hindouisme et bouddhisme

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    Ananda K. Coomaraswamy

    HINDOUISME

    ET

    BOUDDHISME

    Traduit de langlais par Ren Allar

    et Pierre Ponsoye

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    Avertissement de lauteur de ce livre.

    Les notes et rfrences sont loin dtre compltes. Leur but est daider le lecteur dvelopper le contenu intelligible de nombreux termes qui ne pouvaient trepleinement expliqus mesure quils se prsentaient, et de mettre ltudiant mme

    de recourir - telle ou telle source. Dans le texte, les termes palis sont donns sousleur forme sanscrite, mais dans les notes le pali est cit tel quel. Nous avons pris soinde collationner partout les sources bouddhiques et brahmaniques : peut-tre et-il t prfrable de traiter le sujet dans son unit, sans faire l distinction entre leBouddhisme et le Brahmanisme. En vrit, le temps vient o une Somme de la

    Philosophia Perennis devra tre crite, fonde impartialement sur toutes les sourcesorthodoxes, quelles quelles soient.

    On a cit un bon nombre de parallles platoniciens et chrtiens importants,dabord afin de mieux faire ressortir, grce des contextes plus familiers;

    lenseignement de certaines doctrines hindoues, et ensuite pour montrer que la Philosophia Perennis (Santana Dharma, Akaliko Dhammo), est partout ettoujours identique elle-mme. Ces citations ne constituent pas une contribution lhistoire littraire. Elles ne prtendent pas non plus suggrer quil y ait eu desemprunts de doctrines ou de symboles dans un sens ou dans lautre, ni quil y aiteu des sources indpendantes dides analogues, mais quil y a un hritagecommun issu dune poque bien antrieure nos textes, que saint Augustin appellela sagesse qui na pas t faite, mais qui est maintenant telle quelle fut toujourset telle quelle sera jamais (Conf. IX. 10). Comme le dit justement Lord

    Chalmers au sujet des parallles auxquels donnent lieu le Christianisme et leBouddhisme, il nest pas ici question demprunts dune croyance une autre; laparent est plus profonde que cela(Buddhas Teachings, HOS. 37, 1932, p. xx).

    Abrviations des rfrences.

    RV., Rig Vda Samhitd. TS., Taittirya Sam. hitd (Yajur VdaNoir). AV., AtharvaVda Samhit. TB., PB., SB., AB., KB., JB., JUB., les Brhmanas, soitrespectivement Taittirya, Panchavimsha, Shatapatha, Aitarya, Kaushtaki, Jaiminya,

    Jaiminya Upanishad. AA., TA., SA., les Aranyakas, soitrespectivement Aitarya,

    Taittirya et Shankhdyana. BU., CU., TU., Ait., KU., MU., Prash., Mund., Ishd., lesUpanishads, respectivement Brihaddranyaka, Chdndogya, Taittirya, Aitarya, Katha,Maitri, Prashna, Mundaka et Ishdvsya. BD., Brihad Dvat. BG., BhagavadGtd. Vin., Vinaya Pitaka. A., M., S., les Nikdyas, respectivement Angutara,Majjhima et Samyutta. Sn., Sutta Nipdta. DA., Sumangala Vilsin. DH.,

    Dhmmapada. DHA., Dhammapada Atthakathd. Itiv.,Itivuttaka. Vis., VisuddhiMagga. Mil., Milinda Panho. BC., Buddhacharita. HJAS., Harvard Journal of

    Asiatic Studies. JAOS., Journal o f the American, Oriental Society. NIA., NewIndian Antiquary. IHQ., Indian Historical Quarterly. SBB., Sacred Books of theBuddhists. HOS., Harvard Oriental Series. SBE., Sacred Books of the East.Uttishthata jgrata prpya varn nibodhata (KU. III. 14). Y suttat pabbujjatha (Itiv.,

    p. 41).

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    LHINDOUISME

    Diu heilige schrift ruofet alzemle darf, daz der mensche sin selbes ledic werden

    sol. Wan als vil d dnes selbes ledic bist,als vils bist d dnes selbes gewaltic, undas vil d dnes selbes gewaltic bist, als vild dnes selbes eigen, und als vil als d dneigen bist, als vil ist got dn eigen undallez, daz got ie geschuof.

    Meister Eckhart (d. Pfeiffer, p. 598)

    La Sainte criture insiste partout sur le faitque lhomme doit se dtacher de lui-mme.Cest seulement dans la mesure o tu tedtaches de toi-mme que tu es matre de toi.Cest dans la mesure o tu es matre de toique tu te ralises toi-mme. Et cest dans lamesure o tu te ralises que tu ralises Dieuet tout ce quil cre jamais.

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    Introduction

    e Brahmanisme ou Hindouisme est la plus ancienne des religions ou plutt la plus ancienne des disciplines mtaphysiques dont nous ayons uneconnaissance complte et prcise par des sources crites et, pour les deux

    derniers millnaires, par des documents iconographiques. Elle est aussi et peut-tre la seule une discipline qui survit dans une tradition intacte, vcue et compriseaujourdhui par des millions dhommes, dont certains sont des paysans, dautres deshommes instruits, parfaitement capables dexposer leur foi, aussi bien dans unelangue europenne que dans leur propre langue. Nanmoins, bien que les critsanciens et rcents ainsi que les pratiques rituelles de lHindouisme aient t tudispar des rudits europens depuis plus dun sicle, il serait peine exagr de dire quelon pourrait parfaitement donner un expos fidle de lHindouisme sous la formedun dmenti catgorique la plupart des noncs qui en ont t faits,tant par les

    savants europens que par les Hindous forms aux modernes faons de pensersceptiques et volutionnistes.

    Par exemple, on remarquera dabord que la doctrine vdique nest ni panthiste, nipolythiste. Elle ne constitue pas non plus un culte des puissances de la Nature, sinondans le sens deNatura naturans est Deus, olesdites puissances ne sont rien dautreque les noms des actes divins. Le karma nest pas le sort, sinon dans le sensorthodoxe de caractre et de destin, inhrents aux choss cres elles-mmes, qui,correctement entendus, dterminent leur vocation. My nest pas lillusion, maisreprsente plutt la mesure maternelle et les moyens essentiels de la manifestation

    dun monde dapparences fond sur la quantit, apparences par lesquelles nouspouvons tre illumins ou gars selon le degr de notre propre maturit. La notionde rincarnation, au sens ordinaire dune renaissance sur la terre dindividusdfunts, reprsente seulement une erreur de comprhension des doctrines delhrdit, de la transmigration et de la rgnration. Les six darshanas de laphilosophie sanscrite postrieure ne sont pas autant de systmes sexcluant.rciproquement, mais, comme le signifie leur nom, autant de points de vue qui nese contredisent pas plus que ne font entre elles la botanique et les mathmatiques. Nous nierons galement quil existe dans lHindouisme quoi que ce soit dunique,

    rien qui lui soit particulier, hors la teinte locale et les adaptations sociales auxquelleson doit sattendre ici-bas, o rien nest connu qu la mesure du connaissant.La tradition hindoue est lune des formes de la Philosophia Perennis,et, comme

    telle, incarne les vrits universelles dont aucun peuple ni aucune poque ne sauraitrevendiquer la possession exclusive. Cest pourquoi un Hindou est parfaitementdsireux de voir ses critures utilises par dautres hommes titre de preuvesextrinsques et valables de la vrit que ces derniers connaissent aussi. Bien plus,un Hindou soutiendrait que ces cimes sont le seul lieu o un accord des diffrentesformes peut tre effectivement ralis.

    Ceci dit, nous allons tenter dtablir de faon positive les fondements de ladoctrine. Non pas toutefois, comme on le fait dhabitude, daprs la mthodehistorique, qui obscurcit la ralit plutt quelle ne lclaire, mais en partant dun

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    point de vue strictement orthodoxe, tant en ce qui concerne les principes que leursapplications. Nous. nous efforcerons de parler avec la prcision a plusmathmatique, mais sans jamais user de termes de notre propre cru, et sans jamais avancer une affirmation pour laquelle lautorit scripturaire ne pourraittre cite par chapitre et verset. De la sorte, notre faon de procder sera elle-

    mme typiquement hindoue. Nous ne pouvons tenter dexaminer lensemble des textes sacrs, car celareviendrait faire lhistoire littraire de lInde, propos de laquelle il estimpossible de dire o finit le sacr et o commence le profane, car les chantsdes bayadres et des bateleurs eux-mmes sont les hymnes de FidlesdAmour. Nos sources commencent avec le Rig-Vda (vers 1200 ou davantageavant J.-C.) et ne finissent quavec les trs modernes traits vaishnavas, shaivaset tantras. Nous devons cependant mentionner spcialement la Bhagavad-Gt,qui est probablement luvre isole la plus importante qui ait jamais t

    compose dans lInde. Ce livre de dix-huit chapitres nest pas, comme on la dit parfois, luvre dune secte. Il est tudi partout et souvent rcit journellement de mmoire par des millions dHindous de toutes croyances. Onpeut le considrer comme un abrg de toute la doctrine vdique telle quon latrouve dans les premiers livres, Vdas, Brhmanas et Upanishads. tant ainsi lefondement de tous leurs dveloppements ultrieurs, il peut tre regard commele foyer mme de toute la spiritualit hindoue. On a dit justement, propos dela Bhagavad-Gt, que, de tous les textes sacrs de lhumanit, il nen estprobablement pas dautre qui soit la fois aussi grand, aussi complet et aussicourt. Il faut ajouter que les personnages apparemment historiques de Krishnaet dArjuna doivent tre identifis avec lAgni et lIndra mythiques.

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    Le Mythe

    omme le fait la Rvlation (shruti)elle-mme, nous devons commencer parle Mythe (itihsa), la vrit pnultime, dont toute exprience est le reflettemporel. La validit du rcit mythique se situe hors du temps et de

    lespace; elle vaut partout et toujours. De mme dans le Christianisme les parolesau commencement Dieu cra et par Lui toutes choses ont t faitesreviennent dire, nonobstant les millnaires qui les sparent historiquement, quela cration eu lieu lors de la naissance ternelle du Christ. Aucommencement (agr), ouplutt au sommet, signifie dans le principe, demme que, dans les contes, il tait une fois ne veut pas dire une foisseulement, mais une fois pour toutes. Le Mythe nest pas une inventionpotique, dans le sens que lon donne aujourdhui ces mots. Par contre, du faitmme de son universalit, il peut tre expos et avec une gale authenticit, selon

    de nombreux points de vue diffrents.Dans cet ternel commencement, il ny a que lIdentit Suprme de Cet Un

    (tad kam) (1); sans distinction dtre et de non-tre, de lumire et de tnbres; ouencore sans sparation du ciel et de la terre. Le Tout est alors contenu dans lePrincipe, que lon peut dsigner par les noms de Personnalit, Anctre, Montagne,Dragon, Serpent sans fin. Reli ce principe comme fils ou, comme frre pun. comme alter ego plutt que comme principe distinct apparat le Tueur deDragon, n pour supplanter le Pre et prendre possession du Royaume, et qui endistribuera les trsors ses sides (2). Car, sil doit y avoir un monde, il faut que la

    prison soit dtruite et ses potentialits libres. Cela peut se faire, soit avec lavolont du Pre, soit contre sa volont. Le Pre peut choisir la mort en faveur deses enfants (3), ou bien les Dieux peuvent lui imposer la passion et faire de luileur victime sacrificielle (4). Ce ne sont pas l des doctrines contradictoires, maisdes faons diffrentes dexposer une seule et mme histoire. En ralit, le Tueur etle Dragon, le sacrificateur et la victime sont Un en esprit derrire la scne, o ilny a pas de contraires irrductibles, tandis quils sont ennemis mortels sur lethtre o se dploie la guerre perptuelle des Dieux et des Titans (5).

