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HERBIER DE GUYANE La Montagne des Pères, vue de la Savane Matiti, (cliché H. Chevillotte) Jean-Jacques de GRANVILLE avec la collaboration de Françoise CROZIER & Hervé CHEVILLOTTE Contrat de consultance institutionnelle CR’EOLE/ IRD Siège : 44, bd de Dunkerque ; CS 90009 13572 Marseille cedex 02 Web : www.ird.fr L’IRD (ex-ORSTOM) est un établissement public à caractère scientifique et technologique Etude floristique d’état initial du site prévu pour l’implantation d’une batterie de 5 éoliennes, Savane Matiti (Guyane)

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HERBIER DE GUYANE

La Montagne des Pères, vue de la Savane Matiti, (cliché H. Chevillotte)

Jean-Jacques de GRANVILLE

avec la collaboration de

Françoise CROZIER & Hervé CHEVILLOTTE

Contrat de consultance institutionnelle CR’EOLE/ IRD

Siège : 44, bd de Dunkerque ; CS 90009 13572 Marseille cedex 02 Web : www.ird.fr

L’IRD (ex-ORSTOM) est un établissement public à caractère scientifique et technologique

Etude floristique d’état initial du site prévu pour l’implantation d’une batterie de 5 éoliennes, Savane Matiti (Guyane)

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HERBIER DE GUYANE

Etude floristique d’état initial du site prévu pour l’implantation d’une batterie de 5 éoliennes, Savane

Matiti (Guyane)

Jean-Jacques de GRANVILLE Directeur de Recherche à l’IRD

avec la collaboration de

Françoise CROZIER (IRD Cayenne) & Hervé CHEVILLOTTE (IRD Orléans)

Rapport final Contrat de consultance institutionnelle Cr’Eole / IRD

Septembre 2008

Siège : Le Sextan, 44 bd de Dunkerque ; CS 90009, 13572 Marseille cedex 02 – Web : www.ird.fr L’IRD (ex-ORSTOM) est un établissement public à caractère scientifique et technologique

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INTRODUCTION CONTEXTE L’HERBIER DE GUYANE et la BASE DE DONNEES « AUBLET 2 » qui lui est associée, sont des outils créés et gérés par l’IRD pour la connaissance et la valorisation de la biodiversité végétale dans la région des Guyanes. L’IRD a déjà effectué de nombreuses études d’impact et d’état initial dans le cadre de projets de développement et d’aménagement du territoire. Dans le cadre d’un projet d’implantation de cinq éoliennes dans la savane Matiti, destinées à la production d’électricité, la Société CR’EOLE (CAPITAL RENOUVELABLE EOLE) a confié à l’IRD une évaluation environnementale basée sur une étude floristique d’état initial des parcelles prévues pour l’implatation des machines et des voies d’accès à celles-ci (fig. 1), à savoir : .

• La caractérisation par leur physionomie des principaux habitats présents sur les sites concernés;

• L’ inventaire floristique succinct des principales espèces végétales présentes dans les groupements identifiés ;

• La mise en évidence des habitats et des plantes déterminantes (ex « patrimoniales »), ainsi que, le cas échéant, des espèces protégées par arrêté ministériel.

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Fig. 1 : localisation du projet WT1 à WT5 : emplacements des éoliennes (en vert) PR1 à PR15 : bornes de balisage du chemin d’accès (en jaune) Mat : mat de mesures (en rouge) (carte et données fournies par CR’EOLE)

COORD. EOLIENNES

UTM22 WGS84 UTM22 CGS67

X Y Altitude

(m) X Y WT1 323298 562349 4 323298 562236 WT2 323153 562583 3 323153 562470 WT3 323044 562832 3 323044 562719 WT4 322943 563085 3 322943 562972 WT5 322871 563347 3 322871 563234

Point Coordonnées UTM22 WGS 84

PR1 322831 562500 PR2 322894 562521 PR3 322950 562530 PR4 323028 562545 PR5 323094 562562 PR6 323157 562586 PR7 323175 562525 PR8 323200 562442 PR9 borne géomètre

323242

562417 PR10 323145 562672 PR11 angle clôture

323141

562750 PR12 323071 562798 PR13 322987 562952 PR14 323922 563160 PR15 323894 563268

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PERSONNEL PARTICIPANT Jean-Jacques de GRANVILLE (US 084, Département « Ressources Vivantes », Directeur de

Recherche II, Centre IRD de Cayenne) : études sur le terrain, déterminations, interprétation, synthèse et préparation du rapport.

Françoise CROZIER (US 084, Département « Ressources Vivantes », T.C.S., Centre IRD de Cayenne) : collecte d’échantillons sur le terrain et déterminations.

