travers une proposition d’un cadre méthodologique permettant de répondre à la

problématique de cette thèse à savoir ce qu’est un modèle valide en gestion du

changement.

3.9 Proposition d’un cadre méthodologique

La présente section propose l’adaptation du modèle théorique d’Oral et

Kettani (1993) en cadre méthodologique structuré et outillant le test de validité d’un

Page 133: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

118

modèle en gestion du changement. Ce cadre permettrait de répondre à la

problématique de cette thèse en encadrant une validation opérationnalisée. Les

parties habituelles de la rédaction d’un tel test, Méthodologie, Résultats et

Discussion, font l’objet d’une structuration en ce sens.

Il appert donc que l’activité de modélisation, la définition du modèle et de la

notion de rigueur à travers le concept de validité sont des éléments très diversifiés,

non-consensuels et objets de débats continuels dans la documentation citée en

sciences du management. Il faut considérer que la complexité de l’objet de recherche

est compliquée par celle de l’activité même de modélisation, mais que celle-ci par sa

rigueur peut apporter une validité au modèle comme objet de connaissance et de

transformation en gestion du changement.

La notion de validité, à un niveau générique, n’apparait pas suffisante à

l’élaboration d’une méthode concrète s’inscrivant dans un processus

méthodologique. Les travaux complémentaires de Landry, Malouin et Oral (1983),

Déry, Landry et Banville (1993) et Oral et Kettani (1993), dont le résultat est

présenté dans sa formule la plus récente dans la partie précédente, sont reconnus ici

comme intégrant le plus concrètement possible ce qu’est un modèle valide en gestion

du changement. Ceci autant sous une approche par structuration de problème que

d’outils d’aide à la décision. Surtout, la validité du modèle est intégrée autant au

modèle lui-même comme objet de connaissance valide et pertinent, qu’au processus

Page 134: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

119

de modélisation opéré par le chercheur. Les propositions suivantes sont alors

formulées :

Premièrement, le cadre méthodologique représenté par l’actualisation du

tétraèdre modélisation-validation dans Oral et Kettani (1993) offre un cadre

méthodologique théoriquement complet et rigoureux afin de procéder à

l’opérationnalisation d’un modèle « soft » en gestion du changement.

Deuxièmement, les chapitres suivants sont structurés à l’aide du tétraèdre

modélisation-validation. Le chapitre habituellement dit de Méthodologie, ici nommé

l’opérationnalisation des quatre objets du modèle, porte sur l’élaboration des quatre

objets de la modélisation11

. Il présente: 1) des méthodes visant l’élaboration valide et

pertinente des quatre éléments du modèle, 2) des choix méthodologiques afin de

procéder à une validation nommée ici validation d’objet, 3) les données quantitatives

et qualitatives résultantes de la validation d’objet.

Troisièmement, le chapitre habituellement dit Résultat, ici nommé

l’opérationnalisation des quatre enjeux de la modélisation, vise à mettre en relation

les quatre éléments du modèle afin d’en tirer des implications axiomatico-inductives

pragmatiques en termes de connaissances et d’actions de modélisations valides. Ce

chapitre présente : 1) des méthodes afin de traiter les enjeux descriptif, théorique,

pragmatique et prototypique transformant en activité la validation des quatre objets,

2) les choix méthodologiques afin de procéder à une validation nommée ici

11

La situation managériale, la solution, le modèle formel, le modèle conceptuel.

Page 135: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

120

validation processuelle, 3) les données quantitatives et qualitatives résultantes de la

validation processuelle.

Quatrièmement, la section habituellement dite Discussion vise à évaluer la

validité du modèle comme objet de transformation en gestion du changement. Les

retombées en termes de validité de l’activité de modélisation sont analysées selon les

neuf types de validité proposées par Oral et Kettani (1993). Ce chapitre présente

dans une première partie ci-nommée Appréciation des neuf types de validité

opérationnalisées : 1) un bref rappel des neuf types de validités, 2) l’éclaircissement

des retombées propres aux choix méthodologiques quant à chacun des types de

validités, 3) les ajustements nécessaires à l’optimisation de la validité du modèle

testé. La figure 10 illustre le cadre méthodologique ci-présent.

Page 136: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

121

Figure 10 : Le cadre méthodologique

Note : M= Section Méthodologie; R= Section Résultats; D= Section Discussion.

Par la proposition de ce cadre méthodologique, certains faits et principes sont

assumés:

Premièrement, l’ensemble du tétraèdre est rapporté en contexte théorique.

Celui-ci fait office de formulation des principes importants dans la validation de

modèles en gestion du changement. Il est rapporté en entier puisqu’il est à la base de

Modèle

formel

Modèle conceptuel

Situation managériale

Solution

M

R

D

Prototype Théorique

Pragmatique Descriptive

Légitimation Expérimentale

Conceptuel-le

Opération-nelle

Données

Vérification

Formulation

Précision

Logique

Page 137: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

122

l’organisation complète des sections dites Méthodologie et Résultats, et à la structure

partielle de la section dite Discussion.

Deuxièmement, certains outils et méthodes sont utilisés ou élaborés afin

d’opérationnaliser ce processus. L’opérationnalisation proposée est donc confrontée

à une batterie d’évaluation considérée comme représentative du cadre de Landry,

Malouin et Oral (1983), Déry, Landry et Banville (1993) et Oral et Kettani (1993). Il

importe donc d’outiller le chercheur en suivant les principes de ce cadre dans

l’optique d’élaborer un modèle s’inscrivant dans la catégorie des méthodes par

structuration de problème.

Troisièmement, tel que suggéré par les auteurs cités dans la partie précédente,

il est considéré que la méthodologie et les processus de production de résultats sont

itératifs, intra et inter-étapes, ceci contrairement aux méthodes positivistes. Le cadre

suggéré permet de présenter l’activité de modélisation en suivant les principes de

validation de la perspective la plus locale, la validation d’objets, à la perspective la

plus généralisable, les retombées en termes de légitimation du modèle par les

impératifs formulés selon les neuf types de validité. La chronologie des étapes

itératives de la modélisation-validation, ainsi que la présentation linéaire de la

problématique de recherche en gestion du changement sont complexifiées par la

division préliminaire de l’objet de recherche en quatre éléments principaux. Une

approche constructiviste et méthodique s’impose.

Page 138: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

123

Quatrièmement, la présente thèse doit faire la démonstration, par l’utilisation

de ce cadre méthodologique, qu’il y a effectivement une validité du modèle à des

fins de production de savoirs publiables et que sa pertinence est aussi valide afin de

produire des savoirs actionnables (Avenier et Schmitt, 2007; Avenier, 2009; Avenier

et Nourry, 1999).

Cinquièmement, en considérant que les auteurs rapportés soulignent la

difficulté ou l’impossibilité d’utiliser les méthodes quantitatives au sein des

méthodes par structuration de problème, il est ici noté qu’une grande importance est

accordée ces méthodes dans l’attribution du qualificatif de valide pour plusieurs

autres objets de recherche en sciences du management. Même si les méthodes

quantitatives servent habituellement d’outils à une approche positiviste ou portant

sur des objets de recherche « hard », une attention particulière est portée à la

mobilisation d’outils quantitatifs référencés, adaptables et transférables à un contexte

de modélisation en gestion du changement, selon une méthode par structuration de

problème.

Ces faits et principes ci-hauts, ainsi que le cadre méthodologique proposé

sont intégrés à l’opérationnalisation d’un test empirique afin de répondre à la

question posée en introduction : qu'est-ce qu’un modèle valide en gestion du

changement?

Page 139: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

124

4 L’opérationnalisation des quatre objets du modèle

L’introduction précise que le concept de modèle en gestion du changement

est considéré au centre d’une triple dialectique. Premièrement, le modèle est saisi par

le cycle interdépendant alliant Action et Connaissance tel qu’entendu par Déry

(1990). Deuxièmement, le modèle est saisi par les acteurs qui sont en action de

transformation envers leur organisation, celle-ci transformé, mais aussi contraignante

envers ces acteurs. Troisièmement, le modèle est aussi saisi par le chercheur désirant

faire de son projet de connaissance l’action de transformation organisationnelle. Le

modèle est donc une connaissance mobilisée par le chercheur, il guide son regard et

impose une structure à ses observations. Le modèle est donc tout autant contraignant

envers le chercheur que l’organisation transformée l’est envers l’acteur

transformateur et influencé.

Le premier chapitre présente l’observation que le tournant du millénaire a vu

apparaitre quelques suggestions convergentes au sujet du développement des

connaissances en gestion du changement. Ce domaine d’étude est face à des taux de

succès relativement faibles, même s’il demeure en constante expansion au niveau du

nombre de titres et de perspectives publiés. Miller et al. (1999), Soparnot (2005) et

Rondeau (2008) observent une dichotomie entre les travaux normatifs et les travaux

descriptifs en gestion du changement. Tout comme la dualité Action-Connaissance

(Déry, 1990), ces deux approches ont des implications qui peuvent paraître

paradoxales. Par contre, elles sont affirmées comme étant complémentaires dans

cette thèse. Demers (1999) étudie en parallèle le développement des connaissances

Page 140: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

125

en gestion du changement et trouve que la connaissance produite est propre à son

époque de production. L’époque actuelle d’ « apprentissage et d’évolution » semble

requérir des approches complexes et systémiques. Ainsi, afin de traiter ces enjeux, il

y est proposé un passage de l’étude de la gestion du changement à l’étude des

capacités à changer.

La deuxième partie du chapitre 1 étudie les implications épistémologiques de

ce passage vers l’étude des capacités à changer. Une définition détaillée est élaborée.

Un modèle, l’objet d’étude de la présente thèse, est sélectionné comme objet de

connaissance et de transformation, soit celui de Rondeau (2008). Ce modèle convient

au projet ci-présent puisqu’il semble correspondre à l’époque décrite par Demers

(1999). Il tente de réconcilier les courants normatifs et descriptifs tout en

reconnaissant implicitement les besoins de hausser les taux de succès des approches

dans le domaine. Le modèle de Rondeau (2008) est présenté, adapté et justifié à la

fin de ce premier chapitre.

Après avoir fixé d’entrée de jeu ce qui est entendu comme étant la

problématique du modèle en gestion du changement; et après avoir défini un projet

de recherche précis, actuel et justifié dans le domaine, l’étude de la validité de

modèle est lancée. Le deuxième chapitre présente les éléments constitutifs du

concept de modèle en général et une exploration épistémologique à ce sujet.

Toujours deux formes de modèle sont présentées, ce qui correspond à l’entrée de jeu

offerte en introduction, soit il y a des modèles partout et ils sont ou normatifs ou

Page 141: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

126

descriptifs. Les fondements généraux de ces deux formes du modèle sont étudiés.

Ceci mène à la mise en lumière des principes méthodologiques fondamentaux du

modèle, peu importe son contexte d’utilisation. L’approche axiomatico-inductive

pragmatique (Le Moigne, 1987) semble correspondre à l’objectif de la présente

étude. À la lumière de cette épistémologie du concept de modèle, le chapitre suivant

propose une étude de sa validation.

Le troisième chapitre présente l’étude de la validation de modèle à partir des

fondements généraux de celui-ci et identifie les typologies générales de la validité.

Pour ce faire, le domaine d’étude de la gestion du changement ne présentant pas de

travaux à cet effet, le courant de la recherche opérationnelle est exploré. Les

implications de la triple dialectique élaborée en introduction sous-tendent l’ensemble

du développement de ce chapitre. Le concept de validité est défini en y impliquant

l’ensemble des concepts dérivés (p. ex. la vérification, la légitimation, etc.). Ce seul

exercice de définition laisse apparaitre de nombreux enjeux qui font en sorte de

dresser un portrait non-consensuel quant à ce qu’est un modèle dit valide. Les enjeux

principaux et pertinents au transfert de ces connaissances vers le domaine de la

gestion du changement sont présentés. L’étude de ces enjeux épistémologiques et

méthodologiques apporte un niveau de précision quant à la généralisation du projet

de connaissance de la gestion du changement. En d’autres mots, certains auteurs ont

su apporter des solutions à ces enjeux propres au développement de modèle dont

l’objet est « soft ». Au final, le tétraèdre de la modélisation-validation semble

pertinent à mobiliser en ce qu’il ne contraint pas la triple dialectique reconnue en

Page 142: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

127

introduction, qu’il n’exclût pas une généralisation à la gestion du changement ou

autre domaine dits « soft » ou « très soft », il tente de surmonter plusieurs des enjeux

présentés dans ce chapitre.

Ainsi, le présent chapitre a comme objet de tester empiriquement ce qu’est un

modèle valide en gestion du changement. Le cadre de modélisation-validation d’Oral

et Kettani (1993) est adapté et outillé afin de guider l’opérationnalisation ci-

proposée. Un modèle de gestion du changement (capacités à changer) est sélectionné

afin d’agir comme objet de connaissance et comme objet de transformation. En

d’autres mots, le modèle de Rondeau (2008) est le terrain d’étude de la présente

opérationnalisation. Il est étudié à travers le cadre du tétraèdre de la modélisation-

validation. Il est à noter qu’un troisième niveau de considération doit être pris en

compte, soit le fait que le modèle de Rondeau (2008) est lui aussi appliqué à son

propre terrain de recherche. Ainsi, le tétraèdre encadre l’étude de la validation de

modèle dont le terrain est le modèle de Rondeau (2008); celui-ci, pour être étudié

sert à l’étude de deux projets concrets en gestion du changement, soit ses propres

terrains de recherche. La figure 11 illustre sommairement les différents niveaux

inhérents au test empirique de la réponse apportée à la problématique de la thèse.

Page 143: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

128

Figure 11 : Illustration sommaire de l’approche empirique du projet de

recherche

De cette façon, le présent chapitre a comme objectif d’élaborer

empiriquement cette étude de la validation de modèle en gestion du changement en

prétendant apporter trois contributions majeures au développement des

connaissances, soit : 1) présenter une étude épistémologique des éléments constitutifs

du modèle, de l’activité de modélisation, ainsi que les enjeux relevants de la validité.

2) Proposer une adaptation du tétraèdre de la modélisation-validation et l’outiller afin

d’avoir un apport méthodologique à la validation de modèle dits « très soft ». 3)

Conceptualiser de façon valide un outil de gestion du changement s’inscrivant dans

la mise en lumière d’un parcours épistémologique du développement des

connaissances propre à ce courant de recherche.

Test empirique de la validation de modèle en

gestion du changement

Tétraèdre modélisation-

validation

Modèle ancré et adapté des capacités à

changer (Rondeau, 2008)

Deux projets de changements

organisationnels

Objet de

recherche

(1er

niveau)

Objet de

recherche

(2e niveau)

Méthodologie de

recherche

Page 144: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

129

4.1 Le choix du projet de connaissance

Le modèle de Rondeau (2008) en gestion du changement a été sélectionné

comme objet de la présente opérationnalisation. La dernière section du chapitre 1

présente ce modèle ainsi que son positionnement dans la perspective du

développement des connaissances en gestion du changement. Ce modèle est l’objet

de connaissance, le point de départ, à l’opérationnalisation de la méthodologie de

validation. Il pourrait être proposé comme un ancrage descriptif de ce qu’est la

capacité organisationnelle à changer à un niveau stratégique. Du même coup, il pose

les bases d’un modèle permettant la compréhension de la gestion du changement. Il

est donc interventionniste et interactionniste à la fois.

Il est considéré ici que la proposition de Rondeau (2008) s’inscrit à travers

une épistémologie constructiviste par l’importance accordée à l’interaction

systémique de l’action organisée et des enjeux de ces actions, plutôt qu’aux acteurs

et leur rationalité ou aux structures organisationnelles. Ce modèle est façonné par

une méthode de conception inductive. Celui-ci dresse les bases théoriques suffisantes

à l’étude du phénomène des capacités organisationnelles à changer tout autant que

d’offrir une grille constructiviste qui peut guider l’intervention du chercheur qui se

doit de compléter l’approche axiomatico-inductive-pragmatique (Le Moigne, 1987).

Le modèle de Rondeau (2008) affirme tenter de réconcilier les courants normatifs et

descriptifs au sein de l’étude de la gestion du changement tout en mobilisant la

proposition de Demers (1999) quant à la suggestion de passer à un mode axé sur

l’étude des capacités à changer.

Page 145: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

130

La prochaine section délimite l’objet qu’est le « modèle conceptuel » selon

Landry et al. (1983) et Oral et Kettani (1993). Le modèle tel que Rondeau (2008) l’a

décrit est présenté au chapitre 1 avec quelques ajouts. Ici, l’étude de la proposition de

cet auteur est poursuivie en intégrant certains apports aux différentes dimensions du

modèle dans l’objectif de répondre avec rigueur et complétude à la définition de

l’objet « modèle conceptuel » selon Oral et Kettani (1993). Ensuite, les trois objets

suivants du tétraèdre de la validation-modélisation sont élaborés, soit, dans l’ordre, la

« situation managériale », le « modèle formel » et la « solution ».

4.2 Le modèle conceptuel

La constitution et le contenu offert par la mobilisation des connaissances de

l’étude de Rondeau (2008) sont présentés au chapitre 1. La section qui suit prend en

considération le fait qu’il est possible de procéder directement à l’élaboration de

l’objet « modèle conceptuel » par l’opérationnalisation et la sophistication

méthodologique de la structure offerte par Rondeau (2008).

Cette proposition étoffée à partir du modèle de Rondeau (2008) est soumise

aux impératifs de la phase de « généricisation » d’Avenier et Schmitt (2007),

Avenier (2009) et Avenier et Nourry (1999) ce qui nécessite une réponse aux sept

critères du modèle conceptuel de Landry et al. (1983) et Oral et Kettani (1993) à

travers un exercice de modélisation inspiré de la Soft System Methodology

(Checkland, 1981).

Page 146: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

131

4.2.1 Choix méthodologiques

Il importe ici de rappeler les critères d’élaboration d’un modèle conceptuel

selon Landry et al. (1983) et Oral et Kettani (1993) :

1- L’identification de points d’entrées pour faire face à la situation.

2- Les buts et les objectifs déterminés.

3- Les éléments de la « situation managériale » pris en compte (informant

donc sur les exclusions).

4- La hiérarchisation de ses différentes composantes.

5- Les interrelations entre ses différentes composantes.

6- La constatation ou la prévision des contraintes sur les ressources

(humaines, financières et matérielles).

7- La nature de ses hypothèses inhérentes.

Quelques-uns de ces éléments sont respectés a priori dans la présentation du

modèle de Rondeau (2008). Premièrement, le deuxième critère est déjà traité par

l’auteur. Ces buts et objectifs font l’objet du chapitre 1de la présente thèse.

Deuxièmement, les neuf dimensions au croisement des logiques de l’action

considérées et des trois enjeux dits représentatifs d’un projet de changement

organisationnel composent directement les éléments de la situation managériale pris

en compte tel que stipulé par le troisième critère.

Page 147: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

132

Troisièmement, les interrelations entre les dimensions sont passablement

définies par Rondeau (2008) dans le chapitre 1. En termes méthodologiques, la

présente thèse résume ces hypothèses par le fait que les neuf dimensions sont

supposées orthogonales, mais inter-reliées. Ceci répond alors au cinquième critère.

La partie suivante vise à élaborer méthodiquement une réponse aux critères

qui ne sont pas traités jusqu’à maintenant, soit les éléments 1, 4, 6 et 7 présentés à la

page précédente.

Dans cet objectif, il apparait nécessaire de procéder à une définition

conceptuelle approfondie des neuf dimensions de la capacité à changer. Cet exercice

permet d’élaborer une première tentative de systématisation hiérarchique du modèle

tel que suggéré, entre autres, par Simon (1969) à travers le principe d’arborescence

du modèle en sciences de l’artificiel.

Apports aux neuf dimensions de la capacité à changer

La section qui suit présente une élaboration conceptuelle reposant sur les neuf

dimensions de la capacité à changer organisationnelle selon Rondeau (2008).

L’objectif de cette section est de définir précisément ces « variables latentes» afin de

permettre l’opérationnalisation du modèle. Pour ce faire, chacune des dimensions a

été explorée, 1) à l’aide de fondements théoriques référencés si possible12

, 2) en

précisant l’interaction entre l’enjeu et la logique d’action donnés, 3) à l’aide de

12

Advenant l’impossibilité de produire des liens directs entre les connaissances inductives de

Rondeau (2008) et l’élaboration conceptuelle ci-présente, les développements reposent en grande

partie sur d’innombrables heures d’entrevues non-structurées avec l’auteur de la proposition.

Page 148: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

133

plusieurs consultations et entrevues avec l’auteur original, ceci permettant un niveau

de continuité entre les travaux originaux et la présente étude. Chacune des

dimensions est suivie d’une représentation schématique (au sens de Checkland,

1979) et présentant une arborescence pouvant être considérée comme intégratrice de

trois niveaux hiérarchiques arborescents13

(Simon, 1969).

Vision

Le concept de vision stratégique a été étudié par plusieurs chercheurs et il y a

un manque de consensus à propos d’une définition générale. Fillion (1988) a

d’ailleurs fait une étude approfondie à ce sujet en se basant sur plusieurs auteurs,

dont Tregoe et Zimmermann (1979, 1982), Hennis (1982), Mintzberg et Waters

(1983), Peters (1988), Larwood et al. (1995), Harel et Giasson (1995) et Cossette

(2004). Les définitions de ces auteurs ont été recensées. Les éléments regroupés et

définissant ce qu’est la vision stratégique sont, selon Bourgouin (non-publié):

- La vision stratégique est un acte réfléchi, correspondant à un calcul

d’optimisation et nécessitant un travail d’analyse de l’environnement.

Généralement dans ce cas, stratégie et vision ne font qu’un.

- La vision stratégique doit être réalisable

- La vision porte sur la place précise qu’occuperont certains produits ou

services sur le marché.

13

Le premier niveau est le processus du changement traité (incluant sa résultante), soit la légitimation,

la réalisation et l’appropriation. Le deuxième niveau, pour un enjeu, est composé des trois processus

inhérents à leurs logiques d’action (i.e. vision, modèle, communication). Le troisième niveau

correspond à l’ajout proposé par la présente étude et représentant les éléments composant le processus

de deuxième ordre.

Page 149: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

134

- La vision concerne un but à atteindre ainsi que les formes d’organisation (on

parle de vision interne ou externe) et les moyens à mettre en œuvre pour y

parvenir.

- La vision fait partie du processus constant de décision au niveau de la

direction.

- La vision est une forme de leadership ou une configuration de valeurs

organisationnelles

- La vision stratégique est une représentation vague, onirique, idéalisée, de

l’entreprise dans le futur.

- La vision stratégique est une projection valorisante de l’entreprise dans le

futur, elle est une ambition.

- La vision stratégique concerne simplement le but à atteindre sans soucis des

moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.

- La vision est une stratégie fondatrice ou stratégie hors structure

- La vision est d’abord une représentation personnelle, mentale, un produit

cognitif qui appartient au dirigeant.

Dans la présente étude il est choisi d’observer la capacité à changer de la

« vision » à partir de la clarté et de la pertinence configurationnelle (Hafsi et Demers,

1999) de l’orientation définie par la direction. En plus d’être claire, cette orientation

doit être mobilisatrice par son urgence (Kotter, 1996), ainsi que portée par un parrain

crédible et légitime (Rondeau, 2008). Le fait de susciter l’engagement affectif est

donc une variable importante du soutien des destinataires envers la vision du projet

Page 150: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

135

de transformation (Herscovitch et Meyer, 2002). Il est proposé que les

caractéristiques contextuelles canalisées par un porteur crédible et légitime suscitant

une forme d’engagement affectif des acteurs envers le changement s’inscrivent dans

le processus actionnable qu’est la « vision ». La figure 12 illustre la

conceptualisation de la sous-dimension Vision.

Figure 12 : Représentation arborescente de la sous-dimension Vision

Modèle

L’enjeu de légitimation, dans la logique fonctionnelle, se traduit par

l’importance de statuer sur un modèle du changement. L’effet du modèle nécessite

Vision

Sentiment d’urgence

Porteur crédible

Engagement affectif

Sous-dimensions

Page 151: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

136

une documentation des déficiences des processus d’affaires visés, ainsi que de la

solution apportée par le projet de changement. Cette solution doit être identifiée

comme fondée sur les « meilleures pratiques » (Rondeau, 2004) de l’industrie, du

contexte ou de gestion. Cette « image » de la solution envisagée doit être concrète et

partagée d’une façon objective, habituellement à l’aide de données probantes. La

figure 13 illustre la conceptualisation de la sous-dimension Modèle.

Figure 13 : Représentation arborescente de la sous-dimension Modèle

Communication

L’enjeu de légitimation s’observe dans la logique d’action opérationnelle par

la dimension « communication ». La gestion participative est un élément central de

Modèle

Solutions

documentées et partagées

Déficiences documentées et partagées

Sous-dimensions

Page 152: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

137

l’observation des succès en plus des incitatifs permettant de démontrer des bénéfices

personnels pour les employés face au changement (Bareil, 2004). Des plateformes

structurelles d’échanges entre les différents paliers hiérarchiques, différentes

divisions fonctionnelles et la constitution d’équipes de travail sont de mise. Ces

plateformes ont comme objectif de contaminer l’organisation en respectant les

principes de la communication dialogique au sens de Collerette, Schneider et Legris

(2003). L’intérêt est de faire circuler l’information dans une logique « top-down »

telle que Kotter (1996) le suggère, ainsi que « bottom up » tel que Beer, Einsenstat et

Spector (1990) le proposent plus spécifiquement. Comme Rondeau (2008) le

souligne : « C’est dans la traduction opérationnelle à travers les pratiques adoptées

que s’observera l’engagement émotif suscité par le projet mis de l’avant ». La figure

14 illustre la conceptualisation de la sous-dimension Communication.

Page 153: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

138

Figure 14 : Représentation arborescente de la sous-dimension Communication

Pilotage

L’enjeu de réalisation du changement s’observe dans une logique d’action

stratégique par l’évaluation du « pilotage » du changement. Un « champion » du

changement doit être identifié en premier lieu. Celui-ci se doit d’être positionné dans

une structure établissant une équipe de pilotage sous une gouvernance claire. Surtout,

il doit être accessible et identifiable par les destinataires et les gestionnaires du

Communication

Plateformes structurelles

Gestion participative

Communications dialogiques

Sous-dimensions

Page 154: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

139

changement (Bareil, 2004). Le champion (ou le pilote) ainsi que sa structure de

gouverne, doivent présenter des indicateurs de leadership transformationnel plutôt

que transactionnel (Bass, 1990). La figure 15 illustre la conceptualisation de la sous-

dimension Pilotage.

Figure 15 : Représentation arborescente de la sous-dimension Pilotage

Pilotage

Structure de gouvernance

claire

Champion accessible et identifiable

Leadership transformationnel

Sous-dimensions

Comité pilotage

Page 155: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

140

Capacité

L’enjeu de réalisation se traduit dans sa logique d’action fonctionnelle par la

dimension de la « capacité ». Il est possible d’emprunter la définition de capacités

organisationnelles à Saint-Amand et Renard (2004) telle qu’utilisée plus haut dans le

texte. Il appert que pour développer la « capacité à changer » nommée « capacité

organisationnelle » il y a une nécessité d’identifier, de développer ou d’utiliser les

ressources (humaines, technologiques) et les compétences cohérentes avec le projet

de changement. De plus, ces ressources et compétences doivent avoir un espace pour

s’opérer selon un certain « savoir-faire » spécifique.

Il est important de noter qu’en plus de cet « espace » nécessaire,

l’organisation doit éviter de surcharger ces ressources et ses compétences. La nuance

apparait importante dans un contexte moderne présentant diverses turbulences

(Rondeau, 2004) et où plusieurs tombent dans le piège du « tant qu’à faire »

Rondeau (2011). En d’autres mots, plusieurs sont tentés d’élargir le projet de

changement afin d’y inclure divers « sous-projets » s’y rattachant. De ce fait, le

système organisationnel se voit surchargé par la subdivision de l’allocation de ses

ressources et compétences. La figure 16 illustre la conceptualisation de la sous-

dimension Capacité.

Page 156: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

141

Figure 16 : Représentation arborescente de la sous-dimension Capacité

Effort

Finalement, l’enjeu de réalisation au niveau de la logique d’action

opérationnelle est représenté par la dimension « effort ». Les rôles des différents

acteurs doivent être clarifiés, pour eux-mêmes et pour tous. Le niveau de

Capacité

Connaissance

Identification des ressources

requises

Espace de contingence

Sous-dimensions

Identification des

compétences requises

Import des

compétences/ ressources

Page 157: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

142

clarification des rôles doit s’étendre jusqu’à la description claire des responsabilités

de chacun face aux résultats attendus. Le développement des connaissances, des

compétences ainsi que la disponibilité des ressources sont donc très importants pour

favoriser la lente modification des comportements à travers une gestion des priorités

quotidiennes efficace et efficiente. La figure 17 illustre la conceptualisation de la

sous-dimension Effort.

Figure 17 : Représentation arborescente de la sous-dimension Effort

Effort

Motivation

Sous-dimensions

Résultats attendus

spécifiques

Établissement clair et partagé

des priorités

Définition partagée des rôles et

responsabilités

Page 158: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

143

Intérêt

Finalement, l’enjeu d’appropriation du changement, point final et nécessaire

au succès des différentes actions entreprises de la légitimation à la réalisation, est

représenté au niveau stratégique par le fait de voir naître de l’ « intérêt ». La

communication soutenue relative au changement est un facteur de succès à évaluer.

La pertinence et la consistance de l’information qui est communiquée sont au centre

des préoccupations. La notion d’enrichissement des tâches suite au changement est

importante. Les travaux de Myers (1978) demeurent toujours d’actualité en ce qui a

trait à l’enrichissement vertical des tâches. Du même coup, l’augmentation de la

valeur professionnelle des destinataires est un atout indispensable afin d’ancrer

profondément l’intérêt stratégique du changement. La figure 18 illustre la

conceptualisation de la sous-dimension Intérêt.

Page 159: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

144

Figure 18 : Représentation arborescente de la sous-dimension Intérêt

Apprentissage

L’enjeu d’appropriation dans une logique d’action systémique est représenté

par la dimension « apprentissage ». Cette dimension vise les apprentissages

organisationnels (connaissances, compétences) quant au processus de changement

autant qu’à la solution apportée par le projet. Elle s’évalue par la perception des

acteurs d’un meilleur fonctionnement de l’organisation suite à l’implantation du

nouveau modèle. Il doit être possible de changer les comportements tout en

maintenant un niveau de performance satisfaisant, les employés doivent ainsi être à

Intérêt

Information

pertinente et constante

Sous-dimensions

Accroissement de la valeur

professionnelle

Enrichissement vertical des

tâches

Page 160: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

145

l’aise avec les nouvelles façons de faire (par l’habilitation ci-haut énoncée). Il est

nécessaire de définir des incitatifs au maintien du changement, comme par exemple

l’adaptation progressive des évaluations de performance des employés en

considérant leur réalité de travail dans le contexte du changement. Le thème de

l’amélioration continue des processus est au cœur de cette capacité à changer. Il y est

important de démontrer les retombées positives des modèles et processus de mise en

œuvre. La figure 19 illustre la conceptualisation de la sous-dimension Apprentissage.

Page 161: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

146

Figure 19 : Représentation arborescente de la sous-dimension Apprentissage

Progression

L’enjeu d’appropriation se complète dans la logique d’action opérationnelle

par l’observation de la « progression » du changement. Le fait de pouvoir observer

de « petits succès » (Rondeau, 2004) dans la mise en œuvre du changement a un effet

Apprentissage

Incitatifs à la performance et à son

maintient

Sous-dimensions

Démonstration de l’efficacité de

la solution

Adaptation progressive des indicateurs de performance

Ajustement des compétences et

ressources requises

Page 162: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

147

positif vers le succès. Les résultats escomptés se doivent d’être tangibles et

accessibles à tous. D’ailleurs, les objectifs devraient être atteignables de manière

progressive (Locke et Latham, 1990). Finalement, il doit y avoir place à l’erreur.

L’organisation doit s’y attendre et surtout « profiter » de ces erreurs pour améliorer

la progression organisationnelle. La « progression » est donc ce moment où les

comportements au cœur du changement deviennent progressivement des habitudes

quotidiennes. Le développement optimal de cette capacité mènerait vers ce seuil où

les destinataires ne perçoivent plus le projet de changement. Les comportements sont

alors devenus des habitudes quotidiennes. Le sentiment d’efficacité personnelle

(Bandura, 1986) est important au niveau individuel. Tandis que le concept

d’institutionnalisation (Tolbert et Zucker, 1996) en serait la finalité. La figure 20

illustre la conceptualisation de la sous-dimension Progression.

Page 163: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

148

Figure 20 : Représentation arborescente de la sous-dimension Progression

Aux termes de la conceptualisation de l’ensemble des neuf dimensions

l’ensemble des critères de Landry et al. (1983) et d’Oral et Kettani (1993) obtiennent

leurs spécifications. La complexité du modèle conceptuel ci-haut élaboré a un

principal avantage et un inconvénient de taille. D’un côté, son niveau de détail

amène des éclaircissements détaillés et ordonnés au décideur et aux utilisateurs du

modèle. Par contre, ce niveau de complexité, ou de théorisation, peut apporter

Progression

Institutionnalisa-tion

Sous-dimensions

Résultats tangibles et accessibles

Sentiment d’efficacité personnelle

Démonstration

de « petits succès »

Tolérance et place à l’erreur

Page 164: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

149

quelques difficultés de compréhension requiérant une ressource essentielle qu’est le

temps chez le gestionnaire (critère 6). Le modèle formel est élaboré plus loin dans le

texte à cet effet. Avant, il est nécessaire de conceptualiser la situation managériale

sur laquelle portera ce modèle formel.

4.3 La situation managériale

L’objet « situation managériale » est le point d’entrée de la partie empirique

de l’opérationnalisation proposée par la thèse. Le modèle y est logé au cœur de la

relation acteurs-organisation. C’est ici que le modèle sert à la mesure des projets de

transformation observés, ainsi qu’à constater les effets réflexifs et interactionnistes

du modèle.