    1RV., X, 129,1-3; TS., VI, 4, 8, 3; JB., III, 359; SB., X, 5, 3, 1, 2.2RV., X,124, 4.3RV., X, 13, 4. Ils ont fait de Brihaspati le Sacrifice, Yama a rparti son propre corps

    aim.4RV., X, 90, 6-8. Ils ont fait du Premier-N leur victime sacrificielle.5 Le mot dva, comme ses analogues , deus, peut tre employ au singulier pour Dieu

    ou au pluriel pour dieux, souvent pour Anges ou Demi-dieux, de mme que nousdisons Esprit en entendant le Saint-Esprit, alors que nous parlons galement desprits etnotamment desprits malins. Les Dieux de Proclus sont les Anges de Denys. Ceuxquon peut appeler les grands Dieux sont les Personnes de la Trinit, Agni, Indra-

    Vyu,

    ditya, ou Brahm, Shiva, Vishnu, que lon ne doit distinguer, et encore pas toujoursnettement, que par rapport leurs fonctions et leurs sphres dopration. Les mixtpersonades entits duelles Mitrvarunau et Agnndrau sont la forme du Sacerdoce et de la Royaut indivinis;leurs sujets, les dieux multiples, sont les Maruts ou les Vents. Leurs quivalents en

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    Dans chaque cas, le Pre-Dragon reste un Plrome, pas plus diminu par ce quilexhale quaccru par ce quil inhale. Il est la Mort dont dpend notre vie (6); laquestion: La Mort est-elle une ou multiple? la rponse est: Un en tant quil est l-bas, mais multiple en tant quil est ici, dans ses enfants (7). Le Tueur de Dragon estnotre ami; le Dragon doit tre pacifi et rendu ami (8).

    La passion est la fois un puisement et un dmembrement. Le Serpent sans fin,qui demeurait invincible tant quil tait lAbondance une (9), est disjoint etdmembr comme un arbre que lon abat et que lon coupe en rondins (10). Car leDragon, comme nous allons le voir maintenant, est aussi lArbre du Monde, et il y al une allusion au bois dont est fait le monde par le Charpentier (11). Le Feu de laVie et lEau de la Vie (Agni et Soma, le Sec et lHumide), tous les Dieux, tous lestres, les sciences et les biens, sont dans ltreinte du Python, qui, en tant queConstricteur (namuchi), ne les relchera pas tant quil ne sera pas frapp et rduit sentrouvrir et palpiter (12). De ce Grand tre, comme dun feu abattu et fumant,

    sont exhals les critures, le Sacrifice, les mondes et tous les tres (13), le laissantpuis de ce quil contenait et semblable une dpouille vide (14). Il en est de mmede lAnctre quand il a man ses enfants, il est vid de ses possibilits demanifestation, et tombe relax(15), vaincu par la Mort (16), bien quil doive survivre

    nous sont respectivement le Souffle immanent et central, dsign souvent comme Vmadva,souvent comme lHomme Intrieur ou le Soi immortel, et les Souffles, ses drivs et sujets,autrement dit les facults de voir, dentendre, de penser, etc., dont notre me lmentaire est uncompos homogne, de mme que notre corps est compos de parties fonctionnellement distinctes,mais agissant lunisson. Les Maruts et les Souffles peuvent agir par obissance au principe qui lesgouverne, ou se rebeller contre lui. Tout ceci est bien entendu un nonc trs simplifi. Cf. n. 35, p.50.

    6SB., X, 5, 2, 13.7SB., X, 5, 2, 16.8 Sur lamiti susciter entre le Varunya Agni et le Soma qui, autrement, pourraient dtruire

    le sacrificateur, voir AB., 111, 4 et TS., V, 1, 5, 6 et VI, 1, 11.9TA., V, 1, 3; MU., II, 6 (a).10RV., I, 32.11RV., X, 31, 7; X, 81, 4; TB., 11, 8, 9, 6; cf. RV., X, 89, 7; TS., VI, 4, 7, 3.

    12 RV., 1, 54, 5, chvasanasya... chuahnasya; V, 29, 4, chvasantam dnavam; TS., If, 5, 2, 4, jailabhyamdnd agntshomau nirakrmatm; cf. SB., 1, 6, 3, 13-15.

    13 BU., IV, 5, 11, mahato bhtasya... tni sarvni nihshvasitni; MU., VI, 32, etc. Car touteschoses sont issues dun seul tre (Bcehme, Sig. Rer., XIV, 74). galement dans RV., X, 90.

    14SB., 1, 6, 3,15,16.15 Il est dpourvu dattaches, vyasransata, cest--dire non li, ou disjoint, de telle sorte que,

    ayant t sans jointures, il est articul, ayant t un, il est divis et vaincu, comme Makha (TA.,I, 3) et Vritra (originellement sans jointures, RV., IV, 19, 3, mais dsunis, I, 32, 7). Pour la chute et la restauration de Prajpati, voir SB., 1, 6, 3, 35 etpassim; PB., IV, 10,1 etpassim;TB., 1, 2, 6, 1; AA.} 111, 2, 6, etc. Cest par rfrence sa division que, dans KU., V, 4, ladit (dhin)immanente est dite dpourvue dattaches (visransamna); car il est un en soi-mme, mais multiple en tant quil est dans ses enfants (SB., X, 5, 2, 16), partir desquels il ne

    peut pas facilement se runir (voir note 21.)16SB., X, 4, 4, 1.

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    adversaire nest, bien entendu, rien dautre que notre moi. On saisira la pleinesignification du texte lorsque nous aurons dit que le motgiri, montagne, drive dumot gir, engloutir. Ainsi Celui en qui nous tions prisonniers est devenu notreprisonnier ; il est lHomme Intrieur submerg et cach par notre Homme Extrieur.Cest Lui maintenant de devenir le Tueur de Dragon. Dans cette guerre de la

    Divinit et du Titan, livre dsormais en nous, o nous sommes en guerre avecnous-mmes (23), sa victoire et sa rsurrection seront galement les ntres, si noussavons Qui nous sommes. Cest Lui maintenant de nous boire jusqu la derniregoutte, et nous dtre son vin.

    On a compris que la dit est implicitement ou explicitement une victimevolontaire. Ceci est reflt dans le Rite humain, o le consentement de la victime, quia d tre humaine lorigine, est toujours assur suivant les formes. Dans lun oulautre cas, la mort de la victime est aussi sa naissance, en accord avec la rgleinfaillible qui veut que toute naissance ait t prcde dune mort. Dans le premier

    cas il y a naissance multiple de la dit dans les tres vivants, dans le second ilsrenaissent en elle. Mais, mme ainsi, il est reconnu que le sacrifice et ledmembrement de la victime sont des actes de cruaut, voire de perfidie (24). Cest lle pch originel (kilbisha) des Dieux, auquel tous les hommes participent du faitmme de leur existence distincte et de leur faon de connatre en termes de sujet etdobjet, de bien et de mal, et auquel lHomme Extrieur doit dtre exclu duneparticipation directe (25) ce que les Brhmanes entendent par Soma . Les formesde notre connaissance, ou plutt de notre opinion (avidy) ou de notre art(my), le dmembrent chaque jour. Une expiation pour cette ignorantia divisivaest fournie dans le Sacrifice, o, par le renoncement lui-mme de celui qui loffre,et par la restitution de la dit dmembre dans son intgrit et sa plnitude

    ( De dec. preceptiis, II , ascendere in monteur, id est, in eminentiam mentis); cetteimage traditionnelle, que lon doit, comme beaucoup dautres, faire remonter au temps ocaverne et habitation taient une seule et mme chose, est sous-entendue dans lessymboles familiers de la mine et de la recherche du trsor enfoui (MU., VI, 29, etc.). Les

    pouvoirs de lme (bhutni, terme qui signifie galement gnmes) au travail dans lamontagne-esprit, sont les prototypes des nains mineurs qui protgent la Blanche-Neige.Psych quand elle a mordu dans le fruit du bien et du mal et tombe dans son sommeil de mort,o elle demeure jusqu ce que lros divin la rveille, et que le fruit tombe de ses lvres. Qui

    a jamais compris le Mythe scripturaire en reconnatra les paraphrases dans tous les contes defes du monde, qui nont pas t crs par le peuple, mais hrits et fidlement transmis parlui ceux qui ils taient originellement destins. Lune des erreurs majeures de lanalysehistorique et rationnelle est de supposer que la vrit et la forme originale dune lgende

    peuvent tre spars de ses lments miraculeux. Cest dans le merveilleux mme que rside lavrit: , , Platon, Thtte, 155D. Mme

    pense chez Aristote, qui ajoute, Ainsi lamoureux des mythes, qui sont des concentrs de prodiges,est du mme coup un amoureux de sagesse. (Mtaphysique, 982 B). Le Mythe incarne la

    plus haute approximation de la vrit absolue qui puisse se traduire en paroles.23BG., VI, 6; cf. S., 1, 57 = Dh., 66; A., I, 149 ; Rm, Mathnasv, I, 267, f.24 TS., II, 5, 1, 2; Il, 5, 3, 6; cf., VI, 4, 8, 1; SB., I, 2, 3, 3; III, 9, 4, 17; XII, 6, 1, 39, 40; PB.,

    XII, 6, 8, 9; Kaus. Up., 111, 1, etc.; cf. Bloomfield dans JAOS., XV, 161.25TS., 11, 4, 12, 1, AB., VII, 28.

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    premires, la multitude des soi est rduite son Principe unique. Il y a ainsimultiplication incessante de lUn inpuisable et unification incessante de lindfinieMultiplicit. Tels sont les commencements et les fins des mondes et des individus, produits dun point sans lieu ni dimensions, dun prsent sans date ni dure,accomplissant leur destine, et, aprs leur temps achev, retournant chez eux, dans

    la Mer ou le Vent o leur vie prit origine, affranchis par l de toutes les limitationsinhrentes leur individualit temporelle (26).

    26 Pour le retour des Fleuves vers la Mer o leur individualit se perd, de sorte que lonparle seulement de la mer: CU., VI, 10, 1; Prashna UP., VI, 5, Mund. Up., III, 2, 8 ; A., IV,198; Udna, 55, et de mme Lao Tseu, Tao Te King, XXXIl; Rm, Mathnasv, VI, 4052,Matre Eckhart (dans Pfeiffer, p. 314, tout leffet que Wenn du das Trpflein wist imgrossen Meere nennen, Den wirst du meine Seelim grossen Gott erkennen (AngelusSilesius, Cherubinische Wandersmann, II , 15); e la sua volontate nostra pace; ella quel mare, al qual tutto se move (Dante,Paradiso III, 85, 86).

    Pour le

    retour

    (en Agni), RV., I, 66, 5, V, 2, 6)

    ; (en Brahma), MU., V I, 22

    ; (dans laMer), Prashna Up., VI, 5; (dans le Vent), RV., X, 16, 3; AV., X, 8, 16 (ainsi que KathaUp., IV, 9; BU, I, 5, 23); JUB., III, 1, 1, 2, 3, 12 ; CU., IV, 3, 1-3; (vers lesummum bonum,fin dernire de lhomme), S., IV, 158; Sn., 1074-6; Mil. 73; (vers notre Pre), Luc, 15, Il f.

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    Thologie et Autologie

    e Sacrifice (yajna) dont il sagit est une rptition mime et rituelle de ce quefirent les Dieux au commencement; il constitue la fois un pch et uneexpiation. Nous ne comprendrons pas le Mythe tant que nous naurons pas

    accompli le Sacrifice, ni le Sacrifice avant davoir compris le Mythe. Mais, avantque nous puissions tenter de comprendre lopration, il faut se demander Qui estDieu et Qui nous sommes.

    Dieu est une essence sans dualit (adwaita), ou, comme certains le soutiennent,sans dualit mais non sans relations (vishishtdwaita). Il ne peut tre apprhendquen tant quEssence (asti) (1), mais cette Essence subsiste dans une nature duelle(dwaitbhva) (2), comme tre et comme devenir. Ainsi, ce que lon appelle laPlnitude (kritsnam, prnam, bhman) est la fois explicite et non explicite(niruktnirukta), sonore et silencieux (shabdshabda), caractris et non caractris

    (saguna, nirguna), temporel et ternel (klkla), divis et indivis (sakalkala),dans une apparence et hors de toute apparence (mrtmrta), manifest et nonmanifest (vyaktvyakta), mortel et immortel (martymartya) et ainsi de suite.Quiconque le connat sous son aspect prochain (apara), immanent, le connat aussisous son aspect ultime (para), transcendant (3). Le Personnage qui se tient dansnotre cur, mangeant et buvant, est aussi le Personnage dans le Soleil (4). Cesoleil des hommes, cette Lumire des lumires (5), que tous voient mais que peuconnaissent en esprit (6), est le Soi Universel (tman) de toutes les chosesmobiles et immobiles (7). Il est la fois dedans et dehors (bahir antach cha

    1KU., VI, 13; MU., IV, 4, etc.2SB., X, 1, 4, 1; BU., 11, 3; MU., VI, 15, VII, 11. On ne trouve aucune trace de Monophysisme

    ou de Patripassianisme dans le prtendu monisme du Vdnta, la non-dualit tant cellede deux natures unies sans composition.