Hervé CHEVILLOTTE (US 084, Département « Ressources Vivantes »,I.R.1., Centre IRD d’Orléans) : photographies sur le terrain.

Patrick MARIE-ANGELIQUE (AJTR, Centre IRD de Cayenne) : collage et montage des collections d’herbier.

César DELNATTE (prestataire « DELNATTE BOTANICA») : enregistrement des données et des collections dans la base « AUBLET2 » de l’Herbier de Guyane.

METHODE DE TRAVAIL Une seule journée sur le terrain a permis une bonne approche des sites basée

sur la mise en évidence des formations végétales présentes sur le chemin d’accès aux sites entre les points PR1 et PR5 et sur les sites d’implantation des 5 éoliennes WT1 à WT5 (Fig. 1). Le repérage, la localisation et la typologie des principaux habitats et groupement végétaux ont été réalisés à partir de la physionomie de la végétation, du type de drainage et des espèces végétales dominantes et les plus caractéristiques. La quasi totalité du projet est située sur l’unité géomorphologique appelée « plaine côtière ancienne » de Guyane, formée de sables, de grès tendres fins ou grossiers et d’argiles multicolores déposées au cours de la transgression marine Quaternaire. La zone d’étude globale a été libellée comme suit dans la base de données AUBLET2 de l’Herbier de Guyane : « Savane Matiti : zone du projet d’implantation d’éoliennes (05° 05’ 15’’ N ; 52° 35’ 50’’ W) »

Cette zone d’étude globale est divisée en 7 sites méticuleusement prospectés :

CH : Chemin d’accès, entre les points PR1 (UTM22 WGS 84 : X 322831 ; Y 562500) et PR5 (UTM22 WGS 84 : X 323094 ; Y 562562), inventorié sur une largeur de 5 m minimum

WT1 : Site de la 1e éolienne (UTM22 WGS 84 : X 323298 ; Y 562349), carré de 16,7 m de côté WT2 : Site de la 2e éolienne (UTM22 WGS 84 : X 323153 ; Y 562583), carré de 16,7 m de côté WT3 : Site de la 3e éolienne (UTM22 WGS 84 : X 323044 ; Y 562832), carré de 16,7 m de côté WT4 : Site de la 4e éolienne (UTM22 WGS 84 : X 322943 ; Y 563085), carré de 16,7 m de côté WT5 : Site de la 5e éolienne (UTM22 WGS 84 : X 322871 ; Y 563347), carré de 16,7 m de côté HP : Hors parcelles (récoltes effectuées dans la savane naturelle à proximité immédiate des différents sites.

Malgré des conditions météorologiques défavorables (saison sèche), 52

échantillons d’herbier (chacun en 1 à 6 exemplaires selon les cas) ont pu être prélevés dans les différents groupements végétaux et 55 clichés numériques ont été pris. L’inventaire floristique a porté essentiellement sur les espèces fertiles (en fleurs ou en fruits), donc identifiables avec certitude. L’habitat et les principales caractéristiques morphologiques ont été précisés, pour chaque spécimen, sur l’étiquette d’herbier correspondante.

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RESULTATS

DIVERSITE SPECIFIQUE L’inventaire floristique effectué au cours de cette mission, toutes formations végétales confondues, a permis d’identifier 65 espèces de plantes vasculaires (plantes à fleurs et fougères, à l’exclusion des mousses, hépatiques, lichens et champignons) dont 52 ont fait l’objet de collections d’herbier et 13 ont été identifiées mais non récoltées (notées lors de la prospection préliminaire en mai 2008 ou trop éloignées des parcelles).

Les familles les mieux représentées en nombre d’espèces sont, par ordre décroissant : les Poaceae ou « graminées » (13), les Cyperaceae (10) les Fabaceae et les Gentianaceae (4), les Melastomataceae (3) Les autres familles sont représentées par 1 ou 2 espèces chacune seulement. La liste des taxons inventoriés, avec les numéros d’herbier correspondants, est donnée en annexe.

L’ inventaire effectué, compte tenu de la saison sèche déjà bien entamée, est nécessairement incomplet et ne tient compte que des espèces identifiables et visibles à cette saison. Certaines espèces desséchées ont pu, malgré tout, être identifiées mais les plantes les plus sensibles à la sécheresse ont totalement disparu, ne persistant à cette époque qu’à l’état de bulbes souterrains (orchidées) ou de graines (plantes annuelles). Ces dernières, pour la plupart indécelables à cette saison, appartiennent notamment aux familles suivantes : Orchidaceae, Polygalaceae, Lentibulariaceae, Burmanniaceae, Eriocaulaceae, Ochnaceae (Sauvagesia), certaines Rubiaceae (Perama) et Melastomataceae. Compte tenu des notes déjà prises en saison des pluies, au cours de la visite préliminaire, nous estimons cependant que 70 à 80 % environ des espèces présentes sur les sites ont pu être inventoriées.

