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L1 AES + CMI DM Histoire des Idées Economiques A faire pour le vendredi 13 avril 2013 Vous ferez le commentaire de ce texte : Jean Bodin, Les six livres de la République, (1583), Livre V, chapitre II « Les deux pestes de toutes Républiques. (…)Platon appelait les richesses, et la pauvreté, les anciennes pestes des Républiques, non seulement pour la nécessité qui presse les affamés, [mais] aussi pour la honte, combien que c'est une très mauvaise et dangereuse peste que la honte. Pour à quoi obvier, on cherchait une égalité, que plusieurs ont fort louée, l'appelant mère nourrice de paix et amitié entre les sujets. Et au contraire, l'inégalité source de toutes inimitiés, factions, haines, partialités, car celui qui a plus qu'un autre, et qui se voit plus riche en biens, il veut aussi être plus haut en honneur, en délices, en plaisirs, en vivres, en habits ; il veut être révéré des pauvres qu'il méprise et foule aux pieds ; et les pauvres de leur part, conçoivent une envie et jalousie extrême, de se voir autant ou plus dignes que les riches, et néanmoins être accablés de pauvreté, de faim, de misère, de contumélie. Voilà pourquoi plusieurs anciens Législateurs divisaient les biens également à chacun des sujets, comme de notre mémoire Thomas le More, Chancelier d'Angleterre, en sa République, dit, que la seule voie de salut public est si les hommes vivent en communauté de biens : ce qui ne peut être fait où il y a propriété. Et Platon ayant pouvoir d'établir la République et nouvelle colonie des Thébains et Phocéens, du consentement des sujets qui lui décernèrent ambassadeurs à cette fin, s'en alla sans rien faire, parce que les riches ne voulaient point faire part de leurs biens aux pauvres. Ce que Lycurgue fit avec le danger de sa vie, car après avoir banni l'usage d'or et d'argent, il partagea également tous les héritages. Et combien que Solon ne pût faire le semblable, si est- ce que la volonté ne lui manquait pas, attendu qu'il 1 octroya la rescision des obligations, et une générale abolition de dettes. Et depuis que l'or et l'argent fut reçu en Lacédémone, après la victoire de Lysandre, et que la loi testamentaire fut introduite, [choses] qui causèrent en partie l'inégalité de biens, le Roi Agis voulant réduire tout à l'égalité ancienne, fit apporter toutes les obligations qu'il jeta au feu, disant qu'il n'avait jamais vu si beau feu ; puis il commença à ses biens pour les partager avec les autres également. Aussi, Nabis le tyran ayant pris la ville d'Argos, publia deux édits l'un pour quitter toutes les dettes, l'autre pour diviser les héritages à chacun duas faces, dit Tite-Live, novantibus res ad plebem in optimates accendendam. Et quoique les Romains aient été plus équitables et mieux entendus au fait de la Justice que les autres peuples, si ont-ils souvent octroyé la rescision générale des dettes, tantôt pour un quart, tantôt pour un tiers, et quelquefois pour le tout. Et [ils] n'avaient moyen plus expédient d'apaiser soudain les troubles et séditions. En sorte que les seigneurs des Thuriens, ayant acquis tous les héritages, le menu peuple se voyant endetté, et dénué de tout bien, chassa les riches de leurs biens et maisons. Mais, d'autre part, on peut dire que l'égalité de biens est très pernicieuse aux Républiques, lesquelles n'ont appui ni fondement plus assuré que la foi, sans laquelle ni la justice, ni société quelconque ne peut être durable ; or, la foi gît aux promesses des conventions légitimes. Si donc les obligations sont cassées, les contrats annulés, les dettes abolies, que doit-on attendre autre chose que l'entière éversion d'un état ? Car il n'y aura fiance quelconque de l'un à l'autre. Davantage, [de] telles abolitions générales nuisent bien souvent aux pauvres, et en ruinent beaucoup, car les pauvres, veuves, orphelins, et menu peuple, n’ayant autre bien qu'un peu de rentes, sont perdus advenant l'abolition des dettes. Et au contraire, les usuriers préviennent, et quelquefois y gagnent, comme il advint quand Solon et Agis firent publier l'abolition des

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  • L1 AES + CMI DM Histoire des Ides Economiques