    3MU., VI, 22; Prash. Up., V, 2.4BU., IV, 4, 22, 24; Taitt. Up., 111, 10, 4; MU., V I, 1, 2.5RV., I, 146, 4; cf. Jean, 1, 4; RV., 1, 113, I; BU., IV, 16; Mund. Up., 11, 2,9; BG., XIII, 16.6AV., X, 8,14; cf. Platon,Lois, 898 D.7 RV., 1, 115, 1., 8; VII, 101, 6; AV., X, 8, 44; AA., 111, 2, 4. Lautologie (tm-jnna) est le

    thme fondamental de lcriture; mais il faut comprendre que cette connaissance du Soidiffre de toute connaissance empirique de lobjet en ce que notre Soi est toujours le sujet et ne

    peut jamais devenir lobjet de la connaissance; en dautres termes, toute dfinition du Soiultime doit se faire par ngation.

    tman (racine an, respirer, cf. s, ) est en premier lieu lEsprit, principe lumineux et pneumatique, et comme tel, souvent assimil au Vent (vyu, vta, racine v, souffler) delEsprit qui a souffle o il veut (yath vasham charati, RV., X,168, 4 et Jean, III, 8). tantlessence ultime de toutes choses, tman acquiert le sens secondaire de moi, compte nontenu du plan de rfrence, qui peut tre corporel, psychique ou spirituel, de sorte que, en facede notre Soi rel, lEsprit en nous-mmes et dans toutes choses vivantes, il y a le moi, de

    qui nous parlons quand nous disons

    je

    ou

    tu

    , signifiant cet homme ou celui-ci, Un Tel.En dautres termes, il y a les deux en nous, lHomme Extrieur et lHomme Intrieur,lindividualit psychique et physique, et la Personne vritable. Cest donc en accord avec lecontexte que nous devons traduire. Du fait que le mot tman, employ en mode rflchi, ne

    L

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    bhtnm) mais sans discontinuit (anantaram); il est donc une prsence totale,indivise dans les choses divises (8). Il ne vient de nulle part, il ne devient qui quece soit (9), mais il se prte seulement toutes les modalits possiblesdexistence(10).

    Il est dusage de traiter la question de ses noms Agni, Indra, Prajpati, Shiva,

    Brahm, Mitra, Varuna, etc., de la faon suivante ils le nomment multiple, luiqui, en ralit, est un (11); tel il parat, tel il devient (12); il prend lesformes que se reprsentent ceux qui ladorent (13). Les noms trinitaires, Agni,Vyu et ditya ou Brahm, Rudra et Vishnu, sont les plus hautes personnifications du suprme, de limmortel et de linformel Brahma... leurdevenir est une naissance lun de lautre, ils sont des participations un Soicommun dfini par ses diffrentes oprations... Ces personnifications sontappeles tre contemples, clbres, et, en dernier lieu, dsavoues. Car cestpar leur moyen que lon slve de plus en plus haut dans les mondes ; mais, l o

    tout finit, on atteint la simplicit de la Personne (14). De tous les noms et detoutes les formes de Dieu, la syllabe monogrammatique Om, qui totalise les sons etla musique des sphres chante par le Soleil rsonnant, est le meilleur. La validitde ce symbole sonore est exactement la mme que celle du symbole plastique de

    peut tre rendu que par soi, nous nous en sommes tenu partout la version soi endistinguant le Soi du soi par une majuscule, comme on le fait communment. Mais il doit treclairement entendu que la distinction est en ralit entre esprit () et me ()au sens paulinien. Il est vrai que ce a Soi ultime, a ce Soi immortel du soi, est identique lme de lme () de Philon, et lme immortelle de Platon pose comme

    distincte de lme mortelle, et que maint traducteur rend tman par me; mais, bienquil y ait des contextes o me est mis pour esprit (cf. Guillaume de Saint-Thierry,Epistola ad Fratres de Monte Dei, ch. xv), il devient dangereusement trompeur, par suite denos notions courantes de psychologie, de parler du Soi ultime et universel comme duneme. Ce serait, par exemple, une trs grande mprise que de supposer que, quand unphilosophe tel que Jung parle de lhomme la recherche dune me, cela puisse avoirquelque rapport avec la recherche hindoue du Soi, ou avec ce dont il sagit dans lexhortation. Le soi de lempiriste est, pour le mtaphysicien, tout comme le reste de cequi nous entoure, non mon Soi.Des deux soi dont il sagit, le premier est n de la femme, le second du Sein Divin, du feusacrificiel; et quiconque nest pas ainsi n de nouveau ne possde effectivement que ce moi

    mortel n de la chair et qui doit finir avec elle (JB., I, 17; cf. Jean, III, 6; Gal., VI, 8; 1 Cor.,15, 50, etc.). De l dans les Upanishads et le Bouddhisme les questions fondamentales : Quies-tu? et Par quel soi limmortalit peut-elle tre atteinte? La rponse tant: uniquement

    par ce Soi qui est immortel; les textes hindous ne tombent jamais dans lerreur de supposerquune me qui a eu un commencement dans le temps puisse tre immortelle; et, la vrit,nous ne voyons pas que les vangiles chrtiens aient mis nulle part en avant une doctrine aussiirrecevable.

    8BG., XIII, 15, 16; XVIII, 20.9KU., II, 18; cf. Jean, 3, 18.10BU., IV, 4, 5.11RV., X, 145; cf. III, 5,4; V, 3, 1.12RV., V, 44, 6.13Kailayamalai (voirCeylon National Review, 1907, p. 280).14Nirukta, VII, 4;Brihad Dvat, I, 70-74; MU., IV, 6.

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    licne. Ils sont lun et lautre des supports de contemplation (dhiylamba). Lancessit de tels supports dcoule du fait que ce qui est imperceptible lil ou loreille ne peut tre saisi objectivement tel quil est en lui-mme, mais seulementdans une similitude. Le symbole doit, bien entendu tre adquat, et ne saurait trechoisi au hasard. On infre (avshyati, vhayati) linvisible dans le visible, le

    non-entendu dans lentendu. Mais ces formes ne sont que des moyens dapprochede linformel et doivent tre cartes avant quil nous soit donn de nous changeren lui.

    Que nous le nommions la Personnalit, le Sacerdoce, la Magna Mater, ou detout autre nom grammaticalement masculin, fminin ou neutre, Cela (tad, tadkam) dont nos facults sont des mesures (tanmtr), constitue une syzygie deprincipes conjoints, sans composition ni dualit. Ces principes conjoints ou soi multiples quon ne peut distinguer ab intra, mais respectivement ncessaires etcontingents en eux-mmes ab extra, ne deviennent des contraires que lorsquon

    envisage lacte de manifestation du Soi (swaprakshatwam) que constitue ladescente depuis le silence de la Non-Dualit jusquau niveau o lon parle entermes de sujet et dobjet, et o lon reconnat la multiplicit des existencesindividuelles spares que le Tout (sarvam = ) ou Univers (vishwam) prsente nos organes de perception physique. Et, ds lors que lon peut,logiquement mais non rellement, sparer la totalit finie de sa source infinie, on peut aussi appeler Cela une Multiplicit intgrale (15), une LumireOmniforme (16). La cration est exemplaire. Les principes conjoints, tels queCiel et Terre, Soleil et Lune, homme et femme, taient un lorigine.Ontologiquement leur conjonction (mithunam, sambhava, ko bhava) est uneopration vitale, productrice dun troisime limage du premier et ayant la naturedu second. De mme que la conjonction du Mental (manas = s, )avee la Voix (vch = , , , ) donne naissance un concept, demme la conjonction du Ciel et de la Terre veille le Bambino, le Feu, dont lanaissance spare ses parents et remplit de lumire lespace intermdiaire(antariksha, Midgard). Il en est de mme pour le microcosme : allum dans lacavit du cur, il en est la lumire. Il brille dans le sein de sa mre (17), en pleine possession de ses pouvoirs (18). Il nest pas plus tt n quil traverse les SeptMondes (19), slve pour franchir la Porte du Soleil, comme la fume de lautel

    ou du foyer central, soit extrieur soit intrieur nous, slve pour franchir 1i1du Dme (20). Cet Agni est alors le messager de Dieu, lhte de toutes les

    15RV., III, 34, 8, vishwam kam.16VS., V, 35;jyotir asi vishswarpam.17RV., VI, 16, 35, cf. III, 29, 14. Le Bodhisattwa, galement, est visible dans le sein de sa mre,

    (M. III, 121). De mme, en gypte, le Soleil nouveau est vu dans le sein de la Desse du Ciel(H. Schfaeer, Von gyptischen Kunst, 1940, AGG., 71): le parallle chrtien, o Jean est ditavoir vu Jsus enfant dans le sein de sa mre, est probablement dorigine gyptienne.

    18RV.,III,3,10; X,115,1.19RV., X, 8, 4; X, 122, 3.20 Pour la Porte du Soleil, lascension la suite dAgni (TS., V, 6-8; AB., IV, 20-22), etc.,

    voir mon Swaymtrinn; Janua Cli dansZalmoxis, II, 1939 (1941).

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    demeures humaines, soit bties, soit corporelles, le principe lumineux etpneumatique de vie, et le prtre qui transmet lodeur de loffrande consume dici-bas jusquau monde au-del de la vote du Ciel, travers laquelle il nest dautrevoie que cette., Voie des Dieux (dvyana). Cette Voie doit tre suivie, daprsles empreintes de lAvant-Coureur, comme le mot Voie (21) lui-mme le

    suggre, par tout tre qui veut atteindre l autre rive du fleuve de vie (22)immense et lumineux qui spare cette grve terrestre de la grve cleste. Cettenotion de la Voie est sous-jacente tous les symbolismes particuliers du Pont, duVoyage, du Plerinage et de la Porte de lAction.

    Considres part, les moitis de lUnit originellement indivise peuventtre distingues de diverses faons : selon le point de vue politique, par exemple,sous la forme du Sacerdoce et de la Royaut (brahmakshatrau), et selon le pointde vue psychologique sous la forme du Soi et du Non-Soi, de lHomme Intrieuret de lIndividualit extrieure, du Mle et de la Femelle. Ces couples sont

    disparates. Et, mme lorsque le terme subordonn sest spar du terme suprieuren vue de leur coopration productrice, il demeure dans ce dernier dune faonsurminente. Ainsi le Sacerdoce est la fois le Sacerdoce et le Rgne cestl la condition de la mixta persona du prtre-roi Mitrvarunau, ou Indrgn mais le Rgne, en tant que fonction distincte, nest rien dautre que lui-mme,tant relativement fminin et subordonn au Sacerdoce, son Gouverneur (ntri =). Mitra et Varuna correspondent au para et lapara Brahma, et, demme que Varuna est fminin par rapport Mitra, de mme Brahma, en tant quebrahma-yoni, bhta-yoni, est fminin par rapport lAnctre. La distinction desfonctions en termes de sexe dfinit la hirarchie. Dieu lui-mme est mle parrapport tout. Mais, de mme que Mitra est mle par rapport Varuna etVaruna, mle son tour par rapport la Terre, de mme le Prtre est mle parrapport au Roi et le Roi mle par rapport son royaume. De la mme manire,lhomme est sujet du gouvernement conjoint de lglise et de ltat, mais ildtient lautorit au regard de sa femme, laquelle son tour administre sontat. A travers toute cette suite, cest le principe notique qui sanctionne ouprescrit ce que lharmonie accomplit ou vite. Le dsordre napparat que lorsquele second terme se laisse arracher son allgeance normale parla tyrannie de sespropres passions, et identifie cet asservissement la libert (23).

