16
Le credo d’Alexandre Adler Plutôt habitué des commentaires géopolitiques, l’éditorialiste crée la surprise en livrant une vision du judaïsme et du sionisme beau- coup moins orthodoxe qu’on aurait pu le croire. Une fresque éblouis- sante d’érudition qui, au-delà de l’analyse du fait juif à travers les âges, nous interroge sur l’avenir de notre monde globalisé. P. 7 Jean-Yves Leloup Albin Michel Numéro 32 – automne 2011 LIRE PAGE 16 Hommage à Lucien Jerphagnon P. 4 Musulmans d’Europe, une histoire invisible P. 6 DSM : du scientisme en psychiatrie P. 11 Jean-Yves Leloup n’est jamais aussi profond et singulier que lorsqu’il s’attache à décrypter la puissance vivifiante des textes fondateurs – que ceux-ci soient apocryphes, comme les Évangiles de Thomas, de Marie ou de Philippe – ou canoniques comme l’Évangile de Jean. Attribuée par la tradition au « disciple bien-aimé » de Jésus, l’Apocalypse lui donne l’occasion d’un livre magistral sur le sens de la Révélation. C ’était le temps des cathé- drales, celui des chevaliers et des troubadours, mais aussi celui des croisades, de l’In- quisition et des bûchers. Le temps dont Jacques Le Goff nous a appris combien son quotidien baignait dans une lumière surnaturelle. Mais aussi celui où l’on brûlait les hérétiques, le Talmud et les sorcières. Tel fut justement le triste sort de la mère de Jauffré, héros du dernier roman d’Henri Gougaud. Mais celui qu’on ap- pelle l’enfant de la neige n’a jamais connu l’identité de sa vraie mère, car l’Inquisiteur avait alors déclaré l’avoir trouvé un soir par hasard, sous le manteau blanc qui au- rait pu devenir son linceul. Parti tout jeune de sa cité d’adoption (Pamiers, en Ariège), Jauffré, devenu troubadour, empreint de cette ferveur libertaire qui se soucie plus de la Femme et de l’amour courtois que du Dieu de l’Église, revient un jour au pays de son enfance. Il y retrouve tout un monde très haut en couleur, ainsi que sa mère adoptive, son frère de lait devenu moine, et le prieur Aymar qui aurait voulu lui donner une éducation d’homme d’Église. Il y trouve aussi par hasard, dans le grenier de l’église, un cahier dont l’auteur – audace alors consi- dérée comme criminelle – exprime ses doutes sur la foi catholique. Ce cahier mystérieux l’entraînera dans une quête initiatique sur ses origines, et dans une enquête sur les secrets de ce pays ravagé par les tragédies de l’Inquisition. Dans ce roman dont la force de l’intrigue et les enjeux philosophiques soutiennent la comparaison avec Le Nom de la rose d’Umberto Eco, Henri Gougaud se révèle au meilleur de son écriture. Henri Gougaud, le conteur philosophe © Valérie Ménard / Opale SUITE PAGE 2

Henri Gougaud, Leloup le conteur philosophe CJean-Yves Leloup A l b i n M i c h e l Numéro 32 – automne 2011 LIRE PAGE 16 Hommage à Lucien Jerphagnon P. 4 Musulmans d’Europe,

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Page 1: Henri Gougaud, Leloup le conteur philosophe CJean-Yves Leloup A l b i n M i c h e l Numéro 32 – automne 2011 LIRE PAGE 16 Hommage à Lucien Jerphagnon P. 4 Musulmans d’Europe,

Le credod’Alexandre AdlerPlutôt habitué des commentaires géopolitiques, l’éditorialiste créela surprise en livrant une vision du judaïsme et du sionisme beau-coup moins orthodoxe qu’on aurait pu le croire. Une fresque éblouis-sante d’érudition qui, au-delà de l’analyse du fait juif à travers lesâges, nous interroge sur l’avenir de notre monde globalisé. P. 7

Jean-YvesLeloup

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Numéro 32 – automne 2011

LIRE PAGE 16

Hommage àLucien Jerphagnon P. 4

Musulmans d’Europe,une histoire invisible P. 6

DSM : du scientismeen psychiatrie P. 11

Jean-Yves Leloup n’estjamais aussi profondet singulier que lorsqu’ils’attache à décrypterla puissance vivifiantedes textes fondateurs – queceux-ci soient apocryphes,comme les Évangilesde Thomas, de Marie oude Philippe – ou canoniquescomme l’Évangile de Jean.Attribuée par la traditionau « disciple bien-aimé »de Jésus, l’Apocalypselui donne l’occasiond’un livre magistral surle sens de la Révélation.

C’était le temps des cathé-

drales, celui des chevaliers et

des troubadours, mais aussi

celui des croisades, de l’In-

quisition et des bûchers. Le

temps dont Jacques Le Goff nous a appris

combien son quotidien baignait dans une

lumière surnaturelle. Mais aussi celui où

l’on brûlait les hérétiques, le Talmud et les

sorcières. Tel fut justement le triste sort de

la mère de Jauffré, héros du dernier roman

d’Henri Gougaud. Mais celui qu’on ap-

pelle l’enfant de la neige n’a jamais connu

l’identité de sa vraie mère, car l’Inquisiteur

avait alors déclaré l’avoir trouvé un soir

par hasard, sous le manteau blanc qui au-

rait pu devenir son linceul. Parti tout jeune

de sa cité d’adoption (Pamiers, en Ariège),

Jauffré, devenu troubadour, empreint de

cette ferveur libertaire qui se soucie plus de

la Femme et de l’amour courtois que du

Dieu de l’Église, revient un jour au pays de

son enfance. Il y retrouve tout un monde

très haut en couleur, ainsi que sa mère

adoptive, son frère de lait devenu moine, et le prieur Aymar qui aurait voulu lui donner une éducation d’homme

d’Église. Il y trouve aussi par hasard, dans le grenier de l’église, un cahier dont l’auteur – audace alors consi-

dérée comme criminelle – exprime ses doutes sur la foi catholique. Ce cahier mystérieux l’entraînera dans une

quête initiatique sur ses origines, et dans une enquête sur les secrets de ce pays ravagé par les tragédies de

l’Inquisition. Dans ce roman dont la force de l’intrigue et les enjeux philosophiques soutiennent la comparaison

avec Le Nom de la rose d’Umberto Eco, Henri Gougaud se révèle au meilleur de son écriture.

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Page 2: Henri Gougaud, Leloup le conteur philosophe CJean-Yves Leloup A l b i n M i c h e l Numéro 32 – automne 2011 LIRE PAGE 16 Hommage à Lucien Jerphagnon P. 4 Musulmans d’Europe,

2 L’Homme en Question � AUToMNE 2011

On savait le talent de cOnteur

d’Henri GOuGaud, qui a fait de la ré-surrection des traditions orales dumonde le centre de son œuvre. Maiscette vocation, à laquelle il s’est attelédepuis un demi-siècle, avait peut-êtreocculté sa pure qualité d’écrivain. Lalangue exquise de L’Enfant de la neigenous plonge d’emblée dans l’imagi-naire médiéval, sans jamais tomberdans le piège du folklorisme, elle nousdit les subtilités et les ambiguïtés deces âmes écartelées par des enjeuxqui les dépassent. Le bourreau esttoujours susceptible de se convertir àla compassion, condamné alors à serepentir éternellement d’une fauteinexpiable. L’allié peut à tout instant serévéler traître, et les êtres ne sont ja-

mais au fond ce que le carcan socialet religieux a voulu faire d’eux.

ce maGnifique récit initiatique s’ins-crit dans un paysage historique  bienprécis : Gougaud retrouve là une pas-sion qui n’a jamais faibli chez lui, cellede ces Cathares victimes d’un pouvoirclérical et politique ne reculant devantaucun moyen pour écraser ce qu’il ap-pelait une hérésie. Derrière ce mot in-famant se cachait en réalité une hainerageuse de la liberté de pensée. LesCathares et les troubadours furent lesprécurseurs de cette dernière, avantque les humanistes et bien plus tard lesLumières ne revendiquent ouvertementl’autonomie du sujet. À travers le per-sonnage principal, qui deviendra un cé-lèbre troubadour, mais aussi par la voixd’un luthier, libre-penseur qui ne vit que

pour la musique, par celle d’un copistedevenu mécréant, ou par celles de plu-sieurs femmes exprimant une revendi-cation jusqu’alors impensable à la di-gnité, un nouveau monde se fait jour,qui mettra plusieurs siècles à éclore.Avec L’homme qui voulait voir Mahona,Gougaud nous avait introduits dans les

affres de cette lutte acharnée entre lesténèbres cléricales et les lumières de latolérance, au cœur de ce xvIe siècle quidécouvrit le « Nouveau Monde » avecles yeux et les mœurs cruelles de l’an-cien. Avec L’Enfant de la neige, il nousfait remonter à l’origine de cette gesteépique, quand la conscience huma-niste n’est encore qu’une faible étincellesi facilement éteinte : l’ancien inquisi-teur, tortionnaire repenti et devenuprieur au service des plus pauvres, nepourra empêcher que son serviteur re-noue avec l’Inquisition. �

4 � Lucien Jerphagnon

5 � Trois questionsà Emmanuel Faber

� La presse en parle

6 � Musulmans d’Europe :une histoire invisible

� Redécouvrir un classique

7 � Alexandre Adler

8 � Annette Wieviorka

9 � La Résistance européenne

10 � Comment vivreavec sa fragilité ?

11 � Scientisme :attention danger !

12 � Un livre, un éditeurpar Marc de Smedt

� Arnaud Desjardins

13 � Histoire des plantesqui ont changé le monde

14 � Lytta Basset

15 � Jeunesse

16 � Jean-Yves Leloup

Sommaire

L’Enfant de la neigeHenri Gougaud288 pages, 19,50 €� Du même auteurL'homme qui voulait voir Mahona320 pages, 19,50 €

SUITE DE LA PAGE UNE

«Révélation » : ce mot, qui traduit le

grec apokalupsis, nous parle

d’une «  mise à nu  » du Réel,

d’un mouvement de dévoilement

du monde par lequel tombent

toutes les illusions et les fausses valeurs. En tant que

tel, il implique peut-être un ébranlement cataclys-

mique, mais il est avant tout une « bonne nouvelle »,

tout autant que l’euaggélion, l’Évangile de Jésus

dans la lignée duquel s’inscrit l’Apocalypse de Jean.

