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LA VICTIME DU CORRIDOR (Scènes populaires) de Henry Monnier SCÈNE PREMIÈRE THEODORE, OLYMPE OLYMPE. — Bonjour, Théodore; vous voilà déjà levé! je croyais être la première de la maison sur pied. THEODORE. — Oh ! non, bien sûr que c'est toujours moi. OLYMPE. — Vous êtes bien matinal ? Il y a cependant de la lumière bien tard dans vot'chambre. THEODORE. — Vous y regardez donc, mam'selle ? vous y regardez donc ? OLYMPE. — Vous le savez bien... Mais il ne faut pas veiller si tard, vous vous ferez mal, vous ne dormez pas assez, ça n'est pas raisonnable. THEODORE. — Je ne dors pas du tout. OLYMPE. — Ah ! monsieur Théodore, j'ai bien du chagrin. THEODORE. — Et moi donc ! OLYMPE. — Maman ne veut pas tant seulement entendre parler de vous. THEODORE. — Ah ! mam'selle Olympe, si elle savait comme je vous aimerais !... combien je vous rendrais heureuse ! OLYMPE, — Elle dit comme ça que vous ne valez pas mieux que les autres. THEODORE. — Qu'est-ce que vous lui répondez, vous ? OLYMPE. — Je n'ose pas vous le dire... THEODORE. — Dites-le, mam'selle, dites toujours ! T'nez, v'là que l'rouge vous monte au visage... dites-le... OLYMPE. — Théodore ! THEODORE. — Olympe ! ô Olympe !... Hein ? dites-le. OLYMPE. — Que... je... THEODORE. — Allez toujours... ô Olympe... que vous... allez, allez... que vous... OLYMPE. — Je vous aime bien ! THEODORE. — Ah ! vrai !... vrai ! hein ? parole d'honneur ? OLYMPE. — Oui, Théodore. THEODORE. — Oh ! pleurez pas, Olympe, pleurez pas, j'ai de l'espoir... Hier encore mon bourgeois m'a dit, dit-y : «Théodore, t'es t'un bon enfant, mais t'es triste. — Moi, triste ! que j'dis. — Oui, dit-y, qui dit, t'as quet'chose... — En de quoi ? que j'dis. — En de ce que, dit-y, qui dit, que je ne me trompe pas... tu aimes quelqu'un... — Dites quelqu'une, que j'dis, que j'aime... Ah ! monsieur Chamoiseau, que j'aime... que j'n'en dors ni que j'n'en mange; que j'ne fais que pleurer tant que l'jour dure et la nuit aussi. — Eh ben ! mon garçon, qui m'dit, dit-y, qui m'dit, c'est-il une personne dont auquel qu'on peut dire c'est bien ? — Qu'on peut dire que c'est trop bien, monsieur Chamoiseau, que j'réponds. — Eh ben ! j'm'en charge, qui dit. La personne t'aime-t-elle ?... Je réponds : Je l'ignore...» Je l'ignorais, mam'selle Olympe, je l'ignorais; mais t'nez, t'nez... tapez-la ! nous serons l'un à l'autre, n'est-ce pas?... allez, l'un à l'autre... Ah ! c'est trop, c'est trop... j'en perdrai la tête, c'est sûr... Olympe ! ô Olympe ! (On entend MADAME BADOULARD appeler OLYMPE.)

Henry Monnier La Victime Du Corridor

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LA VICTIME DU CORRIDOR(Scnes populaires)deHenry MonnierSCNE PREMIRETHEODORE, OLYMPEOLYMPE. Bonjour, Thodore; vous voil dj lev! je croyais tre la premire de la maison sur pied.THEODORE. Oh ! non, bien sr que c'est toujours moi.OLYMPE. Vous tes bien matinal ? Il y a cependant de la lumire bien tard dans vot'chambre.THEODORE. Vous y regardez donc, mam'selle ? vous y regardez donc ?OLYMPE. Vous le savez bien... Mais il ne faut pas veiller si tard, vous vous ferez mal, vous ne dormez pas assez, a n'est pas raisonnable.THEODORE. J e ne dors pas du tout.OLYMPE. Ah ! monsieur Thodore, j'ai bien du chagrin.THEODORE. Et moi donc !OLYMPE. Maman ne veut pas tant seulement entendre parler de vous.THEODORE. Ah ! mam'selle Olympe, si elle savait comme je vous aimerais !... combien je vous rendrais heureuse !OLYMPE, Elle dit comme a que vous ne valez pas mieux que les autres.THEODORE. Qu'est-ce que vous lui rpondez, vous ?OLYMPE. Je n'ose pas vous le dire...THEODORE. Dites-le, mam'selle, dites toujours ! T'nez, v'l que l'rouge vous monte au visage... dites-le...OLYMPE. Thodore !THEODORE. Olympe ! Olympe !... Hein ? dites-le.OLYMPE. Que... je...THEODORE. Allez toujours... Olympe... que vous... allez, allez... que vous...OLYMPE. Je vous aime bien !THEODORE. Ah ! vrai !... vrai ! hein ? parole d'honneur ?OLYMPE. Oui, Thodore.THEODORE. Oh ! pleurez pas, Olympe, pleurez pas, j'ai de l'espoir... Hier encore mon bourgeois m'a dit, dit-y : Thodore, t'es t'un bon enfant, mais t'es triste. Moi, triste ! que j'dis. Oui, dit-y, qui dit, t'as quet'chose... En de quoi ? que j'dis. En de ce que, dit-y, qui dit, que je ne me trompe pas... tu aimes quelqu'un... Dites quelqu'une, que j'dis, que j'aime... Ah ! monsieur Chamoiseau, que j'aime... que j'n'en dors ni que j'n'en mange; que j'ne fais que pleurer tant que l'jour dure et la nuit aussi. Eh ben ! mongaron, qui m'dit, dit-y, qui m'dit, c'est-il une personne dont auquel qu'on peut dire c'est bien ? Qu'on peut dire que c'est trop bien, monsieur Chamoiseau, que j'rponds. Eh ben ! j'm'en charge, qui dit. La personne t'aime-t-elle ?... J e rponds : J e l'ignore... J e l'ignorais, mam'selle Olympe, je l'ignorais; mais t'nez, t'nez... tapez-la !nous serons l'un l'autre, n'est-ce pas?... allez, l'un l'autre... Ah ! c'est trop, c'est trop... j'en perdrai la tte, c'est sr... Olympe ! Olympe !(On entend MADAME BADOULARD appeler OLYMPE.){C0A8C59F-6E8F-43c4-8453-65D208276F40}{5C4B5AE7-B6F7-4C0D-9A88-EA96F4A84F8E}{C0A8C59F -6E8F-43c4- 8453-65D208276F40}OLYMPE. Ah ! mon Dieu ! c'est maman qui m'appelle ! Adieu, Thodore.THEODORE. Quoi dj ?...OLYMPE. Maman va me gronder... Voit-on que j'ai pleur?... Mon Dieu, mon Dieu ! que a me fait de mal !THEODORE. Et moi donc !... Mais quel bien aussi !OLYMPE. Adieu !(Elle s'loigne en lui envoyant un baiser. THEODORE lui rpond en lui en envoyant une douzaine.)SCNE II THEODORETiens, tiens... bonne Olympe... trsor, va... J e ne sais pas, vraiment, c'est que je dors... Non... non... je ne dors pas du tout... quel bonheur!SCNE IIITHEODORE, M. LASSERRE, une tasse la main.THEODORE. Bonjour, monsieur Lasserre.M. LASSERRE. Monsieur Thodore, je suis bien votre serviteur.THEODORE. Ah ! monsieur Lasserre, si vous saviez ce qui m'arrive !M. LASSERRE. Est-ce quelque chose... qui... que .?...THEODORE. Ce n'est rien de tout a; mais, non... non... non... monsieur Lasserre, ce n'est rien...M. LASSERRE. Ce sera alors comme vous voudrez, monsieur Thodore, comme vous voudrez... J 'aurais besoin, mon cher monsieur, d'une nouvelle petite tablette dans mon alcve.THEODORE. Vous l'aurez, monsieur Lasserre... vous en aurez bien d'autres, si vous voulez; vous en aurez, des tablettes, tant que vous en voudrez, des tablettes !M. LASSERRE. Laissez-moi parler... J e ne vous en demande et n'en ai rellement besoin que d'une seule, de deux pouces moins longue que la dernire... Ce serait dimanche.THEODORE. Dimanche... lundi... mardi... qu'est-ce que a me fait moi, prsent ?M. LASSERRE. a me fait mieux le dimanche.THEODORE. Voulez-vous ce soir ?,M. LASSERRE. J 'aime mieux, je vous dis, le dimanche... J e n'ai pas encore fait mes dispositions... Mais, quelle heure est-il donc ? J e me suis levde bien bonne heure, que vous voil encore ici ?THEODORE. C'est moi qu'est en retard aujourd'hui... je monte ma chambre chercher mon djeuner, et j'm'en vas... Ah ! monsieur Lasserre, quel bonheur!... Bien le bonjour !M. LASSERRE. Votre serviteur, de tout mon cur.THEODORE. Sans adieu.(Il sort.)M. LASSERRE. Au plaisir... Mais qu'est-ce qu'il a donc, ce jeune homme ?... Il est fou !... il a failli vingt fois jeter ma tasse terre... Allons, la laitire sera peut-tre partie... Diable de jeune cervel, va !...(Il sort.)SCNE IV MADAME BADOULARD, OLYMPEMADAMEBADOULARD. C'est comme vous voudrez, mademoiselle; mais de la vie vous n'pouserez vot'amoureux.OLYMPE. Mais, maman...MADAMEBADOULARD. Quand je dis une chose, a doit vous suffire, mademoiselle; c'est un jeune homme de rien, qu'on ne sait d'o qui sort, ni d'o qu'il est, et que je suis pas curieuse que ma fille pouse un intrus, un jeune homme sans prdcesseurs.OLYMPE. Prdcesseur !...maman...lui, prdcesseur, M. Thodore?MADAMEBADOULARD. Oui, mademoiselle... le mot, d'abord, n'est pas de moi, c'est de mame Potain, qui veut vot'bonheur et qui n'est pas d'avis de ce mariage-l.OLYMPE. Mais, maman, qu'est-ce que a fait