    21 Mrga, Voie, de mrig = . La doctrine des vestigia pedis est commune auxenseignements grec, chrtien, hindou, bouddhiste et islamique, et forme la base deliconographie des empreintes de pas. Cf., par exemple, Platon, Phdre, 253 A, 266 B., etRmi, Mathnaw, Il, 160-1. Quel est le viatique du oufi? Ce sont les empreintes. Il

    poursuit le gibier comme un chasseur: il voit la trace du daim musqu et suit ses empreintes ;Matre Eckhart parle de lme en chasse ardente de sa proie, le Christ. Les avant-coureurs

    peuvent tre suivis la trace par leurs empreintes aussi loin que la Porte du Soleil, JanuaCeli, le Bout de la Route; au-del, on ne peut les pister. Le symbolisme de la poursuite latrace, comme celui de lerreur (pch) en tant que manque toucher la cible, est lun deceux qui nous sont venus des plus anciennes civilisations de chasseurs. Cf. note 5.

    22Lo gran mer dessere, Paradiso, I, 113. La traverse est la dEpinomis, 986 E.23 Pour tout ce paragraphe, voir notre Spiritual Authority and Temporal Power in the Indian

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    Tout cela sapplique de la faon la plus pertinente lindividu, homme oufemme lindividualit extrieure et agissante dun homme ou dune femmedonns est fminine par nature, et soumise son propre Soi intrieur etcontemplatif. La soumission de lHomme Extrieur lHomme Intrieur estexactement ce que lon entend par matrise de soi et autonomie, et dont le

    contraire est la suffisance . Dautre part, cest l-dessus que se fonde ladescription du retour Dieu dans les termes dun symbolisme rotique Demme quun homme embrass par sa bien-aime ne sait plus rien du Je et duTu, ainsi le soi embrass par le Soi omniscient (solaire) ne sait plus rien dunmoi-mme au-dedans ou dun toi-mme au-dehors (24), cause del unit, comme le remarque Shankara. Cest ce Soi que lhomme qui aimerellement, lui-mme ou les autres, aime en lui-mme ou dans les autres; cestpour le seul amour du Soi que toutes choses sont chres (25). Dans cet amourvritable du Soi, la distinction dgosme et daltruisme perd toute signification.

    Celui qui aime voit le Soi, le Seigneur, pareillement dans tous les tres, et tousles tres pareillement dans le Soi seigneurial (26). En aimant ton Soi, ditMatre Eckhart, tu aimes tous les hommes comme tant ton Soi (27). Toutesces doctrines concident avec cette parole oufi : Quest-ce que lamour? Tule sauras quand tu seras moi (28).

    Le mariage sacr, consomm dans le cur, adombre le plus profond de tousles mystres (29), car il signifie la fois notre mort et notre rsurrection batifique. Le mot prendre en mariage (ko bh, devenir un) signifie aussimourir, tout comme le grec veut dire tre parfait, tre mari et mourir.Quand chacun est les deux, aucune relation ne subsiste: et ntait-ce envertu de cette batitude (nanda), il ny aurait nulle part de vie ni debonheur(30). Tout cela sous-entend que ce que nous appelons le processus dumonde, la cration, nest rien quun jeu (krd, ll, dolce gioco) quelEsprit joue avec lui-mme, comme la lumire du soleil joue sur tout cequelle claire et vivifie, toutefois sans tre affecte par ses contacts apparents.Nous qui jouons le jeu de la vie si dsesprment pour les enjeux de ce monde,nous pourrions jouer le jeu damour avec Dieu pour des enjeux qui les

    Theory of Government,American Oriental Series , XXII, 1942.24BU., IV, 3, 21 (traduit assez librement), cf. I, 4, 3; CU., VII, 25, 2. Dans ltreinte de cet Unsouverain qui anantit le soi spar des choses, ltre est un sans distinction (Evans, 1, 368).On nous dit souvent que la divinit est la fois au-dedans et au-dehors, cest--direimmanente et transcendante; en dernire analyse cette distinction thologique scroule, etquiconque est uni au Seigneur est un seul esprit (I Cor., 6, 17). a Je vifs, mais non pas moi(Gal., 2, 20): a Mais si je vis, et non pas moi, ayant ltre, toutefois pas le mien, cet un-en-deux et ce deux-en-un, comment le dfiniront mes paroles? (Jacoponi da Todi).

    25BU., Il, 4, etc. Sur lamour du Soi, voir les rfrences dans HJAS., 4, 1939, p. 135.26BG., VI, 29; XIII, 27.27Matre Eckhart, Evans, 1., 139; cf. Sn., 705.28Rm, Mathnaw, Bk., II, introduction.29SB., X, 5, 2, 11, 12; BU., IV, 3, 21.30TU., 11, 7.

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    surpassent, savoir notre soi et le Sien. Nous jouons lun contre lautre pour lapossession des biens, quand nous pourrions jouer avec le Roi qui joue son trneet Ce quIl est contre notre vie et tout ce que nous sommes : un jeu o, plus onperd, plus on gagne (31).

    Par la sparation du Ciel et de la Terre, on distingue les Trois Mondes; le

    Monde Intermdiaire (antariksha) produit lespace, dans lequel les possibilitslatentes de manifestation formelle pourront natre selon la multiplicit de leursnatures. De la premire substance, lther (ksha), drivent successivement lair, lefeu, leau et la terre; et de ces cinq lments (bhtni ), combins en proportionsvaries, sont forms les corps inanims des cratures (32), dans lesquels la Divinitentre pour les veiller, se divisant elle-mme pour remplir ces mondes et devenir laMultitude des Dieux (vishwdvh), Ses enfants (33). Ces Intelligences (jnnni,ou spirations,prnh) (34), sont les htes des tres (bhtagana); elles oprent ennous, unanimement, a titre dme lmentaire (bhttman), ou de soi conscient

    (35). Cest l en effet notre

    soi

    , mais un soi pour le moment mortel, sans essencespirituelle (antmya, antmna), ignorant du Soi immortel (tmnamananuvidya,antmajna) (36), et quil ne faut pas confondre avec les Dits immortelles quisont dj devenues ce quelles sont par leur valeur (arhana), et que londsigne sous le nom dArhats (Dignits) (37). Par le moyen des dits perfectibles et terrestres, tout comme un Roi reoit le tribut (balimhri) de ses

    31Pour tout ce paragraphe, voir JAOS., 61, 1940.

    Tu as invent ce Je et Nous afin de pouvoir jouer le jeu dadoration avec Toi-mme,Afin que tous les Je et les Tu deviennent une seule vie.Rm, Mathnaw, 1, 1787.

    Per sua diffalta in pianta ed in affamoCambio onesto riso e dolce gioco.

    Dante,Purgatorlo, XXVIII, 95, 96.32 CU., I, 9, 1; VII, 12, 1; TU., II, 1, 1. Lther est lorigine et la fin du nom et de la forme,

    i. e. de lexistence; les quatre autres lments sont issus de lui et retournent lui comme leur principe. Quand il est tenu compte de quatre lments seulement, comme cela arrivefrquemment dans le Bouddhisme, on a en vue les bases concrtes des choses matrielles ; cf.Saint Bonaventure, De red. artium ad theol., 3, Quinque suret corpora mundi simplicia,

    scilicet quatuor elementa et quintes essentia. Tout comme, dans lancienne philosophiegrecque, les quatre racines ou lments (feu, air, terre et eau dEmpdocle, etc.) necomprennent pas lther spatial, tandis que Platon mentionne les cinq (Epinomis, 981 C) etquHerms fait remarquer que lexistence de toutes les choses qui sont et t impossible silespace navait exist comme une condition pralable de leur tre . (Ascl Il, 15). Il seraitabsurde de supposer que ceux qui parlaient seulement de quatre lments navaient pas lesprit cette notion passablement vidente.

    33 MU., 11, 6; VI, 26; cest--dire apparemment (iva) divis dans les choses divises, mais enralit non divis (BG., XIII, 16; XVIII, 20), cf. HermsLib., X, 7, o les mes proviennent

    pour ainsi dire () du morcellement et du partage de la seule me Totale.34Jnnni, prjn-mtr etc. KU., VI, 10; MU-, VI, 30; Kaush. UP., III, 8.35MU., III, 2 f.36SB., II, 2, 2, 3, 6. Cf. Notes 199, 204.37RV., V., 86, 5; X, 63, 4

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    sujets (38), le Personnage dans le cur, lHomme Intrieur, qui est aussi lePersonnage dans le Soleil, obtient la nourriture (anna, ahara), tant physique quementale, qui lui est ncessaire pour subsister durant sa procession de ltre versle devenir. En raison de la simultanit de sa prsence dynamique dans tous lesdevenirs passs et futurs (39), on peut regarder les pouvoirs crs, luvre.

    dans notre conscience, comme le support temporel de la providence (prajnna) etde lomniscience (sarvajnna) ternelles de lEsprit solaire. Non que le mondesensible, avec ses vnements successifs, dtermins par des causes mdiates(karma, adrishtaaprva), soit pour lui source de connaissance ; mais bien pluttparce que ce monde est lui-mme la consquence de la science qua lEsprit decette image diverse peinte par lui-mme sur le vaste canevas de lui-mme(40). Ce nest pas par le moyen de la Totalit quil se connat lui-mme:cest par sa connaissance de lui-mme quil devient la Totalit (41). Cest lepropre de notre faon inductive de connatre, que de le connatre par la Totalit.

    On a dj pu se rendre compte que thologie et autologie sont une seule etmme science, et que la seule rponse possible la question : Qui suis-je?est : Tu es Cela (42). Car, de mme quil en est deux en Lui, lAmour et laMort, de mme, toutes les traditions laffirment de faon unanime, il en est deuxen nous; non pas toutefois deux de Lui ou deux en nous ; ni mme un de Lui etun de nous, mais seulement un de lun et de lautre. Au point o nous sommes,situs entre le premier commencement et la fin dernire, nous sommes divisscontre nous-mmes. Lessence est spare de la nature. Cest pourquoi nous Levoyons, Lui aussi, divis contre Lui-mme et spar de nous. Nous illustreronscela laide de deux images. Dans la premire il y a deux oiseaux associs,lOiseau-Soleil et lOiseau-me, perchs sur lArbre de Vie; lun voit tout,

    38AV., X, 7, 39, XI, 4, 19; JUB., 23, 7; BU., IV, 3, 37, 38.39RV., X, 90, 2; AV., X, VIII, 1; KU., IV, 1.3; Shwt. Up., III, 15.40Shankarchrya, Swtmanirpana, 95. Limage du monde (jagacchitra o)

    peut tre appele la forme de lomniscience divine, et elle est le paradigme hors du temps detoute existence, la cration tant exemplaire, cf. mon Vedic Exemplarism dans HJAS., I,1936. Un prcurseur de lIndo-Iranien arta et mme de lIde platonicienne se trouve dans lesumrien gish-ghar, le contour, plan ou modle des choses-qui-doivent-tre, tabli par les

    Dieux la cration du monde et fix dans le ciel en vue de dterminer limmutabilit de leurcration (Albright, dans JAOS, 54, 1934, p. 130, ci. p. 121, note 48). Limage du mondeest la de Platon (Time, 29 A, 37 C), dHerms, etlternel miroir qui conduit les esprits qui regardent en lui vers la connaissance de toutes lescratures, et mieux quen regardant ailleurs de saint Augustin (voir Bissen, Lexemplarismedivin selon saint Bonaventure, 1929, p. 39, note 5); cf. saint Thomas dAquin, Sum. Theol., I,12, 9 et 10, Sed omnia sic videntur in Deo sicut in quodam speculo intelligibili... non

    successive, sed simul. Quand lhabitant du corps, contrlant les facults de lme quisaisissent ce qui leur appartient dans les sons, etc., sillumine, il voit lEsprit (tman) dans lemonde, et le monde dans lEsprit (Mahbhrata, III, 210); Je vois le monde comme uneimage, lEsprit (Siddhnta-muktdval, p. 181).

    41 BU., 1, 4, 10; Prash., IV, 10. Lomniscience prsuppose lomniprsence et inversement. Cf.ma Recollection, Indian and Platonic ,JAOS., Supplement, 3, 1945.

    42SA., XIII; CU., VI, 8, 7.