Telle est en tout cas la lecture qu’en fait Jean-Yves

Leloup (voir page 16). Mais cette leçon d’espérance

pourrait être amplifiée et étendue à toute tradition

scripturaire authentique : à la limite, peu importe que

les Écritures dites sacrées soient «  révélées  », la

question est peut-être indécidable. Ce qui importe,

comme le dit si bien la psychanalyste Marie Balmary,

c’est de savoir si elles sont « révélantes », si elles

contiennent ce germe subversif qui nous hausse au-

dessus de nous-mêmes, et nous invite à habiter

pleinement notre liberté de sujet.

La Torah, sans l’amour de laquelle il y a belle lurette

que le peuple juif aurait disparu, possède ce germe

créatif, et forcément contestataire vis-à-vis de

toutes les petites et grandes idolâtries humaines.

C’est pourquoi elle a pu engendrer un « peuple-

monde », comme le montre Alexandre Adler (voir

page 7), qui a semé dans notre civilisation les fer-

ments de plusieurs «  révolutions anthropolo-

giques ». Lesquelles furent parfois lancées, para-

doxalement, par des personnalités (Marx, Freud,

Einstein…) qui ne croyaient plus du tout aux ver-

tus des Écritures juives ! La fécondité d’une tradi-

tion peut en effet se déployer même chez ceux qui

lui sont infidèles…

Quant au christianisme, sa fécondité comme « ré-

vélation » de l’humanité de l’homme se manifeste

pleinement à travers la geste de certains êtres

d’exception. Tel est le cas de Jean Vanier, qui a

consacré toute sa vie à ceux qui sont nés différents,

et qui souvent font peur aux « normaux » que nous

croyons être. Si son inspiration est évangélique, elle

a su s’incarner dans des dizaines de communau-

tés où la spiritualité singulière de chacun (y com-

pris agnostique ou musulmane, par exemple) est

totalement respectée. L’action de ce laïc catholique,

qui est très présent dans deux livres parus en ce

mois d’octobre (voir page 10) force l’admiration de

beaucoup d’incroyants. Un grand monsieur – un

vrai Mensch, comme diraient ses frères juifs. �

Jean Mouttapa

Éditorial

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3L’Homme en Question � AUToMNE 2011

Écrire est une enfancePhilippe Delerm208 pages, 15 €� Du même auteurLe Caractère de la bruyère80 pages, 14,90 €

F ils d’instituteurs (dont il futl’élève…), élevé dans la religion dutravail et du goût de transmettre,

Philippe Delerm est lui-même devenuprofesseur de français, affecté dansl’Eure en 1975. L’écriture, menée defront, fut longtemps sa part de secret,un besoin profond sous-tendu par undevoir de bonheur et la consciencemorale d’avoir à rendre tout ce qu’ilavait reçu. Une nécessité se rési-gnant des années durant à l’impossi-bilité de publier, avant la parution deson premier roman La CinquièmeSaison en 1983, puis douze ans et dixlivres plus tard, de La Première Gor-gée de bière, succès qui l’installadéfinitivement dans le paysage littérairefrançais comme le chantre des petitsriens réenchanteurs du quotidien.

« POurquOi ai-je écris tOut ce que

j’ai écrit ? » C’est la question à la-quelle Philippe Delerm tente au-jourd’hui de répondre, livrant avec pu-deur, tendresse et mélancolie,quelques précieux souvenirs d’en-fance, évoquant ses années de for-mation, revenant sur ses filiations etses admirations. Proust d’abord, dontla lecture et l’étude à la fac de Nan-terre furent inhibantes avant d’être laclé, Léautaud et Renard ensuite, pourles leçons de sobriété ; les trois piliersde sa bibliothèque idéale, qui compteaussi Dickens, René-Guy Cadou, ÉricHolder, Marie Rouanet, Christian Bo-bin… vertu rare à souligner, Delerm nemanque pas de remercier ceux quisur sa route l’ont aidé : D’ormesson,Le Clézio, Quignard, Gerber, ou Jean-Paul Bertrand, l’éditeur de la premièreheure, récemment disparu. Si ces ro-mans doivent également beaucoup àla peinture, il évoque quelques frag-ments cinématographiques qui ontnourri son univers mental. Il s’attardeenfin volontiers sur la chanson fran-çaise dont certains auteurs-inter-prètes (y compris vincent Delerm !),tous reliés à l’absolu de l’enfance,

comptent également parmi ses écri-vains préférés.Cette aspiration à poursuivre une œuvreobsédée par l’esprit d’enfance fut par-tagée et influencée par la propre quêtecréatrice de sa femme, enseignanteelle aussi, mais également illustratrice,

photographe et auteur d’albums jeu-nesse. Tous deux ont cosigné cinqouvrages. Leur dernier-né, Le Carac-tère de la bruyère, nous offre les traitset les portraits d’une trentaine deplantes et fleurs de nos jardins,pousses de chemins ou d’herbage.Autant de courts textes ciselés, dansun genre où l’auteur excelle, dialoguantavec les aquarelles aux délicates trans-parences de Martine Delerm. Entre

carnet de croquis et recueil de poésie,une sensible harmonie. À la hauteur dela gageure de Philippe Delerm qui « ai-merait bien être ce qu’on appelle enpeinture un “petit maître” ». �

Pour la première fois, à soixante ans, Philippe Delerm revient sur son parcours d’homme et d’écrivain, un long cheminement

jusqu’au succès tardif mais phénoménal de La Première Gorgée de bière. Écrire est une enfance retrace la genèse

de cette quête littéraire poursuivie au côté de sa compagne, Martine, avec qui il signe Le Caractère de la bruyère.

Itinéraire d’un enfant gâtéLITTÉRATURE

La légende de la reine berbèreDepuis treize siècles, la Kahina fascine l’imaginaire de la

Méditerranée occidentale. Sa geste, historique dans son fond, a rapidement acquis le caractèrede la légende, semble-t-il de son vivant même, comme l’atteste son nom : « Kahina »,« la devineresse », ainsi que l’avaient surnommée les armées arabes de l’Islam conquérantauxquelles elle opposa, vers l’an 700, une résistance farouche dans les Aurès. De son vrai nomDahia, cette reine berbère s’improvisa chef de guerre et constitua le dernier rempart d’unMaghreb encore tout à la fois chrétien, juif et païen face à l’expansion de la nouvelle religion.Isaure de Saint-Pierre, à qui l’on doit déjà de belles biographies romancées de Raspoutine,de la femme de Soliman le Magnifique ou de la dernière impératrice de Chine, s’emparede cette figure ensorcelante pour livrer un roman haut en couleur, où se mêlent conspirations,meurtres, magie et passions flamboyantes… Un bel hommage à une époque finalement assezméconnue, alors qu’elle détermina jusqu’à aujourd’hui le destin du Maghreb et au-delà. �

ROMAN HISTORIQUE

La Kahina,reinedes AurèsIsaure deSaint-Pierre,256 pages,18 €

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Page 4: Henri Gougaud, Leloup le conteur philosophe CJean-Yves Leloup A l b i n M i c h e l Numéro 32 – automne 2011 LIRE PAGE 16 Hommage à Lucien Jerphagnon P. 4 Musulmans d’Europe,

4 L’Homme en Question � AUToMNE 2011

L ucien Jerphagnon nous aquittés. C’est assez dire aussiqu’il nous est plus présent que

jamais. Son nom grandira avec lesannées, en parallèle avec celui deses lecteurs. En abandonnant notremonde un jour de septembre, aprèsdes mois de lutte où il est resté ad-mirable devant la maladie, il nous faitmesurer l’importance de sa placeparmi nous. Comme s’il fallait lamort, pour qu’une œuvre cessed’être celle d’un homme, pour de-venir celle de tous ses lecteurs – deslecteurs qui ne cessent de décou-vrir, émerveillés, l’esprit d’un philo-sophe qui ne jargonnait pas, d’unhistorien qui avait souci de l’air dutemps, d’un écrivain qui écrivaitune langue savoureuse : car en lui,le grand savant de la rhétorique, fa-çon Cicéron, avait des trouvaillesdignes de celle de Diogène, lorsqueAlexandre vint le déranger. « on n’apas le droit d’emmerder un lecteurqui ne vous a rien fait ! », lançait-il enguise d’avertissement. Nul hommene fut moins académique, en étantune Académie à lui tout seul : cellede Platon qu’il a su réinventer, desdécennies durant, d’abord auprès deses étudiants à la Sorbonne, à Be-sançon ou à Caen, puis auprès deses lecteurs qui ont pu apprendre àvoir l’Antiquité avec ses yeux. Desyeux qui perçent les illusions, tra-versent les apparences, apprivoisentune autre lumière, dorée commecelle de Rome ; une lumière venuede plus haut, et dont le parcourscontinue à fendre les espaces et lestemps.

dePuis 2007, j’ai eu la cHance de

côtOyer lucien jerPHaGnOn, entreautres pour la publication chez AlbinMichel de son livre sur la sottise et deses «  Entretiens  » avec Christiane

Décédé le 16 septembre dernier à l’âge de 90 ans, le penseur, historien et professeur

émérite des Universités nous laisse un héritage immense et le souvenir d’un homme

d’exception. Son dernier livre De l’amour, de la mort, de Dieu et autres bagatelles rencontre

un succès mérité. Témoignage de son éditeur, Stéphane Barsacq.