madame Potain ? n'y a rien sur le compte de M. Thodore. MADAMEBADOULARD. Il y a encore moins sur le compte demame Potain, mademoiselle; c'est une personne qu'on est trop heureuse d'avoir dans une maison; car, enfin, faut tre juste et de bon compte : qui est-ce qui est plus dans la maison que mame Potain ? une femme, comme elle le dit elle-mme, au-dessus de son tat, leve dans une trs grande maison, chez les Montigny, et qu'elle a raison quand a dit que c'est un jeune homme que ses parents il ne les connat pas lui-mme. Si dfunt vot'pre vivait encore, mademoiselle, croyez-vous qui serait flatt de vous voir dans des ides pareilles, le pauv'cher homme ?OLYMPE. Mais, maman, M. Thodore, depuis qu'il est dans la maison, qu'est-ce qu'on peut y reprocher ?MADAMEBADOULARD. Comment, qu'est-ce qu'on peut y reprocher ?... Un jeune homme qu'est toujours seul chez lui, qui rentre aprs sa journe, qui n'est jamais avec personne, et qui s'est mis crire depuis quelque temps tous les soirs; a ne peut tre enfin... qu'un... Vous tes trop jeune pour que je vous le dise.OLYMPE. Maman !MADAMEBADOULARD. Allons, mademoiselle, ne restez pas devant moi, comme une momie, que je vous dis; ou nous verrons !... Allez voir chez vot'matresse si j'y suis, je saurai ce que vous y ferez, prenez-y garde.SCENE VTHEODORE, MADAME BADOULARD.THEODORE. Bon ! v'l sa mre, ne disons rien.MADAMEBADOULARD. Vous voyez,monsieur Thodore, c'est vous qu'est l'auteur que ma fille, depuis que vous tes dans la maison, est toujours pleurnicheuse.THEODORE. De quoi ! de quoi ! moi ?MADAMEBADOULARD. Oui, vous y avez tourn la tte, c'te jeunesse.THEODORE. Ah ben ! par exemple, moi... moi, la faire pleurer...MADAMEBADOULARD. Quelles sont vos intentions, monsieur? je demande les connatre.THEODORE. Mes intentions, madame, sont les vtres; je ne suis pour gner d'aucune faon qui ce soit.MADAMEBADOULARD. Eh bien ! mes intentions, moi, sont que vous n'aurez pas ma fille. THEODORE. Mais pourquoi ?MADAMEBADOULARD. Parce que... j'ai mes raisons. THEODORE. J e frquente vot'demoiselle; elle me plat. Si je lui conviens, je suis compagnon, elle est couturire : dfunt M. Badoulard tait compagnon, eh ben ! moi, je suis compagnon. Tous compagnons !MADAMEBADOULARD. Eh ben ! qu'est-ce que a prouve ? THEODORE. Eh ben !MADAMEBADOULARD. J 'ai mes raisons; laissez-moi tranquille !THEODORE. Mais on en dit une, madame Badoulard ; on en ditune, de raison.MADAMEBADOULARD. Tenez, laissez-moien repos; je ne veux pas vous en dire, moi; je n'suis pas faite pour vous obir... je n'suis pas votre domestique; c'est vrai, a, et vous me ferez le plaisir de rester chez vous !(Elle sort.)SCNE VITHEODOREBon ! bon ! a va bien !... Eh ben ! me v'l propre, moi ! C'est pour le coup que les autres, l-bas, ils vont rire... ils vont rire, les compagnons... Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! Mais qu'est-cequi lui aura tourn la tte, c'te mre Badoulard ? C'tait bien la peine de me perfectionner lire, crire; a m'a bien avanc. O Olympe, va ! C'est qu'y n'y a pas dire, l, je n'mange, je n'bois plus... je me dpris... Si c'tait par hasard... p't'tre bien... oh ! non, pas possible... Ah ! les femmes ! les femmes !SCNE VIITHEODORE, MADAME POTAIN MADAMEPOTAIN. Bonjour, Thodore; vous passez bien fier, ce matin !THEODORE. J e n'passe pas, mame Potain... J 'reste, au contraire, bien dsol, allez...MADAMEPOTAIN. Qu'est-ce que vous avez donc ? Fectivement, vous avez la physionomie toute je ne sais comment.THEODORE. On l'aurait moins... J 'ai du chagrin, mame Potain, et un fier, de chagrin.MADAMEPOTAIN. Contez-moi a, Thodore; seriez-vous amoureux ?THEODORE. Comme une bte !MADAMEPOTAIN. N'y a pas de mal a, Thodore, n'y a pas de mal a; et c'est-y de quelqu'un que a puisse concider avec vous ?THEODORE. Oh ! trop concider, pour mon malheur!MADAMEPOTAIN. Vraiment ? a serait-il dans la maison ?THEODORE. La porte ct de la vtre, n'y a que le plomb qui vous spare.MADAMEPOTAIN. Comment... c'est possible ! la petite ma voisine !THEODORE. Vous y tes... Vous