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    lautre mange des fruits de lArbre (43). Pour Celui qui comprend, ces deuxoiseaux sont un (44); Liconographie les reprsente, soit sous la forme dunoiseau deux ttes, soit sous la forme de deux oiseaux aux cous entrelacs. Mais,de notre point de vue, il y a une grande diffrence entre la vie de celui quiregarde et la vie de ceux qui participent laction. Le premier est sans entraves ;

    le second, cras par la ncessit de manger et de nicher, souffre de son manque deseigneurie (ansha), jusqu ce quil aperoive son Seigneur (sha), et reconnaisseen Lui et dans Sa majest son propre Soi, dont les ailes nont jamais trognes(45).

    Dans la seconde image, la constitution des mondes et de lindividu est compare une roue (chakra) dont le moyeu est le cur, les rayons nos facults, et les pointsde contacts avec la jante, nos organes de perception et daction (46). Les plesque reprsentent respectivement notre Soi profond et notre Soi superficiel, sont icidune part, lessieu immobile sur lequel la roue tourne il punto dello stelo al cui

    la prima rota va dintorno la pointe de laxe autour duquel tourne le premierorbe(47), et dautre part, la jante en contact avec la terre sur laquelle elle ragit.Telle est la roue du devenir et des naissances (bhavachakra = s s) (48). Le mouvement commun de toutes ces roues intrieures les unes auxautres chacune tournant autour dun mme point non spatial et constituantchacune un monde ou un individu est appel la Confluence (samsra). Cestdans cette tourmente du flot du monde que notre soi lmentaire (bhttman)est fatalement emport: fatalement parce que tout ce que nous sommesdestins par nature accomplir ici-bas, est la consquence inluctable delopration continue, quoique invisible, des causes mdiates, dont seul le pointsusdit demeure indpendant, tant dans la roue, sans doute, mais non en tant quepartie de celle-ci.

    Ce nest pas seulement notre nature passible qui est engage, mais aussi laSienne. Dans cette compatibilit de nature, Il sympathise avec nos misres et nosdlices, et Il est soumis aux consquences des choses autant que nous. Il nechoisit pas le sein o il va natre; Il accde des naissances qui peuvent tre levesou mdiocres (sadasat) (49), o sa nature mortelle gote le fruit (bhoktri) du biencomme du mal, de la vrit comme de lerreur (50). Dire quIl est seul voyant,oyant, pensant, connaissant et fructifiant (51) en nous, dire que quiconque voit,

    voit parSa lumire (52), car il est dans tous les tres Celui qui regarde, cest dire

    43RV., 1, 164, 20.44RV., X, 114, 5.45Mund. Up., III, 1, 1-3.46BU., 11, 5, 15, IV, 4, 22, Kaush. Up., 111, 8, etc. Semblablement Plotin,Ennades, VI, 5, 5.47Paradiso, XIII, II, 12.48Jacques, 3, 6, Cf. Philon, Somn., II, 44. Ici le concept est dorigine orphique.49MU., III, 2; BG., XIII, 21. Paradiso, VIII, 127, non distingue lun dall altro ostello.50MU., 11, 6, VI, 11, 8.51AA., III, 2, 4; BU., III, 8, 11, IV, 5, 15.52JUB., I, 28, 8 et semblablement pour les autres facults de lme.

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    que le Seigneur est le seul qui transmigre (53). Il sensuit invitablement que, parlacte mme o Il nous doue de conscience, Il semprisonne Lui-mme comme unoiseau dans le filet, et sassujettit au mal, la Mort (54), ou semble du moinssemprisonner et sassujettir ainsi.

    Par l Il est soumis notre ignorance, et souffre pour nos pchs. Mais alors, qui

    peut tre dlivr? et par qui? et de quoi? Il vaudrait mieux demander, eu gard cette libert absolument inconditionnelle, Qui est libre maintenant et jamais deslimitations que la notion mme dindividualit implique? (aham cha mama cha,Moi et le mien; kart ham iti, Je suis un tre agissant (55)). La libert est

    53 Shankarchrya, Sur les Brahma-Stras 1, 1, 5, Satyam, nshward anyah samsr: cetteaffirmation trs importante est largement appuye par les textes primitifs e. g. RV., VIII, 43, 9,X, 72, 9; AV., X, 8, 13; BU., III, 7, 23, III, 8 11, IV, 3, 37, 38; Shwt. Up., II, 16, IV, 11;MU., V, 2. Il ny a pas dessence individuelle qui transmigre. Cf. Jean, III, 13. Personne nest

    mont au ciel si ce nest celui qui est descendu du ciel, le Fils de lHomme qui est dans leciel. Le symbole de la chenille dans BU., IV, 4, 3, nimplique pas le passage dun corps unautre, dune vie individuelle distincte de lEsprit Universel, mais dune part pour ainsi direde cet Esprit enveloppe dans les activits qui occasionnent la prolongation du devenir(Shankarchrya, Br. Stra, II, 3, 43; III, 1, 1). En dautres termes, la vie est renouvele parlEsprit vivant dont la semence est le vhicule, alors que la nature de cette vie est dtermine

    par les proprits de la semence elle-mme (BU., 111, 9, 28 ; Kaush. Up., III, 3, et galementsaint Thomas dAquin. Sum. Theol., 111, 32, 11). Blake dit de mme: Lhomme nat commeun jardin tout plant et sem. Le caractre est tout ce que nous hritons de nos anctres; leSoleil est notre Pre rel. De mme dans JUB., 111, 14, 10, M. I., 2656, et Aristote, Phys., 11,2. comme lont bien compris saint Thomas dAquin,

    Sum. Theol., I, 115, 3 ad 2 et Dante, De monarchie, IX. Cf. Saint Bonaventure,De red. artiumad theologiam, 20. (Les remarques de Wicksteed et Cornford dans la Physique de la LbLibrary, p. 126, montrent quils nont pas saisi la doctrine.)

    54SB., X, 4, 4, 1.55BG., 111, 27; XVIII, 17; et. JUB., l, 5, 2. BU., III, 7, 23; MU., VI, 30, etc. galement S.,

    Il 252; Udna, 70, etc. A lide du Je suis (asmimna et du Je fais (kartham iti)correspond le gr. = (Phdre, 92 A, 244 C). Pour Philon est lignorance (1, 93); la pense qui dit: Je plante est impie (I, 53); je ne trouve riendaussi honteux que de supposer que jexerce mon esprit ou mes sens a (I, 78). Plutarqueaccouple et . Cest de ce mme point de vue que saint Thomas dit que, pourautant que les hommes sont pcheurs, ils nexistent pas du tout (Sum. Theol., I, 20, 2 ad4); et, en accord avec laxiome Ens et bonum convertuntur, sat et asat ne sont passeulement ltre et le non-tre, ramais aussi le bien et le mal (Par ex. dansMU., III, 1 et BG, XIII, 21). Tout ce que nous faisons en plus ou en moins de ce qui est

    juste est une faute, et doit tre regard simplement comme nayant pas t fait du tout. Parexemple, Dans la louange, omettre cest ne pas louer, en dire trop, cest mai louer, louerexactement, cest louer effectivement (JB., I, 356). Ce qui na pas t fait en rgle

    pourrait aussi bien navoir pas t fait du tout et nest, strictement parler, pas un acte(akritam, unthat), cest la raison de laccent redoutable mis sur la notion dunaccomplissement correct des rites et des autres actes. Il en rsulte finalement quenous sommes les auteurs de tout ce qui est mal fait, et qui par let mme nest pas fait du

    tout en ralit, tandis que, de tout ce qui est effectivement fait, lauteur est Dies. De mmeroue, selon notre propre exprience, si je fais une table qui ne tient pas debout, je ne suis pas menuisier et la table nest pas rellement une table; tandis que, si je fais une vraietable, ce nest pas par moi en tant quhomme, mais par l art quen ralit la table est

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    par rapport soi-mme, au Je et ses affections. Celui-l seulement est libredes vertus et des vices et de toutes leurs fatales consquences, qui nest jamaisdevenu qui que ce soit; celui-l seulement peut ltre qui nest plus dsormaisqui que ce soit; on ne peut tre libr de soi-mme tout en demeurant soi-mme.La dlivrance du bien et du mal, qui semblait impossible et qui lest en effet pour

    lhomme dfini comme agissant et pensant, celui qui, la question : Qui est-ce ? rpond: Cest moi, cette dlivrance nest possible qu celui-l seul qui, la Porte du Soleil, la question : Qui es-tu? peut rpondre: Toi-mme(56). Celui qui sest emprisonn lui-mme doit se librer lui-mme, et cela nepeut se faire quen ralisant laffirmation: Tu es Cela. Cest aussi bien nousde le librer en connaissant Qui nous sommes, qua Lui de Se librer lui-mme ensachant Qui Il est. Cest pourquoi, dans le Sacrifice celui qui loffre sidentifie la victime.

    De l aussi la prire : Ce que Tu es, puiss-je ltre (57), et le sens ternel

    de la question critique

    :

    De qui sera-ce le dpart lorsque je partirai dici (58)

    ?

    de moi-mme ou du Soi immortel, du Conducteur (59). Si lon a raliseffectivement les vritables rponses, si lon a trouv le Soi et fait tout ce quil yavait faire (kritakritya), sans aucun rsidu de potentialit (krity), la fin dernirede notre vie est actuellement atteinte (60). On ne saurait trop insister sur le faitque la libert et limmortalit (61) peuvent tre, non seulement atteintes, mais

    faite, Je tant seulement une cause efficiente. De la mme faon le Soi Intrieur sedistingue du soi lmentaire comme le moteur (krayitri se distingue de lagent (kartri,

    MU., III, 3, etc. )Lopration est mcanique et serve ; lagent est libre seulement dans lamesure o sa propre volont est ce point identifie celle de son matre quil devient sonpropre patron (krayitri) Ma servitude est libert parfaite.

    56JUB., III, 14, etc. Cf. mon The E at Delphi,Review of Religion, nov. 1941.57TS., I, 5, 7, 6.58Prash. Up., V I, 3; cf. rponses dans CU., III, 14,, 4 et Kaush. Up., II, 14.59CU., VIII, 12, 1; MU., III, 2; V I, 7. Pour le AA., Il, 6 et RV., V, 50, 1.60 AA., Il, 5; SA., II, 4; MU., VI, 30; cf. TS., 1, 8, 3, 1. Kritakritya, tout en acte

    correspond au pali katamkarantyam dans la formule Arhat bien connue.61Amritattwa, littralement immortalit; dans urate la mesure o il sagit dtres ns, soit

    dieux, soit hommes, ce mot nimplique pas une dure sans fia, Irais la totalit de la vie;on doit entendre: m mourant pas prmaturment (SB., V, 4 ; 1, 1; IX, 5, 1, 10; PB., XXII,12, 2, etc.). Ainsi la totalit de la vie de lhomme (yus = aeon) est de cent ans (RV, I, 89,9; 11, 27, 10, etc.); celle des Dieux est de mille ans (XI, 1, 6, 6, 15) ou de la dure quereprsente ce chiffre rond (SB., VIII, 7, 4, 9; X, 2, 1-ii, etc.). Ds lors, quand les Dieux,qui, lorigine, taient a mortel s, obtiennent leur immortalit (RV., V, 3, 4, et X, 63,4,; SB., XI, 2, 3, 6, etc.), cela ne doit tre compris que dans un sens relatif et ne signifie pasautre chose que leur vie, compare celle des hommes, est plus longue (SB., VII, 3, 1, 10,Shankara. Sur les Br. Stra, I, 2, 17 et II, 3, 7, etc.). Dieu seul, comme non-n ou nseulement en apparence est absolument immortel; Agni, vishwyus = , seulimmortel parmi les mortels, Dieu parmi les Dieux (RV., IV, 2, 1; SB., II, 2, 2, 8, etc.). Sa

    nature intemporelle (akla) est celle du

    maintenant

    sans dure, dont nous, qui ne pouvons penser quen termes de pass et de futur (bhtam bhavyam) navons et ne pouvons avoirlexprience. De Lui toutes choses procdent, et en Lui elles sunifient (ko bhavanti) la fin(AA., II, 3, 8, etc.). En dautres termes, l immortalit est de trois ordres: la longvit

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    encore ralises ici-mme et maintenant aussi bien que dans un quelconque au-del. Celui qui est dlivr en cette vie (jvan mukta) ne meurt plus (na

    punar mriyat) (62): Celui qui a compris le Soi contemplatif sans ge et sansmort, qui na en lui aucun manque et qui ne manque de rien, celui-l ne redoute pas la mort (63) Ltant dj mort, il est, comme le oufi, un mort qui

    marche(64). Un tel homme naime plus ni lui-mme ni les autres : il est le Soide lui-mme et des autres. La mort soi-mme est la mort aux autres ; et, si lemort sembl ne pas tre goste, ce nest pas pour quelque motif altruiste,mais titre. accidentel, et parce quil est littralement sans ego. Dlivr de lui-mme et de toutes conditions, de tous devoirs et de tous droits, il est devenuCelui qui se meut son gr (kmachr) (65) comme lEsprit (Vyu, tmdvnm) qui va o il veut (yath vasham charati) (66), ntant plus, comme ledit saint Paul, sous la loi.