Cette section présente la provenance des terrains de changements

organisationnels sélectionnés. Elle est suivie des choix méthodologiques s’inscrivant

dans le cadre des prescriptions d’Oral et Kettani (1993). Finalement, deux études de

cas sont présentées afin de constituer un artéfact de recherche construit sur la

connaissance qu’offrent le modèle et l’action de recherche interactionniste. Tout au

long de cette section, les intérêts normatifs et descriptifs sont respectés dans

l’objectif d’identifier ce qu’est un modèle valide en gestion du changement et donc

comme outil de transformation.

Page 165: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

150

4.3.1 Terrains de recherche

Deux projets de changement organisationnel ont été sélectionnés pour leur

potentiel de succès afin d’éviter d’analyser une situation ne démontrant pas de réels

changements organisationnels. Ces projets ont été choisis au sein des terrains de

recherche du groupe LEGG (Laboratoire d’Expérimentation en Gouvernance et en

Gestion de la santé). Ce groupe de recherche rassemble des membres de la direction

de l’Agence de Santé et de Services Sociaux de la Montérégie (ASSS de la

Montérégie), des chercheurs de l’Université de Montréal du département de

l’Administration de la santé et des chercheurs de HEC Montréal spécialisés en

gestion du changement et provenant du département de Management.

Le LEGG est formé en 2009 sous l’initiative de l’ASSS de la Montérégie.

Celle-ci désire s’adjoindre des chercheurs universitaires en gestion de la santé afin

d’identifier des processus d’innovations porteurs de succès. L’objectif est de

développer des connaissances au niveau des processus de gestion du changement

afin d’expliquer les succès observés et tirer des apprentissages pour les

transformations futures.

Un panel regroupant deux dirigeants provenant de l’ASSS, un professeur de

l’Université de Montréal et un professeur de HEC Montréal sélectionnent les projets

d’innovations complexes ayant les plus grands potentiels de succès parmi plusieurs

candidatures. L’étude débute au mois de septembre 2009.

Page 166: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

151

De ces projets, deux ont été sélectionnés pour faire l’objet de la présente

étude. Les projets retenus portent les titres suivants : 1) Partenariat CSSS - CRD; 2)

Innovation d’un processus de soins.

Afin de procéder à une présentation des enjeux auxquels sont confrontés

chacun des terrains, il appert pertinent d’élaborer une méthode de conception de

l’objet « situation managériale » sous une perspective interactionniste de la

connaissance. Il est reconnu dans la présente thèse que la situation managériale est

réelle, mais qu’elle ne peut être objectivée. Il est aussi reconnu ici qu’une description

provenant de la main de l’auteur de la présente thèse relèverait d’une perspective

subjectiviste. Dans l’objectif d’être un exercice interactionniste et constructiviste, la

présente thèse propose une formule méthodologique adaptée à ces perspectives

épistémologiques. Une méthode de rédaction d’étude de cas adapté à partir de Yin

(2009) est retenue. Ainsi, chercheurs et participants doivent participer au mécanisme

ci-élaboré afin d’offrir une validité à l’objet « situation managériale » à défaut d’une

représentativité exacte du réel.

4.3.2 Choix méthodologique

L’étude de cas comme objet de la situation managériale sous un processus de

validation interactionniste et téléologique

La méthodologie qualitative utilisée dans le but de rendre compte de la

situation managériale est celle de l’étude de cas (artéfact de la connaissance). Les

fondements principaux sont présentés et reposent en grande partie sur les apports

référencés de Yin (2009). Par contre, il est important de noter que la position de Yin

Page 167: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

152

semble vouloir inscrire la méthode qualitative ci-présente comme outil positiviste au

sein des sciences sociales. La présente thèse se fait donc contrebandière et emprunte

les méthodes de Yin (2009) en les situant sous un paradigme systémique et

constructiviste.

Schramm (1971) propose une définition de ce qu’est l’étude cas qui appert

très utile au présent contexte épistémologique :

« L’essence de l’étude de cas, la tendance centrale à travers

tous types d’étude de cas, c’est qu’elle tente de mettre en

lumière une décision ou un ensemble de décisions :

pourquoi ont-elles été prises, comment ont-elles été mises

en œuvre et avec quels résultats? » (p.161) (traduction

libre).

Il est pertinent d’utiliser cette méthodologie en considérant vouloir atteindre

l’objectif de modéliser les logiques d’actions et les enjeux de la gestion du

changement à travers les intentions/décisions/actions des acteurs dans un système

complexe « arborescent ». Elle permet : 1) l’induction comme la déduction, 2) de

capter la perspective interactionniste de la connaissance dans l’objet artificiel qu’est

l’« artéfact », 3) de capter, par l’observation de plusieurs terrains, des relations entre

les dimensions tout en considérant que l’inférence causale est impossible dans un

épisode donné où les acteurs et les structures se façonnent simultanément.

Selon Yin (2009) il y a cinq éléments importants que doit comprendre une

étude de cas :

Page 168: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

153

1. Une question de recherche;

2. Ses propositions de recherche, s’il y a lieu;

3. Ses unités d’analyse;

4. La logique reliant les données aux propositions; et

5. les critères d’interprétation des connaissances

Le premier élément spécifie la question de façon simple, soit « qui »,

« quoi », « où », « comment » et « pourquoi ». Pour répondre au deuxième élément,

les propositions propres aux questions posées ci-haut sont traduites à travers les neuf

thèmes à définir à partir du modèle de Rondeau (2008). Ainsi, il est entendu que le

« comment » et le « pourquoi » sont explicables directement à travers la matrice

proposée par le modèle, celle-ci proposant neuf « arborescences » distinctes

poursuivant leurs objectifs décisionnels. Les unités d’analyses, telles que précisées

par le troisième critère, sont précisément les intentions/décisions/actions des acteurs

reflétées dans l’étude de cas. Les retombées attendues et perçues selon les différents

acteurs sont aussi des unités d’analyses même s’il elles peuvent sembler

contradictoires, voir non-liées entre elles. La logique reliant ces données en

propositions, telle qu’énoncée par le quatrième critère, se retrouve dans

l’organisation matricielle du modèle de Rondeau (2008) et non pas dans les formules

acceptées de la logique telles que prônées dans plusieurs travaux en recherche

opérationnelle cités dans le chapitre précédent. Finalement, les critères

d’interprétation des connaissances, le cinquième élément, se situe dans les patterns

décisionnels qui seront identifiés à travers plusieurs terrains observés sur une période

Page 169: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

154

de temps donné. Une section d’analyses quantitatives plus loin dans le texte vise à

établir ces critères d’interprétation en plus d’identifier les patterns systémiques à cet

effet.

La méthode par étude de cas doit aussi se plier à certains tests de validité

fondamentaux. Ces tests de validité sont présentés dans les pages qui suivent.

La validité de construit

Pour démontrer une validité de construit de l’étude de cas, Yin (2009)

suggère : 1) L’utilisation de plusieurs sources d’information, 2) l’élaboration d’une

« chaine d’information », 3) d’obtenir une révision de l’étude de cas par chacun des

informateurs clés.

Premièrement, la validité de construit relevant de l’étude de cas vise à

empêcher la subjectivité du chercheur de teinter la rédaction de celui-ci. Ici, ces

principes sont récupérés afin de démontrer une validité de construit interactionniste,

donc partagée entre les parties prenantes incluant le chercheur et les participants

interviewés. Un niveau optimal d’accord commun est recherché plutôt qu’une

objectivation représentative d’un réel trop complexe.

Afin de répondre aux suggestions de Yin (2009), la méthode de collecte de

données qualitative ci-utilisée permet d’identifier quatre groupes d’acteurs différents

afin de recueillir de l’information concernant un même épisode de changement

Page 170: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

155

organisationnel. Ces catégories d’acteurs sont : 1) la direction stratégique de

l’organisation, 2) les porteurs du projet de changement (responsables de la mise en

œuvre), 3) les destinataires du changement (employés et gestionnaires impliqués

dans les processus), 4) les observateurs (personnes en mesure d’apprécier la mise en

œuvre du changement, mais sans être impliqué directement).

Yin (2009) propose plusieurs sources d’informations valides pour

l’élaboration de l’étude de cas. La présente étude utilise principalement deux de ces

types, soit les entrevues et la documentation. Les entrevues sont démontrées comme

étant la source la plus importante de données qualitatives (Yin, 2009; Hérard, 2008).

Une richesse en termes de mise en contexte est captée par l’apport de la source

qu’est la documentation, en plus d’éléments cristallisés et peut-être préalablement

partagés par les participants au sujet de la situation managériale.

Par l’organisation chronologique et logique des informations provenant de

ces différents groupes d’acteurs représentant différents paliers hiérarchiques, il est

possible d’observer la « chaine d’information » à travers les trois logiques d’action

du modèle de Rondeau (2008), soit stratégique, systémique et opérationnelle.

Une première ébauche de l’étude de cas est composée suite aux entrevues

d’un minimum de sept acteurs par projet représentant les quatre catégories d’acteurs.

Plus particulièrement, sept participants ont été interviewés pour le cas Innovation

d’un processus de soin et huit participants ont été recrutés pour le cas Partenariat

Page 171: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

156

CSSS-CRD. Ensuite, elle leur est soumise rétroactivement afin de recueillir leurs

commentaires et leurs critiques. Pour ce faire, deux questions centrales sont posées :

1) « Est-ce que votre position est bel et bien représentée dans cette ébauche? » 2) « Y

a-t-il de l’information manquante que vous jugez essentielle à la bonne

compréhension de l’étude de cas? ». Il est à noter qu’un acteur ne peut proposer de

modification sur les apports d’un autre acteur, qu’il soit en accord ou non avec cette

position. Cependant, il est entendu que les propos de deux acteurs peuvent être

contradictoires entre eux et que chacun puisse vouloir retirer les propos de l’autre.

Ces deux propos seraient conservés non seulement afin de respecter la méthodologie

de validation, mais qu’au final la rédaction met en lumière cette problématique

propre à la situation managériale observée.

La validité interne

Pour démontrer une validité interne de l’étude de cas, Yin (2009) suggère : 1)

L’observation de patterns récurrents par la technique « pattern matching » (Trochim,

1989), 2) d’utiliser un protocole explicatif des événements, 3) de traiter des

explications rivales, 4) l’utilisation de modèles logiques.

La validité interne est un principe qui fait souvent et depuis longtemps l’objet

de critiques en ce qui a trait à l’étude de cas (Yin, 2009; Campbell et Stanley, 1966;

Cook et Campbell, 1979). L’objectif est de démontrer de la rigueur dans

l’explication des relations entre les événements observés, et ce en tentant de

contrôler les effets de contamination des « variables » non contrôlées. Il est

Page 172: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

157

important de noter que : l’approche est considérablement positiviste; elle implique un

processus de validation dépassant le simple objet de l’étude de cas. Ces principes

sont donc réutilisés plus loin dans le texte afin de traiter les quatre problématiques de

la modélisation selon Oral et Kettani (1993).

Par contre, les éléments 2) et 3) sont retenus à cette étape-ci. Afin d’intégrer

les suggestions « d’utiliser un protocole explicatif des événements (2) » ainsi que

« d’adresser des explications rivales (3)» quelques éléments doivent être apportés à

l’argumentation. Il est prévu à cet effet que chaque étude de cas fait l’objet d’une

analyse selon le modèle de Rondeau (2008) afin de répondre aux propositions de

recherche énoncées. Ces analyses se verront confrontées à une évaluation inter-juges

experts quant à l’objet de recherche. Cette technique, emprunté aux méthodologies

quantitatives permettra d’augmenter la rigueur de la validité interne de l’étude, sinon

de la confronter à des explications rivales.

La validité externe et la fidélité

Pour démontrer la validité externe de l’étude de cas, Yin (2009) suggère : 1)

L’utilisation de la théorie dans l’étude d’un seul cas de gestion, 2) pour ensuite

répliquer la logique proposée dans l’analyse de plusieurs études de cas. Tandis que

pour démontrer la fidélité de l’étude de cas il suggère : 1) L’utilisation d’un

protocole de recherche, 2) de développer une banque de données sur les études de

cas

Page 173: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

158

La validité externe repose sur la nécessité de démontrer une généralisation

des résultats obtenus. Tandis que la fidélité assure une reproductibilité de l’étude

pour tout chercheur désirant utiliser la même approche. La validité externe est déjà

traitée à travers les stratégies mises en place pour répondre aux validités interne et de

construit en plus d’être intégré au processus de la modélisation par l’attention portée

aux quatre enjeux (Oral et Kettani, 1993) dans le prochain chapitre.

Afin de répondre aux exigences du test de fidélité il est présenté ici : 1) une

description étendue des postulats de recherche, ce de façon référencée et explicitée

dans une stratégie de recherche intégrée dans son contexte théorique et par

l’utilisation du tétraèdre modélisation-validation, 2) la présentation intégrale du

protocole d’entrevue utilisé afin de procéder à la collecte de données (voir annexe 1).

Il est à noter que ce protocole est élaboré en reconnaissant la nécessité qu’il repose

sur le cadre d’analyse proposé (Miles et Huberman, 2003), soit le modèle de

Rondeau (2008). Comme l’explique Yin (2003), ce protocole ne doit pas être trop

large, ceci aurait pour effet de saisir une trop grande quantité d’information qui n’est

pas nécessairement pertinente. Il se doit aussi de ne pas être trop précis et structuré

puisqu’il prendrait beaucoup plus la forme d’un sondage et il écarterait plusieurs

nuances importantes.

En conclusion, la méthode qualitative par étude de cas utilisé dans ce

contexte propose de porter une attention particulière à la validité de construit, à la

validité interne (en partie), à la validité externe et à la fidélité à l’aide d’une stratégie

Page 174: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

159

de recherche répondant à un repositionnement épistémologique des critères de Yin

(2009). La partie suivante présente les deux études de cas agissant à titre de

« situation managériale » dans le cadre de l’opérationnalisation. Il est à noter que les

noms de personnes et d’endroits ont été modifiés afin de préserver la confidentialité

des participants.

4.3.3 Étude de cas : Innovation d’un processus de soins

Le cas Innovation d’un processus de soins est un projet de changement

organisationnel majeur entrepris dans le cadre du projet LEGG. Ce projet

d’innovation est élaboré au sein d’un Centre de Réadaptation du ministère de la santé

québécois. La mise en contexte présentée en introduction au cas présente les réalités

environnementales de ce centre. Le cas a été conçu à partir d’entrevues réalisées aux

mois de septembre et octobre 2009. Au total sept participants ont été interviewés par

deux chercheurs du projet LEGG suivant le protocole d’entrevue semi-structurée

présenté à l’annexe 1. Les entrevues ont duré entre 45 et 60 minutes.

Mise en contexte

Le Centre de Réadaptation (CR) a comme mission première de promulguer

des services spécialisés de deuxième ligne visant la réadaptation et/ou l’intégration

sociale de toutes personnes atteintes d’une déficience motrice, auditive ou du

langage qui inclut du même coup une offre d’accompagnement visant les proches

des usagers. Environ 12 500 personnes de la région ont reçu des services du CR en

2008-2009. Près de la moitié de celles-ci sont âgées entre 0 et 18 ans. Pour répondre

Page 175: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

160

à cette demande, au-delà de 600 employés sont répartis à travers douze points de

service. De ces professionnels, il est possible de retrouver des travailleurs sociaux,

des éducateurs spécialisés, des orthophonistes, des ergothérapeutes, des

psychologues, des neuropsychologues, des physiothérapeutes, des médecins, etc.

ainsi qu’une équipe d'encadrement et de soutien administratif.

La clientèle âgée entre 0 à 18 ans est particulièrement importante en termes

de volume pour le CR ainsi qu’en considérant l’importance d’une prompte

intervention afin de limiter les impacts négatifs d’une déficience motrice, auditive ou

du langage sur le développement des enfants.

Jusqu’à l’automne 2008, pour traiter les enfants avec une déficience de

langage, le CR avait plusieurs façons de fonctionner. D’un côté, huit des douze

points de service fonctionnaient à leur façon selon le processus habituel qui consiste

tout d’abord à l’inscription du patient. Par la suite, après plusieurs journées d’attente

(145 jours en moyenne), vient un premier service soit une entrevue d’accueil avec un

travailleur social. Celui-ci procède à une évaluation des besoins du cas qui servira à

un orthophoniste (ou un ergothérapeute) qui pourra ainsi élaborer un plan

d’intervention pertinent. Dépendamment des besoins de l’enfant et du plan

d’intervention, le suivi régulier se poursuit soit avec un orthophoniste, un

ergothérapeute ou un éducateur spécialisé. D’un autre côté, trois points de service en

particulier ont élaboré un processus différent sous la direction de leur chef de

programme. Celui-ci vise à faire l’inscription d’un enfant conformément à ce qui

Page 176: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

161

était fait auparavant. Cependant, à l’intérieur du suivi régulier, quelques

modifications ont été implantées. Premièrement, le suivi régulier des orthophonistes

est appuyé par la collaboration des éducateurs spécialisés. Ceux-ci peuvent tenir des

rendez-vous à la place des orthophonistes en apportant des interventions sur

lesquelles ils ont été entraînés au préalable par les orthophonistes. Deuxièmement,

ces équipes mettent sur pied des rencontres en groupe réunissant plusieurs enfants

atteints d’une même problématique au même niveau de sévérité. Ces rencontres sont

chacune tenues par un éducateur spécialisé et chapeautées par un orthophoniste qui

s’insère dans les groupes à quelques reprises afin de réévaluer la progression des

enfants.

Pour les huit points de service, beaucoup de patients sont en attente d’un

premier service et chaque jour de nouvelles demandes s’y ajoutent créant ainsi une

longue liste d’attente. En novembre 200814

, 398 enfants ayant une déficience du

langage sont en attente d’un premier rendez-vous. Aussi, considérant que le niveau

de priorisation des enfants âgés de moins de six ans est jugé élevé puisque s’ils ne

sont pas traités rapidement leur développement peut être compromis, cette situation

est d’autant plus problématique. De manière spécifique, le délai d’attente moyen

pour cette dernière catégorie d’enfant s’élève à 145 jours.

À la vue de cette problématique majeure, le 13 juin 2008, le Ministère de la

Santé et des Services Sociaux (MSSS) impose au CR, ainsi qu’à tous les

14

Seules les données de novembre sont disponibles en 2008. Elles peuvent être considérées comme

étant représentatives des listes d’attentes de cette époque.

Page 177: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

162

établissements de la santé et des services sociaux, d’implanter un «Plan d’accès pour

les personnes ayant une déficience du langage, intellectuelle, un désordre de

personnalité ou un trouble envahissant du développement» à compter de novembre

2008. Celui-ci a comme objectif spécifique de réduire la liste d’attente résiduelle à

zéro d’ici deux ans, soit en novembre 2010. Le CR décide de revoir ses processus

afin de les rendre plus efficaces sans toutefois affecter la qualité des services offerts.

Spécifiquement le CR doit donc, 1) réduire sa liste d’attente résiduelle à zéro d’ici

novembre 2010 tout en continuant de traiter les nouvelles inscriptions, 2) traiter dans

un délai de 97 jours tout enfant de six ans et moins dont le niveau de priorisation est

élevé. Pour ce faire, le MSSS a mis à la disposition du CR un budget d’environ un

million de dollars de façon à ce qu’il puisse acquérir de nouvelles ressources, soit

principalement des ressources humaines. Les délais sont courts, selon la Directrice

Générale Adjointe (DGA) du CR, entre l’annonce du plan d’accès en juin 2008 et le

début de la mise en œuvre des mesures visant à répondre aux exigences du «Plan

d’accès» cinq mois plus tard.

Le mandat de la directrice Générale Adjointe

Devant la nouvelle problématique et l’urgence d’agir, la DGA reçoit du

Directeur Général de l’établissement le mandat de réfléchir et d’apporter des

solutions quant à la réduction de la liste d’attente générale ainsi que celle spécifique

au groupe des zéro à six ans. Elle se doit donc de trouver des moyens de servir sa

clientèle autrement sans affecter la qualité des services, et ce, tout en faisant face à

une importante pénurie de professionnels. Les budgets octroyés se doivent donc

Page 178: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

163

d’être utilisés de façon innovante puisqu’il est pratiquement impossible de recruter

davantage d’orthophonistes compte tenu d’une importante pénurie au sein de cette

catégorie de professionnels au Québec. Il appert à ce point évident pour la DGA que

la réorganisation du travail doit plutôt miser sur l’embauche d’éducatrices

spécialisées qui auront maintenant plus de responsabilités.

Afin de répondre au MSSS tout en faisant face à cet obstacle, la DGA explore

les différentes avenues possibles pour résoudre la problématique. Pour ce faire, elle

consulte de manière informelle son équipe de proches collaborateurs (DSR DSP et

chefs de programmes). Lors de ces discussions, plusieurs rapportent les modalités

particulières exercées dans leurs points de services. Une des chefs de programme

profite de ces discussions pour renseigner la DGA des améliorations apportées dans

le mode de fonctionnement de son organisation. Cette dernière est très attentive étant

donné qu’elle a déjà eu connaissance qu’une réorganisation a été entreprise par cette

chef de programme et que celle-ci a engendré de bonnes performances en terme

d’écoulement de la liste d’attente au sein des trois sites dont elle est responsable, et

ce, tout en favorisant une bonne collaboration au sein de ses équipes. Ainsi, elle est

tout ouïe aux détails menant à ces bonnes performances.

Rencontre avec la chef de programme

Comme le raconte la chef de programme à la DGA, dès 2007 elle avait déjà

perçu la menace provenant de la grande demande de service de la part de la clientèle

de la région ainsi que du manque de professionnel en orthophonie qui se faisait de

Page 179: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

164

plus en plus sentir. À ce moment, elle lance un appel à tous en réunissant plusieurs

intervenants, cadres et professionnels afin de réfléchir à la problématique ci-haute

dans l’objectif de réduire les délais d’attente.

La chef de programme, n’ayant pas de solution précise dès le départ, répète

qu’elle est restée très ouverte aux propositions de ses subordonnés puisque pour elle,

ces derniers sont des gens innovants qui entretiennent entre eux une belle

collaboration. Le débat ne pourrait donc qu’être intéressant affirme-t-elle.

En regard au nombre de propositions valables qui ont été émises lors de ces

discussions, la chef de programme décide de créer plusieurs « projets-pilotes ».

Comme elle le dit, étant dans une situation particulière et jamais vue, une structure

par « projets-pilotes » allait permettant de rester ouvert aux retombées prévues et

imprévues des différentes idées d’innovation. Fonctionner avec plusieurs « projets-

pilotes » porte fruits à son avis. Par exemple, un des « projets-pilotes » consiste à ce

que les éducateurs spécialisés, les orthophonistes et les ergothérapeutes s’allient

temporairement afin de tenter une nouvelle forme d’intervention par groupes

d’enfants plutôt que de procéder à des interventions individuelles. Ces interventions

sont particulières puisqu’elles se déroulent dans une piscine (pour des fins en

ergothérapie). L’intervention en groupe est rapidement identifiée par les techniciens

et professionnels comme étant très prometteuse en termes d’efficience.

Page 180: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

165

Ensuite, un « projet-pilote » particulier a été sélectionné, soit le « projet

langage ». Celui-ci s’est révélé très performant et apprécié des différents acteurs

souligne la chef de programme. Ce projet tente d’insérer une nouvelle façon de

fonctionner à travers le suivi régulier pour les personnes atteintes d’une déficience

du langage. Ce projet élabore le processus suivant : comme à l’habitude,

l’orthophoniste évalue et décide en premier lieu de ce sur quoi un enfant doit

travailler. Par contre, il ajoute plusieurs objectifs à atteindre en cours d’intervention

avec des activités et des interventions planifiées d’avance pour chacune des

rencontres. Ces dernières sont effectuées par un éducateur spécialisé qui peut tout de

même requérir la présence d’un orthophoniste au besoin ou à des fins de

réévaluation. La collaboration entre ces deux groupes de professionnels était bonne

selon la chef de programme, on a donc tenté de retirer encore plus de retombées

positives d’une telle alliance en travaillant de la même façon, mais avec des groupes

de cinq à six enfants à la fois plutôt que par des interventions individuelles. Bien

entendu, ces enfants doivent être atteints de la même déficience du langage et en être

à un niveau de sévérité équivalent. Ce « projet-pilote » a fait ses preuves et il est

donc rapidement reconnu comme façon de fonctionner à l’intérieur des trois sites

sous la direction de la chef de programme. Au moment où la DGA discute de cette

aventure avec la celle-ci, le projet roule depuis maintenant un an et a permis de

répondre aux besoins de 40 enfants de plus que prévu qui seraient toujours dans la

liste d’attente si ce n’était du « projet langage ». La plus grande part de

responsabilités prise par les éducateurs spécialisés aide à pallier à la pénurie

Page 181: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

166

d’orthophonistes tout en rendant des soins de qualité à la population, selon la chef de

programme.

La DGA se questionne alors sur comment sa chef de programme a pu

mobiliser des éducateurs spécialisés pour exécuter des tâches et développer des

connaissances ne faisant pas nécessairement partie de leur formation de base et qui,

du même coup, pourraient s’enchevêtrer dans les responsabilités des orthophonistes.

La chef de programme affirme alors que c’est l’esprit d’équipe et le désir de

participation de ses employés qui sont au cœur de ce succès. Selon elle, chacun a

appris « sur le tas » de nouvelles compétences dans le domaine des déficiences du

langage et tous ont su profiter des retombées positives de ce projet, autant les

orthophonistes, les éducateurs spécialisés, les enfants ainsi que leurs parents.

Les réflexions de la DGA

Suite à cette discussion avec sa chef de programme, la DGA confirme ses

premières intuitions. La réorganisation devra passer par l’embauche et la hausse de

responsabilités des éducateurs spécialisés. Elle décide ainsi d’inclure dans ses

réflexions les apprentissages faits par sa chef de programme en vue d’aboutir à une

solution appropriée.

Elle se doit donc de trouver une application réaliste d’une solution similaire à

celle appliquée dans ces trois points de service. À ce moment, elle perçoit cependant

quelques enjeux majeurs concernant la future mise en œuvre d’une telle solution.

Page 182: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

167

Premièrement, une telle idée dirigera l’attention des professionnels vers la gestion

par priorité plutôt que simplement par l’ordonnancement dans la liste d’attente.

Deuxièmement, étant donné qu’une réorganisation du travail est nécessaire, une

formation des éducateurs spécialisés est souhaitable afin que ces derniers puissent

porter des interventions sur des problématiques « mineures » du langage et, dans

l’objectif de libérer le temps d’utilisation des orthophonistes pour des cas où ils sont

indispensables, soit des cas « majeurs ». Ce qui, du même coup, provoquera la

nécessité de sensibiliser les orthophonistes à travailler davantage en collaboration

avec les éducateurs spécialisés par une bonne diffusion de l’information concernant

les bénéfices qu’ils pourraient en retirer. En effet, en troisième lieu, elle prévoit que

les orthophonistes ne seront pas complètement à l’aise avec l’augmentation du

nombre d’éducateurs spécialisés ainsi qu’avec l’augmentation de la charge de

responsabilités de ces derniers. Elle prévoit même de la résistance face à ce

changement. À ce moment, la DGA sait très bien qu’elle ne peut reposer sa

réorganisation seulement sur l’esprit de collaboration et d’innovation des employés

de l’ensemble des huit points de service.

Ainsi, une solution impliquant une coordination plus efficace des éducateurs

spécialisés et des orthophonistes est nécessaire. Par contre, elle ne devra pas être

radicale selon la DGA puisque, ces deux catégories d’employés ne proviennent pas

des mêmes milieux de formation. En effet, premièrement, les éducateurs spécialisés,

contrairement aux orthophonistes, ne sont pas formés aux problématiques liées au

langage dans leur formation de base. Ils doivent donc ainsi être formés à prendre en

Page 183: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

168

charge certains pans du processus de traitement en déficience du langage. À ce

niveau, elle prévoit, selon plusieurs sources d’information qu’elle a recueillie, de la

résistance au changement de la part des éducateurs spécialisés à l’effet qu’ils

pourraient se sentir dépassés par ces nouvelles compétences à acquérir.

Deuxièmement, les orthophonistes tiennent présentement un plus grand rôle que les

éducateurs spécialisés dans le processus de traitement en place, leur formation étant

plus spécifique aux déficiences de langage ainsi que leur niveau de diplomation

universitaire étant plus élevé. Conséquemment, la DGA prévoit aussi de la résistance

de la part des orthophonistes à l’effet qu’ils pourraient perdre le contrôle sur leurs

patients ainsi que sur leur domaine de compétence.

Elle en arrive donc à une solution alliant, selon elle, les forces du projet de sa

chef de programme et faisant face aux enjeux du CR tel qu’elle les a identifiés. Elle

élabore donc un nouveau processus de traitement qui consiste aux étapes suivantes :

Premièrement, les enfants inscrits sur la liste d’attente seront rencontrés par un

travailleur social qui, en collaboration avec les parents de l’enfant, devra identifier

les éléments à travailler en les priorisant. De plus, il recueillera les préoccupations,

les questions ainsi que les commentaires des parents. Deuxièmement, suite à cette

entrevue d’accueil, la coordonnatrice clinique, dont le rôle est de superviser le

processus de soin, classera un enfant dans un groupe de stimulation de la

communication selon sa problématique principale et le niveau de sévérité de sa

déficience. Troisièmement, l’enfant et ses parents seront accueillis à l’intérieur d’un

de ces groupes de traitement. Ce groupe perdurera pendant six rencontres qui seront

Page 184: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

169

animées par un éducateur spécialisé. Un orthophoniste se joindra alors au groupe lors

de deux de ces séances afin de procéder à un suivi évaluatif. Quatrièmement, pour

donner suite au traitement en groupe, les enfants recevront de façon individuelle une

entrevue permettant d’établir un plan d’intervention et de compléter les observations

faites lors du traitement en groupe et ainsi de les diriger vers le suivi régulier qui

serait le plus approprié, soit en orthophonie, en ergothérapie, ou avec un éducateur

spécialisé.

Afin de favoriser l’acceptation du changement et de l’innovation de la part

des professionnels, la DGA compte particulièrement sur la rapidité de la mise en

œuvre du projet. Ce sera d’ailleurs son mot d’ordre à partir de ce moment.

La planification de la solution (juin 2008)

La DGA partage son idée avec ses collègues de la direction clinique, soit la

directrice des services de réadaptation (DSR) et la directrice des services

professionnels (DSP), puis elle décide d’avaliser le projet de 1er

service en groupe

pour les enfants ayant une déficience du langage.

L'équipe de la direction clinique se donne comme objectif de départ de

préciser les différents détails du projet. Ainsi, chacun des membres du comité

explore les différents sites du CR afin de consulter les gens et de regrouper des idées

quant aux contenus des six rencontres de groupe avec les enfants. L’expérience du

« projet langage » de la chef de programme ainsi que les conseils de la DSR et de la

Page 185: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

170

DSP sont les principaux facteurs influençant ces réflexions. La solution que

cherchait la DGA est maintenant trouvée.

Les membres de la direction clinique s’entendent pour dire qu’il s’agit d’une

innovation importante dans les pratiques. La grande innovation de cette

réorganisation se trouve dans le traitement en groupe. L’implantation de ces groupes

a comme élément positif majeur de rapprocher les familles des intervenants du CR,

de mieux connaitre les besoins de ces familles, d’outiller les parents en attente et

donc de peaufiner le traitement qui sera offert en suivi régulier. Du même coup, cette

innovation dans les pratiques apporte son lot de réorganisations à l’intérieur du

Centre. Les rôles et responsabilités des éducateurs spécialisés englobent maintenant

l’animation des groupes et ceux des orthophonistes impliquent maintenant

l’observation et le suivi des enfants à l’intérieur des groupes. Le raffinement de

l’identification des besoins amène des réflexions sur les objectifs visés par les

interventions en déficiences du langage et une importance accrue au soutien apporté

aux parents. De plus, l’encadrement à l’intérieur de l’établissement doit s’adapter à

toute cette réorganisation.

Pour réaliser ce changement, la direction dit miser sur les individus qui

composent les différentes équipes, l’ouverture d’esprit de tous les acteurs, le

dynamisme de ses équipes ainsi que le respect envers ceux qui dirigent le

changement. Afin d’aider les gens à mieux vivre ce changement, la direction

s’entend sur l’importance de fournir rapidement des outils démontrant l’impact du

Page 186: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

171

changement en chiffre ainsi que différents graphiques qui permettront de suivre son

évolution. La direction considère aussi que le court délai pour implanter ces

nouvelles méthodes de travail est un élément qui favorise la mobilisation et la

responsabilisation des professionnels.

La planification s’achève donc sur la rédaction d’un document final

expliquant le fonctionnement, la structure et le contenu des rencontres de groupes.

La direction veut faire participer ses employés à cette étape. Ainsi, les quatre chefs

de programme (dirigeant les opérations des huit sites du CR offrant un programme

en déficience du langage) sont rencontrés dans une même réunion. Lors de cette

rencontre, ils émettent un premier jet du document et certains soulèvent plusieurs

réserves personnelles quant à ce que devra être la version finale. Il est évident, selon

les membres de la direction clinique, que lors de cette réunion ce ne sont pas tous les

chefs de programme qui sont enthousiastes quant au projet de réorganisation. Les

coordonnateurs cliniques, qui ont pour rôle de coordonner les plans d'intervention

avec le client et les membres de l'équipe (orthophonistes, éducateurs spécialisés),

sont également consultés lors d’un « focus group », sans toutefois obtenir de

rétroaction quant à leurs commentaires. Les orthophonistes et les éducatrices

spécialisées n’ont pas été directement consultés au sujet des modalités du projet. La

direction clinique justifie ce choix de ne pas impliquer formellement les

professionnels par son mot d’ordre : urgence et rapidité d’exécution.

Page 187: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

172

Il est donc entendu et mis sur papier formellement avec le comité de direction

et les chefs de programme que le premier objectif visé par cette solution est d’offrir

le 1er

service dans un délai maximum de 90 jours sans toutefois déplacer la liste

d’attente au niveau du suivi régulier. Le deuxième objectif concerne la qualité de

service qui importe grandement aux coordonnateurs cliniques. Pour ce faire, la

satisfaction des clients sera évaluée au cours de l’hiver 2010, et ce, sous forme de

questionnaire.