LES ESPECES REMARQUABLES Trois espèces « remarquables » seulement ont été identifiées au cours de cet

inventaire :

• LENTIBULARIACEAE ; Genlisea pygmaea St.-Hil.: espèce classée « patrimoniale » par le C.S.R.P.N.1 en février 2000, dans la catégorie « C » (espèces rares en Guyane, localisées dans des habitats ou des sites menacés). Cette espèce est, en outre, protégée par Arrêté ministériel. Toutefois, le seul exemplaire identifié au cours de cette étude a été trouvé à proximité immédiate du chemin d’accès mais non dans la bande d’étude des 5 mètres. Il s’agit d’une plante minuscule, annuelle, ne persistant donc pas durant la saison sèche. Il est donc probable qu’elle existe également dans le périmètre concerné par la voie d’accès mais qu’elle y est restée inaperçue en raison de la saison sèche et de sa petite taille. En Guyane, cette espèce est limitée à quelques exemplaires provenant des savanes côtières. Hors Guyane,

1 Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel

7 l’espèce est connue de quelques spécimens du Vénézuela (Bolivar et Amazonas) et du Brésil (Para, Minas Gerais, Goias)

• ORCHIDACEAE ; Habenaria sprucei Cogn. (fig. 25 - fleurs jaunes) : cette espèce, bien que n’étant ni protégée, ni « déterminante », est classée à l’Annexe II de la CITES2. Nous devons donc la considérer comme une espèce sensible. En Guyane, cette espèce est exclusivement localisée aux savanes côtières (7 exemplaires dans l’Herbier de Guyane). Hors Guyane, l’espèce est présente, mais jamais abondante, dans les savanes, au Guyana, au Suriname et au N-E de l’Amazonie brésilienne (Para, Amazonas). Sur les sites de la présente étude, elle a été signalée dans la bande de la voie d’accès ainsi que sur le site WT2. L’emplacement précis des individus n’a toutefois pas pu être déterminé puisqu’en cette saison, elle persiste uniquement à l’état de bulbes souterrains.

• ORCHIDACEAE ; Habenaria trifida Cogn. (fig. 26 - fleurs blanches teintées de mauve pâle). Comme la précédente, bien que ni protégée en Guyane ni « déterminante, elle est classée à l’Annexe II de la CITES et doit donc être considérée comme une espèce « sensible » liée à un habitat menacé. Plus fréquente que la précédente (10 spécimens dans l’Herbier de Guyane), son aire de répartition hors Guyane est également bien plus étendue puiqu’on la trouve depuis le Mexique et l’Amérique Centrale jusqu’au sud du Brésil et au Paraguay. Dans le cadre de cette étude, elle a été vue sporadiquement aux mêmes endroits et dans le même habitat que la précédente, sans toutefois que l’emplacement exact des pieds ait pu être repéré, pour les mêmes raisons que précédemment.

LES SITES D’ETUDE 1. Le chemin d’accès (CH) Sur l’ensemble de sa longueur (313 m entre PR1 et PR6) et sur une largeur moyenne de 5 m, la totalité de la voie d’accès est située dans un même type de savane naturelle défini par HOOCK3 sous le nom de « savanes basses sur sols sableux gris ou blanc » et dans la sous-catégorie « savane basse à nanophanérohytes4 sur sables gris ». Cet habitat fait partie de la liste des « habitats déterminants» (ex-« habitats patrimoniaux »), selon la liste établie par par le CSRPN (février 2000),

La végétation herbacée est discontinue et basse, dépassant rarement 30 cm de haut Sa physionomie est caractérisée par de grandes étendues herbeuses parsemées de quelques sous-arbrisseaux nains, de 30 à 60 cm, aux grandes feuilles duveteuses, Byrsonima verbascifolia (Malpighiaceae, fig. 23), présent sur l’ensemble de la bande d’étude mais en proportion variable selon les variantes observées.. La flore, relativement peu riche, est très largement dominée par les Cyperaceae et les Poaceae (« graminées »). Selon le type de drainage et la physionomie de la végétation, plusieurs faciès sont distingués, entre lesquels toutes les transitions existent :

2 Convention on International Trade in Endangered Species (“Convention de Washington”) 3 HOOCK, J. (1971).- Les savanes guyanaises : Kourou ; Mémoire ORSTOM n° 94, ORSTOM, Paris. 4 Nanophanérophytes : arbrisseaux nains.