l'saviez, hein ! vous l'saviez ? parole d'honneur !MADAMEPOTAIN. C'est la premire nouvelle... comme il n'y a qu'un Dieu !THEODORE. Hein !... est-elle belle ! l'est-elle assez ! MADAMEPOTAIN. Elle n'est pas mal. THEODORE. Vous appelez a pas mal, vous ! MADAMEPOTAIN. Ecoutez, Thodore, coutez-moi... je connais ces positions, moi qui vous parle. THEODORE. Vous !MADAMEPOTAIN. Oui... malheureusement, j'ai t aime, telle que vous me voyez... THEODORE. Vraiment !MADAMEPOTAIN. Trs aime, pour mon malheur, sans jamais pour celaavoir drog de mes principes, je vous prie de le croire... J e connais le monde... On n'a pas t pendant ving-deux ans dans une maison qu'on avait les clefs de tout, et qu'on y tait comme considration, agrment...enfin... que je puis dire encense et tout... que jeme crois pouvoir donner des conseils. Thodore... vous tes jeune ! THEODORE. C'est-il un mal ! MADAMEPOTAIN. C'est pas un mal, non... mais vous n'avez pas mon exprience. THEODORE. Qu'est-ce qu'elle vous prie de me dire, votre exprience ?MADAMEPOTAIN. Tenez, Thodore, madame Badoulard est une bonne femme que j'aime de tout mon cur; je suis bien loin de rien articuler contre elle; sa demoiselle est bonne ouvrire, bien sage,bien honnte, bien tout; mais faut y regarder deux fois, quand on entre dans une famille. THEODORE. J 'y ai regard plus que a.MADAMEPOTAIN. Ecoutez-moi, ce que je vous dis ne dois pas sortir d'ici...Mam'selle Olympe, comme je vous disais l'heure, est une jeune personne qu'est trs douce, qu'un mari qui saura la prendre en fera tout ce qui voudra... THEODORE. Ah ! oui, par exemple!... pauv' petite ! MADAME POTAIN. Tout ce qui voudra... Il y a longtemps que je la connais; je l'ai vue pas plus haute que la petite l'picier... M. Sauvageot, et certainement je suis mme de l'apprcier mieux que qui que ce soit... Lorsque les malheurs sont venus fondre sur moi; lorsque je fus force de quitter, jeune encore, la mort de M. de Montigny, un monde si brillant qui avait pour moi tant de charmes; lorsque son fils an, Alfred de Montigny, m'exila de sa maison... ce que n'aurait jamais fait son frre... car il tait excellent; il boitait; mais quel cur! il s'y serait bien oppos mon expulsion, s'il avait vcu... J e dus donc quitter la maison; seule, sans exprience, jeune encore, je dus quitter ces lieux o j'avais t chrie, adore, j'ose le dire, de ce bon, de ce vertueux M. de Montigny. Orpheline... sans appui dans le monde... je me mariai... J e chargeai un homme de mon bonheur. Mon mariage ne fut point heureux : M. Potain tait d'une classe au-dessous de la mienne; il tait artiste, je l'levai jusqu' moi...THEODORE. On disait un perruquier.MADAMEPOTAIN. Artiste en cheveux... Son moral ne rpondait que bien faiblement son physique. M. Potain tait ombrageux, despote; je le comparai un premier attachement... il ne put soutenir la comparaison. Je passai mes plus belles annes, avec ce Potain, dans les larmes, lorsque le ciel, qui eut piti de moi, l'enleva; je m'en sparai encore avec peine, car les femmes sont toujours plus sensibles que vous, Thodore.THEODORE. Que moi, mame Potain !MADAMEPOTAIN. J e parle en gnral. J e vins donc, cette poque, avec les dbris de ma fortune, habiter cette maison; je trouvai, au milieu des bonnes gens qui l'habitaient alors, le calme et la tranquillit dont j'avais besoin aprs de si violentes secousses; puis j'ai fait des rflexions, Thodore, rflexions dont je crois devoir faire part tous ceux, qui, comme vous, veulent s'engager, trop inconsidrment peut-tre, dans des liens indissolubles...THEODORE. Mais, madame, en quoi que a peut concerner mam'selle Olympe, tout a !MADAMEPOTAIN. En ce qu'Olympe est encore bien jeune; son ducation a t nglige.THEODORE. En de quoi nglige, mame Potain ?MADAMEPOTAIN. En de ce qu'elle n'est pas encore, je crois, dans votre intrt, assez forme au mnage et la tenue d'une maison; voil comme je l'entends... Tandis que je crois, toujours entre nous au moins...THEODORE. Parbleu ! c'te btise !MADAMEPOTAIN. Que je crois, qu'une