Rancé. Une collaboration appeléeà continuer avec les années, carLucien Jerphagnon nous a donnénombre de textes inédits qu’il a tra-vaillés jusqu’à la dernière minute. Unefierté, disait-il, quarante-huit heuresavant sa mort, car, comme son pèreet son frère, il ne se s’est jamais laissédistraire de son travail essentiel.L’homme était tel que ses livres lelaissent imaginer : doux, drôle et vif.Il faisait penser à ces grandshommes de foi qui ont animé les pre-miers temps du christianisme, avecceci de très particulier : il ressemblait

tout autant, et dans un même élan,aux sages qui courent de Platon àPlotin – des sages animés par lacontemplation du Bien. Lucien Jer-phagnon laisse l’image d’un hommeaccompli. En lui, aucun divorce entrece qu’il était et ce qu’il faisait ; entrece qu’il écrivait et ce qu’il racontait. Ilétait comme tout le monde, en étantunique. Il ne nous manque pas. Il estavec nous. �

De l’amour, de la mort,de Dieu et autres bagatellesLucien Jerphagnon272 pages, 18 €

Promenadeéruditeet sensibledans notreSiècle d’Or

ESSAI LITTÉRAIRE

L e xvIIIe siècle est le siècle qui pré-cipite tous les paradoxes : frivole,il est également sérieux. Le li-

bertinage y répond aux désirs descorps et à celui des idées. Les plaisirsdes boudoirs voisinent avec les exi-gences de l’Encyclopédie, et semblenttirer leur unité d’un fonds commun : lerefus de toute pesanteur.Avec son savoir unique d’une époquequi continue à poser les questions re-latives à notre modernité, Michel Delon,professeur de littérature à l’universitéde Paris-Iv Sorbonne, nous permet deredécouvrir la grandeur, et les margesparfois moins connues, de notre Siècled’or. Il confronte Rousseau et Sade ; ilinterroge les désirs et les pleurs ; ilmontre comment la course aux sen-sations permet l’alternance entre l’exal-tation et la rêverie. Livre écrit d’unemain savante, mais dans un style su-périeur toujours plaisant, il est fidèleau programme de ces hommes réso-lus qui ont su faire battre leur tempsd’un rythme régulier, où l’amour et lesplaisirs, les fêtes et les messes, le cielet le Paradis n’étaient pas tant oppo-sés, qu’ils se répondaient selon le« principe de délicatesse ». �

Le Principe de délicatesseLibertinage et mélancolie au xvIIIe siècle320 pages, 20 €

Pour saluer Lucien JerphagnonHOMMAGE

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5L’Homme en Question � AUToMNE 2011

Emmanuel FaberLe numéro deux de la multinationale Danone livre dans Chemins de traverse les réflexionsque lui inspire le fonctionnement de la finance internationale. Il nous raconte, aussi,dans une écriture vivante et très personnelle, les multiples projets que les équipes de Danoneont contribué à faire naître dans le monde entier, avec son ami le Prix Nobel de la PaixMuhammad Yunus, et avec beaucoup d’autres.

Quelle différence faites-vousentre le social business et l’aidehumanitaire ?Il faut d’abord savoir de quoi l’onparle : le social business, tel queMuhammad Yunus l’a conceptualisé,est un processus d’entreprise dontla finalité est sociale ou sociétale :pour le manifester, ses actionnairesrenoncent à tout dividende. Poursimplifier, l’ensemble du profitéventuellement réalisé est réinvestidans la mission de l’entreprise, quise met ainsi totalement au servicede ses salaries, ses clients ou sesfournisseurs.De son côté, l’aide humanitaire(tout comme la philanthropieou la charité) est dans un registrede don qui la place aux margesde l’économie. Le social businessest, lui, pleinement engagédans un processus marchand.Mais contrairement à ce qui a étéimposé à beaucoup de grandesentreprises, son objectif n’est pasde maximiser la richesse de sesactionnaires, il est au contrairede redistribuer totalementcette richesse aux bénéficiairesde sa mission : le profit est unecondition de pérennité, pas unobjectif en soi. Le social businesspermet ainsi de répondre à desproblématiques que ni l’économiede marché traditionnelle ni l’aidehumanitaire ne peuvent résoudre.L’une n’en a pas forcément l’envie,l’autre souvent pas les moyens.

Vous citez Christiane Singer,Christian Bobin, EmmanuelLévinas… Les visions de la vieque véhiculent de telles lecturesne sont-elles pas incompatiblesavec la vie d’un managerde grande multinationaleet les choix qu’elle implique ?

Si c’était de simples lectures,il y aurait peut-être incompatibilité.Mais il s’est agi pour moide véritables rencontres : leurparole m’a interrogé au plus vivantde moi-même. Si de mon pointde vue cette interrogation devaitêtre impossible là où je suis,alors je n’y serais plus depuislongtemps ! Cette compatibilité estjustement tout le pari de la visiond’une Christiane Singer qui nousinvite à soulever le voile du réel,à déjouer l’apparence des évidences.Que faire de cette découverte ?C’est à chacun d’en décider,et de s’aventurer ou non dansces espaces inexplorés,ces interstices de la relationoù émergent des horizons qui nousdépassent. Ce sont nos propresmétamorphoses qui transformerontnos lieux de vie, pas l’inverse.

Vous évitez de vous direchrétien dans votre livre.Mais acceptez-vousce qualificatif ?Je n’ai pas eule sentiment d’êtredans l’évitementdans ce processusd’écriture, très intérieur.Mais, tout simplement,il ne m’est pas venuà l’esprit de chercher

à me définir, encore moins à mequalifier ou à coller à qui que ce soitdes étiquettes, à commencer parmoi-même. En acceptant de repartirde cet endroit où « je » ne suis« rien », je raconte simplementce que je vis. J’ai souhaité retracerdes expériences que chacun peutvivre à tout instant, où qu’il soit,quelles que soient ses convictions,ses croyances, son espéranceou ses doutes. Je crois que ceschemins de traverse sont ouvertsà tous ceux qui ont enviede s’y aventurer. �

Trois questions à � � �

Chemins de traverse.Vivre l’économieautrementEmmanuel Faber224 pages, 18 €

La presseen parle � � �

� Un livre prodigieusementfascinant (…) à la foisconfession et explicationtrès claire des grands enjeuxde la recherche. Passionnant.

François Busnel,La Grande librairie, France 5

� Poursuivant son travailde vulgarisation pour rendrecompréhensibles les milliardsde galaxies de notre universen expansion, le brillantastrophysicien évoqueégalement, et pour la premièrefois, son étonnant itinérairepersonnel.

Claire Lesegretain,La Croix

� Un livre étrange, trèspersonnel, tout à fait inhabituel(…) où Trinh Xuan Thuanse livre comme peu descientifiques ont osé le faireauparavant. Les deux récits,scientifique et personnel,s’entremêlent, s’interfécondent,comme dans sa vraie vie.

Nicolas Delesalle, Télérama

� Dans cette nouvelle œuvre –sa meilleure productionà ce jour –, Trinh Xuan Thuanse confesse enfin et abordeles liens entre sa vieet son travail, entreses croyances et la science.

Françoise Monier, Lire

Le Cosmos et le LotusTrinh xuan Thuan272 pages, 19 €

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6 L’Homme en Question � AUToMNE 2011

Redécouvrir un classique d’Albin Michel

Histoire du Moyen-Orient2 000 ans d’histoire de la naissance du christianisme à nos jours

de Bernard Lewis

Le Moyen-Orient, où naquirent les trois grandes religions monothéistes, fut pendant des sièclesun haut lieu de l’histoire des sciences et des idées, des inventions techniques et du commerce,mais aussi une terre soumise à des luttes de pouvoir incessantes.Au fil de cette somme aussi captivante que foisonnante d’érudition, Bernard Lewis, l’un des plusgrands historiens contemporains, spécialiste de l’Orient, retrace les événements politiques,militaires et religieux qui modelèrent la région depuis l’ère chrétienne jusqu’à nos jours :la grandeur et le déclin des deux Empires romain et perse qui se disputèrent la région il y a deux mille ans ; le développement des monothéismes ; l’incroyable et fulguranteexpansion de l’islam ; les vagues successives d’envahisseurs venus de l’est ou de l’ouest(hordes mongoles de Gengis Khan ou chrétiens des croisades) ; la puissance et la chutede l’immense Empire ottoman.Mais, plus encore que les faits, l’auteur nous propose l’analyse brillante et limpidedes différentes forces en présence dans ce monde en constante mutation : la religion islamique,le système politique, l’extraordinaire réseau d’échanges commerciaux et culturels, l’organisation sociale au seinde laquelle il examine, entre autres, le statut des femmes, des infidèles et des esclaves.Une fois de plus à la croisée des chemins, ceux de l’affrontement violent et du partage de l’ancien héritageavec le reste du monde, le Moyen-Orient reste un mystère que Bernard Lewis, avec cette synthèse unique et trèspersonnelle, tente d’élucider dans ses moindres secrets.

490 pages34 €

Les Musulmans dans l’histoire del’Europe n’est pas une étudesupplémentaire sur les relations

entre Europe et Islam, mais un ou-vrage issu de la conviction, communeà ses contributeurs, que la recherchehistorique et les sciences socialessont à même de mieux éclairer lesdébats contemporains et d’apporterdes éléments d’intelligibilité à desquestions trop souvent abordées demanière passionnelle et sur la foid’idées reçues. Sa problématiqueentre en résonance avec les ques-tions, souvent passionnelles, que sou-lève le débat sur l’entrée de la Turquiedans l’Europe : peut-on être musul-man et européen ? Peut-on être unEuropéen musulman ?

PrOPOsant un cHanGement de re-Gard cOmPlet sur cette question del’intégration des musulmans dans lecadre historique de l’Europe occi-dentale, ce premier volume d’unevaste enquête prouve que l’on nepeut plus s’en tenir à l’idée selon la-quelle la confrontation de l’Europeoccidentale à une présence de l’islamsur ses territoires serait une réalitérécente, voire contemporaine. En ef-fet, un préjugé tenace voudrait queles musulmans aient été quasi ab-sents d’Europe jusqu’au xIxe siècle,les flux de circulation étant tous tri-butaires de la colonisation, desgrandes migrations de travail duxxe siècle ou, plus récemment, desflux de réfugiés politiques. Une inté-gration invisible établit que, bien aucontraire, des musulmans ont été in-tégrés par milliers et dizaines de mil-liers dans les sociétés d’Europe oc-cidentale, tout en restant le plussouvent invisibles, et explique pour-quoi ces réalités n’ont pas été visiblesou très bien étudiées jusqu’à présent.