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De PR1 à PR2, la flore et la végétation sont sensiblement uniformes et dominée par 4 espèces herbacées (fig. 2) : Aristida torta (Poaceae), aux feuilles très étroites, linéaires, forme de nombreuses touffes ainsi que Andropogon gayanus dont les feuilles plus larges ont des gaines hérissées de poils blancs. Cette dernière espèce est une plante fourragère d’origine africaine échappée de prairies voisines et qui s’est immiscée dans la savane naturelle. Les deux autres espèces particulièrement abondantes sont Rhynchospora babata (Cyperaceae, fig. 20) et Rhynchospora tenerrima, herbe discrète aux feuilles linéaires très grêles. Les autres espèces les plus fréquentes sont Hyptis atrorubens (Lamiaceae) ; Unxia camphorata (Asteraceae) ; Sipanea pratensis (Rubiaceae, fig. 13), dont les corolles blanc rosé, jaunes à la gorge, ne peuvent échapper au regard ; Tunera guianensis (Turneraceae), herbe grêle aux flaurs jaunes, solitaires (fig. 19) ; Chamaecrista diphylla (Caesalpiniaceae), également aux fleurs jaunes (fig. 12) ; Curtia tenuifolia (Gentianaceae), petite herbe grêle aux minuscules fleurs mauve pâle et Tibouchina aspera (Melastomataceae), sous-arbuste aux feuilles rugueuses et aux fleurs violettes, bien visibles (fig. 14). Les deux orchidées mentionnées au paragraphe précédent, Habenaria sprucei et Habenaria trifida ont été vues à plusieurs endroits sur le site en saison des pluies, lors de la visite préliminaire du 7 mai 2008.

Fig. 2 : La savane basse à nanophanérophytes entre les points PR1 et PR2 du chemin d’accès. On distingue nettement les grandes feuilles de Byrsonima verbascifolia (Malpighiaceae), au ras du tapis herbacé dominé par Aristida torta et Andropogon gayanus (Poaceae). (cliché H. Chevillotte

Entre les points PR2 et PR4, on observe une très légère modification de la végétation et de la proportion respective de ces espèces. Cette zone est en très légère dépression et semble plus humide. Le tapis herbacé est plus dense et continu, dominé par Rhynchospora tenerrima et Rhynchospora barbata, tandis que

9 les sous-arbrisseaux nains de Byrsonima verbascifolia sont bien moins fréquents. Andropogon gayanus y est toujours relativement abondant. On note la présence, au niveau de PR4, de Utricularia triloba (Lentibulariaceae, fig. 15), espèce très peu commune en Guyane (2 collections seulement dans l’Herbier de Guyane) bien que largement répandue en Amérique du Sud (Guyanes, Colombie, Vénézuela, Brésil)

De PR4 à PR5, le tapis herbacé est de nouveau plus ou moins discontinu (fig. 3) et les deux espèces dominantes sont Aristida torta et Rhynchospora barbata. On note un unique buisson de Curatella americana (Dilleniaceae) aux feuilles aussi rugueuses que le papier de verre, ainsi que Schultesia brachyptera (Gentianaceae), petite herbe aux fleurs mauve pâle. Ces deux espèces, absentes sur le reste du chemin, aparaissent à ce niveau. Cette zone est caractérisée par la présence de petites buttes bien visibles, sur lesquelles pousse Tibouchina aspera fréquemment accompagné de Byrsonima verbascifolia, Macroptilium longepedundulatum (fig. 16) et Andropogon gayanus (fig. 4).

Fig. 3 : La savane basse à nanophanérophytes entre les points PR4 et PR5 du chemin

d’accès. Outre les grandes feuilles de Byrsonima verbascifolia (Malpighiaceae) dans le tapis herbacé au premier plan, on note, au second plan, une zone de buttes à Tibouchina aspera (Melastomataceae), indiquées par des flèches jaunes.. (cliché H. Chevillotte)

Entre PR5 et WT2, le tapis herbacé, composé des mêmes espèces que précédemment, est de nouveau plus dense et continu. Curatella americana, dont le premier specimen avait été vu au niveau de PR4, devient plus fréquent ici.

Enfin, bien que la portion du chemin située au delà de PR6 soit hors zone d’étude car ne concernant pas la savane naturelle, il est intéressant de noter la présence d’un petit peuplement de Drosera capillaris (Droseraceae) à proximité du point PR10, du côté sud de la clôture, dans une petite dépression de la savane naturelle mais à proximité immédiate de la piste (fig. 17). Bien que cette espèce soit

10 largement répandue en Amérique tropicale, elle reste relativement localisée dans les savanes côtières de Guyane.