Convaincre les chefs de programmes

Le 4 septembre 2008, la DGA rencontre ses quatre chefs de programme pour

leur présenter le programme final et les convaincre des bienfaits du projet. Certains

restent critiques tandis que d’autres ne voient aucun inconvénient à ce projet. En

effet, comme mentionné plus tôt, certains centres avaient déjà pris l’initiative, depuis

quelques mois, de développer des méthodes similaires au sein de leur processus

d’intervention afin de contrer la pénurie de professionnels dans leur centre. Les

responsables des interventions au sein de ces points de service avaient d’ailleurs été

consultés il y a quelques mois afin qu’ils donnent leur opinion sur le contenu du

programme. La chef de programme de ces trois .équipes ne sent donc pas

particulièrement que lac direction clinique lui demande une réorganisation

importante. Toutefois, ses homologues pensent autrement…

À ce stade, il appert crucial pour la DGA de consacrer de l’énergie afin de

convaincre l’entièreté de ses chefs de programmes à adopter un tel projet puisqu’il

Page 188: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

173

est prévu que c’est précisément par ceux-ci que les communications concernant la

réorganisation circuleront.

L’annonce du changement (Septembre 2008)

Urgence et rapidité d’exécution sont les mots d’ordre. Ainsi, tout en étant

consciente que l’ensemble des chefs de programme ne sont pas encore convaincu du

projet de réorganisation, la direction clinique décide tout de même de débuter la

communication et d’annoncer le changement rapidement puisqu’à son avis, ceci

pourrait empêcher une certaine résistance au changement. Selon la DGA, si les

réfractaires sont confrontés aux exigences et aux réalités du terrain, ils suivront

nécessairement le tempo qui leur sera imposé par les objectifs de performance. Ainsi,

une publication expliquant les grandes lignes du projet, signée par la DGA et écrite il

y a de cela plusieurs mois soit à l’été 2008, parait dans le journal interne au mois de

novembre 2008.

Des rumeurs circulent

Les orthophonistes, dont environ 25 sont rattachés plus particulièrement au

programme de déficience de langage, perçoivent en majorité le premier service offert

en groupe comme étant une imposition, n’ayant pas été formellement consultés. Face

à cette imposition des nouvelles façons de faire et considérant qu’ils ont manqué

d’information par rapport au projet, certains orthophonistes sont contre la

réorganisation et commencent à parler du projet comme étant une nuisance à leur

travail. Notamment, ils s’écrivent des courriels entre eux et des rumeurs circulent.

Page 189: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

174

Les orthophonistes perçoivent certains de leurs rôles et responsabilités glisser au

profit des éducateurs spécialisés. Comment des tâches qui requièrent une formation

poussée en orthophonie peuvent être accomplies par des éducateurs spécialisés!

Voilà le type de pensée représentative des préoccupations des orthophonistes.

En réaction aux rumeurs qui contaminent négativement les orthophonistes, la

DGA convoque une réunion afin de les informer des paramètres de la nouvelle

méthode de travail. Selon le comité de pilotage, cette rencontre est appréciée du

personnel qui sait maintenant à quoi s’en tenir. La direction prend également

conscience qu’il y a nécessité de convaincre rapidement les chefs de programme qui

pourront à leur tour convaincre leurs coordonnateurs cliniques qui, eux, pourront

convaincre les intervenants et les renseigner sur les fondements du projet. De leur

côté, les orthophonistes sont ambivalents. Certains voient les bienfaits pour le

traitement, d’autres n’apprécient pas trop le fait de ne pas être consultés et d’être

lancés rapidement dans cette réorganisation. Malgré ceci, selon les avis du comité de

direction clinique et des orthophonistes, cette réunion a su apaiser certaines tensions,

mais pas toutes.

Les éducateurs spécialisés de leur côté sont aussi mitigés quant à la

réorganisation. Certains y voient les bienfaits tandis que d'autres se demandent s’ils

pourront répondre à ces nouvelles exigences. Ces nouvelles tâches ne débordent-elles

pas de ce pourquoi nous avons été formés? Avons-nous les moyens d’appliquer les

nouvelles pratiques qui seront dictées? Ces tâches, ne relèvent-elles pas des

Page 190: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

175

compétences des orthophonistes plutôt? Est-ce que cela laisse présager une surcharge

de travail? Ces professionnels ont également entendu que les orthophonistes ont

obtenu une réunion avec la direction clinique afin d’obtenir des réponses à leurs

questionnements. Que ces questions soient toutes répondues ou non, pourquoi ne

peuvent-ils pas participer eux aussi à une telle réunion? D’un autre côté, plusieurs

éducateurs spécialisés sont nouvellement engagés par le CR. En fait, au mois de

novembre 2008, le ratio d’éducateurs spécialisés par rapport au nombre

d’orthophonistes est passé de 1 pour 3 à 1 pour 2. Pour ceux-ci la réorganisation

n’est pas perçue de la même façon. Les compétences qui leur sont demandées sont

presque toutes « nouvelles » pour eux. Ainsi, ils sont plutôt en mode d’adaptation et

d’apprentissage face à un nouvel environnement de travail.

La direction clinique organise donc une seconde réunion à l’automne 2008

afin d’expliquer la démarche aux éducateurs spécialisés. Tout comme avec les

orthophonistes, la DGA profite de l’occasion pour expliquer que la réorganisation

consiste en une gestion par résultat comprenant des balises spécifiques. Toutefois, les

intervenants ont une certaine liberté d’action à l’intérieur de ces balises. L’objectif

d’un tel remaniement est d’augmenter la performance des différents points de service

en étant plus efficient et donc, en réduisant la charge de travail de chacun. Selon la

direction et les éducateurs spécialisés, cette rencontre est appréciée. En effet, ceci a

permis au personnel d’avoir le point de vue des autres points de service où tout se

passe bien. Ainsi, ceci a permis de donner espoir en la solution proposée et de

diminuer les résistances à l’avenir.

Page 191: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

176

Une structure de pilotage en adaptation (janvier - mai 2009)

De nouvelles personnes se joignent à l’équipe pour fournir de l’aide aux

intervenants sur le terrain. Au mois de janvier 2009, une conseillère cadre clinique se

joint à l’équipe de pilotage de même qu’une chargée de projet en mai 2009. Leurs

rôles consistent principalement à effectuer un suivi sur le terrain quant à

l’avancement du projet et à fournir de l’aide ainsi que des outils aux intervenants.

Ces dernières ont reçu l’information concernant le nouveau type d’intervention en

groupe par l’entremise des membres du comité de direction et des communications

écrites qui avaient été produites au début du projet. Leur intégration au projet s’est

déroulée de façon informelle au fil des rencontres mensuelles. Par contre, sur le

terrain, elles ne sont pas particulièrement reconnues par les employés.

La chargée de projet communique avec le terrain et reçoit l’information à

travers le comité de direction et par l’entremise du courriel et du téléphone. Pour

rejoindre les gens sur le terrain, la chargée de projet organise normalement deux

rencontres par mois qui rassemblent habituellement les quatre chefs de programme.

Ceux-ci sont ensuite en charge de diffuser l’information sur le terrain tel que prévu

par la DGA. Pour donner suite à ces rencontres, les communications se font par

courriel, que ce soit pour créer ou modifier certains outils ou pour tenter de

convaincre le personnel des différents objectifs à atteindre.

Le processus communicationnel respecte jusqu’à maintenant le

fonctionnement habituel du CMR. La DGA transmet ses informations à la DSP et la

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177

DSR qui est responsable d’aider les chefs de programme à gérer les nouveaux

processus tout en ayant comme tâches de coacher et de soutenir les orthophonistes

ainsi que les éducatrices spécialisées. Elles n’agissent pas à titre de communicatrices

directes avec les professionnels et les techniciens sur le terrain.

Pour favoriser la bonne communication, qui comme la DGA l’a identifiée dès

le départ, est un facteur de succès essentiel, cette dernière met sur pied un comité

formel de coordination au printemps 2009. Les personnes qui participent au comité

de pilotage et au comité de coordination sont les mêmes, seulement les chefs de

programmes s’ajoutent pour former le comité de coordination. La direction transmet

donc l’information par la chargée de projet, qui elle communique ensuite avec les

chefs de programme. Ce comité sert aussi de lieu de rencontre afin de communiquer

en groupe certaines directives et de recueillir les commentaires des chefs de

programme. Ces derniers ont, de leur côté, la responsabilité de transmettre

l’information à leurs employés et de recueillir leurs commentaires.

Formation des éducateurs spécialisés

Une formation est mise sur pied par le comité de pilotage et quelques

orthophonistes enthousiastes à l’idée de jouer un rôle de formateur. Celle-ci est

lancée au mois de mai 2009 et, afin de ne pas brusquer les éducateurs spécialisés,

cette formation n’est pas obligatoire. Cette dernière vise à outiller les éducateurs

spécialisés pour l’animation des rencontres en groupe. Ils suivent donc des ateliers

portant entre autres sur l’animation de groupe, mais surtout sur le contenu des

Page 193: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

178

rencontres en présentant des outils d’intervention en déficience du langage. Lors de

cette formation, les professionnels provenant des trois points de service ou le « projet

langage » existait déjà sous une autre forme se font rares étant donné qu’ils sont déjà

familiers avec les nouvelles méthodes de travail. En effet, comme ces derniers le

soulignent, ils se sentent déjà suffisamment outillés pour tenir ces rencontres. De

plus, ils sont confortables à l’idée d’aller consulter un orthophoniste de leur centre

dans la mesure où ils auraient besoin de soutien à ce niveau. Pour tous les autres

éducateurs spécialisés, le niveau de participation est presque total et le niveau de

satisfaction quant à la formation reçue est très bon. L’application d’outils concrets

vient rassurer plusieurs des participants réticents au changement.

Un site intranet, le « G », est même mis à la disposition des professionnels et

techniciens afin de partager sur les outils d’intervention. Des orthophonistes y

déposent donc des fiches concernant les objectifs et les méthodes d’utilisation des

multiples outils. Les utilisateurs de ce site sont très satisfaits, quoique peu nombreux.

Il est a souligné que le comité de pilotage n’oblige personne à y participer, tout

comme pour la formation, et qu’aucune gestion du site n’est faite régulièrement.

Bilan du lancement (été 2009)

À l’été 2009, la DGA est très satisfaite du traitement en groupe animé par les

éducateurs spécialisés. Après seulement quelques mois, la liste d’attente pour

recevoir un premier service est réduite à zéro. Ces bonnes performances permettront

de convaincre ceux qui résistent toujours au changement, selon la DGA. En effet,

Page 194: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

179

comme le reconnait cette dernière, il y a encore plusieurs résistants, particulièrement

à l’intérieur des points de service où le changement implique une plus grande

réorganisation. Principalement, les orthophonistes sont toujours à convaincre, tout

comme les chefs de programme. Ce n’est toujours pas tout le monde qui voit les

points positifs de ces traitements en groupe.

Pour la suite des choses, deux enjeux sont importants selon le comité de

pilotage et la DGA. Premièrement, la communication doit être intensifiée concernant

les éléments bénéfiques du projet. À cet effet, la DGA et la chef de programme sont

bien contentes d’apprendre que le « projet-langage » des points de service de cette

dernière a été sélectionné par le congrès québécois de réadaptation en déficience

physique pour faire l’objet d’une présentation le 31 octobre 2009. Trois

intervenantes provenant de ces trois points de service iront présenter le projet.

L’expérience personnelle qu’elles communiqueront suffira peut-être à rassurer et

rallier ceux qui sont toujours réticents? La communication avec les chefs de

programme reste donc essentielle dans les mois qui suivent étant donné le nombre

encore trop élevé de professionnels qui refuse de collaborer pleinement.

Deuxièmement, la DGA voit l’importance de divulguer les chiffres

concernant la performance du projet. La liste d’attente ayant diminuée à zéro,

l’ensemble des critères du MSSS ayant été respecté, elle se demande maintenant

combien d’enfants sont en attente du deuxième service, soit le suivi régulier.

Combien sont-ils à avoir participé aux rencontres de groupe et qui sont maintenant

Page 195: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

180

en attente d’évaluation afin de recevoir ce que l’on appelait avant la réorganisation le

premier service (avec un orthophoniste, un ergothérapeute ou un éducateur

spécialisé)?

4.3.4 Étude de Cas : Partenariat CSSS – CRD

Le cas Partenariat CSSS - CRD est un projet de changement organisationnel

majeur entrepris dans le cadre du projet LEGG. Ce projet d’innovation est élaboré

entre un CSSS hospitalier et un Centre de réadaptation en dépendance au sein du

système de santé québécois. Le cas a été conçu à partir d’entrevues réalisées aux

mois d’octobre et novembre 2009. Au total huit participants ont été interviewés par

deux chercheurs du projet LEGG suivant le protocole d’entrevue semi-structurée

présenté à l’annexe 1. Les entrevues ont duré entre 45 et 60 minutes.

Mise en contexte

Un système de santé efficace et crédible aux yeux de la population prévoit de

mettre en place des services de soins capables d’accueillir tous maux possibles chez

ses utilisateurs. Ceci peut se faire en première ligne, par des services médicaux et

sociaux généraux, en deuxième ligne par des services spécialisés ou en troisième

ligne par des services surspécialisés.

L’offre de service de santé se doit de comprendre les troubles

psychologiques. Ceux-ci sont divisés en plusieurs catégories selon les causes ou les

conséquences de la psychopathologie, selon la population touchée et selon la sévérité

des cas. Ainsi, il existe des corridors de service de 2e ligne portant sur des

Page 196: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

181

problématiques telles que : les troubles de santé mentale, les dépendances, la

déficience intellectuelle, etc. Ces services de seconde ligne nécessitent toutefois une

intervention de première ligne visant l’accueil, les urgences et les évaluations

préliminaires.

Le système de santé au Québec est divisé en 18 régions, chacune chapeautée

par une Agence de Santé et Service Sociaux (ASSS). Celle-ci a pour objectif la

coordination des différents établissements de santé de son territoire afin d’en assurer

la performance à tous les niveaux. L’ASSS du territoire concerné ici comprend près

de 20 établissements publics dont près de la moitié sont des Centre de Santé et de

Services Sociaux (CSSS). Ces CSSS ont la responsabilité de planifier l’organisation

des services sur chacun de leur territoire pour l’ensemble des programmes clientèles.

À ces CSSS se rajoutent divers centres régionaux spécialisés pour la plupart en

réadaptation, par exemple le Centre de Réadaptation en Dépendance (CRD).

L’Hôpital Saint-Jean (CSSS)

L’hôpital Saint-Jean est intégré, depuis 2004, au sein d’un Centre de Santé et

de Services Sociaux (CSSS). L’hôpital Saint-Jean offre plusieurs programmes de

soins et de services gérés en cogestion. Le programme au centre du présent cas est

celui de Santé mentale et Déficience intellectuelle Adulte (SMDA). Il est dirigé par

Mme Gravel au niveau clinico-administratif et par le docteur Pierre Thibodeau, au

niveau médical. Tous les deux sont considérés comme d’excellents gestionnaires.

Mme Gravel a été choisie comme candidate au programme « GESTION », un

Page 197: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

182

programme de formation de prestige en santé chapeautée par la Fédération

canadienne de recherche en santé et services sociaux. De son côté, le Dr Thibodeau

possède une vaste expérience de gestion et a dirigé divers départements de

psychiatrie ici et à l’étranger. Les deux ont mutuellement confiance en leur capacité

de faire face aux défis que pose la gestion du programme.

Mme Gravel se dit personnellement préoccupée par l’amélioration continue

de ses services. Elle sent bien la pression du ministère concernant la qualité et

l’efficience des soins promulgués. C’est dans cette perspective que, dès la fin 2007

en analysant les différents indicateurs de performance à sa disposition, Mme Gravel

se rend compte d’une inefficience importante dans le programme SMDA. En fait,

les patients suivis en deuxième ligne pour des soins en santé mentale incluant les

troubles de personnalité, psychotiques et de l’humeur ne semblent pas progresser de

façon satisfaisante. Plus précisément, plusieurs de ces patients abandonnent leur

traitement en cours de route ou ils rechutent et doivent se représenter à l’hôpital afin

de reprendre les traitements. De l’expérience du Dr Thibodeau et de quelques autres

psychiatres du programme, ce taux d’échec est principalement dû à un phénomène de

comorbidité. Ces patients ne présentent pas seulement des difficultés de santé

mentale mais ils souffrent aussi, en concomitance, de troubles de dépendance aux

drogues, à l’alcool ou au jeu. Il est difficile d’observer des progrès en santé mentale

si le patient souffre de dépendance et n’est pas suivi en rapport à cette dépendance.

On sait que la motivation en cours de traitement peut chuter rapidement et que

l’hygiène de vie après-traitement peut entrainer une recrudescence des rechutes.

Page 198: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

183

Lorsque ces patients sont diagnostiqués comme présentant ces signes

concomitants, ils sont alors référés au CRD car, selon les psychiatres et

psychologues du CSSS Saint-Jean, il s’avère plus facile et plus utile de traiter les

difficultés de santé mentale après que les problèmes de dépendance aient été

solutionnés.

Selon une étude (Mercier et Beaucage, 1997), entre le tiers et la moitié des

patients traités pour des difficultés de santé mentale présentent un trouble de

toxicomanie. De l’autre côté, entre la moitié et le deux tiers des patients suivis pour

troubles de dépendance présentent aussi des problèmes de santé mentale. Plus en

profondeur, selon une autre étude (Chassé et al., 1999) les dossiers cliniques des

patients en santé mentale ne contiennent que très rarement des informations sur les

problématiques de toxicomanie. Dans cette étude et au CSSS Saint-Jean, on s’entend

pour dire que les troubles de dépendances sont sous-évalués. Un trouble concomitant

apporte facilement de la confusion, le trouble mental pouvant masquer le trouble de

dépendance lors de l’évaluation. De plus, les cliniciens des centres hospitaliers ne

sont pas confortables à l’idée de questionner les patients sur la consommation de

substances psychoactives, particulièrement lorsqu’elles sont illégales.

Mme Gravel prend donc conscience que son programme est confronté à la

même situation que plusieurs autres. En bref, il n’est pas approprié pour répondre à

cette clientèle particulière. Plus précisément, elle ne dispose pas d’intervenant

Page 199: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

184

spécialisé en troubles de dépendance. Cela s’explique en partie par le fait que le

système de santé vise à prendre en charge ce problème par la mise sur pied de

centres de réadaptation spécialisés tels que le Centre de Réadaptation en

Dépendances (CRD). Voyant l’inefficacité de la collaboration indirecte (c'est-à-dire

en encourageant le patient à se rendre au CRD), elle se doit de réfléchir à une autre

solution.

Le Centre de réadaptation

Le CRD est un centre de réadaptation spécialisé dans le traitement des

problèmes d’abus et de dépendances aux drogues, à l’alcool et au jeu. Opérant sur un

budget de huit millions de dollars (2007), il emploie environ une centaine

d’intervenants à travers huit points de service dans la région. De tels centres sont

prévus afin d’apporter des services spécialisés de qualité à la population.

Le directeur des services professionnels et de réadaptation du CRD, M.

Giroux est au courant de la problématique constatée par Mme Gravel. D’ailleurs, il a

déjà été contacté dans le passé par un autre hôpital de la région pour la même

clientèle, soit celle présentant un trouble concomitant. La direction de cette dernière

a tenté de mettre sur pied un partenariat avec le CRD afin de coordonner de façon

plus rigoureuse le processus de référence entre les deux établissements. Ceci, dans le

but de diminuer le taux de rechute et d’abandon de traitement. Par contre, comme le

souligne M. Giroux, le CRD est un petit établissement en comparaison aux hôpitaux

ou aux CSSS. À son expérience, ces gros joueurs du réseau ne se préoccupent pas

Page 200: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

185

réellement des besoins d’un CRD et de sa façon de fonctionner, plus flexible selon

son personnel. Ainsi, au CRD, la structure hiérarchique est très rudimentaire et mise

sur une gestion participative. À son avis, force est de constater que le système

hospitalier requiert souvent les services des intervenants en traitement des

dépendances du CRD afin d’améliorer ses propres performances, mais ne réussit pas

réellement à lui offrir un soutien significatif en retour.

Même s’il sait qu’une collaboration entre le CSSS Saint-Jean et le CRD est

fortement souhaitée par l’ASSS de la région, il est tout de même conscient que ceci

ne ferait qu’augmenter son nombre d’usagers. Les intervenants du CRD sont

conscients qu’ils font de plus en plus face à une hausse du nombre de patients

présentant un trouble concomitant et qu’ils ont besoin de plus de temps de traitement

et d’un suivi plus long. Comme ces intervenants sont déjà surchargés de travail, un

tel projet ne fait qu’accroître la charge de travail sans pour autant suggérer de

retombées positives. Au CRD, on ne considère même plus cela comme une

opportunité de mieux faire connaître ses services. M. Giroux, se désole toutefois de

cette situation puisqu’il observe constamment les effets négatifs de ce manque

d’intégration dans les services. Malheureusement, il reconnaît que son centre n’a pas

l’envergure suffisante pour influencer ces « machines bureaucratiques» que sont les

hôpitaux de la région tel que Saint-Jean.

Au début 2008 il reçoit un appel de Mme Gravel, qui lui fait part de ses

observations concernant la faible performance de son programme dans le traitement

Page 201: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

186

de patients atteints de troubles concomitants de santé mentale et dépendances. M.

Giroux ne peut qu’être en accord avec ce constat mais hésite à s’engager plus avant

dans une collaboration avec un Centre hospitalier, compte tenu de ses expériences

antérieures.

Mme Gravel est très consciente des distinctions entre les deux organismes et

elle ne souhaite en aucun cas simplement « profiter » du CRD. Une association

durable et organisée est de loin préférable. Elle souhaite qu’une telle collaboration

puisse favoriser l’évolution et l’apprentissage des deux centres et indique clairement

son intention de se laisser influencer par les façons de faire des intervenants en

dépendance. On convient que tout succès résidera dans cette compréhension

mutuelle. Afin de mettre sur pied des services profitables au continuum de service de

chaque partenaire, Mme Gravel propose une solution jamais expérimentée

auparavant. Elle souhaite assigner un psychiatre volontaire à quelques jours de

travail par semaine au sein du CRD afin de soutenir les intervenants en dépendance

en regard des problèmes de santé mentale des patients concernés. M. Giroux

reconnait qu’une telle offre s’inscrit bien dans le type de collaboration qu’il souhaite.

Il envisage donc aussi que ses intervenants puissent aller soutenir, eux aussi, les

psychologues et psychiatres du CSSS en leur apportant leurs savoir-faire.

Rapidement une atmosphère ouverte et axée sur la collaboration s’installe.

Page 202: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

187

La mise en place du comité de pilotage

Quelques rencontres ont eu lieu entre Mme Gravel et M. Giroux qui invitent

le Dr Thibodeau à participer aux réflexions. Tous s’entendent rapidement sur la

nécessité de structurer leurs actions. Après tout, le système de santé est prévu pour

bien distinguer leurs deux types de service, il y aura donc des embuches à déployer

un processus bien intégré. Ils s’installent donc tous les trois en mode pilotage de

projet afin de planifier un tel projet. Mme Gravel joue le rôle de « porte-parole » du

groupe et s’assure de constamment placer le compte rendu des travaux du groupe à

l’ordre du jour du Conseil d’administration de l’hôpital afin de le garder bien vivant.

Ce groupe de travail met sur papier des dizaines d’ « actions » à entreprendre

pour soutenir cette collaboration. Cet exercice leur permet de constater à quel point

ils devront concrètement investir de l’énergie à réviser les structures et les habitudes

en place. Ils concluent de cet exercice qu’il est essentiel d’engager un consultant

capable de guider l’élaboration des priorités et la planification du projet. Ils veulent

toutefois éviter de confier un tel projet à quelqu'un de l’interne des établissements

afin d’éviter un parti pris, ne serait-ce que perceptuel, dans la conduite de ce projet.

Ils conviennent d’un commun accord, et avec enthousiasme, de confier ce

mandat à M. Tremblay, consultant externe ayant assumé de très nombreux mandats

en dépendances et quelques-uns en santé mentale au cours des 20 dernières années

en lien à la planification, l’organisation ou l’évaluation des services à un niveau

Page 203: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

188

local, régional ou provincial. Il est à souligner que M. Tremblay a déjà assumé

quelques mandats de consultant au CRD.

Rapidement, M. Tremblay s’investit dans la planification du projet et est

rapidement considéré une source importante dans le succès du projet. Les

intervenants du CRD se sentent en quelque sorte protégés par M. Tremblay. En

outre, afin de l’aider à se positionner au cœur des deux centres, on lui offre un poste

de travail au CSSS Saint-Jean. On vise ainsi à mobiliser le personnel de Saint-Jean

face au projet et de leur démontrer les bienfaits d’un partage avec le CRD.

Avant de diagnostiquer et de prioriser certaines de ces « dizaines d’actions »

à mettre en œuvre, plusieurs interventions coordonnées par M. Tremblay sont mises

en place afin d’optimiser les chances de succès de cette intention.

Premièrement, de la fin de 2007 à mars 2008, deux gestionnaires du

programme SMDA du CSSS Saint-Jean participent au comité santé mentale du

CRD. Ceci se veut une première intervention visant à rapprocher les deux centres

afin que leurs membres se connaissent davantage et qu’ils puissent explorer les

différentes possibilités de collaboration.

Ensuite, le chargé de projet lance un diagnostic organisationnel en avril 2008

auprès de 90 praticiens et gestionnaires de programme du SMDA du CSSS Saint-

Jean. Ce diagnostic est effectué à l’aide d’un questionnaire visant à recueillir les

Page 204: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

189

propos des participants sur l’état des services à la clientèle présentant un trouble

concomitant et sur les besoins de services et de formation pour améliorer la situation.

Suite au traitement des réponses au questionnaire, en juin 2008, M. Tremblay

rencontre toutes les équipes de travail afin de partager les résultats et les perspectives

possibles d’amélioration qui en découle.

Troisièmement, en juillet 2008, un comité de pilotage inter-établissements est

officialisé. Celui-ci regroupe les membres des deux directions propagatrices du

projet. Ainsi, Mme Gravel, Dr. Thibodeau et M. Giroux se joignent à M. Tremblay

pour former ce comité qui débute une série de rencontres de planification du projet

visant à mieux desservir la clientèle présentant des troubles concomitants en santé

mentale. M. Tremblay met aussi rapidement en place un comité conjoint afin de

discuter de ces différentes actions au niveau clinique autant qu’administratif. Ce

comité rassemble des membres des deux centres en jeu. Ainsi, des membres du CRD

et du CSSS sont sélectionnés selon leur motivation et leur niveau de responsabilités

pour le succès du projet. Pour le CRD, la chef administratrice des programmes, une

psychologue, un intervenant-coordonnateur et un agent en relations humaines sont

invités. Pour le CSSS, deux chefs de programme, deux coordonnatrices et la

psychiatre, Mme Girard, sont invités comme représentants.

Finalement, suite aux travaux collaboratifs du comité santé mentale du CRD

et au diagnostic des besoins au CSSS Saint-Jean, les comités de pilotage et conjoint

ont fait le dépôt final d’un cadre d’implantation en novembre 2008. Celui-ci contient

Page 205: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

190

les assises théoriques d’un rapprochement des partenaires en termes de bonnes

pratiques, de concepts clés, de sélection de la clientèle visée et de choix d’actions

susceptibles d’être réalisées dans le but de mettre en place des services intégrés. Ce

cadre prévoit entre autres cinq actions prioritaires pour le bon déroulement du projet.

Les cinq actions du cadre d’implantation (printemps 2009)

Pour la clientèle présentant un trouble psychotique au CSSS Saint-Jean:

1- Co-animation de groupe de type « psychoéducatif » par un intervenant du

CRD auprès des différents services du CSSS Saint-Jean et portant sur la

problématique des troubles concomitants en santé mentale et dépendance.

2- Indications cliniques dispensées par un intervenant du CRD en vue

d’aider les praticiens de 2e ligne à mieux travailler certains aspects de la

problématique dépendance dont la motivation au changement de leurs

patients.

3- Intensification et formalisation de la collaboration entre le Suivi Intensif

dans le Milieu (SIM) et le CRD afin de favoriser l’accessibilité au

service, et la persévérance en traitement pour la clientèle du SIM.

Pour la clientèle présentant un portrait clinique complexe au CRD:

4- Disponibilité d’un psychiatre du CSSS Saint-Jean pour procéder à des

évaluations psychiatriques et participer à des discussions pour clarifier le

portrait diagnostique. Cette clientèle est susceptible d’être référée pour un

suivi médical conjoint en lien à une médication.

Page 206: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

191

Pour la clientèle présentant un trouble de personnalité limite ou narcissique

sévère au CRD:

5- Participation d’un psychologue du module « troubles de personnalité » du

CSSS Saint-Jean à des discussions cliniques afin d’ajuster le plan de

traitement. Cette clientèle est très fréquemment suivie par les deux

établissements et les plans de traitement demandent à être coordonnés et

même intégrés.

La mise en œuvre des 5 actions

La collaboration entre les deux établissements se formalise aux dires des

deux comités. Les actions 1, 2 et 3 visent à partager le savoir du CRD au sein du

CSSS Saint-Jean afin d’améliorer la rétention des patients dans leur suivi et

augmenter le niveau de confort et d’efficacité des professionnels dans leurs

interventions portant sur la consommation d’alcool et de drogues chez leurs patients.

Les actions 4 et 5 visent à améliorer le suivi des patients au CRD. Un psychologue et

une psychiatre du CSSS iront soutenir, par leur travail, les évaluations en santé

mentale ainsi que la qualité des suivis au CRD. En avril 2009, on amorce les travaux

d’implantation de ces cinq actions.

Trois intervenants au CRD se trouvent particulièrement impliqués dans ces

trois premières actions. Évidemment que pour eux, à première vue, ces actions

représentent une surcharge de travail. De plus, compte tenu de leurs expériences

antérieures avec un autre hôpital, ils redoutent que le projet ne se traduise par une

simple surcharge de la liste de patients du CRD. Par contre, conscient de la

Page 207: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

192

problématique des troubles concomitants, ils s’investissent à faire leur part pour

contribuer à la mise en place de services intégrés.

Les actions pour la clientèle du CSSS Saint-Jean

Deux professionnels du CRD se rendent formellement, une fois par semaine,

dans des groupes cliniques de suivi de patients psychotiques atteints aussi d’un

trouble de dépendance. Il est à noter que ces patients sont présents et au cœur de ces

réunions cliniques. Les intervenants du CRD sont invités à apporter leur expertise et

peuvent aussi assurer un certain suivi auprès des patients référés au CRD. Ils

promulguent donc des conseils spécialisés en toxicomanie aux psychologues et

psychiatres du groupe. L’action 1 est donc mise en œuvre. En juillet 2010, 73

patients ont déjà bénéficié de ces rencontres.

Pour M. Lemoine, intervenant au CRD ainsi que pour le comité de pilotage,

la deuxième action est en continuité avec la première. Toujours avec sa collègue, ils

élaborent avec plusieurs acteurs et références dans le domaine, un canevas de

réflexion sur l’ « entrevue motivationnelle ». Cette forme d’entrevue a comme

objectifs de 1) travailler la motivation du patient afin qu’il accepte que le CRD

s’implique dans une intervention intégrée plus étendue que les seules discussions de

cas entre le CRD et le CSSS ; 2) motiver le patient à suivre son traitement en

toxicomanie jusqu’à la fin. Les interventions et sujets de discussion autant que les

formulations à adopter sont formalisés afin de diffuser ce contenu à l’intérieur d’une

formation/séminaire aux psychiatres et psychologues du CSSS. Cette action vise à

Page 208: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

193

faire diminuer le taux d’abandon élevé des patients en les motivant à compléter leur

traitement en entier. Tous voient l’importance et l’efficacité de ces interventions. De

plus, l’équipe s’efforce d’être efficace dans le temps requis des participants. En effet,

comme tous vivent une certaine surcharge clinique, Mme Cardin et M. Carpentier

réussissent à dispenser la formation en 7 réunions au cours de l’été 2010. Une telle

formation sur l’entretien motivationnel est de mise aux dires de tous. Ainsi, un

programme de formation est élaboré et deux participants sont formés.

Ces expériences sont très positives aux dires de M. Lemoine. Les

professionnels avec qui il doit interagir sont très ouverts à devenir plus efficaces sur

ces sujets. Ils sont donc chaleureux lors des échanges et lui partagent aussi de leur

savoir en santé mentale. Il avoue que le fait de rencontrer ces professionnels du

CSSS de façon régulière fait en sorte qu’ils lui apparaissent de plus en plus

sympathiques. Une des grandes retombées positives à son avis est ce rapprochement

essentiel entre des membres des deux centres.

L’action 3 porte sur l’intensification et la formalisation de la collaboration

entre le Suivi Intensif dans le Milieu (SIM) et le CRD pour faciliter la rétention des

patients à leur traitement. Pour ce faire, il est prévu qu’un intervenant du CSSS

accompagne un patient dans un traitement au CRD. En effet, les interventions du

SIM (CSSS Saint-Jean) portent à plus long terme contrairement aux interventions

ciblées à court terme du CRD. Ainsi, plutôt que de référer un patient du SIM vers le

CRD, l’intervenant du SIM l’accompagne en personne au CRD et joint son expertise

Page 209: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

194

à l’intervenant en dépendance à toutes les étapes du processus. Cette action

développe des apprentissages de part et d’autre. Les acteurs du CSSS se familiarisent

avec les approches des intervenants du CRD. Et ces derniers développent des

connaissances au niveau du suivi en santé mentale. Selon les divers participants au

projet, cette initiative permet d’assurer un suivi étroit des patients dans un climat de

partage et de bonne entente. L’implication des acteurs des deux centres et la

formation sur l’entrevue motivationnelle d’un intervenant du SIM contribuent toutes

les deux à rehausser le niveau de rétention des patients.

En date de juillet 2010, dix patients bénéficient de cet accompagnement et

s’en disent très satisfaits. Il est à noter par contre que les patients éligibles à ce

partenariat précis sont habituellement des cas complexes déjà connus depuis

plusieurs années par les deux centres et requièrent une démarche au long court bien

que dans les faits cela puisse se vivre parfois par des épisodes successifs de

traitement. Il y a donc toujours du travail à faire afin de développer une approche

permettant des soins d’encore meilleure qualité dans une intégration des traitements

des deux centres. Les retombées possibles sont d’ailleurs motivantes pour les

intervenants. Il est démotivant pour ces intervenants de perpétuellement

recommencer les traitements parce qu’un patient ne donne pas de suite à sa référence

au SIM ou au CRD, ou lorsque son traitement est mis en péril par un épisode de

consommation ou un épisode psychotique. Ce suivi collaboratif entre les deux

centres apparaît donc comme étant plein de potentiel. Cependant, cela nécessite un

Page 210: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

195

certain investissement des professionnels ainsi qu’une mécanique permettant le

profilage des usagers et l’accompagnement de ces derniers vers les services du CRD.

