19
Lycée Ste Geneviève R. Le Roux PC/PC*2 2017-2018 ADS et TIPE La chimie des goûts et des odeurs 1/1 ADS DE CHIMIE THÈME : LA CHIMIE DES GOÛTS ET DES ODEURS Temps de préparation : 2 h Temps de présentation devant le jury : 15 min Entretien avec le jury : 25 min DOCUMENTS FOURNIS Article n°1 : « Ces molécules qui éveillent nos papilles » de J.-B. Chéron, J. Golebiowski, S. Antonczak, L. Briand et S. Fiorucci dans l’Actualité Chimique, mars 2017, pages 11-18. Article n° 2 : « Parfum, chimie et création » de X. Fernandez, S. Antoniotti, É. Bussotti et M.-P. Hurel dans l’Actualité Chimique, octobre-novembre 2008, pages 42-51. Dans larticles n°2, ne pas lire les paragraphes : Un peu d’histoire, Des mélanges savants pour des parfums à succès TRAVAIL À EFFECTUER Présenter un exposé de quinze minutes sur « la chimie des goûts et des odeurs » en utilisant les textes fournis et en faisant appel à votre culture personnelle. En fin de préparation, rassemblez et ordonnez soigneusement TOUS les documents (transparents, etc.) dont vous comptez vous servir pendant l'oral, ainsi que le dossier, les transparents et les brouillons utilisés pendant la préparation. En entrant dans la salle d'oral, vous devez être prêts à débuter votre exposé.

HÈME A CHIMIE DES GOÛTS ET DES ODEURS - … gout et odeur.pdf · En fin de préparation, rassemblez et ordonnez soigneusement TOUS les documents (transparents, ... (rencontre entre

Embed Size (px)

Citation preview

Lycée Ste Geneviève R. Le Roux

PC/PC*2 2017-2018

ADS et TIPE – La chimie des goûts et des odeurs 1/1

ADS DE CHIMIE

THÈME : LA CHIMIE DES GOÛTS ET DES ODEURS

Temps de préparation : 2 h

Temps de présentation devant le jury : 15 min

Entretien avec le jury : 25 min

DOCUMENTS FOURNIS

Article n°1 : « Ces molécules qui éveillent nos papilles » de J.-B. Chéron, J. Golebiowski, S.

Antonczak, L. Briand et S. Fiorucci dans l’Actualité Chimique, mars 2017, pages 11-18.

Article n° 2 : « Parfum, chimie et création » de X. Fernandez, S. Antoniotti, É. Bussotti et M.-P.

Hurel dans l’Actualité Chimique, octobre-novembre 2008, pages 42-51.

Dans l’articles n°2, ne pas lire les paragraphes : Un peu d’histoire, Des mélanges savants pour

des parfums à succès

TRAVAIL À EFFECTUER

Présenter un exposé de quinze minutes sur « la chimie des goûts et des odeurs » en utilisant les

textes fournis et en faisant appel à votre culture personnelle.

En fin de préparation, rassemblez et ordonnez soigneusement TOUS les documents (transparents,

etc.) dont vous comptez vous servir pendant l'oral, ainsi que le dossier, les transparents et les

brouillons utilisés pendant la préparation. En entrant dans la salle d'oral, vous devez être prêts à

débuter votre exposé.

Comment ça marche ?

11l’actualité chimique - mars 2017 - n° 416

Ces molécules qui éveillentnos papillesJean Baptiste Chéron, Jérôme Golebiowski, Serge Antonczak, Loïc Briandet Sébastien Fiorucci

Résumé Le sens du goût est un sens chimique et l’une des modalités sensorielles la plus ancestrale. Il permet dedétecter et d’apprécier les molécules sapides présentes dans notre alimentation. Au-delà de nos besoinsvitaux, le plaisir procuré par ce que nous mangeons peut orienter nos comportements, parfois jusqu’àl’excès. La prise alimentaire mobilise plusieurs systèmes sensoriels, principalement odorat et goût. Lesmécanismes moléculaires sous-jacents sont particulièrement complexes. Cet article fait le point surl’étendue des espaces chimiques associés aux cinq saveurs primaires (acide, salé, sucré, amer et umami)et détaille le rôle fondamental des récepteurs gustatifs dans la perception des saveurs ainsi que dans lesvariabilités interindividuelles.

Mots-clés Sens chimique, goût, saveur, récepteur gustatif, espace chimique.

Abstract Those molecules that awaken our taste budsThe sense of taste is a chemical sense and one of the most ancestral sensory modalities. It allows detectingand appreciating taste molecules present in our food. Beyond our vital needs, the pleasure elicited from whatwe eat can drive our feeding behaviors sometimes up to excess. Food intake involves several sensorysystems, mainly smell and taste. The underlying molecular mechanisms are relatively complex. This articlefocuses on the extent of the chemical space associated with the five primary tastes (sour, salty, sweet, bitterand umami), and details the fundamental role of gustatory receptors in the perception of taste as well aswithin interindividual variabilities.

Keywords Chemical senses, taste, gustatory receptor, chemical space.

Nos yeux, nos oreilles, notre odorat, notre goût diffèrent, créent autant de vérités qu’il y a d’homme sur laterre » (Guy de Maupassant, Pierre et Jean, 1888).

La gastronomie,ou l’art de la bonne chère

La gastronomie fait partie du patrimoine culturel français.Elle a acquis ses lettres de noblesse par Brillat-Savarin,célèbre épicurien et gastronome du XIXe siècle, et cette tra-dition française est largement présente dans notre société.Du début du XXe siècle à nos jours, l’art culinaire n’a eu decesse de se renouveler. La « Haute Cuisine », celle des grandsrestaurants et hôtels de luxe, fut d’abord codifiée par Auguste

Escoffier, chef cuisinier et écrivain culinaire, par oppositionà la cuisine de terroir, plus bourgeoise et paysanne, défenduepar le critique culinaire Maurice Edmond Sailland, dit le Princedes Gastronomes. Après-guerre, la recherche de simplicitéet de nouveautés guide de grands chefs cuisiniers commePaul Bocuse vers une révolution culinaire que Henri Gault etChristian Millau nommeront la « Nouvelle Cuisine Française ».La recherche de nouvelles saveurs* est à l’origine de nom-breuses déclinaisons de cette Nouvelle Cuisine, comme parexemple la cuisine fusion (mélange de cuisines, cultures ettechniques culinaires de différents pays), ou encore la cuisinemoléculaire (rencontre entre art culinaire et science). Mais lerepas gastronomique ne se limite pas à satisfaire notrepalais, il est aussi un lieu d’échange où le plaisir de dégusterse partage à plusieurs. C’est à ce titre que l’UNESCO a inscrit« le repas gastronomique à la française » au patrimoineculturel immatériel de l’humanité en 2010.

Le goût, une expérience multisensorielle

Le repas est un moment propice au voyage où tous nossens sont en éveil. Nous salivons à la vue d’un plat appétis-sant, à entendre croustiller le pain, ou encore lorsque nouspercevons les odeurs d’un plat qui fait appel à nos souvenirsd’enfance. L’art d’apprécier un vin nécessite d’observer sarobe et de humer son bouquet avant de le déguster. Dans cecontexte multisensoriel, nos sens chimiques* (goût et odorat)

«

©A

.MA

CA

RR

I-U

NS

.

12

Comment ça marche ?

12 l’actualité chimique - mars 2017 - n° 416

sont intimement liés. L’emploi courant et erroné de l’expres-sion « goût d’un aliment » est lié à la perception des saveurs(détection des molécules sapides par la langue), à laquelles’ajoutent des sensations olfactives (rétronasales) et somes-thésiques* (thermiques, tactiles et proprioceptives*) [1-2](voir encadré 1).

La flaveur* (de l’anglais flavour et du latin flare) désignel’ensemble des sensations perçues en bouche, alors que lasaveur et l’arôme* en sont respectivement les composantesgustatives et olfactives. La sensibilité somesthésique permetd’évaluer la texture ou la température d’un aliment, ou encorede ressentir le pétillant, le piquant, l’astringent... De plus,la vision et l’ouïe renseignent notre cerveau sur le contextede la prise alimentaire, ce dernier se chargeant alors de syn-thétiser l’ensemble de ces sensations. La flaveur est doncfinalement une représentation mentale de toutes les sensa-tions perçues lors de la mastication d’un aliment. Goutonsensemble un carré de chocolat. Sa texture douce et onc-tueuse est perçue via notre perception tactile, les composéssolubles rendent sa saveur majoritairement amère et sucrée,alors que ce que l’on nomme l’arôme est la conséquence dela composante olfactive activée par les molécules volatiles.

Dans cet article, nous établirons un panorama des molé-cules impliquées dans les différentes saveurs primaires enexpliquant à chaque fois le rôle stratégique de notre sensdu goût dans le bon fonctionnement de notre organisme.

Plus de détails sur les premières étapes moléculaires de laperception gustative sont donnés dans l’encadré 2. Enfin,nous aborderons le lien entre préférences alimentaires etpatrimoine génétique.

Espace chimiquedes différentes saveurs

L’odeur ou l’aspect d’aliments potentiels peut s’avérertrompeur. Leur ingestion peut dès lors être bénéfique ou serévéler mortelle. La détection de la qualité et/ou de la quantitéde molécules sapides* devient alors essentielle pour assurerle fonctionnement optimal de l’organisme, voire sa survie. Lesens du goût permet de nous renseigner sur le caractèrecomestible et nutritif d’un aliment. Au-delà de cette fonctionprimitive, on peut évoquer le mécanisme dit d’alliesthésie*.Ce terme décrit la relation entre la valence (plaisir ou déplaisir)d’un stimulus et son effet sur l’organisme. Un stimulus béné-fique pour l’organisme sera généralement associé à unevalence positive, alors que les poisons sont souvent associésà des saveurs amères. Et ce sont bien nos gènes qui dictentcette capacité ! À titre d’exemple, une subtile variation surle gène d’un des récepteurs de l’amertume (TAS2R38) estcorrélée avec la perception du phénylthiocarbamide, uncomposé très amer [3-4]. Cette diversité génétique se mani-feste dans nos différences d’appréciation des brocolis oudans notre tolérance aux cigarettes ! Alternativement, on apu observer que des composés à saveur umami* étaientcapables d’inhiber la perception de composés amers, souli-gnant que la relation entre la structure chimique d’un com-posé et sa saveur est autant complexe dans son aspect« structure » que dans son aspect « saveur ». En effet, lasaveur est non seulement dépendante de la structure d’uncomposé et du récepteur gustatif impliqué dans sa détection(voir encadré 2), mais également de nombreux autres para-mètres physico-chimiques comme la concentration, la tem-pérature, le pH buccal, etc. À l’instar de ce que l’on peut

GlossaireLes termes suivis d’un astérisque* dans l’article sont définisci-dessous.

Agueusie/hypogueusie : pathologies qui désignent une privationtotale/partielle du sens du goût.Alliesthésie : terme décrivant le lien entre l’influence d’un stimulusexterne sur l’équilibre d’un organisme et la sensation agréable oudésagréable qu’il procure. Par exemple, l’alliesthésie du goûtcorrespond aux sensations de plaisir/déplaisir que peut procurerla prise d’un aliment.Arôme : composante olfactive d’un aliment ; fait intervenir la voierétronasale.Canal ionique : protéine transmembranaire dont la fonction estd’autoriser le passage d’ions entre les milieux intra- et extracellu-laires.Espace chimique : ensemble de composés possédant unecaractéristique commune. L’espace chimique de la saveur sucréeest par exemple défini comme l’ensemble des molécules perçuessucrées.Flaveur : terme regroupant saveur et arôme.Homéostasie : fait référence aux mécanismes qui interviennentdans la régulation des équilibres ioniques.Proprioception : perception de la position des parties de soncorps dans l’espace.Récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) : protéine récep-trice possédant une structure formée de sept hélices transmem-branaires. La liaison d’un ligand avec un RCPG est à l’origine de lacascade de signalisation dans la cellule permettant de traduire unmessage chimique en message électrique.Sapide : qui a de la saveur, le contraire d’insipide !Saveur : composante gustative d’un aliment ; produite par lesmolécules sapides. Actuellement cinq saveurs primaires sontconnues : acide, amer, salé, sucré et umami*.Sens chimique : sens dont l’origine du stimulus est une molécule(odorat et goût) ; s’oppose aux sens physiques (toucher, ouïe, vue).Seuil de détection : concentration seuil pour laquelle unesubstance est détectée par notre système sensoriel.Somesthésie : principal système sensoriel du corps humainregroupant un ensemble de perceptions tactiles, thermiques etdouloureuses en provenance de diverses régions du corps humain(peau, muscles, tendons, viscères…).Umami : terme japonais désignant un plat « savoureux ».