Fig. 4 : Gros plan sur une butte à Tibouchina aspera, Byrsonima verbascifolia et Andropogon gayanus, au niveau du point PR5 du chemin d’accès. (Cliché J.-J. de Granville)

2. Le site de la première éolienne (WT1) Ce site, à l’extrémité la plus méridionale de la batterie des 4 éoliennes en projet, est situé dans une savane labourée et plantée dont la flore d’origine à pratiquement été complètement éliminée (fig. 5). On observe un tapis monospécifique d’une herbe fourragère d’origine africaine, Brachiaria humidicola dans lequel apparaissent très sporadiquement quelques Cyperaceae de la savane naturelle : Fimbristylis dichotoma, Rhynchospora holoschoenoides.

3. Le site de la deuxième éolienne (WT2) La plate-forme de l’éolienne WT2, située en savane naturelle, à la limite de la clôture avec une parcelle labourée et plantée, se trouve à l’extrémité du chemin d’accès et sa végétation ainsi que sa composition floristique sont rigoureusement comparables à celles de ce dernier décrite au paragraphe1.

La végétation herbacée est largement dominée par Aristida torta. Curtia tenuifolia devient assez abondante ainsi que Sipanea pratensis, tandis que Rhynchospora barbata et Byrsonima verbascifolia se raréfient. Il est également possible que ces modifications soient partiellement induites par la proximité de la côture, jalonnée d’espèces rudérales allochtones. On observe de nouveau des buttes sur lesquelles poussent Tibouchina aspera et Curatella americana qui, lui ausi devient de plus en plus fréquent. On note l’apparition de Scleria bracteata (Cyperaceae, fig. 18), absente sur le bande du chemin d’accès.

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Fig. 5 : Aspect du site de la première éolienne (WT1) , labouré et planté d’une herbe fourragère africaine, Brachiaria humidicola, qui forme un tapis monospécifique continu. (clichés H. Chevillotte) 4. Le site de la troisième éolienne (WT3) La plateforme de l’éolienne WT3 est située, comme la précédente, dans une zone de peu d’intérêt floristique, pâturée et plantée de Brachiaria humidicola (fig. 6). En raison de la proximité immédiate de la clôture séparant cette prairie de la savane naturelle, quelques rares espèces de cette dernière se mêlent au Brachiaria dans la partie sud-ouest de la plateforme jouxtant la clôture. Nous avons noté, entre autres, Sipanea pratensis, Unxia camphorata et Borreria verticillata (Rubiaceae) qui est une espèce rudérale. 5. Le site de la quatrième éolienne (WT4) L’emplacement prévu pour l’éolienne WT4 se trouve à l’extrémité d’une digue traversant un marais à végétation herbacée formé d’un peuplement monospécifique d’Eleocharis interstincta (Cyperaceae) dans lequel émergent quelques touffes de Crinum erubescens (Liliaceae) et de Thalia geniculata (Marantaceae). Le site de la plateforme a la particularité de présenter une végétation très discontinue et très pauvre, témoignant probablement d’un remblai relativement récent dans le prolongement de la digue dans une zone déjà labourée, pâturée et plantée de Brachiaria humidicola. Le recouvrement du sol est estimé à 20 %, laissant entre des touffes d’herbe isolées de larges plages de sol dénudé (fig. 7). Outre les rares pieds de Brachiaria, on note la présence sporadique de Chamaecrista diphylla et de Schizachyrium sanguineum (Poaceae), grande herbe des savanes côtières également présente sur quelques inselbergs de l’intérieur. Cette dernière espèce n’avait pas été observé dans les sites précédents.

12

Fig. 6 : Aspect du site prévu pour la troisième éolienne (WT3) , labouré et planté d’une herbe fourragère africaine, Brachiaria humidicola. Quelques espèces de la savane naturelle ainsi que des espèces rudérales s’immiscent dans la plantation à proximité de la clôture (au premier plan).

(cliché H. Chevillotte)

Fig. 7 : Aspect du site prévu pour la quatrième éolienne (WT4). La végétation est très discontinue et extrêmement pauvre. (Cliché J.-J. de Granville)

13

6. Le site de la cinquième éolienne (WT5)

L’emplacement de la plateforme projetée pour l’éolienne WT5 se situe en zone plantée de Brachiaria humidicola. Cependant, contrairement aux sites WT1 et WT3, le peuplement de cette herbe fourragère est moins dense et n’est plus monospécifique. La flore est sensiblement plus riche en raison de la présence d’un certain nombre d’espèces de la savane naturelle. Ceci peut être dû à un labourage plus « léger » avant semis du fourrage ou à l’apport naturel ultérieur par le vent et les animaux d’espèces autochtones des savanes qui petit à petit recoloniseraient une plantation ancienne et non entretenue (fig. 8). Nous avons relevé les espèces suivantes originaires de la savane naturelle : Byrsonima verbascifolia (très peu fréquent ici), Rhynchospora barbata, Chamaecrista diphylla, Eriosema simplicifolium, Unxia camphorata, Sipanea pratensis, Tibouchina aspera. Cette dernière, peu abondante et desséchée, ne forme pas de buttes isolées comme c’était le cas entre les points PR4 et PR5 du chemin d’accès. Les espèces les plus fréquente sur le site sont Scleria bracteata (Cyperaceae), Icthyothere terminalis (Asteraceae, fig. 11) absente des sites précédemment étudiés, Schizachyrium sanguineum (dont quelques pieds étaient déjà présents à WT4) ainsi qu’une Poaceae, stérile et indéterminable, formant un tapis assez dense (fig. 9).