Avec des études par cas et par pays,les auteurs, tous de réputation inter-nationale, démontrent l’ancienneté de

la question d’une présence de l’islamdans l’espace public et d’un culte mu-sulman dans cette partie de l’Europe(mosquées, cimetières, etc.). Et se ré-férant au débat récent sur les « sta-tistiques ethniques  » en France, ilsexposent la difficulté qu’il peut y avoir,par le passé comme aujourd’hui, àdéfinir un «  musulman  » dans uncontexte européen, et les problèmeséthiques et politiques que soulèvecette approche.

le secOnd vOlume, à Paraître en

OctObre 2012, fera plus directementréférence à des débats civiques duprésent, montrant qu’une forte conflic-tualité entre l’Europe et les sociétés is-

lamiques n’empêchait pas de vérita-bles relations de continuum. Nous in-vitant à sortir d’une problématique,toujours sous-jacente, du « choc descivilisations », il montrera que les fron-tières politiques et religieuses ne re-coupent pas nécessairement des en-sembles culturels cohérents. �

Musulmans d’Europe : une histoire invisibleHISTOIRE

Voici un ouvrage sur l’intégration historique des musulmans en Europe qui nous aide à penser les processus d’intégration

et d’assimilation au présent. Luttant contre les idées reçues avec des arguments scientifiques et une position civique ferme,

ce livre reprend en l’élargissant la problématique soulevée en 2006 par l’Histoire de l’islam et des musulmans en France,

dirigée par le regretté Mohammed Arkoun.

Les Musulmans dans l’histoirede l’Europe.Tome I : Une intégration invisibleSous la direction de Jocelyne Dakhliaet Bernard vincent.656 pages, 29 €

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7L’Homme en Question � AUToMNE 2011

Le Peuple-MondeDestins d’Israël

Victor Malka a lu � � �

On sent d’ordinaire dès lespremières lignes d’un livre si on aaffaire à un texte fort ou non. Envoici un qui, d’emblée, s’annoncecomme un ouvrage solide,impressionnant et roboratif, incisifet par moments iconoclaste. Onsavait certes, pour peu qu’on l’aitlu ou écouté, que rien de ce quisort de la plume de cet historienne laisse indifférent. Que l’hommeest un puits de science, quel quesoit le domaine où l’on chercheà le titiller. Qu’il a une mémoired’ordinateur. Mais voilà qu’il semêle – et avec quel talent et quellegrâce – de l’histoire passée etprésente des juifs. Un sujet surlequel on écrit, bon an mal an,des centaines de livres à traversle monde et qui, pourtant, gardeencore ses mystères.Adler ne sert ici la soupe àpersonne. Ce n’est assurément passon genre. Convenons quel’observation selon laquelle « ladestinée immédiate du peuple juifest une nouvelle fois en réeldanger » n’est pas d’une trèsgrande originalité tant on l’arépétée à travers les siècles et lescontinents et tant elle aaccompagné les juifs dans toutesleurs tribulations. On pourraitégalement contester (discuter entout cas) la confession d’Adlerselon laquelle il n’appartient pas à« l’Israël de la synagogue ». En est-il sûr ? Surtout quand il évoque sonjudaïsme « dépouillé et puritain, néau cœur du désert » et qui renvoienaturellement à Schoenberg.Mais comment ne pas saluer lecritique qui ose écrire du Rouleaubiblique d’Esther qu’il est « violentet souvent immoral » ? Ou encorequand il appelle de ses vœux unjudaïsme normatif « adéquat à undéveloppement féministecontemporain » ? C’est sur la

nature du juif telle qu’il lavoit qu’Adler est sans doute

le plus original. Lisons :« La capacité de demeurer avecles rêves, parfois les chimèresmais aussi souvent les intuitionsfulgurantes de son enfance,demeure le trait anthropologiquele plus engageant de notrepeuple ». Ou encore : « Le judaïsmen’est pas une secte. On n’y subitpas d’examen de passage.Le plus ignorant des juifs a droità la même miséricorde désoléeet compréhensive de l’Éternelque le plus érudit des rabbinsou des prix Nobel. »

Mais c’est assurément à proposdes blessures de l’Israëlcontemporain qu’il faut prêterl’oreille à la voix d’Adler. Il parledes « lézardes » du sionisme, deses déchirures, des oragesannoncés, de l’apparition del’antisionisme israélien, des douteslancinants, des rendez-vousmanqués. De l’odyssée « tragique »de la colonisation et de ce qu’ilconsidère comme « la politiquedésastreuse à l’égard de l’islam ».Il s’étonne avec raison que lesefforts des modérés de l’islamn’aient inspiré aucune sorte deréflexion du côté d’Israël.Et comment ne pas le suivre

quand il évoque « la léthargie »dans laquelle le judaïsme seraitdésormais entré et le paysage« intellectuellement désertique »qui est celui de l’espace juifaujourd’hui ?Adler ne se contente pas, danscet « itinéraire subjectif » et cette« promenade à sauts età gambades », comme il dit,de suivre le fil rouge de l’histoirejuive. Il propose des solutions.L’une d’entre elles, révolutionnairepour le coup – celle sans doute quilui vaudra critiques et oppositions– consiste en « une pleineet fraternelle réintégration ennous-mêmes d’Ismaël et d’Edom,nos deux frères en monothéisme ».Et pour que les choses soientclaires, il écrit qu’entre Jésus etPaul « notre choix est fait ». Lepropos semble peut-être un peucourt. Même si Adler a recoursdans cette partie du livre auvocabulaire de la kabbale (« lesécorces négatives » et l’édificationdu « Troisième Temple »).Ce rationaliste serait-il, au fond,un mystique qui s’ignore ?En revanche, on partage totalementla conclusion (provisoire ?)d’Adler : « Le peuple juif perduremais il ne sait pas où il va. »Pourquoi faut-il lire ce livre ? Parcequ’il pose les questions réelles quisont celles des juifs aujourd’hui.Parce qu’il laisse place au débat.Parce qu’il incite en permanenceà la réflexion. Parce que rares sontles ouvrages – en France en toutcas – qui sonnent aussi juste.Et chantent aussi vrai. �

AlexandreSafran,entre éthiqueet mystique

JUDAÏSME

A lexandre Safran (1910-2006) futl’une des figures marquantesdu rabbinat européen. Élu

Grand Rabbin de Roumanie en 1940,à l’âge de 29 ans, il a joué un rôle dé-terminant dans le sauvetage des juifspendant la Shoah, puis a été accueillien qualité de Grand Rabbin à Genèveen 1948. Il a été un leader et un pen-seur éminent de philosophie religieuseet un acteur du dialogue judéo-chrétien.Les très nombreux textes rassemblésici dressent le portrait d’une figure in-tellectuelle engagée dans le tempsprésent, héritière d’une tradition rab-binique vivante que n’a pas fait dis-paraître la Shoah, et qui s’engagepour l’avenir du judaïsme. L’ensembleest introduit par un témoignageunique sur son père, lequel n’était passeulement une sommité rabbinique,mais encore un exemple vivant desvaleurs éthiques juives vécues dans laprofondeur de la chair, à chaque ins-tant du quotidien. Loin d’appartenir àun passé révolu, le « judaïsme de vé-rité » dont témoigne ce recueil montreune autre voie, par-delà les crispa-tions dogmatiques : c’est ce dont at-teste aussi le Grand Rabbin René-Samuel Sirat dans sa belle préface. �

Lumières pour l’avenirAlexandre Safran336 pages, env. 22 €

Le Peuple-MondeDestins d’Israël208 pages, 16 €

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tance et à distinguer le bien du mal.La publication en français de l’ou-vrage de Yosef Hayim Yerushalmipopularise le Zakhor ! – “Souviens-toi !”, cet impératif qui figure centsoixante-neuf fois dans la Bible. Lamémoire structure le peuple juif aulong de son existence par deuxgrands canaux, les rites et le récit.Peuple du Livre, les juifs sont aussicelui de la Mémoire. Mais ce “Sou-viens-toi” s’adresse aux juifs. Aveccette expression de “devoir de mé-moire”, c’est la première fois dansl’histoire que l’on demande aux“nations”, c’est-à-dire auxnon-juifs, de se souvenir dece qui a été fait aux juifs.

8 L’Homme en Question � AUToMNE 2011

Revenant notamment sur sespremiers travaux de re-cherche liés à la transmission

de la mémoire polonaise ou encoreà la résistance juive communiste,Annette Wieviorka explique com-ment elle est devenue une histo-rienne de la mémoire de la Shoah –dont elle est la pionnière –, maisaussi une spécialiste du commu-nisme et de son rapport avec l’iden-tité juive.Au fil des entretiens se précisentles contours d’une méthode spéci-fique – le choix d’une histoire es-sentiellement orale – et les ques-tions qui en découlent : commenttravailler avec des témoins vivants ?Comment l’historien, en tant quepersonne, réagit-il à la question dumal ? Avec l’examen approfondi dela notion de témoin (Qu’est-cequ’un témoin ? Quels types de té-moignages ont existé et commentanalyse-t-on leur fiabilité ?) ou en-core de la notion d’indicible (Aus-chwitz, etc.), mais aussi dans le dia-logue avec d’autres grandes figuresd’historiens comme Saul Friedlän-der ou Christopher Browning, cesentretiens dressent un panoramade l’historiographie de la mémoiredu génocide. �

extrait, P. 225-226 :

Le devoir de mémoire estde fait à la croisée de plu-sieurs histoires. Une de ses

origines est le serment des internésau moment de leur libération, celuide se souvenir des morts.[…] Cette notion s’inscrit aussi dansla façon dont a été envisagée la Se-conde Guerre mondiale, d’embléeconçue dans notre pays commedevant donner lieu non à un coursd’histoire, mais à une leçon de

morale, alors même que la moraledisparaissait de l’enseignement.C’est l’instauration, par une loi de laRépublique de 1954, de la Journéenationale de la déportation, placéele dernier dimanche d’avril, la com-mande à Alain Resnais de Nuit etbrouillard, court-métrage destiné àêtre montré dans les classes, leconcours de la Résistance créé en1958 par les associations de ré-sistants qui devient, en 1961,concours de la Résistance et de laDéportation. Alors que la SecondeGuerre mondiale n’est pas encoreintégrée aux programmes sco-laires, son évocation doit servir àdéfendre les valeurs de la Résis-

Une historienne de la mémoireENTRETIENS

Enquête sur le parcours et les publications qui ont jalonné la carrière de l’historienne

Annette Wieviorka, ce livre d’entretiens avec Séverine Nikel lui permet de faire à la fois

le récit de son propre destin familial et de son engagement politique, tout en retraçant

la genèse de son parcours d’historienne.