Encadré 1

Une histoire de goûtLa définition du goût a largement évolué depuis l’Antiquité. Dansson œuvre De l’âme, Aristote distingue deux saveurs principaleset opposées, le doux et l’amer, et considère l’onctueux, le salé,l’aigre, l’âpre, l’astringent et l’acide comme des sensationsdérivant de ces deux saveurs élémentaires. En 1751, Carl vonLinné différenciait dix qualités gustatives : l’humide, le sec, l’acide,l’amer, le gras, l’astringent, le sucré, l’aigre, le muqueux et le salé.Ce n’est qu’en 1824 que Michel-Eugène Chevreul distingue lesdimensions tactiles, olfactives et gustatives dans les sensationsperçues en bouche lors de la prise alimentaire.Adolf Fick propose en 1864 quatre saveurs « primaires » ou « fon-damentales » – le sucré, le salé, l’acide et l’amer – associéesà quatre types de récepteurs gustatifs. Enfin, au tout début duXXe siècle (Ikeda, 1908), une nouvelle saveur appelée umami (motd’origine japonaise signifiant savoureux) est proposée. L’identifi-cation du récepteur associé au début des années 2000 validedéfinitivement cette cinquième saveur primaire.La définition exacte du nombre de saveurs fondamentales restesujette à débat. Les exemples les plus récents concernent lessaveurs nommées oleogustus et kokumi. Bien que les méca-nismes moléculaires de détection du goût du gras ne soit pasencore très clairs, il a été montré que les détecteurs CD36 etGPR120 sont impliqués dans la détection de certains acides gras[20-21]. Le second impliquerait un récepteur sensible au calcium(de la même famille de récepteurs couplés aux protéines G, RCPG,que les récepteurs au goût sucré et umami) qui jouent un rôled’exhausteur de certaines saveurs [22].

13

Comment ça marche ?

l’actualité chimique - mars 2017 - n° 416

observer dans la perception de composés odorants, dont lamodalité change avec la concentration, les moléculessapides sont elles aussi tout en nuances ! À titre d’exemple,la saccharine est sucrée à faible concentration et devientamère à forte concentration.

Les cinq saveurs communément admises (ou saveursprimaires) peuvent être associées à des catégories de nutri-ments. Si l’amertume peut renseigner sur la présence de poi-sons potentiels, on attribue à la perception de la saveur sucréeune information sur l’apport énergétique des nutriments età la saveur salée une information sur la présence de minérauxindispensables au fonctionnement de notre organisme.L’acidité est quant à elle un marqueur de maturité des fruitsou de la présence dans un aliment de micro-organismes

potentiellement dangereux pour l’organisme. Et l’umami ?Cette saveur est liée à la détection de certains acides aminés,briques élémentaires des protéines qui sont indispensablesà notre alimentation.

Les molécules sapides forment un espace chimique trèsvaste avec une proportion plus importante d’atomes lourdset d’hétéroatomes que pour les molécules odorantes parexemple [5]. Elles peuvent avoir une masse molaire très petitelorsqu’il s’agit de molécules à saveur acide comme l’acidechlorhydrique, HCl (36,5 g·mol-1), ou salée comme le sel detable, NaCl (58 g·mol-1). Alternativement, on trouve des com-posés sapides à poids moléculaire élevé comme l’édulcorantstévioside (805 g·mol-1) ou certains antibiotiques qui pré-sentent une saveur amère (la vancomycine, 1 449 g·mol-1).

Encadré 2

Les récepteurs gustatifsUne molécule sapide est détectée par la langue, organe dédié à la perception des saveurs. À sa surface, elle présente des papilles gustativesqui renferment des cellules sensorielles [23]. Celles-ci expriment les protéines réceptrices des molécules sapides. L’identification de cesrécepteurs dans les années 2000 a grandement contribué à une meilleure compréhension des premières étapes moléculaires de laperception gustative. Les premiers à avoir été mis en évidence sont les récepteurs aux saveurs amère, sucrée et umami [24-26], puis lesrécepteurs aux saveurs acide et salée [27-28].On distingue deux types de chimiorécepteurs : des canaux ioniques*, qui permettent l’entrée d’ions dans la cellule, et des récepteurs de typerécepteurs couplés aux protéines G (RCPG)*, qui transmettent le signal sans autoriser l’entrée des molécules sapides dans la cellule.

Schéma représentant les cinq familles de récepteurs gustatifs. Les saveurs acide et salée impliquent des canaux ioniques alors que lessaveurs sucrée, umami et amère sont dépendantes de l’activation de récepteurs couplés à une protéine G (RCPG).

Ce sont des canaux ioniques qui contrôlent la perception des saveurs salée et acide. Pour la saveur salée, l’entrée d’ions alcalins se fait parles canaux ENaC (Epithelial Sodium (Na+) Channel), principalement sélectif au sodium, tandis que le canal à proton PKD2L1 (PolycysticKidney Disease 2-Like 1 protein) [27] est impliqué dans la perception de la saveur acide. La diffusion des ions à travers les canaux, modifiantla polarité de la cellule sensorielle, est à l’origine du message électrique qui sera interprété par le cerveau.Les saveurs amère, sucrée et umami sont quant à elles dépendantes de l’activation de RCPG. Ces récepteurs partagent tous un motifstructural caractéristique de sept hélices transmembranaires susceptible de transférer l’information à l’intérieur de la cellule. À la suite de sonassociation avec une molécule sapide, un récepteur de type RCPG est à l’origine de la cascade biochimique intracellulaire qui va transformerle signal chimique en signal électrique.Les récepteurs des saveurs umami et sucrée partagent la particularité d’être des hétérodimères de RCPG et possèdent une sous-unitécommune, appelée T1R3. La présence de multiples sites de liaison sur ces récepteurs leur permet d’interagir avec des structures chimiquestrès variées.Enfin, il existe une famille de gènes (T2R) codant pour les récepteurs de la saveur amère. Chez l’homme, on compte vingt-cinq gènes codantles récepteurs T2R – à titre de comparaison, la souris en dispose de trente-cinq [29]. Il a été montré que certains T2R humains peuventreconnaitre un large spectre de molécules amères alors que d’autres récepteurs détectent spécifiquement certaines molécules. Le largespectre de détection de certains T2R explique la grande diversité chimique de molécules amères pouvant être détectées par notre systèmegustatif.Des facteurs externes peuvent moduler le signal et ajouter de la subtilité au système de détection des saveurs. La composition chimique dela salive joue un rôle primordial. Il a par exemple été montré que l’anhydrase carbonique présente dans la salive était impliquée dans ladétection du CO2 des boissons gazeuses, les fameuses bulles de champagne ! En plus d’activer le système somatosensoriel, la réactiond’hydratation du gaz carbonique génère de l’acide carbonique et un proton qui va activer le récepteur à la saveur acide [30].

14

Comment ça marche ?

14 l’actualité chimique - mars 2017 - n° 416

La grande diversité structurale de l’espace chimique* desmolécules sapides et la combinatoire associée aux différentsrécepteurs rendent délicat l’établissement de relations struc-ture-saveur, même si on trouve des caractéristiques physico-chimiques communes dans certaines familles de composés.

Fortement acide ne veut pas dire acide fort !

La saveur acide est liée à la détection de protons (H+).Elle est bien évidemment liée à la définition de Brønsted-Lowry de la fonction acide. Le nombre de molécules appar-tenant à l’espace chimique de la saveur acide est difficileà déterminer selon cette définition. La figure 1 regroupe desstructures caractéristiques de cette modalité. Pour un com-posé donné, l’acidité perçue correspond au rapport des seuilsde perception entre ce composé et l’acide chlorhydrique,choisi comme référence. Le seuil de détection* de ce dernierest de l’ordre de 10-4 mol·L-1.

De manière intuitive, on imaginait pouvoir relier l’aciditéperçue d’un composé à son pKa. En réalité, la corrélationn’est pas si évidente et confirme que des facteurs supramo-léculaires entrent en jeu. On peut citer notamment la quantitéde salive produite et son pouvoir tampon à travers la quantitéd’anhydrase carbonique qu’elle contient, le pH salivaire fai-sant varier l’intensité perçue d’un composé acide qui y seraitdilué. Par ailleurs, d’autres protéines réagissent à l’acidifica-tion du milieu intracellulaire suite à la diffusion passive d’acidefaible dans la cellule et modulent le seuil d’excitabilité mem-branaire des cellules [6]. Cette complexité biologique et lamultitude de protagonistes impliqués fait de l’acidité lasaveur la moins bien comprise.

Le sel, ni trop, ni trop peu

Au-delà du rôle d’exhausteur de goût, le sel a égalementservi à la conservation des aliments. D’un point de vuechimique, les sels sont des composés neutres formés parl’association de cations et d’anions. Si on s’intéresse à lasaveur salée, on pense immédiatement au sel de table ouchlorure de sodium, NaCl. On notera toutefois que d’autreshalogénures d’alcalins possèdent un goût salé [7], mais enta-ché d’un arrière-goût souvent amer qui augmente avec laconcentration en sel. L’intensité de la saveur salée est nonseulement dépendante de la nature du cation mais égalementdu contre-ion. Ce dernier joue un rôle sur la solubilité du cationet donc sur sa disponibilité dans la salive, mais peut aussi inte-ragir avec les voies de transduction du signal dans la cellulesensorielle et moduler la réponse au stimulus chimique. Ànoter également qu’en plus des composés contenant descations alcalins, d’autres composés comme NH4Cl ou CaCl2peuvent être perçus salés [7]. Cependant, leur goût est com-plexe puisqu’en fonction de leur concentration, ils possèdentégalement un arrière-goût amer. Le chlorure de calcium estpar exemple le composé qui contribue non pas au salé maisà la principale composante amère du fromage de chèvre.

Une courte liste de molécules associées à la saveursalée est présentée en figure 2. Le seuil de perception duchlorure de sodium (NaCl, molécule salée de référence) estde 10-2 mol·L-1. Dans le cas de NaCl, le seuil de perceptionest relativement élevé car la présence d’ions dans les nutri-ments est cruciale à notre organisme afin de réguler les équi-libres ioniques. On parle d’homéostasie* interne et le sel estassocié à une valence positive à faible concentration. À plus

Figure 1 - Exemples de molécules à saveur acide. Le composé de référence, HCl, possède un seuil de perception de 10-4 mol·L-1. Le ratiodu seuil de perception de chacune des molécules par rapport au composé de référence est précisé.

15

Comment ça marche ?

l’actualité chimique - mars 2017 - n° 416

haute concentration en revanche, le mécanisme d’alliesthé-sie discuté plus haut s’inverse et le sel devient aversif. Cemécanisme de défense mobilise en fait les cellules senso-rielles de l’amer et de l’acide qui sont, elles, naturellementassociées à des réponses aversives [8]. C’est à travers cettedouble stratégie de reconnaissance que nous régulons laquantité de sel ingéré à chaque repas.

Finalement, il n’existe pas à ce jour d’alternative au selNaCl qui possèderait le même profil sensoriel. Pourtant,l’omniprésence de cet exhausteur de goût (1 010 mg dansun Big Mac, 4 520 mg dans un plat préparé de nouilles)inquiète les organismes de santé publique puisqu’il est à l’ori-gine de nombreuses pathologies cardiovasculaires [9]. Larecherche de substituts au sel est toujours d’actualité pourles chimistes ! Et c’est dans des astuces de formulations quela chimie a brillé pour l’instant. Par exemple, en utilisant desmicrocapsules de sel d’un diamètre de quelques milliers demicromètres, il est possible de réduire de moitié la quantitéde sel dans du pain sans impact sur l’intensité perçue [10].

L’amertume, de l’aversion au plaisir

Les molécules amères présentent une grande diversitéstructurale allant de composés très simples comme le cya-nure d’hydrogène (HCN) ou le chlorure de potassium (KCl),jusqu’à des composés polycycliques de masse molairesupérieure à 900 g·mol-1. On y trouve tout aussi bien descomposés de la famille des flavonoïdes, des catéchines oudes peptides modifiés [11].

L’amertume mobilise un circuit d’aversion qui lui a valuson nom, tiré du latin amarus, « désagréable, pénible, déplai-sant ». De nombreux composés toxiques sont en effet forte-ment amers, tels que la strychnine, un alcaloïde naturel létalà faible concentration (figure 3). Cependant, le lien entre toxi-cité et amertume n’est pas évident. En dépit de cette aversionnaturelle, certains composés inoffensifs (la caféine du café oula théobromine du chocolat) sont appréciés pour cette saveurs’ils ne sont pas présents en quantité trop importante [12].L’analyse du génome de différentes espèces fait plutôt appa-raitre un lien entre régime alimentaire et capacités percep-tives. En d’autres termes, les espèces comme les carnivores,qui peuvent par exemple se permettre de rejeter les plantesde leur régime alimentaire, ont une plus grande sensibilitéaux composés amers que les herbivores [13].