Fig. 8 : Aspect du site prévu pour la cinquième éolienne (WT5). Le peuplement herbacé est composé d’un mélange de l’herbe fourragère Brachiaria humidicola et d’espèces autochtones de la savane naturelle. (cliché H. Chevillotte)

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AFig. 9 : Détail du peuplement herbacé au site WT5. A : Scleria bracteata (Cyperaceae). B : Schizachyrium sanguineum (Poaceae). C : Tibouchina aspera (Melastomataceae). – (cliché J.-J. de Granville) 7. Diversité spécifique comparée des 6 sites étudiés

05

10152025303540

Nombre d'espèces relevées

CHWT1WT2WT3WT4WT5

Fig. 10 : Comparaison du nombre d’espèces relevées dans chacun des 6 sites étudiés.

Il ressort clairement du graphique de la fig. 10 que les seuls sites présentant une diversité en espèces significative sont le chemin d’accès en savane naturelle entre les points PR1 et PR6 (36 espèces), ainsi que les emplacements prévus pour les plateformes WT2 (20 espèces) et WT5 (17 espèces). Réduits à une unité de surface comparable, ces 3 sites ont une diversité spécifique sensiblement identique. En effet, le chemin d’accès est « plus riche » dans sa globalité car couvrant une surface d’étude nettement supérieure (1565 m2) en regard de celle des plateformes des éoliennes (280 m2 chacune). Les sites WT1, WT3 et WT4 ne comptent que 2 ou 3 espèces chacun.

A

B

C

36 3 20 4 3 17

15

Fig. 11 : Icthyothere terminalis (17631) Fig. 12 : Chamaecrista diphylla (17632)

Fig. 13 : Sipanea pratensis (17626) Fig. 14 : Tibouchina aspera (17633)

Fig. 15 : Utricularia triloba (17622) Fig. 16 : Macroptilium longepedunculatum (17638)

Fig. 17 : Drosera capillaris (17643) Fig. 18 : Scleria bracteata (17609)

Quelques espèces herbacées et sous-arbustives, caractéristiques de la flore de la savane (1). Les numéros entre parenthèses renvoient aux collections d’herbier correspondantes (cf. Annexe)

(clichés H. Chevillotte)E F

16

Fig. 19 : Turnera guianensis (17617) Fig. 20 : Rhynchospora barbata (17602)

Fig. 21 : Tetrapollinia caerulescens (17619) Fig. 22 : Vigna linearis (17647)

Quelques espèces herbacées et sous-arbustives, caractéristiques de la flore de la savane (2).

Les numéros entre parenthèses renvoient aux collections d’herbier correspondantes (cf. Annexe) (clichés H. Chevillotte)

17

Fig. 23 : Byrsonima verbascifolia (17624) Fig. 24 : Eugenia punicifolia (17637)

Fig. 25 : Habenaria sprucei Fig. 26 : Habenaria trifida

Quelques espèces herbacées et sous-arbustives, caractéristiques de la flore de la savane (3).

Les numéros entre parenthèses renvoient aux collections d’herbier correspondantes (cf. Annexe) (Fig. 23 et 24: clichés H. Chevillotte ;Fig. 25 et 26 : clichés O. Tostain)

18

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS De la présente étude de la flore et de la végétation de la zone concernée par le projet d’implantation d’éoliennes, se dégagent les éléments suivants : Les sites retenus pour l’implantation des éoliennes WT1, WT3 et WT4,

localisés en zone plantée et pâturée ont une diversité floristique négligeable et un intérêt floristique nul, la quasi totalité des espèces de la savane d’origine ayant été détruite. Il en est de même pour la portion de la piste d’accès située au delà de PR6 puisqu’elle se trouve du côté labouré et planté de la clôture. Il est cependant recommandé d’éloigner la piste de 2 àu 3 mètres de la côture au droit du site PR10 où se trouve la petite colonie de Drosera afin d’éviter toute influence des passages d’engins et des travaux sur celle-ci.