L’Heure d’exactitude.Histoire, mémoire, témoignageAnnette WieviorkaEntretiens avec Séverine Nikel256 pages, 19 €

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Honoriscausa � � �

� Le prix Siloë-Pèlerin 2011vient d’être attribué à ElenaLasida pour son ouvrageLe Goût de l’autre paruen février. À noter égalementque les livres de SylvieGermain, Le Monde sans vous,et de Bertrand Vergely, Retourà l’émerveillement, faisaientpartie des titres finalistes.

� Les trois saisons de la ragede Victor Cohen Hadria a reçule prix Historia du romanhistorique 2011.

� Sylvie Germain, pour sonlivre Le monde sans vous,est la lauréate du prixJean Monnet de littératureeuropéenne

� Christian Signol, pour sonroman Une si belle école(2010), est le lauréat du prixlittéraire Mémoire d’Ocorganisé par la Caisserégionale d’assurance-maladieMidi-Pyrénées.

� Le prix Saint-Exupéry,présidé par Claudie Haigneré,récompense cette annéel’album de Sylvaine Hinglaiset Tom Schamp Le FabuleuxAmour d’Aucassin et Nicolette.

� Jean-François Bayart,pour son ouvrage L’Islamrépublicain paru en mai 2010,vient de recevoir le prixFrance-Turquie.

� Enfin, en 2011, l’Académiefrançaise a distingué troisauteurs Albin Michel :• Daryush Shayegan reçoitla grande médaille dela Francophonie (dernièreparution Henry Corbin,penseur de l’islam spirituel –janvier 2011).• Christian Signol reçoit le prixSIVET pour Une si belle école.• Et Nicolas Lyon-Caen reçoitla médaille d’argent du prixFrançois Millepierres pourLa Boîte à Perrette (paru enseptembre 2010).

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9L’Homme en Question � AUToMNE 2011

C’était donc un projet ambitieuxauquel s’ajoutait l’urgence.Soixante-dix ans nous séparant

de l’action, la parole inestimable deces femmes et de ces hommes pou-vait s’éteindre avant qu’on ait pu lasaisir.Il aura donc fallu de la patience pourretrouver, rencontrer, interviewer tousces témoins qui, chacun dans leurcoin, chacun confronté à une réalitéinsupportable, avaient choisi de direnon au nazisme.Toutes les rencontres ont été d’une ri-chesse incroyable, parfois les souve-nirs revenaient avec une acuité tellequ’ils provoquaient des vaguesd’émotion qui les submergeaient. Par-fois, c’était l’humour qui naissait del’évocation d’une situation passée. Ilsétaient tous de très jeunes gens àl’époque et cette fougue de la jeu-nesse brille toujours dans leurs yeuxde grands-mères ou de grands-pèresd’aujourd’hui. Ils nous renvoient uneimage à laquelle nous sommes tous

bien sûr obligés de nous confronter.Qu’aurions-nous fait à leur place ?C’est souvent avec des moyens déri-soires qu’ils prirent le risque de mou-rir pour la liberté, la démocratie, lerespect de la personne humaine, ensomme les valeurs communes quifondent l’Europe d’aujourd’hui.Car, à travers leur engagement, cescombattants de l’ombre délivrent au-jourd’hui encore un message qu’il estbon, pour nous tous, de méditer. �

L’Europe qui a dit nonRÉSISTANCE

Deux idées fortes ont guidé ce projet qui se décline aussi à l’audiovisuel avec la chaîne Arte. La première était de considérer

l’Europe comme le lieu unique de l’action qui se joue, le théâtre aux multiples décors d’un seul drame. En effet, Hitler, en voulant

unifier l’Europe sous sa dictature, avait forcément créé, à l’inverse, une communauté de destins qui s’y opposait.

Et puis, il s’agissait de faire du témoignage vécu l’armature centrale du récit, avec cet intime sentiment que c’est à travers

la somme des passés personnels que s’écrit l’Histoire.

Les Combattants de l’ombre1939-1945Des résistants européensface au nazismeB. George et A. Rouvière272 pages, 29 €En coédition avec Arte� À voir également :Un coffret de 3 DvDaccompagné d’un livretde 40 pages. Édition bilinguefrançais-allemand. 29,99 €Retrouvez l'intégralité destémoignages des Résistantssur une plateforme interactiveunique offrant une visioninédite et intime de leurengagement personnel.http://lescombattantsdelombre.arte.tv/

L’un des voletsles plus poignantsde notre histoire,

éclairépar la parolede ses témoins

directs.

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10 L’Homme en Question � AUToMNE 2011

Ce livre, Le Garçon de lalune, est le fruit de la ren-contre entre deux

mondes. D’un côté, celui d’uncouple, Ian et Johanna Brown,des Canadiens de Toronto. Tousdeux ont plutôt réussi leur vie, ilssont cultivés, ils ont une fille et denombreux amis. […] Et puis, il y ale monde de leur fils, Walker, néavec un handicap très lourd. Unpetit garçon tout à la fois différent,exceptionnel et exigeant. Il de-mande beaucoup de soins, faitdes colères, émet toutes sortesde sons, et empêche ses parentsde dormir la nuit. Walker de-mande donc énormément d’at-tention, il a besoin d’être au cen-tre des préoccupations de sesparents : il adore être aimé.Pour cela, il faut pouvoir luiconsacrer beaucoup de temps.Et son père ne comprend pastout de suite ce que Walker de-mande ou même exige. Peut-êtresouvent ce dernier ne le com-prend-il pas lui-même. Walker vitde façon instinctive, par le cœurplus que par l’esprit. […]Ian Brown se trouve au croise-ment de deux mondes, que l’onretrouve dans toute société hu-maine. Il connaît des tiraillements,qu’il vit parfois avec aisance etparfois avec douleur. Son livre ré-vèle toute l’intelligence et le cœurd’un père. Bien sûr, ce père auraitaimé avoir un enfant en bonnesanté, mais il aime passionné-

ment ce fils qui lui a été donné parla vie. Non seulement il aimeWalker, mais il sait percevoir, au-delà de son handicap et de sesgestes parfois incompréhensi-bles, sa capacité à comprendrebeaucoup de choses et surtoutson besoin d’être aimé. D’une fa-çon mystérieuse, le livre révèlel’humanité d’un enfant, une hu-manité qui a été “réveillée” par ce

père qui lui offre une véritable re-lation, mais il révèle aussi toutel’humanité d’un père, qui a elleaussi été “réveillée” au contactde son fils. Ian Brown nous intro-duit ainsi dans ce lieu où cesdeux mondes se rencontrent, unlieu que connaissent toutes celleset tous ceux qui ont des proches,des amis ou des parents en étatde faiblesse suite à des difficultésphysiques ou mentales. Le Gar-çon de la lune pose de grandes

extrait de la Préface

questions. Quel est le sens d’unevie comme celle de Walker ? Etplus profondément, quel est lesens de la vie humaine, faite deforce et de fragilité, où la vie et lamort s’entrecroisent, et où toutpeut basculer d’un moment àl’autre à la suite d’une maladieou d’un accident ?Ian Brown a fait connaissanceavec L’Arche d’abord à Montréal,puis à Toronto, et enfin en France,à Trosly et à Cuise. L’Arche est unlieu adapté à Walker et à des per-sonnes comme lui. Pour Ian, lesassistants de ces communautésont eu l’air d’avoir les pieds surterre, la tête et le cœur bien faits,même s’ils sont parfois motivéspar un idéal chrétien qu’il ne par-tage pas. […]À travers la vie de Ian Brown et desa famille sont révélées la souf-france, la beauté et la fidélité detant de parents qui aiment pro-fondément leurs enfants en si-tuation de handicap et qui s’in-quiètent de leur avenir, quandeux-mêmes ne seront plus là.Le Garçon de la lune est un livrebouleversant dans sa vérité. Ilnous ramène à une réalitéque nous ne voulons pastoujours regarder en face.

Hymne à la vieTÉMOIGNAGE

Walker Brown, petit garçon de onze ans qui souffre d’une maladie génétique

extrêmement rare, est un enfant qui ne parle pas, qui ne peut rien faire seul,

qui nécessite des soins constants et qui a l’âge mental d’un nourrisson. Quel sens

donner à une telle existence ? C’est la question que se pose Ian Brown, son père.

Comme l’écrit Jean Vanier, fondateur de L’Arche, dans sa préface, dont nous publions

un extrait ici, Le Garçon de la lune est la réponse d’un père face au malheur,

mais aussi l’affirmation du pouvoir de la vie et de la valeur de toutes les existences,

quelles qu’elles soient.

Le Garçon de la luneL’amour d’un pèrepour son fils handicapéIan Brown304 pages, 20 €

Fragilitésencoreet toujoursinterdites ?