    Tel est le dsintressement surhumain de ceux qui ont trouv leur Soi : Je suis le

    mme dans tous les tres et il nen est aucun que jaime, aucun que je hasse

    (67).

    Telle est la libert de ceux qui ont rempli les conditions exiges par le Christ de sesdisciples, savoir de har leur pre et leur mre et pareillement leur propre vieterrestre (68). On ne peut dire ce quest lhomme libre, mais seulement ce quilnest pas: Trasumanar significar per verba, non si potria... (Dante. Paradiso, 1,70). Transfigurer ne se peut exprimer par des mots... Mais lon peut dire ceci : ceuxqui ne se sont pas connus eux-mmes ne seront dlivrs ni maintenant ni jamais, etgrande est la ruine de (ceux qui sont ainsi) victimes de leurs propres sensations(69). Lautologie brahmanique nest pas plus pessimiste quoptimiste; elle estseulement dune autorit plus imprieuse que celle de nimporte quelle autre science

    humaine, laviternit des Dieux, et limmortalit sans dure de Dieu (sur laeviternit, voirsaint Thomas dAquin., Sum. Theol., I, 10, 5).Les textes hindous eux-mmes ne permettent aucune confusion: toutes les choses sous leSoleil sont au pouvoir de la Mort (SB., II, 3, 37, X, 5, 1, 4). Pour autant quelle descend dans lemonde, la Divinit elle-mme est un Dieu qui meurt; il ny a dans la chair aucune possibilitde ne jamais mourir (SB., II, 2, 2, 14 ; X, 4, 3, 9; JUB., III, 38, 10, etc.); la naissance et lamort sont indissolublement lies (BG., II, 27; A., IV, 137; Sn., 742).On peut observer que le grec a des significations analogues; pour limmortalitmortelle, cf. Platon,Banquet, 207, D-208 B, et Herms,Lib., XI, I, 4a etAscl., III, 40 b.

    62SB., II, 3, 3, 9; BU., I, 5, 2, etc. Cf. Luc, 20, 36; Jean, II, 26.63AV., X, 8, 44; cf. AA., III, 2, 4.64 Mathnaw, VI, 723 f. La parole Mourez avant que vous ne mouriez est attribue

    Mohammed. Cf. Angelus Silesius, Stirb ehe du stirbst.65 RV., IX, 113, 9; JUB., III, 28, 3; SA., VII, 22; BU., II, 1, 17, 18, CU., VIII, 5, 4 ; VIII, I, 6

    (cf. D, I, 72); Taitt. Up., III, 10, 5 (de mme dans Jean, X, 9).66RV., IX, 88, 3; X, 168, 4; cf. Jean, III, 8; Gylfiginning, 18.67BG., IX, 29.68 Luc, XIV, 26; ci., MU., VI, 28: Si un homme est attach son fils, sa femme, sa

    famille, pour un tel homme, non jamais; Sn., 60, puttam cha dvam pitaram chamtaram... hitwna. Matre Eckhart dit de mme: Aussi longtemps que tu sais qui ont tdans le temps ton pre et ta mre, tu nes pas mort de la mort vritable (Pfeiffer, p. 462). Cf.

    Note 17, p. 92.69BU., IV, 4, 14; CU., VII, 1, 6; VII, 8, 4, etc.

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    dont la vrit ne dpend pas de notre bon plaisir. Il nest pas plus pessimiste dereconnatre que tout ce qui est tranger au Soi est un tat de dtresse, quil nestoptimiste de reconnatre que l o il ny a pas dautrui il ny a littralement rien craindre (70). que notre Homme Extrieur soit un autre, cela ressort delexpression: Je ne peux pas compter sur moi. Ce que lon a appel

    loptimisme naturel des Upanishads est leur affirmation que la conscience dtre,bien que sans valeur en tant que conscience dtre Un Tel, est valable dans labsolu,et leur doctrine de la possibilit actuelle de raliser la Gnose de la Dit Immanente,notre Homme Intrieur: Tu es Cela. Dans la langue de saint Paul : Vivo, autemjam non ego.

    Quil en soit ainsi, ou seulement quIl soit, ne peut se dmontrer lcole, olon ne soccupe que des choses tangibles et quantitatives. En mme temps, il neserait pas scientifique de rejeter a priori une hypothse dont la preuve parexprience est possible. Dans le cas prsent, une Voie est propose ceux qui

    consentiront la suivre. Cest prcisment en ce point que nous devons passer des principes lopration travers laquelle, plutt que par laquelle, ils peuvent trevrifis; autrement dit, de la considration de la vie contemplative celle de la vieactive et sacrificielle.

    70BU., I, 4, 2.

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    La Voie des uvres

    e Sacrifice reflte le Mythe mais, comme tout reflet, en sens inverse. Ce quitait un processus de gnration et de division devient ici un processus dergnration et dunification. Des deux soi , n qui habitent ensemble dans le

    corps et qui y ont leur dpart, le premier est n de la femme, et le second du Feusacrificiel, matrice divine o la semence de lhomme doit natre de nouveau, autrequil ntait. Jusqu ce quil soit n de nouveau, lhomme na que le premier soi, lesoi mortel (1). Offrir un sacrifice, cest natre, et lon peut dire qu en vrit, il estencore non-n celui qui noffre pas de sacrifice (2). Et encore, quand lAnctrenotre Pre a mis ses enfants et tendrement (prma, snhavachna) demeure eneux, il ne peut plus, partir deux, se runir Lui-mme (punarsambh) (3).Aussi scrie-t-il: Ceux-l spanouiront qui, dici-bas, me rdifieront (punarchi): Les Dieux Lont difi, et ils se sont panouis ; ainsi celui qui offre le

    Sacrifice spanouit aujourdhui mme dans ce monde-ci et dans lautre (4).Celui qui offre le Sacrifice, en difiant l(autel du) Feu de tout son esprit et detout son moi(5) ( ce Feu sait quil est venu pour se donner moi (6)),runit (samdh, samskri) du mme coup la dit dmembre et sa proprenature spare. Car il serait dans une grande illusion, il serait simplement unebte, sil disait: Il est quelquun, et moi un autre (7).

    Le Sacrifice est dobligation: Nous devons faire ce que les Dieux firentautrefois (8). En fait, on en parle souvent comme dun travail (karma).Ainsi, de mme quen latin operare = sacra facere = , de mme dans

    lInde, o laccent est mis si fortement sur laction, bien faire signifie faire desactes sacrs. Seul le fait de ne rien faire et mal faire revient ne rien faire est vain et profane. A quel point lacte sacr est analogue tout autre travail professionnel, on sen rendra compte si lon se souvient que les prtres ne sontrmunrs que lorsquils oprent pour autrui, et que recevoir des cadeaux nest pas licite lorsque plusieurs hommes sacrifient ensemble pour leur proprecompte(9). Le Roi, comme suprme Patron du Sacrifice pour son Royaume,

    1 JB., I, 17; SB., VII, 2, 1, 6 avec VII, 3, 1, 12; BU., II, 1, Il; Sn., 160, et dinnombrables

    textes distinguant les deux soi. La doctrine selon laquelle duo sunt in homine est universelle,et notamment hindoue, islamique, platonicienne, chinoise et chrtienne. Cf. On being inones right mind.Rev. of Religion, VII, 32 f.

    2SB., I, 6, 4, 21; 111, 9, 4, 23; KB., XV, 3; JUB., III, 14, 8. Cf. Jean. 3, 3-7.3TS., V, 5, 2, 1; cf. SB., I, 6, 3, 35, 36; Shankarchrya,Br. Stra, II, 3, 46.4 TS., V, 5, 2, 1. Non seulement les desservants eux-mmes, mais la cration tout entire

    participent aux bienfaits du Sacrifice (SB., I, 5, 2, 4; CU., V, 24, 3).5SB., III, 8, 1, 2.6SB., Il, 4, 1, 11; IX, 5, 1, 53.7 BU., I, 4, 10; IV, 5, 7; Cf. Matre Eckhart, Wer got minnet fr sinen got unde got an betet

    fr sinen got und im d mite lzet genegen daz ist nur als, ein angeloubic mensche (Pfeiffer, p. 469).

    8SB., VII, 2, 1, 4.9 TS., VII, 2, 10, 2. A une telle session rituelle (sattra) le Soi (tman, lEsprit) est la

    L

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    reprsente le sacrificateur in divinis, et constitue lui-mme le type de tous lesautres sacrificateurs.

    Lune des plus tranges controverss quoffre lhistoire de lorientalisme atourn autour de lorigine de la bhakti, comme si la dvotion tait apparue unmoment donn la faon dune innovation, donc dune mode. Bhaj, la racine de

    bhakti, etc., et notamment de bhikshu (mendiant religieux qui demande aux autres sanourriture), est la fois synonyme de sv, upachar, , et exprime lide deservir, de donner ses soins un objet digne de respect, humain ou divin. Dans lestextes anciens, cest habituellement la Dit qui distribue aux autres des bienfaitstels que la vie ou la lumire, et que lon appelle pour cela Bhaga ou Bhagavat,Dispensateur, son don tant une participation ou une dispensation (bhgam).Mais dj dans le Rig-Vda (VIII. 100. 1), Indra est manifestement le bhaktadAgni, et cest l la relation normale du Rgne au Sacerdoce; et dans le Rig-Vda(X. 51. 8.) ceux quAgni appelle en disant : Donnez-moi ma part (dattabhgam)

    seront ses bhaktas. Tout sacrifice comporte le don de la part (bhgam) due celuiqui le reoit; il est dans ce sens un acte de dvotion et en dernire analyse, lacte dedvotion du sacrificateur lui-mme, qui est le dvot. La dvotion implique lamour,car lamour est la raison de tout don ; mais il demeure que la traduction littrale de bhakti sera, dans certains textes, participation, et dans dautres dvotion,plutt quamour, pour lequel le terme estprma.

    On a souvent fait remarquer que le Sacrifice tait conu comme un commerceentre les Dieux et les hommes (10). Mais on sest rarement rendu compte quenintroduisant dans la conception traditionnelle du commerce des notions empruntes nos froces transactions commerciales, nous avons fauss notre comprhension dusens originel de ce commerce, qui tait alors du type potlatsh, cest--dire bien plusune comptition pour donner quune comptition pour prendre, comme fait le ntre.Celui qui offre le Sacrifice sait, quelle que soit la raison pour laquelle il loffre,quil recevra en retour pleine mesure, ou plutt mesure suprieure, car si son trsor lui est limit, celui de lautre partie est inpuisable. Il est lImprissable (syllabe,Om), parce quil dispense tous les tres, et que nul ne peut dispenser par-delLui(11): Dieu donne autant que nous pouvons prendre de Lui, et la mesure

    rtribution (dakshina) et cest dans la mesure o les sacrificateurs obtiennent le Soi en

    rcompense quils gagnent le ciel (tm-dakshinam vai sattram, tmnam va nitw swargamlokam yanti, TS., VII, 4, 9, 1; cf. PB., IV, 9, 19). Dans une session, le Soi est le salaire...Que je saisisse ici mon Soi comme rtribution, pour ma gloire, pour le monde du ciel, pourlimmortalit (KB., XV, 1). Par contre, dans le cas des sacrifices accomplis pour autrui,comme dans le cas dune Messe dite pour dautres, un salaire est d aux prtres, qui, en tantque pres spirituels, permettent celui qui offre le Sacrifice de natre de nouveau du Feusacrificiel, du sein de Dieu (SB., IV, 3, 4, 5 ; AB., III, 19, etc.). Mais, dans linterprtationsacrificielle de la totalit de la vie, lardeur, la gnrosit, linnocence et la vracit sontles salaires des prtres (CU., III, 17, 4).