personne plus faite... connaissant mieux lemonde, pourrait(cen'est toujours qu'une supposition), ayant dj quelque chose devant elle... d'un ge raisonnable, serait peut-tre mieux votrefait... En regardant autour de vous, vous pourriez trouver peut-tre... ce n'est toujours qu'une supposition...THEODORE. Ah! bien... bien...MADAMEPOTAIN. Vous comprenez ?...THEODORE. Oui, oui, je commence.MADAMEPOTAIN. Serait bien mieux votre fait.THEODORE. Serait-elle mieux mon fait ?MADAMEPOTAIN. Sans doute.THEODORE. (Je te vois venir.) Je verrai, mame Potain... je verrai... Comme a vous croyez rellement...MADAMEPOTAIN. Oui, cher ami.I nroDORE. (Son cher ami... Bon ! tu veux tre aime.) J e verrai, comme je vous disais... j'y rflchirai, mame Potain... Sans adieu, mame Potain... au revoir, mame Potain...(Il sort.)SCENE VIII MADAME POTAIN.Sans adieu, Thodore... Il est mu... c'est si neuf... pauvre jeune homme... Quel pied de nez pour madame Badoulard et son Olympe, s'il venait se retirer !... la petite surtout, la petite sotte... C'est qu'il n'en est pas fou, on voit a : il s'est adress elle, c'est un prtexte; car c'est pas la personne qui lui convient... Mais je me trompe pas, n'est-ce pas ce Lasserre qui vient l-bas ? Quand donc la maison sera-t-elle dbarrasse des gens de son espce !SCNE IX MADAME POTAIN, M. LASSERRE.MADAMEPOTAIN. Voil monsieur Lasserre qui revient de son lait.M. LASSERRE. Comme vous voyez, madame, si a peut vous tre agrable.MADAMEPOTAIN. Ah ! vous tes bien heureux de votre caractre, vous... Le monde, aujourd'hui pour demain, serait renvers, que a vous serait encore bien infrieur; mais, voyez-vous, quand on a t, comme moi, quelque chose dans le monde, on a bien du mal descendre... et monter un sixime compos comme le ntre, on ne peut pas souffrir sans se plaindre.M. LASSERRE. Mais, madame Potain, qu'est-ce que vous avez donc gmir comme a ?... Pourvu que l'escalier ne soye pas trop embarrass le matin pour que je puisse aller chercher mon djeuner; que le chaudronnier ait fini sa journe neuf heures, et que les enfants de la voisine ne rentrent pas trop tt, je suis le plus heureux des hommes.MADAMEPOTAIN. Ah ! monsieur Lasserre... avec un caractre comme le vtre on est bien partag; chez vous, les passions n'ont jamais t bien vives...M. LASSERRE. Et j'en suis bien aise...MADAMEPOTAIN. C'est--dire que les personnes comme moi sont du dernier ridicule...M. LASSERRE. J e ne dis pas a, madame Potain.MADAMEPOTAIN. J 'aimerais bien mieux que vous eussiez la franchise de me le dire; vous n'avez donc pas de sang dans les veines !... Nous ne sommes pas faits l'un comme l'autre.M. LASSERRE. Faut croire.MADAMEPOTAIN. Puisque je vous trouve sous ma coupe, que je vous dise tout ce que j'ai vous dire... Vous savez qu'il a t dcid avec ces dames qu'il ne fallait plus prendre de lait la laitire.M. LASSERRE. Pourquoi a ?MADAMEPOTAIN. C'est convenu avec elles.M. LASSERRE. Pourquoi a ?MADAMEPOTAIN. Pourquoi a ? monsieur Lasserre, pourquoi a ? parce que a ne serait pas dcent...M. LASSERRE. Vraiment.MADAMEPOTAIN. Certainement, monsieur; une femme qu'a commenc avecque rien, et qu'est prsentement pleine de hauteur, insolente, qui y a pas dans le monde sa pareille, faut la laisser l... Ah ! vous voulez toujours la voir ?M. LASSERRE. J e ne dis pas cela; mais, madame, je ne peux pas changer comme a d'un jour l'autre ma manire de vivre, parce que vous tes brouille avec la laitire.MADAMEPOTAIN. Ah ! vous ne le pouvez pas... c'est--dire que je suis ridicule... que je ne sais ce que je veux, ni ces dames non plus, n'est-ce pas ?M. LASSERRE. J e ne dis pas cela.MADAMEPOTAIN. Que nous sommes des sottes et des bgueules ?M. LASSERRE. Madame !MADAMEPOTAIN. Des idiotes et des imbciles ?M. LASSERRE. Madame !MADAMEPOTAIN. Eh bien ! monsieur, puisqu'il en est ainsi, vous me ferez l'amiti, ds aujourd'hui, de rentrer votre petit fourneau dans votre chambre, qu'il encombre le carr... de ne plus faire de jardin sur votre croise, que a fatigue le toit, et de ne plus compter sur vos