Chez l’homme, les seuils de détection de ces moléculessont les plus faibles parmi l’ensemble des molécules sapides.Celui de la strychnine est de l’ordre de 10-6 mol·L-1, celui dubenzoate de dénatonium, un des composés non toxiques lesplus amers, atteint 10-8 mol·L-1. On utilise ce dernier dans lacomposition de pesticides, antigels ou cosmétiques commeagent répulsif dissuadant l’ingestion.

L’espace chimique connu des molécules à saveur amèrecompte environ un millier de composés [11]. La perception del’amertume mobilise en effet vingt-cinq types de récepteurs,soulignant le rôle stratégique qu’elle tient parmi les modalitéssensorielles. Onpeutsupposer quecetespacechimiquen’estpas intégralement découvert en regard du nombre de récep-teurs qui interviennent dans ces liens chemo-génomiques.

La saveur sucrée, perception des sucreset pas seulement !

Le sucre est fortement lié à une valence positive. Mais saconsommation en excès dans notre société moderne est unpiège. Comme le recommande l’Organisation Mondiale de laSanté, réduire cette consommation excessive est un enjeu desanté publique. Le sucre est en effet un facteur de risque pourdes pathologies telles que les caries, le diabète de type 2, lesmaladies cardiovasculaires et l’obésité [14]. L’identificationd’édulcorants à faible apport calorique est donc un enjeu stra-tégique pour les différents acteurs de l’industrie agroalimen-taire. La grande diversité structurale des composés sucrantsencourage à persévérer dans la recherche de nouveauxédulcorants.

Figure 2 - Exemples de composés salés et index de perception [7].L’index correspond au ratio de chacun des composés avec laréférence, NaCl, dont le seuil de détection est de 10-2 mol·L-1.

Figure 3 - Exemples de molécules perçues amères. L’index correspondau ratio de chacun des composés avec la référence, l’octoacétate desaccharose, qui possède un seuil de détection de 10-5 mol·L-1.

16

Comment ça marche ?

16 l’actualité chimique - mars 2017 - n° 416

On retrouve naturellement la saveur sucrée dans des ali-ments comme les fruits ou le miel. Les monosaccharides, telsque le fructose, sont définis par une formule brute Cn(H2O)npossédant principalement de trois à six atomes de carbonepour les oses naturels. Ce sont ces sucres sous formes« ose » (le fructose ou le glucose) qui sont assimilés par notreorganisme. Leur association par liaison glycosidique formedes composés plus complexes tels que les oligosaccharides,de deux à dix oses. Ces derniers, comme l’α-D-glucopyra-nosyl-(1↔2)-β-D-fructofuranoside) – ou saccharose –, certai-nement le plus présent sur nos tables à l’heure du café,doivent être clivés par des enzymes pour être assimilés.Ce clivage est opéré dès la mise en bouche par les enzymessalivaires pour les plus grands polysaccharides et dans letractus intestinal pour les plus courts (sucrase, lactase, etc.).

L’intensité de perception des molécules sucrées estappelée « pouvoir sucrant ». Il est défini comme le rapport deconcentration entre le composé d’intérêt et le saccharose– la molécule de référence pour mesurer le pouvoir sucrantd’une molécule – à intensité de perception sucrée égale. Laconcentration de référence du saccharose correspond à salimite de détection qui est de 10-2 mol·L-1. En regard desautres saveurs, le seuil de détection de la saveur sucrée estrelativement élevé. Pour fonctionner, un organisme a toutintérêt à reconnaitre les nutriments à haute teneur en sucre,et donc à fort apport calorique !

La famille chimique des sucres n’est cependant pas laseule à provoquer une saveur sucrée [15]. Parmi les compo-sés naturels, on retrouve les très grandes familles des ter-pènes, des phénols et, plus étonnant, certains acides aminés.La majorité des phénols à saveur sucrée sont des polyphénolsdérivés de flavonoïdes glycosylés. Parmi les terpènes, on dis-tingue des composés aglycones monoterpéniques, sesqui-terpéniques, diterpéniques basés sur le noyau du stéviol etdes composés triterpéniques de type saponine. Ces édulco-rants sont à faible teneur calorique et sont d’origine naturelle,d’où leur succès industriel et commercial. L’engouement pourle stévioside, dérivé glycosylé du stéviol, présent dans laplante Stevia rebaudiana, en fait un exemple de choix.

Parmi les édulcorants de synthèse, on n’oubliera pasde citer les plus utilisés par l’industrie agroalimentaire cesdernières décennies comme la saccharine, le cyclamate de

sodium ou l’acésulfame de potassium. Leurs découvertesont, pour bon nombre d’entre eux, été le fruit du hasard.C’est pourquoi leurs structures chimiques sont très variées etsont différentes des édulcorants naturels (figure 4). Le plusconnu et le plus controversé pour ses effets sur la santé estl’aspartame, découvert lors d’une synthèse de dérivé dipep-tidique. Le record de pouvoir sucrant revient à des composéspossédant une fonction centrale de type guanidine, dont lelugduname avec une intensité sucrée 200 000 fois plus éle-vée que celle du saccharose. Ces derniers n’ont pas étédécouverts par hasard mais à l’occasion d’un vaste pro-gramme de recherche de substitut de l’aspartame à l’Univer-sité Claude Bernard de Lyon dans les années 1990 [16].

Le délice de la saveur umami

L’umami, provenant du japonais signifiant « savoureux »ou « appétissant », est la plus jeune saveur quant à sa des-cription et à son approbation par la communauté scientifique.L’espace chimique associé à la perception de la saveurumami est donc relativement restreint à ce jour. Elle est ori-ginellement caractérisée chez l’homme par la perception dessels de L-glutamate, et plus particulièrement le glutamatemonosodique (GMS). Parmi les vingt acides aminés, seuls lesacides glutamique et aspartique sont capables de générerune saveur umami. Une des caractéristiques de la saveurumami est la synergie observée plus récemment entre leL-glutamate et deux nucléotides, l’inosine-5’-monophos-phate et la guanosine-5’-monophosphate (IMP et GMP).

Le seuil de détection de la saveur umami est 10-3 mol·L-1

pour le GMS, valeur relativement élevée par rapport à laperception des molécules amères par exemple. C’est pour-quoi cette saveur est retrouvée dans les plats riches en glu-tamate ou protides tels que la sauce soja, certains fromagescomme le parmesan, les viandes et charcuteries, les algues,les poissons et les fruits de mer.

Bien qu’il soit responsable d’une saveur, le GMS est utilisédans l’industrie agroalimentaire comme exhausteur de goût.Il s’invite ainsi de plus en plus dans les plats préparés en alter-native au sel. Même si le glutamate anime les débats autourde risque lié à sa surconsommation, il convient de rappelerque le L-glutamate est l’acide aminé libre le plus concentré

Figure 4 - Exemples de molécules à saveur sucrée. En index, le pouvoir sucrant qui correspond au ratio de concentration de chaque moléculeavec le composé de référence (saccharose) pour une intensité de perception égale.

17

Comment ça marche ?

l’actualité chimique - mars 2017 - n° 416

dans le lait maternel, indiquant que la saveur umami est l’unedes premières saveurs à laquelle le bébé est exposé (voirencadré 3).

Sept milliards de gastronomes

En règle générale, nous n’apprécions pas tous un alimentde la même manière. Cette différence tire son origine defacteurs culturels et géographiques, faisant la richesse etla diversité de la cuisine mondiale avec, par exemple, laconsommation d’épices en Inde ou de poissons crus etd’insectes au Japon. Au-delà de ces aspects, la complexitédes espaces chimiques associés aux saveurs reste mal mai-trisée. Certaines molécules sont à l’interface de deux ou troismodalités, comme la saccharine qui est à la fois amère etsucrée. Certains composés structuralement proches procu-rent des perceptions différentes. Par exemple, la dihydrochal-cone est perçue amère tandis que la néohespéridine dihydro-chalcone est perçue sucrée. Une autre difficulté réside dansla présence de carbones asymétriques. Deux énantiomèrespeuvent procurer des sensations différentes. Le L-trypto-phane est perçu comme un acide aminé amer alors que sonhomologue D est perçu comme sucré chez l’homme. Cettesubtilité rend encore plus délicat l’établissement et la géné-ralisation de relations structure-goût.

Au-delà des facteurs issus d’un apprentissage, l’étudedes facteurs génétiques met en évidence que certaines pré-férences alimentaires sont inscrites dans notre génome. Desdifférences de perception entre certains individus face auphénylthiocarbamide (PTC) et au propylthiouracile (PROP)(présents notamment dans les choux de Bruxelles ou lesbrocolis) sont désormais bien documentées comme étantliées à notre génotype [4]. Une faible quantité de ces molé-cules suffit aux « super-goûteurs » pour les détecter alorsque d’autres ne les perçoivent pas du tout. Les études géné-tiques ont montré que la modification de trois résidusd’acides aminés dans l’un des récepteurs au goût amer(TAS2R38) est à l’origine de cette différence. De manièresimilaire, certaines personnes aiment l’amertume du cafésans sucre, tandis que d’autres ajoutent du saccharosede manière conséquente. Au-delà des facteurs culturels,il est connu que les seuils de perception de la saveursucrée varient énormément d’un individu à un autre et pour-raient en partie expliquer nos différences de comportement

alimentaire. Ainsi, une étude récente a montré que chez desenfants de 7 à 14 ans, le seuil de perception du saccharoses’étendait de 0,23 à 153,8 mM [17].

D’autre part, les différences interindividuelles peuventavoir une origine médicale. Les effets secondaires de traite-ments médicamenteux, certaines pathologies ou traumascrâniens peuvent entrainer une privation totale (agueusie*) oupartielle (hypogueusie*) du sens du goût, ainsi que des per-ceptions erronées des saveurs (dysgueusie). Enfin, les récep-teurs biologiques impliqués dans la perception des saveursne sont pas exclusivement présents à la surface de la langue.Les récepteurs au sucré sont présents, par exemple, dansl’intestin et le pancréas en tant que senseurs de nutriments[18]. Les récepteurs à l’acide sont aussi exprimés à la surfacede certaines cellules pour contrôler le pH sanguin via le tam-pon bicarbonate (H2CO3/HCO3

- et HCO3-/CO3

2-). On perçoitbien qu’au-delà de leur étude dans le cadre de la conceptionde nouvelles molécules sapides, les récepteurs du goûtapparaissent comme de nouvelles cibles thérapeutiques [19]et intéressent alors de près l’industrie pharmaceutique,mais restent aussi dans le giron de l’industrie alimentaire quia fini par inventer le néologisme d’alicament !

Références[1] Bensafi M., Rouby C., Le goût, l’odeur et le cerveau, Biofutur, 2011, 30(320),

p. 29.[2] Faurion A., Physiologie de la gustation, Encyclopédie Médico-Chirurgicale,

2000, 20-490-c-10.[3] Bartoshuk L.M., Duffy V.B., Miller I.J., PTC/PROP tasting: anatomy,

psychophysics, and sex effects, Physiol. Behav., 1994, 56(6), p. 1165.[4] Kim U.K. et al., Positional cloning of the human quantitative trait locus underlying

taste sensitivity to phenylthiocarbamide, Science, 2003, 299(5610), p. 1221.[5] Bushdid C., de March C.A., Topin J., Antonczak S., Bensafi M., Golebiowski J.,

Ces molécules qui nous mènent par le bout du nez : le codage moléculaire dela perception des odeurs, L’Act. Chim., 2016, 406, p. 21.

[6] Ye W. et al., The K+ channel KIR2.1 functions in tandem with proton influxto mediate sour taste transduction, Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 2016, 113(2),p. E229.

[7] McLaughlin S., Margolskee R.F., The sense of taste, Am. Sci., 1994, 82(6),p. 538.

[8] Oka Y., Butnaru M., von Buchholtz L., Ryba N.J.P., Zuker C.S., High saltrecruits aversive taste pathways, Nature, 2013, 494(7438), p. 472.

[9] He F.J., MacGregor G.A., Reducing population salt intake worldwide: fromevidence to implementation, Prog. Cardiovasc. Dis., 2010, 52(5), p. 363.

[10] Noort M.W.J., Bult J.H.F., Stieger M., Saltiness enhancement by taste contrastin bread prepared with encapsulated salt, J. Cereal Sci., 2012, 55(2), p. 218.

[11] Wiener A., Shudler M., Levit A., Niv M.Y., BitterDB: a database of bittercompounds, Nucleic Acids Res., 2012, 40(Database issue), p. D413.

[12] Drewnowski A., Gomez-Carneros C., Bitter taste, phytonutrients, and theconsumer: a review, Am. J. Clin. Nutr., 2000, 72(6), p. 1424.