Aujourd’hui, en regard des actions 1 à 3, M. Lemoine et ses collègues

reconnaissent qu’une problématique demeure. En effet, afin d’apporter un soutien

précis et spécialisé aux cliniciens du CSSS, les intervenants du CRD ont besoin que

les difficultés cliniques de ces patients soient bien documentées. Or, il est rare que

les cliniciens produisent par écrit cette documentation détaillée. Ainsi, il s’avère

difficile pour les intervenants du CRD d’identifier les besoins spécifiques des

psychiatres et psychologues en matière de toxicomanie. M. Lemoine se voit donc

obligé d’investir plus de temps et d’énergie pour mieux caractériser les besoins des

cliniciens et, du même coup, cela rend certaines de ses interventions plus vagues et

plus lentes. Toutefois, ce manque de communication n’a pas que des effets négatifs.

Ainsi, plusieurs s’entendent pour dire que cela force en quelque sorte les intervenants

à mieux s’écouter et à mieux collaborer afin de répondre aux besoins de chacun.

Ainsi, on en vient à développer une meilleure collaboration et une spécificité plus

grande concernant l’aide à apporter.

Pour M. Lemoine, le projet s’annonce déjà comme un succès. Il est en

mesure de constater les effets positifs de cette collaboration. Pour lui, comme la liste

de patients est maintenant mieux gérée et suivie, cela a des effets positifs sur la

charge de travail. Il ne perçoit pas les effets négatifs observés comme ce fut le cas

Page 211: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

196

pour le projet avec cet autre hôpital de la région. Par contre, il lui est impossible

d’estimer le succès de ces mesures chez son partenaire, le CSSS Saint-Jean.

Bref, ses craintes sont maintenant réduites et il voit beaucoup plus

d’avantages que d’inconvénients au déploiement de ces trois premières actions.

Aujourd’hui, un psychologue de Saint-Jean participe une fois par mois à la réunion

d’équipe du CRD. Il partage de l’information et stimule la réflexion et la discussion

concernant les troubles de personnalité en vue d’ajuster le plan d’intervention. Puis,

une psychiatre vient une demi-journée par mois pour faire des évaluations

psychiatriques auprès de certains clients suivis au CRD. Pour M. Lemoine, cet accès

à une psychiatre facilite beaucoup leur travail. Pour lui, cette formule rend disponible

à chaque partenaire une expertise qui manquait cruellement à chacun d’eux

antérieurement.

Les actions pour la clientèle du CRD

Rappelons que l’action 4 visait à rendre disponible au CRD une expertise en

évaluation psychiatrique. La docteur Girard du CSSS Saint-Jean s’est portée

volontaire afin de remplir cette fonction. Depuis le mois de mars 2009 elle se rend au

CRD une demi-journée par mois fois afin de procéder à des évaluations

psychiatriques et parfois participer à une discussion de cas. Cette activité permet

également de partager ses connaissances et son expérience au membre du CRD

concernant les troubles de personnalité. D’ailleurs, l’intervenant principal est invité à

participer à la rencontre évaluative. De plus, cet apport évaluatif assure ainsi

Page 212: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

197

l’identification et le début de la prise en charge des patients du CRD qui ont besoin

d’un suivi conjoint lors de troubles concomitants.

Il est à noter qu’en début de projet, Dr Girard n’est pas rémunérée pour les

heures travaillées au CRD. Tout cet investissement est volontaire et bénévole. En

effet, la structure de rémunération du système de santé de la région fait en sorte qu’il

est impossible de rémunérer cette psychiatre œuvrant dans un milieu différent de son

port d’attache. Donc, travaillant au CSSS Saint-Jean, elle ne peut recevoir ses

honoraires pour les heures passées au CRD qui n’est pas structurellement affilié au

CSSS. De plus, il n’y a pas de possibilité dans le système pour intégrer une

psychiatre au sein du CRD qui n’emploie pas cette catégorie de professionnel. Pour

corriger cette situation, le Dr Thibodeau met son énergie et son expérience en gestion

de la santé en action. Il entame rapidement les discussions avec l’ASSS de la région

et le Ministère de la Santé du Québec. Il est conscient qu’il ne pourra compter

indéfiniment sur la motivation et le bénévolat du Dr Girard, déjà débordée par son

horaire de travail au CSSS. Il veut donc s’assurer que la mobilisation de sa jeune

collègue soit maintenue et surtout qu’elle soit reconnue et rémunérée pour ce qu’elle

fait. Il réussit donc une première dans le système de la région. Son action rend

possible la rémunération de professionnels œuvrant sur des cas spéciaux au sein de

centres distincts de leur port d’attache. Cette modification administrative constitue

une mise en œuvre concrète du changement.

Page 213: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

198

L’action 5 prévoit la participation d’un psychologue du CSSS aux

discussions de cas cliniques tenues entre les intervenants du CRD afin d’aider à

l’ajustement ou la réorientation du plan d’Intervention. Un psychologue se porte

volontaire pour dispenser ses rencontres. Pour mettre en œuvre cette action, on

décide que chaque intervenant du CRD partagera un cas clinique problématique afin

de nourrir les discussions. Le psychologue partage donc son expérience sur

l’amélioration du traitement de ce type de patients. Cet effort se traduit toutefois par

des retombées inattendues ; les intervenants en viennent à partager divers outils

d’interventions comme la mise en pratique de certaines techniques efficaces en

psychothérapie (par exemple, la maîtrise du transfert et du contre-transfert).

Jusqu’à présent, onze rencontres ont eu lieu. Aux dires du psychologue et des

intervenants du Tournant, ces rencontres ont amené les professionnels à

communiquer plus souvent entre eux au sujet de cas cliniques difficiles. Aussi, le

psychologue note le fait que maintenant il peut améliorer ses propres interventions

en abordant de manière plus adaptée certains aspects de la dépendance des patients à

qui il offre un suivi plutôt que d’avoir le réflexe de les référer rapidement au CRD. Il

y a beaucoup plus d’échanges d’informations pour arrimer de part et d’autre les plans

d’intervention.

Les retombées de la mise en œuvre des cinq actions

Les membres du comité de pilotage, ceux du comité conjoint, les intervenants

du CRD et les acteurs impliqués du CSSS Saint-Jean sont tous d’accord pour

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199

reconnaître que le déploiement de ces actions a permis de susciter un engagement

profond de tous ces acteurs. Le niveau d’enthousiasme des personnes impliquées

ainsi que leur confiance dans le succès du projet n’ont fait qu’augmenter au fil des

mois. En fait, plusieurs indiquent déjà que le partenariat est actif et cela peut donc

être considéré comme un projet réussi.

Aussi, ces cinq actions ont amené l’ensemble des acteurs du projet à partager

et discuter entre eux. Tous reconnaissent que plus les échanges s’intensifient, plus se

développe une familiarité avec le travail de l’autre et plus la confiance mutuelle

progresse. Les intervenants du CRD craignent moins maintenant que ce partenariat

ne serve qu’à augmenter leur charge de travail. Chacun fait donc sa part et fait

confiance que l’autre a aussi à cœur l’amélioration du processus de soin.

De plus, tous reconnaissent et apprécient le développement de leurs propres

compétences. Ainsi, même si des intervenants tels que M. Lemoine investissent

plusieurs heures au CSSS ils considèrent recevoir encore plus que ce qu’ils

investissent, compte tenu des apprentissages dispensés par le CSSS. Chacun

développe donc un plus grand confort dans son action clinique ainsi qu’un sentiment

que ces interventions deviennent plus efficaces.

M. Tremblay, le chargé de projet, est très satisfait du déroulement des travaux

pour la mise en place des cinq actions. Son travail de coordination a été intense. En

plus de communiquer l’information aux parties prenantes il se devait de susciter

Page 215: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

200

l’engagement de ces différents groupes tout en s’assurant que les cultures

organisationnelles soient respectées. Une autre grande réussite est le fait qu’il devait

faire travailler ensemble des individus qui n’avaient jamais collaboré auparavant et

qui, de plus, ne se faisaient pas pleinement confiance. Les structures flexibles qui ont

été mises en place ont permis ce partage informel des connaissances.

Pour ce qui est des résultats, chacune des actions semble avoir atteint ses

objectifs. De plus, la préoccupation de surcharge ne semble pas avoir causé trop de

mal. Le bénéfice perçu par les acteurs s’est avéré plus grand que l’investissement

selon eux. Les données concernant la performance du programme sont attendues

d’ici la fin de l’année. Un détail à cet effet tracasse le comité de pilotage et celui-ci le

partage à M. Tremblay afin de susciter la réflexion. En fait, les indicateurs de

performance traditionnels (lits occupés, durée de séjour, etc.) ne seront pas suffisants

pour évaluer les progrès ou les déficiences du projet. De nouveaux indicateurs

doivent être conçus. Il lance donc une nouvelle démarche parmi les participants du

projet afin d’identifier des indicateurs pertinents pour mesurer l’effet des cinq

actions.

Pour conclure, M. Tremblay réfléchit présentement à certains obstacles,

présents ou potentiels, qui devraient guider son action d’ici la fin de son mandat.

D’abord, il est préoccupé d’assurer l’intégration de ces actions et des activités

connexes produites par ce projet, il apparait que ces différentes actions ont chacune

leurs retombées positives mais celles-ci ne sont pas intégrées dans un processus

Page 216: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

201

coordonné et elles manquent d’indicateurs concrets. En outre, rares sont les

participants mobilisés du côté du CSSS. La mobilisation réussie chez le CRD n’a pas

son équivalent du côté du CSSS ou seulement quelques individus comme le Dr

Girard, et trois collègues intervenants ou administrateurs, participent concrètement

au projet. De fait, l’ensemble des psychiatres et des psychologues ne sont

qu’observateurs du partenariat. Les psychiatres en particulier semblent manquer de

confiance envers un leadership qui les représente. Enfin, le chargé de projet a peur

que le succès d’une telle initiative ne repose que sur les individus qui y prennent

part. Ainsi, il déploie beaucoup d’énergie à soutenir la motivation des acteurs. Cela

l’inquiète puisque son propre contrat arrive à terme. Qu’arrivera-t-il à la fin de cette

période ?

4.4 Le modèle formel

La présente section vise à élaborer rigoureusement une méthodologie ayant

comme point focal le modèle lui-même afin de lui permettre de « décrire » la co-

construction dialectique acteurs-organisation, ainsi que d’offrir des leviers réflexifs

de transformation.

La recension des écrits en sciences de la gestion et plus particulièrement sur

les méthodes par structuration de problème stipule que l’interface, ou le modèle

formel, vise à outiller le décideur. Ainsi, les efforts ci-déployés sont investis dans

une optique axiomatico-inductive pragmatique (Le Moigne, 1987). Le modèle formel

élaboré se veut simplificateur face au modèle conceptuel. De plus, l’objectif est

Page 217: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

202

d’offrir des leviers d’intervention efficients par la possibilité de rendre compte d’un

diagnostic des neuf capacités du modèle de Rondeau (2008) à travers la situation

managériale. Il est à noter que pour ce faire, le modèle étant un outil de

transformation tel que proposé par la présente thèse, sa forme descriptive est aussi

importante dans ses visées pragmatiques réflexives.

Qui plus est, tel que la recension des études portant sur la validité de modèles

en sciences de la gestion le suggère, les méthodes quantitatives sont utiles à

l’obtention d’indicateurs reconnus comme valides sinon crédibles. À cet effet, la

psychométrie offre plusieurs outils afin de valider la quantification d’objet de

recherche considérés comme « soft ». Les outils récupérés dans la présente étude

sont parmi les plus reconnus dans la documentation à haut niveau d’impact en

psychologie. Cependant, ils sont présentés à travers une relecture de leurs

fondements épistémiques et méthodologiques plutôt que sur la seule base qu’est le

référencement au sein des différents travaux publiés. En effet, la présente étude n’est

ni positiviste, ni de causalité. En récupérant les mots de Le Moigne (1987), elle tente

plutôt l’interprétation et la représentation opératoire du modèle en gestion du

changement. Tel que le propose le paragraphe précédent, l’intérêt pragmatique est

prioritaire, mais nécessite son penchant descriptif. Ainsi, la thèse présente

l’élaboration d’un questionnaire quantitatif autour duquel sont mobilisées des

techniques de validation psychométriques empruntées à une discipline positiviste.

Page 218: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

203

La prochaine partie présente les interventions tirées de ces méthodes et

s’appliquant à la seule activité de façonnement du modèle formel. Les techniques de

validation quantitatives requérants un ou plusieurs des autres objets du tétraèdre sont

présentées dans le chapitre subséquent portant sur les quatre enjeux de la validation

selon Oral et Kettani (1993).

4.4.1 Validité de contenu et d’apparence du modèle formel

Dans l’objectif de concevoir des items représentant bel et bien les neuf

dimensions proposées par Rondeau (2008), un panel de chercheurs et d’assistants de

recherche en gestion du changement a dû argumenter et s’entendre sur les items

proposés a priori ainsi que sur leur formulation. Les instructions concernant la

qualité de la formulation stipulent que : 1) le niveau linguistique utilisé doit être

accessible au plus grand nombre, 2) la formule doit être simple et tenir en une seule

phrase d’une seule ligne, 3) la phrase ne doit contenir qu’une seule idée

représentative d’une seule dimension, 4) un item doit pouvoir s’appliquer à tout type

de changement en général, 5) l’item débute par le marqueur […] et doit suivre la

question d’introduction : « Sur l’échelle suivante, indiquez dans quelle mesure… ».

L’échelle de réponse est en cinq points. Ainsi, de 1 à 4 le participant peut

répondre, en ordre : « pas du tout, un peu, assez, tout à fait ». Le cinquième point

permet au répondant, contrairement aux impératifs positivistes habituels de la

validation en psychométrie, de répondre : « ne s’applique pas, ne sait pas ». Ce

dernier point permet de ne pas forcer le répondant à déclarer une réponse sans que

Page 219: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

204

celui-ci ne soit au courant de l’information demandée au sujet d’un élément

considéré important pour le diagnostic. L’échelle de réponse offre alors une

pondération croissante et quantifiable pour chacun des items et du même coup, une

échelle de « contamination par l’information » tirée du cinquième point de l’échelle.

En d’autres mots, le modèle formel permet de connaitre autant la valeur d’une des

neuf dimensions au sein des participants et ainsi produire un résultat quantitatif pour

chacune des neuf dimensions. Mais, il peut aussi offrir une information au niveau de

la prise de conscience chez les participants au sujet d’une des dimensions (lorsque la

réponse est « ne s’applique pas, ne sais pas »). Ceci peut aider à identifier des

besoins de communication et de partage plutôt, ou en plus, d’efforts particuliers

quant à la dimension donnée.

Une introduction est présentée au tout début du questionnaire afin de

spécifier la « situation managériale » visée par celui-ci. Cette introduction va comme

suit : « Votre organisation a entrepris récemment un changement visant à… ».

Dépendamment du projet, l’utilisateur doit spécifier le résumé du projet dans les

lignes qui suivent afin de guider la captation des schèmes cognitifs des répondants

selon le cadre précis de la situation managériale visée.

Finalement, chacun des neuf thèmes du modèle a fait l’objet d’une variable

dite latente sur laquelle l’ensemble du panel de chercheur ont eu comme mission

commune de s’entendre sur le niveau de représentation des items composés en lien

avec la définition du thème lui-même, de l’enjeu (légitimation, réalisation,

Page 220: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

205

appropriation), ainsi que de la logique d’action (stratégique, systémique,

opérationnelle) dans laquelle il s’inscrit. Il est à noter que cela amène du coup une

validité d’apparence. Quatre-vingt-sept items ont été composés afin de couvrir

l’ensemble du modèle en neuf facteurs. Le questionnaire complet est présenté à

l’annexe 3 et le tableau XII présente le nombre d’items par dimension.

Tableau XII : Nombre d’items par variable

Dimensions Nombre d’items

Vision 12

Modèle 7

Communication 14

Pilotage 12

Capacité 12

Effort 10

Intérêt 6

Apprentissage 8

Progression 7

Dans l’optique pragmatique de l’élaboration du modèle formel, il apparait

nécessaire de : 1) réduire les « coûts » en temps requis pour répondre au

questionnaire, 2) s’assurer qu’une dimension est bel et bien indépendante des autres

suggérant ainsi des leviers d’interventions précis à cette dimension, donc non confus

entre les variables latentes. Il apparait nécessaire de réduire le nombre d’items tout

en éliminant les items confondus entre deux dimensions ou plus. L’analyse

Page 221: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

206

factorielle par composante principale telle qu’appliquée en psychométrie est utilisée

ici à ces fins.

4.4.2 L’analyse factorielle par composante principale

Géométrique autant que statistique, l’analyse factorielle par composante

principale est utilisée comme outil de validation de construit au sein des méthodes

quantitatives. Elle vise entre autres à distinguer des variables inter-corrélées (ici les

neuf dimensions). Pour ce faire, en utilisant les matrices de covariances, l’analyse

tente de regrouper les items dont la variance converge dans la même direction. Ainsi,

plusieurs items peuvent converger vers la même variable dite latente. Cette dernière

est alors représentative de la convergence des covariances propres aux réponses

réelles des participants aux items la composant. Cette variable latente n’est donc pas

observée directement.

Cependant, rien n’empêche qu’un item présente un poids statistique (seuil de

saturation) convergent avec plus d’une variable latente. Il est alors confondu. Au

final, l’analyse statistique « réorganise » un ensemble d’items sous des variables

latentes représentatives de leur regroupement.

Il est alors nécessaire dans le cadre de la présente étude de procéder à une

observation de ces regroupements afin de déterminer : 1) si les variables latentes

identifiées par le test correspondent, par leurs items regroupés, aux variables prévues

théoriquement; 2) évaluer les seuils de saturation propres aux différents items sous

Page 222: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

207

leurs variables latentes respectives afin de juger de leur poids « explicatif » de la

variable en question et éliminer les items sans valeur15

; 3) éliminer les items

présentant des seuils de saturation confondus entre deux variables latentes et plus.

Un item considéré comme confondu présente alors des seuils de saturation plus

grands que 0,4 sur plus de deux variables16

.

Afin de procéder à l’analyse, 131 participants impactés par les projets de

changements ont été recrutés sur une base volontaire au sein des deux terrains de la

présente étude. La passation du questionnaire psychométrique a été réalisée trois

mois après la complétion des entrevues semi-structurées menant à la conception des

analyses de cas de l’objet « situation managériale ». L’ensemble des 87 items ne peut

être testé par analyse factorielle exploratoire par composante principale pour

retrouver neuf dimensions indépendantes. En effet, le nombre de degrés de liberté

offert par les 131 participants est insuffisant relativement au nombre de variables

latentes proposées (9 variables) (Escofier, 1988; Benzécri, 1973).

Afin de pouvoir tout de même procéder à l’épuration des items, une analyse

factorielle exploratoire par composante principale est utilisée et contrainte à trois

facteurs. L’objectif est de tenter de retrouver les trois variables latentes supérieures,

soit les enjeux de légitimation, de réalisation et d’appropriation. Une rotation oblique

15

À cet effet, Tabachnick et Fidell (1999) fixent le seuil minimal acceptable et référencé à 0,4. 16

Il est à considérer que plusieurs autres indicateurs, tels que la variance expliquée propre à chacun

des facteurs, sont importants d’un point de vue positiviste. Ici, considérant les visées pragmatiques

ainsi que le fait de ne pas pouvoir obtenir suffisamment de degrés de liberté, ces indicateurs ne se

révèlent pas utiles. Par contre, une validité positive est à tirer du fait que les variables latentes testées

et identifiées obtiennent toutes une valeur propre plus élevée que 1,0.

Page 223: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

208

est imposée à la matrice des données afin de respecter la possible interrelation entre

les dimensions. Ainsi, indépendamment pour chacune des trois logiques d’action, un

test est effectué afin de retrouver trois facteurs avec une valeur propre plus élevée

que 1 et correspondant à chacun des trois enjeux.

Au total des items sont confondus entre au moins deux dimensions. Dans

quelques cas certains items présentent des seuils de saturation sous le seuil minimum

acceptable de 0,4 (Tabachnick et Fidell, 1999). Ces items confondus ont été retirés

afin de cibler chacune des dimensions de façon orthogonale. Cette procédure est

contre-validée par l’obtention, pour chacune des trois logiques d’action, de trois

valeurs propres (seulement) plus élevées que un et représentant leur variable latente

respective.

Plus précisément, les dimensions « vision », « pilotage » et « intérêt »

(logique d’action stratégique) présentent un construit valide17

selon le test effectué.

Trois facteurs distincts sont identifiés et représentent 65% de la variance expliquée.

Trois items composent l’échelle « vision » obtenant des seuils de saturation allant de

0,64 à 0,86. Six items composent l’échelle « pilotage » obtenant des seuils de

saturation allant de 0,65 à 0,88. Quatre items composent l’échelle « intérêt »

obtenant des seuils de saturation allant de 0,68 à 0,78. Le tableau XIII présente les

résultats relatifs à ces construits.

17

À l’intérieur du cadre pragmatique offert et explicité plus haut dans le texte.

Page 224: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

209

Tableau XIII : Construit des facteurs de la logique d’action stratégique selon les

trois enjeux de la gestion des capacités à changer

Logique d’action

stratégique

Vision Pilotage Intérêt

Nombre d’items

Seuil de saturation

minimum observé

Seuil de saturation

maximum observé

3

0,64

0,86

6

0,65

0,88

4

0,68

0,78

Les dimensions « modèle », « capacité » et « apprentissage » (logique

d’action fonctionnelle) présentent un construit valide selon le test effectué. Trois

facteurs distincts sont identifiés et représentent 58% de la variance expliquée. Trois

items composent l’échelle « modèle » obtenant des seuils de saturation allant de 0,6 à

0,75. Trois items composent l’échelle « capacité » obtenant des seuils de saturation

allant de 0,62 à 0,82. Cinq items composent l’échelle « apprentissage » obtenant des

seuils de saturation allant de 0,6 à 0,79. Le tableau XIV présente les résultats relatifs

à ces construits.

Page 225: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

210

Tableau XIV : Construis des facteurs de la logique d’action fonctionnelle selon

les trois enjeux de la gestion des capacités à changer

Logique d’action

fonctionnelle

Modèle Capacité Apprentissage

Nombre d’item

Seuil de saturation

minimum observé

Seuil de saturation

maximum observé

3

0,60

0,75

3

0,62

0,82

5

0,60

0,79

Les dimensions « communication », « effort » et « progression » (logique

d’action opérationnelle) présentent un construit valide selon le test effectué. Trois

facteurs distincts sont identifiés et représentent 66% de la variance expliquée. Trois

items composent l’échelle « communication » obtenant des seuils de saturation allant

de 0,65 à 0,85. Quatre items composent l’échelle « effort » obtenant des seuils de

saturation allant de 0,66 à 0,84. Trois items composent l’échelle « progression »

obtenant des seuils de saturation allant de 0,51 à 0,92. Le tableau XV présente les

résultats relatifs à ces construits.

Page 226: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

211

Tableau XV : Construis des facteurs de la logique d’action opérationnelle selon

les trois enjeux de la gestion des capacités à changer

Logique d’action

opérationnelle

Communication Effort Progression

Nombre d’items

Seuil de saturation

minimal

Seuil de saturation

maximum

3

0,65

0,85

4

0,66

0,84

3

0,51

0,92

Au final, 34 items sont conservés. Le tableau XVI présente les résultats

obtenus aux analyses préliminaires. Les indices de cohérence interne sont obtenus

(alpha de Cronbach). Il est à noter que l’alpha propre à la dimension « modèle » n’est

en aucun cas satisfaisant. Les interprétations relatives à cette variable sont donc à

prendre en considération de façon particulière. Cette dimension doit alors être

redéfinie en termes psychométriques. Sinon, son faible niveau de cohérence interne

peut être dû au trop faible niveau de participants. Les moyennes et les écarts-types

sont présentés afin de permettre au lecteur de juger les interactions à venir au niveau

du modèle formel. Le tableau XVI présente les résultats relatifs aux analyses

préliminaires.

Page 227: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

212

Tableau XVI : Analyses préliminaires des neuf variables de la capacité à

changer

Dimensions Alpha

Moyenne

(écart-type)

Nombre

d’items

Vision 0,65 3,15 (0,79) 3

Modèle 0,46 1,53 (0,83) 3

Communication 0,71 2,83 (0,88) 3

Pilotage 0,89 2,10 (1,08) 6

Capacité 0,66 2,85 (1,07) 3

Effort 0,79 2,57 (0,87) 4

Intérêt 0,77 2,72 (0,87) 4

Apprentissage 0,79 2,54 (0,86) 5

Progression 0,72 2,47 (1,01) 3

Il est à noter que même si les circonstances ne sont pas idéales concernant le

nombre de degrés de liberté ainsi que la nature exploratoire de l’élaboration du

questionnaire, l’ensemble des items conservés se regroupe sous les variables latentes

prévues. Considérant que la validité de contenu a été traitée par le débat entre experts

en gestion du changement dans le but de formuler les items, la présente thèse

propose que ces variables latentes soient représentatives des contenus visés (les neuf

dimensions).

Page 228: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

213

In fine, l’accord inter-juges et itératif dans la formulation des items est une

technique de validation de contenu et d’apparence empruntée aux méthodes

positivistes. L’analyse factorielle par composante principale a permis de rendre le

modèle formel plus pertinent tout en démontrant certains indicateurs de validité de

construit18

.

4.5 La solution

L’objet « solution » est en quelque sorte la résultante de la modélisation.

Contrairement à la « science de la décision » la solution offerte par une modélisation

par structuration de problème peut prendre plusieurs formes autres qu’une décision

objective. Le modèle tel qu’opérationnalisé offre une « recommandation » dans le

sens où il apporte des éclaircissements sur la situation managériale afin de permettre

la mise en place de priorités et d’interventions précises. En d’autres termes, les

modèles conceptuel et formel permettent le diagnostic des capacités

organisationnelles à changer dans une situation donnée. Ce diagnostic repose sur des

intérêts actionnables et ne considère pas capturer tous les aspects comportementaux

humains et organisationnels dans une situation managériale (Oral et Kettani, 1993).

Deux solutions sont possibles suite à l’élaboration du modèle. Le modèle

conceptuel offre une prise de conscience ou un guide d’observation et d’intervention

aux gestionnaires. Selon Checkland (1981) cet outil est particulièrement social et son

18

Dans une optique positiviste, étant donné les contraintes méthodologiques propres à l’objet de

recherche, certains indicateurs démontrent tout de même une certaine validité de construit. D’un point

de vue pragmatique, une « validité de construit » est démontrée en détail concernant la formulation du

modèle ainsi qu’une part de son utilité.

Page 229: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

214

intérêt est de susciter le débat au sein des parties prenantes. Par contre, le modèle

conceptuel n’offre pas de diagnostic précis et quantitatif. De plus, sa complexité peut

être considérée comme un obstacle à son actionnabilité. Le modèle formel, offrant

lui aussi une prise de conscience suscitant le débat au sein des parties prenantes,

permet un diagnostic précis. Tout en offrant une plateforme au test de validité, il peut

réduire la complexité du modèle auprès des utilisateurs.

Le texte qui suit présente la formulation concrète d’un outil permettant de

tirer une « solution » du modèle conceptuel tout en réduisant sa complexité. Ensuite,

la « solution » offerte par le modèle formel quantitatif est exposée et détaillée.

4.5.1 L’actionnabilité du modèle conceptuel

Dans l’objectif de concrétiser le modèle conceptuel arborescent afin qu’il

corresponde mieux à une application efficiente dans le cadre d’une situation

managériale, une formule en tableaux de bord est utilisée. Celle-ci est influencée par

la technique de Kaplan et Norton (1992). La méthode des tableaux de bord équilibrés

vise à élaborer un outil stratégique standardisé et validé permettant la structuration

de la prise de décision. Les différents niveaux d’arborescences propres aux neuf

dimensions doivent être structurés ici en actions observables.

Il est à noter que la seule collecte d’information inhérente à l’utilisation de

ces tableaux de bord implique des interventions primordiales au développement de

capacités organisationnelles à changer particulièrement en ce qu’il implique le

Page 230: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

215

dialogue entre les parties prenantes, ainsi que la traduction relativement empathique

des perspectives stratégiques, fonctionnelles et opérationnelles afin de favoriser

l’intercompréhension de tous. L’utilisation de tableaux de bord au sujet des neuf

dimensions du modèle incite un certain dialogue entre les acteurs dont les schèmes

cognitifs subissent un encadrement visant leur partage. Les neuf tableaux de bord

sont présentés à l’annexe 2.

Dans un premier temps, les trois enjeux de la transformation

organisationnelle sont respectés par le fait qu’un tableau de bord est composé pour

chacune des neuf dimensions. Ainsi, les principes des enjeux de la gestion des

capacités à changer (légitimation, réalisation, appropriation) explicités dans la

section modèle conceptuel sont inhérents aux guides offerts par les neuf tableaux de

bord.

Dans un deuxième temps, les logiques de l’action organisée sont intégrées

dans un axe complémentaire à la formulation des tableaux de bord. Par exemple, le

tableau de bord « capacité19

» structure le processus d’ « identification des

compétences requises » par le projet de changement en guidant cette identification

vers : la haute direction, les gestionnaires et les employés. Ceci implique donc le

passage forcé d’une logique de l’action à l’autre par la prédominance de la logique

d’action propre à la position de l’acteur organisationnel spécifié par le tableau. Dans

ce même tableau, l’ « identification des ressources requises » par le projet est aussi

importante et structurée. Celles-ci retiennent l’attention selon les besoins propres aux

19

Dont l’enjeu est la réalisation et la logique d’action est fonctionnelle.

Page 231: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

216

trois logiques. Il importe d’identifier les ressources nécessaires dans des optiques

stratégique, fonctionnelle et opérationnelle.

Troisièmement, l’ensemble des éléments composant les processus définis par

les neuf dimensions sont intégrées au tableau de bord en tant qu’interventions. Il y

est considéré que le simple fait de produire ces interventions suggérées, tout autant

que d’atteindre les résultantes visées par celles-ci, sert à hausser les capacités à

changer.

4.5.2 La solution « quantitative » du modèle formel

Cette partie présente l’élaboration d’un deuxième objet « solution », mais à

partir du modèle formel. Tout comme il est nécessaire de concrétiser et de simplifier

l’utilisation du modèle conceptuel, le modèle formel étant plus technique et

quantitatif, il doit d’être formulé de façon claire et ordonnée afin d’offrir un

diagnostic actionnable pour l’utilisateur.

Cette « solution » produite à l’aide du modèle formel est appliquée sous la

forme d’un diagnostic des capacités à changer. Les prochaines parties présentent la

validation et l’application de cette « solution » sur les cas : Innovation d’un

processus de soins et Partenariat CSSS - CRD.

Page 232: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

217

Étude de cas : Innovation d’un processus de soins

Afin de réduire la complexité communicationnelle du modèle conceptuel,

ainsi que d’obtenir une dimension diagnostique à l’opérationnalisation du modèle, le

modèle formel nécessite une attention particulière. La communication ainsi que le

principe d’efficience sont au centre des efforts de formalisation dans les sections

suivantes.

Tel que présenté au début de ce chapitre, le modèle formel offre un résultat

comparatif des neuf capacités à changer. Ce résultat est obtenu à l’aide de la

moyenne des items pour chacune des dimensions du questionnaire (échelle de 1 à 4).

Trois formules ont été tentées face aux responsables des terrains de recherche. Elles

sont présentées ci-dessous et les phases de validation itératives entre le chercheur et

les utilisateurs sont mises en lumière.

Premièrement, la grille en neuf cases est présentée en contenant les moyennes

propres aux neuf dimensions obtenues à l’aide des 67 participants provenant du

projet Innovation d’un processus de soins. L’objectif était, à la demande du comité

de pilotage du projet, de rendre compte des forces et des faiblesses de la mise en

œuvre du changement proposé. Cette présentation devait susciter la discussion,

l’échange de réflexions et la proposition de solutions entre les acteurs présents.

Ainsi, une réunion a été prévue lors de laquelle le chercheur présentait oralement les

résultats à l’aide de supports visuels. Ces supports sont présentés dans le tableau

XVII.

Page 233: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

218

Tableau XVII : Moyenne des participants au projet Innovation d’un processus

de soins (deux formulations présentées)

Légitimation Réalisation Appropriation

Stratégique 3,14 2,2 2,73

Fonctionnelle 1,67 2,99 2,72

Opérationnelle 2,75 3,02 2,81

Vision

3.14

Pilotage

2.20

Intérêt

2.73

Modèle

1.67

Capacité

2.99

Apprentissage

2.72

Communication

2.75

Effort

3.02

Progression

2.81

Cette formulation a été critiquée par les participants en ce qu’elle ne « parle

pas beaucoup » et qu’elle attire l’attention sur chacune des dimensions plutôt que sur

l’image globale. De plus, la discussion enclenchée portait plus sur la méthode de

calcul pour obtenir les moyennes que sur le portrait ou les interventions qu’elles

suggèrent. La simplification de la « solution » telle que présentée n’est donc pas

suffisante et les objectifs de la rencontre n’ont pas été atteints.

Page 234: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

219

Deuxièmement, plutôt que de présenter les résultats eux-mêmes, ceux-ci ont

été traduits à travers un code de couleur. Le vert représente une dimension ayant

obtenu un score élevé au questionnaire. Le jaune représente une dimension dite

sensible, non-optimale ou à améliorer. Le rouge signifie une dimension négative et

critique par rapport aux autres dimensions mesurées. Cette traduction est obtenue par

un test statistique de T entre les moyennes (voir le tableau XVIII) afin d’obtenir trois

regroupements distincts. Le test de T permet d’identifier, selon une analyse de

variance, quelles moyennes parmi les neuf dimensions sont significativement

différentes l’une de l’autre. Encore une fois, l’attention des participants utilisateurs a

été attirée vers la signification d’un test de T, ainsi que sur la méthode quantitative.