Le site de l’éolienne WT5 présente une diversité spécifique non négligeable

mais d’un piètre intérêt biologique car fortement impacté et composé d’un mélange d’espèces rudérales, de quelques espèces très communes de la savane naturelle et de l’herbe fourragère plantée

Les seuls sites dignes d’intérêt car encore très peu perturbés malgré la

présence d’une espèce allochtone sont la piste d’accès entre PR1 et PR6 ainsi que le périmètre d’implantation de l’éolienne WT2. Cette savane fait d’ailleurs partie de la liste des « habitats déterminants » (ex « habitats patrimoniaux ») de Guyane, définie par le CSRPN. De ce fait, sur ces deux sites, il conviendra de veiller à limiter autant que faire se peut l’emprise de la piste d’accès et de la plateforme WT2 en évitant, notamment, le passage d’engins de chantier et le dépôt de déblais hors piste. Il est bon de noter, cependant, que nos relevés n’ont révélé la présence d’aucune espèce protégée ni « déterminante » dans les périmètres concernés.

Nous pensons donc pouvoir affirmer que l’impact sur la flore et les habitats du

projet d’implantation d‘éoliennes dans la Savane Matiti restera très modeste, voire négligeable et qu’aucune espèce végétale n’est menacée de disparition suite à la mise en oeuvre de ce projet.

1 ANNEXE

LISTE PAR TAXONS DES ESPECES INVENTORIEES SUR LE SITE DU PROJET D’IMPLANTATION D’EOLIENNES DANS LA SAVANE MATITI (COMMUNE DE KOUROU)

(CollectionJ.-J. de GRANVILLE, F. CROZIER & H. CHEVILLOTTE 17595 à 17647) Légende

Espèces remarquables : Lettres blanches sur fond rouge : espèces protégées par arrêté ministériel du 9 avril 2001 Lettres noires sur fond jaune : espèces classées « déterminantes » (patrimoniales, rares et/ou endémiques en Guyane) Lettres noires sur fond bleu : autres espèces remarquables, non classées « déterminantes ».

Numéros : Numéros dans la collection J.-J. de GRANVILLE, F. CROZIER & H. CHEVILLOTTE NR : espèces non récoltées en herbier

Sites : CH : Chemin d’accès, entre les points PR1 (UTM22 WGS 84 : X 322831 ; Y 562500) et PR5 (UTM22 WGS 84 : X 323094 ; Y 562562) WT1 : Site de la 1e éolienne (UTM22 WGS 84 : X 323298 ; Y 562349) WT2 : Site de la 2e éolienne (UTM22 WGS 84 : X 323153 ; Y 562583) WT3 : Site de la 3e éolienne (UTM22 WGS 84 : X 323044 ; Y 562832) WT4 : Site de la 4e éolienne (UTM22 WGS 84 : X 322943 ; Y 563085) WT5 : Site de la 5e éolienne (UTM22 WGS 84 : X 322871 ; Y 563347) HP : Hors parcelles

Abondance : X Espèce présente sporadiquement XX Espèce fréquente ou assez abondante XXX Espèce très abondante ou dominante

Diffusion : acronymes des herbiers destinataires des doubles

Déterminateurs : FC Françoise CROZIER (CAY –Herbier de Guyane, IRD, Cayenne, France-) JJG Jean-Jacques de GRANVILLE (CAY –Herbier de Guyane, IRD, Cayenne, France-) ER Emmanuel RAVET

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SPERMATOPHYTES (PLANTES A FLEURS) Famille Genre, espèce Numéro CH WT1 WT2 WT3 WT4 WT5 HP Diffusion Det