Encadré 3

Le glutamate monosodique, un risque savoureux pour le consommateur ?L’acide L-glutamique est la forme neutre du glutamate naturellement présent dans notre alimentation.Il fait partie des vingt acides aminés naturels et est essentiel au bon fonctionnement de notreorganisme. Avec l’acide aspartique, c’est le seul acide aminé capable de générer un goût umami.On trouve le glutamate libre à l’état naturel dans les aliments protéinés d’origine végétale ou animale(par exemple 1,2 g pour 100 g de parmesan ou de sauce soja). Sa consommation est de l’ordre de 5à 12 g par jour en Europe [31] sous sa forme naturelle à laquelle il faut ajouter environ 1 g par jour enprovenance de plats industriels contenant du glutamate monosodique (GMS). Cette consommationadditionnelle dépasse les 4 g par jour dans les pays asiatiques !Le GMS est utilisé comme exhausteur de goût sous forme d’additif alimentaire (E621) dans denombreuses préparations industrielles (plats préparés, en particulier les plats asiatiques, charcuteries/viandes, biscuits apéritifs, ou encore produits déshydratés).

Cette consommation importante de GMS est au centre d’un intense débat scientifique et sociétal [31] qui est peu fondé scientifiquement.Il existe chez certaines personnes une réaction d’hypersensibilité appelée « syndrome du restaurant chinois » qui consiste en l’apparition,quelques minutes après l’ingestion d’un repas riche en GMS, de sensations de brûlures, de pressions faciales, de maux de tête, de nausées,ainsi que de douleurs thoraciques. Certaines études ont cependant dénoncé le manque de rigueur dans les protocoles expérimentauxet l’absence de données cliniques pour tirer de telles conclusions [32].Par ailleurs, lorsque la dose journalière est inférieure à 16 g par kg, le glutamate est considéré sans risque pour la santé par les organismesde santé publique. Le consensus actuel dans la communauté scientifique est que de nouvelles études doivent être menées pour évaluer unéventuel risque du GMS à haute dose sur l’organisme.

Structure du glutamate monoso-dique.

18

Comment ça marche ?

18 l’actualité chimique - mars 2017 - n° 416

[13] Glendinning J.I., Is the bitter rejection response always adaptive?, Physiol.Behav., 1994, 56(6), p. 1217.

[14] Lustig R.H., Schmidt L.A., Brindis C.D., Public health: the toxic truth aboutsugar, Nature, 2012, 482(7383), p. 27.

[15] Chéron J.-B., Casciuc I., Golebiowski J., Antonczak S., Fiorucci S., Sweetnessprediction of natural compounds, Food Chem., 2017, 221, p. 1421.

[16] Nofre C., Tinti J.M., Ouar F., Sweeteners derived from glycine and beta-alanine, process for sweetening various products and compositions containingsuch sweeteners, brevet EP 0195730 B1, 1989.

[17] Joseph P.V., Reed D.R., Mennella J.A., Individual differences among childrenin sucrose detection thresholds, Nurs. Res., 2016, 65(1), p. 3.

[18] Laffitte A., Neiers F., Briand L., Functional roles of the sweet taste receptorin oral and extraoral tissues, Curr. Opin. Clin. Nutr. Metab. Care, 2014, 17(4),p. 379.

[19] Sigoillot M., Brockhoff A., Meyerhof W., Briand L., Sweet-taste-suppressingcompounds: current knowledge and perspectives of application, Appl.Microbiol. Biotechnol., 2012, 96(3), p. 619.

[20] Khan N.A., Besnard P., Oro-sensory perception of dietary lipids: new insightsinto the fat taste transduction, Biochim. Biophys. Acta, 2009, 1791(3), p. 149.

[21] Running C.A., Craig B.A., Mattes R.D., Oleogustus: the unique taste of fat,Chem. Senses, 2015, 40(7), p. 507.

[22] Ohsu T. et al., Involvement of the calcium-sensing receptor in human tasteperception, J. Biol. Chem., 2010, 285(2), p. 1016.

[23] Maîtrepierre E., Sigoillot M., Briand L., Des saveurs aux récepteurs, Biofutur,2011, 30(320), p. 24.

[24] Nelson G. et al., An amino-acid taste receptor, Nature, 2002, 416(6877), p. 199.[25] Nelson G. et al., Mammalian sweet taste receptors, Cell, 2001, 106(3), p. 381.[26] Chandrashekar J. et al., T2Rs function as bitter taste receptors, Cell, 2000,

100(6), p. 703.[27] Huang A.L. et al., The cells and logic for mammalian sour taste detection,

Nature, 2006, 442(7105), p. 934.[28] Chandrashekar J. et al., The cells and peripheral representation of sodium taste

in mice, Nature, 2010, 464(7286), p. 297.[29] Bachmanov A.A., Beauchamp G.K., Taste receptor genes, Annu. Rev. Nutr.,

2007, 27(1), p. 389.[30] Chandrashekar J. et al., The taste of carbonation, Science, 2009, 326(5951),

p. 443.[31] Beyreuther K. et al., Consensus meeting: monosodium glutamate - an update,

Eur. J. Clin. Nutr., 2007, 61(7), p. 928.[32] Jinap S., Hajeb P., Glutamate: its applications in food and contribution to

health, Appetite, 2010, 55(1), p. 1.

Jean Baptiste Chéron est doctorant à l’Institut deChimie de Nice, Université Côte d’Azur1. Ses recher-ches sont centrées sur l’étude des relations structures-goût en prenant en compte le rôle des récepteursgustatifs.Jérôme Golebiowski est professeur à l’Institut deChimie de Nice, Université Côte d’Azur1, et professeuradjoint au département of Brain & Cognitive Science auDGIST, en Corée du Sud2. Il co-anime le GdR CNRSO3 (Odorant-Odeur-Olfaction).Serge Antonczak est professeur à l’Institut de Chimie de Nice, UniversitéCôte d’Azur1. Il anime l’équipe « Arôme-Parfums-Synthèse et Modélisa-tion ».Loïc Briand est directeur de recherche INRA au Centre des Sciences duGoût et de l’Alimentation de Dijon3. Ses études sont centrées sur les méca-nismes moléculaires qui sous-tendent la perception chimiosensorielle desmolécules sapides et odorantes responsables de la flaveur des aliments.Sébastien Fiorucci (auteur correspondant) est maître de conférences àl’Institut de Chimie de Nice, Université Côte d’Azur1. Ses recherches sontcentrées sur l’étude des mécanismes moléculaires de la perception desodeurs et des saveurs.

1 Université Côte d’Azur, CNRS, Institut de Chimie de Nice, UMR7272, F-06108Nice.Courriel : [email protected]

2 Department of Brain & Cognitive Sciences, DGIST, 333 Techno JungAng Daero,HyeongPoong Myeon, Daegu (République de Corée).

3 Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation, AgroSup Dijon INRA, CNRS,Université de Bourgogne Franche-Comté, F-21000 Dijon.

J. Golebiowski J.B. Chéron S. Antonczak L. Briand

S. Fiorucci

Chimie et physico-chimiedes matières premières

l’actualité chimique - octobre-novembre 2008 - n° 323-32442

Parfum, chimie et créationXavier Fernandez, Sylvain Antoniotti, Éric Bussotti et Marie-Patricia Hurel

Résumé Le parfum est un produit fascinant dont la création associe l�art, des connaissances empiriques et la science.Sa formule est issue du mélange de plusieurs dizaines de composés odorants et extraits naturels (leconcentré de parfum) dans de l�éthanol. L�examen de l�histoire du parfum à travers les siècles montre le rôlecapital joué par la chimie. L�obtention de solvants organiques purs mais surtout la mise à disposition decomposés odorants synthétiques ont complètement bouleversé la parfumerie pour conduire aux parfumsmodernes, compagnons quotidiens de notre vie.

Mots-clés Parfum, odeur, formulation, accord, extraits naturels, synthèse organique.

Abstract Perfume, chemistry and creationThe perfume is a fascinating material whose creation is guided by art, empirical knowledge and science. Itsformula arises from the mixture of dozens of odorant compounds and natural extracts in ethanol. An overviewof the history of perfumes across the centuries shows the central role of chemistry. The manufacture ofsolvents of high purity and the chemical synthesis of key-odorants have dramatically influenced perfumery,leading to modern fragrances, daily companions of our lives.

Keywords Perfume, fragrance, formulation, harmony, natural extracts, organic synthesis.

e mot parfum tire son origine du latin per fumumsignifiant « par la fumée », en référence à la première

méthode connue d’obtention de fragrances subtiles parcombustion de gommes ou de résines (myrrhe, encens)récoltées sur des arbres de la famille des burseracées [1].

Aujourd’hui, le terme de parfum* désigne un produit bienprécis pour l’industrie des fragrances, obtenu par dilution

d’un concentré de parfum ou jus (15 à 30 %) dans de l’alcooléthylique à 90°. Cependant pour le grand public, le termeparfum est plus ambigu puisqu’il fait référence à une odeuraussi bien qu’à divers produits (parfum, soie de parfum*, eaude parfum*…).

L’univers du parfum est un monde fascinant qui associela technique, la science et l’art. La technique est représentée

L

Glossaire

Les mots suivis d’un astérisque* dans le texte sont définisci-dessous. Absolue ou « essence absolue » : c’est un extrait préparé à partirdes essences concrètes par dissolution à chaud dans de l’éthanol(lavage). Les composés insolubles (ou « cires ») sont précipités àfroid (glaçage) puis écartés par filtration. Après évaporation del’éthanol, on obtient un liquide épais, ou parfois une pâtevisqueuse, parfaitement soluble dans l’éthanol, ce qui permet sonutilisation dans la formulation de parfums alcooliques. Accord : l’accord est le résultat de la combinaison de différentessenteurs simples pour créer une nouvelle impression olfactive. Lenombre de composés utilisés peut aller de deux à plusieursdizaines. Les accords sont des éléments importants de lacomposition d’un parfum*.Concrète ou « essence concrète » : c’est le produit brut obtenupar extraction de végétaux frais avec un solvant organique(hexane, éther de pétrole, acétate d’éthyle, éthanol). Aprèsévaporation du solvant, on obtient une pâte, plus ou moins solide,contenant des constituants volatils et non volatils, dont certainssont insolubles dans l’alcool à forte concentration. Les concrètesne peuvent donc pas être utilisées sous cette forme en parfumeriealcoolique, mais peuvent être employées pour les savons.Eau de Cologne : solution parfumante obtenue par dilution de 3 à5 % d’un mélange d’huiles essentielles dans de l’alcool à 90°. Leshuiles essentielles utilisées sont en majorité des essencesd’agrumes qui produisent une odeur fraîche.Eau de parfum : solution parfumante obtenue par dilution de 8 à15 % de concentré de parfum dans de l’alcool à 90°. La fragrancereste perceptible pendant 3 à 4 heures.Eau de toilette : solution parfumante obtenue par dilution de 5 à8 % de concentré de parfum dans de l’alcool à 90°. Sa fragranceest très légère, de type fruité (notes d’agrumes). Il existe égalementdes eaux fraîches sans alcool.Eau fraîche ou eau de sport : solution parfumante obtenue par

dilution de 1 à 3 % de concentré de parfum dans de l’alcool à 70ou 80°. La fragrance reste perceptible pendant 3 à 4 heures.Expression : méthode d’extraction des huiles essentielles dans lecas particulier des agrumes. La grande sensibilité de ces huiles àla température, à l’oxygène aini qu’aux agents chimiques obligeleur extraction par pression mécaniquement à froid de l’écorce(ou zeste) du fruit. L’extrait est par la suite décanté puis filtré afinde séparer l’huile essentielle de la partie aqueuse.Huile essentielle : produit obtenu par hydrodistillation ouentraînement à la vapeur d’eau d’une matière première végétale.Le distillat décante en deux phases, la partie surnageante estl’huile essentielle ou essence. La phase aqueuse peut êtrerécupérée pour être utilisée (eaux florales) ou redistillée.Impact : ce terme se réfère à l’efficacité d’un parfum juste aprèsson application ; plus le parfum est perçu, plus l’impact est impor-tant. Parfum : ce terme est généralement employé pour désigner desodeurs ou fragrances dans leur ensemble. Cependant pourl’industrie de la parfumerie, il s’agit d’un produit bien défini quicorrespond à la dilution dans l’éthanol à 90° de 15 à 30 % deconcentré de parfum (mélange de composés odorants synthétiqueset d’extraits naturels). Il reste perceptible pendant 4 à 8 heures. Résinoïde : extrait obtenu par extraction de plantes sèches oud’exsudats de plantes par des solvants organiques(hydrocarbures, acétates d’alkyles, éthanol). Soie de parfum : solution parfumante obtenue par dilution de 15à 18 % de concentré de parfum dans de l’alcool à 90°. Lafragrance reste perceptible pendant 3 à 6 heures.Substantivité : terme voisin de la ténacité*, également appelérémanence, qui détermine la tenue et l’efficacité à long terme d’unparfum en application sur un support donné (la peau pour une eaude toilette, le textile pour un assouplisseur...). Voir aussi impact*.Ténacité : ce terme se réfère à l’efficacité du parfum à long termesur la peau.