voisins.M. LASSERRE. Mais madame ?MADAMEPOTAIN, sanglotant. J e n'coute rien... monsieur... D'aprs tout ce que vous venez de me dire... vous tes un impertinent...M. LASSERRE. Madame !MADAMEPOTAIN. Un mal-appris...M. LASSERRE. Madame ! MADAMEPOTAIN. Un menteur.M. LASSERRE. J e n'ai pas profr une seule parole.MADAMEPOTAIN. Vous tes un homme dangereux... Dans le temps vous avez perdu votre place, on ne sait trop pourquoi.M. LASSERRE. Supprim... madame.MADAMEPOTAIN. C'est faux... encore un mensonge atroce... vous sortez tous les jours de grand matin.M. LASSERRE. C'est pour ma sant.MADAMEPOTAIN. C'est un prtexte.M. LASSERRE. Mais, madame !MADAMEPOTAIN. Laissez-moi, laissez-moi... ne m'approchez pas...M. LASSERRE. Mais, au nom du ciel !...MADAMEPOTAIN. Oui, vilain tre... oui, certainement, j'aurais une demoiselle qu'elle ne serait pas en sret chez toi.M. LASSERRE. Au nom du ciel !MADAMEPOTAIN. Tu fais la cour la petite madame Badoulard.M. LASSERRE. Moi !... ah ben ! par exemple !MADAMEPOTAIN. Et puisque tu m'a pousse bout, je m'en vais dvoiler toutes tes turpitudes... toutes tes infamies. Ah ! coureur, nous verrons, nous verrons...M. LASSERRE. Madame ! un mot, de grce !MADAMEPOTAIN. J e me boucheles oreilles... Sans adieu, vilain homme, tu vas avoir de mes nouvelles... Ah ! tu tiens ta laitire ! il t'en cuira !(Elle sort.)SCNE XM. LASSERRE.Mais qu'est-ce qui lui prend donc, mame Potain? qui est-ce qui a pu l'indisposer contre moi ?... je ne me rappelle pas avoir profr une seule parole... qui ait pu la fcher; j'ai beau me rsumer... Voil, dans la discussion, que j'ai renvers mon djeuner... Mon Dieu ! la vilaine femme, qu'elle me fait de mal ! moi qui aime tant la tranquillit; qu'est-ce qu'elle veut donc que je devienne me tourmenter comme a ?... Elle m'a menac de faire rentrer mon fourneau dans ma chambre, mais je n'ai en vrit pas de place, moins de le poser sur mon lit ousur ma commode... et mes capucines... Mon Dieu !... mon Dieu... que vais-je devenir ? j'en perdrai la tte.SCNE XI M. LASSERRE, MADAME BADOULARD.MADAMEBADOULARD. Ah ! vous voil, monsieur. J 'en apprends de belles sur votre compte... n'tes-vous pashonteux votre ge !M. LASSERRE. A l'autre prsent !MADAMEBADOULARD. C'est une abomination !... c'est affreux !M. LASSERRE. Qu'est-ce que j'ai fait, madame ?MADAMEBADOULARD. Mais a ne se passera pas comme a; non, monsieur.M. LASSERRE. Mais qu'est-ce qu'il est donc arriv ?MADAMEBADOULARD. J e connais maintenant toutes vos manuvres.M. LASSERRE. Mes manuvres ?MADAMEBADOULARD. Vous, monsieur Lasserre, qu'on regardait dans la maison, depuis quinze ans, comme un saint...M. LASSERRE. On tait bien bon dans la maison.MADAMEBADOULARD. Et se conduire ainsi ... Si dfunt mon mari vivait encore, a ne se passerait pas comme a.. mais moi, pauvre femme !... (Elle pleure.) Ma pauvre fille! va, tu es bien plaindre !M. LASSERRE. Mais qu'est-ce que c'est ?...MADAMEBADOULARD. Comment, qu'est-ce que c'est ! N'avance pas, malheureux, je t'arrache les yeux. Tu le sauras, ce que c'est, misrable !...M. LASSERRE. Madame Badoulard, je vous en prie, dites-moi ce que j'ai donc fait ?MADAMEBADOULARD. Ne reparaissez jamais devant moi... intrigant !... Sortez d'ici...M. LASSERRE. J e saurai peut-tre un jour... mon Dieu! mon Dieu !(Il sort.)SCNE XII MADAME BADOULARD, MADAME POTAIN.MADAMEBADOULARD. Ma pauvremadame Potain ! que vous tes heureuse de ne pas avoir d'enfant! vous n'tes pas expose tous ces chagrins-l...MADAMEPOTAIN. Croyez pas, j'ai aussi les miens. Quand on est aussi aimante que je la suis, chaquepas on voit des choses qui vous percent lecur. Croyez-vousque la confidence que je viens de vous faire ne m'ait pas navre ? voir une jeune personne, que j'ai pour ainsi dire leve, tre aussi malheureuse !MADAMEBADOULARD. Mais ce sclrat de Lasserre a donc sduit Olympe ?MADAMEPOTAIN. J 'ai tout lieu de le croire... pareille chose est arrive dans le temps chez les Montigny.MADAMEBADOULARD. Mais ce petit Thodore ?MADAMEPOTAIN. Un lve de ce sclrat-l.MADAMEBADOULARD. Mais il