La technique inhérente à cet outil dont l’objet est « soft » est déclarée comme

inhabituelle par les participants. La validité n’est pas en jeu, mais l’efficience de

cette « solution » n’est pas optimale due à une forme de complexité dans la

présentation. Cette complexité, à un niveau pragmatique, n’est pas nécessaire. La

troisième et dernière itération a alors été formulée.

Troisièmement, la traduction en couleur est produite de façon simplifiée.

Deux options sont retenues : la première, plus pragmatique, vise à identifier deux

capacités positives (verte), deux capacités critiques (rouge) et présenter les cinq

restantes en jaune (sauf si deux moyennes sont très similaires, il est alors possible

d’identifier trois éléments dans les regroupements positif ou critique). La deuxième

fixe des seuils arbitraires et comparatifs afin de dresser un portrait reposant plutôt sur

la comparaison des résultats entre les dimensions et dans le temps. Le tableau XVIII

Page 235: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

220

présente le portrait général du cas Innovation d’un processus de soins selon la

première formulation, dite pragmatique ci-haut.

Tableau XVIII : Résultats du portrait général du cas Innovation d’un processus

de soins

Vision (V)

Pilotage (R)

Intérêt (J)

Modèle (R)

Capacité (V)

Apprentissage (J)

Communication (J)

Effort (V)

Progression (J)

Note : à des fins d’impressions en noir et blanc, (V) = vert, (J) = jaune, (R) = rouge.

Au terme de la présentation de cette « solution » auprès des participants, le

chercheur recommande que les tableaux de bord des dimensions Modèle et Pilotage

soient prioritaires pour les interventions à venir (voir annexe 2). Cependant, les

tableaux de bord des dimensions identifiées en jaunes demeurent importants et ceux

des dimensions Vision, Communication et Capacité peuvent servir à l’explicitation

ou à la prise de conscience de la qualité des interventions qui ont été posées et

captées par le diagnostic.

Page 236: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

221

Cette solution présente une puissance pragmatique plus élevée aux dires des

intervenants lorsqu’elle est appliquée et donc précisée pour chacune des équipes sur

le terrain. Les données « démographiques » recueillies par le questionnaire rendent

possible l’obtention de résultats plus précis et propres à certaines équipes au sein du

présent cas. Les tableaux suivants (XIX à XXI) présentent en exemple les résultats

pour le projet Innovation d’un processus de soins selon les groupes identifiables dans

l’étude de cas20

: Comité de direction, éducatrices spécialisées, orthophonistes.

Tableau XIX : Résultats du comité de direction du cas Innovation d’un

processus de soins

Comité de direction

Légitimation Réalisation Appropriation

Stratégique Vision (V) Pilotage (V) Intérêt (J)

Systémique Modèle (R) Capacité (J) Apprentissage (J)

Opérationnel Communication (J) Effort (V) Progression (V)

Note : à des fins d’impressions en noir et blanc, (V) = vert, (J) = jaune, (R) = rouge.

20

L’ensemble des sous-groupes contenant huit participants et plus sont présentés à des fins d’éthique

de la recherche. Ces tableaux peuvent avoir ici deux utilités possibles : 1) Agir en tant qu’exemples de

la solution du modèle formel; 2) Permettre au lecteur un résumé formel des sous-groupes traités lors

de l’opérationnalisation de l’enjeu prototypique au chapitre suivant.

Page 237: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

222

Tableau XX : Résultats des éducatrices spécialisées du cas Innovation d’un

processus de soins

Éducatrices spécialisées

Légitimation Réalisation Appropriation

Stratégique Vision (V) Pilotage (J) Intérêt (J)

Systémique Modèle (J) Capacité (V) Apprentissage (V)

Opérationnel Communication (V) Effort (V) Progression (V)

Note : à des fins d’impressions en noir et blanc, (V) = vert, (J) = jaune, (R) = rouge.

Tableau XXI : Résultats des orthophonistes du cas Innovation d’un processus de

soins

Orthophonistes

Légitimation Réalisation Appropriation

Stratégique Vision (J) Pilotage (R) Intérêt (R)

Systémique Modèle (R) Capacité (J) Apprentissage (R)

Opérationnel Communication (J) Effort (V) Progression (J)

Note : à des fins d’impressions en noir et blanc, (V) = vert, (J) = jaune, (R) = rouge.

Page 238: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

223

Étude de cas : Partenariat CSSS - CRD

Le tableau XXII présente les données obtenues chez les 64 participants

composant l’échantillon du projet Partenariat CSSS - CRD. Les participants de ce

projet ont été soumis aux trois mêmes formes de présentations que le projet

précédent. Seule la troisième itération est présentée ci-dessous dans le tableau

XXIII21

.

Tableau XXII : Moyenne des participants au projet Partenariat CSSS - CRD

Légitimation Réalisation Appropriation

Stratégique Vision

3,32

Pilotage

2,82

Intérêt

2,88

Fonctionnelle Modèle

2,58

Capacité

2,82

Apprentissage

2,75

Opérationnelle Communication

2,78

Effort

2,67

Progression

2,58

21

Le cas Partenariat CSSS – CRD ne présente pas de tableaux portant sur ses différents sous-groupes.

Cette question est traitée lors de l’opérationnalisation de l’enjeu prototypique et lors de la discussion

portant sur la validité de précision.

Page 239: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

224

Tableau XXIII : Résultats du portrait général du cas Partenariat CSSS - CRD

Portrait général

Légitimation Réalisation Appropriation

Stratégique Vision (V) Pilotage (J) Intérêt (J)

Systémique Modèle (R) Capacité (J) Apprentissage (R)

Opérationnel Communication (J) Effort (R) Progression (R)

Note : à des fins d’impressions en noir et blanc, (V) = vert, (J) = jaune, (R) = rouge.

Au final, les quatre objets du modèle sont élaborés et validés dans le chapitre

4. Le modèle conceptuel prend la forme classique d’une déclaration théorique des

variables qu’il représente autant qu’il a fait l’objet d’une représentation graphique et

arborescente de sa logique inhérente telle que proposée par les principes de la « soft

system methodology » de Checkland (1980). La situation managériale prend la forme

d’une étude de cas conçue et validée selon les principes adaptés de Yin (2009) entre

autres. Le modèle formel est façonné en tant que questionnaire psychométrique et il

est validé selon les types de validités associées aux outils de cette nature. La solution

prend deux formes : l’une d’elles découle du modèle conceptuel et est représentée

par neuf tableaux de bord. Chacun de ces tableaux relève d’une des neuf dimensions

Page 240: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

225

telles que décrites théoriquement par le modèle conceptuel. L’autre forme découle du

modèle formel et elle est représentée par les tableaux de présentation des résultats,

qui eux, réfèrent du coup aux tableaux de bord pour obtenir une interprétation

complète.

La simple validation des quatre objets du modèle n’est pas suffisante. Chacun

de ces objets a été validé de façon indépendante des autres. Le prochain chapitre

traite des quatre enjeux de la modélisation. C’est à ce moment que le modèle entier

peut être validé par plusieurs méthodologies de validation s’adressant aux

interactions entre chacun des quatre objets.

Page 241: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

5 L’opérationnalisation des quatre enjeux de la modélisation

Ce chapitre vise à présenter l’opérationnalisation des quatre objets du modèle

précédemment élaborés à travers plusieurs méthodes de validation. Les quatre enjeux

de la validation-modélisation du tétraèdre d’Oral et Kettani (1993) se font des guides

processuels et théoriques de la validation croisée du modèle complet.

Plusieurs outils et méthodes sont utilisés afin de procéder à une validation

phénoménologique et pragmatique. Certaines techniques, utilisées ici-bas servent à

couvrir plus d’un objet propre à un des quatre enjeux. Quelques fois il est nécessaire

de traiter à la fois de deux enjeux. Dans l’ensemble, l’objectif est de couvrir les

principes propres aux quatre enjeux plutôt que de les circonscrire de façon

indépendante. Le texte qui suit traite, dans l’ordre, des enjeux : théorique, descriptif,

prototypique et pragmatique.

5.1 L’enjeu théorique

L’enjeu théorique est dominant dans la documentation en recherche

opérationnelle selon Oral et Kettani (1993). Elle est la phase de recherche portant

une attention à la solution en misant sur la vérification du modèle conceptuel et la

formalisation du modèle formel. Ceci, dans une optique théorique visant à résoudre

la situation avec une solution valide.

L’enjeu théorique est considéré comme ayant déjà été approché de façon

satisfaisante dans le chapitre 4. La pertinence théorique de la décision misait d’un

Page 242: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

227

côté sur l’intégration de la complexité dans la captation des capacités à changer

organisationnelles épisodiques, spécifiques et émergentes. Il est important de

rappeler que la nature constructiviste et interactionniste de la modélisation telle que

présentée pose l’importance du modèle comme étant un outil interactionniste. Le

modèle est ici une exploration théorique de la décision sans affirmer sa supériorité

absolue de façon objective, tout en évitant de se reposer sur une subjectivité

consensuelle de la modélisation. La traduction non-linéaire du modèle conceptuel

complexe en tableaux de bord pragmatiques permet une vérification en profondeur

des allégations théoriques de la perspective adoptée en comparaison avec les outils

décisionnels et conceptuels développés.

Les affirmations théoriques du modèle de Rondeau (2008) adapté ont comme

objectif d’outiller les gestionnaires à la prise de décision pragmatique. Ainsi, les

tableaux de bord répondent à cet objectif tout en représentant, 1) une traduction

pragmatique du modèle formel quantitatif, 2) une simplification du modèle

conceptuel qualitatif et complexe.

L’enjeu théorique est celui qui est traité de façon habituelle et étendue dans la

documentation universitaire. Ayant affirmé au chapitre 1 que le modèle de Rondeau

(2008) est choisi en tant qu’objet de connaissance déjà construit, cet enjeu avait donc

déjà été traité par son auteur original. Le chapitre 4 a apporté plusieurs spécifications

et formules au modèle et le chapitre 6 évalue avec précision la validité de cet effort

théorique.

Page 243: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

228

5.2 L’enjeu descriptif

La scénarisation de la situation managériale est au centre du traitement de la

problématique descriptive. Le modèle formel est conçu à partir de la profondeur de

l’analyse qualitative offerte par le modèle conceptuel. La capacité du modèle formel

à décrire ou à prédire la situation managériale est l’objectif de cet enjeu. Les critères

de « crédibilité, fidélité, utilité, convivialité et l’identification des forces et

faiblesses » sont importants.

Premièrement, les critères de convivialité et d’identification des forces et

faiblesses sont traités à travers la formalisation itérative de la solution offerte par le

modèle formel présenté dans la section «solution ». Les tableaux présentés

apparaissent comme conviviaux aux dires des intervenants qui ont participé à leur

amélioration tel que rapporté ans le chapitre 4. Ces tableaux découlant du modèle

formel permettent un degré de précision ainsi qu’une image générale significative

pour l’identification des dimensions (capacités) et de leurs arborescences constituant

les forces et les faiblesses observées.

Deuxièmement, dans une optique visant à faire la démonstration explicative

de la situation managériale (validée à l’aide de la méthode par étude de cas), ce à

travers le modèle formel (validé de façon pragmatique par l’utilisation de l’analyse

factorielle), tout en réunissant les critères de crédibilité, de fidélité et d’utilité par une

technique quantitative, la méthode de modélisation par équations structurelles

apparait de mise.

Page 244: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

229

5.2.1 La modélisation par équations structurelles

La modélisation par équations structurelles est relativement récente dans la

documentation empirique et positiviste, particulièrement en psychologie. Ses

fondements sont encore en élaboration et il semble qu’ils fassent l’objet de plusieurs

variantes.

Elle est composée de trois fonctions principales : 1) une analyse factorielle

confirmatoire, 2) une analyse des « pistes causales » intégrant la structure du modèle

et les variables observées, 3) un modèle de régression structurel qui rassemble les

deux éléments précédents. Cette technique cherche à tester (quantitativement) si la

structure du modèle, fondée sur la théorie (ici le modèle conceptuel), est cohérente et

correspond effectivement à l’observation de cette structure auprès des participants.

Elle est utilisée comme technique rigoureuse et positiviste dans plusieurs travaux. Ici

une réinterprétation de la technique s’impose afin d’en récupérer les avantages

constructivistes et interactionnistes sans perdre les notions de validité et de

crédibilité qui lui sont habituellement associées.

L’adaptation suggérée vise à 1) permettre l’utilisation de la technique avec de

plus faibles échantillons étant donné les obstacles à cet effet propres à la recherche-

action. 2) Délimiter l’ensemble des indicateurs de validité selon leur fonctionnalité.

D’un côté, certains indicateurs reposent sur la considération d’un axe de rotation des

matrices de co-variances selon un zéro absolu, tentant ainsi l’identification d’une

représentativité objective et absolue de la structure (positiviste). D’un autre côté,

Page 245: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

230

certains indicateurs sont considérés comme relatifs et tentent de valider la structure

selon les données observées, le niveau d’erreur et la structure suggérée. Ces derniers

identifient si le modèle est effectivement juste selon ses implications et ses

observations. Cependant, ces indicateurs ne permettent pas d’objectiver l’observation

du chercheur. Mulaik James, Van Alstine, Bennett, Lind et Stilwell (1989) arguent à

cet effet dans leur révision de l’ensemble des indicateurs de Goodness-of-fit. Ils

affirment que les indicateurs habituels et « absolus » échouent à considérer le niveau

de parcimonie du modèle. Plusieurs indices « classiques » peuvent qualifier un

modèle comme non significatif lorsque : 1) il y a erreur lors de l’interprétation

causale de certaines variables à l’intérieur d’un modèle dont la presque totalité des

variables latentes sont en général justes ; 2) les relations causales correspondantes

aux paramètres libres et établis comme n’étant pas égaux à zéro se retrouvent à être

précisément zéro ou très près de zéro (Mulaik et al., 1989). Les précisions apportées

par ces auteurs sont traitées dans la section suivante en rapportant autant les indices

critiqués, mais habituellement reconnus, que les indices valorisés par Mulaik et al.

(1989), mais moins observés dans la documentation à cet effet. Pour ce faire, le

logiciel LISREL (version 8,8) est utilisé.

Il est à noter que les degrés de liberté offerts par la taille de l’échantillon font

en sorte de rendre la modélisation très sensible à son niveau d’erreur d’estimation.

Cependant, un modèle confirmé à l’aide d’un faible degré de liberté est un important

indicateur de son poids explicatif.

Page 246: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

231

Les 34 items obtenus au chapitre 4 sont modélisés selon leur représentativité

hypothétique des neuf variables latentes correspondantes aux neuf dimensions. Au

total, les 131 participants ont été considérés lors de ces analyses. L’échantillon est

donc très faible pour espérer obtenir la validation confirmatoire du modèle selon

l’ensemble des indicateurs rapportés dans cette section.

Le modèle obtenu présente un RMSEA de 0,079 (chi-carré = 887,99)

significatif à p < 0,05 avec un intervalle de confiance (90%) de 0,071 à 0,087. Ce

résultat correspond à une représentation « raisonnable » selon Browne et Cudeck

(1993), MacCallum, Browne et Sugawara (1996) et Diamantopoulos et Siguaw

(2000). L’indice RMSEA est considéré comme l’indicateur le plus informatif selon

Diamantopoulos et Siguaw (2000). Il représente à quel point le modèle, ayant des

valeurs paramétriques inconnues, peut être cohérent avec la matrice de covariance de

la population si cette dernière était disponible (Diamantopoulos et Siguaw, 2000).

De plus, il considère la complexité du modèle testé par sa fonction. Le modèle est

confirmé selon cet indicateur.

Selon Byrne (1998) et Diamantopoulos et Siguaw (2000), l’indicateur ECVI

appert comme étant très utile afin de tester la cohérence d’un modèle. De plus,

indiquent ces auteurs, il met l’accent sur l’erreur d’estimation générale du modèle.

L’ECVI correspond à la mesure des différences entre la matrice de covariance

cohérente au modèle testé pour l’échantillon observé et les matrices de covariances

attendus pour un échantillon comparable (Diamantopoulos et Siguaw, 2000). En

Page 247: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

232

premier lieu, il est comparé à la matrice théoriquement attendue pour un modèle où

toutes les variables sont indépendantes. En d’autres mots, le modèle testé est

comparé au modèle le plus restrictif possible. En deuxième lieu, il est comparé à la

matrice théoriquement attendue pour un modèle saturé, soit lorsque les paramètres

(inconnus) sont équivalents aux variances et covariances entre les variables latentes.

Pour être un bon indice de cohérence l’ECVI du modèle doit être plus près de zéro

comparativement à l’ECVI du modèle indépendant et à l’ECVI saturé. L’ECVI

obtenu est de 8,5. Il n’y a pas de seuil pour juger de cet indice sans comparaison, il

semble par contre élevé. Il est à noter que l’ECVI démontre une confirmation du

modèle testé puisqu’il est plus faible que l’ECVI du modèle indépendant de 68,2 et

que l’ECVI du modèle saturé de 9,22. Il est apparent ici que le modèle testé

contienne un certain niveau d’erreur d’approximation, mais qu’il est clairement

dominant dans l’explication des covariances comparativement à une structure libre

des neuf dimensions. Cet indicateur confirme la validation du modèle.

Les indices AIC et CAIC sont aussi testés. Par contre, il est à noter que la

généralisation de ces résultats est à modérer puisqu’il est reconnu que ces indices

sont moins fiables lorsque l’échantillon est composé de moins de 200 participants

(Diamantopoulos et Siguaw, 2000). Ceci est la raison pourquoi le CAIC est aussi

rapporté. Ce dernier tente d’ajuster les effets de la taille de l’échantillon. Ces

indicateurs donnent une importance au niveau de parcimonie du modèle estimé. Le

niveau d’erreur est donc une fois de plus estimé par une nouvelle approche et l’AIC

(CAIC) doit aussi être comparé aux modèles indépendants et saturés tels que l’ECVI.

Page 248: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

233

La valeur la plus faible démontre le modèle le plus cohérent. L’indice AIC pour le

modèle testé est de 1096. Quoiqu’élevé, il est plus faible que l’indice correspondant

au modèle indépendant (8801) et au modèle saturé (1190). Le CAIC est de 1498 et il

est plus faible que l’indice correspondant au modèle indépendant (8933) et au

modèle saturé (3491). Cet indicateur démontre donc la validité du modèle testé.

L’indice RMR est utilisé afin de tester la validité du modèle formel. Celui-ci

est une interprétation, suivant les postulats du modèle testé, de la cohérence des

données résiduelles. L’indice RMR standardisé est utilisé afin de ne pas tenir compte

de l’échelle de réponse brute. Le RMR obtenu est de 0,08. Cette donnée démontre

une tendance vers la confirmation du modèle. Par contre, elle ne peut être considérée

comme acceptable puisqu’elle n’est pas sous le seuil de RMR < 0,05 dans une

optique positiviste.

L’indice GFI est utilisé afin de tester la validité du modèle. Celui-ci est un

indice de cohérence « absolue » du modèle testé. Il constate à quel point les modèles

de covariances prédits à partir de l’estimation des paramètres correspondent aux

modèles de covariances de l’échantillon testé (Diamantopoulos et Siguaw, 2000). Le

GFI est donc une mesure permettant d’observer si le modèle correspond parfaitement

(sans erreur d’estimation ni de modélisation des données résiduelles) au modèle

hypothétique. Pour interpréter cet indicateur, l’objectif est de ne pas rejeter

l’hypothèse nulle, cette dernière correspondant à une indépendance absolue des

variables observées. Le GFI obtenu est de 0,71 ce qui ne rejette pas l’hypothèse

Page 249: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

234

nulle, mais qui ne démontre pas que le modèle est confirmé non plus. Pour ce faire,

le GFI doit habituellement être supérieur à 0,9 (Joreskog et Sorbom, 1989 ;

Diamantopoulos et Siguaw, 2000). Il est à noter que le PGFI est de 0,59. Ce dernier

est le même indicateur, mais il prend en compte la complexité inférée au modèle

(parcimonie). Selon Mulaik et al. (1989) il est possible de considérer qu’un PGFI de

plus de 0,5 est un bon indice de cohérence absolue impliquant donc une certaine

validité positiviste.

L’indice GFI n’est pas un indicateur approprié pour un échantillon de moins

de 200 participants. Qui plus est, plusieurs auteurs référencés du domaine (Anderson

et Gerbing, 1984; Bollen, 1990; Gerbing et Anderson, 1992; Mulaik et al., 1989)

rapportent de nombreuses problématiques à la fiabilité découlant de la fonction du

GFI.

Finalement, le CFI est utilisé afin de tester la validité du modèle. Celui-ci est

un indice de cohérence relative plutôt qu’absolue. Il indique si le modèle testé est

meilleur que le modèle de l’hypothèse nulle, soit le modèle indépendant. Sa valeur

est entre « 0 » et « 1 » et plus le résultat se rapproche de « 1 », plus le modèle testé

est puissant. Le CFI obtenu est de 0,95. Ce qui démontre un très bon indicateur de

validation pour le modèle. Il est à noter que le même indicateur, mais non-normé

(NNFI), est aussi puissant à 0,94. Ces deux derniers sont recommandés comme étant

de bons indicateurs de cohérence du modèle testé par Diamantopoulos et Siguaw

(2000).

Page 250: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

235

En résumé, le tableau XXIV présente les différents résultats obtenus aux

indicateurs ci-haut présentés et étant reconnus comme étant « plus que suffisant »

pour fournir l’information nécessaire pour juger la validation d’un modèle

(Diamantopoulos et Siguaw, 2000). Ces résultats sont obtenus à l’aide d’un

échantillon de 131 participants. Selon l’étude présentée ci-haut, une validation

subséquente du modèle avec un échantillon plus grand aiderait grandement à obtenir

les seuils de signification pour l’ensemble des indicateurs rapportés, critiqués ou non.

Page 251: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

236

Tableau XXIV : Ensemble des indicateurs de validité de l’analyse par équations

structurelles

Indices principaux Valeur Confirme la validité du

modèle (oui/non)

Chi-carré 887,99 Sans objet

RMSEA 0,079 Oui

ECVI 8,5 Oui

ECVI (indépendant) 68,23 Sans objet

ECVI (saturé) 9,22 Sans objet

AIC 1095,99 Oui

AIC (indépendant) 8801,38 Sans objet

AIC (saturé) 1190 Sans objet

CAIC 1498,22 Oui

CAIC (indépendant) 8932,88 Sans objet

CAIC (saturé) 3491,18 Sans objet

RMR 0,08 Non

GFI 0,71 Non

PGFI 0,59 Oui

CFI 0,95 Oui

NNFI 0,94 Oui

Page 252: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

237

5.3 L’enjeu prototypique

Le traitement de la problématique du prototype passe principalement par la

qualité de la décision offerte. Plus la situation managériale est approfondie, plus le

modèle formel apportera, par la qualité de sa formalisation, une décision de qualité.

Cette qualité repose sur les principes d’efficacité et d’efficience à travers la solution

technique proposée.

La situation managériale est validée à l’aide de la méthodologie utilisée pour

l’étude de cas. Le modèle formel est validé à l’aide de l’analyse factorielle et de la

modélisation par équations structurelles, ainsi que par les opérations descriptives

habituelles. Il est important à ce point-ci de valider la correspondance entre

l’interprétation de l’étude de cas et l’analyse diagnostique rendue par le modèle

formel.

Pour ce faire, une analyse qualitative de l’étude de cas est produite. L’analyse

rendue dans le texte qui suit peut être évaluée à travers l’explicitation détaillée des

principes, des méthodologies et des méthodes utilisées pour rédiger l’analyse de cas,

le questionnaire psychométrique. Ces deux derniers sont disponibles afin d’être

soumis à une potentielle réinterprétation.

Ensuite, celle-ci est comparée aux données descriptives obtenues par le

modèle formel. Finalement, des tests de régressions statistiques sont utilisés afin de

Page 253: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

238

démontrer une validité quantitative et complémentaire entre les inférences

qualitatives de l’étude de cas et les résultats quantitatifs du modèle formel.

5.3.1 Analyses qualitatives de l’objet situation managériale

L’analyse qualitative des deux études de cas suit la stratégie suivante22

:

1) Chacun des trois enjeux de la gestion du changement fait l’objet d’une

partie d’analyse. Ceci permet de traiter en profondeur la qualité des

intentions/décisions/actions observées dans le cas. Ces enjeux ont une

importance différente dépendamment de la chronologie des événements.

Cependant, leur traitement en parallèle permettra de mettre en lumière

leur intégration profonde du début à la fin de l’étude de cas.

2) L’intégration des intentions/décisions/actions est traitée, pour chacun des

enjeux, à travers les trois logiques de l’action organisée, stratégique,

systémique et opérationnelle. Ceci est suivi par une conclusion pour

chacun des enjeux.

Ainsi, chacune des deux études de cas fait l’objet, à tour de rôle, 1) d’une

analyse qualitative reposant sur le modèle de Rondeau (2008) adapté, 2) d’une

analyse comparative entre les analyses qualitatives et quantitatives obtenues.

22

Il est à rappeler que le chapitre précédent décrit les critères de validité respectés dans la rédaction de

l’étude de cas ainsi que les logiques d’analyses soutirées du modèle de Rondeau (2008).

Page 254: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

239

Le cas : Innovation d’un processus de soins

L’enjeu de légitimation

Vision

La capacité « vision » est bien présente selon les éléments modélisés. Ce

changement est non seulement important, mais urgent. En effet, c’est le MSSS qui

impose de nouveaux standards de performance. La direction du Centre prend

rapidement au sérieux cette urgence de changer et en fait même son mot d’ordre. La

solution est conceptualisée à partir des innovations déjà lancées à l’intérieur de

certains sites. Il y a donc des données pour justifier la nouvelle vision.

Par contre, le comité de direction s’attend à un appui de la part de certains

groupes (ces sites « innovateurs » par exemple), mais craint la résistance d’autres

sites et particulièrement des groupes de professionnels. Parmi ces derniers, les

orthophonistes (pouvant percevoir la perte d’une part de responsabilité dans le

traitement) semblent avoir des raisons de résister au changement selon le comité de

direction. Peut-être même une partie des éducateurs spécialisés (pouvant voir leurs

charges et compétences requises augmenter). Il reste qu’au final la solution proposée

s’inscrit dans les valeurs prônées par l’organisation. Elle permettrait de traiter plus

d’usagers, et ce, avec une approche multidisciplinaire axée sur le partage de

connaissances.

Page 255: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

240

Modèle

La capacité « modèle » est très faiblement présente dans le cas. En fait, il n’a

pas été question d’étudier ou même de recenser les défaillances du système en place

avant le projet. Chacun des douze points de service se sont graduellement

confectionné leur propre processus de traitement. Les différences entre ceux-ci ne

sont pas majeures, mais semblent suffisantes pour rendre très abstraite une vision

unifiée du modèle préexistant. Même la nouvelle solution semble intangible pour

plusieurs destinataires. Sur papier cette solution est compréhensible que l’on soit

pour ou contre. Mais, dans la pratique elle semble difficile à saisir pour les

différentes parties. Le comité de direction a même dû laisser place à l’initiative des

individus afin de se l’approprier suite à de multiples démonstrations de résistances.

Par contre, la solution proposée est bien établie par le comité de direction et

repose sur des fondements déjà utilisés avec succès par trois points de service du

Centre. Le fonctionnement de ces trois sites n’a cependant pas été récupéré, mais a

seulement servi à influencer une toute nouvelle façon de procéder. Aux dires des

professionnels, ce changement bouleverse non seulement les tâches de chacun, mais

aussi les rôles et responsabilités autant que les relations interpersonnelles. Au final,

le modèle préexistant n’est pas étudié ni même défini et la solution proposée semble

avoir été développée au fil du projet et plus particulièrement à travers une réactivité

aux obstacles encourus. La perspective d’un modèle unifié n’est donc pas présente.

Page 256: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

241

Communication

La capacité « communication » est, selon certains éléments, bien présente,

selon d’autres, moins présente. Au départ, le comité de direction met beaucoup plus

l’accent sur l’urgence, la rapidité et les résultats, plutôt que sur l’explication des

déficiences et du modèle à venir. Même la solution ne semble pas avoir été

développée au départ par la discussion et la réflexion en équipe. Ce qui a eu pour

effet de provoquer des résistances chez les professionnels et les chefs de programme.

Il appert important dans le cas de noter que chacun des groupes de destinataires fait

valoir ses intérêts de façon quasi unanime à différents moments. Par exemple, les

éducateurs spécialisés veulent savoir ce qu’il adviendra de leur rôle, ils requièrent

plus de communication de la part du comité de direction à cet effet ainsi que sur les

visées et les éléments de la solution proposée. Le comité de direction entre dans un

cycle de communication que l’on pourrait qualifier de réactif. Il procède à des

rencontres avec les éducateurs spécialisés pour répondre à certaines de leurs

préoccupations (et non l’ensemble de celles-ci). Ceci semble être en relation avec la

diminution des résistances des éducateurs spécialisés et avec l’augmentation des

revendications ouvertes des orthophonistes.

Ces derniers avaient aussi plusieurs préoccupations quant à leur avenir

professionnel ainsi que sur les détails de la solution proposée. L’attention accordée

aux éducateurs spécialisés semble avoir rehaussé la mobilisation des orthophonistes

afin d’obtenir réponses à leurs questions. Le comité de direction est ici aussi réactif

et il rencontre les orthophonistes afin de répondre en partie à leurs préoccupations.

Page 257: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

242

Le niveau de tensions diminue. Il est à noter que dès le départ, au moment même de

l’annonce du changement, le comité de direction se rend compte que ses chefs de

programme ne sont pas tout à fait convaincus du projet. Ceux-ci ne se sont pas

ouvertement mobilisés pour obtenir de l’information et du support auprès du comité

de direction. Ce dernier y alloue un niveau d’effort renouvelé afin de les mobiliser

dans le sens du projet. Le projet est tout de même lancé sans que le comité de

direction perçoive un support plus grand de la part de ces gestionnaires, il fallait

respecter les objectifs d’urgence et de rapidité rapporte l’étude de cas.

De plus, sous les quatre chefs de programme il y a douze directeurs

d’établissement (douze points de service). Ces derniers ne bénéficient d'aucunes

attentions particulières quant à leur rôle de gestionnaires au plan de la

communication, ils sont traités comme des destinataires. Au final, les termes

« réactivité » et « improvisation » semblent bien définir la communication au sein du

projet, et ce, envers l’ensemble des parties concernées.

En conclusion de l’enjeu de légitimation, l’accent reposant sur l’urgence dans

la dimension « vision » semble avoir teinté l’intégration de l’ensemble des

plateformes d’action de l’enjeu de légitimation. Le temps est perçu comme étant

limité par la DGA et ceci semble être en lien avec le fait qu’elle est presque seule à

être la conceptrice de la solution et qu’aucun temps n’a été mis sur l’analyse

concertée des déficiences présentes. Le « modèle » proposé est donc en

développement et en redéfinition constante à travers le cas par les préoccupations des

Page 258: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

243

différentes parties n’ayant pas été consultées au départ. La communication de la part

du comité de direction tombe ainsi dans une position réactive.

L’enjeu de réalisation

Pilotage

La capacité « pilotage » s’avère peu présente dans le cas selon les éléments

modélisés. Le fait que la DGA obtienne le mandat de piloter le projet est un élément

positif. Celle-ci a une autorité légitime sur les destinataires et les ressources du

Centre. Par contre, le comité de pilotage (qui sera défini par cette appellation

seulement après la rédaction du cas ci-présent) est composé du comité de direction

du Centre dans sa structure hiérarchique intégrale. Ainsi, les participants sont choisis

selon leur niveau hiérarchique et non selon le champ d’expertise. Il est donc possible

de supposer en observant le cas que les enjeux politiques de la direction sont reflétés

quasi intégralement dans le comité de direction du projet.

De plus, les chefs de programme, les cadres présents sur le terrain des

destinataires, ont été intégrés au comité de direction du projet tardivement, et ce,

pour répondre en partie à la nécessité de les convaincre de la justesse de la solution

proposée. Ces éléments font en sorte de créer une distance notable entre la direction

et les destinataires. En fait, ces derniers ne rencontrent que très rarement les

responsables du projet qui ne se rendent quasiment jamais sur les terrains sauf pour

les réunions organisées. En fait, la chargée de projet communique avec ses chefs de

programmes et non directement avec les destinataires. Qui plus est, les moyens de

Page 259: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

244

communication utilisés sont relativement pauvres, soit le téléphone ou le courriel.

Les chefs de programme sont donc les seuls « pilotes » observables par les

destinataires, même si ces managers ne sont pas pour la plupart convaincus du projet

de changement ni présents au niveau opérationnel.

Il est à noter qu’il n’y a aucune mention quant aux douze directeurs

d’établissement. Ceux-ci, en plus de l’inclusion minimale de leurs chefs de

programme, ne sont en aucun temps intégrés dans la structure de pilotage. Ils sont

considérés, par défaut (cette question ne semble pas avoir fait l’objet d’une réflexion

au départ du projet), comme des destinataires du changement.

Capacité

La capacité nommée « capacité » est présente dans le cas selon certains

éléments du modèle et non-présente selon d’autres. Le rythme de mise en œuvre axé

sur la rapidité et la direction met une charge sur les ressources humaines déjà

débordées par leurs responsabilités professionnelles et les procédures d’accréditation

du Centre qui sont en cours à cette époque. En termes de support et d’information

nécessaire, il appert dans le cas que ces ressources sont en partie manquantes étant

donné la structure de pilotage et le traitement de l’enjeu de la légitimité du

changement. En fait, les ressources en termes de compétence managériale et de

support en gestion du changement reposent grandement sur les chefs de programme.

Ceci pourrait expliquer en partie pourquoi il semble y avoir des différences dans les

performances et les résistances à travers les points de service.

Page 260: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

245

Par contre, le Centre a déjà eu des succès avec une solution similaire mise en

œuvre dans les trois points de service mentionnés dans le cas. La direction a su

mobiliser les moyens afin d’acquérir de grandes ressources budgétaires permettant

l’embauche de plusieurs éducateurs spécialisés. Ces éléments aident à faire la

démonstration que les objectifs fixés sont réalistes et que l’organisation pourrait

réussir le changement. Il est difficile de considérer un quelconque succès à venir sans

la possibilité de procéder au recrutement de ces éducateurs spécialisés.