43l’actualité chimique - octobre-novembre 2008 - n° 323-324

Les matières premières

par un ensemble de méthodes d’extraction, certainesd’origine ancestrale, des fleurs, des feuilles ou des fruits dontles parfumeurs mélangent les essences ainsi obtenues pourcomposer de subtiles fragrances. L’apport de la science aaccompagné le développement de la parfumerie avec lesprogrès de la chimie moderne et ses méthodes d’analysetoujours plus performantes, ainsi que les centaines decomposés synthétiques venus enrichir la palette duparfumeur.

Cependant, même si la science et la technique jouent unrôle capital dans la création d’un parfum, sa formulation restele fruit d’un sens artistique poussé, seul capable de mélangerles différents constituants dans des proportions adéquatesconduisant à une odeur harmonieuse, spécifique etreconnaissable. Pour preuve, le langage de la parfumeriefait référence à l’art en empruntant le langage de lamusique avec les termes « note » et « accord* » [2].

Un peu d’histoire

L’utilisation du parfum est ancestrale, apparue avecl’apprivoisement du feu par l’Homme, ainsi qu’en attestentdes peintures rupestres mettant en scène des fumigationsd’arbustes et d’herbes, dont les exhalations étaient censéesflatter les dieux et effrayer les démons.

L’usage du parfum à appliquer sur la peau sous formede baumes ou d’onguents n’apparaît que bien plus tard, àl’Antiquité. Présent dans toutes les civilisations, le parfum estdéjà à cette époque utilisé partout dans le monde, de laChine à l’Égypte en passant par les Indes. En Grèce, l’usagedu parfum est vanté pour le parfumage du corps des morts,les Grecs attribuant une origine sacrée à ces mélanges. Enrevanche, les Égyptiens et les Mésopotamiens utilisaientles parfums dans le but de parfumer la peau des convivespour des occasions festives, ainsi que dans des activitésmystiques et divinatoires. À cette époque, il est déjà possiblede distinguer un parfum qui se démarque des autres depar la complexité de sa formulation. Le mélange trouve sasource en Égypte, terre de toutes les senteurs, et se nomme« kiphi ». Le jus est alors constitué de lentisque,genévrier, myrrhe et cyprès.

Dans ce tourbillon de senteurs, les Romainsréservent au parfum un usage religieux etfunéraire, mais également un usage en relationavec ses vertus prétendument curatives. Leparfum n’est alors qu’un mélange d’essences etd’huiles parfumées, mais déchaîne les passionset attise les convoitises.

Le carrefour des épices et des matièresprécieuses telles que pierres ou soieries quereprésente la péninsule arabique fait de cettezone géographique un pôle de développement,et c’est ainsi que le monde musulman préfigureet favorise l’utilisation quotidienne et variée desparfums. Le mode d’utilisation et le messagevéhiculé par ces sources de senteurs prennentun virage au début du Moyen Âge, après lapériode d’évolution et de développement connusous l’Empire romain. Le parfum perd peu à peusa vocation divine et sacrée au profit d’un usageassocié à la séduction et aux jeux amoureux.C’est au milieu du XIVe siècle que l’on voitapparaître les parfums sous leur formealcoolique, avec « L’Eau de la reine deHongrie », à base de romarin.

Du plus insignifiant des instruments jusqu’à la monturedes nobles de la cour en passant par le papier à lettres, ladiversité de l’usage des parfums atteint son apogée aux XVe

et XVIe siècles. Cette place importante de la parfumerie dansla société va se poursuivre et s’intensifier au cours dessiècles suivants. La profession de gantier voit le jour, et deshuiles sont imprégnées sur les cuirs afin d’en masquerl’odeur. Nous sommes au XVIIe siècle, la corporation desgantiers-parfumeurs se constitue, érigeant la ville de Grasseen porte-drapeau du commerce de la parfumerie [2].

Pendant la période de l’Empire, Paris s’impose commeseconde capitale mondiale des parfums avec l’avènementde maisons telles que Piver, Houbigant, Roger & Gallet etbien d’autres. La parfumerie moderne est en marche.François Coty, Aimé et Jacques Guerlain, autant de grandsnoms qui feront basculer, à l’aube du XXe siècle puis, plustard, Ernest Beaux, Jean Patou, Marcel Rochas, Jean Carleset Edmond Roudnistska, ce qui n’était alors que la chimied’atelier en véritable industrie.

L’industrie des parfums

Aujourd’hui, l’industrie des parfums, difficilementdistinguable de celle des arômes, est une industrie prospèrequi représente un marché de 16,3 milliards de dollars(tableau I, [5]). Les dix plus grandes sociétés (originairesd’Europe, États-Unis, Japon) détiennent 65 % du marché(10,5 milliards de dollars). En France, ce secteur appartient,tout comme celui de la cosmétique, de la haute couture, dela maroquinerie et de la joaillerie, au cercle très fermé desindustries du luxe caractérisé par un taux d’exportation élevé(41 %). En 2004, le domaine de la parfumerie alcooliqueemployait 13 000 personnes et réalisait 60 % de ces ventesà l’exportation [3-4].

Le parfum est un mélange de substances parfuméeschoisies et mesurées selon des proportions telles qu’ellescréent d’agréables sensations olfactives [2]. D’un point devue industriel, les concentrés de parfum sont destinés à unetrès large palette de produits utilisés autant par le grand

Tableau I - Classement 2007 des plus grandes sociétés du secteur des arômes etparfums (d’après [5]).*L’année 2007 a été marquée par de nombreux bouleversements : Givaudan a fait l’acquisitionde Quest International, Firmenich de Danisco et Robertet de 33,5 % du groupe françaisCharabot.

Rang Nom Pays d’origineChiffre d’affaires

en 2006(en millions de $)

1 Givaudan* Suisse 2 387,9

2 IFF États-Unis 2 100

3 Firmenich* Suisse 1 752,1

4 Symrise Allemagne 1 623

5 Quest International* Royaume-Uni/Pays-Bas 1 511,8

6 Takasago Japon 955,7

7 Sensient Technologies États-Unis 565

8 T. Hasegawa Japon 394,4

9 Mane France 366,8

10 Robertet* France 291,8

11 Frutarom Israël 287,2

12 Danisco* Danemark 269,3

13 Cargill (Flavors) États-Unis 269,3

44 l’actualité chimique - octobre-novembre 2008 - n° 323-324

Les matières premières

public que l’industrie. Ces produits incluent tous dans leurformulation une base parfumante car aujourd’hui on parfumetout ! De la lingette parfumée au shampoing, en passant parle gel douche, la crème, le savon, la bougie et les bâtonsd’encens, sans oublier bien sûr tous les produits détergentsqui représentent un marché conséquent (tableau II). Laprincipale contrainte pour formuler ces différentes basesparfumantes pour des produits finis si différents est lastabilité de l’odeur en fonction du produit. Il est doncnécessaire d’adapter la base parfumante à chaque support.

Cependant, pour les consommateurs que nous sommes,les parfums se résument bien souvent à la forme alcooliquedestinée à parfumer la peau, parfois les vêtements ouencore les cheveux dans certaines régions du monde.Cette catégorie est communément désignée comme« la parfumerie fine ou alcoolique ». Dans ce domaine, lescompositions parfumées, fabriquées et contrôlées dans lerespect du cahier des charges correspondant à des normeset législations européennes ou internationales, présententun subtil équilibre des constituants recherchés par leparfumeur-créateur, à la recherche d’un ensembleharmonieux et abouti.

Là où le gel douche ou le désodorisant vont présenter laplupart du temps une structure olfactive primaire, le parfumva lui se caractériser par une évolution olfactive des effluvesà travers le temps. Il serait abusif d’aborder une noteéquilibrée comme une équation mathématique, mais l’onpeut sectoriser une odeur en parfumerie fine en fonction dela volatilité et du délai de perception et de substantivité* desnotes basiques qui la composent. La représentation deCarles de la structure d’un parfum est un triangle diviséhorizontalement en trois parts qui représentent les notes detête, de cœur et de fond (figure 1) [2, 6]. Les produits les plusvolatils, ceux qui s’évaporent le plus vite, sont les notes detête. Les produits moins volatils qui viennent après sont lesnotes de cœur, et ceux qui ont peu de volatilité viennent endernier et correspondent aux notes de fond qui persisterontle plus longtemps sur la peau [4, 7]. Les proportionssuggérées par ce modèle pour chaque type de notes sont :15-25 % pour les notes de cœur, 30-40 % pour les notes decœur et 45-55 % pour les notes de fond.

On peut nuancer cette structure par la différence dechaque nez vis-à-vis d’une odeur. Chaque personneprésente une sensibilité relative, l’une détectant aisémentpar exemple des traces de notes aldéhydées dans unesenteur, alors que l’autre y sera quasi insensible. Si l’on seréfère à l’unicité de chaque individu, on conçoit aisémentque la parfumerie fine n’obéit qu’à peu de règles clairement

établies et recèle bien des facettes, très ardues àappréhender et à cerner sur un simple bout de papier ou parle plus puissant des ordinateurs. C’est là qu’intervient legénie du parfumeur-créateur qui, tel un chef cuisinier avecses ingrédients, va jongler avec ses matières premières pourcréer des accords harmonieux et conduire à une fragranceappréciée. À ces « formules » de fabrication de base duproduit fini peuvent se rajouter d’autres constituants, telsque des conservateurs ou parfois des colorants.

Si l’on considère le cas des parfums dits « de couturier »qui symbolisent la parfumerie de luxe aujourd’hui, ondistingue clairement plusieurs acteurs de premier plan. Toutd’abord la marque, par qui vient l’impulsion du lancementd’un nouveau produit, mais dont l’activité première restela mode et l’habillement. Des services marketing etcommerciaux dressent un cahier des charges, cristallisentles nouvelles tendances avec plus ou moins d’innovation etréunissent les partenaires de développement. Le succès dela dernière eau de toilette à la mode sera techniquement lefruit de la collaboration entre la marque, le designer du flaconet le parfumeur.

Les parfums

Les compositions : une palette infinie d’odeurs

Pour formuler son concentré de parfum, le parfumeurdispose de deux grandes familles de matières premières : lesproduits naturels et les composés synthétiques (tableau III).Les produits naturels tiennent encore une place importanteen parfumerie. Différents extraits, d’origine végétale (issus defleurs, feuilles, racines, graines, écorces, résines...) et animalepeuvent entrer dans la formule d’un parfum. Deux grandesfamilles d’extraits peuvent être distinguées : les extraitsobtenus par hydrodistillation, entraînement à la vapeur ouexpression, nommés huiles essentielles*, et ceux obtenus parextraction à l’aide d’un solvant organique nommés concrète*,absolue*, résinoïde* ou oléorésine, teinture.

Les huiles essentielles (mis à part le cas particulier decelles obtenues par expression) sont des mélangescomplexes de plusieurs dizaines à plusieurs centaines decomposés volatils solubles dans l’éthanol. Elles peuventdonc entrer directement dans la formule du parfum. Lesconcrètes sont des mélanges très complexes de composésvolatils et non volatils. Au vu de la grande diversité du règnevégétal et du nombre de matières premières qui en découle,combinés au nombre de techniques d’extraction et desolvants utilisés, les extraits naturels demeurent une sourceriche de matières premières les plus diverses. Ces extraits,issus de la biomasse, sont complètement renouvelables si

Tableau II - Exemples et compositions de produits finis parfumés.

ParfumAlcool, eau, parfum, conservateurs,

anti-oxydants, colorants

Crème Émulsion huile dans eau, parfum,

conservateurs

Shampoing, Gel douche Tensioactifs, eau, parfum,

conservateurs

SavonSels d’acides gras d’origine végétale

ou animale, parfum

Détergent poudrePerborate, agents de blanchiment,

parfum

Bougie Cires végétales, parfum

Figure 1 - Représentation triangulaire des parfums.

45l’actualité chimique - octobre-novembre 2008 - n° 323-324

Les matières premières

certaines précautions pour la culture et/ou la récolte sontprises. Les produits naturels sont également une sourced’inspiration pour le chimiste de synthèse. L’analyse desplantes à parfum et de leurs extraits a permis l’identificationde nombreux composés d’intérêt olfactif comme la jasmoneidentifiée dans l’absolue de jasmin (Jasminum officinale L.),les oxydes de rose dans l’huile essentielle de rose (Rosadamascena Mill.) ou les irones dans l’huile essentielle d’iris(Iris pallida Lam.) [8]. Ces composés peuvent ensuite êtreobtenus par synthèse pour maîtriser l’approvisionnement etdiminuer les coûts de revient.