SOCIÉTÉ

Changer notre regard sur le handicap,et sur la fragilité en général, tel est lefil rouge de cet ouvrage collectif, né

d’un colloque organisé par l’Arche enFrance. Avec Jean vanier, les intervenants,comme Julia Kristeva, Michela Marzano,Guillaume de Fonclare, nous font partagerleur expérience de la fragilité. Qu’elle toucheà la maladie, au handicap, au statut social,chaque fois le même constat s’impose : no-tre société ne sait pas accueillir la fragilité, secontenant de voir seulement la déficience làoù il y a pourtant une grande richesse. Desacteurs du milieu associatif, tels BrunoTardieu, Jean-Marie Petitclerc ou Érik Pillet,qui a dirigé cet ouvrage, disent bien aucontraire à quel point l’écoute de la personneen situation de fragilité peut être riche d’en-seignement. Nous croyons devoir parler aunom de ceux que nous pensons trop fragilespour s’exprimer, alors que si nous prenonsle temps de les écouter, ce sont eux qui nousapprennent à formuler de nouvelles choses,d’une autre manière. Dit-on suffisamment lesmiracles du consentement à la fragilité ?Sans jamais céder à la complaisance ni àl’angélisme, ce livre permet de dégager unespace possible pour vivre non pas malgréla fragilité, mais avec elle. �

Tous fragiles, tous humains210 pages, 14 €� À lire également :La Fragilité, faiblesse ou richesse ?224 pages, 12 €

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11L’Homme en Question � AUToMNE 2011

Se référant au DSM (manuel sta-tistique et diagnostic des trou-bles mentaux) américain, un

courant majoritaire de la psychiatrie secontente désormais de recenser etd’additionner des faits plutôt que des’interroger sur la façon dont lessymptômes répondent à l’histoire despatients. De nombreux étiquetages,quand ce n’est pas de nouvellesconstructions de maladies mentales,dépendent d’enjeux économiques.on veut le bien-être tout de suite, iciet maintenant, au prix d’une vie adap-tée et régulée plutôt qu’épanouie.

On étiquette un adulte Ou un enfant

selOn tel symPtôme, on impute cesymptôme à tel dysfonctionnementdu système nerveux, on administreun traitement. Et croyant délimiter net-tement le normal et le pathologique,on ne cesse d’élargir les catégories dela maladie mentale, en la faisant ap-paraître non seulement comme uneanormalité, mais comme une me-nace. Déshumanisant la médecine,cette idéologie, répandue avec la bé-nédiction des pouvoirs publics à quielle offre un moyen efficace pour ren-forcer les contrôles gestionnaires,déshumanise l’humain.Les médicaments, les techniques réa-daptatives agissent directement sur lecaractère et le tempérament, sautantpar-dessus la souffrance qui, ainsiemmurée comme le réacteur deTchernobyl, s’autorenforce et s’auto-génère…Maurice Corcos dénonce les failles etles dérives de ce système incapablede s’appuyer sur tout ce qui, dans ladiversité de l’humain, fait sa force der-rière sa fragilité. Que deviennent lessujets qui n’entrent pas dans lesbonnes cases ? À quoi s’expose-t-on en médicalisant de plus en plusles états de l’âme et les crises exis-

tentielles, si ce n’est à éviter de réflé-chir sur les vicissitudes du lien auxautres et de soi à soi ? Et à supprimerles interrogations métaphysiques enacceptant de modifier sa chimie cé-rébrale avec des drogues légales,anxiolytiques et antidépresseurs.Pour, non plus seulement contenir lesaléas de l’existence (ce qui se justifie)mais afin de répondre à l’obligationd’être performant dans un mondeconcurrentiel, et de multiplier ses ca-pacités de travail et de jouissance.Qui sont les « experts » qui se sont ar-rogé le droit de définir le normal et le

pathologique et quels sont leurs lienséventuels avec certains laboratoirespharmaceutiques ?…À l’heure où les concepteurs eux-mêmes des versions précédentes duDSM ouvrent enfin les yeux et alertentaujourd’hui sur la version v à paraîtreen 2012, Maurice Corcos ouvre lesyeux sur le triomphe d’une scienceclassificatoire qui est le symptômed’une société malade… �

Scientisme : attention danger !PSYCHIATRIE

Après les DSM III et IV, la version V du manuel statistique et diagnostic des troubles mentaux, américain, va paraître,

suscitant de très grandes craintes chez les professionnels. Le professeur Maurice Corcos éclaire violemment les enjeux

de cette classification qui, sous couvert de science, oriente une évolution très inquiétante de la société.

L’Homme selon le DSMLe nouvel ordre psychiatriqueMaurice Corcos240 pages, 20 €

C ontrairement aux idées re-çues, pour Christophe Fauré,il n’y a pas de « crise du mi-

lieu de vie », même s’il peut y avoirun ou des aspects critiques,comme à n’importe quelle autre pé-riode de l’existence. Mais entre45 et 55 ans, il y a indiscutablementune période de transition au coursde laquelle il y a évolution mais pasnécessairement révolution. Il s’agitplutôt d’un processus, d’une mue.Les transformations intimes qui sur-viennent sont subtiles et profondes,et difficiles à aborder avec lesproches et les amis. Trop de pudeur,de doutes, de peurs…Avec la sensibilité qui caractérisetous ses ouvrages, ChristopheFauré invite à comprendre et déco-der les enjeux de cette transitionsur tous les plans : corps, couple,relation aux parents et aux enfants,conscience du temps qui passe,réalisation de soi et interrogations

professionnelles… Il met en lumièreles facteurs qui peuvent faire decette transition une crise, met engarde contre les pièges, notam-ment la tentation de la rupture, etsignale les impasses à éviter.Aidant ainsi le lecteur à s’interrogersur ce qu’il vit, il dédramatise sesconstats, le rassure et lui ouvre desperspectives.Sous prétexte de lutter contre letemps qui passe au lieu de l’ac-compagner, notre culture a ten-dance à oublier qu’il vaut souventmieux entretenir et améliorer ce quel’on a construit plutôt que de le dé-truire. voilà un livre encourageant etsalutaire qui devrait aider bien deslecteurs à s’accomplir enfin de ma-nière constructive. �

Comment franchir le capPSYCHOLOGIE

Maintenant ou jamais !La transition du milieu de la vieChristophe Fauré224 pages, 16 €

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Page 12: Henri Gougaud, Leloup le conteur philosophe CJean-Yves Leloup A l b i n M i c h e l Numéro 32 – automne 2011 LIRE PAGE 16 Hommage à Lucien Jerphagnon P. 4 Musulmans d’Europe,

12 L’Homme en Question � AUToMNE 2011

Alexandro Jodorowsky et Marianne Costa viennent de nous donner un livre majeur,Métagénéalogie, regroupant trente-cinq années de recherches sur la place de notre ar-bre généalogique dans nos existences et la façon dont on peut se libérer et se guérir des

éventuelles chaînes familiales. Nous avons huit arrière-grands-parents, et chaque fois que l’onremonte d’une génération, ce nombre double. Au bout de trente générations, nos ancêtres sontau nombre de dix millions sept cent trente-sept mille quatre cent dix-huit ! Mais en remontanttrop loin dans le temps, on quitte le domaine de la famille proprement dite pour entrer dans lamultitude. L’expérience des auteurs leur a prouvé que, à de rares exceptions près, l’incons-cient se structure sur un terrain familial limité à quatre générations. Plus loin, l’arbre généalo-gique s’enfonce dans l’oubli.

l’OriGine de ce livre remOnte lOin, à l’enfance difficile de jOdOrOwsky et à sOn Passé familial.J’ai toujours été fasciné par l’incroyable richesse de l’expérience de sa vie : taraudé qu’il est par unequête intérieure et artistique intense, on a l’impression qu’il a vécu cent vies en une seule : après avoirétudié philosophie et psychologie à l’université du Chili, il décide déjà de créer des psychodrames avecdes marionnettes représentant son père, samère, sa sœur et une grande partie de sa fa-mille. Puis, passionné par l’expression cor-porelle, il devient acteur de théâtre : « Je créaiune méthode d’expression corporelle quicommençait dans une position fœtale, apeu-rée, et se terminait par l’épanouissement del’être humain mature, les bras grands ou-verts, relié au cosmos. Le chemin de la réa-lisation conduit, émotionnellement, du désirde mourir à l’euphorie de vivre. Délaissant lesmarionnettes, je créai une école de mime.Au départ, mon but était de découvrir unlangage corporel qui permette de créer desspec tacles et de raconter des histoires. Maisà mesure que je me concentrais sur les mé-canismes de l’expression corporelle, prati-quant la danse, la méditation, le yoga et lemassage, je me rendis compte que d’in-nombrables mémoires étaient inscrites dans notre corps : souvenirs d’enfance, ou de la période fœ-tale, acceptation, rejet, résidus psychiques de divers membres de la famille. » Il décide alors d’étu-dier à Paris auprès du mime Marceau. Il y rencontre aussi les surréalistes, le philosophe Bachelarddont il suit les cours, il fréquente les milieux ésotéristes. Parallèlement à sa carrière d’auteur, de scé-nariste et de réalisateur, il donne aussi des consultations de tarot afin d’aider les gens à se sortir deleurs problèmes et continue ainsi à repérer l’incroyable puissance des empreintes familiales sur le com-portement des individus. Il découvre aussi que la famille entière se comporte comme une unité oùviennent s’ancrer tous les problèmes et les qualités du consultant. on ne peut pas aider quelqu’unà guérir sans guérir avec lui la famille nichée dans les ténèbres de son inconscient. De génération engénération, les noms se répétent, et les maladies, les échecs, les conflits. Mais l’arbre généalogiquen’est pas seulement un champ de bataille et un lieu d’affliction. Il recèle également des possibilitésde réalisation, des valeurs morales et spirituelles, des ressources permettant de faire face aux diffi-cultés. Cet arbre est en effet à la fois un piège et un trésor ! voici donc un livre majeur où nous re-trouvons l’incroyable créativité des auteurs et leur fécondité : il nous apprend beaucoup sur no-tre propre fonctionnement et nos enracinements. �

MétagénéalogieUn livre, un éditeur

MétagénéalogieLa famille, un trésor et un piègeAlexandro Jodorowsky et Marianne Costa544 pages, 25 €� À signaler la réédition de Cabaret mystique336 pages, 9 €

par Marc de Smedt

Mort d’un sageSPIRITUALITÉ

L ’écrivain Arnaud Desjardins, qui a contribuéà faire connaître les traditions spirituellesorientales en France, est décédé cet été à

l´âge de 86 ans. véritable accoucheur d’âme, cegrand reporter converti à l’instruction spirituelleétait l’un des grands maîtres à penser de cetemps. Né le 18 juin 1925 à Paris dans une fa-mille de protestants engagés, il entre en 1952 àla Radiodiffusion française. Il s´intéresse aux sa-gesses orientales, s´exerce au hatha yoga et pro-jette un film sur la spiritualité en Inde. Un voyagele mène en Asie centrale, puis en Inde, où il réa-lise Ashrams, notamment à Bénarès, où il ren-contre l´ascète Ma Ananda Moyî, considéréecomme une incarnation divine par les hindous.Puis ce sera, au Bengale, le maître Swami Praj-nanpad (1891-1974) formé aux disciplines scien-tifiques et qui réconcilie science et tradition in-dienne dans son enseignement. Commence alorsune abondante production d´ouvrages et de re-portages à l´oRTF, sur le bouddhisme tibétain etsur le soufisme en Afghanistan. Ashrams, Le Mes-sage des Tibétains, Yoga et spiritualité, L´Hin-douisme, Les Chemins de la sagesse (3 tomes),La Voie du cœur, Zen et Védanta, Retour à l´es-sentiel figurent parmi la trentaine d´ouvrages qu´ila publiés, notamment aux Éditions de la Tableronde et chez Albin Michel.Son dernier livre, Oui, chacun de nous peut setransformer, où il dialogue avec le philosopheJean-Louis Cianni, était paru en février 2010. �

Oui, chacun de nouspeut se transformerArnaud Desjardinsdialogue avecJean-Louis Cianni162 pages, 16 €� Du même auteur :AshramsGrands maîtres de l’Inde224 pages, 7,50 €

Page 13: Henri Gougaud, Leloup le conteur philosophe CJean-Yves Leloup A l b i n M i c h e l Numéro 32 – automne 2011 LIRE PAGE 16 Hommage à Lucien Jerphagnon P. 4 Musulmans d’Europe,

13L’Homme en Question � AUToMNE 2011

La plupart des plantes dont il est question dans ce livre magnifique noussont familières, et nous croyons bien les connaître… Pourtant, il suffit deremonter le cours de l’histoire pour constater que celui-ci a souvent été

modifié, provoqué, contrarié… par ces plantes. Qu’elles soient à l’origine oula conséquence de ces mouvements, visibles ou occultes, certaines d’entreelles ont été étroitement mêlées aux religions, aux progrès, aux découvertesmajeures, aux périodes de prospérité, mais aussi à des guerres, des des-tructions, des asservissements. Capables du pire et du meilleur, elles pos-sèdent depuis des millénaires le pouvoir de changer notre vie.Cette enquête ne prétend pas être exhaustive. Elle constate simplement – unefois encore – combien la présence de nos compagnes les plantes est essen-tielle et déterminante.Tant qu’il y aura des humains sur terre, les plantes continueront donc d’in-fluencer leur destin ! �

extrait

Si nous connaissons les dé-buts et le déroulement del’histoire c’est en grande par-

tie grâce à l’Écriture, découverte éga-lement essentielle dans le dévelop-pement de la civilisation.Dès le Ive millénaire en Mésopotamie,apparurent les premiers signes d’écri-tures pictographiques, puis cunéi-formes, gravés sur des pierres, del’argile, ou des plaques de bois, avecun bâtonnet, le calame, taillé le plussouvent dans un roseau. Ces écritsrestaient la plupart du temps localiséscar difficilement transportables. vers lamême époque, en Égypte, où l’écri-ture était hiéroglyphique, un nouveausupport fut utilisé : le papyrus, Cype-rus papyrus, plante poussant enabondance le long du Nil et dans lesmarais du delta.Selon Pline l’Ancien, qui ras-sembla dans seize des trente-sept volumes de son Histoirenaturelle, toutes les connais-sances de son temps sur lesvégétaux et la botanique,

“la civilisation ou du moins l’histoire del’humanité reposent sur le papyrus”. Ildécrit la fabrication de cet ancêtre dupapier : la découpe de l’écorce destiges en fines lamelles, collées, pres-sées, puis séchées au soleil, l’aplatis-sement des aspérités au marteaupour former une sorte de feuillet.Comme ces feuillets étaient de di-mensions relativement modestes (en-viron 20 à 40 cm de hauteur commede longueur), des rouleaux étaient fa-briqués en collant les feuillets, leurlongueur pouvant atteindre plus de10 m. Les scribes déroulaient ces vo-lumen, pour écrire ou lire les textes.Pendant des millénaires, le papyrus apermis d’écrire et de nous faireconnaître les multiples aspects de la

civilisation, en Égypte mais aussidans diverses régions du Bas-

sin méditerranéen. Pline citedivers Romains, commeTibère, Caius Gracchus ou“Cicéron, Auguste, Virgile, [qui]s’en servaient aussi”. Le papy-rus avait déjà permis de créer à

Alexandrie, fondée en 331 av. J.-C.par Alexandre le Grand, la premièrebibliothèque.Durant deux siècles, les Ptolémées,gouverneurs grecs de l’Égypte, l’enri-chirent : à l’époque de la naissancede Pline, elle devait renfermer jusqu’à700 000 rouleaux de papyrus, conte-nant l’essentiel des connaissances del’époque, traduites, répertoriées,commentées, par les premiers sa-vants bibliothécaires. Ces connais-sances reflétaient les progrès de lacivilisation méditerranéenne etpermettaient leur diffusion.

Quand les plantesinfluencent notre destin

BOTANIQUE

Aujourd’hui nous utilisons, mais aussi nous dégradons la végétation de notre planète

à un rythme jusqu’alors inconnu. Et chaque fois qu’il s’agit de trouver des moyens d’y remédier,

la plupart des solutions que l’on propose ou que l’on met en œuvre sont à base de… plantes.

Une iconographieextraordinaireprovenant

des collectionsdes plus grands

musées du monde.

Histoire des plantesqui ont changé le mondeMichèle Bilimoff192 pages, 29 €

Page 14: Henri Gougaud, Leloup le conteur philosophe CJean-Yves Leloup A l b i n M i c h e l Numéro 32 – automne 2011 LIRE PAGE 16 Hommage à Lucien Jerphagnon P. 4 Musulmans d’Europe,

14 L’Homme en Question � AUToMNE 2011

Au milieu de ma vie je me suis épris du tao

sur mes vieux jours j’habite au pied de la montagne du sud

quand l’envie me prend, solitaire je m’y rends

de choses si merveilleuses je suis le seul à jouir

je marche jusqu’à la source

assis, je regarde les nuages qui s’élèvent

par hasard je rencontre un vieux bûcheron

nous parlons, nous rions, oubliant le retour.

L ’expérience joue un rôle fon-damental dans la pensée chi-noise. Le grand âge attire

l’admiration respectueuse. Plus onvieillit, plus l’expérience s’enrichit,s’approfondit, plus la poésie impli-cite du monde s’explicite, plus ongoûte sa saveur.C’est cette expérience de l’âge, desannées crépusculaires où se révèle

une autre lumière, que nous fait par-tager ce recueil à travers les œuvresde sept poètes chinois traduits etprésentés par Hervé Collet et ChengWing fun. De Wang Wei (701-761) àYuan Mei (1716-1797) en passantpar le célèbre Tu Fu (701-761), c’estplus d’un millénaire chinois de poé-sie et de sagesse qui est célébrédans ce plaisant recueil. �

Dans Le Désir de tourner lapage, qui a reçu le prix 2007de Littérature religieuse, Lytta

Basset présente la quintessenced’une recherche de plus de dix ans,pour nous livrer les grandes étapesde cet incontournable travail de pa-cification avec le passé. Ainsi qu’ellel’explique dans son avant-propos,« le travail de prise de conscience etde libération peut se faire à tout âge :je connais des personnes de plus dequatre-vingts ans qui font un “mé-nage” étonnant dans leur vie et leuridentité. Il n’empêche qu’on gagnedu temps et des années de sérénitéen s’y prenant tôt. (…) on est biend’accord : chaque histoire humaineest unique et incomparable. Mais s’ily a quelque chose d’universel, c’estbien la souffrance qui accompagnetoute existence, avant même la nais-sance. Aucune philosophie, aucunereligion, aucune doctrine humanistene peut la passer sous silence. Pour-tant, non moins universelles sont l’as-piration à la joie, la quête d’une viequi vaille la peine d’être vécue…Je désire m’adresser à vous quim’avez fait l’amitié de venir à ma ren-contre. Je n’ai nul besoin de faire laleçon à qui que ce soit. Libérée demon ancienne compulsion à vouloirchanger autrui (surtout les plusproches !), je n’ai, au fond, mêmeplus envie de convaincre. Il me restel’essentiel : le désir d’entrer en rela-tion, de partager avec vous ce quim’a aidée et continue de m’aider àvivre. »Pas à pas, en s’appuyant sur despersonnages ou des épisodes bi-bliques, Lytta Basset nous invite àsuivre une trajectoire de renouveaupour s’accepter et s’aimer, toutblessé que l’on soit. Alors seulement,l’unité intérieure se fait jour et la joieest au rendez-vous. �

Tao, l’art de bien vieillirCHINE

Se réconcilieravec la vieSPIRITUALITÉ

I l y a quelques années, le Centreprivé d’études, de recherche et deformation en psychologie appli-

quée réunissait un panel rare degrandes figures de la spiritualitéfrançaise pour les faire dialoguersur la question du sacré. Autour dece thème qui fascine, effraie parfois,mais recèle peut-être la clé qui sau-vera notre monde du relativismedes valeurs, on a vu discuter ArnaudDesjardins, Cheikh Khaled Ben-tounes, Roland Rech, JacquesSalomé, Stan Rougier, Faouzi Skali,Lama Denys Teundroup, PauleSalomon, Annick de Souzenelle,Marie-Madeleine Davy et Yvan Amar,Robert Faure et Jean Letschert.Leurs entretiens, regroupés dansce volume par Nathalie Calmé, nousmontrent comment renouer avec laperception de cette dimension su-périeure, et faire en sorte qu’elle

puisse donner une direction à notrevie – le tout, sans dogmatisme au-cun. Un livre apaisant, qui témoigneen outre que, si certains de ces pen-seurs nous ont quittés – dont, cet été,le regretté Arnaud Desjardins –, leurmessage reste bien vivant. �

Retrouver le sacréde notre existence

RENCONTRE

On a trop souvent fait du pardon un but en soi.