    A faire pour le vendredi 13 avril 2013 Vous ferez le commentaire de ce texte : JeanBodin,LessixlivresdelaRpublique,(1583),LivreV,chapitreII Les deux pestes de toutes Rpubliques. ()Platon appelait les richesses, et la pauvret, les anciennes pestes des Rpubliques, non seulement pour la ncessit qui presse les affams, [mais] aussi pour la honte, combien que c'est une trs mauvaise et dangereuse peste que la honte. Pour quoi obvier, on cherchait une galit, que plusieurs ont fort loue, l'appelant mre nourrice de paix et amiti entre les sujets. Et au contraire, l'ingalit source de toutes inimitis, factions, haines, partialits, car celui qui a plus qu'un autre, et qui se voit plus riche en biens, il veut aussi tre plus haut en honneur, en dlices, en plaisirs, en vivres, en habits ; il veut tre rvr des pauvres qu'il mprise et foule aux pieds ; et les pauvres de leur part, conoivent une envie et jalousie extrme, de se voir autant ou plus dignes que les riches, et nanmoins tre accabls de pauvret, de faim, de misre, de contumlie. Voil pourquoi plusieurs anciens Lgislateurs divisaient les biens galement chacun des sujets, comme de notre mmoire Thomas le More, Chancelier d'Angleterre, en sa Rpublique, dit, que la seule voie de salut public est si les hommes vivent en communaut de biens : ce qui ne peut tre fait o il y a proprit. Et Platon ayant pouvoir d'tablir la Rpublique et nouvelle colonie des Thbains et Phocens, du consentement des sujets qui lui dcernrent ambassadeurs cette fin, s'en alla sans rien faire, parce que les riches ne voulaient point faire part de leurs biens aux pauvres. Ce que Lycurgue fit avec le danger de sa vie, car aprs avoir banni l'usage d'or et d'argent, il partagea galement tous les hritages. Et combien que Solon ne pt faire le semblable, si est-ce que la volont ne lui manquait pas, attendu qu'il 1 octroya la rescision des obligations, et une gnrale abolition de dettes. Et depuis que l'or et l'argent fut reu en Lacdmone, aprs la victoire de Lysandre, et que la loi testamentaire fut introduite, [choses] qui causrent en partie l'ingalit de biens, le Roi Agis voulant rduire tout l'galit ancienne, fit apporter toutes les obligations qu'il jeta au feu, disant qu'il n'avait jamais vu si beau feu ; puis il commena ses biens pour les partager avec les autres galement. Aussi, Nabis le tyran ayant pris la ville d'Argos, publia deux dits l'un pour quitter toutes les dettes, l'autre pour diviser les hritages chacun duas faces, dit Tite-Live, novantibus res ad plebem in optimates accendendam. Et quoique les Romains aient t plus quitables et mieux entendus au fait de la Justice que les autres peuples, si ont-ils souvent octroy la rescision gnrale des dettes, tantt pour un quart, tantt pour un tiers, et quelquefois pour le tout. Et [ils] n'avaient moyen plus expdient d'apaiser soudain les troubles et sditions. En sorte que les seigneurs des Thuriens, ayant acquis tous les hritages, le menu peuple se voyant endett, et dnu de tout bien, chassa les riches de leurs biens et maisons. Mais, d'autre part, on peut dire que l'galit de biens est trs pernicieuse aux Rpubliques, lesquelles n'ont appui ni fondement plus assur que la foi, sans laquelle ni la justice, ni socit quelconque ne peut tre durable ; or, la foi gt aux promesses des conventions lgitimes. Si donc les obligations sont casses, les contrats annuls, les dettes abolies, que doit-on attendre autre chose que l'entire version d'un tat ? Car il n'y aura fiance quelconque de l'un l'autre. Davantage, [de] telles abolitions gnrales nuisent bien souvent aux pauvres, et en ruinent beaucoup, car les pauvres, veuves, orphelins, et menu peuple, nayant autre bien qu'un peu de rentes, sont perdus advenant l'abolition des dettes. Et au contraire, les usuriers prviennent, et quelquefois y gagnent, comme il advint quand Solon et Agis firent publier l'abolition des

  • dettes, car auparavant les usuriers en ayant senti la fume, empruntrent argent, de tous cts, pour frauder les cranciers. [J'ajoute] aussi que l'esprance qu'on a de telles abolitions donne occasion aux prodigues d'emprunter quelque prix que ce soit, et puis se joindre aux pauvres dsesprs et mal contents, pour mouvoir une sdition ; ou, si l'attente de telles abolitions n'y tait point, chacun penserait mnager sagement, et vivre en paix.