ne l'aime donc pas !MADAMEPOTAIN. J e crains plus que jamais, d'aprs l'explication que j'ai eue ce matin avec lui, qu'il ne soit que l'instrument de ce vieux Lasserre.MADAMEBADOULARD. Comment?MADAMEPOTAIN.Vous saurez tout un jour, madame... Malheureux jeune homme ! pauvre jeunesse !MADAMEBADOULARD. Mais comment diable tout a s'est-il donc arrang ?MADAMEPOTAIN. Ma dlicatesse m'empche de vous donner, quant prsent, aucun dtail; me faut, avant tout, saisir les fils de cette pouvantable machination.MADAMEBADOULARD. Machination ! Ah ! mame Potain, machination !... je n'y survivrai pas, c'est sr... Une enfant que j'ai leve, que rien n'tait trop cher pour elle; et se conduire comme a !... Ah ! malheureuse... moi qui t'aimais tant... tu ne priras que de ma main ! sois paisible.MADAMEPOTAIN. L'amiti vous gare... Tenez, la voil justement qui monte l'escalier.MADAMEBADOULARD. Laissez-moi !MADAMEPOTAIN. Calmez-vous, au nom du ciel ! descendez chez le propritaire.MADAMEBADOULARD. Oui, que j'y descendrai !MADAMEPOTAIN. Contez-lui tout ce qui en est, et rendez la socit le service de faire sortir d'une maison respectable un tre comme celui-l. MADAME BADOULARD. Laissez-moi...MADAMEPOTAIN. Non, mame Badoulard, je ne le puis pas; allez trouver M. Chomel, je vous rejoins.(Mme Badoulard se retire.)SCNE XIIIMADAME POTAINAllons,maintenant dtachons la petite de son Thodore; car c'est piti de voir des gens de sa sorte avoir des volonts.SCNE XIV MADAME POTAIN, OLYMPE.MADAMEPOTAIN. Eh bien ! ma petite Olympe, on m'en veut donc toujours ?OLYMPE. Qui, moi, madame ?MADAMEPOTAIN. Oui, jele sais; papa Lasserre m'a tout cont.OLYMPE. Qui donc a pu y dire ?MADAMEPOTAIN. J e sais tout; et cela, pauv'petite, parce que peut-tre j'ai pris trop d'intrt vous. OLYMPE. Je vous en remercie, madame. MADAMEPOTAIN. Une enfant que j'ai vu lever, agir ainsi avec moi! je devrais vous laisser faire... vous laisser contracter avec Thodore... vous seriez bien heureuse avec lui !OLYMPE. Qu'est-ce qu'on peut avoir redire, madame, sur son compte ?MADAMEPOTAIN. Comment, mademoiselle, ce qu'on peut avoir dire ! quelle est sa famille, ce jeune homme ? o est-elle, o vit-elle?... dans quel dpartement, dans quelle ville ?... vous en a-t-il jamais ouvert la bouche ? OLYMPE. Vous m'effrayez.MADAMEPOTAIN. Eh bien ! mademoiselle, trouvez-moi encore mchante, mauvaise langue...trouvez encore que je me mle de ce qui ne me regarde pas, quand je cherche tout faire pour votre bonheur !...Qu'est-ce que ame fait moi ? J e n'ai besoin de personne...Dieu merci ! j'ai de quoi vivre... La famille des Montigny ne me laisserait pas danslapeine, certainement, jamais... J e ne dois rien qui que ce soit. OLYMPE. Oh ! madame, j'ai eu tort de vous souponner.MADAMEPOTAIN. Non, je suis une mchante...sans moi, votre mre vous aurait renvoye de chez elle; c'est moi qui s'oppose votre mariage, c'est de ma faute si vous voulez pouser un jeune homme contre lequel je n'ai aucun reproche faire, il est vrai, mais qui n'appartient personne... etqui peut-tre fait semblant de vous aimer... J e quitte cette maison, je la quitterai; je ne veux plus avoir affaire des ingrats; j'aimerais mieux vivre au fond d'un bois, et j'irai au fond d'un bois; oui, j'irai, j'irai, et je serai plus heureuse avec des animaux sauvages. OLYMPE. Madame !...MADAMEPOTAIN. J e ne veux plus me mler de rien... Ah ! M. Lasserre, que vous aviez donc raison...OLYMPE. C'est donc M. Lasserre...MADAMEPOTAIN. Non, ce n'est pas lui, c'est personne... Pauvre cher homme !OLYMPE. C'est lui, madame, c'est lui...MADAMEPOTAIN. Vous ne l'aimez donc pas ?OLYMPE. Moi !...MADAMEPOTAIN. Venez, chre amie; venez un instant; je vais tout vous dire... Le voil qui sort de sa chambre; il ne faut pas qu'il me voie.SCNE XVM. LASSERRE. (Il a dans bes mains sa caisse de capucines.)J e ne sais pas vraiment ce que je vais faire de mon fourneau; je n'ai pas de place dans ma chambre... Si je le mets sur ma fentre, a aura le mme inconvnient que mes fleurs, et je n'y vois pas dj bien