Et s’il s’agissait plutôt de tourner la page pour pouvoir enfin

se libérer ? D’assumer ses blessures bien plus que d’attendre

une impossible réparation ?

Le Sens du sacréNathalie Calmé, dir.240 pages, 7,50 €

Le Désir de tourner la pageAu-delà du pardonLytta Basset160 pages, 7,50 €� Du même auteur :Aimer sans dévorer438 pages, 20 €

L’Art de bien vieillirdans l’esprit du TaoHervé Collet et Cheng Wing fun336 pages, 8,50 €� Des mêmes auteurs :L’Art de la siesteet de la quiétude256 pages, 7,50 €L’Art de vivre du Tao322 pages, 9 €

Page 15: Henri Gougaud, Leloup le conteur philosophe CJean-Yves Leloup A l b i n M i c h e l Numéro 32 – automne 2011 LIRE PAGE 16 Hommage à Lucien Jerphagnon P. 4 Musulmans d’Europe,

15L’Homme en Question � AUToMNE 2011

L’Herbier des fées nous

attire dans un monde

mystérieux, où se côtoient

personnages imaginaires et

richesses botaniques.

Cet album illustré, construitcomme un carnet intime où semêlent observations scienti-

fiques, correspondances, docu-ments et notes personnelles, racontel’étrange histoire d’AleksandrBogdanovitch, un éminent bota-niste russe du Cabinet des sciencesoccultes de Raspoutine. Envoyédans la forêt de Brocéliande, en

1914, en quête d’un élixir d’im-mortalité, il fait la découverte de pe-tits êtres féeriques dont la sensibi-lité et l’intelligence peu à peurévélées vont faire vaciller sa raison…Au-delà de l’histoire personnelle dece botaniste, l’Herbier des fées té-moigne également d’une époqueen pleine mutation géopolitique etscientifique. Surtout, se dessine icien creux la prise de conscience del’homme face à la diversité desêtres et à la nature méconnue, qui,regardées humblement, se dévoi-lent, surprenantes, riches et fasci-nantes.Sur ce thème fantastique, BenjaminLacombe crée un univers visuel ex-

ceptionnel. Il mélange peintures àl’huile, dessins à la plume etplanches aquarellées, qui s’épa-nouissent et prennent toute leurmesure grâce à des jeux de do-rures, de vernis, de calques et dedécoupes au laser. Un livre d’unegrande beauté formelle, qui inviteau rêve… �

Ce bel objet, livre-atelier enforme de carton à dessin àélastiques, a été imaginé par

Caroline Desnoëttes qui signe déjàchez Albin Michel Jeunesse une col-lection de livres d’art pour enfants,somptueuse et ludique*.Ici, tout est prévu pour donner envieaux enfants d’admirer et de créer :Glissé dans une pochette, un livred’art présente 12 tableaux d’animauxsignés par des artistes renommés ouanonymes. L’auteure incite les enfantsà observer attentivement chaqueœuvre pour mieux la goûter et donnequelques indications surprenantes surle tableau ou sur l’artiste.

un caHier blOc-nOtes aux feuillesdétachables propose 24 ateliers : lesreproductions au trait des 12 tableauxdu livre sont à mettre en couleur enutilisant les autocollants, qui repro-duisent les tableaux, comme mo-dèles, et 12 pages ateliers permettentdes créations personnelles à partirde suggestions simples et rapides.

le cOlOriaGe est une activité que

les enfants aiment : ne pas débor-der, s’appliquer, finir le dessin… leurprocure plaisir et fierté. Les pages decréation, qui portent une consigneouverte et stimulante, inspirent l’ex-pression imaginative, intuitive et spon-tanée et apporteront aux artistes enherbe un autre type de contentement.Amovible, chaque page de chef-d’œuvre ainsi réalisé peut être déta-chée et offerte, affichée, envoyée, ouconservée dans le très beau carton àdessin de couverture. �

* 4 titres publiés chez Albin MichelJeunesse : Regarde la peinture à traversles siècles – Découvre les secrets de l’art– Explore l’art à travers le monde –Admire les couleurs des peintres.

Itinéraired’un botaniste émerveilléCARNET

L’enfant artisteLIVRE-ATELIER

P endant quatre ans, le photo-graphe Uwe ommer a par-couru la planète à la rencontre

de centaines de famille.Dans les Histoires d’enfants des cinqcontinents, ce sont les enfants quiont la parole. Chacun nous guide àtravers son album intime, son cahierà secrets : il se présente à nous, parlede ses habitudes, de ses rêves, livredes anecdotes et des souvenirs, sou-vent étonnants, parfois émouvants.C’est avec leurs mots d’enfants queAhmed, Svetlana, Puja, Walter et tousles autres racontent leur école, com-mentent l’architecture de leur ville,évoquent l’histoire de leur pays, lesfêtes de leur village, l’agriculture,l’économie, bref tout ce qui constitueleur culture propre…Les 366 pages de cet ouvrage richeet coloré foisonnent de centaines deportraits et de photos de famille, mais

aussi de cartes, de motifs, de repro-ductions de papiers et de photosd’objets en tous genres, qui illustrentles propos et les histoires des en-fants, tous uniques et différents. �

Un voyageau cœur du mondeALBUM

Une initiation astucieuse et intelligente à l’art et à la création.

Histoires d’enfantsdes cinq continentsUwe ommer336 pages en couleurs25,90 €, puis 30 €à partir du 2 février 2012

Découvre les peintres en créanttes tableaux – AnimauxCaroline Desnoëttes23 x 32 cm, 18 €

L’Herbier des féesTextes de Benjamin Lacombeet Sébastien PerezIllustrations de Benjamin Lacombe28 €

Plus de 100 enfants, dans plus de 100 pays, nous dévoilent

les facettes du monde…

Page 16: Henri Gougaud, Leloup le conteur philosophe CJean-Yves Leloup A l b i n M i c h e l Numéro 32 – automne 2011 LIRE PAGE 16 Hommage à Lucien Jerphagnon P. 4 Musulmans d’Europe,

16 L’Homme en Question � AUToMNE 2011

Vous venez de découvrir L’Homme en Question � � �

… et vous souhaitez le recevoir chez vous, merci de nous retourner ce coupon (seulement si vous n’êtes pas déjà abonné)Je souhaite recevoir L’Homme en Question � par courrier � par mail

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ALBin MiChEL, 22 rue huyghens, 75014 Paris – Tél. : 01 42 79 10 92 – Fax : 01 43 27 21 58 – www.albin-michel.frRédaction : Jean Mouttapa, éditeur ; Julien Darmon ; Anne-Sophie Jouanneau – Coordination : Gil Rousseaux – Maquette : Caractère B.

«L a révélation de ce qui arrive, de ce qui vient,peut être vue dans différentes lumières, etc’est à un regard ni résigné ni effrayé de-

vant les événements que nous invite l’Apocalypse deJean. Ne voir et ne prédire que des catastrophes nemérite pas le nom d’Apocalypse, c’est une révéla-tion tronquée : l’affirmation de la nuit sans l’affirma-tion de l’aurore. Cela nous enferme dans les déter-minismes de « ce qui est » sans nous ouvrir à sespossibles. Il y a deux révélations dans le livre de l’Apo-calypse : la révélation du diabolique et la révélationdu symbolique. Révélation du dia-bolos, « ce qui sejette entre » dia, ce qui « divise », déchire, détruit,épuise, consomme et consume. Révélation de ce quioppose les hommes entre eux, les sépare de l’uni-vers et de son origine. À côté de cette révélation dudiabolique, il y a une révélation du symbolon, ce quitient les deux, ce qui est fait (bla) avec (sym) : la dua-lité ensemble, archétype de la synthèse. Certains mé-dias sont les témoins d’une vision « diabolique » desévénements, ils insistent sur les guerres, catastrophes,menaces écologiques ou autres, ce qui n’est qu’unepartie de la réalité. Ils ne témoignent que rarement

d’une vision symbolique des événements, de la sa-gesse que découvre l’homme à partir de sesépreuves, de l’Amour inconditionnel, désintéressé quipeut naître au moment même où il perd tout. (…)

la questiOn à affrOnter, c’est ce que notre imagi-nation fait de notre abîme ou de notre néant : le lieude manifestation de la vie (consciente, aimante, libre)

qui se donne ? ou bien le lieu où rien n’est donné,où tout est englouti, le lieu de résorption de toute vie(consciente, aimante, libre) ? Faisons-nous de l’Apo-calypse une « révélation » de la Réalité (et de la vé-rité qui est notre adéquation ou assentiment à ceRéel manifesté) ? ou faisons-nous de l’Apocalypseune catastrophe, une destruction définitive de ce quenous prenions pour la réalité ? » �

Jean-Yves Leloupnous révèle une autre Apocalypse

BIBLE

« L’Apocalypse »… Plus qu’un titre :

un slogan, un programme, pour

beaucoup une menace. Du dernier livre

de la Bible chrétienne, on ne retient

généralement que cette promesse

d’une « fin du monde » que l’on redoute

aujourd’hui autant qu’on l’espérait hier,

au Moyen Âge ou encore à l’ère

du christianisme naissant et persécuté.

Pourtant, une autre lecture

de l’Apocalypse de Jean est possible :

moins fantasmagorique sans doute,

mais aussi plus profonde,

plus proche du Vrai dont elle se veut

littéralement la Révélation ultime.

À travers sa traduction radicalement

nouvelle et son commentaire

systématique, Jean-Yves Leloup nous

invite à en découvrir la clarté.

Extraits de son introduction,

« L’Apocalypse aujourd’hui ».

© D

.R.

L’Apocalypse de JeanJean-Yves Leloup336 pages, 20 €