    10 TS., I, 8, 4, 1; AV., III, 15, 5, 6. Cf. Riimt, Mathnaw, VI, 885; et Math., 5, 12, mercesvestra copiosa est in clis.

    11 AA., II, 2, 2. Lui, le Souffle (prna) immanent, . Le point noter est que laSyllabe transcendante (akshara = Om) est la source de tous les sons profrs (cf. CU., II, 23,24), demeurant elle-mme inpuisable (akshara), rpandant mais jamais rpandue.

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    dpend de celle dans laquelle nous nous sommes abandonns nous-mmes. Cesparoles des hymnes sous-entendent une fidlit de faux plutt que des obligationsdaffairistes: Tu es ntre et nous sommes Toi , Que nous soyons tes bien-aims, Varuna, Puissions-nous tre Toi pour que Tu nous donnes untrsor(12). Ce sont l les rapports de baron comte et de vassal suzerain, et non

    pas ceux de changeurs de monnaie. Le langage du commerce survit encore dansdes hymnes aussi tardifs et aussi dvotionnels que celui de Mira Bai:

    Cest Kahn que jai achet. Le prix quil demandait, je lai donn.Certains scrient: Cest beaucoup. Dautres raillent: Cest peu.

    Jai tout donn, pes jusquau dernier grain,Mon amour, ma vie, mon me, mon tout.

    Si lon se rappelle en outre que la vie sacrificielle est la vie active, on verra que

    la conception mme dopration implique le lien de laction et de la dvotion, etque tout acte accompli parfaitement a t ncessairement accompli avec amour, demme que tout acte mal fait la t sans diligence.

    Le Sacrifice, de mme que les paroles liturgiques qui le rendent valable, doittre compris (Erlebt), si lon veut quil soit pleinement effectif. Les actes physiques peuvent, par eux-mmes, comme tout autre travail, assurer desavantages temporels. Sa clbration ininterrompue maintient en fait le courant deprosprit (vasor dhra) sans fin qui descend du ciel comme la pluie fertilisante,laquelle, passant dans les plantes et les animaux, devient notre nourriture etretourne au ciel dans la fume de loffrande consume. Cette pluie et cette fumesont les cadeaux de noces au mariage sacr du Ciel et de la Terre, du Sacerdoce etdu Rgne, mariage qui est impliqu dans lopration tout entire (13). Mais il estdemand plus que les actes purs et simples, si lon veut raliser le dessein ultimedont les actes ne sont que les symboles. Il est dit expressment que ce nest ni par laction ni par les sacrifices que lon peut Latteindre (na ishtam karmannachad... na yajnaih) (14), Celui dont la connaissance est notre bien suprme (15).Il est en mme temps affirm sans cesse que le Sacrifice ne saccomplit passeulement en mode parl et visible, mais aussi en mode intellectuel (manast(16)), silencieusement et invisiblement, lintrieur de nous. Autrement

    dit, la pratique nest que le support extrieur et la dmonstration de la thorie. Ladistinction simpose donc entre le vritable sacrificateur de soi-mme (sadyj,

    satishad, tmayj) et celui qui se contente simplement dtre prsent au sacrifice

    12 RV., VIII, 92, 32 (cf. Platon,Phdon, 62 B, D), V, 85, 8 (galement VII, 19, 7, Indra) et II,11, 1, cf. II, 5, 7; X, 12, 1, 10.

    13 Vasor dhr, TS., V, 4, 8, 1, V, 7, 3, 2 ; SB., IX, 3, 2-3; AA., II, 1, 2; III, 1, 2; MU., VI,37; BG., III, 10 f. etc. Cadeaux de noces, PB., VII, 10 ; AB., IV, 27; JB., I, 145; SB., I, 8, 3,12, etc.

    14RV., VIII, 70, 3.15AA., Il, 2, 3; Kaush. Up., III, 1.16RV.,passim, cf. TS., II, 5, 11, 4, 5; BU., IV, 4, 19.

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    (sattrasad) et dattendre que la dit fasse tout le travail rel (dvayj) (17). Il estmme dit bien souvent que quiconque comprend ces choses et accomplit le bontravail, ou mme sil comprend simplement (sans accomplir effectivement le rite),restitue la dit dmembre dans sa totalit et son intgrit (18); cest par lagnose, et non par les uvres, que lon peut atteindre cette ralit (19). Il ne faut pas

    non plus perdre de vue que le rite, dans lequel est prfigure la fin dernire dusacrificateur, est un exercice de mort, et par l une entreprise dangereuse, o ilpourrait perdre prmaturment la vie. Mais Celui qui comprend passe dun devoir un autre, comme dun courant dans un autre ou dun refuge un autre, pourobtenir son bien, le monde cleste (20).

    Nous ne pouvons dcrire en dtail les dserts et les royaumes du Sacrifice, etnous considrerons seulement le moment le plus significatif de lOffrande(Agnihotra), celui o le Soma offert en oblation est rpandu dans le Feu commedans la bouche de Dieu. Quest-ce que le Soma ? Exotriquement, une liqueur

    enivrante extraite des parties juteuses de plantes varies, mle avec du miel et dulait, filtre, et correspondant lhydromel, au vin ou au sang des autres traditions.Ce jus, toutefois, nest pas le Soma mme jusqu ce que, moyennant laction du prtre, linitiation et les formules, et moyennant la foi, il ait t fait Somatranssubstantiellement (21); et, bien que les hommes, pressant la plante,simaginent boire le Soma vritable, aucun des habitants de la terre ne gote ce queles Brhmanes entendent par Soma (22). Les plantes utilises ne soit pas lavritable plante du Soma, qui pousse dans les rochers et les montagnes (girti,achman, adri), et auxquels il est incorpor (23). Cest seulement -dans le royaumede Yama, dans lautre monde, le troisime ciel, que lon peut avoir part au Soma proprement dit; nanmoins, rituliquement et analogiquement, le sacrificateur,boit le Soma dans le banquet des Dieux sadhamdam devaih somam pibati) etpeut dire: Nous avons bu le Soma, nous sommes devenus immortels, nous avonsvu la Lumire, nous avons trouv les Dieux; que pourrait contre nous linimiti oula tratrise dun mortel, Immortel (24)?

    La pacification ou le meurtre du Roi Soma, le Dieu, est appele juste titrelOblation Suprme. Encore nest-ce pas Soma lui-mme qui est tu, mais

    17 SB., XI, 2, 6, 13, 14, cf. VIII, 6, 1, 10; MU., VI, 9. Voir aussi mon Atmayajina dansHJAS, 6, 1942. Le soi est sacrifi au Soi. Le tmayaiita peut tre compar la telle que linterprte Philon, Spec., I, 248 f., Fug., 115, LA., 11, 56.

    18SB., X, 4, 3, 24.19SB., X, 5, 4, 16. Cf. RV., VIII, 70, 3 ; et AA., III, 2, 6 avec la note de Keith.20SB., X II, 2, 3, 12.21AB., VII, 31; SB., III, 4, 3, 13; XII, 73, 11.22RV., X, 8, 34.23 RV., V, 43, 4; SB., III, 4, 3, 13. Dans le rocher, et non sur le rocher, comme on le

    traduit souvent de faon errone.24RV., X, 113,-VIII, 48, 3; TS., II, 5, 5, 5; III, 2, 5, etc. Le caractre eucharistique du rite est

    vident. Cf. AB., 1, 22: Puissions-nous manger de toi, Dieu Dharma , et Math., 26, 26:Prenez et mangez; ceci est mon corps.

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    26

    seulement son mal (25); cest effectivement pour le prparer son intronisation et sa souverainet que le Soma est purifi (26). Cest l un exemplaire suivi dans lesrites de couronnement (rjasya), et lme modle descriptif de la prparation delme sa propre autonomie (swarj). Car lon ne doit jamais oublier que leSoma tait le Dragon, et quil est sacrificiellement extrait du Dragon comme la

    sve vivante (rasa) est extraite dun arbre dcortiqu. Ce dveloppement du Somaest dcrit en accord avec la rgle selon laquelle les Soleils sont des Serpents quiont abandonn leurs peaux mortes de reptiles: Comme le serpent de sa peautenace, le jet dor du Soma jaillit des pousses (27) meurtries la faon duncoursier qui slance (28). Pareillement le processus de libration de notre Soiimmortel hors de ses enveloppes psycho-physiques (kosha) est un dpouillementdes corps (29), comme lon tire un roseau de sa gaine, ou une flche de soncarquois pour quelle rejoigne sa cible, ou comme un serpent se dpouille de sapeau: comme le serpent se dpouille, ainsi se dpouille-t-on de tout son propre

    mal (30)

    . On saisit mieux maintenant lidentification du Soma avec lEau de laVie, et celle de notre me lmentaire et composite (bhttman) avec les plantes Soma do llixir royal doit tre extraits (31); et lon comprend comment et parqui ce que les Brhmanes entendent par Soma u est consomm dans nos curs(hritsu) (32). Cest le sang de vie de lme draconienne qui offre maintenant ses pouvoirs tout quips leur souverain (33). Le sacrificateur livre aux flammesloffrande de ce qui est lui et de ce quil est ; vid ainsi de lui-mme (34), ildevient un Dieu (35). Quand il abandonne le rite il revient lui-mme, il revient

    25SB., III, 9, 4, 17, 18.26SB., III, 3, 2, 6.27PB., XXV, 15, 4.28EN., IX, 86, 44.29TS., VII, 4, 9; PB., IV, 9, 19-22; JUB., I, 15, 3 f.; III, 30, 2; CU., VIIJ, 13; cf. BU., III, 7,

    3 f.; ,U., VIII, 12, 1. La conqute de limmortalit dans te corps est impossible (SB., X, 4, 3,9; JUB., III, 38, 10, etc.) Cf. Phdon, 67 C: La catharsis (= shuddha karana) est lasparation de lme et du corps dans toute la mesure o cela est possible.

    30SB., II, 5, 2, 47., BU., IV, 4, 7.31MU., III, 3 f.32RV., I, 168, 3; I, 179, 5; cf. X, 107, 9 (antahpyam).

    33 Cf. Philon, LA., II, 56, a rpandre en libation le sang de lme et offrir en encens lesprittout entier Dieu, notre Sauveur et Bienfaiteur.

    34 SB., III, 8, 1, 2; TS., I, 17, 5, 2. Comme ctait au commencement, RV., X, 90, 5 ; SB., III,9, 1, 2.

    35 Les Dieux sont vritables, ou rels (satyam), les hommes faux et irrels (anritam), AB., I,6; SB., I, 1, 1, 4; 111, 9, 4, 1, etc. (les universaux sont rels, les particuliers irrels). Lesacrificateur initi est sorti de ce monde et est temporairement un Dieu. Agni ou Indra (SB.,III, 3, 10, etc. Cf. Philon, Heres, 84, ce nest pas un homme quand il est dans le Saint desSaints); et, sil ne se munissait pas pour le retour au monde des hommes, il serait en dangerde mourir prmaturment (TS., I, 7, 6, 6, etc.), Cest pourquoi il est pourvu la redescente

    (TS., VII, 3, 10, 4

    ; PB., XV II I, 10, 10

    ; AB., IV, 21)

    ; et cest en revenant au mondehumain, au monde dirralit et de mensonge, en redevenant cet homme-ci, Un Tel, une foisencore, quil dit: Maintenant je suis celui que je suis (aharn ya vsmi sosmi, SB., I, 9,3, 23; AB., VII, 24); aveu tragique dtre conscient une fois encore dune vie toujours

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    du rel lirrel. Mais, bien quil dise alors : Maintenant je suis ce que je suis ,ces mots mmes montrent bien quil sagit l dune apparence nayant quuneralit temporaire. Il est n de nouveau du Sacrifice, et il nest pas vraiment abus.Ayant tu son propre Dragon (36), il nest plus rellement quelquun. Luvrea t accomplie une fois pour toutes. Il est parvenu au bout de la route et au bout

    du monde, l o le Ciel et la Terre se tiennent embrasss, et peut ds lorstravailler ou jouer son gr. Cest lui que les paroles suivantessadressent: Lo tuo piacere omai prende per duce... per chio te supra te corono emitrio: Prends dsormais ton plaisir pour guide... je te couronne roi et pape de toi-mme (37). Nous qui tions en guerre avec nous-mmes, nous sommes maintenantrintgrs et en paix; le rebelle a t dompt (dnta) et pacifi (shnta), et, l oles volonts taient en conflit rgne dsormais lunanimit (38).