clair... comment faire ?... Mais qu'est-ce qui a pu tourner comme a la tte toute la maison contre moi ?... J e ne profre pas le mot, je suis honnte avec tout le monde, je n'ai jamais rpandu une goutte d'eau dans l'escalier, je suis tous les jours couch la retraite... je ne reois personne... je n'ai pas d'enfants... du moins je crois bien n'en plus avoir... car cette malheureuse pense me poursuit toujours... Ah! Lasserre... si vous avez aussi des folies vous reprocher, vous les expiez cruellement !SCNE XVIM. LASSERRE, THEODORETHEODORE. Qu'avez-vous donc, voisin ?M. LASSERRE. J e n'ai rien si vous voulez...THEODORE. Comment ! vous n'avez rien ? Mais si fait, vous avez... vous avez la tte je ne sais comment... Quoi qu'on vous a fait?... Quoi que vous voulez faire de votre petit jardin que vous avez l sous le bras ?M. LASSERRE. On me le dfend.THEODORE. Qui vous le dfend ?M. LASSERRE. Toute la maison... Faut que je rentre mon fourneau dans ma chambre... Vous me voyez le plus malheureux des tres...THEODORE. J e vous le dfends, moi!... donnez-le-moi, vot'jardin... donnez-le-moi...M. LASSERRE. Non... laissez, monsieur Thodore; il y va de mon repos, laissez... je ne souffrirais pas...THEODORE. Mais vous ne pouvez pas vivre comme a...M. LASSERRE. Ah ! j'ai bien du tracas.THEODORE. Et moi, donc !M. LASSERRE. Vous aussi?... vous tiez si heureux ce matin !THEODORE. Eh ben! oui... ce soir... c'est plus a. M. LASSERRE. J e reviens tout l'heure; je descends un instant...(MESDAMES BADOULARD, POTAIN et OLYMPE lui barrent le passage.)SCNE XVIILES PRCDENTS, MESDAMES BADOULARD ET POTAIN, TOUTES LES VOISINESMADAMEBADOULARD. Tenez, monsieur, voil votre cong en bonne forme; vous allez avoir vous en aller, et promptement.THEODORE. Pas possible; a ne peut pas tre ! comment ! lui, le plus brave homme de la terre !(M. LASSERRE, stupfait, laisse tomber terre sa caisse et ses capucines.)MADAMEPOTAIN, OLYMPE.Vous voyez s'ils se soutiennent.(OLYMPE pleure.)THEODORE. Eh ben ! qu'est-ce que vous avez donc, Olympe ? a vous fait de la peine, n'est-ce pas ?OLYMPE. Laissez-moi, monsieur, c'est abominable !THEODORE. Certainement, que c'est abominable !OLYMPE. Vous tes un monstre ! THEODORE. Qui a, moi ?OLYMPE. Oui, vous !... vous vous entendez ensemble. THEODORE. Entendons... pourquoi ? avec qui ? MADAME BADOULARD. Allons, monsieur, il faut s'expliquer; nous sommes ici entre nous; quelles sont vos intentions? THEODORE. J e vous les ai dites ce matin, mes intentions; je veux me marier.MADAMEBADOULARD. J e veux... je veux... J e n'veux pas, moi !... O sont vos papiers ?THEODORE. Mes papiers ? tenez, mes papiers... je les ai justement... M. Chamoiseau, mon bourgeois, me les a remis, mes papiers... les voil, mes papiers... Lisez-les, madame Potain...MADAMEPOTAIN. a ne me regarde pas, monsieur, je ne me mle jamais de ce qui ne me regarde pas... THEODORE. Lisez toujours, allez. MADAMEBADOULARD. Lisez... lisez... madame Potain. MADAMEPOTAIN, lit. L'an mil... etc... est comparu devant nous le sieur J ean-Stanislas-Eugne Beaudessous, et... Eustache-Philibert Bourson, demeurant Saint-Cloud... Ah! ciel ! je me meurs.(Elle tombe dans les bras des voisines.)THEODORE, continue. Ah! mon Dieu !... Et Georgette-Sraphine Bidois...M. LASSERRE. Bidois ! Ah ! Seigneur Dieu !THEODORE. Lesquels ont dclar un enfant du sexe masculin.MADAMEPOTAIN. Ah! ciel! qui aurait pu s'attendre ?... Viens, Thodore; viens, mon ami !THEODORE. Ah ! ben ! ah ! voil, d'une svre!MADAMEPOTAIN. Viens, mon cher fils... Oui, mesdames, oui, vous me voyez la plus heureuse des mres, des pouses... Ah ! monsieur Saint-Amand, vous m'tes donc rendu !M. LASSERRE. Moi, madame ! je ne suis pas li.MADAMEPOTAIN. J 'ai votre parole... vous tes son pre, je suis sa mre... Olympe, viens, ma fille, embrasse son pre... Tout, dsormais, doit tre oubli entre nous, cher Saint-Amand.M. LASSERRE. J e ne sais encore o j'en suis... Tous lesjours se suivent et ne se ressemblent pas, heureusement, car je sens bien que je ne pourrais pas y tenir.FIN