À l’heure actuelle, le parfumeur dispose communémentde plus d’une centaine de matières premières naturelles enprovenance de pays répartis sur les cinq continents : lavandeet rose de France, citron et bergamote d’Italie, sauge et

armoise de Russie, jasmin des Indes, géraniumd’Afrique ou de Chine, ylang-ylang des Comores,vétiver d’Haïti en sont quelques exemples. Encomplément de ces extraits naturels, il disposeaussi d’une grande quantité de matières premièressynthétiques issues de la chimie organique. Cescomposés peuvent avoir été au préalable identifiésdans la nature, mais peuvent également être descomposés originaux, issus de l’imagination duchimiste ou d’opportunités de synthèse. Chaqueannée, des centaines de nouvelles molécules sontainsi synthétisées et évaluées. Seules quelques-unes sont utilisées par l’industrie de la parfumerie,car en cas d’intérêt olfactif, elles doivent ensuiteprésenter une parfaite innocuité (la toxicité (DL50),les effets cancérogènes, mutagènes, toxiques pourla reproduction mais également sensibilisants sontévalués) pour l’Homme et son environnement(évaluation de l’écotoxicité). De plus, cessubstances doivent demeurer stables en solutionalcoolique.

Ainsi la parfumerie utilise de moins en moins deproduits naturels. Il ne faut pas croire que les pro-duits synthétiques soient les parents pauvres desproduits naturels ; ils ont très largement permis à laparfumerie d’évoluer. L’aspect économique n’estpas uniquement en question dans le choix de l’unou l’autre. Certains extraits naturels ont des prix derevient très bas, alors que des produits synthéti-ques peuvent être très coûteux. Ainsi les huilesessentielles d’orange, de bois de cèdre ou delavandin se négocient respectivement à 3, 20 et15-20 � par kilogramme, ce qui en fait des produitstrès bon marché. La β-damascénone ((E)-1-(2,6,6-triméthyl-1,3-cyclohexadién-1-yl)-2-butén-1-one)synthétique, commercialisée par la société Firme-nich, est utilisée dans les compositions afin derecréer une note olfactive fruitée et rosacée trèspuissante. Son prix se situe autour de 1 100 �/kg,ce qui lui permet de rivaliser en termes de prix avecles extraits naturels les plus précieux.

Des mélanges savantspour des parfums à succès

Il faut souvent entre 40 et 80 matièrespremières pour réaliser une composition. Pourcréer une composition harmonieuse, le parfumeurdoit formuler plusieurs de ces matières premièresdans des proportions qu’il modifiera au fil de ses

essais, jusqu’à obtenir l’effet qu’il désire. Dans son travail,il doit tenir compte du processus d’évaporation du parfumet son influence sur l’odeur, et de son interaction avec lapeau [2, 9].

Il est passionnant de se pencher un instant sur l’évolutiondes notes olfactives au cours du siècle précédent,directement liée à l’apparition de nouveaux produits dansl’orgue du parfumeur, autant naturels que synthétiques[1-2, 10]. Si l’on considère, comme beaucoup s’accordentà le dire, que la parfumerie fine moderne a commencé salente métamorphose à partir de la fin du XIXe siècle, onpeut recréer alors une certaine chronologie des événementsen parallèle avec les évolutions de la synthèse organique.

Une certaine catégorie de « jus » immortels lancés entre1880 et 1900 fonde le caractère de leur odeur sur l’utilisation

β-DamascénoneCétoneOdeur

fruitée et rosacéetrès puissante

VanillineAldéhyde aromatique

Odeur de goussesde vanille

CoumarineEster (lactone)Odeur de foin

fraîchement coupé

Salicylate d’amyleEster aromatiqueOdeur de trèfle

Alcool phényléthyliqueAlcool aromatique

Odeur florale (rose), de miel

MéthyleugénolÉther aromatiqueOdeur épicée,

de clou de girofle

GéraniolTerpénoïde (alcool monoterpénique)

Odeur douce, florale (rose), fruitée

Citronellol (Rhodinol®)Terpénoïde (alcool monoterpénique)

Odeur florale (rose)

NérolTerpénoïde (alcool monoterpénique)

Odeur florale (rose)

LinalolTerpénoïde (alcool monoterpénique)

Odeur florale, douce, citrus

Oxydes de roseTerpénoïde

Odeur florale(rose, géranium)

β-DamasconeCétone

Odeur florale, fruitée

Cis-jasmoneCétone

Odeur florale (jasmin)

Tableau III - Des composés odorants très variés.

O

OH

CHO

O O O

OH

O

O

OH O

O

OH OH

OH

OH O

O

O

46 l’actualité chimique - octobre-novembre 2008 - n° 323-324

Les matières premières

d’un produit-phare. La vanilline présente dans lagousse de vanille, dont la synthèse fut brevetée parDe Laire et Reimer en 1876, donnera la note de fondet le cœur doux et suave dans la plupart des parfumslancés par Coty et Guerlain à cette époque, alors quela coumarine, isolée de la fève tonka par Perkin en1868, fera de Jicky un parfum mythique de la fin duXIXe siècle. Avec l’aide des chimistes organiciens, lesparfumeurs ont alors entrepris d’obtenir et donc demélanger des molécules synthétiques qui n’existentpas forcément dans la nature avec des substancesplus traditionnellement utilisées. La gamme dessenteurs s’est alors considérablement élargie, avecl’entrée dans une parfumerie où prime l’originalité dela note. Des effluves nouvelles sont apparues, tellesque la richesse et la puissance de la note violettedans le Vera Violetta de Roger & Gallet, ou la fraîcheurde la note fleur de trèfle dans Trèfle Incarnat de Piveren 1896, note artificiellement recréée par le salicylated’amyle. Il est intéressant de constater que beau-coup de grands noms de la chimie organique ont tra-vaillé pour les sociétés de l’industrie des parfums,comme par exemple Leopold Ruzicka (prix Nobel en1939), grand spécialiste de la chimie de terpènes.

C’est également à cette période que naissent lesgrandes maisons de parfumerie grassoise, ainsi queles groupes industriels de chimie des arômes etparfums un peu partout dans le monde. Dans cettestructuration qui préfigure celle d’aujourd’hui, certainespersonnalités émergent et s’imposent en chefs de file parmiles créateurs. Edmond Roudnitska avec Narcisse pourCaron, François Coty avec Rose Jacqueminot ou AmbreAntique, ou encore Houbigant avec Quelques Fleursmarqueront à jamais l’histoire de la parfumerie.

Peu à peu, les méthodes de production s’industrialisent.L’alcool de vin auparavant employé est remplacé parl’éthanol pur, avec une hausse de la qualité des produitsfinis. Il n’était pas rare après une distillation mal opéréed’obtenir un parfum à l’odeur de vinasse macérée !

Dès le début du siècle dernier, le flacon prend unedimension tout autre et devient une véritable œuvre d’art. En1907, René Lalique s’associe à Coty et lance Ambre Antique.Le contenant commence à refléter le caractère du contenu.Viennent ensuite les années d’après-guerre, et une tendancenouvelle qui apparaît : les maisons de couture, Lanvin avecson Arpège (1927) et Chanel avec l’incontournable N° 5(1921), apposent leur griffe sur les lancements de l’époque.

L’après-guerre marque ainsi une nouvelle ère pour laparfumerie, les couturiers imposant une grande richesse etune diversité des lancements, avec des parfums présentanttoujours plus de caractère. Christian Dior figure en tête deceux-ci et s’illustre avec son Miss Dior (1947). Les maisonsRochas et Nina Ricci, en lançant respectivement Femme(1944) et L’air du temps (1948), s’accaparent les têtesdes ventes. Cette diversification, accompagnée d’unedémocratisation de l’utilisation de parfums corporels, sepoursuit dans les années 50-60. Les notes olfactives se fontplus sages et accessibles. Ces années voient égalementl’intégration des parfumeurs, autrefois indépendants, dansles grands groupes industriels tels qu’IFF (États-Unis),Unilever (Pays-Bas/Royaume-Uni) ou Givaudan (Suisse), enqui l’on voit se dessiner les multinationales d’aujourd’hui.

Les années 60-70, qui riment pour toute une générationavec libération sexuelle et révolution contestataire,s’accompagnent d’un vent frais, ainsi que de notes olfactives

à tendances orientales ou indiennes. Les parfums se fontpatchouli, musc et santal. Les parfumeurs suivent cemouvement avec Opium d’Yves Saint Laurent (1977),Parfum d’interdit, ou Magie Noire de Lancôme (1978). Denombreux parfums masculins font également leur apparition,comme Eau Sauvage de Dior (1966) incarnant l’explosion dela catégorie (figure 2).

Des senteurs fruitées traversent l’Atlantique au début desannées 80 et apportent une touche nouvelle. La puissanceest de mise : des parfums tels que Poison de Dior (1985)enivrent les sens et marquent les esprits. Les années 90marqueront la structuration du marché, avec une dizaine degroupes qui rassemblent quelques 80 marques parmi lesplus réputées et concentrent à eux seuls 60 % du marchémondial. Coty-Lancaster, LVMH ou L’Oréal sont de ceux-ci.L’accent est alors mis sur le marketing et la mise en scèneautour de chaque lancement. Le contenu devient presquesecondaire face à l’originalité et l’innovation requises pour leflaconnage et les campagnes publicitaires impliquant desstars de cinéma.

L’apport de la chimie

Depuis bien longtemps, les scientifiques ont tenté derationaliser les phénomènes olfactifs ainsi que les pratiqueset les aspects techniques de la parfumerie. Ces tentativesont touché de nombreuses disciplines scientifiques :biologie moléculaire, biochimie et physiologie avec l’étudedu sens de l’olfaction [11], les sciences cognitives et socialesavec l’étude du langage lié à la description des odeurs, maisce sont surtout les chimistes qui se sont le plus penchés surla parfumerie.

L’apport de la chimie a permis de transformer laparfumerie en véritable science où se côtoient chimie dessolutions, chimie analytique, théorique et organique[4, 10, 12-13].

Figure 2 - Rosace olfactive.

47l’actualité chimique - octobre-novembre 2008 - n° 323-324

Les matières premières

La chimie analytique

Les progrès réalisés dans le domaine de l’instrumenta-tion analytique ont permis de grandes avancées en parfume-rie. Le développement des techniques chromatographiqueset en particulier ses couplages avec la spectrométrie demasse (GC/MS, HPLC/MS) a permis une meilleure connais-sance de la composition des extraits naturels que la parfu-merie utilisait depuis parfois des siècles (huiles essentielles,concrète, absolue) et l’identification de nombreux composésodorants présents dans ces extraits [1, 8]. Ces techniques decouplage conduisent très rapidement à l’identification descomposés de structures connues. La mise en évidence d’unnouveau composé nécessite cependant son isolement et sacaractérisation structurale par des techniques spectroscopi-ques (RMN, infrarouge, spectrométrie de masse haute réso-lution…). Si l’on prend l’exemple de l’huile essentielle de rose(Rosa damascena Mill.), dont le prix prohibitif limite l’utilisa-tion (~ 5 000 �/kg), les chimistes ont tenté pendant très long-temps d’identifier les composés responsables de son odeurcaractéristique, si appréciée par les parfumeurs. Avant 1957,tous les constituants présents dans une concentration supé-rieure à 1 % étaient identifiés (les principaux constituantsétant le (-)-citronellol, le géraniol, le nérol, le β-phényléthanol,le méthyleugenol, le linalol et différents hydrocarbures).Malgré cela, ces connaissances ne permettaient pas deréaliser des compositions synthétiques possédant l’odeur del’essence de rose. Le secret de cette odeur est resté cachépendant longtemps dans la fraction de composés non iden-tifiés de l’huile essentielle. C’est avec les progrès de la chi-mie analytique et l’abaissement des seuils de détection quedes composés présents en faibles concentrations commeles oxydes de rose, différents éthers cycliques, la β-damas-cénone et la β-damascone, indispensables à l’odeur del’essence de rose, ont été identifiés [13]. Les travaux les plusrécents recensent plus de 350 composés dans les huilesessentielles de rose de différentes origines (figure 3, [14]).

L’intérêt de la chimie analytique ne se limite passeulement à la découverte de nombreux produits odorants,elle assure le suivi de la qualité des extraits, produitssynthétiques et produits finis utilisés quotidiennement(vérification d’origine, de pureté, d’innocuité…).