Effort

La capacité « effort » est présente selon certains éléments du modèle et

faiblement présente selon d’autres. Les destinataires sont amenés à collaborer entre

eux dans un projet multidisciplinaire. Les efforts amènent ainsi les destinataires à

travailler avec d’autres collègues de travail tout en laissant la place aux affinités

personnelles dans la conception des équipes. L’ensemble de l’organisation collabore

à l’élaboration de la mise en œuvre en de multiples équipes qui ne sont pas

nécessairement intégrées. Dans certains points de service, les destinataires sont

enthousiastes envers la collaboration et le développement de nouvelles compétences.

Le niveau de partage se voit augmenter.

Par contre, même si l’urgence du projet prime sur le travail quotidien, les

efforts sont plus laborieux pour une partie non négligeable de l’organisation.

Certains destinataires se sentent forcés à collaborer ce qui nuit à leur motivation et

leurs relations interpersonnelles. Pour eux, le facteur de résistance semble être les

Page 261: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

246

redistributions des responsabilités et des rôles à travers cette nouvelle collaboration

obligatoire. Plusieurs ne semblent pas complètement saisir ce que la direction attend

d’eux en termes d’effort. Sinon, ils entretiennent des perceptions négatives quant aux

retombées attendues qui ne leur apparaissent pas comme étant claires ou bien

comprises. Ceci pourrait expliquer pourquoi les deux groupes de destinataires

principaux ont vigoureusement demandé des éclaircissements à la direction. Il est

possible d’observer des niveaux de stress différents chez les employés, faibles pour

les enthousiastes et élevés pour les résistants. Au final, tant chez les enthousiastes

que les résistants, les nouveaux comportements sont effectués.

En conclusion, l’enjeu de réalisation laisse entrevoir des facteurs de succès et

des obstacles. Ces derniers semblent tributaires du traitement réservé à l’enjeu de

légitimation. Le ton a été donné par la présence des éléments de la capacité

« vision » ainsi que de la structure de pilotage. Tel que le met en lumière le cas et

l’analyse qualitative ci-haute, la structure de pilotage semble avoir laissé la place à

plusieurs écarts entre les points de service étant donné la structure hiérarchique du

comité non fondée sur l’expertise d’une part et sur la distance entre ceux-ci et les

destinataires d’autre part. Ceci laisse les efforts des destinataires sur le terrain entre

les mains des compétences de soutien et de leadership des chefs de programme, eux-

mêmes tardivement impliqués dans le comité de direction, et ce, de façon minimale.

Il est possible de constater deux tendances principales au sein du Centre.

D’un côté, les équipes de certains chefs de programme font émerger un

Page 262: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

247

enthousiasme, une collaboration et un développement de la solution. D’un autre côté,

certaines équipes saisissent mal les attentes ou les refusent ce qui provoque le

manque de collaboration et un faible niveau de relations interpersonnelles entre les

catégories de professionnels. Au final, les efforts semblent être propres à des

phénomènes émergents dans les points de service à l’intérieur d’un projet « top-

down » très directif et qui n’inclut pas les gestionnaires de premier niveau.

L’enjeu d’appropriation

Intérêt

La capacité « intérêt » permet clairement d’entrevoir une différence entre

deux groupes de destinataires. D'un côté, cette capacité est très présente selon

certains éléments du modèle. D’un autre côté, elle est faiblement présente selon

d’autres particularités du modèle. Dans certains cas et non pour l’ensemble de ceux-

ci, les orthophonistes sentent leur valeur professionnelle diminuée. En effet, dans

certains points de service, où il est possible de supposer que l’expérience n’est pas

des plus positives, ces professionnels disent ressentir la perte de responsabilités dans

le traitement des patients. Cette responsabilité est déplacée vers les éducateurs

spécialisés. De plus, ces derniers deviennent plus nombreux et obtiennent une

importance implicite plus grande dans le projet.

Là où l’expérience de changement semble positive, il semble aussi y avoir

des perceptions positives quant aux apports que le projet offre à la valeur

professionnelle des destinataires. Relativement à cette dimension, il y a une

Page 263: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

248

différence majeure entre les points de service, ainsi qu’entre les éducateurs

spécialisés et les orthophonistes. Cette dernière différence semble prévisible en

considérant le traitement de l’enjeu de la légitimation ci-haut dans le texte, et ce, plus

particulièrement lors du traitement de la dimension « communication ».

Un élément du modèle a été observé à travers l’ensemble des groupes en

présence. La direction a su susciter ce sentiment d’urgence qui a provoqué un intérêt

inévitable chez chacun. Tous étaient obligés de changer et de fournir des

performances plus élevées. Le mandat du MSSS semble avoir aidé la direction afin

de susciter cet intérêt stratégique à travers le Centre. Considérant la dichotomisation

entre les deux groupes majeurs, soit les orthophonistes « résistants » et les éducateurs

spécialisés « enthousiastes », il appert difficile de qualifier la dimension « intérêt »

avec un jugement unifié.

Apprentissage

La capacité « apprentissage » est présente selon les éléments modélisés. Il est

évident pour la direction et les destinataires de trouver des indicateurs de succès du

projet. Même si les données de performance sont introuvables pour l'instant,

plusieurs affirment que la liste d’attente résiduelle est réduite à zéro. Ceci, ajouté aux

expériences positives de certains points de service, démontre que la solution

améliore effectivement le fonctionnement de l’organisation.

Page 264: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

249

Une menace majeure au développement de la capacité « apprentissage » est la

nécessité de maintenir une performance quotidienne satisfaisante tout en procédant

au changement. Ici, cette menace est évitée. Il semble que les résultats sont positifs

en général et que cet élément n’est et n’a jamais été un enjeu soulevé par aucun des

participants. Un groupe est d’ailleurs mandaté par la direction pour présenter les

apprentissages concernant le projet lors d’un congrès (31 octobre 2009).

La dimension « modèle » n’étant pas apparente, la démarche de

l’ « apprentissage » semble ajustable en cours de projet. Ceci même si l’approche

adoptée est hiérarchique et directive. Plus le temps avance, plus les résistances se

font sentir et plus le comité de direction ajuste le tir en cherchant certaines

possibilités d’obtenir des rétroactions de la part des destinataires. Ensuite, le

phénomène se poursuit avec le traitement réactif des résistances des orthophonistes

ainsi qu’avec l’intégration (imparfaite, mais tout de même présente) des chefs de

programme dans le comité de pilotage. L’observation de ce phénomène dans le cas

se termine avec l’intérêt de la DGA envers la recherche de moyens visant à améliorer

la communication avec ses différentes parties prenantes. La progression se fait

immanquablement observée ici. Il est possible de voir un modèle de changement

directif provoquant certaines résistances difficilement contenues. Il est suggéré que

cette situation entraine un cycle réactif amenant le comité de direction à laisser une

ouverture à l’émergence d’initiatives de changement.

Page 265: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

250

Au final, dans les groupes où l’expérience est positive, les destinataires

changent leur façon de travailler et de collaborer en profondeur. Les éducateurs

spécialisés de ces groupes trouvent même leur sentiment d’efficacité personnelle

augmenté suite au développement de nouvelles compétences et de responsabilités

qu’ils acquièrent sur le terrain, avec la collaboration des orthophonistes, de leur

équipe ainsi que par la formation dispensée. Par contre, la dichotomisation entre les

deux groupes majeurs se fait toujours ressentir.

Progression

La capacité « progression » est présente selon certains critères modélisés et

absente selon d’autres. La scission entre les points de service ainsi qu’entre les

éducateurs spécialisés et les orthophonistes est observable et nécessite une

constatation dichotomique. Des « petits succès » tangibles sont notables pour

l’ensemble des groupes. La performance générale du Centre semble s’être améliorée

aux dires de la direction en plus des démonstrations offertes par les expériences de

collaboration positives et par la présentation au congrès du 31 octobre 2009. De plus,

les objectifs à atteindre n’ont pas été une préoccupation explicite dès le départ même

si un certain niveau de résistance au changement était attendu et a été perçu. Il

demeure que dû aux scissions provoquées ainsi qu’à la perte des indicateurs de

performance (quantitatifs) par le comité de direction, les conséquences du

changement semblent difficiles à cerner.

Page 266: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

251

Une vision globale des conséquences concrètes sur les comportements des

employés semble difficile à élaborer. Il est possible de suggérer qu’un potentiel

d’amélioration est présent. Premièrement, dans les groupes où l’expérience est

positive, le partage entre éducateurs spécialisés et orthophonistes est indéniable et

permet à chacun de s’améliorer. Deuxièmement, les exemples de succès comme

celui présenté au congrès du 31 octobre permettent aux autres groupes de s’améliorer

si possible. Troisièmement, l’approche directive du comité de direction semble

laisser de plus en plus de place aux initiatives émergentes avec le temps selon l’étude

de cas. Ce point pourrait être bénéfique dans le futur. Du moins, il est un indicateur

que la direction s’améliore dans la mise en œuvre du changement et particulièrement

dans la réponse et la planification de celle-ci face à la résistance au changement.

Pour conclure, le traitement de l’enjeu d’appropriation reflète la

différenciation provoquée lors du traitement de l’enjeu de la « réalisation » et

influencée par le traitement de l’enjeu de la « légitimation » du projet. Certains

groupes s’approprient la nouvelle solution et d’autres la rejettent toujours. Le comité

de direction a constaté cet effet et cherche activement des solutions pour y répondre.

Plusieurs leviers d’action sont présents à travers les succès du Centre pour mobiliser

les groupes réfractaires.

Il y a un certain danger de maintenir cette scission à travers les prochaines

actions. En effet, il serait néfaste que le comité mette plus d’accent sur les résistants

et oublie les groupes enthousiastes. Au final, ce bilan de l’appropriation vient aussi

Page 267: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

252

complexifier la constatation de la performance globale du Centre telle que perçue en

partie dans la dernière section du cas.

Il est important de souligner que l’observation du traitement de l’enjeu

d’ « appropriation » soulève une problématique particulière. En effet, les indicateurs

de performance ont été égarés à travers les étapes de mise en œuvre du projet. Il n’y

a donc en ce moment aucun élément concret pour appuyer les signes positifs déclarés

par la direction. De plus, en considérant les éléments absents en ce qui a trait à

l’observation de la présence des dimensions « modèle » et « apprentissage », il est

possible de suggérer un obstacle futur majeur. Advenant que la liste d’attente

résiduelle soit effectivement réduite à zéro ou à tout de moins réduite

significativement, il sera essentiel de tenter d’observer si celle-ci ne s’est pas

simplement déplacée. En d’autres termes, la liste d’attente de premier service peut

bel et bien avoir été réduite considérablement. Par contre, il faut s’attendre aussi à ce

que cette liste se déplace sur le suivi régulier (suite au premier service en groupe).

Les données ne sont pas disponibles en ce moment aux dires de la direction du

projet.

Le cas Partenariat CSSS - CRD

L’enjeu de légitimation

Vision

La capacité « vision » est bien présente selon les critères modélisés. Tel que

stipulé par l’ensemble des intervenants dans le cas, tous ont un engagement élevé

Page 268: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

253

envers les intentions du projet. Tout au long du cas, plusieurs notent qu’il est

indispensable de hausser la qualité des suivis pour cette clientèle particulière. Les

recherches au sujet de cette problématique viennent confirmer l’urgence et la gravité

de la situation. Les parrains du projet, Mme. Gravel et M. Giroux en particulier,

réussissent à créer un sens au projet pour chacun des deux établissements.

L’intention de collaboration et de respect culturel est très importante. Les cinq

« actions » proposent des intentions rédigées et acceptées par les comités de pilotage

et conjoint.

Modèle

La capacité « modèle » est relativement absente selon les éléments

d’observation. Les acteurs partagent entre eux pour établir les intentions du projet

seulement (la vision), sinon ils agissent à un niveau individuel pour mettre en place

ces actions. Il n’est que très rarement question d’établir une documentation concrète

et partagée de la solution processuelle proposée. D'ailleurs, celle-ci a été divisée

selon les cinq actions rapportées. Le modèle, en plus d’être relativement indéfini, il

est ici éclaté en plusieurs sous-projets non nécessairement intégrés.

Communication

Certains éléments de la capacité « communication » sont observés dans le

cas, d’autres non. D’un côté, la conception du comité conjoint est un élément

favorable permettant d’installer une plateforme d’échange entre différents

professionnels des deux établissements. La culture du CRD, étant organique, et sa

Page 269: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

254

structure étant plus horizontale lui permet de communiquer les messages plus

aisément du haut de la hiérarchie vers la base. Il a plusieurs représentants au sein du

comité conjoint. Aussi, la coordination de M. Tremblay est une plateforme de

communication acceptée et respectueuse des deux cultures et structures en place.

Par contre, plusieurs spécialisations n’ont qu’un seul membre au sein du

comité conjoint. Les communications reposent en bonne partie sur les intentions

individuelles des membres et non dans un plan d’action étendu sauf quelques

communications écrites et unidirectionnelles. Certains groupes de professionnels ne

sont pas rejoints de façon claire par les communications, tels que les psychologues et

psychiatres.

L’enjeu de réalisation

Pilotage

La capacité « pilotage » est modérément présente dans le cas. Certains

éléments sont observés, d’autres non. D’un côté, Mme Gravel et M. Giroux

apparaissent comme étant très crédibles au sein de leurs organisations. Aux dires de

tous, M. Tremblay est accessible et reconnu comme étant un facteur de succès du

projet. La structure de pilotage est bien articulée autour d’un comité de direction et

un comité conjoint permettant de rapprocher le terrain de la stratégie.

D’un autre côté, les psychiatres et le comité de pilotage affirment ne pas être

représentés par un leadership crédible, ce qui affecte grandement l’observation

Page 270: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

255

complète des éléments de la capacité « pilotage » étant donné leur rôle indéniable

dans ce projet.

Capacité

La dimension « capacité » est très souvent observée dans le cas. Les

compétences nécessaires sont présentes et structurées. Par exemple, la formation

interne concernant l’entretien motivationnel est une forme de propagation de ces

compétences et connaissances. Les interventions de la psychologue et de la

psychiatre sont d’autres exemples de cette allocation des connaissances et

compétences. Les ressources sont moyennement disponibles. Des ressources sont

injectées dans l’embauche d’un consultant externe et dans la mise sur pied de la

formation.

Par contre, plusieurs acteurs se retrouvent surchargés par les activités du

projet. Les interventions du Dr. Thibodeau visant à modifier la structure de

rémunération au sein de l’ASSS est un effort important reflétant l’injection de

capacités dans le projet.

Effort

La capacité « effort » est présente selon certains éléments modélisés et

absente selon d’autres. L’effort semble reposer ici sur l’enthousiasme des acteurs qui

découvrent rapidement l’avantage de collaborer entre établissements. Cet élément est

important tout autant que la motivation apparente et l’engagement élevé de ces

Page 271: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

256

acteurs. Les activités du changement semblent prioritaires dans le travail quotidien

ce qui peut venir hausser l’observation d’éléments propres à la dimension « effort ».

Par contre, seuls les acteurs impliqués directement dans le projet investissent

cette énergie et développent cet enthousiasme. De plus, il faut rappeler que ces

activités sont perçues comme une surcharge de travail au départ. Une seule

psychiatre participe à l’effort. Les autres psychiatres critiquent le leadership, ce qui

peut laisser croire à une certaine résistance, du moins à un « effort » diminué.

Le leadership du projet contient d’excellents éléments qui aident à dynamiser

les actions entreprises aux niveaux stratégique (intentions), systémique (structure de

rémunération par exemple) et opérationnel. Cependant, la critique apportée envers le

leadership propre aux psychiatres apparait comme étant majeure et particulièrement

importante afin d’impliquer rapidement ce groupe de professionnels névralgique au

sein du projet.

L’enjeu d’appropriation

Intérêt

La capacité « intérêt » est présente selon certains éléments modélisés et

absente selon d’autres éléments. Plusieurs trouvent un intérêt individuel à partager

leurs connaissances et à en recevoir de nouvelles. Chacun, peu importe sa

provenance, indique qu’il est gagnant dans cet échange. De plus, les destinataires

impliqués jusqu’à présent semblent voir un intérêt envers le développement d’un bon

Page 272: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

257

partenariat sur leur charge de travail et surtout sur l’efficacité de leurs actes

professionnels.

D’un autre côté, plusieurs psychiatres et certains psychologues trouvent cet

intérêt, mais voient aussi leur confort professionnel diminué à travers le partage des

patients requis par le projet. Ils sentent donc une baisse de leur autonomie.

Apprentissage

Les éléments propres aux dimensions systémiques (« modèle », « capacité »,

« apprentissage ») n’étant pas fréquemment observés dans le cas, la capacité

« apprentissage » est presque inobservable dans le cas. À ce moment-ci les

apprentissages sont beaucoup plus présents au niveau individuel, mais pas au niveau

organisationnel.

Progression

Les acteurs sont dans une phase de conceptualisation et d’expérimentation du

projet. Ainsi, rares sont les démonstrations de progression à ce moment-ci. Par contre

les expériences positives d’acteurs tels que la Dr. Girard (psychiatre) et les membres

du comité conjoint commencent à être partagés et mis en valeur.

L’enjeu d’appropriation a reçu de l’attention dans les discours des pilotes. Par

contre, les actions ciblées à cet effet semblent très embryonnaires. La dimension

« modèle » étant faiblement observée et la dimension « intérêt » n’étant presque pas

Page 273: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

258

représentée dans le cas, il apparait difficile d’approfondir plus amplement une

approche de cet enjeu. Sinon, il semble que beaucoup d’espace est offert aux acteurs

afin qu’ils définissent et expérimentent eux-mêmes les actions requises par le projet.

Ceci pourrait être un bon indicateur d’une certaine progression au niveau de

l’appropriation dans un futur rapproché.

5.3.2 Analyses comparatives, quantitatives et qualitatives

L’objectif de cette activité de comparaison se veut rigoureux et explicité,

mais non nécessairement positiviste. Il y est assumé que les biais du chercheur

peuvent être présents dans son analyse qualitative des dimensions mesurées. En effet,

selon les enjeux épistémologiques soulevés dès l’introduction du modèle au centre

d’une triple dialectique, l’activité interactionniste est itérative et constructiviste. Afin

de procéder à ces analyses comparatives de façon légitime et rigoureuse, quelques

précisions sont rappelées.

Les entrevues (situation managériale) ont été faites trois mois avant la

passation de questionnaires (modèle formel)23

. Deux chercheurs ont été présents lors

de ces entrevues. Les études de cas ont été soumises à une validité reposant sur les

acteurs eux-mêmes interviewés. Elles ont aussi été soumises à un accord inter-juges

itératif impliquant ces deux chercheurs ainsi que le responsable de la recherche au

niveau du LEGG, professeur en gestion du changement. Les questionnaires ont été

analysés de façon indépendante, par l’auteur, en se reposant sur des outils

23

Les entrevues pour le cas Innovation d’un processus de soins ont été réalisées aux mois de

septembre et octobre 2009. Celles pour le cas Partenariat CSSS – CRD ont été réalisées aux mois

d’octobre et novembre 2009.

Page 274: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

259

quantitatifs tels que rapportés dans la présente thèse. Finalement, les analyses

qualitatives reposent sur les éléments identifiés au modèle conceptuel.

Ainsi, le lecteur peut premièrement se rapporter aux principes

méthodologiques de la validation des objets du modèle en jeu. Deuxièmement, il

peut se rapporter à la modélisation opérationnelle des objets du modèle.

Troisièmement, le lecteur peut aussi se diriger vers l’élaboration des méthodes et

principes de traitement des enjeux de la modélisation, dont les analyses comparatives

font parties. Finalement, il peut apporter un regard critique sur la validité des

analyses comparatives et interactionnistes elles-mêmes en considérant le détail et la

précision relatifs à l’ensemble de ces fondements, méthodologies et méthodes.

Afin de croiser les analyses quantitatives avec les analyses qualitatives, il est

nécessaire de tester la correspondance entre le niveau de succès associé à chacune

des dimensions et la moyenne quantitative des réponses correspondantes au

questionnaire. Le tableau XXV présente les moyennes de ces résultats pour chacune

des deux études de cas. Le rang quartile apparait entre parenthèses. Celui-ci est

obtenu à partir de la moyenne des moyennes de chacune des dimensions et de sa

variance.

Page 275: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

260

Tableau XXV : Résultats (moyennes et rangs quartiles) généraux des deux cas

de changement organisationnel

Cas : Innovation d’un processus de soins

Légitimation Réalisation Appropriation

Stratégique Vision

3,14 (1)

Pilotage

2,2 (4)

Intérêt

2,73 (3)

Fonctionnelle Modèle

1,67 (4)

Capacité

2,99 (1)

Apprentissage

2,72 (3)

Opérationnelle Communication

2,75 (3)

Effort

3,02 (1)

Progression

2,81 (2)

Cas : Partenariat CSSS - CRD

Légitimation Réalisation Appropriation

Stratégique Vision

3,32 (1)

Pilotage

2,82 (2)

Intérêt

2,88 (2)

Fonctionnelle Modèle

2,58 (4)

Capacité

2,82 (2)

Apprentissage

2,75(3)

Opérationnelle Communication

2,78 (2)

Effort

2,67 (3)

Progression

2,58 (4)

Page 276: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

261

La comparaison entre les analyses qualitatives et quantitatives permet de

confirmer le modèle à travers l’étude de cas Innovation d’un processus de soins. Les

dimensions qualifiées de « présentes » par l’analyse qualitative le sont aussi par leurs

moyennes au questionnaire plus élevées (vision, capacité, effort). Les dimensions

qualifiées comme étant « faiblement présentes » par l’analyse qualitative le sont

aussi par leurs moyennes au questionnaire (modèle, pilotage). Les dimensions

« moyennement présentes » sont observables dans le tableau précédent par les

moyennes du troisième rang quartile (communication, intérêt, démarche).

Finalement, l’amélioration entamée et observée par l’analyse qualitative de la

dimension « apprentissage » est observée par les données quantitatives par son rang

quartile (2).

Les analyses comparatives complémentaires du cas Partenariat CSSS – CRD

présente de bons indicateurs de validité en général. Les dimensions qualifiées de

« présentes » par l’analyse qualitative sont : Vision et Capacité. Seule la Vision

obtient un rang quartile de 1. La Capacité obtient un rang quartile de 2. Ceci pourrait

être expliqué par le niveau de capacité très présent entre les acteurs directement

impliqués dans le cas qui prendrait ici trop d’importance au sein des analyses

qualitatives. Le questionnaire psychométrique ayant été répondu par plusieurs

catégories d’acteurs, ils semblent que ceux-ci n’ont pas pu percevoir ce niveau de

Capacité.

Page 277: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

262

Les dimensions dites absentes dans les analyses qualitatives sont : Modèle,

Apprentissage et Progression. Les résultats quantitatifs indiquent que Modèle et

Progression sont bel et bien représentés dans le quatrième quartile. La dimension

Apprentissage semble avoir ici perdu un certain niveau de détail par le fait que

l’analyse qualitative n’a su considérer une présence significative de cette capacité.

Les dimensions mitigées ou à développer selon les analyses qualitatives sont :

Communication, Pilotage, Effort et Intérêt. Sauf en ce qui à trait à la dimension

Effort, les autres obtiennent le rang quartile 2. L’Effort semble avoir été plus présent

dans l’étude de cas par l’attention portée aux acteurs directement impliqués dans le

projet et qui ne sont pas nécessairement représentatifs de l’échantillon destinataire du

changement. Les analyses qualitatives et l’étude de cas elle-même rapportaient cette

hypothèse provenant des dires des participants interrogés.

Analyses complémentaires du cas Innovation d’un processus de soins

L’étude de cas Innovation d’un processus de soins présente des analyses

comparatives démontrant une validité confirmée en tous points dans la partie ci-

haute. Des analyses complémentaires sont alors proposées afin d’approfondir le test

de validité et d’observer ainsi ses possibles inférences et limites.

Cette intervention complémentaire à l’analyse comparative entre la solution

du modèle formel et la situation managériale, utilise les méthodes quantitatives afin

de corroborer les analyses qualitatives et comparatives ci-haut. Le cadre de cette

Page 278: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

263

recherche ne permet pas de poser d’hypothèses à proprement parler étant donné sa

position constructiviste plutôt que positiviste. Ainsi, même si les méthodes

quantitatives sont utilisées à l’aide de leurs postulats techniques habituels, la

formulation par proposition de recherche est favorisée. La « proposition » est le

penchant qualitatif du concept d’hypothèse. Qui plus est, l’hypothèse ne pourrait être

utilisée étant donné que l’analyse ici n’est pas ancrée dans un contexte théorique

permettant la formulation hypothético-déductive classique. Elle est plutôt ancrée

dans une confirmation axiomatico-inductive des résultats itératifs du chercheur. Les

analyses sont présentées dans la partie qui suit.

Il appert important de tester ces allégations de dichotomisation entre les

groupes de « résistants » et d’ « enthousiastes » au changement. Si cette

problématique est réellement captée par le modèle il devrait être possible d’obtenir

une différence de moyenne entre les éducateurs spécialisés et les orthophonistes, les

premiers étant représentés comme étant plus enthousiastes et les deuxièmes comme

étant plus résistants par l’étude de cas. La proposition suivante est formulée:

P1 : Un test ANOVA démontre une différence significative entre les

moyennes des orthophonistes et des éducateurs spécialisés aux

dimensions « communication », « intérêt » et « apprentissage ». Les

éducateurs spécialisés obtiennent les moyennes les plus élevées.

Page 279: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

264

Un test ANOVA est utilisé sur les dimensions qualifiées ci-haut de

« moyennes » (représentées par le troisième quartile) entre l’occupation du

participant, soit éducateur spécialisé ou orthophoniste. Les résultats démontrent que

pour ce qui est de la dimension « communication », il y a une différence significative

entre les deux groupes (F = 10,07 ; p < 0,005 ; dl = 45). La dimension « intérêt »

présente une différence significative entre les deux groupes (F = 14,38 ; p < 0,001 ;

dl = 45). Finalement, la dimension « apprentissage » présente aussi une différence

significative entre les deux groupes (F= 8,78 ; p < 0,001 ; dl = 45). La proposition P1

est confirmée. Les éducateurs spécialisés présentent des moyennes plus élevées que

les orthophonistes sur ces trois dimensions. Le tableau XXVI présente les moyennes

obtenues.

Tableau XXVI : Comparaison des moyennes de P1

Dimensions Éducateurs

spécialisés

Orthophonistes

n

Communication

23

3,01

24

2,42

Intérêt 3,05 2,32

Apprentissage 2,88 2,30

Note : Toutes les moyennes présentent des différences significatives.

Afin d’ajouter de la robustesse à la confirmation de la dernière proposition,

un test ANOVA a été utilisé afin de tenter de dichotomiser les moyennes de ces deux

Page 280: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

265

groupes à travers l’ensemble des neuf dimensions. La proposition suivante est

formulée :

P2 : Un test ANOVA portant sur les moyennes des deux groupes

(éducateurs spécialisés et orthophonistes) aux neuf dimensions

démontre des différences significatives seulement aux dimensions

« communication », « intérêt » et « apprentissage ». Les six autres

dimensions ne démontrent aucunes différences significatives.

Le test ANOVA confirme la proposition P2. Seules les trois dimensions

proposées démontrent des différences significatives. Il est à noter que la tendance la

plus claire vers une différence significative porte sur la dimension « progression » (F

= 3,26) avec un p = 0,8 (non-significatif). Ceci semble aller dans le même sens que

l’interprétation qualitative de cette dimension. Le tableau XXVII présente cette

comparaison entre les deux groupes.

Page 281: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

266

Tableau XXVII : Comparaison des moyennes de P2

Dimensions Éducateurs

spécialisés

Orthophonistes

n

Vision

Modèle

Communication

Pilotage

Capacité

Effort

23

2,99

1,52

3,01*

2,06

2,70

3,01

24

3,00

1,69

2,42*

2,01

2,98

2,88

Intérêt 3,05* 2,32*

Apprentissage

Progression

2,88*

2,83

2,30*

2,44

Note : * : différence significative à p < 0,05

Afin de poursuivre dans le même sens, l’analyse qualitative et l’étude de cas

ont mis en lumière que la dimension « communication » a été traitée différemment

entre ces deux groupes de professionnels. Il est alors suggéré que ce traitement

dichotomique ait eu des répercussions sur les différences observées aux dimensions

« intérêt » et « apprentissage ». La proposition suivante est formulée :

Page 282: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

267

P3 : Les résultats obtenus à la dimension « communication » sont en

lien significatif (positif) avec les dimensions « intérêt » et

« démarche ».

Un test par régression appliquée aux 67 participants de ce terrain de

recherche démontre que cette hypothèse est confirmée dans son ensemble avec une

taille d’effet très élevée de 0,63 significative à p < 0,001. Plus précisément, un effet

principal de la dimension « communication » sur la dimension « intérêt » est observé

(β = 0,62; p < 0,01). L’effet principal sur la dimension « apprentissage » est non-

significatif même s’il démontre une tendance claire (p = 0,07). Aucun effet

d’interaction ne s’est révélé significatif. La proposition P3 est donc partiellement

confirmée. La figure 21 illustre les relations identifiées.

Figure 21 : Illustration de la proposition P3

Communication

Intérêt

Apprentissage

0,62

n.s.

Page 283: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

268

L’analyse qualitative suggère que la dimension « effort » est bien présente

puisque tous les participants produisent les comportements attendus par le projet de

changement. Par contre, il y est noté que certains sont réfractaires et obligés, tandis

que d’autres sont enthousiastes et motivés. Il est possible de suggérer que l’

« apprentissage », qui n’est pas directement expliquée par la « communication »,

peut l’être par l’ « effort ». En effet, plus les rôles et responsabilités sont bien

délimités et explorés, et plus il est facile de poser les comportements demandés, il y

aurait alors un effet progressif sur l’ « apprentissage » du système de soin mis en

œuvre. Ainsi, les participants qui obtiennent des résultats plus élevés à la dimension

« effort » devraient être plus aptes à identifier et à adapter le système proposé par le

projet de changement. De cette façon, il serait possible de prédire l’

« apprentissage » plutôt que l’ « intérêt ».

P4 : Les résultats obtenus à la dimension « effort » sont en lien

significatif (positif) avec la dimension « apprentissage ». Aucun lien

n’est attendu avec la dimension « intérêt ».

Le test par régression appliqué aux 67 participants de ce terrain de recherche

démontre que la proposition P4 est confirmée dans son ensemble avec une taille

d’effet moyenne de 0,26 (p < 0,01). Plus précisément, un effet principal de la

variable « effort » sur la variable « apprentissage » (β = 0,49 ; p < 0,005) est observé.

Aucun effet principal significatif n’est observé quant à la variable « intérêt » (p =

0,69). La figure 22 illustre les relations identifiées.

Page 284: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

269

Figure 22 : Illustration de la proposition P4

Il apparait que le modèle formel et la situation managériale relatifs au projet

Innovation d’un processus de soins permettent l’observation de précisions

supplémentaires telles que le démontre cette section. En ce qui a trait au cas

Partenariat CSSS – CRD, il ne semble pas possible de d’aller outre les intentions

premières visant à valider le modèle de Rondeau (2008). L’objet « situation

managériale » relatif à ce terrain ne permet donc pas de soulever des implications

spécifiques à des sous-groupes. Ainsi, seul le portrait général fait l’objet d’une

analyse comparative dans ce cas. Le chapitre 6 traitera précisément de cette question

sous l’appréciation de la validité de précision.

Au final, l’enjeu prototypique a été opérationnalisé avec une considération

supplémentaire entre certaines précisions du modèle formel et de la situation

Effort

Intérêt

Démarche

n.s.

0,49

Page 285: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

270

managériale. Le traitement du modèle formel est à ce point-ci complet. Le prochain

et dernier enjeu réalisé ne traite plus du modèle formel afin de mettre l’accent sur le

pragmatisme du modèle conceptuel.

5.4 L’enjeu pragmatique

Le traitement de la problématique du pragmatisme laisse tomber la nécessité

d’un modèle formel technique pour des gains en rapidité et en intégration de la

complexité de la situation managériale. Ici, l’expérience, le jugement, les

connaissances et les préférences des acteurs pertinents sont au centre des efforts de la

modélisation (Oral et Kettani, 1993). Ainsi, le modèle conceptuel devrait pouvoir

offrir une prise de décision rapide et reposant sur le partage des schèmes cognitifs

des intervenants. En d’autres termes, est-ce que le modèle conceptuel offre une

« solution » permettant l’action des utilisateurs désirant agir selon les

« prescriptions » du modèle?

La justification théorique et référencée des éléments constituant les

arborescences du modèle conceptuel est alliée à la méthode par tableaux de bord

constituant la « solution » tirée du modèle conceptuel. Ceci amène une dimension

pragmatique intéressante s’il est impossible de recourir à la passation du

questionnaire psychométrique validé (modèle formel).

En effet, la précision diagnostique quantitative du modèle formel n’y est pas.

Mais le modèle conceptuel, dans sa complexité, est plus facilement interprétable par

Page 286: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

271

les gestionnaires dans sa formulation en tableaux de bord présentée en annexe 2. De

plus, l’utilisation des tableaux de bord guide et encadre l’action réflexive en

influençant les schèmes cognitifs partagés entre les acteurs impliqués. En considérant

que chacun des objets est valide et que leurs interactions le sont aussi, il est

automatiquement inféré que l’enjeu pragmatique est adressé.

Qui plus est, selon la dualité de l’Action et de la Connaissance présentée en

introduction, ces tableaux de bord ne demeurent qu’un produit de Connaissance et ils

sont validés en ce sens. Un travail subséquent pourrait poser la question à savoir ce

que ces tableaux de bord sont devenus suite à l’intégration par les utilisateurs. Sinon,

comment pourraient-ils être efficaces dans les processus de gestion hebdomadaires?

Pour conclure, les quatre objets du modèle ont été validés chacun de façon

indépendante dans le chapitre 4. Les quatre enjeux de la modélisation-validation ont

été adressés dans le chapitre 5 afin de compléter la validation des objets en étudiant

leurs interactions mutuelles. Le prochain chapitre traite, entre autres, des neuf types

de validité qui sont supposés comme étant inhérents à l’opérationnalisation du

tétraèdre selon Oral et Kettani (1993).