    Nous ne pouvons faire quune trs rapide allusion un autre aspect trssignificatif du Sacrifice; la rconciliation que le Sacrifice tablit constamment

    entre les pouvoirs en conflit est aussi leur mariage. II y a plus dune manire detuer le Dragon; la flche du Tueur de Dragon (vajra) tant en fait un trait delumire, et le pouvoir gnsique tant lumire, sa signification nest passeulement guerrire mais aussi phallique (39). Cest la bataille damour, qui estgagne quand le Dragon expire. En tant que Dragon, le Soma est identifi laLune; en tant qulixir, la Lune devient la nourriture du Soleil, qui lavale durantles nuits de leur cohabitation (amvsya): Ce qui est mang est nomm du nom dumangeur, et non par son propre nom (40); en dautres termes, qui dit ingestion ditassimilation. Selon les paroles de Matre Eckhart l lme sunit Dieu commelaliment lhomme, devenant il dans lil, oreille dans loreille ; ainsi en Dieu

    limite, toujours corporelle et terrestre (Macdonald, Phantastes, 1858, p. 317). Car il nepeut y avoir de plus grande douleur que de percevoir que nous sommes encore ce que noussommes (Cloud of unknowing, ch. XLIV). Il ny a pas de plus grand crime que ton tre a(Shams-i-Talviz).

    36TS., II, 5, 4, 4.37Purgatorio, XXVII, 131, 142.38 BG., VI, 7, Jittmanah prashntasya paramtma samhitah: Le Suprme Soi du soi

    individuel estapais (samhitah = en samdhi) quand ce dernier a t conquis etpacifi. Cf. Dh., 103-105 kam cha jyya attnam sa v sangma-juttamo... att hav

    jitam... nvadvo... apajitam kayira... bhvitattnam. Celui qui gagne cette bataille(psychomachie, jihad) est le vritable Conqurant (jina). Observer que pacifier estlittralement procurer le repos. Shnti, la paix, nest pas pour un soi qui ne veut pasmourir. La racine sham se trouve aussi dans shamayitri, le boucher qui a apaise lavictime dans le rituel extrieur (RV., V, 43, 3; SB., III, 8, 3, 4, etc.) ; le sacrificateurapaise (shamayati) le feu de la colre de Varuna (TS., V, 1, 6; SB., IX, 1, 2, 1); en nous,cest le plus haut soi qui pacifie le soi individuel, qui apaise son feu. Quiconque dsiretre a en paix avec lui-mme doit tre mort lui-mme. Cf. Rpublique, 556 E; Gorgias,482 C; Time, 47 D; et HJAS., VI, 389, 1942 ( On Peace D).

    39 CI. RV., 1, 32, 5 vairna = II, 11, 5, viryna comme dans Manu, vryam avasrijat, etdans le sens de RV., X, 95, 4, snathit vaitasna. Sur le fier baiser, le Dsenchantement

    par un Baiser, voir W. H. Schofield, Studies on theLibeaus Desconus, 1895, 199 ff., et monThe Loathly Bride, Speculum, 20, 1945.

    40SB., X, 6, 2, 1.

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    lme devient Dieu; car je suis ce qui mabsorbe, plutt que moi-mme (41).Comme le Soleil engloutit lAube ou dvore la Lune dans le Monde extrieur etvisible, chaque jour et chaque mois, en nous se consomme le mariage divin quandles entits solaire et lunaire de lil droit et de lil gauche, os et Psych, la Mortet la Dame, entrent dans la caverne du cur, sy unissent comme lhomme et la

    femme sont unis dans le mariage humain ; cest l leur suprme batitude (42).Dans cette synthse extatique (samdhi), le Soi a retrouv sa condition primordiale,celle dun homme et dune femme troitement embrasss (43), au-del de touteconscience dune distinction entre un dedans et un dehors (44). Tu es Cela.

    Il nest pas tonnant alors de lire que si quelquun sacrifie sans connatre cetteoffrande intrieure, cest comme sil jetait les brandons de ct et faisait loblationdans la cendre (45). Rien dtonnant non plus ce que le rite ne soit pas seulementsaisonnier mais quil demande tre accompli tous les trente-six mille jours dunevie de cent ans (46), et que, pour celui qui comprend cela, tous les pouvoirs de

    lme difient sans cesse son Feu, mme quand il dort (47).Cette conception du Sacrifice comme une opration incessante, et comme lasomme du devoir humain, trouve son achvement dans une srie de textes ochaque fonction de la vie active, jusquaux actes de respirer, de manger, de boire, desamuser, est interprte en mode sacramentel, et o la mort nest que la catharsisfinale. Et cest l, en dfinitive, la fameuse Voie des uvres (karma mrga) delaBhagavad-Gt, o accomplir sa propre vocation, dtermine par sa propre nature(swakarma, swabhvatas, , ), sans mobiles dordreindividuel, est la route de la perfection (siddhi).

    Nous avons accompli le cycle entier, non dune pense en volution, mais denotre propre comprhension, depuis le point o notre travail est la parfaiteclbration des rites, jusquau point o laccomplissement parfait de nos travaux,quels quils puissent tre, est lui-mme la clbration du rite. Le Sacrifice, ainsientendu, ne consiste plus seulement accomplir en certaines circonstances des actesspcifiquement sacrs, mais sacrifier ( rendre sacr) tout ce que nous faisons ettout ce que nous sommes, sanctifier chaque acte naturel par une rduction detoutes les activits leur principe. Nous disons naturel intentionnellement, pourfaire entendre que tout ce qui est fait naturellement peut tre sacr ou profaneselon notre degr de connaissance, mais que tout ce qui nest pas fait

    naturellement est essentiellement et irrvocablement profane.

    41 Matre Eckhart, Evans, I, 287, 380. Ainsi notre bien le plus grand est dtre dvor par Noster Deus ignis consumans. Cf. Speculum, XI, 1936, p. 332, 333, et dautre partDante,Paradiso, XXVI, 51, Con quanti denti questo amor ti morde? Son baiser, qui est la fois Amour et Mort, nous veille au devenir, ici-bas, et sa morsure damour nous veille ltre l-haut. Cf. mon Sun-kiss dans JAOS., 60, 1940.

    42SB., X, 5, 2, 1i, 12.43BU., I, 4, 3.44BU., IV, 3, 21.45SA., X, cf. SB., 11, 2, 4, 7, 8 ; M., 1, 77.46SB., X, 5, 3, 3; AA., II, 3, 8.47SB., X, 5, 3, 12.

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    LOrdre social

    thique, en tant que prudence ou en tant quart, nest pas autre choseque lapplication scientifique des normes doctrinales aux problmescontingents. Bien agir ou bien faire nest pas une question de volont, mais

    de conscience ou de lucidit, le choix ntant possible quentre lobissance et larbellion. Autrement dit, les actions sont dans lordre ou contre lordre,exactement de la mme faon que liconographie est correcte ou incorrecte, enforme ou informe (1). Lerreur, cest de manquer la cible; on doit lattendre detous ceux qui agissent selon leurs instincts, pour se plaire en eux-mmes.Lhabilet (kaushalya = ) est vertu, dans lagir comme dans le faire ; il estncessaire dinsister l-dessus parce quon est arriv perdre de vue que le pchexiste aussi bien en art quen morale. Le yoga est habilet dans les uvres (2).

    1 En fait, de mme que la forme des images est prescrite dans les Shilpa-Shstras, celle desactes est prescrite dans les Dharma-Shstras. Art et prudence sont lun et lautre dessciences, qui ne se distinguent de la mtaphysique pure que par le fait de leur application aux

    factibilia et aux agibilia. Le fait quil sagit dune application des problmes contingentsintroduit un lment de contingence dans les lois elles-mmes, qui ne sont pas les mmes

    pour toutes ls castes, ni tous les ges. En ce sens, la tradition est susceptible dadaptationaux conditions changeantes, pourvu que les solutions soient toujours directement obtenues

    partir des premiers principes, qui jamais ne changent. Autrement dit, alors mme que lamodification des lois est possible, celles-l seules pourront tre dites authentiques qui restentrductibles la Loi ternelle. De mme la varit des religions est une application ncessaire

    et rgulire des purs principes mtaphysiques correspondant la varit des besoinshumains, chacune dentre elles pouvant tre dite la vraie religion dans la mesure o ellerflchit les principes ternels. En disant cela nous faisons une distinction entre lamtaphysique et la philosophie, et nous nentendons pas suggrer que quelque

    philosophie systmatique ou naturaliste puisse prtendre la validit de la thologie,quAristote place au-dessus de toutes les autres sciences (Mtaphysique, 1, 2, 12 f. ; VI,1,10 f.).

    2 BG., 11, 50; le Yoga est aussi le renoncement (sannysa) aux uvres (BG., VI, 2). Endautres termes, yoga ne signifie pas faire moins ou plus quil ne faut, ni ne rien faire dutout, mais agir sans attachement au fruit des actes, sans penser au lendemain; celui-l voit lavrit, qui voit linaction dans laction. et laction dans linaction (BG., IV, 18 et passim).Cest la doctrine chinoise du wu wei.Leyoga, cest littralement et tymologiquement le joug, tel celui des chevaux; et, sousce rapport, on ne doit pas perdre de vue quaux Indes, comme dans la psychologie grecque,les chevaux du vhicule corporel sont les facults sensibles par quoi il est tran ici ou l,

    pour le bien ou pour le mal, ou vers le but ultime si les chevaux sont sous le contrle duconducteur, auquel ils sont joints par les rnes. Lindividualit est lattelage, le ConducteurIntrieur ou Homme Intrieur est le cavalier. Lhomme, alors sattelle lui-mme comme uncheval qui comprend (RV., V, 46, 1).En tant que discipline physique et mentale, le Yoga est Contemplation, dharana, dhyna, et

    samdhi, correspondant aux consideratio, contemplatio et excessus ou raptus chrtiens.

    Dans sa consommation et sa signification totale, le yoga implique la rduction des chosesspares leur principe dunit, et par l ce que lon appelle parfois lunion mystique;mais il doit tre clairement entendu que le yoga diffre de lexprience mystique en cequil nest pas une mthode passive, mais bien active et contrle. Le yogi parfait peut passer

    L

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    L o tout sordonne la f n de la nature humaine, et o cest luvresacrificielle qui constitue la voie par laquelle se ralisent les fins actuelles etsuprmes de la vie, la forme de la socit sera videmment dtermine par lesexigences du Sacrifice; et le sens de cet ordre (yathrthat) et de son impartialit(samadrishti) sera de mettre chaque homme en mesure de devenir ce quil est en

    puissance, de lempcher de sgarer. Nous avons vu que cest ceux quimaintiennent fidlement le Sacrifice quest faite la promesse dpanouissement. Dslors, le Sacrifice accompli in divinis par le Matre duvre universel(Vishwakarma, omnifaisant), demande, pour tre imit ici-bas, la coopration detous les arts (vishw karmni) (3), par exemple ceux de la musique, delarchitecture, de la charpente, de 1 agriculture, et celui de la guerre pour assurer laprotection du rite. La politique des communauts cleste, sociale et individuelle estgouverne par une seule et mme loi. Lexemplaire de la politique cleste est rvldans lcriture et reflt dans la constitution de ltat autonome et dans celle de

    lhomme qui se gouverne lui-mme.Dans cet homme, quand sa vie sacramentelle est complte, il y a une hirarchiedes pouvoirs sacerdotal, royal et administratif, ainsi quune quatrime classe formedes organes physiques d