Les relations structure/activitévers la découverte de nouveaux odorants

L’olfaction demeure le plus mystérieux des cinq sens etoffre de passionnants champs d’investigation à la curiositéscientifique. La question peut être abordée du point de vue

du physiologiste, du biologiste moléculaire, du chimiste, duparfumeur, et même du linguiste, quand il s’agit de décrirequalitativement les sensations olfactives avec des mots [11].

Du point de vue du chimiste, c’est le support moléculairede l’information olfactive qui est un objet d’étude privilégié.Établir des relations entre structure moléculaire et odeur aété depuis longtemps un challenge, aiguillé par l’avancéedes connaissances des mécanismes physiologiques del’olfaction. Récemment, les travaux de Richard Axel et LindaB. Buck [15] ont été récompensés par le comité Nobel avecl’attribution du prix de physiologie et médecine en 2004.Leurs travaux ont conduit en 1991 à la découverte de lafamille de gènes des récepteurs olfactifs et des premiersniveaux de traitement de l’information par le système olfactif.On comprend aujourd’hui qu’une sensation olfactive peutêtre la résultante d’une somme d’activations de récepteursolfactifs. La dimension combinatoire du phénomèneexplique la diversité des sensations olfactives discernables,supérieure en nombre à la quantité de récepteurs différentsdisponibles.

Les études QSAR (« quantitative structure activityrelationships ») réalisées dans ce domaine, égalementappelées SOR (« structure odor relationships ») ont étépendant longtemps principalement des analyses statistiquesfaisant appel à des descripteurs physico-chimiques aussidivers que le volume molaire (van der Waals), le coefficientde partage octanol/eau, la densité électronique, desdonnées chromatographiques, les moments dipolaires ou latopologie de la molécule [11]. Plus tard, c’est au moyend’analyse conformationnelle (minimisée par des méthodesde mécanique moléculaire), combinaison de volume etsurface moléculaires (permettant d’examiner dessurimpositions et des recouvrements d’odorants) et desanalyses de reconnaissance de formes (« pattern recognitionanalysis ») que des groupes d’odorants appartenant à desfamilles privilégiées ont été examinés (pour les muscsnotamment) [12].

Plus récemment enfin, c’est en utilisant les outils de larecherche pharmaceutique, et en particulier le concept depharmacophore que des modèles plus fiables ont vu le jourpour la conception rationnelle d’odorants [13]. Ces modèlesolfactophores sont construits en analysant la structuremoléculaire, la polarité et les sites donneurs/accepteurs deliaisons hydrogène dans des séries de conformères actifsresponsables d’une même note olfactive. Ces donnéesstructurales et électroniques sont ensuite corrélées àl’activité biologique, c’est-à-dire le pouvoir odorant, aumoyen de logiciels spécialisés. Les modèles générésdonnent des indications sur les motifs structurauxindispensables à l’activité examinée, avec des taux deprédiction assez bon dans le cas des modèles les plusélaborés [10]. De nouveaux odorants ont pu ainsi êtreproposés à partir d’études de ce type pour les odeurs debois de santal [16], de patchouli [17-18] ou les odeursmarines [19], la liste n’étant pas exhaustive.

Malgré les progrès réalisés ces dernières années dansce domaine, la prévision d’une odeur à partir d’une structuredemeure toujours un exercice très difficile qui conduitfréquemment à des résultats très mitigés [20]. Un rôle deplus en plus grand sera donné aux études des interactionsentre odorants et protéines, qui font appel à la biologiemoléculaire, la physiologie, la cristallographie et lamodélisation moléculaire pour l’obtention et la manipulationdes structures tridimensionnelles des protéines du systèmeolfactif en présence d’odorants [11, 21-27] .

Figure 3 - Exemple de chromatogramme d’une huile essentielle de rose [14].1 : oxydes de rose ; 2 : linalol ; 3 : géranial ; 4 : n-heptadécane ; 5 : citronellol ;6 : nérol ; 7 : géraniol ; 8 : alcool phényléthylique ; 9 : n-nonadécane ;10 méthyleugénol ; 11 : eugénol ; 12 : n-héneicosane ; 13 : n-tricosane.

48 l’actualité chimique - octobre-novembre 2008 - n° 323-324

Les matières premières

La chimie organique

La synthèse organique est intimement liée à laparfumerie, en particulier depuis l’utilisation de coumarine desynthèse dans le parfum Fougère royale par Houbigant, créépar Paul Parquet en 1882, l’alliance d’essences naturelles etd’essences de synthèse par Aimé Guerlain en 1889 lors de lacréation de Jicky, et plus tard avec l’utilisation d’aldéhydesde synthèse par Ernest Beaux en 1921 lorsqu’il crée ChanelN° 5. Depuis, le rôle de la synthèse organique dansl’accompagnement de la parfumerie s’est accru et diversifié.Elle permet en effet :- la production de molécules odorantes identifiées dans lanature mais dont l’origine naturelle ne permet pas derépondre à la demande mondiale ;- la découverte de substituts à des molécules devenuesindustriellement inutilisables en raison de leur toxicité, deleur propriété allergisante, de leur faible biodégradabilité ousimplement de leur coût ;- l’identification de nouvelles molécules non inspirées de lanature mais qui vont présenter des propriétés olfactivesoriginales ; - le contrôle de la chiralité des molécules odorantes, ce quiest utile dans le cas, fréquent, où l’activité diffère d’unénantiomère à l’autre, dans les seuils de perception commedans la note olfactive elle-même [28].

Outil pour la production d’analogues de substancesnaturelles rares et/ou d’approvisionnement irrégulier

Certaines substances traditionnellement utilisées dans laparfumerie sont des substances naturelles isolées de matri-ces végétales ou, plus rarement, animales. Ainsi, l’ambre grisest à l’origine une sécrétion pathologique intestinale ducachalot (Physeter macrocephalus) qui est récoltée en merou sur les rivages des îles de Sumatra, Madagascar et descôtes du Pacifique. Cette substance, qui se présente sous laforme d’un solide gris ressemblant à la pierre, est unmélange de plusieurs constituants dont le principal est un tri-terpénoïde, l’ambréine (figure 4a), qui est le précurseurd’éthers polycycliques formés après dégradation oxydante.

L’utilisation importante de l’ambre gris en parfumerie amotivé très tôt la recherche de voies de synthèse permettantd’obtenir ces molécules odorantes d’une façon contrôlée, entermes de qualité comme de quantité, et à un coût inférieur.Plusieurs règles empiriques ont été édictées en ce quiconcerne les motifs structuraux essentiels pour qu’unemolécule ait une odeur d’ambre gris, règles qui ont servi deguide à la synthèse de nouveaux odorants.

La règle triaxiale d’Ohloff (1971) a longtemps été l’idéedirectrice dominante pour la synthèse de nouvellesmolécules à odeur d’ambre gris (figure 4b). Cette règlepostule que la structure de la molécule candidate doitposséder un squelette de type décaline avec trois atomesou groupements axiaux en positions relatives 1, 2, 4.

Le 3a,6,6,9a-tétraméthyldodécahydronaphto[2,1-b]furane,commercialisé notamment sous les noms d’Ambrox®,Ambroxan® et Amberlyn®, est le composé le plus représen-tatif de la note d’ambre gris et a fait l’objet de nombreuxtravaux de synthèse. La première synthèse de ce composé,toujours utilisée industriellement, est une hémisynthèse à par-tir du sclaréol (figure 4c), lui-même composant important dela concrète de sauge sclarée (Salvia sclarea L.) [29-30]. Cettevoie implique une coupure oxydante de la chaîne latérale dusclaréol qui est suivie d’une lactonisation spontanée. Aprèsréduction de la lactone et cyclodéshydratation du diol ainsi

formé, le tricycle attendu est formé sous la forme d’unmélange diastéréomérique, dû à une épimérisation de lafonction alcool tertiaire, alors que la cyclisation elle-mêmeest diastéréoselective.

Outil de découverte de substances originales permettantde remplacer des molécules devenues indésirables

Diverses circonstances peuvent amener à écarter unemolécule d’une application industrielle, y compris dans laparfumerie, même si celle-ci n’est pas soumise à la mêmeréglementation que l’industrie pharmaceutique ou l’industrieagro-alimentaire. Le coût de fabrication d’une molécule peutmotiver la recherche d’analogues de propriété dont laproduction serait plus viable du point de vue économique. Laquestion de la toxicité ou simplement de la biodégradabilitédes composés peut également, dans le cadre d’uneévolution de la réglementation ou de façon spontanée, être àl’origine de la recherche de nouvelles molécules répondantmieux à ces critères modernes. Les composés à odeur demusc illustrent assez bien cette problématique.

On distingue quatre grandes familles de composés àodeur musquée (figure 5) :- les muscs macrocycliques, tels que la (-)-(R)-muscone,musc naturel qui est une phéromone d’un cerf d’Asie(Moschus moschiferus) ;- les muscs nitroaromatiques, tel le musc cétone, qui ont étémassivement utilisés jusque dans les années 80, puis retirésen raison de leur faible biodégradabilité et d’une forme dephototoxicité ;- les muscs polycycliques benzéniques, tels que leGalaxolide® ;- les muscs alicycliques, tels que l’Helvetolide®.

Figure 4 - (a) L’ambréine, triterpénoïde précurseur d’éthers polycycliquesresponsables de l’odeur de l’ambre gris ; (b) Règle triaxiale d’Ohloff ensérie trans-décaline pour l’odeur d’ambre gris ; (c) Hémisynthèse del’Ambrox® à partir du sclaréol.

49l’actualité chimique - octobre-novembre 2008 - n° 323-324

Les matières premières

En raison de son origine naturelle ne permettant pas derépondre à la forte demande en composés à odeurmusquée, plusieurs synthèses ont été développées pourproduire la muscone ou des analogues. Bien que destructure simple, sa synthèse implique deux principalesdifficultés qui sont la macrocyclisation et le contrôle ducarbone asymétrique pour accéder à la (-)-(R)-muscone.Parmi les approches qui ont conduit avec succès à desmacrolactones de ce type, les principales impliquent dansleur étape-clé la condensation acyloine d’α,ω-diesters, lalactonisation de l’acide ω-hydroxypentadécanoïque à hautedilution, la séquence polymérisation/dépolymérisation de cedernier, l’aldolisation de pentadécanedial et récemment lafermeture de cycle par métathèse d’esters insaturés, la listen’étant pas exhaustive [10].

Outil de découverte de substances originales ayant uneodeur originale

En 1974, un brevet américain a été déposé par la sociétéPfizer pour l’aromatisation des aliments au moyen d’undérivé de benzodioxepin-3-one, la Calone 1951®, pour sesnotes marines et pastèque [31]. Sa synthèse est assezsimple et implique une double réaction de type Williamsonsur l’homopyrocatéchol, suivie d’une réaction de typeDieckmann et d’une hydrolyse décarboxylante de la fonctionester restante (figure 6).

Cette molécule est remarquable dans la mesure où sastructure n’est pas inspirée par la nature et qu’elle procureune sensation olfactive originale, mélange de notes qu’on ne

retrouve associées dans aucunproduit naturel. C’est unexemple de note originaledécouverte par la chimie etofferte à l’artiste parfumeurpour alimenter sa créativitéet sa palette d’odeurs.

La Moxalone® (figure 7) estun autre exemple de molécule desynthèse, inédite dans la nature, et qui présente une associa-tion originale de sensations olfactives musquée/fruitée.

Outil permettant de maîtriser la chiralité des odorantsLes molécules organiques possédant des centres de

symétrie peuvent exister sous forme de mélange dediastéréomères ou d’énantiomères [32]. Dans le cas d’uncouple d’énantiomères, il s’agit de molécules identiquesdans leur structure en trois dimensions, à ceci près qu’ellessont images l’une de l’autre dans un miroir (on utilise souventl’analogie main gauche/main droite). Si les propriétésphysico-chimiques de deux énantiomères sont identiques(températures de changement d’état, couleur, polarité,résonnance magnétique nucléaire…), il n’en va pas de mêmepour leurs propriétés biologiques, et par conséquent leurpropriétés organoleptiques.

Dans le domaine des odorants, certains couplesd’énantiomères peuvent présenter des seuils de perceptiondifférents, et parfois même des notes olfactives différentes[28]. Ce phénomène, insoupçonné tant que les techniquesd’analyse et d’isolement ne permettaient pas de séparerles énantiomères, a rendu nécessaire la mise au pointde synthèses énantiosélectives de certains composésclés utilisés en parfumerie.