Page 287: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

6 Discussion

Le présent chapitre propose l’appréciation des neuf types de validités

explicités par Oral et Kettani (1993) et regroupant l’ensemble des types étudiés ci-

haut au chapitre 3 pour la validation d’un modèle dont l’objet est « très soft ». Ces

neuf types sont considérés comme étant la réponse théorique (ou conceptuelle) à la

question de la présente thèse : qu’est un modèle valide en sciences de la gestion? La

discussion présente l’étude de chacun des types dans l’objectif de déterminer si la

proposition de la thèse est répondue selon une dimension méthodologique et

empirique. À travers cette première partie de la discussion, l’appréciation de chacun

des types de validité est proposée et du coup, les limites et les avenues de recherche

futures sont explorées en détail.

6.1 L’appréciation des neuf types de validités opérationnalisées

Tel qu’explicité dans le cadre méthodologique proposé à la fin du chapitre 3,

une dernière phase de validation est nécessaire. Le traitement des neuf types de

validités découlant du modèle d’Oral et Kettani (1993) permettent une appréciation

complémentaire et holistique de l’activité de modélisation. Ainsi, dans un objectif de

rigueur et de légitimation s’appliquant à la valeur scientifique de la modélisation

autant qu’à l’intérêt pragmatique de l’opérationnalisation, ces types seront interprétés

à travers les interventions itératives du chercheur dans le cadre de la présente étude.

Il appert important de rappeler les principes fondamentaux de cette

proposition d’Oral et Kettani (1993). Ces types de validités ont des ancrages dans les

Page 288: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

273

approches méthodologiques empiriques et reconnues dans la documentation

universitaire. Ils sont orthogonaux, chacun des types à une intention propre, de là

l’importance de l’étendue et de la précision de la proposition d’Oral et Kettani

(1993). Ces types suggèrent des mécanismes généraux en laissant une liberté à la

mobilisation d’outils et de méthodes de validation appropriés. L’ensemble de ces

types de validités recouvre les quatre objets du cadre méthodologique, ainsi que le

traitement des quatre enjeux de la modélisation. En d’autres mots, ces neuf types de

validité sont les retombées de la modélisation selon les quatre objets et les quatre

enjeux.

Dans les parties suivantes chacun des types de validité fait l’objet : 1) d’un

rappel théorique à propos de leur proposition, 2) d’une appréciation dans le cadre de

l’opérationnalisation, 3) d’une mise en lumière des limites et des avenues de

recherches futures. Dans certains cas, les deux derniers points sont jumelés afin

d’alléger le texte.

6.1.1 La validité de formulation

La proposition

La validité de formulation propose l’analyse de la représentation descriptive

de la situation managériale à travers le modèle formel. L’enjeu du prototype y est

donc passablement important. Dans le cadre de la présente thèse, la situation

managériale approchée sur un angle de la méthode par structuration de problème est

Page 289: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

274

qualifiée ici de « très soft » relativement aux travaux publiés en management et plus

particulièrement en gestion du changement.

L’appréciation

La validité de formulation est considérée comme satisfaisante par l’exercice

du traitement des quatre objets et des quatre enjeux traités. La validation des études

de cas et du questionnaire psychométrique répond en partie à ce type de validité. Le

traitement de l’enjeu descriptif, par la modélisation par équations structurales, ainsi

que le traitement de l’enjeu prototypique, par les analyses comparatives, est supposé

satisfaisant.

Il est aussi possible d’ajouter que les utilisateurs des deux terrains de

recherche se disent satisfaits de l’effet des résultats du modèle formel dans leur

contexte. Le projet Innovation d’un processus de soins a continué, par l’effort de son

comité de pilotage, à adapter à leur situation l’outil qui leur a été fourni par la

« solution ». Ceux-ci s’en servent dans les pratiques de suivi de projets en gestion du

changement. Pour ce qui est du projet Partenariat CSSS - CRD, le comité de pilotage

a offert un siège au chercheur de cette thèse afin de présenter le détail des résultats

accumulés, ainsi que d’offrir un suivi cohérent, près de la pratique et plus intensif

Page 290: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

275

qu’un simple rapport24

. L’objet « solution » fait partie des communications

officielles du projet, ainsi que des discussions au comité conjoint.

Les limites et les avenues de recherche

La validité de formulation pourrait être améliorée à travers deux directions

principales : 1) Le modèle provient a priori d’une recherche de la connaissance et

non l’inverse. Ainsi, l’activité est en quelque sorte fermée. En d’autres mots,

l’activité de recherche-action opérationnalisée pose d’emblée un modèle de

connaissance au centre de son intervention (soit le modèle de Rondeau, 2008). La

modélisation et la connaissance subséquemment produites relèvent inévitablement de

l’utilisation des postulats du modèle comme objet de transformation tel que suggéré

en introduction. La validité de formulation se limite donc à l’appréciation de la

situation managériale par le modèle formel à travers la perspective des capacités à

changer imposée par le modèle conceptuel. Cette limite, quoiqu’importante à relever

au niveau méthodologique, n’en est pas une au niveau de la conception de la présente

étude. Dès l’introduction, la dualité Action-Connaissance et la dialectique chercheur-

projet ont été considérées comme faisant partit de la problématique de recherche. 2)

Il apparait nécessaire de procéder à l’étude plus précise des retombées pragmatiques

d’efficience auprès des acteurs-utilisateurs du modèle formel dans le contexte

managérial qui leur est propre. Cette proposition est récupérée plus loin dans le texte.

24

Ce siège a été offert en mai 2010, soit après à la réalisation des entrevues et à la passation des

questionnaires (septembre 2009 à janvier 2010).

Page 291: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

276

6.1.2 La validité de légitimation

La proposition

La validité de légitimation propose l’analyse de la justesse des prescriptions

du modèle conceptuel (en l’absence du modèle formel) selon une approche

pragmatique. Ainsi, « tout ce qui doit être fait formellement pour répondre aux

validités logique et expérimentale se doit d’être fait de façon informelle et qualitative

pour la validité de légitimation » (Oral et Kettani, 1993, p.230; traduction libre). La

qualité des prescriptions doit être mise en relation avec la justesse du modèle

conceptuel à travers un mécanisme de validité de légitimation. Cette qualité inclut :

- Une hausse de détail perçu quant à la situation managériale

- Un niveau d’acceptabilité au sein de l’organisation

- Un niveau d’engagement de la part des gestionnaires

- Un niveau appréciable d’applicabilité

- Une utilité dans la prise de décision

L’appréciation

Par rapport à la proposition de Rondeau (2008), le niveau de détail du modèle

en lien avec la situation managériale s’est vu augmenter. La modélisation suivant les

principes élémentaires de la Soft System Methodology (Checkland, 1981; Checkland

et Scholes, 1990) apporte un ancrage théorique au modèle conceptuel par la

mobilisation des connaissances académiques relevant des neuf capacités tout en

respectant les fondements de Rondeau (2008). Du même coup, l’applicabilité de

cette modélisation se voit augmenter par la présentation en tableaux de bord guidant

Page 292: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

277

l’action de l’utilisateur (voir l’annexe 2). Le processus menant à ces tableaux de bord

à partir de la proposition de Rondeau (2008) a été reconnu comme utile à l’action par

les responsables des deux terrains de recherche.

Une formule dialogique autour des dimensions du modèle conceptuel axée

vers l’action inhérente aux tableaux de bord semble moins « menaçante » par rapport

au modèle formel. En d’autres mots, le diagnostic du modèle formel peut apparaitre

pour certains comme une évaluation de performance. Tandis que le dialogue et la

concertation autour des interventions et des suivis des tableaux de bord pourraient

amener à une formule de gestion plus consensuelle et participative. Au minimum,

elles portent l’attention des acteurs sur le partage de schémas cognitifs communs

autour d’un outil organisant ces schémas émergents.

La validité de légitimation est ici reconnue comme satisfaisante selon les

interventions du chercheur décrites ci-haut, ainsi que par les commentaires des

responsables des deux projets étudiés.

Les limites et les avenues de recherche

Il est à considérer que la présente étude est alors un avancement en termes de

légitimation de la proposition de Rondeau (2008), mais qu’une prochaine itération

pourrait apporter une certaine traduction du modèle conceptuel afin de mieux

correspondre aux intérêts précis des gestionnaires.

Page 293: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

278

6.1.3 La validité de précision

La proposition

La validité de précision propose l’analyse de l’utilité du modèle formel à

« constater les enjeux et les prises de conscience au niveau de la situation

managériale » (Oral et Kettani, 1993, p.228). La « représentativité » et le

« synergisme » sont au cœur de cette analyse, particulièrement dans le cadre d’une

situation managériale complexe. Cette étude de la validité de précision est démontrée

en trois temps dans la section qui suit.

L’appréciation

Il est important de noter le niveau de précision et de rigueur méthodologique

dans la conception des études de cas représentant les situations managériales afin

d’apprécier par la suite le traitement suivant. Sans cette approche reposant en grande

partie sur les postulats de Yin (2009), l’étude de la validité de précision serait

impossible, sinon incomplète par manque de comparatifs. Il est entendu que la

situation managériale complexe réelle existe, mais qu’elle n’est pas objectivable en

tant que telle. Ainsi, la meilleure image de celle-ci demeure l’artéfact qu’est l’étude

de cas. Sa validité est donc primordiale à l’interprétation ci-proposée.

Deux méthodes principales ont servi à apprécier la validité de précision. La

modélisation par équation structurelle porte plus spécifiquement sur le modèle

formel et sa « représentativité » importante au présent type de validité. Dans une

approche captive des perspectives imposées par le modèle utilisé, l’ensemble des

Page 294: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

279

indicateurs dits « relatifs » démontre une validité. Les indicateurs ECVI, AIC, CAIC,

CFI, NNFI considérés relatifs par Diamantopoulos et Siguaw (2000), s’avèrent tous

significatifs. Par contre, il est possible de percevoir, de façon arbitraire, que ces

indicateurs sont relativement élevés par rapport aux niveaux observés habituellement

en recherche positiviste. Ceci indique que le modèle formel, selon les données

recueillies, est une approche valide à l’interprétation et à la représentativité des

résultats, mais qu’elle ne réussit pas à expliquer l’ensemble de la variance des

observations25

.

En ce qui a trait à la validité absolue, propre à une approche positiviste d’où

découle cet outil statistique, il appert que le modèle formel demeure quelques fois

représentatif considérant son existence « objectivable », mais que son niveau

d’erreur résiduelle est relativement élevé tel que présenté par les indicateurs GFI et

PGFI. Plus précisément, l’interprétation des tendances des résiduelles demeures à

préciser tel que le démontre l’indicateur RMR.

Finalement, après avoir traité de la « représentativité », le niveau de

« synergisme » doit faire l’objet d’une approche spécifique afin de couvrir les

recommandations d’Oral et Kettani (1993). Les analyses comparatives entre les

données qualitatives composant les études de cas et les données quantitatives du

modèle formel font l’objet de cette dernière phase d’interprétation de la validité de

précision. Reposant sur une validité d’objet référencée et méthodique, les objets

25

Ceci peut relever autant de la précision de la modélisation formelle que du nombre trop faible de

participants à l’étude psychométrique.

Page 295: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

280

« situation managériale » et « modèle formel » sont comparés afin de procéder à une

certaine observation de ce « synergisme ». Ainsi, les analyses qualitatives des études

de cas selon les neuf dimensions adaptées de la proposition de Rondeau (2008) sont

mises en relation avec les résultats quantitatifs du modèle formel, soit la solution. Il

est à noter que dans la perspective constructiviste de la modélisation ci-présente, il

est impossible et non-souhaitable d’objectiver les interventions du chercheur. Ainsi,

les résultats proposent, selon une approche interactionniste de la connaissance, des

tests de propositions de recherche complémentaires par analyses de régressions

statistiques basées sur les analyses qualitatives des études de cas. Il est possible de

constater un premier pas dans le sens d’un synergisme entre le modèle formel et la

situation managériale. En effet, plusieurs de ces propositions s’avèrent confirmées,

tandis que seulement certaines sont partiellement confirmées.

Plus particulièrement, il appert que : 1) la validité de précision semble plus

problématique dans le contexte de l’étude de cas Partenariat CSSS - CRD, tandis que

pour ce qui est du cas Innovation d’un processus de soins, toutes les propositions

sont confirmées. 2) Certains sous-groupes identifiés par la solution du modèle formel

ne sont pas traités dans l’analyse de l’étude de cas, particulièrement pour le cas

Partenariat CSSS-CRD. Par exemple, le modèle formel peut produire un compte

rendu des résultats obtenus pour la catégorie d’employés : infirmières. Par contre,

l’objet « situation managériale » représenté par l’étude de cas reste aveugle quant

aux implications précises du projet au niveau des infirmières. Aucun enjeu

spécifique et important n’est rapporté pour aucune des neuf dimensions du modèle.

Page 296: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

281

Donc, il appert que le modèle formel, au niveau de la modélisation par équations

structurelles, contient un certain niveau d’erreurs résiduelles tel que spécifié à la

page précédente. Cependant, sa précision en ce qui a trait à la possibilité de capter les

schèmes cognitifs de groupes en particulier est plus grande que l’étude de cas.

Les limites et les avenues de recherche

Il est donc possible d’affirmer que les deux premières argumentations de

l’interprétation de la validité de précision présentent des résultats satisfaisants.

Tandis que des améliorations itératives sont à apporter à la troisième phase afin

d’offrir : 1) la possibilité de présenter plus d’hypothèses comparatives soumises à

des tests de régressions similaires; 2) une étude approfondie des éléments contextuels

et méthodologiques propres à la situation du cas Partenariat CSSS - CRD entre

autres. Dans tous les cas, si tel est l’objectif, il sera nécessaire de hausser le niveau

de détail capté par l’objet situation managériale en même temps que l’amélioration

du modèle formel. En effet, il est impossible dans un tel cadre systémique de poser

un limite claire à l’un ou l’autre des objets de façon indépendante. En d’autres termes

et tel que le suggère cette partie, peut-être que le modèle formel capte très bien la

situation managériale proposée. Alors, le niveau de détail propre à cette situation

managériale, captée par l’étude de cas, devra être haussé afin de poursuivre un tel

test.

Page 297: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

282

6.1.4 La validité expérimentale

La proposition

La validité expérimentale propose une étude de l’objet « solution ». Trois

éléments importants sont à retenir :

1- La qualité de la solution passe par un accroissement du niveau de

compréhension de la situation managériale suite à l’utilisation du modèle.

a. La sensibilité du modèle aux variations des éléments.

b. Le niveau d’acceptation par les utilisateurs par rapport aux solutions

proposées.

c. Le niveau d’applicabilité des solutions proposées.

d. Le niveau d’utilité de la formulation de la solution.

2- L’efficience de la solution est évaluée par les implications en termes de

temps, d’efforts et de coûts.

3- La spécification des attentes face aux retombées de la solution sont de nature,

soit exacte, par heuristique, ou par essais-et-erreurs.

L’appréciation, les limites et les avenues de recherche

La qualité de la solution passe par l’accroissement de la compréhension de la

situation managériale et elle est ici jugée satisfaisante dans une approche par

structuration de problème.

Page 298: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

283

En effet, le modèle est relativement sensible à la variation des éléments (1a).

Ceci est démontré, toujours en se reposant sur la validité des quatre objets de la

modélisation, par la validation du modèle formel à l’aide de l’analyse par équation

structurelle et les analyses quantitatives préliminaires impliquant le test des alphas de

Cronbach et l’analyse factorielle exploratoire. Il semble que le modèle est

suffisamment sensible pour confirmer la présence de neuf variables indépendantes et

distinctes, mais pouvant être intercorrélées. Ceci à l’aide d’un très faible échantillon

haussant par le même fait le niveau d’erreur d’estimation. Qui plus est, l’analyse

comparative traitée dans la section précédente démontre un niveau de sensibilité

certain quant à la convergence entre les utilisations qualitatives et quantitatives des

modèles formel et conceptuel.

Par contre, il est impossible de se positionner sur la sensibilité de la solution

offerte dans le temps étant donné l’étude à un seul temps de mesure. Quelques

inférences sont tout de même de mises afin de minimiser cet impact sur la validité

expérimentale.

Premièrement, si un modèle est fidèle dans le temps il n’est pas

nécessairement valide (Haccoun et Cousineau, 2008). Ses résultats peuvent donc être

convergents et cohérents à travers les temps de mesure, mais ne pas représenter

empiriquement le concept théorique explicité. À l’inverse, un modèle valide est

nécessairement fidèle (Robert, 1990). S’il y a une démonstration rigoureuse que les

concepts théoriques énoncés sont bien représentés par les résultats, la fidélité va de

Page 299: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

284

soi. En d’autres mots, une démonstration de validité infère que si les résultats sont

instables dans le temps, alors cette instabilité pourrait provenir du contexte et non de

l’outil de mesure. Une étude approfondie de la fidélité semble tout de même

souhaitable dans une analyse itérative ultérieure de la présente activité de

modélisation.

L’approche systémique réintègre la notion du temps et donc de l’asymétrie

des interrelations contrairement à la symétrie nécessaire aux observations propres

aux tests de fidélité positivistes. Du même coup, intégrant cette temporalité à la

notion de système arborescent décrit par Simon (1945, 1969), il serait intéressant de

capter plusieurs niveaux d’arborescences au système observé. Il est suggéré, à

l’encontre des postulats réductionnistes et analytiques, de complexifier le présent

modèle dans une étape ultérieure afin d’étudier les effets systémiques d’une telle

approche selon plusieurs niveaux d’arborescences à travers une chronologie

d’événements. Cette proposition dépasse par contre le cadre de la validité selon

l’approche méthodologique ci-utilisée.

Les niveaux d’acceptation (1b), d’applicabilité (1c) et d’utilité (1d) sont jugés

satisfaisants. L’effort de cette étude porte principalement sur la validité et la

légitimité de la modélisation en gestion du changement. Cet effort a fait en sorte de

mettre plus d’accent sur la conceptualisation que sur l’étude des retombées

expérimentales de sa pertinence aux yeux des gestionnaires. Par contre, tel qu’il a été

spécifié ci-haut, les deux terrains de recherche ont fortement intégré l’utilisation des

Page 300: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

285

modèles formel et conceptuel. Le projet Innovation d’un processus de soins à fait

évoluer ses propres pratiques de suivis stratégiques en gestion du changement en

s’appropriant et en développant de plus belle les deux modèles offerts. Le projet

Partenariat CSSS - CRD a offert un siège au chercheur sur ses comités de pilotage et

conjoint afin de maintenir un guide aux gestionnaires et coordonnateurs reposant sur

les solutions mises en lumière par les modèles formel et conceptuel.

Ensuite, l’efficience en termes de temps d’efforts et de coûts est satisfaisante

(2). En effet, la validité des quatre objets de la modélisation jumelée au

développement et à la précision des modèles formel et conceptuel offre aux

utilisateurs plusieurs possibilités afin de correspondre aux disponibilités

contextuelles en termes de temps, de motivation et de ressources. Il est à noter

qu’une utilisation complète du modèle selon ses quatre objets peut apporter moins

d’efficience à l’utilisateur autant en termes de temps qu’en développement des

connaissances et compétences. Ainsi, le modèle formel est automatisé afin de mieux

correspondre aux outils habituels produits dans le courant de la recherche

opérationnelle, et le modèle conceptuel est formalisé sous la forme de tableaux de

bord, habituels aux gestionnaires.

Troisièmement, la solution peut être qualifiée d’ « heuristique » et par

« essais-et-erreurs » (3). Cet élément est reconnu comme étant le moins développé

suite à l’étude proposée. Les méthodologies utilisées ne permettent pas la

démonstration positiviste ou constructiviste de la nature « exacte » de la solution. Par

Page 301: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

286

contre, étant propre au courant de la modélisation « par structuration de problème »

tel qu’affirmé dans le chapitre 3, la solution résultante du modèle formel ainsi que les

tableaux de bord résultants du modèle conceptuel permettent de cibler les

heuristiques de gestion du changement problématiques ou propulsifs dans leur

contexte. Ainsi, par « essais-et-erreurs » ces « heuristiques » peuvent être traités de

façon dialogique par les acteurs du contexte, ceci encadré par une première phase de

mobilisation des connaissances (concernant ces heuristiques) impliquées dans les

guides offerts par les tableaux de bord. Ce critère de validité d’Oral et Kettani (1993)

devrait donc faire l’objet d’une étude plus approfondie afin de déterminer s’il est

propre à la modélisation en gestion du changement.

6.1.5 La validité opérationnelle

La proposition

La validité opérationnelle propose l’analyse de la capacité du modèle formel

à produire des solutions efficientes et efficaces pour les décideurs. Oral et Kettani

(1993) notent cinq éléments à considérer :

1- La convivialité du modèle formel : évaluée par le niveau de compréhension

de celui-ci par les utilisateurs; le niveau de volonté et de préparation des

décideurs; les niveaux de disponibilité et de fiabilité des données requises; le

niveau des ressources allouables au processus.

2- L’utilité du modèle formel : évaluée par le niveau de résolution de la situation

managériale; le niveau de compréhension de la situation apportée par le

Page 302: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

287

modèle formel; le niveau d’amélioration de la communication entre les

parties prenantes; le niveau de coordination des efforts autour du modèle par

les décideurs; le niveau de motivation de la part des décideurs par rapport à

l’utilisation du modèle formel.

3- Le temps requis par l’utilisation, la mise à jour et l’entretien du modèle

formel.

4- Le synergisme du modèle formel : évalué par le niveau de pertinence de la

solution apportée relativement aux décisions passées.

5- Les couts d’utilisation : Autant au niveau des salaires en consultation interne

ou externe, qu’en équipement ou en cueillette de données.

L’appréciation et les limites

Dans le cadre de l’activité de modélisation « par structuration de problème »,

ainsi que considérant que cette opérationnalisation est la première dans une

possibilité indéfinie de cycles itératifs de peaufinage, la validité opérationnelle est

traitée à travers la validité expérimentale. Il n’est pas suggéré de rejeter la pertinence

de ce type de validité à ce moment-ci. Par contre, il semble que (1) la nature

exploratoire et préliminaire de la modélisation proposée, (2) le fait que l’objet

« solution » peut toujours être en développement, (3) la nature « très soft » de la

modélisation proposée font en sorte que la validité opérationnelle ne peut être

démontrée de façon différente des huit autres types.

Page 303: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

288

Les avenues de recherche

Il importe alors, dans le cadre de recherches futures, d’établir la pertinence de

ce type de validité par la réplication du cadre méthodologique, ou de poursuivre le

niveau de précision en termes de validation et de légitimation de la solution proposée

par le présent modèle.

6.1.6 La validité conceptuelle

La proposition

La validité conceptuelle propose l’analyse de la qualité de la captation de la

situation managériale à travers le modèle conceptuel. Les parties prenantes de la

situation managériale et utilisatrices du modèle conceptuel sont au centre de

l’appréciation de ce type de validité. Six éléments sont importants à préciser : 1) qui

sont les parties prenantes, 2) comment seront-ils mis au courant de la situation

managériale, ou comment l’a voient-ils déjà, 3) quels sont les objectifs poursuivis

par l’activité de modélisation, 4) quels sont les éléments de la définition de base de la

situation managériale au sens de Checkland (1981), 5) les éléments de construit du

modèle permettant de faire du sens de la situation managériale, 6) quelle est

l’appropriation du modèle conceptuel auprès des décideurs?

L’appréciation, les limites et les avenues de recherche

Afin de préciser les apports de l’opérationnalisation concernant les six

éléments précédents, cinq arguments sont énoncés. Premièrement, les parties

prenantes considérées par l’activité de modélisation sont principalement les

Page 304: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

289

décideurs, les gestionnaires, les destinataires et les observateurs impliqués

directement dans le projet de changement organisationnel visé. Tel qu’il est spécifié

plus haut dans le texte, les retombées de l’utilisation des modèles conceptuels et

formels impliquent, plus ou moins directement, tous destinataires du projet de

transformation au sein de l’organisation utilisatrice.

Deuxièmement, ces parties prenantes ne sont pas littéralement « mises au

courant de la situation managériale » tel que suggéré par Oral et Kettani (1993).

Dans une approche « par structuration de problème », les décideurs organisationnels

sont considérés comme faisant face à la complexité inhérente au changement

organisationnel. Ceux-ci, considérant qu’ils sont consciemment engagés dans un

projet de changement, pourraient désirer une approche méthodique dans

l’appréciation des problématiques, des obstacles et des éléments de succès propre à

leur situation spécifique, contextuelle et épisodique.

Troisièmement, la présente modélisation vise à interpréter la situation

managériale de façon spécifique, contextuelle et épisodique tout en mettant à profit

l’approche de la proposition de Rondeau (2008) à travers des ancrages

méthodologiques et empiriques. Méthodologiques, en ce qu’ils offrent une

méthodologie légitime et valide. Empiriques, en ce que les ancrages propres aux neuf

dimensions proviennent des facteurs de succès identifiés dans la documentation

académique.

Page 305: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

290

Quatrièmement, les deux premières phases de la modélisation selon

Checkland (1981) ont été appliquées entièrement. Indissociables selon cet auteur,

elles sont présentées en deux temps : la spécification de la situation managériale

réelle et non-structurée à travers le modèle choisi par le chercheur (chapitres 1 et 4);

la traduction de la situation managériale à travers une expression compréhensible et

structurée pour l’ensemble des parties prenantes impliquées (chapitre 4).

La situation managériale « générale », soit la problématique du changement

organisationnel par une approche de la capacité à changer est explicitée à travers

l’observation du développement des connaissances en gestion du changement tel que

présenté dans le chapitre 1, ainsi que par la description de l’objet « modèle

conceptuel » au chapitre 4. La situation managériale « locale » est approchée selon

les postulats interactionnistes adaptés des méthodes qualitatives de recherche par

étude de cas tel que présenté à travers la description de l’objet « situation

managériale » au chapitre 4.

La présente étude diffère quelque peu des prescriptions de Checkland (1981).

Celui-ci proposant une méthode de modélisation d’objets « soft », suggère que les

« structures », les « processus » et les « relations entre structures et processus » sont

des éléments à modéliser a priori. Il est affirmé ici que l’objet de recherche pourrait

être qualifié de « très soft ». Effectivement, peu importe la nature des structures et

des processus observés, les dynamiques sociales et organisationnelles sont

cartographiées à travers le postulat de Rondeau (2008) misant sur la représentativité

Page 306: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

291

générale des logiques d’action stratégique, fonctionnelle et opérationnelle. Elles

représentent autant une catégorisation des rôles des acteurs observés, les perspectives

possibles à l’approche d’une problématique, ainsi qu’une interprétation théorique des

rationalités organisationnelles. Au final, les relations processus-structures sont

inhérentes à la matrice de Rondeau (2008) en croisant logiques d’actions comme

processus-structures (« très soft ») avec les enjeux du changement organisationnel

offrant une dimension supplémentaire à l’appréciation généralisable de processus

spécifiques.

Cinquièmement, Oral et Kettani (1993) suggèrent une évaluation du construit

du modèle conceptuel afin d’établir une représentativité de la situation managériale.

Cet état de représentativité est déjà amplement exploré à travers le traitement des

validités de formulation, de légitimation et de précision. De plus, les interventions

opérées à la phase de développement des objets « modèle conceptuel » et « situation

managériale » impliquent l’argumentation suivante : La situation managériale est

rigoureusement et méthodiquement traitée par la méthodologie qualitative de l’étude

de cas (Yin, 2009). Le modèle conceptuel est ancré par l’utilisation des postulats

fondamentaux de la modélisation (Checkland, 1981; Simon, 1969) et par

l’élaboration théorique et académique de la proposition de Rondeau (2008). Le

modèle conceptuel a servi à l’analyse qualitative des deux terrains composant la

situation managériale. Cette analyse, énonçant ses postulats et reposant sur ces deux

objets constitués à partir de méthodes référencées, peut donc être critiquée ainsi que

comparée à l’analyse quantitative offerte par le modèle formel. Il est à rappeler que

Page 307: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

292

la présente étude se positionne comme étant constructiviste et interactionniste, ainsi

le construit du modèle conceptuel sert de formule d’approche a priori au chercheur

tel que proposé entre autres par Checkland (1981) et Pidd (1996).

Ainsi, selon la présente méthode d’appréciation de la complexité et de

l’action dans le cadre d’une approche constructiviste, la représentativité objective de

la situation managériale n’est pas démontrée par la thèse. Il est plutôt possible

d’affirmer que sa représentativité est valide dans le cadre de la mobilisation du

modèle de Rondeau (2008) choisi au préalable afin d’outiller l’action de changement

organisationnel. Le « construit » du modèle conceptuel (et du modèle formel) est

considéré comme valide et est reconnu comme légitime dans le développement de la

connaissance quant à ce courant théorique des capacités à changer autant que dans la

pratique par les utilisateurs.

6.1.7 La validité logique

La proposition

La validité logique propose l’évaluation de la formulation du modèle

conceptuel à travers un modèle formel représentatif (Oral et Kettani, 1993). Trois

approches sont possibles : la formalisation mathématique, la modélisation

informatique et la formalisation linguistique. Plusieurs méthodes qualitatives,

quantitatives et comparatives ont été utilisées ici. La formalisation mathématique a

été sélectionnée pour la conception du modèle formel puisque celle-ci est reconnue

Page 308: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

293

comme plus rigoureuse dans la documentation en recherche opérationnelle (voir

Zebda, 2003).

L’appréciation

La validité de précision traite de la représentativité des inférences du modèle

conceptuel à travers l’utilisation du modèle formel à une situation managériale par

l’étude de la modélisation par équation structurelle. Pour ce qui est de la validité

logique, il appert nécessaire de compléter ceci par l’interprétation de l’utilisation de

l’analyse factorielle ainsi que des accords inter-juges obtenus dans validité

d’apparence des items présentés au chapitre 4. Ainsi, il est affirmé que : 1) l’accord

inter-juges concernant la justesse représentative des concepts théoriques de la

proposition de Rondeau (2008) est validé à travers les 87 items formulés; 2) l’outil

qu’est l’analyse factorielle, utilisée de façon pragmatique, a été utile dans la

conception et dans la validation de l’orthogonalité des trois enjeux et des trois

logiques de l’action de la matrice de Rondeau (2008). Il est alors possible de

proposer que le contenu du modèle conceptuel, par les ancrages théoriques des neuf

dimensions, est représenté de façon valide (logique) par l’intervention du groupe de

chercheur formulant l’accord inter-juges. Il est aussi possible de proposer que

l’organisation même du modèle conceptuel est respectée dans la représentativité de

la formulation du modèle formel par l’utilisation de l’analyse factorielle au niveau

des deux axes : enjeux du changement organisationnel et logiques d’action.

Page 309: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

294

Il est à noter que comme le prévoit Oral et Kettani (1993), la formalisation

mathématique même si elle démontre une validité logique, amène une perte de détail

par rapport au modèle conceptuel. Ceci est observé par la perte de niveaux

d’arborescences (au sens de Simon, 1945, 1969) entre ces deux objets.

Limites et avenues de recherche

Au final, la validité logique est considérée comme satisfaisante. Ce type de

validité provenant de la recherche opérationnelle sur des objets de recherche

« hard », s’applique habituellement à des modélisations mathématiques ou

informatiques beaucoup plus élaborées. De subséquentes itérations à la présente

modélisation pourraient amener un raffinement de la représentativité détaillée du

modèle conceptuel. Elle se devra d’être suivie par une élaboration plus complexe du

modèle formel quantitatif même si son objet est « très soft ». Surtout que l’ajout

d’arborescences aux neuf dimensions apporterait une complexité de modélisation

psychométrique dépassant ce qui est publié dans le domaine.

Qui plus est, la perte de détail relevant de la conceptualisation du modèle

formel semble limiter les possibilités de tests de régressions quantitatifs portant sur

la solution du modèle formel comparée à la situation managériale. Ainsi, le modèle

formel et la situation managériale pourraient faire l’objet d’une sophistication

subséquente afin de tester s’il y a possibilité d’analyses croisées plus développées au

niveau quantitatif. Pour ce faire, ces deux objets devront par contre être

passablement complexifiés, réduisant ainsi leur utilité et leur pertinence.

Page 310: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

295

6.1.8 La validité des données

La proposition

Les données sont le matériau principal à l’activité de modélisation.

Considérées au sens large elles sont de trois types (Forrester, 1980; dans Oral et

Kettani, 1993). Les données « cognitives » proviennent des schémas cognitifs des

parties prenantes de la situation et elles sont considérées comme étant les plus

puissantes. Les données « écrites » sont moins riches puisqu’il est normal de ne pas

réussir à capter tous les aléas de la situation telle que représentées dans les schémas

cognitifs des parties prenantes. Les données « numériques » obtiennent le même

descriptif que les données « écrites », mais sous une formule quantitative. Un alliage

de ces trois matériaux apparait donc comme un idéal à travers une collecte et une

utilisation efficiente. Bien entendu, il importe que ces données soient : « suffisantes,

précises, appropriées, disponibles, durables, fiables » (Oral et Kettani, 1983, p.222).

Au final, la validité accordée à ces données est fondamentalement redevable des

coûts qui leur sont associés.

Tel que démontré à travers les chapitres 4 et 5 l’ensemble de ces types de

données a été mobilisé dans un objectif de rigueur et de légitimité de l’activité de

validation. Cependant, les données « cognitives » ont été traitées de façon indirecte

en usant d’une formule écrite dans le cadre de la formulation des objets « situation

managériale » et « modèle conceptuel », et en usant d’une formule « numérique »

dans le cadre de la formulation de l’objet « modèle formel ».

Page 311: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

296

La validité de données ne semble pas appréciable en soi. Les

recommandations quant à l’alliage des trois types ont été respectées. À partir de ce

moment, il semble que la validité est propre à l’activité de modélisation qui en

suivra. Celle-ci est appréciable par rapport aux huit autres types de validité.

Limites et avenues de recherche

Aucune limite ni avenue de recherche n’est alors suggérée quant à

l’opérationnalisation effectuée.

6.1.9 La vérification

La proposition

La vérification guide l’attention vers la dimension théorique dans le sens où

la situation managériale réelle n’est pas considérée. Par principe, elle implique une

justification de l’utilité potentielle pour une quelconque situation managériale

d’utiliser une modélisation théorique et son produit. D’un côté plus technique, six

éléments sont à considérer de façon rigoureuse :

- Le niveau de correspondance entre les modèles formel et conceptuel.