ACANTHACEAE Ruellia geminiflora Kunth 17625 X CAY JJG

ARECACEAE Astrocaryum vulgare Mart. NR X JJG

ASTERACEAE Icthyothere terminalis (Spreng.) S.F. Blake 17631 XX CAY, US JJG

ASTERACEAE Unxia camphorata L. f. 17629 XX X X X CAY, US JJG

BURMANNIACEAE Burmannia capitata (Walter ex G.F. Gmel.) Mart. 17604 X CAY FC

CAESALPINIACEAE Chamaecrista diphylla (L.) Greene 17632 XX X X X CAY, US JJG

COMMELINACEAE Murdannia nudiflora (L.) Brenan 17615 X CAY JJG

CYPERACEAE Bulbostylis stenocarpa Kükenth. 17634 X CAY FC

CYPERACEAE Eleocharis interstincta (Vahl) Roem. & Schult. NR X JJG

CYPERACEAE Fimbristylis dichotoma (L.) Vahl 17613 X CAY FC

CYPERACEAE Rhynchospora barbata (Vahl) Kunth 17602 XXX X X CAY, US JJG

CYPERACEAE Rhynchospora holoschoenoides (L.C. Rich.) Herter 17614 X CAY JJG

CYPERACEAE Rhynchospora nervosa (Vahl) Boeck. 17636 X CAY FC

CYPERACEAE Rhynchospora tenerrima Nees ex Spreng. 17601 XXX X CAY, US FC

CYPERACEAE Scleria bracteata Cav. 17609 X XX CAY, P, K, MO, US JJG

CYPERACEAE Scleria distans Poir. 17608 X X CAY, K, NY, US JJG

CYPERACEAE Scleria reticularis Michx. 17635 X CAY FC

DILLENIACEAE Curatella americana L. 17621 X X XX CAY FC

DROSERACEAE Drosera capillaris Poir. 17643 X CAY JJG

ERIOCAULACEAE Tonina fluviatilis Aubl. 17641 X CAY JJG

3 EUPHORBIACEAE Caperonia cf. stenophylla Muell. Arg. 17639 X CAY FC

FABACEAE Desmodium barbatum (L.) Benth. & Oerst. 17623 X CAY FC

FABACEAE Eriosema simplicifolium (Kunth) G. Don 17630 X X X CAY, K FC

FABACEAE Macroptilium longepedunculatum (Mart. ex Benth.) Urb. 17638 X CAY FC

FABACEAE Vigna linearis (Kunth) Maréchal, Mascherpa & Stainier 17647 X CAY FC

GENTIANACEAE Coutoubea spicata Aubl. 17640 X CAY FC

GENTIANACEAE Curtia tenuifolia (Aubl.) Knobl. 17618 XX X CAY, P JJG

GENTIANACEAE Schultesia brachyptera Cham. 17616 X CAY FC

GENTIANACEAE Tetrapollinia caerulescens (Aubl.) Maguire & Boom 17619 X CAY JJG

LAMIACEAE Hyptis atrorubens Poit. 17628 XX CAY FC

LENTIBULARIACEAE Genlisea pygmaea St.-Hil. 17645 X CAY JJG LENTIBULARIACEAE Utricularia triloba Benj. 17622 X X CAY FC

LILIACEAE Crinum erubescens L.f. ex Solander NR X JJG

MALPIGHIACEAE Byrsonima verbascifolia (L.) DC. 17624 XXX X X CAY JJG

MARANTACEAE Thalia geniculata L. NR X JJG

MELASTOMATACEAE Appendicularia thymifolia (Bonpl.) DC. NR X X JJG

MELASTOMATACEAE Clidemia rubra (Aubl.) Mart. 17595 X CAY JJG

MELASTOMATACEAE Tibouchina aspera Aubl. 17633 XX XX X CAY, US JJG

MIMOSACEAE Mimosa pudica L. 17627 X CAY JJG

MYRTACEAE Eugenia punicifolia (Kunth) DC. 17637 X CAY FC

ONAGRACEAE Ludwigia sp. NR X X

ORCHIDACEAE Habenaria sprucei Cogn. NR X X ER

ORCHIDACEAE Habenaria trifida Kunth NR X X ER

POACEAE 17600 X CAY

4 POACEAE 17610 X CAY

POACEAE 17611 XXX CAY

POACEAE Andropogon bicornis L. 17598 X CAY FC

POACEAE Andropogon gayanus Kunth 17603 XX CAY, US FC

POACEAE Aristida torta (Nees) Kunth 17596 XXX XXX CAY, MO FC

POACEAE Axonopus aureus P. Beauv. 17597 X CAY FC

POACEAE Axonopus purpusii (Mez) Chase 17606 X CAY FC

POACEAE Brachiaria humidicola (Rendle) Schweick. 17612 XXX XXX XX XX CAY, MO JJG

POACEAE Echinolaena inflexa (Poir.) Chase 17599 X X CAY JJG

POACEAE Otachyrium succisum (Swallen) Sendulsky & Soderstrom 17646 X CAY FC

POACEAE Schizachyrium sanguineum (Retz.) Alston 17605 X XX CAY, P, B, K, MO, US FC

POACEAE Thrasya aff. robusta Hitchc. & Chase 17607 X CAY, MO FC

POLYGALACEAE Polygala cf. appressa Benth. NR X X FC

POLYGALACEAE Polygala timoutou Aubl. NR X X FC

POLYGONACEAE Coccoloba latifolia Lam. NR X JJG

RUBIACEAE Borreria verticillata (L.) G. Mey. NR XX FC

RUBIACEAE Sipanea pratensis Aubl. 17626 XX XX XX X CAY, MO JJG

SCROPHULARIACEAE Buchnera palustris (Aubl.) Spreng. 17620 X CAY JJG

SCROPHULARIACEAE Conobea aquatica Aubl. 17642 X CAY JJG

TURNERACEAE Turnera guianensis Aubl. 17617 XX CAY, P FC

XYRIDACEAE Xyris fallax Malme 17644 X CAY FC