Le produit commercial Hedione®, utilisé en parfumeriepour sa note de jasmin, se compose d’un mélange destéréoisomères du dihydrojasmonate de méthyle quipossède deux carbones asymétriques. Ce mélange contientapproximativement 10 % de (±)-cis-dihydrojasmonate deméthyle et 90 % de (±)-trans-dihydrojasmonate de méthyle.Or, il a été établi que le premier contribuait le plussignificativement à la précieuse odeur de jasmin. Ainsi, lasynthèse de cet énantiomère, commercialisé sous le nom deParadisone®, par hydrogénation catalytique asymétrique aété réalisée (figure 8), permettant de disposer d’un produittrès enrichi en énantiomère actif, avec un gain économiqueet écologique important [33-34]. La réaction impliqueune réaction d’hydrogénation énantiosélective de lacyclopenténone correspondante catalysée par un complexedu ruthénium en présence d’une diphosphine chirale.

Figure 5 - Les têtes de files des quatre grandes familles de muscs.

Figure 6 - Synthèse de la Calone en 3 étapes à partir del’homopyrocatéchol.

Figure 7 - La Moxalone®.

Figure 8 - Procédé Genet-Firmenich de synthèse de laParadisone®.

50 l’actualité chimique - octobre-novembre 2008 - n° 323-324

Les matières premières

L’accès au (-)-Ambrox, l’énantiomère le plus actif, a étéréalisé récemment par diverses approches classiques de lasynthèse asymétrique dans des réactions de cyclisationimpliquant soit un auxiliaire chiral, soit un réactif chiral, ouaprès dédoublement enzymatique d’intermédiaires desynthèse.

Dans un brevet international d’invention publié en 2006,une stratégie impliquant un auxiliaire chiral a été mise enœuvre pour obtenir l’Ambrox de façon énantiosélective [35].L’ester (E,E)-homofarnésique obtenu après réaction del’acide correspondant avec un alcool chiral cyclise enprésence d’acides de Brønsted ou de Lewis pour former desdérivés bicycliques de type trans-décaline. Au cours de cettecyclisation, la chiralité de l’ester introduit en tant qu’auxiliairechiral est transférée au produit cyclisé (figure 9).

À partir de l’alcool (E,E)-homofarnésique, la synthèseénantiosélective du (-)-Ambrox a été décrite par triplecyclisation en un seul pot réalisée en présence dutétrachlorure d’étain et d’un dérivé du BINOL [36] (figure 10).Le produit désiré est obtenu en mélange avec sesdiastéréomères ainsi que des produits intermédiairespartiellement cyclisés.

ConclusionsL’étude de l’histoire de la parfumerie à travers les siècles

montre que son évolution est intimement liée à la chimie.D’art rituel consistant à brûler des résines et végétaux, elleest passée à une véritable industrie au chiffre d’affaireconséquent.

Le parfum est aujourd’hui omniprésent dans notre vie,des produits d’hygiène et de beauté à nos vêtements, enpassant par les intérieurs et les boutiques avec les parfumsd’ambiance. Tous les produits finis parfumés ont en

commun une base parfumante qui est un savantmélange d’extraits naturels et de composésorganiques dans un solvant adéquat.

Pour le grand public, le terme parfum faitréférence à la parfumerie fine ou alcoolique quiest aujourd’hui intimement liée à la mode et à lahaute couture. La formule des parfums estrelativement simple en terme de compositionmais très complexe dans le nombre deconstituants. En effet, le parfum est une solutionalcoolique de composés organiques plus oumoins volatils, mélange d’extraits naturels(huiles essentielles, absolues) et de produitsde synthèse.

La chimie des solutions, chimie théorique,chimie organique et analytique a permis derationaliser cette activité et d’enrichir la palette

du parfumeur. L’actualité concernant la directiveeuropéenne REACH ainsi que sa mise en œuvre nouslaissent penser que la chimie va continuer à jouer un rôleprépondérant dans l’accompagnement de la parfumerie,dans l’analyse des extraits naturels utilisés autant que dansla conception de substituts pour les substances quipourraient dans un futur proche être retirées des formules.

Malgré toutes ces contributions matérielles, il restera auparfum et à l’expérience sensorielle qu’il procure, une part demystère, sa création restant un art subtil et délicat entre lesmains des maîtres parfumeurs.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier Louisette Lizzani-Cuvelier (Université de Nice), Daniel Joulain (sociétéRobertet, Grasse) et Claire Delbecque (société Closd’Aguzon, Buis-les-Baronnies) pour leur lecture critique decet article et les fructueuses discussions qui en suivirent.

Références

[1] Chastrette M., L�Art des Parfums, Hachette Livre, Paris, 1995.[2] Robert G., Le Sens du Parfum, Osman Eyrolles Santé & Société, Paris,

2000.[3] Mossman N., Thomas S., Parfums et Cosmétiques en Chiffres, 2004,

p. 6.[4] Mata V.G.; Gomes P.B., Rogrigues A.E., Engineering perfumes, AIChE

Journal, 2005, 51(10), p. 2834.[5] 2007 Industry Rankings & 2007 Pathfinders, Perfumer & Flavourist, 2007,

32(8), p. 18.[6] Gygax H., Koch H., The measurement of odours, Chimia, 2001, 55,

p. 401.[7] Poucher W.A., A classification of odours and its uses, Am. Perfum.

Essent. Oil Rev., juillet 1955, p. 17.[8] Ohloff G., Scent and Fragrances, Springer, Berlin, 1994, p. 238.[9] Stora T., Escher S., Morris A., The physicochemical basis of perfume

performance in consummer products, Chimia, 2001, 55, p. 406.[10] Frater G., Bajgrowicz J.A., Kraft P., Fragrance chemistry, Tetrahedron,

1998, 54(27), p. 7633.[11] Meierhenrich U.J., Golebiowski J., Fernandez X., Cabrol-Bass D., De la

molécule à l�odeur : les bases moléculaires des premières étapes del�olfaction, L�Act. Chim., 2005, 289, p. 29.

[12] Rossiter K.J., Structure-odor relationships, Chem. Rev., 1996, 96(8),p. 3201.

[13] Kraft P., Bajgrowicz J.A., Denis C., Frater G., Odds and trends: recentdevelopments in the chemistry of odorants, Angew. Chem. Int. Ed., 2000,39(17), p. 2980.

[14] Fernandez X., Étude de la composition chimique des huiles essentiellesde rose de Bulgarie, Turquie, Maroc, Syrie, Iran, XXIVe Journéesinternationales Huiles essentielles & extraits, Digne les Bains, 9-10 sept.2005, p. 128.

[15] Buck L.B., Axel R., A novel multigene family may encode odorantreceptors: a molecular basis for odor recognition, Cell, 1991, 65(2),p. 175.

[16] Bajgrowicz J.A., Frater G., Chiral recognition of sandalwood odorants,Enantiomer, 2000, 5, p. 225.

Figure 9 - Synthèse du (-)-Ambrox® à partir de l’acide (E,E)-homofarnésique au moyend’un auxiliaire chiral. R*OH = alcool chiral ; A = acide de Brønsted ou de Lewis.

Figure 10 - Cyclisation « one-pot » de l’alcool (E,E)-homofarnésique en(-)-Ambrox par catalyse asymétrique.

51l’actualité chimique - octobre-novembre 2008 - n° 323-324

Les matières premières

[17] Kraft P., Bruneau A., Ring reversal of a spirocyclic patchouli odorant:molecular modeling, synthesis, and odor of 6-hydroxy-1,1,6-trimethylspiro[4.5]decan-7-one, Eur. J. Org. Chem., 2007, 14, p. 2257.

[18] Kraft P., Weymuth C., Nussbaumer C., Total synthesis and olfactoryevaluation of (1R*,3S*,6S*,7S*,8S*)-3-hydroxy-6,8-dimethyltricy-clo[5.3.1.03,8]undecan-2-one: a new synthetic route to the patchoulol ske-leton, Eur. J. Org. Chem., 2006, 6, p. 1403.

[19] Kraft P., Eichenberger W., Conception, characterization and correlation ofnew marine odorants, Eur. J. Org. Chem., 2003, 19, p. 3735.

[20] Sell C.S., On the unpredictability of odor, Angew. Chem. Int. Ed., 2006,45(38), p. 6254.

[21] Golebiowski J., Antonczak S., Fiorucci S., Cabrol-Bass D., Mechanisticevents underlying odorant binding protein chemoreception, Proteins,2007, 67(2), p. 448.

[22] Golebiowski J., Antonczak S., Cabrol-Bass D., Molecular dynamicsstudies of odorant binding protein free of ligand and complexed topyrazine and octenol, Theochem, 2006, 763(1-3), p. 165.

[23] Meierhenrich U.J., Golebiowski J., Fernandez X., Cabrol-Bass D., Themolecular basis of olfactory chemoreception, Angew. Chem. Int. Ed.,2004, 43(47), p. 6410.

[24] Guth H., Fritzler R., Binding studies and computer-aided modelling ofmacromolecule/odorant interactions, Chem. Biodivers., 2004, 1(12),p. 2001.

[25] Floriano W.B., Vaidehi N., Goddard W.A. III, Singer M.S., Shepherd G.M.,Molecular mechanisms underlying differential odor responses of a mouseolfactory receptor, Proceedings of the National Academy of Sciences,2000, 97(20), p. 10712.

[26] Hummel P., Vaidehi N., Floriano W.B., Hall S.E., Goddard W.A. III, Testof the binding threshold hypothesis for olfactory receptors: explanation ofthe differential binding of ketones to the mouse and human orthologs ofolfactory receptor 912-93, Protein Sci, 2005, 14(3), p. 703.

[27] Lai P.C., Singer M.S.; Crasto C.J., Structural activation pathways fromdynamic olfactory receptor-odorant interactions, Chem. Senses, 2005,30(9), p. 781.

[28] Boelens M.H., Boelens H., van Gemert L., Sensory properties of opticalisomers, Perfumer and Flavorist, 1993, 18, p. 2.

[29] Hinder M., Stoll M., Odor and constitution. IV. Hydroaromatic epoxideswith an ambergris odor, Helv. Chim. Acta, 1950, 33, p. 1308.

[30] Stoll M., Hinder M., Odor and constitution. III. Bicyclohomofarnesicsubstances, Helv. Chim. Acta, 1950, 33, p. 1251.

[31] Beereboom J.J., Cameron D.P., Stephens C.R., Favoring foods withbenzoxepin-3-ones and benzodioxepin-3-ones, US3647479, 19720307,1972.

[32] Kagan H., La synthèse asymétrique de composés biologiquement actifs,L�Act. Chim., 2003, 11-12, p. 10.

[33] Dobbs D.A., Vanhessche K.P.M., Brazi E., Rautenstrauch V., LenoirJ.-Y., Genet J.-P., Wiles J., Bergens S.H., Industrial synthesis of (+)-cis-methyl dihydrojasmonate by enantioselective catalytic hydrogenation;identification of the precatalyst [Ru((-)-Me-DuPHOS)(H)(h6-1,3,5-cyclooctatriene)](BF4), Angew. Chem. Int. Ed., 2000, 39(11), p. 1992.

[34] Rautenstrauch V., Vanhessche K.P.M., Genet J.-P., Lenoir J.-Y.,Ruthenium catalysts for asymmetrical hydrogenation of cyclopentenones,96-IB12639718894, 19961120, 1997.

[35] Frater G., Mueller U., Process for the preparation of optically-activecompounds, 2005-CH442 2006010287, 20050726, 2006.

[36] Ishihara K., Ishibashi H., Yamamoto H., Enantio- and diastereoselectivestepwise cyclization of polyprenoids induced by chiral and achiral LBAs.A new entry to (-)-Ambrox, (+)-podocarpa-8,11,13-triene diterpenoids and(-)-tetracyclic polyprenoid of sedimentary origin, J. Am. Chem. Soc.,2002, 124(14), p. 3647.

Xavier Fernandez(auteur correspondant)est maître de conférences auLaboratoire de chimie des moléculesbioactives et des arômes, UMR CNRS6001, Université de Nice-SophiaAntipolis1, et directeur du Master 2professionnel « Chimie, Formulation,Analyse, Qualité (FOQUAL)*.Sylvain Antoniotti est chargé de recherche CNRS dansle même laboratoire1.Eric Bussotti est directeur desventes et Marie Patricia Hurel,parfumeur, chez Argeville2.

1 Laboratoire de chimie des moléculesbioactives et des arômes, UMR CNRS6001, Université de Nice-SophiaAntipolis, Faculté des Sciences, ParcValrose, 06108 Nice.Courriels : [email protected]@unice.fr

2 Argeville SA, Domaine d�Argeville, BP 402, 06254 Mougins Cedex.Courriels : [email protected]@argeville.com

* http://www.unice.fr/masterpro-chimie-foqual/En septembre 2008, le Master 2 professionnel FOQUAL, déjà très tourné vers la chimiedes arômes et parfums, a ouvert une option « Parfums, Arômes, Cosmétique ».

X. Fernandez S. Antoniotti

E. Bussotti M.P. Hurel