- Les avantages du modèle formel comparativement à d’autres propositions

comparables.

- La « supériorité » et l’ « accessibilité » des « solutions techniques »

résultantes du modèle.

- La nature des solutions proposées.

- Le niveau de contribution au développement des connaissances.

Page 312: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

297

- Les exigences en termes de données.

Par définition, la validité de type vérification semble impliquer un retour

rigoureux sur l’ensemble des éléments précédents. Par souci de concision, seuls les

éléments n’ayant pas été traités complètement à travers les huit autres types sont

présentés.

L’appréciation, les limites et les avenues de recherche

La vérification semble impliquer un élargissement des visées de la présente

étude. En effet, la comparaison entre le modèle utilisé et d’autres propositions

potentielles pourrait obtenir une attention particulière. Ainsi, les exigences en termes

de données, la supériorité et l’accessibilité comparatives des résultantes offertes par

deux modèles pourraient être étudiées. Par contre, aucun autre modèle épistémique

de la capacité à changer, considérée comme objet de transformation, n’a été identifié.

La présente thèse vise justement à définir conceptuellement le concept de modèle en

gestion du changement en étudiant ses enjeux épistémologiques et méthodologiques

sous la perspective du modèle au cœur d’une triple dialectique. L’approche

scientifique de l’étude des capacités à changer n’étant pas encore définie de façon

consensuelle dans la documentation universitaire, il est difficile de trouver un

modèle comparable.

Page 313: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

298

6.1.10 Les avenues de recherche générales

Au terme de cette partie, il appert qu’une étape subséquente de la

modélisation s’impose. En plus de la mobilisation des recommandations présentées

ci-haut quant à la validation d’un modèle en gestion du changement, une étude

longitudinale axée sur l’étude de l’impact du modèle sur des variables précises de

performance organisationnelle (qu’il serait possible de nommer « dépendantes »).

Bien entendu, selon les visées interactionnistes et de modélisation par structuration

de problème, le modèle n’est pas l’objet attendu face à la performance

organisationnelle en gestion du changement. Une telle étude se devrait de mesurer

les schèmes cognitifs socialement partagés et préalables à l’intégration du modèle

comme plateforme. Cette mesure serait suivie d’une méthodologie particulière à

l’intégration précise du modèle au centre de la dialectique acteurs-organisation

couplée à une seconde mesure des schèmes cognitifs visés. Pour terminer, une

mesure post-changement est nécessaire afin d’étudier précisément les retombées des

résultantes du modèle. Il faudrait donc dépasser le cadre de la modélisation par

structuration de problème et tenter d’identifier certaines « variables dépendantes »

représentant des succès réels au sein des terrains de recherche.

In fine, la problématique énoncée en introduction quant à savoir ce qu’est un

modèle valide en gestion du changement a été répondue en de multiples détails, soit

en trois phases de modélisation (quatre objets, quatre enjeux, neuf types de validité).

Ceci ancré dans une conceptualisation épistémologique du modèle en gestion du

changement, comme étant au centre d’une triple dialectique. Ce positionnement a

Page 314: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

299

permis l’étude de : ce qu’est le concept de modèle et de l’identification des

approches de modélisation inhérentes à ce concept; en plus de définir ce qu’est la

validité de modèle considérant tout cela.

La section suivante discute des retombées de l’étude quant aux

développements des connaissances et des pratiques de modélisation en gestion du

changement.

6.2 Un modèle valide de gestion du changement : Vers une approche

managériale pragmatique

Dans les documentations universitaire et professionnelle en gestion du

changement, les modèles offrent en général des démarches identifiant des conditions

de succès permettant la conduite, ou la description, du concept de changement

organisationnel. Les dimensions « spécifique », « épisodique » et même

« systémique » dans certains cas ne sont pas intégrées pleinement. Ils demeurent

donc génériques.

Le qualificatif de « générique » provient du fait que rares sont ceux qui

étudient le changement lui-même comme phénomène organisationnel, social et

système artificiel émergent. Alors, comment proposer une conduite sur les capacités

à changer fondées sur une perspective macro-analytique, peu importe le contexte du

changement, sans étudier le phénomène de capacités à changer comme étant propre

et unique à leur contexte? En d’autres mots, l’émergence du changement et de ses

Page 315: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

300

capacités contingentes sont toujours à explorer afin d’en arriver à une étude

permettant du même coup la conduite d’un changement en considérant sont unicité et

sa spécificité.

La nature universitaire de la présente proposition étant passablement élaborée

ci-haut, ses visées pragmatiques sont à développer. Ainsi, l’opérationnalisation

suggérée du modèle s’alliera de façon interactionniste aux intérêts de l’action

managériale. Le modèle comme objet de transformation est étudié par rapport à sa

validité. La présente étude considère que les méthodologies de validation sont des

enjeux dans le cadre du présent contexte théorique et qu’une étude empirique à ce

sujet est un premier pas vers la recherche d’un consensus ou d’une méthodologie

rigoureuse.

Le modèle s’insère, selon une approche téléologique et normative de la

connaissance, au centre de la dialectique acteur-organisation. Le projet de

connaissance, soit l’étude de l’acteur transformateur et influencé, de l’organisation

transformée et contraignante, est saisi de façon pragmatique et émergente par les

utilisateurs du modèle. Une méthode axiomatico-inductive-pragmatique (Le Moigne,

1977, 1987) est nécessaire à l’explicitation des connaissances praxéologiques et

tacites des utilisateurs. Plus précisément, le qualificatif de « pragmatique » n’est pas

pleinement adressé dans les chapitres précédents. Une thèse est habituellement une

activité se rangeant dans la dimension Connaissance de la dualité Action-

Connaissance. L’opérationnalisation a permis de remplir l’objectif de développer les

Page 316: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

301

Connaissances en étudiant le modèle qui lui est positionné au centre de cette dualité.

Maintenant, c’est aux praticiens de se saisir du modèle, de l’intégrer dans les

pratiques quotidiennes et de le faire évoluer. Ceci relançant le cycle interdépendant.

L’action réflexive ainsi produite, il sera nécessaire d’en tirer de la connaissance par

la suite.

Afin de poser un premier pas en ce sens, il peut être intéressant de relever

certaines avenues. Autissier et Moutot (2003) ont modélisé la nature de l’offre

professionnelle en gestion du changement. Trois méthodes générales en découlent,

soit la conduite du changement : 1) instrumentée, 2) psychosociologique, et 3) de

gestion de projet.

La présente proposition pourrait être récupérée dans le cadre de la méthode

ci-identifiée de « gestion de projet ». Alliant une instrumentation quantitative

standard propre à la conduite « instrumentée » à une approche misant sur le sens co-

construit des capacités à changer chez les acteurs organisationnels dans le sens de la

conduite « psychosociologique », il apparait nécessaire d’élaborer la dimension

« gestion de projet » afin de développer un modèle pragmatique. Le guide et les

méthodes de pilotage de projet de changement requis doivent conserver l’approche

systémique méta-analytique, ainsi que la capacité de contextualisation téléologique.

Page 317: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

302

Selon ces auteurs, la conduite du changement par un modèle de « gestion de

projet » est la plus complète dans le cadre de leur recension des pratiques. Celle-ci

présente les caractéristiques suivantes :

- Elle offre un suivi de la mise en œuvre du changement par un rythme

cadencé sous une forme par étapes.

- Elle offre actions, planification et budget. Il est reconnu que les actions

spécifiques et formalisées ne sont pas valorisées, ni des plus utiles.

- Elle offre une attention particulière à la communication et au pilotage de

certains éléments du projet.

- Elle offre le cycle classique : diagnostic, accompagnement et pilotage du

changement.

L’opérationnalisation ci-présente répond au premier élément, en partie, par la

logique inférée par le modèle, objet de connaissance préalable à l’action et servant de

base théorique. Ensuite, actions et planifications sont inhérentes à l’activité de

modélisation co-construite et interactionniste. L’utilisation des méthodes

quantitatives de façon téléologique et constructiviste pourrait permettre d’explorer

les possibilités quant à l’élaboration d’éléments budgétaires dans un contexte

considéré « très soft ». Aussi, « communication » et « pilotage » ne sont non

seulement deux des neuf capacités organisationnelles identifiées, mais elles sont au

centre de l’activité de modélisation. La validation co-construite et interactionniste

pose le modèle au comme plateforme de communication et de partage de sens au

Page 318: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

303

sein du projet et pour l’ensemble des acteurs se l’appropriant. Finalement, le modèle

formel offre une base importante quant au besoin de diagnostic. Tandis que le

modèle conceptuel et les résultats du modèle formel offrent un fondement et une

organisation de l’accompagnement et du pilotage du projet de changement. Les bases

sont donc présentes afin d’élaborer précisément un outil de gestion dans une étape

subséquente.

Sinon, pour ce qui est de l’axe Connaissance, plusieurs avenues de recherche

sont possibles et souhaitables. L’intérêt de la présente problématique est justement

de proposer un sens épistémologique et méthodologique aux propositions

d’évolution de la connaissance de Demers (1999) entre autres. Il est probable que

plusieurs autres avenues soient proposées. Peu importe qu’elles visent à spécialiser

une dimension, ou à généraliser le modèle, là est l’intérêt.

Avant de conclure, un retour plus général encore semble être nécessaire.

L’étude ci-présente propose une étude du modèle par sa validation dite scientifique.

Ce processus ayant été passablement exploré ci-haut, l’ensemble du présent

document tente de se faire représentatif de certains principes scientifiques visant

l’activité rigoureuse du chercheur. La prochaine partie présente ces impératifs qui

ont été suivis pour l’opérationnalisation.

Page 319: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

304

6.3 Une méthodologie de validation de modèle en gestion du changement :

Les postulats méthodologiques constructivistes

Selon une approche interactionniste de la connaissance, le modèle s’insère au

centre de la dialectique du chercheur et de son objet à connaitre. Le biais du

chercheur face à l’étude de l’action est ainsi déclaré et des propositions de recherche

peuvent être soumises à une méthode déductive-expérimentale au sens de Le Moigne

(1977, 1987). Plus le modèle utilisé est approfondi aux niveaux théorique et

méthodologique, plus il offre de mises en contexte à la compréhension et à

l’appréciation de la rigueur du chercheur.

Ici, le cadre du « passage de la gestion du changement à l’étude des capacités

à changer » est garant d’un potentiel autant académique que praticien. Par contre, il

impose l’approfondissement des réflexions au niveau des approches de la dualité

chercheur-praticien, au niveau de la gestion de la complexité, au niveau de l’étude

des systèmes et sciences de l’artificiel. Ceci avec une emphase sur les intentions

épistémologiques et méthodologiques relatives aux principes constructivistes

fondamentaux.

Dans le cadre d’une approche ontologiquement agnostique (Riegler, 2001)

découlent trois principes méthodologiques fondamentaux à l’approche du projet de

connaissance, soit l’éthique, l’explicitation et l’ « ostinato rigore » (Le Moigne,

2001, 2002; Avenier, 2010). Ces trois principes au centre des chapitres de l’ensemble

des chapitres ci-présents.

Page 320: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

305

6.3.1 L’éthique

Concernant le principe éthique de la recherche constructiviste, ses postulats

ontologiques agnostiques font en sorte qu’une attention particulière devrait être

accordée à chacun des participants (au sens large) de la recherche-action

puisqu’aucun d’entre eux ne peut clamer avoir une meilleure représentation de la

situation (Avenier, 2010). Ainsi, au centre de la recherche avec des humains il doit se

trouver un respect de la dignité, de l’intégrité et de l’intimité (Guba et Lincoln,

1989).

Il va sans dire que l’humain est au centre des représentations rapportées.

L’ensemble des données de cette modélisation qualifiée de « très soft » provient

d’humain et de leurs schémas cognitifs. Nonobstant le fait que les règles

déontologiques fondamentales de l’éthique en recherche ont été observées, la

méthodologie employée à travers de multiples outils ont visés à préserver la dignité,

l’intégrité et l’intimité.

Les données numériques du questionnaire quantitatif sont anonymes. Qui

plus est, aucun participant n’y est placé en position de confrontation avec un autre.

Aucune réponse n’est mauvaise pour un individu. Seule l’intention du projet de

changement est au centre des préoccupations.

Pour ce qui est des études de cas, les individus reconnaissables (entre eux et

non publiquement) ont donné leur accord à cet exercice. Le chercheur ayant des

Page 321: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

306

intérêts de recherche autant que d’action n’a aucun intérêt à cibler un participant.

Surtout, que la gestion du changement est présentée par l’ensemble des auteurs cités

comme étant sociale, organisationnelle et émergente, plutôt que d’être le fruit d’une

personne en particulier. Le projet est au cœur des actions et ces actions de gestion

rapportées dans l’étude de cas sont présentées de façon systémique. La situation

managériale et son système est le point focal et non la causalité d’une action elle-

même et de ses conséquences négatives. Ce qui irait à l’encontre des visées

systémiques, interactionnelles et constructivistes du présent exercice.

6.3.2 L’explicitation

Le principe de l’explicitation relève de l’importance de la légitimation des

méthodes de recherches qualitatives (Charmaz, 2006) à travers une importante

description, une réflexivité, un processus d’audit et de fiabilité (Schwartz-Shea,

2006; dans Avenier, 2010). Ainsi, un niveau de détails suffisant, une réflexivité sur

le rôle joué par le chercheur dans la situation, un protocole de recherche élucidant les

intentions, décisions, actions et inférences du chercheur (Balogun et al., 2003) et un

ancrage épistémologique de l’étude (Avenier, 2010) sont recommandés.

Ces principes sont au centre de l’expérimentation. Premièrement, le « niveau

de détails suffisant » apparait à travers la structure de de présentation ci-utilisée.

Deuxièmement, étant donné que la question de la présente thèse place « le rôle joué

par le chercheur » au centre des préoccupations en assumant une approche

interactionniste dont l’outil est le modèle, le haut niveau de détail est alors un

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307

préalable de la validation du présent exercice. Troisièmement, l’ensemble des

« intentions, décisions, actions et inférences du chercheur » sont rapportées « en

détail » en élaborant même sur les postulats d’outils et de méthodes de recherche

classiques qui ne font plus l’objet d’explicitation dans les publications récentes.

Quatrièmement, l’ancrage épistémologique détaillé fait l’objet d’un chapitre complet

au niveau du développement des connaissances en gestion du changement (chapitre

1), au niveau du concept de « modèle » (chapitre 2) et au niveau de ce qu’est la

validité de modèle (chapitre 3). Les ancrages épistémologiques se rapportant à

l’approche de la recherche scientifique en gestion du changement sont explicités et

étudiés tout autant que ceux se rapportant aux outils méthodologiques utilisés ou se

rapportant aux fondements théoriques de la gestion du changement.

6.3.3 L’ « ostinato rigore »

Finalement, le principe de l’ostinato rigore vise à faire la démonstration

d’une certaine fiabilité du processus ainsi que de validités interne et externe

(Avenier, 2010). En français, « constante rigueur », ce principe tire son nom d’une

phrase célèbre de Leonardo Da Vinci. Avenier (2010) argumente en faveur que la

notion de rigueur est « plus riche » au sein du paradigme constructiviste. En effet,

sous cette nouvelle approche, rigueur et pertinence peuvent aller de pair

contrairement à leur opposition habituellement démontrée dans le courant

conventionnel. Plusieurs méthodes existent afin de tenir ce principe, mais rares sont

celles qui sont reconnues de façon consensuelle dans la documentation en gestion du

changement. Il importe alors d’ancrer méthodologies et méthodes dans un principe

Page 323: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

308

d’ostinato rigore afin de démontrer la pertinence autant que la validité de son

processus de modélisation et de la structure du modèle.

Ces principes au centre des méthodologies et méthodes ci-rassemblées et sont

considérés comme fondements à la validité du modèle en gestion du changement.

Page 324: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

Conclusion

Le modèle, en tant qu’objet de connaissance dont se saisissent les acteurs afin

de le transformer en outil de changement organisationnel, a fait l’objet d’une étude

approfondie. Les enjeux du développement des connaissances en gestion du

changement au tournant du siècle, tel que rapporté précédemment, imposent une

attention particulière à l’artéfact de la connaissance et de l’action qu’est le modèle.

Tel que l’affirme Le Moigne (2008), le modèle n’a pas comme projet d’objectiver la

connaissance, ni de la cerner par une herméneutique subjective. Le modèle est ainsi

une « intelligence de l’action ».

Retour sur le concept de modèle en gestion du changement

Le modèle valide en gestion du changement devrait se positionner au cœur de

trois dialectiques complémentaires. Celles-ci sont, la dualité « Action-

Connaissance », la dialectique « Acteur-Organisation » et la dialectique « Chercheur-

Projet de recherche ».

La dualité Action-Connaissance selon Déry (1990) est importante au

développement des connaissances en gestion du changement, elle est inévitable et

indissociable. Du coup, elle est aussi irréconciliable. Cette dualité est cyclique. La

présente thèse propose un point de départ à l’intérieur de ce cycle par l’utilisation

d’un modèle de Connaissance afin de faire l’objet d’une étude de la validation

comme modèle hybride. Ce point de départ repose dans l’attention particulière

accordée aux positionnements épistémologiques afin de permettre une mobilisation

Page 325: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

310

éthique, explicitée et d’ostinato rigore d’une méthodologie de validation du modèle

en gestion du changement.

Le modèle au cœur de la dialectique Acteur-Organisation permet de cibler le

projet de connaissance en gestion du changement. Il pourrait viser la description de

l’organisation, la description de ses acteurs ou l’étude de causalité de l’un sur l’autre.

Ici, le modèle tient le rôle de pivot entre ces deux pôles. Le changement étant

constant et propre à l’action de gestion, le modèle est l’outil qui tente de capter cette

Action. À travers le modèle, la transformation de l’organisation par l’acteur et

l’influence de la première sur le deuxième sont approchées dans leurs processus.

Le modèle est aussi au cœur d’une troisième dialectique, soit entre le

Chercheur et le Projet de recherche. Le modèle est pour l’universitaire à la fois son

projet de recherche et le produit de sa recherche. L’action de recherche du chercheur

sur son projet qu’est le modèle (qui est sous l’influence de ses deux autres

dialectiques), et la contrainte que ce dernier exerce sur le chercheur, doivent être

considérées de façon particulière au niveau méthodologique. Cette dialectique

pourrait aussi être qualifiée d’approche interactionniste de la connaissance et elle est

intégrée par l’explicitation détaillée de l’ensemble des parties de cette thèse.

Retour sur la problématique de recherche

Un modèle, un artéfact de connaissance, un outil de transformation en gestion

du changement sont donc constitués. Le raffinement de modèles en sciences de

l’artificiel, selon Simon (1945, 1969), est inscrit à travers le principe de la

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311

complexité arborescente. Ainsi, le présent exercice n’est ni final, ni complet.

Cependant, il répond à la question d’introduction tirée de Le Moigne (2003) :

« Comment légitimons-nous alors dans nos cultures de citoyen

se voulant responsables et solidaires, les connaissances

enseignables et « actionnable » que chercheurs et enseignants,

formateurs et consultants, ont mission de produire, de

transformer et de transmettre » (Le Moigne, 2003, p. 14).

Plus précisément, la présente thèse élabore ce qu’est un modèle valide dans le

domaine du management qu’est la gestion du changement et plus particulièrement, le

modèle comme objet de transformation.

La réponse apportée est affirmée comme étant une proposition

complémentaire au centre des préoccupations épistémologiques et méthodologiques

inhérentes : 1) à la dichotomie trop souvent conflictuelle entre les travaux normatifs

et descriptifs selon Miller et al. (1999); 2) aux problématiques des taux de

performances relativement faibles et en gestion du changement; 3) à la

contextualisation du développement des connaissances à travers cette époque

d’apprentissage et d’évolution selon Demers (1999a); 4) à la proposition de passer

de la gestion du changement à l’étude des capacités à changer selon Demers (1999b).

Cette forme complexe du modèle hybride, interactionniste, co-construit et

objet de transformation répond aux besoins d’obtenir une activité de modélisation

valide et légitime. Ceci, dans l’objectif d’étudier et d’agir sur le « système » des

« capacités organisationnelles » de façon généralisable et scientifique tout en

Page 327: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

312

demeurant valide au niveau de la dimension « contextuelle », « spécifique » et

« épisodique » (Rondeau, 2008) du changement organisationnel.

En conclusion, trois contributions importantes découlent de la réponse

apportée à la problématique du modèle en gestion du changement et comme artéfact

au cœur de la triple dialectique soulevée.

Premièrement, L’étude et l’argumentation épistémologique et

méthodologique des éléments constitutifs du modèle en sciences du management, de

l’activité de modélisation et des enjeux de la validité en découlant sont traitées. Par

les chapitres 2 à 6 et selon le positionnement épistémologique du concept de modèle

à travers une triple dialectique, cette thèse apporte une proposition épistémologique

au développement des connaissances scientifiques dans les domaines de la gestion du

changement et de la méthodologie de recherche en sciences de la gestion.

Deuxièmement, sur le plan méthodologique, l’adaptation et le développement

méthodique du tétraèdre de la modélisation-validation d’Oral et Kettani (1993)

appliqué à un objet de recherche dit « très soft » semblent importants. Cette

contribution fait avancer la connaissance dans le domaine de la méthodologie

scientifique en sciences de la gestion, ainsi que de la validation de modèle dans le

domaine de la recherche opérationnelle.

Page 328: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

313

Troisièmement, le modèle adapté et validé à partir de la proposition de

Rondeau (2008) est un apport au domaine de la gestion du changement. Sans être le

projet central de la présente problématique, un outil de gestion en plusieurs volets et

portant sur la gestion des capacités à changer organisationnelles est le produit de

l’opérationnalisation des chapitres 4 à 6. Qui plus est, cet outil est ancré dans une

étude épistémologique du développement des connaissances propres au courant des

capacités à changer.

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Page 346: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

Annexe 1 – Protocole d’entrevue

Légitimation stratégique

Quels sont les éléments qui rendent le changement prioritaire dans la gestion

quotidienne?

En quoi le changement vous semble légitime?

Quels sont les principaux arguments utilisés afin de légitimer le changement?

Comment ont-ils été présentés?

Légitimation systémique

Sur quoi vous êtes-vous basé pour arriver au modèle sélectionné?

Sur quelles connaissances précises vous êtes-vous basé pour arriver au modèle

sélectionné?

Qu’est-ce qui dans ce modèle vous semble avoir été bien défini?

Quels sont les éléments du modèle (solution) qui sont partagés et clairs pour

les gens?

Quels sont les éléments du modèle (solution) qui sont moins partagés et

moins clairs pour les gens?

Sur quoi vous êtes-vous basé pour dire que le modèle précédent était

problématique?

Quelles sont les déficiences du modèle précédent qui sont reconnues et qui

font l’unanimité chez les gens?

Quelles sont les déficiences du modèle précédent qui font moins l’unanimité?

Légitimation opérationnelle

Quel(s) moyens(s)/mécanismes existe(nt) pour partager les points de vue, les

connaissances et les opinions sur le projet de changement ?

Si création de comité : quels sont les objectifs de ce comité?

Avez-vous eu l’occasion de discuter du changement avec des

``collègues/homologues`` qui joue le même rôle que vous?

Réalisation stratégique

Page 347: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

ii

La structure de pilotage (incluant comités conjoints) rassemble quels membres

et pour quelles raisons?

Est-ce que le système de pilotage inclut les différents groupes ou personnes détenant

des connaissances ou types d’expertise utiles au projet de changement ?

Quels sont ces connaissances et types d’expertise?

Comment ces personnes ont-elles mis à profit leur connaissance/expertise au

projet?

Pourquoi ont-elles été choisies?

Comment le comité de pilotage coordonne (les dialogues entre) les différents

comités? (rôle du chef/coordonnateur et capacité de traduction de sa part)

Y a-t-il des mécanismes de coordination mis en place? Des mécanismes de

suivi des rencontres?

Réalisation systémique

Quelles sont les ressources (budget, technologie, compétence, expertise,

formation) qui vous apparaissent comme majeures dans le succès du projet?

Dans la mise en œuvre du projet, a-t-on eu besoin de mobiliser des expertises pour

rendre concret la solution/modèle proposée? (capacité de mettre les bonnes

béquilles aux bonnes places/système corrige les défaillances?)

Comment soutien-t-on et habilite-t-on les équipes pour réaliser le

changement?

Réalisation opérationnelle

Est-ce qu’on a donné le temps/marge de manœuvre et le soutien nécessaire pour

expérimenter le changement ?

En avez-vous profité? Est-ce que cela a été utile?

Quels sont les éléments qui vous semblent relativement facile à opérer au

quotidien? Quels sont ceux qui causent plus de problèmes?

A-t-on partagé les apprentissages (nouvelles connaissances) issus de

l’expérimentation? Comment?

En avez-vous profité? Est-ce que cela a été utile?

Est-ce qu’il existe des mécanismes de rétroaction pour adapter le changement en

cours de route, au besoin ?

Page 348: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

iii

Est-ce que les rôles et responsabilités de chacun ont été définis, partagés et compris

pour chacun?

Appropriation stratégique

Est-ce que ce changement augmente la valeur professionnelle des acteurs et des

équipes?

Quels éléments semblent prendre de la valeur chez les professionnels en

considérant le bien-être du client?

Qu’en est-il de votre niveau de confort envers les objectifs de ce changement?

Vous a-t-on démontré que le changement a eu des impacts?

Quels sont les résultats concrets du changement?

Ces résultats font-ils l’unanimité?

Y a-t-il eu des résultats inattendus?

Appropriation systémique

Y a-t-il de l’espace, des mécanismes, prévus et/ou utilisés, pour remettre en

cause la solution et l’améliorer suite à l’expérimentation?

En regard de la première formulation en début de projet, quels sont les

éléments qui ont été profondément modifié pour le mieux?

Comment on s’organise pour apprendre à partir de ce que chacun fait, des pratiques

nouvelles?

Est-ce qu’on capte les apprentissages relatifs aux nouvelles pratiques ?

Est-ce qu’on formalise/concrétise de nouveaux processus ou pratiques,

adaptés au nouveau concept?

Appropriation opérationnelle

Concrètement, y a-t-il des signes de petits succès prometteurs?

Est-ce que certains éléments vous demandant auparavant d’y investir de

l’énergie font maintenant parti de vos habitudes?

Page 349: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

iv

Est-ce qu’on a formalisé les ajustements requis aux rôles, responsabilités et tâches

qui sont nécessaires pour la pérennité du changement ?

Est-ce qu’il existe un mécanisme de mesure et de rétroaction permettant

l’amélioration continue ?

Est-ce qu’on diffuse le changement et les résultats du changement dans des réseaux

professionnels ou autres ?

Si oui, qui en est responsable ?

Page 350: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

v

Annexe 2 – Tableaux de bord

Tableau de bord : Vision

Logiques

d’action

Destinataires

cibles

Points

d’observations

Indicateurs Niveau

d’engagement

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Gestionnaires

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Gestionnaires

Employés

Page 351: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

vi

Tableau de bord : Modèle

Documents

matériels

Destinataires

cibles

Moyens

entrepris

Indicateurs Niveau de

concrétisation

partagé D

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Page 352: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

vii

Tableau de bord : Communication

Plateformes Indicateurs Plateformes Indicateurs

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Page 353: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

viii

Tableau de bord : Pilotage

Indicateurs

de clarté

commune

Membres Indicateurs

d’accessibilité

Indicateurs auprès

des groupes cibles

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Page 354: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

ix

Tableau de bord : Capacité

Identification Moyens (import ou

développement)

Indicateurs de

développement

Moyens /

indicateurs

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Page 355: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

x

Tableau de bord : Effort

Rôles et

responsabilités par

fonctions /

spécialisations

Moyens / indicateurs Indicateurs de

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Page 356: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

xi

Tableau de bord : Intérêt

Moyens /

indicateurs

Cibles /

indicateurs

Points

d’observations /

indicateurs In

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Page 357: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

xii

Tableau de bord : Apprentissage

Moyens /

indicateurs

Mécanismes /

indicateurs

Indicateurs Démonstration

de l’efficacité de

la solution/ du

projet In

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Page 358: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

xiii

Tableau de bord : Progression

Indicateurs

/ résultats

Points

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tions

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ments

démon-

trés

Indica-

teurs

Structures

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Page 359: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

xiv

Annexe 3 - Questionnaire

Questions et dimensions, Capacités à changer organisationnelles

Vision

Vi1 … ce changement est important pour l’organisation

Vi2 … ce changement est justifié

Vi3 … il s'agit d'un changement plutôt marginal

Vi4 … ce changement va rendre l'organisation plus efficace

Vi5 … divers groupes influents résistent à un tel changement

Vi6 ... la direction s'implique peu dans ce changement

Vi7 … les supérieurs intermédiaires appuient ce changement

Vi8 … les groupes d'intérêts concernés résistent à un tel changement

Vi9 … la clientèle ne percevra pas les effets de ce changement

Vi10 … ce changement vient au bon moment

Vi11 … ce changement est cohérent avec les valeurs de l'organisation

Vi12 … il est urgent de faire ce changement

Modèle

Mo1 … les orientations de ce changement sont claires

Mo2 … les lacunes du mode actuel de fonctionnement sont claires

Mo3 … ce changement est fondé sur les meilleures pratiques

Mo4 … ce même changement a déjà été tenté ailleurs

Mo5 … ce même changement a déjà été tenté avant

Mo6 … ce changement bouleverse les systèmes existants

Mo7 … ce changement modifie profondément l’organisation du travail

Communication

Co1 … ce changement va entraîner de la résistance

Co2 … on aurait besoin de plus d'information concernant le changement

Co3 … ce changement a été discuté de plusieurs façons

Co4 … les discussions autour de ce changement l'ont fait évoluer

Co5 … l’information diffusée concernant ce changement est déficiente

Co6 … plusieurs moyens de diffusion de l'information ont été utilisés dans ce

changement

Co7 … la mise en place de ce changement décourage les personnes touchées

Co8 … les diverses opinions exprimées autour de ce changement sont

ignorées

Co9 … il existe des moments où on est appelé à écouter notre opinion

Co10 … l'opinion du personnel est prise en compte dans ce changement

Co11 … les personnes concernées par ce changement s'y engagent

Page 360: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

xv

Co12 … ce changement ne suscite pas beaucoup l'intérêt

Co13 … ce changement est incohérent avec les pratiques actuelles

Co14 … ce changement génère de l'enthousiasme

Pilotage

Pi1 … on a choisi les bonnes personnes pour piloter ce changement

Pi2 … le responsable du changement est difficile à identifier

Pi3 … le responsable du changement est convaincant dans ses interventions

Pi4 … le responsable du changement est difficile d’accès

Pi5 … le responsable du changement possède les compétences nécessaires

pour le réaliser

Pi6 … le responsable du changement a trop de changements à réaliser

Pi7 … le responsable du changement a une équipe solide autour de lui

Pi8 … le responsable du changement réussit à atténuer les conflits émergents

Pi9 … l'équipe de pilotage du changement réussit à faire avancer les choses

Pi10 … l'équipe de pilotage du changement a peu de marge de manœuvre

Pi11 … la direction soutien mal l'équipe de pilotage

Capacité

Ca1 … la planification du projet est déficiente

Ca2 … le moment est défavorable pour entreprendre un tel changement

Ca3 … on a les ressources nécessaires pour réaliser ce changement

Ca4 … les objectifs fixés sont irréalistes

Ca5 … l'organisation manque de compétences pour implanter un tel

changement

Ca6 … les cadres sont en mesure d’intégrer ce changement dans leurs

opérations courantes

Ca7 … il y a trop d’autres projets de changement en cours présentement

Ca8 … le soutien offert par rapport au changement est adéquat

Ca9 … la cadence de mise en œuvre du changement est adéquate

Ca10 … on a accès à l'information nécessaire pour mener ce changement

Ca11 … jusqu’ici l’organisation s’est avérée habile à mettre en œuvre de tels

changements

Ca12 … l'organisation a la capacité à changer

Effort

Ef1 … il est difficile d’obtenir la collaboration requise par ce changement

Ef2 … le changement entraîne une surcharge de travail pour les gens

concernés

Ef3 … le changement accroit le niveau de tension et de stress au travail

Ef4 … les personnes concernées sont prêtes à faire les efforts nécessaires

Ef5 … l’ensemble de l’organisation collabore pour réussir ce changement

Ef6 ... la mise en œuvre du changement visé a priorité sur le travail quotidien

Page 361: HEC Montréal Les enjeux ... - École de gestion

xvi

Ef7 ... le changement pousse à travailler avec les mêmes personnes de façons

différentes

Ef8 ... le changement pousse à travailler avec des personnes différentes

Ef9 ... le rôle que vous avez dans ce changement est clair

Ef10 … les gens impliqués dans ce changement comprennent bien ce qu'on

attend d'eux

Intérêt

In1 … ce changement accroit la valeur professionnelle de ceux qui y

participent

In2 ... les efforts déployés sont reconnus à leur juste valeur

In3 … le travail devient moins intéressant avec ce changement

In4 ... le changement est discuté avec enthousiasme

In5 ... les gens concernés sont stimulés par le changement

In6 ... la direction a su susciter l'intérêt envers le changement

Apprentissage

Ap1 … on prend conscience que le changement améliore le fonctionnement

de l'organisation

Ap2 … on peut constater que le changement a des effets positifs

Ap3 … il est facile d’apporter des ajustements en cours de route

Ap4 … il est difficile de changer en maintenant un niveau adéquat de

performance

Ap5 … les nouvelles pratiques augmentent le sentiment d'efficacité des

personnes concernées

Ap6 … les personnes ne sont pas à l'aise avec les nouveaux modes de

fonctionnement

Ap7 … en fin de compte, on sent que le changement améliore le système

Ap8 … le changement amène le personnel à adopter de nouvelles façons de

faire

Progression

Pr1 ... le changement génère déjà des "petits succès"

Pr2 … les résultats de ce changement sont tangibles

Pr3 … il s'avère difficile d'atteindre les objectifs du changement

Pr4 … le changement survit aux personnes qui l'ont implanté

Pr5 … il s'avère difficile d'évaluer les conséquences du changement

Pr6 … ce changement va permettre un meilleur contrôle de nos activités

Pr7 … les erreurs commises permettent de s'améliorer